L'intervention de M. de Courson éclaire utilement les choses. Il ne s'agit manifestement pas d'un simple contrôle notarial, par lequel le Conseil constitutionnel se contenterait de vérifier la présence dans la loi-cadre d'un certain nombre d'éléments. Cela ira évidemment au-delà.
Comment pourrait-il en être autrement ? Des gouvernements d'orientations politiques diverses ont, ces dernières années, présenté au Parlement des lois de finances initiales fondées sur des hypothèses de croissance économiques qui se sont ensuite révélées infondées ou irréalistes. Il est finalement assez simple, monsieur de Courson, d'afficher un équilibre budgétaire en retenant une hypothèse de croissance de nature à procurer un volume de recettes suffisant pour atteindre cet équilibre.
Je ne doute pas, par conséquent, que les lois de finances et de financement de la sécurité sociale, surtout si elles doivent être soumises automatiquement au Conseil constitutionnel, veilleront à respecter l'équilibre, quitte à adapter, le cas échéant, ce paramètre essentiel qu'est le taux de croissance estimé pour l'année à venir, de façon à satisfaire, sur le papier, cet objectif.
Dès lors, et puisque ces lois de finances et de financement seront soumises au Conseil constitutionnel, celui-ci pourra-t-il, devra-t-il estimer la vraisemblance de l'hypothèse de croissance formulée pour l'année à venir, et sur laquelle repose la loi de finances ou de financement qui lui a été soumise ? Si l'on répond par l'affirmative, cela veut dire qu'il jouera un rôle dont lui-même ne veut à aucun prix, et que le Gouvernement semble curieusement vouloir lui confier. Et, dans le cas contraire, cette réforme aura été un coup d'épée dans l'eau, le Conseil constitutionnel refusant de jouer le rôle de garde-fou que certains veulent lui conférer.
Dans les deux cas, nous serons dans une situation insatisfaisante, soit que le Conseil ne joue pas le rôle que le constituant lui aura assigné, soit qu'il le joue et que la représentation nationale le regrette finalement, car il se substituerait à la volonté du législateur.