La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Ce matin, l'assemblée a commencé l'examen des crédits de la mission « Justice ».
Nous poursuivons les questions.
Pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, la parole est à Mme Catherine Quéré.
Madame la ministre de la justice, avant que de commencer, je vous signale que je vous ai écrit à propos de la réforme de la justice, mais que vous ne m'avez pas répondu.
Madame la garde des sceaux, vous avez dit qu'une réforme pénitentiaire était aujourd'hui nécessaire, et que vous iriez jusqu'au bout, quoi qu'on dise, sans qu'aucune discussion soit possible dans le cadre du budget de la justice 2008. Or vous avez complètement oublié la réinsertion sociale des détenus par l'insertion professionnelle et la formation, qui, comme l'a souligné M. le rapporteur spécial, ne bénéficie d'aucune augmentation dans ce budget.
Dans mon département, le désengagement de l'État a provoqué la rupture du partenariat entre le centre de détention de Bédenac et le centre de formation professionnelle et de promotion agricoles du lycée Georges-Desclaude de Saintes. Cela est fort regrettable, madame la ministre, car cette formation donnait depuis 17 ans des résultats très satisfaisants en matière de réinsertion sociale, avec de faibles taux de récidive. Les détenus qui suivaient cette formation – horticole, en l'occurrence – étaient rémunérés. Cette rémunération leur permettait non seulement de « cantiner » et de préparer leur sortie de prison, mais aussi d'indemniser les victimes. Malgré le rétablissement tardif de la rémunération, cette formation est aujourd'hui morte et enterrée. Les détenus ont perdu une chance de réinsertion, et les victimes un moyen d'être indemnisées. Dans le même temps, le centre de détention va être agrandi afin d'accueillir 100 détenus supplémentaires ; il verra sa capacité d'accueil quasiment doubler, pour s'établir à 220 détenus. Voilà un exemple de ce qui se passe sur le terrain.
Cette réalité contredit les objectifs affichés dans le budget. L'objectif 6, notamment, affirme la volonté de l'État de favoriser les conditions d'insertion professionnelle des détenus. Dans ce cas, pourquoi provoquer la rupture de partenariats qui avaient fait leur preuve ? Nous nous interrogeons sur la sincérité de ce budget et de votre politique.
En vérité, vous donnez la priorité à l'enfermement, sans prévoir les moyens nécessaires à une réelle politique de réinsertion. Ne pensez-vous pas qu'une réforme pénitentiaire ne saurait être seulement quantitative, mais qu'elle doit être également qualitative, notamment en matière de réinsertion sociale ? Et cela, le budget de la justice pour 2008 ne le prévoit pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Madame la députée, je vous remercie de cette question qui me donne l'occasion de rappeler que la réinsertion est pour nous essentielle, notamment dans le cadre de l'aménagement des peines et des alternatives aux poursuites.
L'aménagement des peines dépasse aujourd'hui, pour la première fois, le taux de 45 % ; 10 % des condamnés en bénéficient, grâce notamment aux bracelets électroniques, dont nous avons élargi les modalités d'utilisation. Depuis le mois de juin, j'ai installé dans toutes les cours des conférences régionales semestrielles d'aménagement des peines. Les premières ont eu lieu cet été, les deuxièmes se tiendront d'ici la fin de l'année. Résultat : malgré les vacances judiciaires, le taux d'aménagement a été encore augmenté !
S'agissant des crédits du ministère du travail affectés à la réinsertion des détenus par le travail, ils se montent à 10 millions d'euros. Pour sa part, le ministère de la justice consacre à la réinsertion au sens large 340 millions d'euros – qui ont été inscrits au budget. Tout un volet du projet de loi pénitentiaire sera consacré à la réinsertion et à la formation professionnelle des détenus, afin notamment de lutter contre la récidive ; je vous renvoie aux premières conclusions du comité d'orientation restreint.
Quant au lycée que vous avez évoqué, je suis tout à fait disposée à étudier sa situation.
Je tiens enfin à apporter une précision concernant l'aide juridictionnelle, car il y a eu tout à l'heure une légère confusion. C'est un sujet que j'ai abordé avec les avocats : nous avons discuté des compensations envisageables dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire, puis évoqué plus largement les dossiers qui concernent la profession – notamment celui de l'aide juridictionnelle, que j'examinerai d'ici la fin de l'année. J'ai évoqué ce matin l'excellent rapport du sénateur du Luart, qui explore de nombreuses pistes, dont l'instauration d'un ticket modérateur ; mais il ne s'agit pas d'une proposition du Gouvernement !
Monsieur le président, nous avons prié tout à l'heure Mme la ministre de nous donner certaines informations. Nous venons d'en obtenir une à l'instant : si nous avons bien compris, le Gouvernement a pensé à ce projet,…
…mais ne le met pas en oeuvre. Nous suivrons donc les développements de cette affaire et le devenir du dit projet. Et nous nous préparons à débattre de la mise en oeuvre d'une nouvelle taxe, non plus sur les malades, mais sur les victimes !
En revanche, monsieur le président, nous n'avons toujours pas obtenu de réponse à l'autre question que nous avions posée ce matin. C'était pourtant une demande précise, formulée par quatre orateurs de notre groupe, concernant la réunion, dont le contenu vient d'être rendu public par un quotidien, entre les députés de la majorité et la ministre – tandis que nous autres, membres de l'opposition, n'aurions que cette pauvre tribune pour tenter de faire valoir nos arguments ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous sommes les représentants de la nation au même titre que d'autres ! Je voudrais que Mme la ministre s'engage ici, avec la solennité et la gravité dont elle est coutumière, à nous recevoir nous aussi pour discuter des problèmes posés par la nouvelle carte judiciaire, afin que tous les députés soient traités de manière égale, qu'ils soient de la majorité ou non ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je demande sur ce point une réponse immédiate de Mme la ministre, qui a la possibilité de s'exprimer à tout moment.
Par ailleurs, je note que M. le président de la commission des lois conserve toujours le silence. J'aimerais savoir quelle est sa position sur la réforme en cours, lui qui, dans son département, manifeste en compagnie des élus de gauche contre les projets de Mme la ministre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Personnellement, je fais confiance aux parlementaires, notamment d'une circonscription voisine, qui me disent négocier des compensations… Et je trouve dommage qu'on en soit réduit à devoir les rencontrer avant qu'ils se rendent à Matignon ! Tout comme je trouve dommage de proposer des compensations sous forme de création de nouveaux services publics à des territoires qui souffrent sur le plan judiciaire ! Quelque chose ne va pas : l'aménagement du territoire et les questions de justice sont deux choses bien différentes !
Par ailleurs, il y a dans cet hémicycle d'anciens ministres de la justice – M. Clément, par exemple.
Comment peut-on dire, ou laisser entendre, qu'il y aurait d'un côté les couards, les peureux, ceux qui n'ont rien compris à l'histoire depuis 1948, et de l'autre ceux qui ont le courage de réformer la carte judiciaire ? Il faut respecter un minimum la fonction ! Si la ministre actuelle trouve que ses prédécesseurs ont tous été très mauvais, qu'elle le dise une fois, passe encore, mais il faut qu'elle sache s'arrêter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Troisièmement : ceux qui supportent avec enthousiasme cette réforme de la carte s'abritent derrière le rapport de la commission d'enquête sur l'affaire d'Outreau. Or j'ai lu et relu ce rapport, de la page 364 à la page 369 : pas une fois, il n'y est question de tribunaux d'instance ; il ne parle que des tribunaux de grande instance. Il va même jusqu'à donner, page 368, une estimation du coût de la création de pôles d'instruction : 6,3 millions d'euros ! Les parlementaires de la commission d'enquête sont donc allés très loin s'agissant de la réorganisation des tribunaux de grande instance.
La réforme n'est donc absolument pas liée aux conclusions de la commission « Outreau ».
Enfin, on a vu tout à l'heure M. Mariani « récupérer » un tribunal d'instance en séance. Certaines propositions, concernant par exemple la Bretagne – et je sais que M. Le Fur est très attaché à cette région – vont bien au-delà de ce que proposent les rapports des présidents de cour. Nous ne disposions pas de ces rapports lorsque nous vous avons rencontrée, madame la ministre. Nous ne disposions pas non plus – et cela nous surprend – du rapport du comité dont vous parliez ce matin. Quels sont ces élus qui ont refusé la création de tribunaux de première instance ? Nous devons le savoir, afin de pouvoir les rencontrer et discuter de nouveau avec eux – car tout le monde était d'accord, me semble-t-il, pour dire que la réforme de la carte judiciaire était impérative après l'élargissement des compétences des tribunaux d'instance.
Il est question d'audiences foraines. Je parle d'expérience : pendant toute la campagne de 2002, l'UMP m'a reproché de n'avoir pas eu le courage de créer un tribunal pour enfants à Morlaix – mais, aujourd'hui, on supprime le tribunal de grande instance ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Il y avait donc des audiences foraines. Mais le juge, comme il lui fallait une heure et demie pour faire l'aller-retour,…
…a dû les abandonner. En termes de développement durable, de temps perdu par les magistrats et les fonctionnaires, et de prix – aller jusqu'à Brest ou de Guingamp à Saint-Brieuc revient à 33 euros – ces déplacements se sont avérés impossibles, parce que trop coûteux. Résultat, cette situation crée une injustice : en Bretagne centrale, il n'y a plus rien. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Vous prétendez qu'il n'y a pas de liens entre les tribunaux d'instance et la commission « Outreau ».
Ne vous énervez pas, madame Lebranchu. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La commission « Outreau » a conclu à la nécessité de réformer la carte judiciaire afin de rompre l'isolement des juges et de regrouper les moyens, dont la dispersion nuit à la qualité de la justice : sur 475 tribunaux d'instance, une centaine ne compte ni magistrats, ni fonctionnaires, ni greffiers ; dans d'autres, les juges ne sont pas employés à plein temps. Pour une meilleure qualité de la justice, il est donc important de les regrouper. À Forcalquier, par exemple, il n'y a pas de magistrat depuis des années ! Voilà ce que signifie « regrouper les moyens de la justice et réformer la carte judiciaire ».
Le rapport Outreau préconise de regrouper les moyens…
…et de rompre l'isolement du juge. Or les tribunaux d'instance, ce sont beaucoup de juges seuls, dans des sites isolés. Il est donc important de regrouper les moyens.
Oui, car je m'efforce de répondre à votre question, madame Lebranchu !
En ce qui concerne les rapports des chefs de cour, il convient de les examiner un par un et de les mettre en ligne le jour où je rencontre les fonctionnaires, les greffiers, les magistrats et les chefs de cours concernés : ils peuvent ainsi entendre les propositions et les suggestions d'ajustements auxquels nous avons procédé. En revanche, les propositions et les orientations du comité consultatif ont été mises en ligne dès le 30 septembre car elles étaient de nature générale – il ne s'agissait pas de propositions ou d'orientations particulières.
S'agissant de l'élargissement des compétences et des audiences foraines, vous craignez que les magistrats ne passent leur journée sur la route. Tel ne sera pas le cas, puisqu'il s'agira de regroupements d'audiences portant sur des contentieux précis : une audience par mois suffira donc ! Fort heureusement du reste, les justiciables ne vont pas tous les jours au tribunal ! Les audiences seront donc organisées en toute responsabilité avec les chefs de cours et cette nouvelle organisation permettra d'améliorer la qualité de la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame la garde des sceaux, ma question portera sur le programme pénitentiaire, mais je tiens tout d'abord à vous signaler que le Tarn-et-Garonne n'échappe pas lui non plus à la colère de ses avocats, puisque son barreau a voté hier soir à l'unanimité une grève générale et illimitée contre la suppression des cabinets d'instruction à Montauban au profit de la création d'un pôle d'instruction régionale à Toulouse.
La situation catastrophique des prisons françaises est connue de tous, elle fait même consensus, et on ne compte plus les rapports qui dressent le même constat accablant : les atteintes à la dignité et aux droits de l'homme sont une humiliation pour la République. Il y a urgence, chacun le reconnaît.
Alors, à quand la rupture ? Certainement pas en 2008, puisque à regarder de près les crédits accordés à l'administration pénitentiaire, force est de constater que l'insuffisance des moyens continue de refléter le manque d'ambition. En effet, si le budget augmente, la tendance générale pour les crédits d'investissement est à la baisse – moins 30 %. Une fois de plus la priorité est donnée à la création de nouveaux lieux d'enfermement, mais les moyens sont dérisoires au regard de ceux qu'il faudrait accorder pour lutter efficacement contre la surpopulation carcérale. En 2012 – le rapporteur spécial l'a rappelé – la population détenue devrait s'élever à 72 000 personnes. Or – je cite son rapport – « à l'issue de l'actuelle programmation, le parc pénitentiaire atteindra 60 700 places, dont 30 000 auront moins de vingt ans. » Il manquera donc de nouveau 10 000 places, ce qui implique « d'envisager dès à présent un nouveau programme », ce qui a le mérite de la clarté : à ce rythme, le combat est perdu d'avance.
Madame la garde des sceaux, quand aborderez-vous la question de la prison d'un point de vue général, c'est-à-dire sous un autre angle que celui de l'enfermement ? Quand proposerez-vous des alternatives ? Quand ferez-vous de l'accompagnement et de la réinsertion le meilleur moyen de lutter contre la récidive ? Quand revaloriserez-vous le métier de surveillant ?
Bref, quand aurez-vous les moyens politiques et budgétaires de nous présenter la loi pénitentiaire que vous ne cessez de différer ? Quand pourrons-nous enfin repenser la prison afin de commencer à la changer ? Faudra-t-il attendre une alternance politique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Si les avocats sont désormais en grève sur la question des pôles de l'instruction, cela ne concerne plus la carte judiciaire. Les pôles de l'instruction n'ont en effet rien à voir avec la question de la justice de proximité puisqu'il s'agit de pôles techniques créés par la loi du 5 mars 2007 pour éviter de nouveaux « Outreau ». Il ne peut donc y en avoir partout, d'autant qu'ils doivent rassembler trois juges d'instruction traitant chacun au moins soixante affaires. L'implantation des pôles d'instruction répond donc à des critères objectifs !
En ce qui concerne les prisons et la population carcérale, je tiens à vous faire remarquer que depuis 2002 des programmes immobiliers sans précédent ont été mis en oeuvre. Du reste, seuls des gouvernements de droite ont décidé de tels programmes ! Jamais la gauche n'a construit une place de prison !
Nos prisons ne sont pas à l'honneur de la France, c'est vrai ! Mais il est tout aussi vrai que les chantiers ouverts par le Gouvernement et la majorité permettront d'accueillir dans le respect de leur dignité ceux que la justice aura condamnés. La prison, ce n'est pas le bannissement ! Elle doit également tendre à la réinsertion, ce qui implique qu'un condamné puisse exécuter sa peine dans de bonnes conditions et donc qu'on construise des prisons ! Or seule la droite, je le répète, s'est attaquée à cette question : 63 000 places de détention sont prévues pour 2012. Dès à présent, le budget 2008 finance sept nouveaux établissements et la création de 1 100 postes dans l'administration pénitentiaire, dont 150 pour l'insertion et la probation – je rappelle qu'entre 2002 et 2007, une première création de 1 000 postes destinés à l'insertion et à la probation a représenté une augmentation sans précédent.
Nous avons donc consacré des moyens énormes à l'insertion et à la probation !
Par ailleurs – je l'ai déjà dit –, nous avons atteint cette année un taux record d'aménagement des peines et nous continuons en ce sens tout en développant les alternatives à l'emprisonnement. C'est ainsi que j'ai signé le 1er août dernier un décret visant à élargir le recours au bracelet électronique mobile : jusque-là utilisé dans le seul cadre de la libération conditionnelle, il pourra désormais l'être dans le cadre des alternatives à l'emprisonnement. L'aménagement des peines entre donc bien dans les priorités du Gouvernement.
Enfin, alors qu'aucun projet de loi pénitentiaire n'a été soumis au Parlement depuis 1987, nous en préparons un qui vous sera présenté dans quelques mois.
Madame la garde des sceaux, le budget de votre ministère soulève de nombreuses interrogations, alors même que la dette publique de la France s'élève à plus de 1 200 milliards d'euros, puisqu'il a vu ses crédits augmenter de 39 % depuis 2002 sans résultats probants. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En effet, si le taux de réponse pénale a progressé de 14 % sous le dernier quinquennat, les observateurs ont noté que sur la même période le nombre de décisions rendues a baissé de quelque 7 %, ce qui révèle le degré de saturation de nos tribunaux en matière de traitement des dossiers.
L'engorgement des tribunaux français est une réalité à laquelle vous entendez répondre en créant 1 615 nouveaux postes l'année prochaine. Ces recrutements ont pour objectif – je vous cite – de favoriser « une justice plus rapide, plus compréhensible et plus facile d'accès ». Vous prévoyez, à cette fin, de consacrer également 67 millions d'euros au développement de programmes informatiques accessibles au plus grand nombre. Cette intention est louable, mais elle ne tient malheureusement pas compte des 37 millions de Français qui n'ont pas encore accès à Internet ! Un tel chiffre aurait dû pourtant vous inciter à envisager sous un angle moins drastique la réforme de la carte judiciaire à laquelle vous procédez. La suppression de près de la moitié de nos tribunaux d'instance ne sera jamais compensée par l'essor de l'informatique.
Pire : nous risquons d'assister à une rapide saturation des pôles judiciaires que vous entendez créer à l'échelle de chaque département par souci d'économie. C'est pourquoi, madame la garde des sceaux, je vous demande de poursuivre la concertation préalable à la réforme.
Il est vrai qu'en ce qui concerne la cour d'appel de Rennes, vous l'avez organisée à votre manière. À votre demande, je vous ai écrit fin septembre pour vous faire part de mes propositions, qui convergent avec celles du premier président de la cour d'appel de Rennes.
L'une d'elles vise à mutualiser les services des tribunaux d'instance de Vitré et de Fougères.
Je souhaite, madame la garde des sceaux, pouvoir étudier cette proposition avec vos services. Je tiens en effet à vous rappeler que la réforme de la carte judiciaire ne concerne pas seulement la justice, que ce soit en termes d'efficacité, de qualité ou de proximité,…
…mais également l'aménagement du territoire, la présence de services publics participant de l'attractivité des villes moyennes et des territoires ruraux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du GDR.)
Monsieur le député, je vous rappelle que mon cabinet vous a reçu afin d'examiner vos propositions : or, comme l'activité des deux tribunaux de Vitré et de Fougères ne justifie pas l'affectation d'un magistrat à plein-temps, leur regroupement n'est pas possible. Nous avons toutefois tenu compte de l'aménagement du territoire puisque nous créons à Loudéac un guichet unique du greffe, ce qui permettra de centraliser l'accès à la justice – il s'agissait du reste d'une proposition des chefs de cour.
En ce qui concerne la question de la performance, il ne suffit pas d'augmenter les moyens et de les disperser : pour assurer un meilleur fonctionnement de la justice il convient plutôt de les regrouper en vue d'en rationaliser l'attribution. À cette fin, il faut sans doute réformer la procédure – ce qui suppose l'adoption d'une loi en ce sens –, mais également les structures : telle est l'objectif de la réforme de la carte judiciaire. C'est le regroupement des moyens, je le répète, qui permettra d'accroître la qualité de la justice. Enfin, les chefs de cours ont déjà réalisé d'importantes économies en matière de frais de justice. Je le répète : la réforme de la carte judiciaire, qui est une réforme des structures, contribuera pour une large part à l'amélioration de la performance des tribunaux et à la réalisation d'économies substantielles.
Nous en venons à la dernière question du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
La parole est à M. Arnaud Montebourg.
…laissé derrière elle des déserts judiciaires dans le monde rural. Vous l'aurez fait…
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Avec courage !
…en employant une méthode inacceptable, et beaucoup s'en souviendront – nous vous prévenons ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
À la violence politique, vous ajoutez le clientélisme et les passe-droits en faveur de vos amis politiques, et là encore beaucoup s'en souviendront (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)…
…tandis que votre inconséquence est à la mesure de votre incompétence ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En effet, comme Marilyse Lebranchu l'a excellemment noté, vous osez vous abriter…
…derrière le rapport Outreau, qui n'a jamais évoqué les tribunaux d'instance, pour justifier la disparition de 250 de ces tribunaux sur les 420 que compte le territoire !
Ce n'est pas vrai ! Du reste, vous n'étiez pas membre de la commission d'Outreau, alors que j'en étais, moi !
Et à nos questions, la seule réponse que vous apportez consiste dans une formule, la dernière que vous ayez inventée, « la justice à domicile » pour les quelque 800 000 personnes sous tutelle, alors que nous savons parfaitement que la justice ne saurait être rendue dans les hôpitaux ou les maisons de retraite ! Il s'agit là d'une argumentation aussi fallacieuse que grotesque !
Au nom de l'ensemble des députés socialistes mobilisés sur ce dossier, je voudrais vous faire part du communiqué, paru il y a quelques minutes dans la presse, du maire d'Aubusson, par ailleurs conseiller général de la Creuse, qui, alors qu'il vous avait demandé d'être entendu sur le maintien dans sa ville du tribunal d'instance, déclare : « J'ai pris la grave décision d'entamer une grève de la faim aujourd'hui pour protester contre cette décision unilatérale. Je déplore que ce soit là l'ultime moyen de se faire entendre d'un pouvoir qui choisit délibérément d'ignorer le point de vue des représentants élus du monde rural ».
Le monde rural se souviendra longtemps des mauvaises manières que vous lui aurez réservées.
Enfin, pour montrer le degré d'improvisation et de dureté avec lesquels vous prétendez diriger le ministère de la justice, (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) je tiens à rappeler que vous avez évoqué tout à l'heure franchises et ticket modérateur à propos de l'aide juridictionnelle.
C'est mon dernier point, monsieur le président ! Et même si cela doit écorcher quelque peu certaines oreilles, il est bon que ces choses soient dites !
Il y a tout juste un quart d'heure, le président du groupe UMP, M. Copé, s'est déclaré surpris de l'évocation par la ministre de la justice d'une franchise sur l'aide juridictionnelle. Vous ne discutez même pas avec vos propres amis, avec les dirigeants de votre propre groupe avant de lancer vos réformes ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
C'est à votre propre majorité désormais de vous réguler, de vous modérer, bref, de limiter vos excès, vos abus, aussi lançons-nous un appel en ce sens à nos honorables collègues de la majorité. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ne nous laissons pas faire car il y aura quelques retours de bâton (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),…
…et la facture politique n'est jamais très loin quand l'arrogance se manifeste. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je vais vous répondre, monsieur Montebourg, à propos de l'incompétence que vous me prêtez. Je crois avoir pu constater la vôtre, d'incompétence (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), pendant la campagne électorale et sur des sujets de fond, sur lesquels vous vous êtes montré totalement ignorant.
Pour le reste, je ne répondrai pas,…
…parce que je suis profondément respectueuse des élus et de leur travail sur le terrain. Je ne répondrai pas à vos injures, monsieur Montebourg. Vous avez été incorrect et irrespectueux.
Vous avez dépassé les bornes, monsieur le député ! (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'appelle les crédits de la mission « Justice », inscrits à l'état B.
Avant de passer à l'examen des amendements, je vous informe que sur le vote des crédits de cette mission, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Arnaud Montebourg. (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Après les attaques injustifiées de la ministre de la justice – qui n'assume pas la moindre critique sur sa gestion –, les députés de mon groupe ont besoin de se réunir afin d'arrêter leur position pour la suite de la discussion. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La suspension est de droit, monsieur le président !
Mission « Justice »
La séance est suspendue pour cinq minutes.
(La séance, suspendue à quinze heures trente, est reprise à quinze heures quarante.)
Je vous informe que sur l'amendement n° 224 , je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée.
La parole est à Mme Marie-Lou Marcel, pour soutenir cet amendement.
Madame la ministre, les crédits demandés pour l'accès au droit et à la justice s'élèvent, pour 2008, à 368 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 335 millions d'euros en crédits de paiement. Les crédits alloués à l'aide juridictionnelle sont en diminution de plus de 3 % par rapport au budget 2007, d'ailleurs lui-même insuffisant.
Le rétablissement de crédits de 8,9 millions d'euros annoncés par le Gouvernement est purement hypothétique. L'amendement propose donc de redéployer les crédits à hauteur de 30 millions d'euros pour abonder le programme de l'aide juridictionnelle.
On sait qu'en 2008, en effet, le nombre de demandes sera supérieur à celui de 2007. On peut prévoir à l'avance que l'aide juridictionnelle manquera de crédits bien avant la fin de l'année 2008. Les réformes engagées comme celle de la carte judiciaire et la mise en place des pôles de l'instruction auront un effet mécanique aggravant sur l'aide juridictionnelle, effet qui n'a pas été budgétisé pour 2008.
En lançant cette réforme, madame la ministre, avez-vous pensé au traitement infligé aux usagers de la justice et en particulier aux plus modestes d'entre eux ? Dans mon département de l'Aveyron, 50 % des citoyens sont éligibles à l'aide juridictionnelle. Par usagers, j'entends tout autant les victimes, les divorcés, les enfants de parents séparés, que les délinquants. Avez-vous pensé, madame la ministre, à la qualité de la justice que vous leur offrez ? Avez-vous pensé à l'ampleur que vont prendre les affaires quotidiennes qui déjà empoisonnent la vie de nos concitoyens ? Or les affaires quotidiennes sont le lot presque exclusif des tribunaux d'instance dont vous voulez diminuer le nombre de moitié avec tant d'obstination. La proximité de la justice n'est à l'évidence pas votre préoccupation première.
Pour les affaires pénales, avez-vous réalisé que les témoins et en particulier les témoins victimes, seront touchés par votre réforme ? C'est tout le monde que vous allez jeter sur les chemins ! Les jeunes et les moins jeunes, en train, en voiture... À moins que vous n'organisiez vous-même les navettes indispensables à ceux qui rempliront leur devoir comme à ceux qui défendront leurs droits.
Pour mon seul département, vous rayez de la carte trois tribunaux d'instance et un tribunal de grande instance. Vous supprimez aussi le pôle de l'instruction de Rodez. C'est, de surcroît, compter sans les graves menaces qui pèsent sur les conseils de prud'hommes, en particulier sur celui de Decazeville. Désormais, pour une affaire simple, avec la disparition du tribunal d'instance de Villefranche-de-Rouergue, deux heures seront nécessaires pour parcourir les quatre-vingts kilomètres aller et retour qui séparent les deux villes. Ce problème de distance est identique pour les autres villes du département.
Oui, madame la ministre, ce département est le cinquième le plus vaste de France. Or vous semblez ignorer qu'il est aussi l'un des plus enclavés.
C'est bien long !
Que dire alors d'une affaire diligentée par le pôle d'instruction de Montpellier ? Savez-vous, madame la ministre, que la présentation d'un prévenu nécessitera, en particulier pour les gendarmes qui l'accompagneront, quatorze heures de temps – perdu – dont plus de six heures de route aller et retour.
Il en sera de même pour l'inculpé, mais aussi pour le témoin et encore, probablement, pour l'avocat.
Ce sont aussi 190 euros de frais de déplacement par route car en train, c'est mission impossible.
Or, madame la ministre, l'aide juridictionnelle n'a jamais pris en compte les frais de déplacement.
Je termine, monsieur le président.
Si une réforme de la carte judiciaire est justifiée (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),…
…ce qui ne l'est pas, c'est votre façon de procéder, sans concertation aucune avec les élus des territoires. (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) J'en veux pour preuve, madame la ministre, votre venue à Montpellier où vous avez reçu les seuls parlementaires de la majorité. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame Marcel, je considère que vous avez terminé la défense de votre amendement.
Arrêtez donc de « déménager le territoire », de créer des déserts judiciaires ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Quel est l'avis de la commission des finances, de l'économie générale et du plan ?
La commission des finances n'a pas été saisie de cet amendement. À titre personnel, j'y suis défavorable.
D'abord, les crédits de l'aide juridictionnelle n'ont pas été entièrement consommés lors de l'exécution du dernier budget. Il n'y a donc pas lieu de les augmenter. S'ils devaient être ajustés, ils le seraient en cours d'année.
D'autre part, madame Marcel, je ne comprends que l'on puisse, d'un côté, regretter l'insuffisance du budget de la justice, et de l'autre, proposer de supprimer 12 millions sur les dépenses de structure,…
…alors que nous savons que les besoins des juridictions sont énormes. Vous proposez de supprimer 5 millions d'euros sur les crédits alloués à la politique informatique, alors que nous sommes tous d'accord sur la nécessité de progresser dans la voie de la modernisation et de la numérisation. Vous proposez, par exemple, de ne pas transférer le tribunal de Paris, alors que tout le monde en a reconnu la nécessité.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.
Madame la députée, nous ne supprimons pas le pôle de l'instruction dont vous avez parlé, parce qu'il n'existe pas. Les pôles de l'instruction, je le précise à nouveau, ne sont pas encore mis en oeuvre.
S'agissant du tribunal de Rodez, 45 affaires sont à l'instruction sur 2 800 affaires pénales. Il en faut au moins 60, et 3 juges d'instruction, pour créer un pôle de l'instruction. Nous sommes donc bien en deçà des critères fixés pour la création d'un pôle de l'instruction.
Vous proposez de diminuer de 30 millions d'euros les crédits alloués aux services judiciaires, pour les consacrer à l'aide juridictionnelle. Cela revient à prendre des crédits consacrés aux fonctionnaires, greffiers et magistrats pour renforcer les moyens de l'aide juridictionnelle.
Ce n'est évidemment pas cohérent avec l'objectif d'améliorer la justice et de renforcer les moyens.
De plus, les crédits inscrits au budget 2007 pour l'aide juridictionnelle s'élevaient, je l'ai déjà dit, à 327 millions d'euros. Nous en avons à peine consommés 320.
Il faut cinq mois pour obtenir l'aide juridictionnelle ! Voilà pourquoi !
C'est pourquoi nous reconduisons ces crédits dans le budget pour 2008. Les crédits de l'aide juridictionnelle sont largement suffisants.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Après la séance de ce matin, nous sommes un certain nombre à nous être penchés sur tout le débat, qui est ancien, relatif à la carte judiciaire. Je serai bref, monsieur le président, mais je rappelle que les socialistes ont tenté de régler cette question en 1990, sous l'autorité de M. Nallet. Comment s'y est-on pris à l'époque ? On a créé des comités : un comité de pilotage, un comité d'experts, un comité de concertation. M. Nallet a quitté la chancellerie sans avoir conduit de réforme.
Puis, en 1997, Mme Guigou a repris le dossier, et a remis l'ouvrage sur le métier. On a créé des comités locaux de consultation. On a créé des groupes d'exploitation et de synthèse. On a créé une cellule chargée d'expertiser les propositions émanant de ces derniers. On a organisé une concertation interministérielle, non pas pour arrêter des décisions, mais pour arrêter des orientations.
Et puis enfin, en octobre 2000, c'est sous l'autorité de Mme Lebranchu que le dossier a été repris à nouveau, dix ans après M. Nallet. On a créé les « Entretiens de Vendôme » !
Ces Entretiens de Vendôme ont débouché sur une concertation. Cette concertation a elle-même débouché sur une synthèse. Cette synthèse, on l'a transmise à un comité de coordination, lequel n'avait pas pour objet de décider mais d'apporter « une aide méthodologique à la décision ». Il devait faire « une synthèse » et « des propositions utiles ». (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
De ce galimatias n'a résulté qu'un seul projet de réforme –un seul ! Il s'agissait d'installer à Bressuire une chambre détachée du tribunal de grande instance de Niort…
Et comme à Niort, on n'était pas satisfait, même cette réforme a été abandonnée !
Eh bien, mes chers collègues, il y a quand même un peu de forfanterie à prétendre aménager en France un système judiciaire adapté alors qu'on n'a même pas été capable de le faire à Bressuire ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je voulais juste m'étonner de la mauvaise foi de notre collègue Étienne Blanc. Qu'il veuille bien me pardonner, mais je n'ai pas trouvé d'autre mot.
Certes, sa description est exacte (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) : il a été créé un certain nombre de comités de concertation, de réflexion, d'écoute – laquelle manque aujourd'hui cruellement, on le voit bien en constatant le trouble qui se manifeste jusques et y compris au sein de votre propre majorité, madame la garde des sceaux. Toutes ces concertations et ces études qui ont été conduites, comme cela vient d'être rappelé, depuis les années 1990 ont abouti à un ensemble de dispositions créant les tribunaux d'instance à compétence élargie. Parce que, justement, il nous a semblé que la mauvaise méthode aurait été la méthode « démographique », qui est tout sauf une méthode démocratique.
Comme l'a bien montré Marie-Lou Marcel en défendant l'amendement n° 224 et indépendamment même de la forme – mépris des élus, des avocats, de tous ceux qui font vivre la justice, ainsi que des justiciables –, la désertification des territoires, la difficulté d'accéder à la justice sont telles que l'on ne peut pas, aujourd'hui, se contenter de chiffres. Si le gouvernement des âmes, des choses et de la justice relevait simplement des chiffres, il y aurait certes eu une querelle de chiffres, mais il y a longtemps que nous aurions fini par tomber d'accord autour de la calculette. Mais on ne règle pas ces problèmes au moyen d'une calculette.
Quand un juge d'instance, un juge unique, vous explique – excusez-moi de ce qui peut apparaître comme du misérabilisme – qu'il voit arriver au tribunal des gens qui, n'ayant pas de voiture, sont venus en vélo, en mobylette, à pied, cela illustre le fait que ce sont les plus pauvres qui sont concernés par les affaires traitées dans ces tribunaux d'instance. Vous ne prévoyez rien pour répondre à ces problèmes.
Et justement, l'une des mesures proposées par cet amendement n° 224 – et sur ce point, la réponse de Mme la ministre est tout sauf satisfaisante –, c'est quand même 30 millions de plus pour l'accès au droit et à la justice, qui est essentiel pour ces catégories de la population.
Si demain un vent de nihilisme, et j'allais dire d'extrémisme, commençait à souffler dans ce pays, ce serait parce qu'il n'y aurait même plus d'accès ni à aucun service public, ni même à la justice de proximité, chose que nous avons voulue, que nous avons mise en place, et que vous piétinez aujourd'hui.
Dans l'exposé sommaire de cet amendement, nous proposons la suppression de 2 millions d'euros de crédits d'études alloués à l'établissement public du palais de justice de Paris qui a pour mission de concevoir, d'acquérir, de faire construire, d'aménager de nouveaux locaux pour le palais de justice de Paris. L'ineffectivité de l'action de cet établissement public est constante. Il n'est pas arrivé à trouver un terrain d'entente, ni avec les élus parisiens – ce que, à la limite, l'on pourrait mettre sur le compte d'une opposition politicienne –, ni surtout avec les professionnels de la justice : ni avec les bâtonniers, ni même avec la conférence des bâtonniers, ni même avec le conseil de l'ordre des avocats, ni même avec le barreau de Paris, lequel a dû déposer un recours auprès de la CADA pour avoir accès aux documents sur lesquels se fondent les analyses du ministère.
C'est d'ailleurs à cette occasion – les collègues qui ne suivent pas cette affaire de près, parce qu'ils sont éloignés du ressort de Paris, doivent le savoir – que l'on a appris que ces documents dataient de 1995 ! C'est sur cette base qu'on lance un programme !
Puisque l'on nous parle de chiffres, je vais vous en donner un, monsieur Blanc. Il faut que nos collègues de la majorité sachent que, alors que l'on va démultiplier les frais occasionnés par les suppressions de tribunaux, alors que la construction de nouveaux bâtiments va coûter, nous dit-on, 1 million d'euros supplémentaires pour réimplanter ici ou là les services d'un tribunal d'instance supprimé, il est prévu entre 700 et 900 millions d'euros, somme pharaonique, faramineuse – qui n'est inscrite dans aucun budget –, pour le transfert du TGI de Paris !
Nous vous demandons simplement de regarder ce qui se fait aujourd'hui sur le territoire : on prévoit de mettre massivement de l'argent qui n'existe pas pour le transfert d'un TGI décidé sans concertation, et pendant ce temps on supprime vos TI dans tous les départements de France. Je demande à Mme la ministre de s'expliquer sur le sort de ces millions qui seraient réservés au transfert du TGI de Paris. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à Mme Marylise Lebranchu. (Exclamations sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'ai le droit de demander la parole, chers collègues, car j'ai été mise en cause personnellement. Je voulais dire à M. Blanc qu'il a oublié dans sa liste de gardes des sceaux M. Méhaignerie, M. Toubon, M. Perben, M. Clément. Ça suffit, cette manière de ne citer à chaque fois que des ministres socialistes !
Je porte l'entière responsabilité de la non-fermeture du tribunal de Bressuire. Effectivement, j'avais organisé une réunion de concertation avec les parlementaires, avec les magistrats, avec les avocats. J'ai décidé, parce que cela me semblait juste de commencer par la création des tribunaux de première instance, de voir si cela était possible, et dans quelles circonstances. En quatre mois, je n'en ai pas eu le temps.
Entre 2002 et 2007, il ne s'est rien passé. Je reste persuadée que le tribunal de première instance est une excellente idée, pour éviter justement ce que l'on est en train de vivre aujourd'hui. Donc, j'assume.
Et je voudrais porter à la connaissance de M. Blanc les faits suivants : à Bressuire, 17 000 habitants, on ferme le tribunal ; aux Sables d'Olonne, 15 000 habitants, on le maintient ; à Coutances, 9 500 habitants, on le maintient. Je ne sais pas ce que veut dire le mot justice au vu de ces chiffres-là ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'amendement n° 224 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 218
Nombre de suffrages exprimés 218
Majorité absolue 110
Pour l'adoption 79
Contre 139
L'amendement n° 224 n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements, nos 229 et 230 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Jean-Louis Léonard, pour défendre l'amendement n° 229 .
Cet amendement va faire plaisir à M. Blisko, puisqu'il pourrait s'intituler « L'amendement des rats des champs contre les rats des villes ».
C'est vrai, madame la ministre, qu'il faut un certain courage pour mener la réforme que vous menez, celle qui ne l'a pas été, d'une manière aussi complète, depuis vingt ans. Les députés provinciaux sont actuellement bien placés pour savoir que cette réforme de la carte judiciaire n'est pas facile. Elle ne l'est ni pour eux, ni pour vous.
Certaines villes ont le sentiment de perdre leur rang en perdant un tribunal d'instance ou de grande instance. Nous avons pensé, avec le président Le Fur, qu'il était important de rétablir un certain équilibre.
Certaines régions perdent beaucoup plus que d'autres, par exemple la Bretagne ou la région Poitou-Charentes, qui perdra deux tribunaux de grande instance et quatre tribunaux d'instance, notamment le tribunal de grande instance de Bressuire, dont on vient de parler, et celui, bien entendu, de Rochefort.
Dans certaines de ces villes, vous nous proposez d'offrir aux justiciables un accès au droit et à la justice grâce à des maisons spécialisées, afin que chacun puisse être en mesure de connaître ses droits, de les défendre, ou de bénéficier de la justice de proximité.
C'est certainement une bonne idée, madame la ministre, c'est vrai. Mais aujourd'hui, vous n'avez pas les enveloppes budgétaires nécessaires pour permettre la création et le fonctionnement de ces maisons. Et si j'ai bien compris, compte tenu de l'ambiance, vous ne pourrez certainement pas beaucoup compter sur les collectivités pour se substituer à l'État.
La province fait des efforts considérables, donc. Ces efforts sont-ils partagés ? Très sincèrement, nous ne le pensons pas. Quand nous regardons la carte judiciaire à Paris, qu'y voit-on ? Vingt arrondissements, vingt tribunaux d'instance. Entre le tribunal d'instance du IIe arrondissement et celui du IIIe, il y a deux stations de métro, soit environ cinq minutes de trajet – quand tout va bien, naturellement, ce n'est peut-être pas le cas aujourd'hui. En province, par contre, il faudra parfois parcourir plusieurs dizaines de kilomètres pour aller au tribunal. Pour se rendre à Lorient, par exemple, les habitants de Pontivy devront parcourir près de 60 kilomètres : 50 minutes, quand tout va bien. Les habitants de Mayenne devront, quant à eux, parcourir 33 kilomètres, en un peu plus de 30 minutes, pour se rendre à Laval.
Nous ne discutons pas, au travers de cet amendement, le bien-fondé des décisions prises. Mais nous en tirons quand même quelques enseignements. Le tribunal de grande instance de Rochefort, en Charente-Maritime, est sans doute le plus important de tous ceux que vous supprimez. Il deviendra un tribunal d'instance renforcé. Là encore, nous ne discutons pas ici du bien-fondé de cette décision. Ce tribunal correspond à un territoire de 100 000 habitants, un barreau de 50 avocats. Son activité s'élève, au pénal, à 3 500 affaires. Il y a un tribunal pour enfants. Il y a naturellement un tribunal de commerce. Vous le supprimez. C'est certainement une erreur, mais là encore, nous n'en discuterons pas ici. Il reste qu'il va falloir la financer, cette erreur. Car le regroupement d'un tel TGI avec le tribunal de La Rochelle coûtera, en gros, entre 15 et 20 millions d'euros. Et vous n'avez pas ces crédits.
L'existence de certains tribunaux d'instance parisiens, compte tenu de ce que nous avons dit précédemment, ne se justifie pas non plus par le poids démographique des arrondissements concernés. Par exemple, le Ier arrondissement de Paris compte 16 888 habitants, le IIe arrondissement 19 585 habitants. Ils disposent chacun d'un tribunal d'instance, dont l'accès, c'est le moins qu'on puisse dire, est facile.
Le tribunal d'instance de Loudéac, dans les Côtes d'Armor, dessert un bassin de plus de 40 000 habitants. Lui disparaît au profit d'une maison de la justice et du droit.
Quant aux tribunaux des villes de Château-Gonthier et de Mayenne, ils sont dans une situation analogue.
Toute réforme doit obéir à l'équité, a fortiori celle de la justice. Les Français savent faire des sacrifices, et y consentent d'autant mieux qu'ils ont le sentiment que les efforts sont partagés. Pourquoi ne pas envisager, comme pour la province, des regroupements de tribunaux d'instance pour Paris ?
D'ailleurs, beaucoup de nos collègues parisiens y avaient pensé, en attendant que le TGI évoqué puisse regrouper toute l'action judiciaire parisienne, et surtout que le maire de Paris revienne à plus de réalisme.
Je ne cherche pas à opposer la province à Paris, mais simplement à faire participer la capitale aux besoins de financement considérables – ne serait-ce qu'en études – qu'engendreront la mise en place des maisons de la justice et du droit, la réforme de certains TGI et les regroupements. C'est pourquoi je vous propose de transférer les 6 millions prévus pour le fonctionnement des TI parisiens sur une ligne dédiée à ces opérations. (« Très bien ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Les députés du groupe Nouveau Centre ont rédigé un amendement assez semblable à celui que vient de présenter mon collègue. Ils soutiennent depuis ce matin, madame la garde des sceaux, votre budget, qui témoigne d'une réelle volonté politique. J'ai pris bonne note que l'opposition considère que les réformes ne vont pas assez vite, tant la remise à niveau des prisons que la carte judiciaire, qui avait été réclamée à l'unanimité par la commission d'enquête parlementaire sur Outreau. Vous avez déclaré être attachée à l'accès au droit pour tous. Cela est d'autant plus important lorsque des tribunaux d'instance doivent être supprimés et que les tribunaux de grande instance sont très éloignés. C'est pourquoi notre amendement vise à renforcer les maisons de la justice et du droit, dont vous avez annoncé ce matin qu'une nouvelle génération permettrait de rassembler tous les auxiliaires de justice dans une optique de prévention des conflits. Nous proposons d'affecter, dès 2008, 5 millions d'euros au lancement des études et des premiers projets de cette réforme, qui s'étalera sur cinq ans.
Madame la garde des sceaux, votre courage mérite d'être salué. Tenez bon, nous vous aiderons ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je comprends le caractère à la fois symbolique et pratique de ces amendements. Symbolique, car ils soulignent la nécessité d'une meilleure répartition de l'effort entre la province et Paris. Mais il n'existe pas de ligne budgétaire spécifique pour les tribunaux de Paris, qui sont fondus dans les crédits globaux. La proposition a néanmoins un côté pratique. J'ai moi-même défendu la mise en place de maisons de la justice et du droit là où il fallait faciliter l'accès au droit – qui n'est pas forcément l'accès au juge, comme vous l'avez dit, madame la ministre. Pour cela, il faut trouver une formule financière qui ne rogne pas sur le peu de marge dont disposent les services judiciaires pour l'année 2008. En effet, les transferts, ce sont autant de dépenses en moins pour les juridictions, qui ont des besoins. Il ne faudrait pas freiner le développement de l'informatique, la modernisation, ni l'effort de gestion consenti au sein du ministère et dans toutes les juridictions, ce qui aurait un effet décourageant. Pour ne pas se faire au détriment des services essentiels, le financement des maisons de la justice et du droit pourrait se situer à mi-chemin de ce qui nous est proposé. L'idéal serait de pouvoir transférer les crédits de l'action 3, « Études et recherches », et ceux de l'action 4, « Gestion commune ». Si Mme la ministre y consentait, je donnerais un avis favorable aux amendements.
Il est en effet extrêmement important de développer l'accès au droit qui, nous avons pu le constater au cours de nos discussions, est considéré comme un accès à la citoyenneté. Il faut donc revoir le périmètre de l'instance, ce qui est précisément l'objet des maisons de la justice et du droit nouvelle formule, qui intègreront les nouvelles technologies. Je suis tout à fait d'accord pour que 3 millions de crédits supplémentaires leur soient octroyés.
Monsieur Hunault, monsieur Léonard, êtes-vous d'accord pour rectifier vos amendements en substituant la somme de 3 millions d'euros à celles que vous proposiez ?
Ces amendements deviennent donc les amendements identiques nos 229 rectifié et 230 rectifié .
La parole est à Mme Corinne Erhel.
On ne peut pas accepter la mise en opposition des territoires. Des moyens supplémentaires doivent être accordés pour avoir une justice de proximité sur l'ensemble du territoire.
En région Bretagne, dont traite l'exposé des motifs de l'amendement n° 229 , vous annoncez, madame la ministre, la suppression de dix tribunaux d'instance et de trois TGI. Pouvez-vous expliquer sur quels critères vous avez décidé de supprimer le TGI de Guingamp, le tribunal d'instance de Lannion et le greffe détaché de Paimpol, qui concernent tout l'ouest des Côtes d'Armor ?
Les propositions des chefs de cour mises en ligne sur votre site ne mentionnent ni Lannion ni Guingamp. Vous allez donc bien au-delà de leurs conclusions. Le TGI de Guingamp a un ressort de plus de 180 000 habitants, le tribunal d'instance de Lannion rend plus de 2 500 décisions pour les tutelles, ce qui n'est pas négligeable. Par ailleurs, lorsque vous êtes venue à Rennes, nous avions souhaité, avec mon collègue Jean-Jacques Urvoas, vous rencontrer, mais vous n'avez pas eu – ou pas pris – le temps de nous écouter. Peut-être me répondrez-vous aujourd'hui. J'aimerais aussi connaître votre conception de l'aménagement du territoire.
Nous parlons de justice, il faut donc que la vérité soit rétablie. J'ai entendu dire que seuls les parlementaires de la majorité avaient été invités en Languedoc-Roussillon. C'est faux : les députés et sénateurs de l'opposition ont largement pu s'exprimer lors de la venue de Mme la garde des sceaux à Montpellier. La discussion a bien eu lieu avant que les décisions soient prises. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 229 rectifié et 230 rectifié .
(Ces amendements sont adoptés.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur les crédits de la mission « Justice », modifiés par les amendements adoptés.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 219
Nombre de suffrages exprimés 217
Majorité absolue 109
Pour l'adoption 136
Contre 81
Les crédits de la mission « Justice », ainsi modifiés, sont adoptés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à Mme la garde des sceaux.
La représentation nationale vient de s'exprimer sur le budget de la justice pour 2008. La majorité a apporté, et je l'en remercie, un soutien total à ce budget ambitieux et aux réformes en cours, parfois difficiles.
Je suis très attachée au dialogue avec la représentation nationale, dans la dignité. Le débat est légitime, mais sur un sujet aussi sensible, les avancées sont subordonnées au respect de chacun – des élus, des professionnels et des Français, au nom desquels la justice est rendue. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
État B
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt.)
Nous abordons l'examen des crédits relatifs à l'enseignement scolaire.
La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.
Monsieur le président, monsieur le ministre de l'éducation nationale, mes chers collègues, la mission interministérielle « Enseignement scolaire » associe le ministère de l'éducation nationale pour cinq programmes et le ministère de l'agriculture et de la pêche pour un programme. Elle reste de loin le premier budget de l'État, avec 59,26 milliards d'euros en crédits de paiement et 59,31 milliards d'euros en autorisations d'engagement.
À périmètre constant, le budget de l'enseignement scolaire progresse par rapport à la loi de finances initiale pour 2007 de 1,17 milliard d'euros, soit une augmentation de 2,03 %.
Le projet de budget pour 2008 permettra la mise en oeuvre de la loi du 23 avril 2005 pour l'avenir de l'école.
J'approuve pleinement ces priorités. Nous savons en outre qu'il faut aller plus loin et rénover notre système éducatif pour le rendre plus efficace, plus performant, afin que ses résultats puissent être comparés à ceux des meilleurs systèmes éducatifs étrangers.
La réflexion sur le métier d'enseignant est ouverte. Tous les aspects seront abordés : missions, salaires, carrières, horaires, charge de travail.
Est également ouvert le chantier de la grille horaire des enseignements – la charge horaire de travail de nos élèves étant, au lycée notamment, plus lourde que dans les pays européens aux systèmes les plus performants.
L'effort de rationalisation, au cours des trois dernières années, a été important : gestion stricte des dotations horaires par les établissements, mobilisation des surnombres disciplinaires, restriction des mises à disposition, efficacité du remplacement améliorée, limitation des sureffectifs. Cette modernisation se poursuivra dans d'autres domaines.
L'année 2007-2008 est celle de la définition du socle commun de connaissances et de compétences, qui entraîne la révision des programmes scolaires. Le socle devra être mis en oeuvre à la rentrée 2008 et les premiers élèves le valideront à l'issue de l'année scolaire 2008-2009. Je souligne qu'il s'agit là d'un élément majeur parmi les apports de la loi de 2005 et qu'il suppose une grande continuité dans la mise en oeuvre. À défaut, il ne s'agirait que d'une réforme de plus, sans l'impact souhaité sur la qualité de la formation des élèves. Je me réjouis, monsieur le ministre, que cet effort soit poursuivi.
La mission « Enseignement scolaire » participe à l'effort de maîtrise de la dépense publique : 11 200 équivalents temps plein ne seront pas remplacés. L'enseignement public du second degré, en particulier, voit son plafond d'emplois diminuer, en lien avec la baisse démographique des effectifs d'élèves qui se poursuit.
En contrepartie, des mesures catégorielles et la possibilité d'accomplir des heures supplémentaires permettront la progression du pouvoir d'achat des enseignants, comme cela a été annoncé.
La revalorisation des perspectives de carrière et des régimes indemnitaires est également prévue.
Une enveloppe de 150,4 millions d'euros est consacrée aux mesures catégorielles : extension en année pleine des mesures de 2007 et mesures nouvelles. Ces mesures sont la poursuite de l'intégration des instituteurs dans le corps des professeurs des écoles, l'amélioration des perspectives de carrière et la modification du classement des établissements, les mesures en faveur des personnels d'encadrement – conseillers et secrétaires généraux d'administration scolaire et universitaire –, requalification de la filière laboratoire et revalorisation des régimes indemnitaires des personnels non enseignants. Ces points ont été largement évoqués lors des différentes auditions.
Je reviens aux objectifs immédiats visés en 2008.
L'accompagnement éducatif après la classe est entré en vigueur dans les collèges de l'éducation prioritaire dès le mois de novembre et semble rencontrer le succès. Sa généralisation appelle une concertation approfondie avec les collectivités territoriales afin que celles-ci, éclairées sur le rôle qui leur incombe dans cette réforme, puissent en prévoir les coûts, notamment sur le plan des transports scolaires – je pense notamment aux coûts d'organisation en milieu rural. D'ailleurs, 140 millions d'euros sont destinés à la mise en oeuvre de cette mesure : 43 millions d'euros servant à rémunérer environ 1,1 million d'heures supplémentaires effectives aux enseignants volontaires ; 62 millions d'euros utilisés pour recruter des assistants d'éducation supplémentaires – 1 000 au 1er janvier 2008 et 5 000 à la rentrée 2008. Ces recrutements supposeront une enveloppe de 117 millions d'euros en année pleine.
Enfin, 35 millions d'euros iront à des subventions aux partenaires externes, à des études dirigées, associations complémentaires de l'école, du monde de la culture ou du sport et du ministère de la justice.
La scolarisation des enfants et adolescents handicapés progresse, et c'est heureux. Cette évolution qui correspond à une demande très forte des enfants et des familles doit se poursuivre : 200 nouvelles unités pédagogiques d'intégration – UPI – seront créées en 2008, 166 dans l'enseignement public et 34 dans l'enseignement privé. L'effort sera poursuivi, l'objectif étant d'arriver à 2 000 UPI en 2010.
Le recrutement des auxiliaires de vie scolaire – AVS – se poursuivra : 2 700 ont été recrutés par anticipation à la rentrée 2007 ; 1 700 autres seront chargés en 2008 d'un accompagnement collectif. En outre, les 7 800 contrats aidés qui assurent l'accompagnement d'élèves handicapés seront reconduits en 2008.
Cependant, il faudra veiller à recruter des personnels formés ou expérimentés pour l'accompagnement des élèves handicapés. Il est important également que ces personnels soient fidélisés dans les établissements.
Le recours aux contrats aidés ne paraît pas à cet égard la meilleure solution, même si cela s'est pratiqué jusqu'ici.
Le Gouvernement a souhaité faire progresser le pouvoir d'achat des enseignants en leur donnant la possibilité d'effectuer davantage d'heures supplémentaires, défiscalisées et exonérées de charges sociales. La création de 125 000 heures supplémentaires-année est prévue pour 2008, ainsi que 1 200 000 heures supplémentaires exceptionnelles. Au total, les mesures concernant, sous diverses formes, les heures supplémentaires devraient permettre d'augmenter le pouvoir d'achat des enseignants de 400 millions d'euros. Il faut souhaiter que les enseignants s'approprient ce nouveau dispositif.
Je souhaiterais maintenant appeler l'attention du Gouvernement sur quelques points de notre action qui méritent réflexion ou inflexion.
Il y a lieu d'être vigilant sur la mise en oeuvre de la réduction des postes administratifs dans les établissements, qui suscite l'inquiétude chez certains responsables d'établissement. Il conviendra de maintenir le bon fonctionnement des établissements, et d'assurer une présence suffisante d'adultes dans les structures scolaires.
Le personnel administratif effectuant les tâches d'appui aux directeurs d'établissement est souvent recruté en contrats aidés : ce personnel est insuffisamment formé, et la courte durée des contrats conduit à perdre la personne au moment où elle a acquis une compétence et où, sur le plan personnel, elle a pu s'implanter dans la région où se trouve l'établissement.
J'approuve pleinement la création de 300 postes d'infirmière, après les créations de 2007. Le taux d'encadrement des élèves par les médecins et les infirmières reste insuffisant : il faut poursuivre les efforts, mais le recrutement s'avère difficile. Là encore, il convient d'ouvrir une réflexion sur un mode de recrutement diversifié pour les infirmiers et infirmières, à côté du concours national. Ce dernier n'est pas adapté au profil de beaucoup de candidats, qui ont déjà travaillé de nombreuses années en milieu hospitalier public ou privé, ou en libéral. Il faudrait admettre le recours à des contrats à durée indéterminée, et accepter des recrutements sur validation des acquis professionnels. Or dans ce domaine, il reste beaucoup de chemin à parcourir !
Les besoins en accompagnement médical, psychologique et social des jeunes étant grands, le ministère ne pourra satisfaire tous les besoins. Pour la médecine scolaire comme pour la présence d'assistantes sociales dans les établissements, il conviendrait de créer des partenariats entre l'institution scolaire et les différents acteurs, afin d'établir un fonctionnement en réseau permettant de pallier les manques dans certaines régions. Cela dit, je crois savoir, monsieur le ministre, que vous êtes ouvert à ces évolutions. Je crois qu'il est très important de faciliter l'accès, au cas par cas, des professionnels de santé, médicaux et paramédicaux aux établissements. Il faut y réfléchir si l'on veut tout mettre en oeuvre pour lutter contre l'échec scolaire, ce qui suppose de vraies innovations probablement dès le premier degré.
Je veux aussi rappeler ici l'importance de l'expérimentation locale, qui répond au besoin d'innovation de l'ensemble des acteurs de l'éducation nationale, comme aux aspirations à la prise en compte des réalités économiques, artisanales ou industrielles des régions et bassins d'emploi. Je suivrai avec attention le développement de ce mouvement. Je souhaiterais qu'un bilan détaillé des expérimentations soit dressé, dans un but d'information et d'échange sur les meilleurs projets.
De manière générale, je regrette que les expérimentations soient insuffisamment diffusées et valorisées. Une mutualisation systématique devrait être instaurée entre les rectorats, qui pourraient à cet effet désigner un correspondant et créer un réseau intranet, par exemple.
Vous voulez, monsieur le ministre, instituer, dès la rentrée 2008, des évaluations annuelles des compétences fondamentales et de la langue vivante à l'école élémentaire. Cette initiative est excellente, et je l'approuve avec force, car la politique d'évaluation de l'efficacité de notre enseignement est entièrement à construire. Les objectifs et indicateurs introduits grâce à la LOLF, dont ceux portant sur le socle de connaissances fondamentales, sont un premier outil, mais il en faut d'autres.
J'ai constaté que les représentants des enseignants et des directeurs d'établissement aspiraient à être mieux informés des décisions de gestion des crédits au niveau des rectorats : les transferts, les mesures de fongibilité, par exemple, devraient faire l'objet d'une information en temps utile, ce qui n'est pas toujours le cas.
Enfin, je voudrais par votre intermédiaire, monsieur le ministre, appeler l'attention du ministre de l'agriculture et de la pêche sur la situation préoccupante de l'enseignement technique agricole. La dotation globale horaire des établissements est insuffisante, en particulier dans les établissements privés qui scolarisent la majorité des élèves de ce secteur.
Je lance un véritable appel au ministre de l'agriculture – par votre truchement, monsieur le ministre – afin qu'il agisse avec volontarisme en faveur de ces établissements, qui assurent un enseignement spécifique précieux pour l'agriculture et l'économie de notre pays, qui participe à l'animation de nos territoires et qui a le mérite d'accueillir un public souvent défavorisé en lui offrant de très bonnes chances d'insertion.
Je voudrais que l'on évite de recourir à des annulations de crédits alors que les établissements de ce secteur manquent de moyens et sont, pour certains, dans une situation très difficile, je peux en témoigner. Certains postes de dépenses de ce programme sont, à l'évidence, sous-estimés pour l'enseignement agricole privé – crédits de fonctionnement et moyens destinés à l'accompagnement des élèves handicapés. J'ai proposé des amendements pour rééquilibrer cette situation. Nous aurons l'occasion d'en discuter tout à l'heure.
Je formule donc une réserve touchant à la budgétisation insuffisante de certaines actions, et j'appelle le ministre de l'agriculture et de la pêche à y remédier.
En conclusion, monsieur le ministre, je considère que le budget de la mission « Enseignement scolaire » est équilibré.
…Vous n'avez pas bien écouté, mon cher collègue !
Ce budget permettra de poursuivre l'action entreprise avec le vote de la loi sur l'avenir de l'école en 2005, en faveur d'un enseignement plus efficace, d'une meilleure évaluation des résultats, d'une organisation plus performante, d'une maîtrise des coûts de l'éducation, de plus d'équité avec l'intégration des élèves handicapés – qui a fait débat entre les deux candidats présents au second tour de l'élection présidentielle ! – et enfin, de l'expérimentation.
C'est pourquoi je vous propose, mes chers collègues, au nom de la commission des finances, d'adopter les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, « De tout ce que la République a entrepris, l'école était sans doute sa plus belle réussite. Grâce à elle, chacun devenait libre. Libre de ses jugements, libre de ses croyances, libre de son destin. Grâce à elle vivait l'égalité des chances ».
C'est ainsi que s'exprimait le candidat Sarkozy dans son discours d'Angers en décembre 2006.
Aujourd'hui, la rénovation de l'école et la refondation de notre éducation sont devenues des priorités du quinquennat. C'est parce que j'ai la conviction que l'école est déterminante pour l'avenir de notre pays que j'ai pris beaucoup de plaisir à rédiger mon rapport sur la mission « Enseignement scolaire ».
Ce budget traduit bien que l'école est au coeur du projet de la République et confirme, monsieur le ministre, vos engagements lors de votre prise de fonctions : consolidation de la loi sur l'avenir de l'école, recherche de l'excellence pour tous les élèves, évolution ambitieuse du métier d'enseignant et place accrue faite aux familles dans la communauté éducative.
Le rapporteur spécial de la commission des finances vous a présenté une analyse chiffrée détaillée, aussi ne me bornerai-je qu'à quelques remarques complémentaires sur ce projet de budget. Comme il est d'usage à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, le rapporteur pour avis propose d'approfondir un thème. J'ai choisi de porter un éclairage particulier sur les conseillers d'orientation psychologues – les COP – un corps de fonctionnaires souvent décrié par les parents d'élèves, les acteurs du monde économique, voire par certains enseignants.
La mission « Enseignement scolaire » est, en termes de moyens budgétaires et d'effectifs, la plus importante de l'État. Elle concerne plus de 12 millions d'élèves et mobilise environ un million de personnels et 56,26 milliards d'euros, soit une augmentation de 2,03 %.
Tout d'abord, je voudrais insister sur le fait que ce budget s'inscrit bien dans la maîtrise de la dépense publique voulue par le Président de la République. Le non-remplacement de 11 200 postes est sans doute une pilule amère à avaler mais,…
…loin d'être arbitraires, ces évolutions tiennent compte de la démographie scolaire et d'une meilleure gestion des ressources humaines.
La petite embellie dans le primaire – plus 700 postes – ne masque pas les 1 500 emplois non remplacés dans le secondaire, les 1 700 postes supprimés par la résorption des surnombres disciplinaires ou les 3 500 postes correspondant à l'utilisation des heures supplémentaires. L'enseignement privé paie son écot même si, comme l'a fait remarquer Yves Censi, dans son rapport, la baisse démographique ne peut être invoquée.
La revalorisation du métier d'enseignant passe par une augmentation de leur pouvoir d'achat : une provision d'un montant de 54,25 millions est prévue à cet effet ; 125 000 heures supplémentaires année et 1 200 000 heures supplémentaires effectives seront créées et vont coûter 130 millions d'euros. Elles seront défiscalisées conformément à la loi du 21 août 2007.
Les dispositifs innovants prévus par la loi du 23 avril 2005, dont j'étais le rapporteur, sont financés dans ce projet de budget : généralisation des projets personnalisés de réussite éducative pour les élèves en difficulté, création de 300 postes d'infirmière, création de 200 unités pédagogiques d'intégration dans le second degré. L'accompagnement éducatif de deux heures après les cours est à noter aussi, et c'est déjà le cas dans les collèges de l'éducation prioritaire depuis la rentrée 2007.
Le nombre d'enfants handicapés scolarisés en milieu ordinaire a plus que doublé en cinq ans et les moyens consacrés à cette grande politique républicaine ne cessent d'être augmentés : 142 millions d'euros sur le programme « Vie de l'élève » permettent de financer les auxiliaires de vie scolaire ; 100 millions d'euros sont prévus pour les accompagnements individualisés et 38 millions d'euros pour les accompagnements collectifs, sachant que leur formation est prévue pour 4,6 millions d'euros ; 2 700 postes d'auxiliaire de vie scolaire supplémentaires ont été créés à la rentrée 2007.
J'en viens maintenant au coeur de mon rapport consacré aux conseillers d'orientation psychologues. Il peut paraître incongru de se focaliser sur un corps de personnels qui ne mobilise que 270 millions d'euros : rapportés aux 59 milliards des crédits de l'enseignement scolaire, cela ne représente que 0,5 %. Si les COP ne sont pas nombreux – 4 308 dont 521 directeurs – dans les 578 centres d'information et d'orientation, ce sont des acteurs clairement identifiés qui jouent un rôle clé dans le système éducatif.
Le choix du thème d'approfondissement de mon rapport s'inscrit aussi dans la perspective d'un grand service public de l'orientation voulu par le Président de la République. Le Premier ministre, dans sa lettre de mission au délégué interministériel à l'orientation a rappelé les objectifs prioritaires du Gouvernement : « Conduire les jeunes à un haut niveau de qualification et assurer leur insertion professionnelle ».
L'élaboration d'un « projet d'orientation scolaire et professionnelle » avec les parents, les enseignants, les personnels d'orientation et les autres professionnels compétents est d'ailleurs actée dans la loi Fillon.
Que savons-nous du travail des COP ? Ils interviennent dans les CIO et exercent principalement en classes de sixième, troisième, seconde et terminale. Depuis la rentrée 2007, ils assistent les professeurs principaux des classes de première pour des entretiens d'orientation.
Lors de mes auditions, je me suis rendu compte de la qualité de leur travail et des différentes facettes de leur métier. J'ai découvert l'activité remarquable qu'ils mènent au sein de sections spécialisées auprès d'enfants en maison d'arrêt, en liaison avec la protection judiciaire de la jeunesse ou les juges pour enfants. Les conseillers d'orientation psychologues font également partie de l'équipe de suivi qui détermine le projet personnel de scolarisation des enfants handicapés.
Alors pourquoi ce mal-être ? Les conseillers d'orientation psychologues se sentent délaissés par l'administration. Ils sont certes sous l'autorité de l'inspecteur d'académie, mais n'ont pas de statut propre et les directeurs n'ont qu'une relative autorité de fonctionnement. Fonctionnaires de catégorie A, ils sont assimilés à des professeurs certifiés mais ne bénéficient pas de la hors classe. De plus, un empilement de circulaires définit mal leurs soixante-douze missions prioritaires.
Pour l'évaluation de leur travail, on dispose d'une estimation chiffrée de leurs activités grâce au bilan d'activités des CIO mais, malheureusement, d'aucun indicateur de performance.
Il y a en moyenne un conseiller d'orientation psychologue pour 427 élèves, disséminés dans deux ou trois collèges ou lycées. Plusieurs d'entre eux m'ont exprimé leur opposition à une logique de placement des élèves dans les bassins d'emploi. Ils ne veulent pas être des « adéquationnistes » et tiennent à leur licence de psychologie, indispensable à leurs yeux pour conduire des auditions avec des élèves en difficulté. Pourtant plusieurs de mes interlocuteurs pensent que si conseiller d'orientation est un métier, psychologue en est un autre ! Et je partage ce point de vue.
Selon les projections de l'Association des conseillers d'orientation psychologues de France, fondées sur les tendances constatées aujourd'hui en termes de recrutement, la moitié des effectifs aura disparu en 2013. Ce corps, marqué par un fort taux de féminisation – 79 % – , se caractérise en effet par un vieillissement certain, la moitié des personnels ayant plus de cinquante ans.
Généralement, les conseillers d'orientation psychologues ont une bonne connaissance des métiers. Alors pourquoi sont-ils mal aimés ? Pourquoi sont-ils les boucs émissaires des dysfonctionnements de l'orientation ? Le processus d'orientation comprend trois étapes – le conseil en orientation, la décision d'orientation du conseil de classe, l'affectation – et c'est souvent lorsque l'affectation n'est pas conforme à leurs souhaits que les familles estiment que leur enfant a été mal orienté et qu'elles mettent en cause la responsabilité du conseiller d'orientation psychologue, incriminé à tort. C'est évidemment regrettable, d'autant que cela a pour conséquence perverse le développement d'officines qui proposent du coaching en orientation, business plutôt lucratif jouant sur l'inquiétude légitime des parents qui pensent s'adresser à des professionnels. Où est alors l'égalité des chances ?
Certes, la baisse du nombre de conseillers d'orientation psychologues n'explique pas tout, mais il faut bien reconnaître que les cinquante-cinq postes créés en 2007 n'ont pas compensé les départs à la retraite.
Avec un diplôme en guise de talisman, les conseillers d'orientation psychologues ne sont jamais là où on les attend. Ce qui m'amène à évoquer leur service hebdomadaire. Lors de la mise en oeuvre de la loi sur les 35 heures, les négociations avec les syndicats ont abouti à la définition d'un service hebdomadaire de 27 h 30 incluant les temps de déplacement et de présence aux conseils de classe, et ce pour trente-neuf semaines, comme pour tout enseignant.
Monsieur le ministre, tout doit être mis en oeuvre pour mettre fin à l'orientation par l'échec voire à l'échec de l'orientation. Car 150 000 élèves qui sortent du système scolaire sans qualification et 90 000 étudiants qui se retrouvent en échec à l'université, c'est trop, c'est même beaucoup trop !
Aussi souhaiterai-je vous faire quatre propositions relatives aux conseillers d'orientation psychologues et vous livrer deux réflexions plus générales.
Premièrement, la licence de psychologie ne doit plus être le préalable du recrutement. Le concours externe de recrutement des conseillers d'orientation doit être ouvert aux titulaires d'une licence en psychologie comme aux titulaires de toute autre licence de l'enseignement supérieur. Le concours interne doit être ouvert aux fonctionnaires de catégorie A des trois fonctions publiques. De même, un concours similaire à la troisième voie de l'ENA doit être ouvert aux candidats ayant dix ans d'expérience professionnelle.
Deuxièmement, les futurs conseillers, après avoir accompli avec succès une période probatoire d'un an, devront être affectés à un collège ou un lycée où ils seront placés sous l'autorité du chef d'établissement. Ainsi disparaîtrait la nébuleuse qui entourait le service des conseillers d'orientation psychologues. Dans cette perspective, il faudrait évidemment veiller à leur nécessaire formation continue.
Troisièmement, conformément aux recommandations contenues dans le schéma national de l'orientation et de l'insertion professionnelle de mars 2007, le métier des futurs conseillers d'orientation doit être centré sur la « mission de faire connaître le monde économique, les entreprises, les formations et leurs possibilités d'insertion professionnelle ».
Quatrièmement, les centres d'information et d'orientation – les CIO – doivent être rattachés aux régions : une phase d'expérimentation pourrait être conduite dans deux ou trois d'entre elles, dans la logique des compétences qui leur sont dévolues en matière de formation professionnelle. Une véritable synergie devrait s'établir entre les permanences d'accueil, d'information et d'orientation, les missions locales et ces CIO « nouvelle génération », qui devront avoir pignon sur rue pour devenir des lieux de rencontre accueillants.
Plus généralement, s'agissant du processus d'orientation, je propose que les enseignants participent à l'orientation tout au long de leur carrière. Aujourd'hui, 650 millions d'euros sont consacrés à l'indemnité de suivi d'orientation – l'ISO –, versée mécaniquement aux enseignants du second degré. Il ne s'agit pas de la supprimer, mais d'en proposer une gestion plus dynamique en la transformant en indemnité au mérite correspondant à un travail d'orientation effectif. Il faut savoir en effet que certains enseignants bénéficiant de cette indemnité ne connaissent même pas l'existence des espaces d'orientation « Kiosque » au sein des CDI des collèges !
Je propose d'autre part que les filières technologiques et professionnelles soient valorisées. Je crois à l'excellence du travail de la main comme je crois à l'efficience de l'enseignement par alternance. Aujourd'hui, un jeune voulant se lancer dans une voie technologique ou professionnelle subit des pressions du système si jamais il a des aptitudes pour suivre des études longues. Il faut respecter son choix car il va contribuer à donner à ces filières leurs lettres de noblesse. Dans le même temps, il importe de développer un système de passerelles entre les différentes filières afin de permettre des réorientations à tout moment.
Dernière réflexion : je suis persuadé que l'école doit offrir à certains jeunes la possibilité d'une alternance dès l'âge de quatorze ans. Il y a bien des classes comprenant trois ou six heures de découverte des métiers, je m'en réjouis, mais c'est probablement insuffisant. L'« apprentissage junior » a vécu et je souhaiterais qu'un dispositif similaire sous statut scolaire soit mis au point.
Monsieur le ministre, vous le savez mieux que quiconque : il n'y a pas d'éducation sans savoir, il n'y a pas d'éducation sans effort …
…et pour un jeune, une orientation réussie est primordiale dans le choix d'un métier. « Choisis un travail que tu aimes et tu n'auras pas à travailler un seul jour de ta vie », disait déjà Confucius.
La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Nous en arrivons aux orateurs inscrits.
La parole est à M. Yvan Lachaud.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est la première fois dans cette législature nouvelle que nous avons à discuter du budget de l'éducation nationale, autrement dit de la vision que nous avons de l'école et du message que nous voulons adresser à ses acteurs,…
… les enseignants, mais aussi les élèves et leurs parents. Mesurons bien cet enjeu.
Un critère doit nous guider dans notre appréciation du budget de la mission « Enseignement scolaire » : est-il en mesure de garantir à nos enfants une formation de qualité, adaptée aux besoins de notre pays ?
Je ne m'étendrai pas sur les chiffres, d'autres l'ont déjà fait, et bien mieux que moi. Je voudrais plutôt exposer devant vous notre analyse et nos propositions en tant que centristes de la majorité animés par un esprit de soutien et d'encouragement à votre action, monsieur le ministre.
Dans ce projet de budget, on a souvent agité le chiffon rouge pour le non-remplacement de 11 200 fonctionnaires partant à la retraite. Mais qui comprendrait que, dans le contexte budgétaire difficile actuel qui nous impose de prendre des mesures responsables et courageuses, l'éducation nationale se dispense de participer à l'effort collectif, d'autant que nos établissements scolaires, notamment les collèges, connaissent une baisse globale des effectifs ?
Je le dis régulièrement à cette tribune depuis cinq ans : les moyens financiers et le nombre de postes ne sont pas la pierre angulaire de la réussite du système éducatif. Ce n'est pas à cette aune qu'il faut mesurer la volonté du Gouvernement d'améliorer les performances de l'éducation nationale et les conditions de travail des enseignants. Comme dirait l'enseignant que je suis resté au fond de moi-même : « vous vous trompez de sujet ! » (Sourires.) D'autant que ces suppressions de postes sont à mettre en rapport avec la mise en place d'un système de valorisation des carrières du monde enseignant et avec un nouvel équilibre lié aux heures supplémentaires, qui favorisera directement le pouvoir d'achat des enseignants.
L'enjeu n'est pas mince : il appartient désormais à l'éducation nationale de démontrer que cette réduction de moins de 1 % de ses emplois publics n'obéit pas à une logique purement comptable, mais s'inscrit au contraire dans une recherche globale d'amélioration de l'efficacité de notre système scolaire. Et ce budget nous offre l'occasion de sortir d'une approche quantitative de l'enseignement scolaire pour nous tourner résolument vers une approche qualitative.
Alors que l'enseignement scolaire demeure la principale mission de l'État, avec 59,26 milliards d'euros de crédits, l'école reste évidemment au coeur de l'action du Gouvernement. La promotion de l'égalité des chances demeure le pilier de notre système républicain d'enseignement, comme elle l'est depuis les débuts de la IIIe République, Jules Ferry et les « hussards noirs de la République » chers à Péguy.
Les orientations que vous avez indiquées, monsieur le ministre, nous paraissent aller dans le bon sens : prendre acte des évolutions de la démographie scolaire, moderniser la gestion du système éducatif et adapter les moyens aux besoins dans un souci d'efficacité, ce qui est plus que nécessaire. Cela permettra d'améliorer significativement le système des remplacements, aujourd'hui bien problématique, …
… ainsi que l'offre d'accompagnement éducatif mise en place depuis le début de ce mois au profit des « orphelins de 16 heures », qui est d'ores et déjà une excellente initiative pour les enfants en grande difficulté dans les zones d'éducation prioritaire. On peut aussi escompter de la création de nouveaux postes d'infirmières, de l'extension et de la revalorisation des bourses et de la montée en puissance des programmes personnalisés de réussite éducative une amélioration des conditions d'apprentissage des élèves.
Il existe un acteur essentiel de l'éducation nationale que vous devez prendre en considération, monsieur le ministre : l'enseignement privé sous contrat. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Il représente 17,1 % des élèves, soit plus de 2 millions de jeunes. L'école privée sous contrat ne doit pas faire exception à la démarche de rationalisation, mais rien ne justifie non plus qu'elle paie un tribut plus lourd aux impératifs budgétaires. Certains d'entre nous sont même convaincus qu'il faut accompagner la croissance des effectifs dans ces établissements. Le rapport 80 % - 20 %, qui n'est inscrit dans aucun texte de loi, est aujourd'hui largement dépassé : eu égard à la mission de service public assumée par l'enseignement privé sous contrat, il faut revoir ce ratio, sans pour autant prendre le risque de ranimer une quelconque guerre scolaire, nous en sommes tous convaincus.
J'insisterai sur un autre sujet qui me tient à coeur : la scolarisation des enfants handicapés. Je me félicite que le Président de la République ait réaffirmé sa volonté de voir tous les élèves fréquenter les mêmes écoles. Il ne faut toutefois pas sous-estimer le problème des auxiliaires de vie scolaire : accompagner des enfants et des adultes handicapés réclame une formation spécifique car cela constitue un métier à part entière.
Permettez-moi, ensuite, monsieur le ministre, d'attirer votre attention sur la situation des contrats d'accompagnement dans l'emploi. Créés sous la précédente législature, les CAE ont fait naître de nouveaux besoins dans les établissements scolaires et s'ils étaient supprimés dans de trop grandes proportions, des problèmes s'ensuivraient. Nous devons regarder la réalité en face !
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Eh oui !
Aujourd'hui, nous devons nous interroger sur la réalité de la suppression d'un certain nombre de contrats d'accompagnement dans l'emploi. En effet, les jeunes qui sortiront de ce dispositif se retrouveront, soit au chômage, soit au RMI, et percevront à peu près le même montant.
Nous sommes là pour dire la vérité !
Sans pour autant être favorable aux emplois aidés en masse dans ce pays, je souhaite que l'on se penche sur cette question, parce que leur suppression risquerait de poser des problèmes dans les établissements scolaires.
D'autres chantiers tout aussi importants vous attendent, monsieur le ministre, comme la valorisation de l'enseignement professionnel, la diversité des parcours au collège et la réforme du baccalauréat et des options en lycée.
Je souhaite que vous ouvriez ces chantiers en large concertation avec la représentation nationale, car de graves problèmes se posent dans les lycées, les élèves de première et de terminale travaillant chaque semaine deux fois plus que les salariés de notre pays.
Je souhaite qu'une attention particulière soit portée à la valorisation du métier d'enseignement par l'amélioration de la formation et la programmation pluriannuelle des recrutements. À cet égard, nous suivrons avec intérêt les conclusions que formulera la commission sur l'évaluation du métier d'enseignant, présidée par Marcel Pochard.
Avant de conclure, je souhaite appeler votre attention sur l'apprentissage des langues qui me paraît fondamental. Aujourd'hui, il n'est plus acceptable qu'un élève ne puisse pas pratiquer au moins deux langues vivantes en plus du français. La mondialisation des échanges et l'Europe en font une nécessité. Il faut engager rapidement une réflexion sur l'apprentissage d'une deuxième langue dès la classe de cinquième, voire – Why not ? – en classe de sixième, une formation en anglais étant déjà dispensée à l'école primaire.
Un mot enfin sur mon second amendement, qui porte sur l'égalité des chances en matière culturelle.
Nous, provinciaux, souffrons par trop de l'éloignement de l'accession à la culture. Il faut reconnaître que nombre de monuments importants à visiter ou d'expositions sont concentrés à Paris et que, eu égard aux tarifs pratiqués par la SNCF notamment, nombre d'enfants de ce pays ne peuvent y avoir accès. Aussi, je souhaite que vous engagiez un large débat avec la présidente de la SNCF et les responsables d'Air France pour que des conventions soient signées entre l'État et ces entreprises privées…
…permettant des tarifs préférentiels pour les voyages scolaires.
En conclusion, je vous invite à méditer ces mots, non de Confucius, mais du philosophe Henri Pena-Ruiz : « La liberté de conscience est fondée sur l'autonomie de jugement grâce à l'école de la République, la seule école vraiment libre, car elle s'ouvre gratuitement à tous les enfants du peuple et n'a d'autre souci que de libérer les consciences humaines grâce à une culture universelle. »
Ne doutant pas que vous souscrivez à ces sages propos, et convaincu que l'éducation reçoit du Gouvernement l'attention que mérite cet enjeu essentiel pour l'avenir de nos enfants, le groupe Nouveau centre votera le budget de la mission « Enseignement scolaire ». (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le système scolaire, pilier historique de la méritocratie républicaine, repose sur le principe de l'égalité des chances.
Ce principe commande que l'origine sociale ou l'appartenance à une minorité visible ne préjuge en rien la destinée scolaire des élèves. Or nous en sommes très loin.
Statistiquement, l'origine sociale est de plus en plus déterminante dans l'obtention du diplôme et la proportion d'enfants d'ouvriers ou des quartiers accédant aux grandes écoles a diminué.
Loin de réduire les inégalités, notre système les amplifie. Je ne multiplierai pas les exemples quantifiés pour concrétiser ce constat que nous partageons tous. Je m'efforcerai plutôt de démontrer que le budget que nous présente le Gouvernement, et plus généralement la politique qu'il met en oeuvre, tendent à y remédier.
Je vais essayer !
Pour illustrer mon propos, je prendrai trois exemples.
Premièrement, pour la première fois un ministre s'engage sur des objectifs quantifiés de réduction de l'échec scolaire lourd et donne la priorité à l'enseignement de la langue.
Deuxièmement, ce budget marque un effort particulier en faveur des collèges « ambition réussite », notamment en généralisant, pour 2008, la prise en charge des élèves après seize heures.
Enfin, ce budget démontre que l'on peut faire beaucoup mieux pour les élèves en difficulté, tout en réduisant globalement le nombre d'enseignants.
Depuis plusieurs décennies, le budget de l'éducation n'a jamais cessé de croître. La dépense intérieure d'éducation atteint 121 milliards d'euros, ce qui correspond à 6,8 % de la richesse nationale. Entre 1980 et 2006, elle a augmenté plus rapidement que la richesse nationale, et la France se situe bien au-dessus de la moyenne des pays de l'OCDE en matière de dépenses éducatives.
Cette forte augmentation était nécessaire pour deux raisons. D'abord, il s'agissait de prendre en charge la très forte démocratisation du second degré et de l'enseignement supérieur dans les années quatre-vingt, ensuite de faire face à l'hétérogénéité croissante des publics.
Mais, force est de constater que cette évolution importante des moyens de l'école n'a pas produit les effets escomptés pour assurer l'égalité des chances. La dépense d'éducation a très fortement augmenté et parallèlement l'égalité des chances a fortement décru.
L'évolution démographique depuis le début des années quatre-vingt-dix aurait dû jouer plus encore en faveur de la réussite scolaire puisque la France a perdu 500 000 élèves en quinze ans alors que parallèlement 60 000 professeurs ont été recrutés. Bref, nous avons massivement investi dans la formation et massivement recruté alors même que le nombre d'enfants scolarisés diminuait. Et pourtant, les résultats n'ont pas suivi. Au mieux ils stagnent, au pire ils baissent.
Vous développerez les vôtres tout à l'heure, monsieur Roy !
Le taux de scolarisation diminue depuis le début des années quatre-vingt-dix après avoir très fortement augmenté dans les années quatre-vingt. Le pourcentage de bacheliers par classe d'âge stagne, voire baisse légèrement depuis quelques années. Enfin, les compétences en lecture diminuent, notre classement OCDE en est la démonstration.
J'ajoute que nous sommes l'un des pays de l'OCDE qui dépense le plus mais qui réussit le moins ! Ce constat est une réalité que vous ne pouvez pas contester.
Loin de moi l'idée de penser qu'il faut impérativement diminuer les moyens de l'éducation pour répondre aux difficultés du système scolaire.
À l'inverse, je veux simplement vous convaincre que les augmenter indéfiniment n'est pas non plus une réponse adaptée. La politique des moyens ne peut pas être l'alpha et l'oméga de la politique scolaire.
Il nous faut donc innover, changer nos modes de pensée et convaincre les Français que ce n'est pas en diminuant partout et pour tout le monde le nombre d'élèves par classe que l'on améliorera la qualité du service public éducatif. Je suis convaincu que l'on peut faire beaucoup mieux avec un peu moins, et ce budget en est la démonstration.
Le ministère de l'éducation nationale s'inscrit pleinement cette année dans l'effort global de maîtrise de la dépense publique demandé par le Président de la République. Il prévoit le non-remplacement de 11 200 fonctionnaires partant en retraite. Je le dis : le groupe UMP assume pleinement ce choix. Oui, il y aura l'année prochaine 1 % de professeurs en moins. Pour autant, le taux d'encadrement des élèves ne baissera pas parce qu'il y aura moins d'élèves et que 3 500 équivalents temps plein supprimés sont transformés en heures supplémentaires.
Avec 11 000 postes en moins, nous allons faire beaucoup plus pour les élèves les plus en difficulté. La suppression de l'école le samedi matin permettra de libérer deux heures pour les 15 % d'élèves les plus fragiles.
La France est le pays européen où le nombre d'heures de cours est le plus important sans, là encore, que nos résultats soient meilleurs que les autres. Ces deux heures représentent l'équivalent de 26 000 équivalents temps plein qui bénéficieront aux élèves les plus fragiles.
Alors oui, cette politique rompt avec le passé. Nous supprimons 11 000 postes et nous l'assumons pleinement parce que, parallèlement, nous faisons beaucoup plus pour lutter contre les inégalités.
Le Gouvernement propose aux Français de le juger sur des résultats, en prenant des engagements chiffrés sur la réduction de l'échec scolaire lourd, ce que personne n'avait osé faire jusque-là.
J'ajouterai que ce budget traduit l'engagement du Président de la République de revaloriser le métier d'enseignant. Pendant sa campagne, il avait clairement pris l'engagement de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et indiqué tout aussi clairement que la moitié des économies ainsi réalisées serviraient à améliorer les conditions de travail et la rémunération des personnels. En clair, cet engagement est fondé sur le principe suivant : moins de fonctionnaires mais des fonctionnaires mieux considérés et mieux payés.
Conscient du malaise des professeurs, le Président de la République a promis de faire de la revalorisation du métier d'enseignant une « priorité de son quinquennat » qui se traduit par la mise en place de la commission Pochard dont le budget que nous examinons aujourd'hui anticipe le financement des conclusions à venir.
C'est une absolue nécessité car la refondation de l'école française ne se fera pas sans le concours des professeurs. Dans l'école de demain, les éducateurs seront mieux considérés, ils gagneront plus, ils progresseront plus rapidement s'ils choisissent de s'investir davantage.
C'est là aussi tout l'intérêt des heures supplémentaires.
À la rentrée 2008, les enseignants se verront offrir la possibilité d'effectuer des heures supplémentaires,…
…lesquelles, conformément aux dispositions de la loi TEPA, seront défiscalisées, permettant ainsi une augmentation de leur pouvoir d'achat de 400 millions d'euros.
En offrant cette souplesse aux enseignants, nous donnons aussi une vraie chance de réussir aux enfants. Ces heures supplémentaires permettront de mieux les suivre, de mieux les aider et de mieux les accompagner.
Bref, le groupe UMP apportera tout son soutien au ministre de l'éducation nationale, dont le budget que nous nous examinons aujourd'hui traduit les engagements du Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le ministre, vous vous êtes vous-même qualifié dans un hebdomadaire la semaine dernière de « bon élève de la classe Sarkozy »,…
Il ne faut pas croire tout ce qu'on dit dans les magazines.
La copie que vous nous présentez dans ce budget vous vaudra, nous n'en doutons pas, les félicitations du Président, tant vous vous conformez strictement aux dogmes du nouveau régime. Est-ce un effet de ce que Tacite, dont vous êtes familier, appelle « l'adulation, le pire poison de tout sentiment vrai » ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ou est-ce qu'instruit par le même Tacite, vous savez que « pour devenir le maître, il faut agir en esclave » ? (Mêmes mouvements.) Sur les bancs UMP, votre copie ne déchaîne pas l'enthousiasme,...
Le rapporteur Frédéric Reiss a même parlé en commission de la « pilule amère des 11 200 suppressions de poste ».
De notre côté, nous jugeons ce budget à l'aune de deux critères indissociables : la justice sociale et l'efficacité économique. Ce budget garantit-il, oui ou non, l'égalité de réussite scolaire dans ce pays, et par voie de conséquence, prépare-t-il, oui ou non, l'avenir de la nation, la cohésion sociale, la transmission d'un socle commun de connaissances et de l'idéal républicain ?
A-t-il, oui ou non, l'ambition d'élever le niveau de qualification de tous et de permettre ainsi à chacun de maîtriser son destin ?
Avec accablement, nous constatons que non. Vous évitez de justesse le zéro pointé, monsieur le ministre, (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et obtenez l'indulgence du jury grâce à la généralisation de l'accompagnement éducatif que nous avions nous-mêmes proposé dans la campagne présidentielle.
Nous vous accordons même nos encouragements pour la poursuite de l'effort d'intégration des enfants porteurs de handicaps et la création de postes d'infirmière. Mais leur mise en oeuvre soulève aussi des questions sur lesquelles mes collègues reviendront.
Dans l'ensemble, ce qui nous accable, c'est le caractère dogmatique de votre budget. Dogmatiques les 11 200 suppressions de postes – 11 200 pour l'année 2008, c'est énorme !
Et c'est la sixième année consécutive : depuis 2003, budget après budget, ce sont près de 40 000 emplois qui ont été supprimés dans l'éducation nationale ! C'est dire s'ils sont largement dépassés, les 32 000 équivalents temps plein qui, selon le rapport de la Cour des comptes de 2005 que notre ancien collègue Chamard citait si souvent sur la gestion des personnels de l'éducation nationale, étaient réputés sans classe et sans activité pédagogique. Ces nouvelles suppressions ne s'opèrent donc plus sur ce qu'élégamment, monsieur le ministre, vous appelez un sumo, mais sur un corps décharné, très affaibli. Avec ces nouvelles suppressions, on touche à l'os... Yves Durand et Alain Néri auront l'occasion d'y revenir et d'expliciter les terribles conséquences de ces choix doctrinaires.
Dogmatiques ensuite les heures supplémentaires défiscalisées, qui vous tiennent lieu de politique salariale pour les enseignants. Elles instillent l'idée vénéneuse que les enseignants ne travaillent pas assez.
Je n'ai jamais dit ça !
Des heures supplémentaires qui, en pratique, peuvent être demandées et obtenues par tout enseignant, sans considération de ses qualités pédagogiques...
Dogmatique enfin le silence sur l'éducation prioritaire. Votre camp, par un formidable déni de réalité, a commencé par dire que c'étaient les zones d'éducation prioritaire qui créaient les inégalités scolaires, et non pas que cet outil tentait d'y remédier.
Puis, ne pouvant plus longtemps occulter les difficultés lourdes et réelles qui se concentrent dans certains établissements, vous avez fait disparaître l'appellation ZEP. Au prix d'un bel exemple de politiquement correct, on parle désormais dans votre « novlangue » de RAR – réseaux ambition réussite. C'est la même chose, mais en bien plus petit nombre. Aujourd'hui avec ce budget, étape ultime, c'en est fini de l'éducation prioritaire,...
..c'est-à-dire de l'idée juste de donner plus à ceux qui ont moins. Vous n'accordez en effet aucune priorité budgétaire aux RAR, au point d'ailleurs que le projet annuel de performances avoue que les classes en établissements prioritaires ont les mêmes effectifs qu'ailleurs, à deux élèves près ! En somme, dans votre copie, vous faites deux impasses, qui apparaissent comme un double renoncement.
Vous renoncez d'abord à atteindre les objectifs de Lisbonne. La France, comme ses partenaires, s'était engagée à « faire de l'Union européenne l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010 ». En concentrant sur le second degré l'essentiel des suppressions de postes, vous sacrifiez les 4 268 000 collégiens et lycéens de France, qui sont les victimes d'un véritable massacre à la tronçonneuse.
Ce sont eux pourtant les bacheliers et les diplômés de 2010.
Vous n'avez donc nullement l'intention, pour respecter les objectifs de Lisbonne et la loi d'orientation sur l'école de 2005, de porter 50 % d'une classe d'âge au niveau de la licence. En sacrifiant le secondaire, vous condamnez la France à rester durablement en marge de la croissance européenne et internationale. Votre budget est donc à court et moyen terme inefficace économiquement.
Vous renoncez ensuite à attaquer les inégalités de destin scolaire à la racine, c'est-à-dire à l'âge où l'on peut éviter qu'elles naissent et qu'elles se creusent.
Dans la droite ligne des budgets de vos prédécesseurs, la scolarisation à deux ans est en chute libre : de 35 % en 2000-2001, elle n'était plus que de 24 % en 2005-2006. Et le budget pour 2008 n'inverse en rien la tendance, en dépit du rapport du groupe d'étude sur la maternelle que vous avez vous-même créé et qui préconise « d'assurer en priorité la scolarisation des moins de trois ans dans les secteurs situés dans un environnement social défavorisé. »
En outre, si vous vouliez corriger concrètement les inégalités de destin là où elles se trouvent, vous ne feriez pas l'impasse sur l'éducation prioritaire.
Vous affichez, monsieur le ministre, une louable intention – la maîtrise de la langue française par tous les élèves – et vous faites le pari de diviser par trois le nombre d'élèves en grave difficulté à l'issue du primaire. Vous présentez habilement la suppression de l'école pour tous le samedi comme une forme de redistribution des heures d'enseignement en indiquant que les heures libérées bénéficieront aux 15 % d'élèves en difficulté. Ça ne trompe que Benoist Apparu. D'ailleurs, vous reconnaissez vous-même que ce taux est abstrait et qu'il ne se répartit pas de manière égale dans toutes les classes et les établissements.
Vous connaissez la grande homogénéité sociale des élèves en difficulté : ce sont pour 25 % des enfants d'ouvriers, pour 45 % des enfants d'inactifs. Dans certains territoires, villes, quartiers, que certains appellent les territoires perdus de la République, ils ne sont pas 15 %, mais 40 %, 50 %, voire 60 % ! Or ce ne sont pas les professeurs des écoles des centres-villes de Périgueux ou de Neuilly-sur-Seine qui iront faire du soutien scolaire à Hénin-Beaumont, Vaulx-en-Velin, ou Vitrolles.
À budget équivalent, à moyens équivalents, à postes équivalents, monsieur le ministre, nos priorités auraient été tout autres.
Nous investirions massivement dans la maternelle comme s'y sont engagés, à l'exception notable de la France, l'ensemble des pays développés.
Car, l'OCDE le dit, « les premières années de la scolarisation sont de plus en plus considérées comme l'une des clés de la réussite des politiques sociales, familiales et éducatives ». Nous garantirions l'accueil de 100 % des enfants de trois ans et développerions l'accueil des moins de trois ans parce que c'est à deux ans, à l'âge de l'apprentissage de la langue qu'il faut agir et tout particulièrement pour les enfants dont le premier bain linguistique n'est pas le français. Mon collègue Jean-Luc Pérat, qui nous montre l'exemple dans sa commune d'Anor, y reviendra. Comme le note le tout récent rapport mondial du suivi de l'éducation de l'Unesco, cet âge est « une période d'immense potentiel durant laquelle une protection et une stimulation appropriées sont essentielles pour jeter les bases du bien-être et du développement de l'enfant ».
Nous investirions massivement dans l'éducation prioritaire en réduisant le nombre d'élèves par classe, ce qui serait possible si vous ne supprimiez pas 11 200 postes, comme vous le redira Patrick Roy.
Vous parlez à longueur d'interviews de ces enseignants qui n'effectuent pas la totalité de leur obligation de service dans leur discipline, en vous acharnant – on ignore pourquoi, peut-être des mauvais souvenirs – sur les professeurs d'allemand. Plutôt que de les stigmatiser,...
Je ne stigmatise personne, je cite les chiffres !
..nous saisirions cette opportunité pour expérimenter enfin de nouvelles pédagogies, pour proposer à ces enseignants d'assurer le retour d'expérience, le partage d'informations, la coordination des équipes éducatives – qui manque tant – et le soutien individualisé des élèves en difficulté là où ils se trouvent, et non là où vous voudriez qu'ils soient. Martine Martinel le développera.
Plutôt que de stigmatiser ces enseignants en surnombre,...
Encore une fois, je ne stigmatise personne ! Je vous interdis de dire cela ! Je cite les chiffres.
..nous y verrions l'opportunité de leur offrir la possibilité de se former, car la formation continue et la deuxième carrière des enseignants sont aussi les grandes absentes de ce budget.
Voilà ce que nous ferions, et nous avons déposé des amendements en ce sens.
Maternelle ignorée, secondaire sacrifié, enseignement professionnel méprisé... À budget équivalent, à moyens équivalents, à postes équivalents, mais sans sectarisme,...
..sans dogmatisme, nous ferions autrement. Nous ferions mieux pour nos enfants, pour nos jeunes, pour notre pays et pour la République. C'est, je le répète, parce qu'il ne prépare pas l'avenir et qu'il ne s'attaque pas aux inégalités, que votre budget est économiquement inefficace et socialement injuste. Vous comprendrez donc, monsieur le ministre, que nous ne le votions pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
J'espère que ce sera d'un autre niveau. Lui au moins sait de quoi il parle.
Monsieur le ministre, il y a au moins une chose que je ne mettrai pas en doute : c'est la sincérité de vos bonnes intentions. Vous les répétez d'ailleurs depuis des années, et vous en faites part dans les nombreuses émissions, notamment télévisées, auxquelles vous participez. Elles sont toujours de grande qualité. Vous voulez mettre l'accent sur l'apprentissage de la langue et la maîtrise de l'oral. Vous insistez sur la nécessité de sortir les 15 % des élèves les plus en difficulté de la situation de quasi-analphabétisme dans laquelle ils se trouvent. Vous souhaitez alléger une semaine de travail qui fait de l'élève français certainement le plus chargé d'Europe. Sur ces trois points essentiels, sur lesquels nous discutons depuis bien des années, on ne peut qu'être d'accord avec vous.
Mais alors pourquoi, avec de si bonnes intentions, votre politique et le budget qui l'exprime sont-ils l'un et l'autre si peu satisfaisants ? Je voudrais reprendre chacun de ces trois points, parce qu'ils sont, je crois, au coeur du problème de l'éducation et de l'égalité des chances.
La maîtrise de la langue et de l'oral. J'ai lu, comme vous, monsieur le ministre, et comme beaucoup de mes collègues, le rapport extrêmement intéressant, paru au mois d'août dernier, du Haut conseil de l'éducation, créé par la loi dite Fillon, et à la création duquel nous ne nous sommes pas opposés. Or ce Haut conseil met en avant une idée que nous développons, souvent sous les ricanements de certains de nos collègues de droite, à savoir que les inégalités scolaires sont le fruit des inégalités sociales. Vous êtes d'accord, monsieur le ministre. Elles apparaissent dès le plus jeune âge de l'enfant, à l'intérieur même de la famille. Dès lors, l'une des missions de l'école républicaine, c'est de contrebalancer et, autant que faire se peut, d'annuler ces inégalités.
Or, pour ce faire, le Haut conseil le reconnaît et vous ne le contredirez pas, monsieur le ministre, vous qui êtes un littéraire, la maîtrise de la langue et de l'expression orale, sont nécessaires pour éviter l'échec de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture, lequel s'observe dès le cours préparatoire. Les inégalités qui en découlent iront ensuite en s'aggravant, de l'école élémentaire au collège, voire au lycée pour ceux qui l'atteignent. Si c'est dès la plus petite enfance que se créent de telles inégalités, alors, et le Haut conseil formule cette exigence, il faut faire de l'école maternelle le pilier de l'égalité des chances. Il faut faire de l'école maternelle, nous l'avons toujours dit, la première étape de la lutte contre les inégalités, c'est-à-dire une véritable école qui donne toutes leurs chances aux enfants qui sont en grande difficulté à cause de leur milieu familial et culturel.
Or que constatons-nous dans votre budget, monsieur le ministre ? Une fois de plus, hélas ! l'école maternelle, que vous encensez pourtant dans vos discours, reste ce que vos amis du ministère des finances appellent la « variable d'ajustement », c'est-à-dire le ministère auquel, pardonnez-moi cette expression triviale, « piquer » les postes au motif qu'il s'agit d'un enseignement non obligatoire et que l'on peut expliquer aux parents que la scolarisation en dessous de deux ans, de trois ans, voire de quatre ans dans certaines communes, n'est pas une bonne chose et que le milieu familial est plus important. Pourtant, c'est faux ! Nous l'avons toujours dit et répété, et le Haut conseil de l'éducation aussi.
Nous avons, lors de la campagne présidentielle, mis en avant la nécessité d'une véritable école maternelle de l'égalité des chances, dans le cadre d'une politique générale de la petite enfance qui assurerait le lien entre la famille, un mode de garde non scolaire et l'école maternelle. Il faudrait veiller à une transition douce, harmonieuse avec l'école élémentaire. Aujourd'hui, le choc est tel, notamment pour les enfants des milieux défavorisés, que l'échec les guette dès le cours préparatoire. On voit déjà les enfants qui auront des difficultés à l'école élémentaire, puis au collège et qui n'atteindront pas le lycée.
Or l'école maternelle constitue la variable d'ajustement et, dans beaucoup de classes, les effectifs dépassent trente, voire trente-cinq élèves. C'est le cas dans ma commune majoritairement peuplée de familles modestes dont les enfants ont besoin de l'école : leur seule chance, c'est justement l'école et notamment la maternelle ! Les instituteurs d'école maternelle, souvent d'un dévouement extraordinaire, voient leurs crédits pédagogiques amputés de 25 %, ce qui leur interdit de mener une véritable politique d'accompagnement visant à mettre ces enfants sur les rails de la réussite.
Deuxième objectif auquel nous ne pouvons qu'adhérer, mais qui est contredit par les faits : permettre aux 15 % d'élèves les plus en difficulté de sortir de leur situation d'échec. Or que leur proposez-vous, monsieur le ministre ? Des cours en plus. À des élèves qui sont souvent en voie de déscolarisation et qui ont déjà du mal à assumer le nombre d'heures normal ! Cela revient à donner un plat de lentilles supplémentaire à un enfant qui refuse de se nourrir. C'est l'échec assuré ! Bonne intention, certes ! Populaire, probablement ! Mais, en termes d'efficacité, cette mesure tourne d'autant plus le dos à la réalité que ces cours supplémentaires sont proposés hors du temps scolaire, pendant les fameuses heures des samedis libérés. Les enfants qui s'en sortent bien pourront se reposer ou se cultiver ; ceux qui sont en difficulté auront droit à « une louche supplémentaire » – excusez la trivialité de l'expression.
De plus, ces cours sont organisés sur la base du volontariat des enseignants, mais aussi des élèves et des parents. Or il s'agit précisément – vous qui êtes maire de Périgueux, vous le savez comme moi, maire de Lomme dans le Nord – de familles qui acceptent le moins le rôle de l'école, qui ont tendance à penser qu'elle ne sert à rien, tout simplement parce que les parents sont au chômage. Ayant parfois été en échec scolaire eux-mêmes, ils ne voient pas la chance que l'école peut offrir à leur enfant, et en viennent à croire que l'échec est presque héréditaire.
Ce qu'il faudrait, c'est une véritable pédagogie individualisée à l'intérieur du temps scolaire. Pour cela, il aurait fallu insister sur l'accompagnement individuel dans le cadre des cycles, mentionné par le Haut comité de l'éducation.
Vous n'en parlez pas alors que c'est inscrit dans la loi et que cela permettrait un accompagnement individuel de chaque élève, notamment de ceux qui connaissent le plus de difficultés.
Mais évidemment, cet accompagnement individualisé demande des moyens et nécessite d'avoir plus d'enseignants que de classes.
Enfin, il faut alléger la charge de travail des élèves. Vous avez décidé de supprimer les cours du samedi, sans concertation ni négociation. Cette réponse n'a rien à voir avec le problème réel qu'il faudra bien aborder : un véritable aménagement du temps de l'enfant. Nous avons des propositions à faire sur ce sujet qui va bien au-delà de cette espèce de cache-misère – ces deux heures libérées – que vous nous proposez.
Monsieur le ministre, ces bonnes intentions, sans doute sincères, se heurtent à la réalité budgétaire. On vous a assigné un objectif : supprimer des postes. C'est le même depuis des années ; comme Sandrine Mazetier l'a rappelé : près de 40 000 postes ont été supprimés depuis 2003.
Auparavant, vous avez rogné sur les remplacements, puis sur les filières de l'enseignement professionnel. Aujourd'hui, vous vous attaquez aux fondements, au coeur même de l'école. Vous êtes parvenus au bout des possibilités de suppression et pourtant vous continuez encore, en mettant en cause l'égalité des chances que vous prétendez pourtant chercher à atteindre.
Vous tournez le dos à vos bonnes intentions, voilà pourquoi nous voterons contre votre budget, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le ministre, mes chers collègues, l'éducation nationale fait partie des trois grandes priorités du budget pour 2008.
… de nouveaux moyens, traduisant une ferme volonté de renouer avec une école de la réussite et de l'excellence.
Près de 22 800 fonctionnaires partant à la retraite – tous corps confondus – ne seront pas remplacés en 2008. Dans ce contexte, l'effort demandé à l'éducation nationale…
…représentera 11 200 postes en équivalents temps plein sur 35 000 départs,…
…soit environ 1 % des effectifs. Pour tenir compte de l'évolution démographique, 1 000 emplois seront créés dans le primaire, le nombre d'enseignants diminuant dans le secondaire, qui va perdre 2 500 élèves à la rentrée 2008.
Pour certains, si le nombre de postes augmente fortement, c'est un excellent budget. S'il augmente peu, c'est un budget médiocre. S'il diminue, c'est un très mauvais budget. Peu importe que les enseignants enseignent ou non, que l'argent public soit ou non utilisé à bon escient ! Pourtant, on sait qu'il n'y a pas de corrélation directe entre le nombre d'enseignants et la réussite universitaire ou l'intégration professionnelle des élèves.
Le problème n'est donc pas uniquement celui des moyens. En revanche, il faut analyser les raisons pour lesquelles notre système scolaire nous coûte 25 % de plus que celui de nos voisins…
… sans nous donner de meilleurs résultats, et il faut le réformer afin de le rendre plus efficace.
Pour y parvenir, on peut s'appuyer sur deux rapports de la Cour des comptes – l'un d'avril 2003 sur la gestion du système éducatif, l'autre de janvier 2005 sur les enseignants qui n'enseignent pas – ainsi que sur les audits lancés par le Gouvernement.
Première cause de surcoût : le sous-emploi des personnels. On compte trop d'enseignants sans classe ni activité pédagogique, de remplaçants inoccupés, de décharges non statutaires, de surnombres disciplinaires.
Deuxième cause de surcoût : un système de décharges obsolète qui représentent beaucoup d'équivalents temps plein.
Troisième cause de surcoût : un nombre extrêmement élevé d'options. On dénombre 250 matières, et 20 % des six millions d'heures enseignées réunissent moins de 15 élèves – phénomène observé surtout dans l'enseignement professionnel et celui des langues.
Quatrième cause de surcoût : un nombre particulièrement élevé d'heures de cours, de 20 % supérieur à celui des pays voisins.
C'est pourquoi le budget pour 2008 se fixe deux objectifs : optimiser la gestion du système éducatif, car il n'est pas normal que des professeurs n'aient pas d'élèves en face d'eux ; mettre en place une nouvelle façon de travailler, grâce à l'évolution des horaires des enseignants.
Dans ce contexte général, l'enseignement privé sous contrat devrait perdre près de 1 400 postes, dont 340 au titre du principe de parité avec l'enseignement public.
Pour justifier cette réduction d'effectifs, on invoque la résorption des surnombres disciplinaires. Or chacun sait que ces surnombres n'existent pas dans l'enseignement privé sous contrat, puisque les enseignants ne sont rémunérés que pour les heures réellement effectuées devant les élèves. Dans l'enseignement privé sous contrat, il n'existe pas de titulaires remplaçants, les suppléants ou remplaçants n'étant rémunérés que s'ils effectuent des remplacements réels.
Ainsi, la mise en oeuvre du principe de parité entre l'enseignement public et l'enseignement privé sous contrat dans le budget 2008 revient à supprimer 340 emplois supplémentaires. La ponction est proportionnellement deux fois supérieure à celle appliquée dans l'enseignement public.
Monsieur le ministre, mon intervention n'a évidemment pas pour objet de comparer les mérites de l'enseignement public et de l'enseignement privé. Cessons de voir dans l'enseignement privé un concurrent du public ! L'enseignement public et l'enseignement privé doivent pouvoir s'enrichir mutuellement de leur complémentarité et même de leur différence. Quel que soit l'établissement dans lequel ils exercent, les enseignants font un métier difficile et, dans leur très grande majorité, mettent tout en oeuvre pour préparer les enfants à un avenir professionnel en constante évolution.
Il s'agit, à mon sens, de considérer à leur juste place les besoins et les apports de l'enseignement privé sous contrat au sein du système éducatif français, et de lui donner les moyens de remplir sa mission. Je vous remercie de nous faire part de votre point de vue à ce sujet.
Concernant les moyens, je me félicite de la publication de la circulaire du 6 août 2007, modifiant la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales en matière de financement par les communes des écoles privées. Ce litige né – comme chacun le sait – de l'adoption de l'amendement « Charasse », a donné lieu à de vives polémiques dans nos communes. La nouvelle circulaire ne fait que reprendre sur le fond celle du 2 décembre 2005 annulée par le Conseil d'État pour des raisons de forme. Pourtant, aujourd'hui encore, certains maires s'interrogent et craignent que la circulaire n'impose aux communes de nouvelles obligations en matière de financement des écoles privées. Afin de mettre un terme, une bonne fois pour toutes, aux querelles sur les moyens à consacrer à l'enseignement public et à l'enseignement privé, il faudrait clairement réaffirmer le principe selon lequel les communes qui peuvent scolariser les élèves dans une école publique ne sont pas obligées – sauf exception – de participer au financement de l'école privée.
En outre, trois dépenses sont rayées de la liste des dépenses de fonctionnement à prendre en compte dans le calcul des participations communales. Il me semble que c'est le meilleur équilibre qui pouvait être trouvé entre le libre choix des parents et l'autonomie des communes. Il reste à bien expliquer cette mesure. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, bien que l'enseignement scolaire doive bénéficier d'un budget de 59,26 milliards d'euros – quasiment stable par rapport à l'année dernière – le projet de loi de finances pour 2008 prévoit 11 200 suppressions nettes de postes dans l'enseignement scolaire public et privé, de la maternelle à la terminale, dont 1 000 postes administratifs.
Les députés communistes et républicains ne peuvent que déplorer ces choix, et partagent la colère et le mécontentement des associations de parents d'élèves, des syndicats d'enseignants et des personnels de l'éducation nationale lesquels dénoncent « une politique gouvernementale qui va à l'encontre de la réussite de tous les jeunes ». Nous partageons leur conviction que ces suppressions de postes à la rentrée 2008 – qui s'ajoutent aux milliers de suppressions de ces dernières années – constituent une nouvelle étape de la dégradation du service public d'éducation. Vous aurez du mal à faire passer cette « pilule amère », selon l'expression employée tout à l'heure par Frédéric Reiss, le rapporteur pour avis. Je partage son point de vue.
Alors que 34 535 postes ont déjà été supprimés depuis 2003, la moitié des départs en retraite non remplacés dans le projet de loi de finances pour 2008 concerne des enseignants. Puisque vous appartenez à un gouvernement qui se targue de pratiquer la négociation, que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour que les personnels, les parents et les lycéens soient associés aux décisions capitales qui les concernent ?
Cette diminution des crédits alloués à la rémunération des personnels n'est pas compréhensible si l'on se réfère à la position de la France par rapport aux autres pays de l'OCDE. L'étude « Regards sur l'éducation 2007 » signale en effet que la France consacre environ 10 % de ses dépenses d'éducation à des services auxiliaires, c'est-à-dire des dépenses autres que des rémunérations de personnel, contre 6 % en moyenne pour les pays de l'OCDE.
L'enseignement scolaire public du premier degré semble moins touché, avec la création de 700 emplois, pour une augmentation de 37 000 élèves. Vous omettez cependant de mettre en avant la suppression de 670 emplois de stagiaires – soit 233 équivalents temps plein –, dont on sait qu'ils apportent chacun une journée de travail en classe – dans le cadre du « stage filé » –, ce qui va entraîner la suppression de 150 équivalents temps plein. Ce calcul permet donc d'établir la création nette d'emplois, non pas à 700 mais à 550 postes, soit 1 pour plus de 67 élèves.
Même si nous saluons la valorisation du statut de directeur d'école, nous ne pouvons en revanche que constater que celle-ci est financée quasi intégralement par la baisse de 10,42 % des crédits pour l'indemnité de sujétion spéciale de remplacement. Et comment ne pas déplorer la baisse de 10,61 % des crédits pour la formation des personnels enseignants, et celle de 11 % des crédits pédagogiques pour l'élémentaire et le préélémentaire ?
Vos calculs vous conduisent même à souhaiter le recul progressif de la scolarisation des enfants de moins de trois ans en école maternelle, alors qu'elle est déjà passée de 36 % en 1990 à 21 % en 2006. Votre ministère est allé jusqu'à évoquer la possibilité de déscolariser les enfants avant cinq ans. Pourtant, la scolarisation précoce est un gage de réussite, surtout pour les élèves dont les parents n'ont pas fait d'études longues et qui ne peuvent préparer au mieux l'entrée de leur enfant au cours préparatoire. Il est inacceptable qu'en milieu rural comme en zone d'éducation prioritaire on doive fermer des classes de maternelle pour pouvoir maintenir des effectifs raisonnables en école élémentaire.
Mais le plus gros scandale réside dans les suppressions de postes du second degré. Ce sont, cette année encore, les collèges et les lycées qui paieront le prix fort avec 12 400 suppressions nettes d'équivalents temps plein. Pour 1 800 d'entre elles, ces suppressions se justifient d'après vous par la baisse des effectifs d'élèves dans le secondaire, et pour 2 040 par les « surnombres disciplinaires ». Les heures supplémentaires défiscalisées permettront quant à elles d'« économiser » 4 200 équivalents temps plein – à raison de 18 heures hebdomadaires pour les certifiés et 15 pour les agrégés.
Le cynisme n'effraie pas le Gouvernement quand il se permet de mettre en parallèle la baisse du nombre d'enseignants avec une hausse de la productivité. Quelles matières, quels programmes et quelle culture seront sacrifiés sur l'autel de votre efficacité ? Le Haut conseil de l'éducation peut bien juger que le collège ou l'école primaire ne sont pas « efficaces », ce n'est pas avec de tels choix politiques que nous prendrons le chemin d'une école transformée.
Le projet de budget prévoit en outre la suppression de 1 000 emplois administratifs, laquelle succède aux 2 000 suppressions des cinq dernières années. Vous prétendez que ces postes pourront être économisés par le biais de gains de productivité liés à l'informatisation et à la dématérialisation de certaines missions. Toute personne un peu sensée connaissant l'éducation nationale ne pourrait que préconiser le contraire : une augmentation des moyens administratifs, laquelle permettrait une meilleure information des personnels – notamment de remplacement – et donc leur meilleure gestion ou, par exemple, une répercussion plus rapide des éléments variables de la paie.
Pourrez-vous également expliquer aux enseignants non titulaires aujourd'hui au chômage pourquoi vous poursuivez le recrutement de nouveaux vacataires ?
À d'autres égards, on mesure la faible considération de ce gouvernement pour la communauté éducative. Alors que le pouvoir d'achat des professeurs n'a cessé de baisser depuis vingt ans, l'attente des conclusions du débat pour l'avenir de la fonction publique oblige encore à reporter une revalorisation de leurs conditions de rémunération : la seule alternative est d'accepter la modulation des heures supplémentaires, selon la fameuse logique du « travailler plus pour gagner plus ». Or la comparaison des niveaux de salaires avec nos homologues étrangers, comparaison qui ne saurait être l'apanage du Président de la République, montre que le rapport entre le salaire d'un enseignant du primaire après quinze ans d'exercice et le PIB par habitant est de 1,03 en France contre 1,33 en Angleterre, 1,62 en Allemagne et 2,54 en Turquie.
Depuis des années, les ministres affirment que les restrictions de moyens financiers consacrés par la nation à l'éducation sont sans conséquence sur la qualité du système éducatif. D'ailleurs, nos gouvernants ne cessent de nous persuader que le budget de l'éducation nationale progresse d'année en année. Mais la réalité est que l'analyse du niveau des dépenses publiques pour l'éducation montre un désinvestissement de l'État : si l'on rapporte les budgets de l'éducation nationale à la part des richesses produites, on s'aperçoit en effet que la participation de l'État est en régression. En 1993, avec une scolarisation moindre et un investissement des collectivités territoriales nettement inférieur à ce qu'il est aujourd'hui, la France consacrait 7 % du PIB à l'école, contre 6,8 % en 2006 par exemple.
En outre, les conditions d'enseignement vont s'aggraver pour les catégories sociales les moins favorisées. La proportion de suppressions de postes est aussi plus importante dans l'éducation nationale que dans l'enseignement privé financé par l'argent public. Vos priorités sont claires, et la rupture n'est pas faite avec vos prédécesseurs, qui ont obligé les communes à financer la scolarisation d'un enfant dans une école privée d'une autre commune.
De même, la suppression de la carte scolaire et les réformes sur l'autonomie des établissements servent à mettre ceux-ci en concurrence et à favoriser une élite, au détriment d'une formation de qualité pour tous. Il faut en outre préciser que ces démarches sont complètement contre-productives. Il ressort en effet d'une étude de juillet 2007 de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de l'Île-de-France que la mise en concurrence des établissements et la ségrégation sociale scolaire n'améliorent pas le niveau général – y compris, d'ailleurs, pour les élèves favorisés.
S'interroger sur l'école revient à s'interroger sur la société dans laquelle nous voulons vivre. Nous avons le choix entre une société qui s'accommoderait d'inégalités jugées indépassables et une société d'hommes et de femmes libres, égaux, soucieuse de développer les qualités de chacun dans un monde non plus fondé sur la concurrence mais sur le partage des ressources, des savoirs et des informations. Je suggère à cet égard de bannir de notre langage l'expression trop facile d'« égalité des chances » pour lui substituer une exigence d'égalité des droits et de réussite pour tous. Je vous enjoins ainsi de ne pas détruire cet héritage du programme du Conseil national de la Résistance qui, en 1944, souhaitait donner « la possibilité effective [à] tous les enfants français de bénéficier de l'instruction et d'accéder à la culture la plus développée, quelle que soit la situation de fortune de leurs parents ».
La gratuité présumée de l'éducation nationale est un leurre : chaque année, les associations familiales, dans leur estimation du coût moyen de la rentrée scolaire, démontrent que l'allocation de rentrée scolaire ne suffit pas à compenser la charge financière assumée par les familles. Et les récents aménagements que vous avez apportés à cette allocation, sous couvert de la moduler en fonction de l'âge de l'enfant, laissent présager, je le crains, une diminution de l'aide apportée aux plus jeunes.
Si je salue la création de 200 unités pédagogiques d'intégration pour les élèves handicapés, je ne peux que déplorer la pénurie dans laquelle restent cantonnés la médecine scolaire et les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, les fameux RASED, dont de nombreux postes de psychologues ou de rééducateurs sont en souffrance depuis parfois plusieurs années.
Je vous interrogerai tout à l'heure sur l'éducation prioritaire, tout en approuvant la possibilité désormais offerte aux enfants qui n'en avaient pas la chance d'être aidés dans le cadre d'un accompagnement scolaire assuré par l'éducation nationale. Les communistes proposent en effet depuis longtemps, vous le savez, de revoir la logique de marchandisation des activités périscolaires, onéreuses pour les familles, pour leur substituer un véritable service public de l'accompagnement scolaire.
Nous déplorons cependant que les contrats de réussite scolaire ne soient organisés qu'autour de l'augmentation des heures supplémentaires des personnels enseignants, et non par l'embauche de personnels dédiés dont la formation et la certification auraient été de la responsabilité de l'État.
Pour aller encore plus loin dans la lutte contre les inégalités, je pense qu'il serait intéressant de réfléchir à la création d'un fonds national de lutte contre les inégalités à l'école, destiné par exemple à permettre la gratuité de l'accès aux outils nécessaires à la réussite scolaire ou, pour les collectivités territoriales en difficulté financière, à soutenir la construction de locaux scolaires publics et à les doter en équipements.
Oui, la société devrait avoir pour ambition que les jeunes, quelle que soit leur origine sociale, culturelle ou géographique, puissent maîtriser la connaissance et accéder à une culture commune de haut niveau, mais également s'insérer correctement, ensuite, dans le marché du travail. Or les conditions d'entrée dans la vie active des jeunes ne cessent de se dégrader depuis vingt ans, comme le montrent les travaux de l'INSEE de juin 2006. Même si votre décision d'abroger la loi restaurant l'apprentissage à quatorze ans fut une bonne nouvelle,…
…le Haut conseil de la population et de la famille a cependant rappelé, en janvier 2007, que 15 000 jeunes se déscolarisaient de leur propre gré chaque année et que 150 000 n'ont aucune qualification à la sortie du système scolaire.
Les jeunes Français sont également frappés par un taux de chômage élevé. Ils accèdent difficilement à une première expérience professionnelle, se voient offrir des postes aux conditions de travail souvent difficiles et attendent en moyenne huit à onze ans pour accéder à un emploi offrant des perspectives de déroulement de carrière, ou du moins une certaine stabilité.
Cette situation est, vous le savez, fortement aggravée pour les jeunes sans qualification. Le diplôme joue un effet protecteur pour l'accès à l'emploi, puisque le taux de chômage atteint, en 2005, 42 % pour les non-diplômés, contre 11 % pour les diplômés du supérieur. Le Centre d'études et de recherches sur les qualifications indique aussi l'existence d'un fort lien entre les caractéristiques de la formation initiale et les conditions d'insertion professionnelle.
Je suis consciente que les moyens financiers ne suffiront pas en eux-mêmes à transformer le système éducatif, mais rien ne pourra se faire sans moyens considérables. Aussi, monsieur le ministre, je vous demande d'avoir l'audace non seulement de porter à nouveau la part du budget de l'État consacré à l'éducation à 7 % du PIB, mais également d'envisager le recrutement et la formation sur cinq ans de 150 000 enseignants et de 45 000 personnels d'accompagnement.
Sans cet engagement politique fort qui témoignerait de notre investissement dans l'avenir de la société française, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, et avec lui les députés communistes et républicains, ne pourront voter pour ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Mais fausse ! (Sourires.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'occasion de la rentrée 2007, le Président de la République a écrit une longue « Lettre aux éducateurs » pour décliner ses ambitions pour l'école. De votre côté, monsieur le ministre, vous avez récemment affirmé votre souci de résultats et de lutte contre l'échec scolaire.
Paradoxalement, pour mener à bien ces objectifs ambitieux, vous faites le choix, dans le sillage du gouvernement précédent, de supprimer des postes en masse.
Cette année, en effet, le budget de l'éducation nationale fait apparaître 11 200 suppressions de postes.
Vous avez annoncé, monsieur le ministre, une nécessaire refondation du système éducatif en mettant en avant l'instauration d'un socle commun des connaissances, déjà évoquée par vos prédécesseurs, M. Fillon et M. de Robien, et l'allégement horaire – dont on ne comprend pas vraiment l'intérêt pour la diversité et la qualité accrue des apprentissages.
Faisant écho à M. Sarkozy, vous avez déclaré vouloir en finir avec le collège unique, au prétexte qu'il avait failli à sa tâche, même si, tous les enseignants le savent, il n'a jamais vraiment été mis en place, si ce n'est pour faire apparaître le niveau hétérogène des élèves. Pour le Président de la République, il s'agit de le réformer « pour que chacun puisse y trouver sa place, pour que les différences de rythmes, de sensibilités, de caractères, de formes d'intelligence soient mieux prises en compte de façon à donner à chacun une plus grande chance de réussir ».
Mais comment comptez-vous favoriser l'individualisation, favorable à l'épanouissement intellectuel et personnel des élèves, en supprimant 6 711 postes d'enseignants dans le second degré et 2 800 postes de stagiaires entre le premier et le second degré ? Comment allez-vous, monsieur le ministre, atteindre ces objectifs en vous fondant sur la seule logique de rentabilité ?
Il y a, à l'évidence, une contradiction entre votre politique de réduction des coûts et l'affichage de contenus d'enseignement dignes des perspectives humanistes de Montaigne ou de Rabelais !
Il est dans l'air du temps d'opposer l'école de jadis à celle d'aujourd'hui, source de tous les maux. Si le système éducatif ne parvient pas toujours à remédier à l'échec scolaire, reconnaissez qu'il a évolué, de la maternelle au lycée, de même que son public.
Il est aussi dans l'air du temps de culpabiliser les enseignants.
Je ne l'ai jamais fait !
Ils ne sont pourtant pas responsables des inégalités sociales qui s'accroissent dans notre pays et qui sont souvent les ferments de l'échec scolaire.
L'absence de mixité sociale va à l'encontre de l'égalité des chances, et la suppression annoncée de la carte scolaire ne fera que renforcer la ségrégation dont nous mesurons déjà les effets négatifs.
Les enseignants d'aujourd'hui n'ont pas besoin qu'on leur dise de « travailler plus pour gagner plus », ils ont besoin d'une gestion cohérente de leur carrière, d'offres de formation adaptées et surtout d'une vraie formation continue, comme toutes les autres professions.
Ils ont le sens du service public, ils le respectent et n'ont pas attendu la lettre de M. Sarkozy pour être « fiers de leur métier, fiers de servir la République et fiers d'une certaine idée du progrès ». Comme vous le savez, monsieur le ministre, ils passent des concours difficiles, ils travaillent beaucoup et s'investissent pleinement auprès de leurs élèves pour transmettre des savoirs ou développer des compétences et des aptitudes à vivre ensemble, et cela dans tous les cycles, de la maternelle au lycée. Ils n'ont pas non plus attendu le Président de la République pour intégrer la dimension éducative de leur métier. Ils savent, dès le début de leur carrière, que « l'éducation est une exigence vis-à-vis de l'éducateur lui-même », comme le dit M. Sarkozy.
Monsieur le ministre, vous vous réfugiez derrière des annonces et des formules au lieu de mobiliser les moyens adéquats pour proposer des orientations budgétaires dignes des enfants, de la communauté éducative et d'un service public de qualité.
Au lieu de stigmatiser les uns et les autres – enseignants qui ne seraient pas présents dans leurs classes, élèves en difficulté, parents des « orphelins de seize heures » –, d'ajouter avec parcimonie quelques heures de cours ou de modifier les rythmes scolaires, notamment en supprimant l'école le samedi matin sans concertation, ne vaudrait-il pas mieux permettre aux élèves en difficulté d'évoluer dans des classes à faible effectif et dans des établissements où la présence d'adultes compétents serait renforcée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
À la demande du Gouvernement, je vais suspendre la séance pour quelques minutes.
Enseignement scolaire
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures dix.)
La séance est reprise.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, avant toute chose, pour répondre à certains intervenants et en particulier à Mme Mazetier, je voudrais réaffirmer que le ministre de l'éducation nationale ne stigmatise personne. Il ne met jamais en cause les personnels, il sait que l'éducation nationale travaille et réussit grâce aux enseignants. Jamais, pas plus dans mes fonctions précédentes qu'aujourd'hui, je n'ai mis en cause les personnes pour porter un jugement sur l'efficacité du système éducatif, et je ne laisserai pas dire que je le fais ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La politique éducative porte en germe les destinées de la nation. Au moment où il apparaît nécessaire de donner un élan nouveau à notre projet républicain, je suis convaincu qu'il faut la relancer avec vigueur. C'est cette exigence seule qui guide mon action et qui a présidé à l'élaboration du projet de budget de l'éducation nationale pour 2008.
Le rapporteur spécial, Yves Censi, a parlé de budget équilibré. Je dirai qu'il est aussi stimulant, parce que contraint – je ne le conteste pas. Le rapporteur pour avis, Frédéric Reiss, a parlé d'un budget orienté vers l'utile. La formule me paraît bonne. Et je ne citerai pour ma part ni Confucius ni Pena-Ruiz, mais la seule réalité quotidienne de nos établissements.
Oui, mesdames et messieurs les députés, ce budget s'inscrit dans un contexte de maîtrise de la dépense publique. Au printemps dernier, après des scrutins nationaux successifs, les Français ont demandé au Gouvernement de contenir la dépense publique, et surtout d'en moderniser l'usage tout en s'assurant de son efficacité. L'éducation nationale, vous le savez, est le premier employeur de l'État. Elle s'est donc engagée dans cette voie que la démocratie nous a tracé et prend naturellement sa part de l'effort collectif de maîtrise et de rationalisation de la dépense publique.
Le projet de budget est une réponse déterminée à cette exigence de nos concitoyens.
Monsieur Roy, s'il s'agissait de 50 %, ce serait 11 350 personnes qui ne seraient pas remplacées sur les 22 700 départs à la retraite. Or, il n'y en a que 11 200. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Au fond, la contrainte que représente cet effort d'efficacité nous rend peut-être service : elle nous oblige, comme l'ont rappelé M. Apparu, puis M. Mathis, qui a cité le rapport de la Cour des comptes et divers audits réalisés par des services indépendants, à nous poser une seule question : pourquoi l'éducation nationale, avec plus d'enseignants, plus d'heures de cours et de dépenses par élève que la moyenne européenne, ne cesse-t-elle de descendre dans l'échelle des systèmes comparatifs ? C'est à cette question-là que nous devons répondre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Bien sûr, la diminution du nombre des emplois n'a rien d'idéal, et j'accepte le terme de « pilule amère » qui a été employé tout à l'heure. Mais puisque ce budget traduit l'effort que la nation nous demande, je prends cela comme une obligation impérieuse d'efficacité.
Les non-remplacements des départs à la retraite nous permettront de réaliser des gains de productivité grâce à l'informatisation, à la dématérialisation des missions traditionnelles de l'administration de l'éducation nationale : je pense à la gestion dématérialisée de la paye. Je voudrais dire à Mme Amiable, qui prétend que cela n'aura aucune efficacité, que cela nous permettra au moins de gagner des postes administratifs. Et vous ne le contesterez pas, madame, nous avons plus besoin de postes dans les classes que dans l'administration !
D'autres pays et d'autres administrations ont prouvé qu'il était possible de réaliser des économies de postes tout en offrant un meilleur service aux usagers.
Cet effort de réorganisation et de modernisation nous permettra de ne pas renouveler un millier de postes administratifs.
J'en viens aux remplacements et aux surnombres disciplinaires. Tous ceux qui connaissent l'éducation nationale le savent, et certains intervenants de l'opposition en conviennent, nous avons des marges de manoeuvre significatives dans le système des remplacements, en particulier dans les zones prioritaires. Nous sommes capables de résorber les surnombres d'enseignants. Je ne stigmatise personne, madame Mazetier, lorsque je constate que des professeurs d'allemand n'ont pas de classe. Je le déplore, et d'ailleurs eux-mêmes s'en plaignent. Je veux simplement que les professeurs que nous avons recrutés puissent enseigner dans leur discipline et qu'il y ait une cohérence entre les recrutements et les postes. La combinaison du traitement des remplacements et des surnombres dans les disciplines qui n'attirent que peu d'élèves permettra d'économiser 2 000 emplois, dont 340 dans le privé.
À ce propos, monsieur Mathis, nous n'avons pas à diminuer les moyens de l'enseignement privé sous contrat puisqu'il n'y a pas de remplaçants dans le privé ; des dispositions spécifiques sont prévues pour financer les heures de remplacement, et ces crédits sont préservés.
Comme Benoist Apparu tout à l'heure, penchons-nous un peu sur la démographie scolaire : entre 1990 et 2007, le nombre d'élèves a diminué de 3,3 %, tandis que les effectifs des enseignants augmentaient de 4,5 %. On peut s'en réjouir, à condition que cela ait une utilité. La décrue démographique se poursuit dans le second degré, ce qui va permettre de ne pas renouveler 1 800 emplois d'enseignants, dont 300 dans le privé, sans porter atteinte à la qualité de l'enseignement. Inversement, la croissance limitée des effectifs dans le premier degré sera accompagnée du recrutement de 840 enseignants supplémentaires, dont 140 dans le privé.
Là où la démographie baisse, nous accompagnons la baisse, là où elle augmente, nous accompagnons l'augmentation.
Monsieur Roy, pour m'être un peu occupé, pendant une trentaine d'années, des problèmes de l'éducation nationale, je puis vous répondre ! Vous ne pouvez pas faire une comparaison objective : dans le premier degré, il y a un professeur par classe, et dans le second, une ventilation. (« Bonne réponse ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
S'agissant des heures supplémentaires, j'ai été heureux d'entendre Mme Amiable dire qu'il fallait revenir au coeur de la mission de l'éducation nationale. Parmi les problèmes qui se posent à nous, et à moi en tant que ministre, il existe une multitude d'obligations, de contraintes, de partenariats qui pèsent sur l'école et qui représentent près de 10 % de ses dépenses. Il est donc nécessaire que nous nous posions la question de savoir ce qu'est notre coeur de métier. Qu'est-ce que l'école ? Quelle est sa fonction première ? Je le répète, madame Mazetier, je ne laisserai personne dire que le ministre a pu stigmatiser les enseignants à un moment ou à un autre. Vous ne trouverez aucun mot de ma part montrant que j'ai pu douter de l'utilité de soutenir et de respecter les enseignants, car je sais que l'école passe d'abord par les classes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.) J'ai toujours dit que l'on avait tort de juger de l'efficacité du système éducatif dans sa globalité. Ce qui fait l'échec ou la réussite de l'école, c'est ce qui se passe dans ces cellules de base que l'on appelle les classes. Qui fait la classe ? Les professeurs, et je suis leur ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Par ailleurs, nous avons augmenté le nombre d'heures supplémentaires. Ce n'est pas convenable, et ce ne sont pas des méthodes, me dit-on. Or, nous l'avons constaté lors de la mise en place des études surveillées au collège, dont vous avez bien voulu reconnaître, les uns et les autres, que ce n'était pas une disposition injuste, les enseignants acceptent de faire ces heures supplémentaires. En outre, défiscalisées, exonérées de charges, elles augmentent leur pouvoir d'achat. Elles n'excluent évidemment pas une réflexion plus globale sur le métier de l'enseignant : comment il commence sa carrière, comment faire pour qu'il soit mieux respecté et mieux payé. Nous pourrons en discuter dès le 1er janvier 2008, lorsque la commission Pochard nous aura remis son rapport.
Ces heures supplémentaires permettront d'économiser 4 200 postes, dont 700 dans le privé.
Enfin, nous recrutons. Certains rapports laissent à entendre qu'il n'y aurait plus demain assez de professeurs pour faire la classe. Mais si ! Nous avons pris très précisément la mesure des besoins dans les diverses disciplines, organisé les remplacements et dénombré les stagiaires, et nous recruterons cette année 18 000 personnes, chiffre relativement élevé. Par ailleurs, le projet de budget pour 2008 poursuit le mouvement de décentralisation des personnels techniques, qui est estimé cette année à 26 847 équivalents temps plein travaillé.
Ces remarques générales sur les chiffres, qui pourront toujours susciter la polémique, ne doivent pas masquer l'essentiel. Quelle est notre offre éducative ? Quels sont les besoins des élèves ? Comment atteindre la plus grande efficacité ?
La situation dans laquelle nous nous trouvons nous oblige, non pas à appauvrir l'offre éducative, mais à la rénover, à l'adapter et à la concentrer sur l'essentiel. Je ne veux pas faire du comparatisme une doctrine, mais toutes les études internationales montrent que la structure des coûts au sein de notre système éducatif est très différente de celle qui prévaut dans des pays comparables au nôtre. La durée moyenne de la scolarité et le temps que nos élèves passent chaque année à l'école y sont supérieurs ; pour autant, les résultats ne sont pas pleinement satisfaisants. La dernière enquête PIRLS, que j'ai citée à plusieurs reprises et qui sert de référence en matière d'apprentissage et de maîtrise du langage des enfants de dix ans, révèle que la France est en dessous de la moyenne européenne et que sa situation s'est érodée depuis la précédente comparaison, faite en 2001. Et n'oublions pas que, dans beaucoup de pays européens, la scolarité commence à six ans, voire sept ans dans certains d'entre eux, alors qu'elle commence chez nous à trois ans, ou même avant.
En vérité, nos écoles ne souffrent pas d'un problème quantitatif, mais plutôt d'un problème d'adéquation entre l'offre éducative et les besoins des élèves.
M. Durand évoquait d'ailleurs ce problème à propos de la maternelle et de la façon dont est organisée, dès la petite enfance, la lutte contre les inégalités. Voilà un vrai sujet dont je suis prêt à débattre avec vous.
Il faut améliorer les performances, tout en maîtrisant l'impact financier. Pour en revenir à ces 11 200 postes, qui ont fait couler tant d'encre, je ne crois pas, comme tous ceux qui connaissent l'école, que si, au lieu de les retirer, nous avions ajouté ces 11 200 postes qui auraient fait passer le nombre de professeurs ou d'éducateurs de 1 200 000 à 1 210 000, pour 12 millions d'élèves, cela aurait eu le moindre effet sur l'efficacité de notre système éducatif, qui doit être globalement repensé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.) Ce ne sont pas 10 000 postes de plus ou de moins qui peuvent changer l'école ! Seules la maîtrise et l'amélioration des performances peuvent la changer.
Pour enrichir l'offre éducative, pour rendre l'école plus efficace, pour proposer aux élèves un encadrement plus personnalisé, j'ai engagé des réformes nécessaires, que j'ai clairement explicitées et que j'ai négociées, contrairement à ce qu'ont dit certains d'entre vous. Ma seule obsession, semblable à celle de tous les intervenants, est de donner plus à ceux qui ont le plus de besoins et de favoriser la réussite de tous les élèves.
L'assouplissement de la carte scolaire, qui a fait l'objet de tant de débats, a permis, dès le mois de juin, à des familles d'inscrire leurs enfants dans les établissements correspondant le mieux à leurs qualités et à leurs ambitions. Cette première étape vers sa suppression a donné la priorité aux élèves handicapés et aux boursiers. Elle obéissait à une triple exigence : liberté, justice et modernité. Je rappelle que cette réforme a répondu à l'attente des familles, qui ont déposé plus de 13 500 demandes durant le délai supplémentaire que je leur ai accordé. Au total, 77 % des demandes ont été satisfaites à l'entrée en sixième, soit dix points de plus que l'an dernier, et 67 % à l'entrée en seconde, soit six points de plus.
Puisque nous parlons de justice sociale, permettez-moi de souligner que la dérogation à la carte scolaire a bénéficié principalement aux élèves boursiers. Dans l'académie de Paris, 82 % d'entre eux ont reçu une réponse positive à leur demande d'inscription en dehors du secteur scolaire de leur établissement. Grâce au dévouement des autorités académiques et des chefs d'établissement, cette importante réforme a été mise en place sans difficultés notables.
Je souhaite également rappeler que les établissements qui perdent des élèves conservent cette année les moyens dont ils disposaient précédemment. Ces moyens seront prioritairement affectés à l'amélioration du projet d'établissement et au renforcement des actions pédagogiques en direction des élèves. Moins nombreux, mieux encadrés, les élèves devraient ainsi renouer avec la réussite scolaire et rendre à leur établissement son attractivité perdue. Mesdames et messieurs les députés, en m'attaquant à la carte scolaire, mon objectif reste le même : combattre la fatalité qui pèse depuis si longtemps, dans l'indifférence générale, sur certains élèves, dans certains établissements.
C'est la même volonté de venir en aide à ceux qui en ont le plus besoin qui nous a conduits, dès la prise de fonction du nouveau gouvernement, à oeuvrer en faveur de la scolarisation des élèves handicapés. Le Président de la République m'a d'ailleurs expressément fait part de sa volonté de voir tous les enfants de France fréquenter les mêmes écoles, qu'ils soient handicapés ou non.
Aujourd'hui, le nombre d'enfants bénéficiant d'un soutien individuel s'est accru de près de 10 000 à la rentrée, passant de 28 000 à 38 000, et il va continuer à progresser dans les années à venir. Il faut désormais leur assurer des conditions d'accueil et d'apprentissage qui leur permettent de s'épanouir. Voilà pourquoi, avec l'appui déterminé du Premier ministre, j'ai engagé le recrutement rapide de 2 700 auxiliaires de vie scolaire supplémentaires, ce qui porte à plus de 16 000 le nombre de personnes chargées de l'accompagnement individuel ou collectif des enfants handicapés.
Il faut aussi en recruter dans l'enseignement agricole, monsieur le ministre, même si, je le sais, cela ne dépend pas de votre ministère !
Vous avez raison, monsieur Rochebloine.
Je présenterai à l'Assemblée un amendement d'ajustement de crédits, qui permettra de financer totalement l'extension en années pleines des 2 700 AVSI – les auxiliaires de vie scolaire individuels – supplémentaires.
Par ailleurs, j'ai poursuivi le mouvement de création d'unités pédagogiques d'intégration – il y en aura 200 de plus à la rentrée prochaine, comme l'a rappelé Mme Amiable – en vue de porter leur nombre à 2 000 d'ici à 2010, ce qui devrait répondre aux besoins.
Le budget 2008 permettra aussi de poursuivre la formation des auxiliaires de vie scolaires et des enseignants. Il faudra ensuite que nous réfléchissions, avec mon collègue Xavier Bertrand, à la création d'une véritable filière des métiers d'accompagnement. On peut être auxiliaire de vie scolaire pendant quelques années et, ensuite, rendre service d'une autre façon, à des personnes âgées ou malades par exemple. C'est une piste que nous devrons examiner avec M. le ministre du travail.
Plusieurs d'entre vous l'ont rappelé à juste titre, il est nécessaire que l'investissement professionnel des AVSI soit reconnu. Leurs compétences seront reconnues par la validation des acquis de l'expérience, qui leur permettra de poursuivre leur activité professionnelle dans la fonction publique hospitalière, par exemple, ou dans les centres médico-sociaux. Nous y travaillons en étroite collaboration avec Xavier Bertrand, et votre collègue Yvan Lachaud a déjà conduit sur cette question de nombreux travaux, dont nous pouvons nous inspirer pour avancer. Je tiens à l'en remercier.
J'en viens à l'accompagnement éducatif, organisé depuis la rentrée des vacances de Toussaint dans l'ensemble des collèges de l'éducation prioritaire, et auxquels 250 autres collèges ont souhaité s'associer.
On m'a reproché, je ne sais pourquoi, de ne pas m'occuper de l'éducation prioritaire. Voilà qui prouve le contraire !
Je ne comprends pas pourquoi l'on s'irrite ici contre ce dispositif : il répond à une demande, les professeurs l'estiment utile et les élèves l'adoptent volontiers. Nous avions pensé qu'un élève sur trois assisterait à ces formations. En réalité, ce sont deux élèves sur trois qui les suivent. M. Durand a certes évoqué une difficulté : il faut faire en sorte que ce dispositif profite d'abord aux élèves qui en ont le plus besoin. Et si ceux-ci ne sont pas volontaires, il faudra peut-être l'assortir d'une contrainte. Nous n'avons pas sous-estimé le coût de cette opération, que nous croyons décisive, puisque 140 millions d'euros y sont consacrés dans le PLF 2008, dont 120 millions inscrits à ce budget et 20 millions à celui du CNDS.
M. Durand nous a fait part de ses doutes en nous reprochant de vouloir faire travailler davantage des élèves dans des disciplines qu'ils n'aiment pas. C'est un peu, a-t-il dit, comme quelqu'un qui n'aime pas les lentilles et que vous resservez copieusement ! Ce n'est pas ce que nous faisons. Il ne s'agit pas seulement d'accompagnement aux devoirs ou de reprises de leçons ; des activités plus personnalisées, culturelles et sportives sont également proposées à ces jeunes, parfois livrés à eux-mêmes et qui n'ont pas envie de faire des heures d'étude supplémentaires à l'école. Ce détour leur permet de revenir ensuite aux enseignements fondamentaux.
Ce système, je le crois juste et utile. Toutes les études montrent l'importance considérable de la famille dans la réussite scolaire. Une célèbre statistique le prouve : la meilleure condition de réussite, pour un enfant, est d'avoir une maman qui a fait des études et s'occupe de lui. Or tout le monde n'a pas cela. L'accompagnement éducatif en fin de journée représentera un soutien pour tous les enfants qui en ont besoin.
Madame Mazetier, je ne suis nullement indifférent à l'éducation prioritaire, bien au contraire. Nous allons créer à la prochaine rentrée de nouveaux collèges « ambition réussite » et labelliser vingt-cinq lycées. Nous restons dans la logique des ZEP, mais sans le proclamer, et en privilégiant l'approche par établissement. Tout le monde sait en effet que ce type de zonage est stigmatisant et suscite des stratégies d'évitement. Dans une certaine mesure, même les enseignants peuvent en souffrir : être professeur en zone d'éducation prioritaire peut être vécu comme une forme de déclassement, alors qu'au contraire cette mission doit être valorisée. J'en parle donc avec discrétion, mais cela ne m'empêche pas d'y penser.
Les 140 millions d'euros que nous mettons à la disposition des enseignants permettront aussi de rémunérer des assistants pédagogiques et de soutenir les associations qui participeront aux études surveillées. Ce dispositif, je le répète, est un véritable succès, à tel point que j'ai été obligé d'ajouter en catastrophe 3,4 millions d'euros pour finir l'année 2007.
En ce qui concerne le samedi matin, la décision est loin d'avoir été prise de manière unilatérale. C'est si peu le cas que j'ai signé, la semaine dernière, un accord avec tous les syndicats du premier degré afin que nous réfléchissions ensemble à l'utilisation de ces heures. Ils ont même accepté un texte d'orientation sur la manière de faire progresser l'école primaire, ce à quoi nous travaillons avec sérénité. Je ne cherche ni à contourner qui que ce soit, ni à imposer des mesures. Mon seul objectif, c'est l'efficacité.
Les deux heures libérées vont permettre de proposer une aide vraiment personnalisée aux 15 % d'élèves en grande difficulté. On m'objecte que ces élèves sont très différents selon qu'ils habitent au centre de Paris, dans une zone difficile ou à Périgueux – je ne sais pourquoi on me cite toujours cette ville (Sourires)…
Nous sommes conscients de ces différences, et c'est justement ce dont nous allons discuter avec les représentants du personnel du premier degré, que je rencontrerai le 22 novembre. L'objectif est que ces deux heures bénéficient à tous ceux qui en ont besoin, quitte à en dispenser certaines classes au profit d'autres. Faisons confiance aux acteurs de terrain. Je le répète, mon intention n'est pas d'imposer quoi que ce soit d'une manière théorique ou brutale.
Il s'agit dans tous les cas de favoriser la réussite des élèves. Pourquoi dire que mon ministère se détourne des préoccupations de justice sociale ? Nous essayons de donner plus à ceux qui ont moins, d'aider ceux qui souffrent de déterminismes d'origine sociologique, familiale ou culturelle. J'y ai moi-même consacré une grande partie de ma vie. Mais il ne suffit pas de se faire l'imprécateur de l'injustice sociale, car les dispositifs mis en place depuis vingt ans non seulement n'ont pas conjuré ces déterminismes, mais n'ont fait qu'en aggraver les effets. Qui sont les élèves en difficulté à l'entrée en sixième ? Des enfants d'enseignants pour 2 % d'entre eux, de cadres supérieurs pour 7 %, d'ouvriers pour 25 % et d'inactifs pour 41 %. C'est cette situation que nous voulons corriger : que l'on cesse de me jeter à la figure un prétendu désintérêt pour la justice sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Nous ne nous satisfaisons pas non plus du résultat des enquêtes comparatistes. Il n'est pas normal que les classements internationaux placent notre système éducatif derrière ceux de la Pologne ou de la Slovénie, qui viennent tout juste de les réorganiser, et à peine au-dessus de la Belgique.
Pour relever le défi de l'enseignement primaire et assurer la réussite de tous les élèves, j'ai conçu un plan en trois volets.
C'est tout d'abord au sein de la classe, et grâce aux enseignants, que se décide la réussite scolaire. Je souhaite donc que les programmes soient recentrés sur les apprentissages fondamentaux.
Ensuite, je veux que les deux heures du samedi matin deviennent des heures de réussite éducative destinées à ceux qui en ont le plus besoin.
Enfin, j'entends tout mettre en oeu formulé par le Président de la République dans la lettre qu'il a adressée aux éducateurs. Je veux pour cela organiser des séquences de remise à niveau, des formes de travail différentes, entre la fin du CM1 et l'entrée au collège. Le but est que les élèves entrent en sixième dans de bonnes conditions. Ceux qui abordent le collège avec un, voire deux ans de retard, sans maîtriser la langue française, courent la plupart du temps à l'échec, ils sont « plombés ». (« Hélas, oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En traçant le destin scolaire d'un élève ayant redoublé le CP, les statistiques auraient de quoi désespérer tout éducateur, mais notre vocation n'est pas d'accompagner la fatalité ; elle est de la conjurer.
La voie professionnelle a été peu évoquée. Elle souffre du nombre important des sorties sans qualification et d'un véritable déficit d'image, alors même que nombre de ses filières offrent d'importants débouchés. Le résultat, ce sont des jeunes sans métier et des métiers sans jeunes. Je veux avant tout clarifier l'offre de formation en doublant en trois ans le nombre des « lycées des métiers ». Je souhaite aussi rendre plus lisible le baccalauréat professionnel : il s'agit d'un véritable bac, et je tiens donc à ce qu'il soit préparé en trois ans comme les autres.
Cette mesure de justice permettra aux lauréats de poursuivre leurs études en BTS. Les élèves eux-mêmes le demandent.
Plusieurs députés ont parlé de l'orientation. Frédéric Reiss, en particulier, a insisté sur le sujet, évoquant les CIO ainsi que l'ISOE, l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves accordée aux enseignants pour les actes qu'ils sont amenés à accomplir dans ce domaine. Une partie est destinée à tous les enseignants, l'autre aux professeurs principaux. Sans mettre en cause la qualité des conseillers d'orientation psychologique, il me paraît important que tous les professeurs soient également des orienteurs. Nous devons repenser notre système d'orientation, ce qui exige des partenariats renforcés entre les établissements et les entreprises, de façon à favoriser la compréhension mutuelle.
De nombreux exemples de partenariat restent méconnus. J'ai d'ailleurs assisté ce matin même, au lycée Paul Valéry, dans le 12è arrondissement, à la signature d'une convention entre le rectorat de Paris et l'association « 100 000 entrepreneurs », qui vise à favoriser la rencontre entre les élèves et les acteurs du monde professionnel. Les jeunes adolescents sont ainsi incités à découvrir les entreprises, à y faire des stages.
Mais nous ne pouvons nous contenter des initiatives, si riches soient-elles, conduites par telle association, corporation ou confédération. Un parcours de découverte des métiers et des formations sera donc progressivement institué pour tous les élèves à partir de la classe de cinquième. En outre, dès la rentrée 2008, les collégiens de quatrième passeront une journée dans un lycée général et technologique, une dans un lycée professionnel et une dans un centre de formation des apprentis. De même, les lycéens auront le loisir de découvrir les formations de l'enseignement supérieur.
Pour rompre avec les phénomènes d'autocensure, 5 % des meilleurs élèves de chaque établissement, quel qu'il soit, se verront offrir la possibilité de rejoindre, s'ils le souhaitent, une classe préparatoire ou un établissement bénéficiant du statut de grand établissement ou d'université technologique.
En dépit de certaines contraintes, cette loi de finances ne néglige pas notre ambition pour l'école. Il nous est demandé de ne pas engager de dépenses dont l'utilité ne serait pas certaine, mais la logique de « performance » ne me fait pas peur : comment pourrions-nous être exigeants vis-à-vis des élèves si nous nous dispensons de l'être vis-à-vis de nous-mêmes ?
Pour les élèves, les crédits inscrits au titre de l'assistance éducative représentent 1,27 milliard d'euros, correspondant à la mobilisation de 60 332 équivalents temps plein dès la rentrée prochaine. En outre, le projet de budget pour 2008 prévoit la reconduction de tous les contrats aidés en matière d'accompagnement des élèves handicapés, ce qui représente 7 800 emplois vie scolaire, et d'assistance aux directeurs d'école : 17 000 EVS. Nous devons faire preuve de vigilance à propos des contrats aidés, je ne le conteste pas – j'en parlais encore hier au Premier ministre. Ces petits métiers rendent des services essentiels à l'éducation, …
…qu'il s'agisse de l'ouverture d'une salle informatique ou du maintien d'un CDI.
De leur côté, les enseignants ont compris que la défiscalisation et l'exonération sociale des heures supplémentaires représentaient pour eux un moyen d'augmenter très sensiblement leur rémunération. Ainsi, un professeur certifié qui effectue deux heures supplémentaires et gagne à ce titre 2 000 euros chaque année bénéficiera, avec les exonérations sociales, de 300 euros de plus, auxquels s'ajoutent les 300 euros obtenus grâce aux mécanismes de défiscalisation – soit un pouvoir d'achat supplémentaire de 600 euros, le tout sans aucun changement de service. Je ne pense pas que les enseignants s'en plaindront…
J'admets cependant que l'on ne valorise pas une profession en proposant simplement à chacun de travailler plus pour gagner plus.
C'est vrai, mais nous devons aussi réfléchir à la manière de redonner aux professeurs la place qu'ils n'auraient jamais dû quitter au sein de la société. Ils doivent retrouver leur prestige, être mieux respectés, mais aussi accompagnés. Il faut faire en sorte que le début de la carrière, souvent très dur, se passe dans de bonnes conditions, que les reconversions soient facilitées. Sur tous ces sujets, nous plaçons de grands espoirs dans les travaux de la commission Pochard, qui devrait remettre ses conclusions à la fin du mois de décembre. Ce rapport sera la base d'une discussion soutenue avec les personnels du second degré, et peut-être d'un accord formalisé. Ne soyons pas plus maximalistes que les représentants des personnels, qui s'accordent à trouver que nous travaillons à améliorer la condition des enseignants. Au total, ce sont près de 370 millions d'euros qui sont redistribués aux agents de l'éducation nationale.
Mesdames, messieurs les députés, on ne peut pas, dans une présentation budgétaire, faire le tour de toute l'école et dévoiler toutes ses intentions. L'école que je veux pour la France n'est pas celle qui se calculera à partir de la finance publique, mais celle qui se construira au bénéfice des élèves dans le respect des enseignants.
J'ai la ferme conviction que la rentrée prochaine permettra d'accomplir un pas décisif dans la voie qui doit nous mener vers une plus grande ouverture, vers l'égalité et la réussite, en particulier dans le premier degré.
Nous ouvrirons également, au cours de l'année 2008, une réflexion sur le lycée, notamment pour que le mois de juin ne soit plus un « désert » scolaire. Je ne sais pas pourquoi les cours s'arrêtent fin mai ou début juin, ce qui fait perdre chaque année aux élèves un mois d'école, donc une année scolaire de la sixième à la terminale ! Une expérimentation sera menée à ce sujet dans quatre académies. Il faut reconquérir le mois de juin !
Nous réfléchirons également ensemble – mais ce travail de longue haleine est très compliqué – à une nouvelle organisation du lycée. Là non plus, je ne stigmatise personne, aucune filière ! Je n'ai fait que constater des situations inacceptables. La filière « L » disparaît. La filière « S », qui devrait former des scientifiques et des mathématiciens dont la France a grand besoin, alimente les classes préparatoires littéraires, les IEP et les écoles de commerce. La filière « ES » a beaucoup de mal à conserver son identité. Ce n'est faire de reproche à quiconque de souhaiter que les choses évoluent. Toute personne de bon sens sera de mon avis.
Selon vous, madame Martinel, j'aurais stigmatisé le collège unique. Que nenni ! Je ne l'ai jamais fait ! Comme vous l'avez vous-même relevé, j'ai simplement indiqué que le collège était unique dans ses ambitions. Reconnaissons qu'il est absolument nécessaire que tous les élèves puissent acquérir le même savoir et qu'il n'existe pas un savoir pour les uns et un savoir pour les autres. Le collège est unique dans son ambition de donner à tous le même socle de connaissances, mais pour parvenir à ce point d'orgue commun, il y a bien des méthodes, bien des classes et bien des itinéraires. Les progressions ne sont pas similaires. Dire cela, ce n'est faire preuve ni de sectarisme ni d'idéologie ! Je ne fais que constater ce que tout le monde sait.
Enfin, j'espère que, dès la rentrée prochaine, l'école primaire sera rénovée avec la mise en place de nouveaux programmes. Ce sera bien dès l'année prochaine, donc en septembre 2008, car rien n'est plus exaspérant pour les familles et les enseignants que des annonces successives sans efficacité immédiate. En 2008, l'école primaire sera donc recentrée sur ses objectifs. Nous nous serons réunis avec les enseignants pour trouver une méthode plus efficace, la journée scolaire sera réorganisée et deux heures supplémentaires seront consacrées aux élèves en grande difficulté. J'ai, en effet, pour ambition de diminuer par trois le nombre d'élèves qui rencontrent les plus grands échecs scolaires.
Je sais qu'il y a une opposition et une majorité et je sais qu'elles doivent débattre. Pour autant, je ne laisserai dire à personne que je suis devenu, à mon âge, ministre de l'éducation nationale pour faire de l'injustice sociale et pour enfoncer ceux qui ont le plus de besoins ! Que nous soyons de droite ou de gauche, nous sommes tous d'accord sur les objectifs, et nous savons – peut-être à des degrés de responsabilité différents – que nous ne pouvons pas simplement nous contenter de dire : « Ajoutons, ajoutons, ajoutons les yeux fermés sans rien voir, fonçons et tout sera réglé ! » Bien sûr que non ! N'ajoutons plus, mais réformons-nous, redressons-nous ! Je crois plus, pour ma part, à la grâce qu'à la pesanteur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Nous en venons aux questions.
Pour le groupe Nouveau Centre, la parole est à M. François Rochebloine.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, le Gouvernement a proposé de moduler l'allocation de rentrée scolaire pour tenir compte de l'âge de l'enfant. Pour ma part, je me réjouis de cette mesure qui permettra d'améliorer un dispositif fort apprécié par les familles aux revenus modestes. En 2008, trois millions de familles environ bénéficieront de l'ARS, qui s'élèvera à 272,57 euros par enfant. Certes, cette mesure ne va pas aussi loin que je l'aurais souhaité. J'avais en effet déposé, sous la précédente législature, une proposition de loi tendant à remplacer l'allocation de rentrée scolaire par une allocation d'éducation plus adaptée aux charges que doivent réellement supporter les familles. L'article L. 543-1 du code de la sécurité sociale devrait à mon sens être complété, car il faut prendre réellement en considération le niveau de scolarité, mais aussi la nature des enseignements suivis par les élèves. Le Gouvernement a alors évoqué les difficultés liées à un risque d'alourdissement des tâches administratives préalables à l'attribution de l'allocation. Il est important de souligner que l'ARS, parce qu'elle est uniforme, ne remplit qu'imparfaitement son rôle. Conçue pour assurer l'égalité des familles devant l'enseignement, cette aide directe aux familles est bien souvent perçue comme une aide directe à la consommation des ménages.
En conséquence, vous l'aurez compris, monsieur le ministre, je ne puis que vous encourager à tout mettre en oeuvre pour équilibrer le dispositif de cette allocation, de manière à en faire une véritable allocation d'éducation. Je vous remercie pour toutes les précisions qu'il vous sera possible de m'apporter sur ce dossier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je constate que, sur la liste qui vient de nous être distribuée, il manque deux de nos amendements. Je demande donc une suspension de séance pour réunir mon groupe.
Par courtoisie à l'égard de M. Rochebloine qui vient de poser sa question, je vais, avant de vous accorder cette suspension de séance qui est de droit, donner la parole à M. le ministre.
Monsieur le député, cher François Rochebloine, vous avez raison d'appeler notre attention sur le problème compliqué que pose l'allocation de rentrée scolaire. Comme vous venez de le préciser, elle est financée par le PLFSS. Donc, sans vouloir me « défiler », je ne peux que vous préciser que ce dossier est du ressort du ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité, et que je n'ai pas compétence pour affirmer que le Gouvernement va décider de son transfert du PLFSS au projet de loi de finances.
Je rappelle cependant que le montant de cette allocation progresse régulièrement. Elle est versée, sous conditions de ressources, aux familles qui ont un ou plusieurs enfants de plus de six ans et de moins de dix-huit ans. Si les revenus sont légèrement plus élevés que le plafond, les familles bénéficient d'une allocation à taux réduit.
Je vous prie de m'excuser pour cette réponse formelle, qui n'est certes pas celle que vous attendiez. Je propose donc de renvoyer à une réflexion plus générale sur la distribution des compétences budgétaires la question de l'inscription de l'allocation de rentrée scolaire et de sa modulation.
Enseignement scolaire
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à dix-neuf heures.)
La séance est reprise.
Nous abordons les questions du groupe UMP.
La parole est à M. Guénhaël Huet.
Monsieur le ministre, je souhaiterais attirer votre attention sur un problème de santé scolaire : l'obésité infantile ou juvénile.
« Un esprit sain dans un corps sain » :…
…c'est un excellent principe pédagogique, auquel nous souscrivons tous, parents, associations de parents d'élèves, enseignants et médecins. Il y a néanmoins un vrai problème qui, bien entendu, ne concerne pas que l'école.
Je sais que vous avez pris déjà des mesures, comme l'interdiction des distributeurs de friandises. Je salue également l'initiative du ministre de l'agriculture, qui a décidé de faire distribuer des fruits dans les établissements scolaires, comme l'avait fait en son temps Pierre Mendès France pour le lait.
Concrètement, que peut faire l'éducation nationale pour jouer son rôle, et seulement son rôle ? Ce n'est bien sûr pas à elle seule de régler le problème. C'est en tout cas un problème difficile, et j'aimerais bien savoir quelles orientations vous préconisez.
Vous avez raison, monsieur le député : c'est une vraie question, d'ailleurs un peu méconnue du public.
Ce sont 13,3 % de nos jeunes qui sont en surpoids et, l'on retrouve là encore la disparité sociale : l'obésité touche beaucoup plus les catégories défavorisées puisque le pourcentage est de 27 % dans les zones d'éducation prioritaire.
Il faut d'abord veiller à l'équilibre alimentaire dans les établissements scolaires. J'ai interdit les distributeurs automatiques de sodas et de barres sucrées dans les établissements scolaires lorsque j'étais ministre de l'enseignement scolaire, et les collectivités territoriales font beaucoup pour améliorer la diététique.
Cela ne suffit pas bien sûr. Que pouvons-nous faire de plus ? Nous devons éduquer à la santé et, surtout, réhabiliter la pratique sportive à l'école.
Les élèves sont devenus mobiles, mais des « mobiles sédentaires », dit dans un curieux oxymore le docteur Basdevant, qui est le spécialiste de ces questions à l'Hôtel-Dieu.
Nous devons donc réhabiliter la pratique sportive à l'école, dans le cadre de l'éducation physique et sportive, bien sûr, mais aussi de l'accompagnement éducatif mis en place dans les établissements de l'éducation prioritaire, où 15 % des activités sont consacrées au sport. Nous avons décidé, avec Bernard Laporte (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), en partenariat avec le CNDS, de doubler le nombre d'heures de sport pratiquées dans l'enceinte des établissements scolaires, aussi bien à l'école primaire qu'au collège. J'espère que nous pourrons, dès la rentrée prochaine, avoir quatre heures de sport à l'école primaire.
Vous avez raison de saluer le travail réalisé par M. Barnier pour encourager la distribution de fruits frais. Nous allons voir comment les choses s'organisent. C'est une très bonne initiative, qu'il a prise évidemment en accord avec nous. Par ailleurs, l'INPES distribue des documents dans les établissements scolaires, un guide nutrition, une mallette pédagogique pour les équipes éducatives, un kit d'information nutritionnelle. Bref, nous sommes sensibles à cette question.
Dans l'ensemble des pays de la Communauté européenne, 21 millions d'enfants sont touchés par le surpoids. C'est considérable. Nous serons donc attentifs à vos propositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le ministre, le dispositif d'apprentissage junior, qui permet aux jeunes collégiens d'intégrer une classe ouverte sur l'entreprise avec seize semaines de stage, a fait ses preuves en Alsace. Ainsi, sur les trente jeunes qui ont participé à cette classe expérimentale d'ouverture sur les métiers, vingt-cinq ont choisi la filière apprentissage à l'issue de leur année de scolarité. De plus, la région Alsace a recueilli de nombreuses candidatures pour l'année 2007-2008.
Malheureusement, au nom du sacro-saint principe de scolarité obligatoire jusqu'à seize ans, principe à mes yeux dogmatique et dépassé, la région a été informée qu'il serait mis fin au dispositif. En attendant, une classe de parcours d'initiation aux métiers par alternance est maintenue à titre exceptionnel.
L'apprentissage junior répond à une vraie demande des jeunes, des familles et des chambres consulaires. Il permet aux jeunes de choisir en connaissance de cause un métier dans l'artisanat après différents stages. Il contribue ainsi à une orientation volontaire et non par défaut. Il n'y a pas de rupture dans la formation initiale et le jeune a toujours la possibilité de réintégrer le collège s'il le souhaite.
Je regrette donc vivement cette décision et souhaiterais connaître les perspectives envisagées en matière d'apprentissage.
Monsieur le député, vous connaissez en grande partie la réponse que je vais vous faire.
Je ne conteste pas que ce soit une bonne idée de permettre à des jeunes de quatorze ans d'entrer dans un dispositif d'apprentissage. C'est une manière de favoriser l'égalité des chances. Il y a deux points, par contre, sur lesquels je ne peux pas être totalement d'accord avec vous.
D'abord, l'obligation scolaire jusqu'à seize ans n'est pas négociable. C'est l'esprit de la République. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
On aura tout vu ! Mais la majorité aussi m'approuve !
Et M. Ferry est également d'accord sur ce point, car la question n'est pas là : il fallait trouver une solution qui maintienne les élèves sous statut scolaire.
Par ailleurs, si le système a très bien marché dans l'académie de Strasbourg, et à Strasbourg en particulier, ainsi que dans d'autres académies, où plusieurs centaines d'élèves se sont présentés, comme celles de Toulouse, Strasbourg, Nancy ou Metz, il n'a pas marché du tout dans la plupart des autres, c'est-à-dire une vingtaine. Il y avait des unités de moins d'une dizaine d'élèves. Cela dépend sans doute de l'engagement des collectivités.
Nous avons créé un dispositif transitoire, notamment pour la région Alsace, parce que des jeunes s'étaient engagés dans cette formation et qu'on ne pouvait pas leur dire subitement qu'on avait changé d'avis. Il fallait agir dans leur intérêt. Je me suis entretenu plusieurs fois avec le président du conseil régional d'Alsace à ce sujet et nous avons accompagné les prérecrutements qui avaient été faits.
Je vous présenterai dans les premières semaines de l'année 2008 un nouveau dispositif, qui favorisera la découverte précoce des métiers en maintenant les enfants sous statut scolaire. Nous fédérerons tous les dispositifs existants, qui sont un peu hétéroclites, parfois même un peu obsolètes, comme les CLIPA, les CPA ou les PIM, en un dispositif unique. La concertation avec les régions est engagée et vous devriez avoir satisfaction dans les premières semaines de 2008.
Monsieur le ministre, vous avez très récemment présenté un plan pour le primaire, qui a pour objectif de diviser par trois d'ici à la fin de la législature le nombre d'élèves en échec scolaire lourd. Pour atteindre cet objectif, vous voulez notamment recentrer l'école primaire sur l'apprentissage de la langue, car la maîtrise de la langue est bien évidemment indispensable à l'apprentissage des autres fondamentaux.
Vous avez indiqué que les moyens nécessaires à cette évolution seraient dégagés par l'utilisation des heures libérées du samedi matin. Quelles seront les modalités pratiques de ce dispositif ? Comment allez-vous concrètement utiliser les deux heures ainsi libérées.
Monsieur le député, je vais vous faire une réponse de principe puisque, comme je le rappelais dans mon intervention, j'ai signé avec les syndicats représentant les personnels du premier degré un accord pour examiner dans les trois mois à venir comment mettre en place les deux heures de soutien destinées aux élèves en plus grande difficulté. Nous nous rencontrons pour la première fois le 22 novembre. Nous tiendrons compte des objections qui ont été faites pour que le système bénéficie vraiment à ceux qui en ont le plus besoin.
Cependant, on voit bien quelles orientations nous pouvons prendre pour lutter contre l'échec scolaire du premier degré.
D'abord, nous nous sommes fixé un objectif chiffré : le diviser par trois en cinq ans. Dans cinq ans, nous aurons des comptes à rendre aux électeurs. Si nous n'avons pas atteint notre objectif, on nous dira que nous avons menti et nous devrons nous justifier devant eux.
Cela dit, il faut évidemment revenir sur le contenu des enseignements. Ce qui est fondamental, c'est la langue. Personne ne pourra éduquer un enfant qui n'a pas la maîtrise du langage. Mais aujourd'hui, parler un langage châtié est parfois dévalorisant. Dans certains quartiers, ceux qui parlent bien se font traiter de « bouffons » par leurs petits camarades. Nous devons donc revaloriser la langue, à la fois comme moyen d'apprendre et comme moyen d'être reconnu par ses pairs.
Il faut évaluer les élèves, je l'ai dit. Nous allons remplacer les lourdes évaluations nationales par des évaluations beaucoup plus lisibles, qui seront communiquées aux familles.
Il faut également évaluer les enseignants, ou plutôt les résultats. Je le répète, je fais confiance aux enseignants. Je ne crois pas que l'inspection individuelle telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui par quelqu'un qui passe de temps en temps au fond d'une classe en demandant à l'enseignant de faire le singe savant soit le bon système.Il faut évaluer ce qu'un enseignant obtient de sa classe, en le laissant libre des moyens qu'il considère devoir mettre en oeuvre pour y arriver. Ce sont les progrès des élèves qu'il convient de considérer.
Il faudra réfléchir aux missions de l'école maternelle. Cette question, qui a été abordée par plusieurs orateurs, est une question compliquée qui mérite que nous y travaillions.
La mise en place de deux heures d'accompagnement éducatif permettra également de lutter contre l'échec scolaire. Deux heures par semaine, c'est beaucoup. Cela représente 590 000 heures hebdomadaires de cours en très petits effectifs, assurées par les enseignants qui sont devant les classes. Du point de vue de l'emploi, cela représente plus de 20 000 équivalents temps plein au service de la réussite scolaire. Ce sont quand même des chiffres élevés ! Les stages de remise à niveau durant les congés scolaires compléteront ce dispositif.
J'ai également demandé aux syndicats de réfléchir avec nous à la mise en place, dans les zones de grande difficulté scolaire, du dispositif « plus de maîtres que de classes », qui aura lui aussi vocation à répondre à ce problème.
Il faut mettre le paquet sur l'école primaire et, à l'école primaire, sur ceux qui sont le plus en souffrance !
Nous en venons aux questions du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
La parole est à Mme Sylvia Pinel.
Je voudrais, monsieur le ministre, vous interroger sur les crédits de l'enseignement technique agricole, puisqu'ils relèvent de la mission « Enseignement scolaire », même si leur gestion est partagée par deux ministères, celui de l'éducation nationale et celui de l'agriculture.
Tout le monde s'accorde à dire qu'il s'agit d'un enseignement performant, qui n'apporte que des satisfactions, et le ministre de l'éducation nationale ne peut que se féliciter de compter dans sa mission un aussi brillant élève. (Sourires.) L'enseignement agricole recueille en effet d'excellentes appréciations : qualité reconnue de sa pédagogie, excellents résultats de ses élèves, tout aussi excellente insertion professionnelle – de l'ordre de 85 % –, synergie exemplaire avec les filières professionnelles, forte implication dans la vie et le dynamisme de nos territoires. Je peux d'ailleurs le constater dans mon département, à la fois rural et agricole, du Tarn-et-Garonne.
Force est de constater cependant qu'un aussi brillant élève n'obtient pas les récompenses et les gratifications budgétaires qu'il est en droit d'attendre. Comment autant d'efforts peuvent-ils être aussi mal payés de retour ? Une fois de plus, en effet, le budget de ce programme est en baisse à tous les niveaux. La dotation pour l'enseignement technique agricole s'établit à 1,26 milliard d'euros en crédits de paiement, soit une diminution de plus de 1 %. Le plafond d'emplois est fixé à 16 758 emplois équivalents temps plein, soit une réduction de 1 297 emplois, prolongeant une baisse continue des effectifs depuis 2002. Les crédits de personnel s'établissent à moins de 838 millions d'euros, en diminution de 2,5 %.
Principale conséquence de ces mauvais chiffres, l'enseignement agricole devra en 2008, pour la sixième année consécutive, composer avec une nouvelle baisse de la dotation globale horaire, qui ne laisse pas d'inquiéter notre rapporteur spécial. Celle-ci est structurellement déficitaire dans de nombreux établissements, qui n'ont d'autre solution que de procéder à des réductions d'emplois et d'attribuer des services à temps incomplet. Certains établissements ont même recours à des emplois gagés, dont ils doivent seuls supporter le coût. À la fin, c'est bien la diversité et la qualité de l'enseignement qui sont mises en péril par une gestion purement comptable. C'est donc, ni plus ni moins, l'excellence de cette filière qui est en jeu.
Quel avenir une politique budgétaire aussi contraignante laisse-t-elle à l'enseignement agricole, particulièrement à l'enseignement agricole public, celui qui souffre le plus des choix budgétaires du Gouvernement ? Quelle est la raison de ces choix, monsieur le ministre ?
Étant donné l'urgence de la situation, quel apaisement pouvez-vous apporter à l'inquiétude des personnels confrontés aux conséquences désastreuses d'une nouvelle baisse de la dotation globale horaire ?
Vous avez raison, madame la députée, de défendre l'enseignement agricole. Pour être aussi un élu local, je sais que c'est une filière qui fonctionne bien et qui donne beaucoup de satisfaction. Elle est même dans une certaine mesure plus moderne que beaucoup de filières de l'enseignement général, en particulier du point de vue de l'évaluation en cours de formation. Je ne discuterai donc pas ce point.
Cette filière accueille près de 174 000 élèves au titre de la formation initiale, auxquels s'ajoutent environ 30 000 apprentis et les 120 000 stagiaires de la formation continue, ce qui n'est pas rien ! Elle regroupe des formations allant de la classe de quatrième aux classes préparatoires aux diplômes d'ingénieur. Je ne peux donc que reconnaître avec vous les mérites de l'enseignement agricole.
Ma réponse vous semblera peut-être quelque peu artificielle puisque, comme vous le savez, cet enseignement relève de la compétence du ministre de l'agriculture. Quoi qu'il en soit, je vous répondrai selon trois points de vue.
En ce qui concerne le métier de professeur de lycée agricole, nous avons considéré, avec Michel Barnier, qu'il avait sa place dans la réflexion sur le métier d'enseignant. La commission Pochard se penchera donc aussi sur l'évolution du statut des enseignants des lycées agricoles. Il s'agira d'envisager les pratiques professionnelles ou la mise en place d'une mobilité professionnelle ou de formations communes. Nous réfléchissons déjà à la possibilité de détachements mutuels, ou à une mutualisation des concours qui préserverait la spécificité de l'enseignement agricole.
En ce qui concerne les établissements d'enseignement agricole, leur gouvernance est très particulière : leur conseil d'administration en particulier fonctionne très différemment de celui des établissements d'enseignement général ou professionnel. En dépit de cette difficulté technique, nous envisageons des rapprochements et des jumelages, en particulier dans le cadre des parcours d'initiation aux métiers dont j'ai déjà parlé. Il est très important que les jeunes découvrent la réalité des métiers. S'agissant de la pêche par exemple, qui est un métier agricole, il serait très utile que les jeunes sachent qu'un marin-pêcheur doit se lever à quatre heures pour partir en mer, en un mot apprennent ce que c'est que travailler.
À titre expérimental, nous ouvrirons dès la rentrée prochaine, dans quatre académies, des places d'internat pour les élèves des lycées d'enseignement général dans les lycées agricoles, et vice-versa.
Du point de vue de la formation et des diplômes, une clarification et une harmonisation s'imposent, s'agissant de métiers en constante évolution. Il faut envisager en particulier l'extension du label « lycée des métiers ».
En ce qui concerne les aspects budgétaires, le rapporteur spécial doit présenter un amendement : ce sera l'occasion pour moi de compléter ma réponse.
Je vais vous faire une confidence, monsieur le ministre : je pense que nous avons aujourd'hui un ministre qui connaît l'école.
C'est d'autant plutôt agréable – ce sera ma deuxième confidence – que les ministres de l'éducation nationale de la précédente législature la connaissaient beaucoup moins, quand ils ne s'en désintéressaient pas !
Je vous reconnais un autre mérite, c'est votre volonté de faire porter les efforts sur l'école primaire. Pour ma part, j'y aurais volontiers associé l'école maternelle, mais sur le fond vous avez raison : c'est dans les premières années que tout se joue. J'espère donc que ne se reproduiront pas à l'avenir les précédents malheureux que nous avons connus : je pense notamment à la suppression des aides éducateurs. Vous avez été près de reconnaître que priver l'école de la présence d'adultes qui lui apportaient un « plus » n'avait pas été une décision très heureuse.
Ces bonnes paroles ne m'empêchent pas de déplorer la suppression de 11 200 postes prévue par ce projet de budget. J'ai bien compris qu'il s'agissait d'une consigne gouvernementale que vous deviez appliquer en ministre loyal, même si vous ne l'approuviez pas.
On justifie toujours ces suppressions en prétendant que la manie française de créer sans cesse des postes supplémentaires s'était révélée contre-productive. L'argument est à moitié recevable : je suis de ceux qui pensent très sincèrement que la réussite scolaire dépend aussi, fort heureusement, du talent pédagogique de l'enseignant et de l'organisation des enseignements. Admettez quand même que ce n'est certainement pas en supprimant des postes qu'on obtiendra de meilleurs résultats. Qu'on réfléchisse à une meilleure répartition des moyens, d'accord, mais pourquoi en supprimer ? C'est ma première question.
Je vous ai entendu dire que ces 11 200 postes étaient une goutte d'eau au regard du million d'enseignants. J'ai une proposition à vous faire : pourquoi ne pas les affecter aux zones d'éducation prioritaire, qui en ont grand besoin et où ils seraient très utiles ? Il s'agit là d'un débat pédagogique qui dépasse le clivage droite-gauche. Ces postes supplémentaires permettraient en effet un suivi personnalisé des élèves les plus en difficulté, dont on sait qu'ils ont besoin de travailler en effectifs réduits.
De ce point de vue, ces 11 200 postes ne sont pas une goutte d'eau, puisqu'ils permettraient de lutter très efficacement contre l'échec scolaire, dont vous nous avez dit que vous vouliez le diviser par trois. C'est ma deuxième question : pourquoi ne pas consacrer ces postes à l'accompagnement personnalisé dans les zones d'éducation prioritaire ?
Voilà une idée excellente, et nous allons rajouter ces 11 200 postes au budget de l'enseignement scolaire pour la concrétiser : si je vous disais cela, cher Patrick Roy, je pense que vous seriez assez surpris !
Je ferai simplement trois observations, car votre question est visiblement de bonne foi. Il est vrai que l'effort considérable consenti par la nation des années soixante-dix au début du xxie siècle et qui a permis une montée en charge de l'encadrement enseignant n'a pas été négatif. De récentes études montrent que la massification de l'enseignement permise par le collège unique et la montée en charge considérable des encadrements a été efficace à un moment donné, en particulier dans les années soixante-dix : je vous rappelle qu'on construisait alors en France quasiment un collège par jour.
Aujourd'hui en revanche, étant donné l'extrême hétérogénéité de nos établissements, le nombre des emplois est un facteur moins déterminant que la manière dont on travaille. Il est vrai qu'il faut consacrer plus de temps aux zones d'éducation prioritaire et aux élèves en détresse éducative. Voilà pourquoi, je le répète, il faut plus de maîtres que de classes dans le premier degré. Voilà pourquoi aussi nous mettons à la disposition des équipes éducatives beaucoup de moyens pour leur permettre d'autres approches pédagogiques.
Ce n'est pas l'emploi qui fera la différence : c'est le temps que les professeurs pourront consacrer à ces classes. Prenez l'exemple d'un collège « ambition réussite » classé sensible, tel celui que j'ai visité dernièrement dans une ville de 93 dont je ne citerai pas le nom par souci de ne stigmatiser personne. C'est une communauté scolaire de 500 élèves de 45 nationalités, sociologiquement très marqués par la condition extrêmement défavorisée des parents. Eh bien, l'encadrement ne compte pas moins de cent adultes, soit quasiment un adulte pour six élèves. Je ne crois pas qu'ajouter des postes supplémentaires réglerait la question. Ce qu'il faut, c'est que les équipes travaillent différemment, qu'elles soient plus souples, qu'elles bénéficient d'heures supplémentaires. C'est donc plus une question de crédits que de postes.
Voilà pourquoi, lorsque nous consacrons 140 millions d'euros aux études surveillées au collège et lorsque nous annonçons que nous les généraliserons à la rentrée prochaine, nous offrons une réponse conforme à ce vous souhaitez, sans pour autant créer de l'emploi.
Vous vous dites convaincu qu'on ne doit pas jeter l'opprobre sur une augmentation de l'encadrement : je le suis tout autant qu'on ne doit pas non plus jeter l'opprobre sur une diminution de l'encadrement, dès lors qu'il s'agit moins d'un problème quantitatif que qualitatif. Il faut donc que nous permettions à nos établissements, via des dispositifs et des crédits nouveaux, de travailler différemment, avec peut-être même des personnels différents, tels les assistants d'éducation ou les aides éducateurs, que vous avez cités.
Vos propos, monsieur le ministre, traduisent votre attachement à l'école de la République.
Mais nous savons que les apprentissages fondamentaux nécessitent dès le plus jeune âge la mobilisation de tous les acteurs de la communauté éducative, notamment ceux de la médecine scolaire : médecins, infirmiers, psychologues.
J'attire donc votre attention sur le taux d'encadrement médical, aujourd'hui insuffisant pour les élèves, et notamment pour ceux du premier degré. En effet, à ce jour, il est globalement prévu 1 201 médecins pour plus de 12 millions d'élèves, soit plus de 10 000 élèves par médecin en moyenne nationale brute. De plus, comme en 2007, aucune création de poste d'assistante sociale ou de médecin scolaire n'est envisagée pour 2008.
Ainsi, de nombreux établissements scolaires n'ont plus de médecins en titre et seules les urgences sont assurées à la demande.
Or il est impératif que, pour les enfants atteints de maladies chroniques comme le diabète, l'asthme ou les allergies alimentaires, soient mis en place des protocoles spécifiques en présence du médecin scolaire et des parents, afin d'éviter des drames tels qu'en ont connu récemment des restaurants scolaires. Il est également indispensable que les médecins scolaires détectent au plus tôt les difficultés d'apprentissage, comme les dyslexies, ou les troubles organiques pour prévenir l'échec scolaire. Il est par ailleurs essentiel, que le bilan à l'âge de 6 ans soit réalisé partout sur le territoire national, d'une façon sérieuse et efficace, afin que la détection précoce des difficultés d'ordre médico-neuropsychique puisse déboucher sur une véritable évaluation des capacités langagières nécessaires aux apprentissages.
Que dire enfin des enfants en danger au sein de la cellule familiale et de tous ceux ayant des conduites à risque, qui ne peuvent plus bénéficier d'une écoute attentive ni d'une prise en compte de leurs souffrances psychiques ? Je vous rappelle à cet égard qu'il n'y a toujours pas d'assistantes sociales dans le premier degré et que le médecin scolaire est souvent sollicité pour des enfants dont la situation familiale est difficile, voire alarmante.
Certes, la suppression des PAI ou des CMPP n'est pas à l'ordre du jour. Il est toutefois à craindre qu'ils soient fortement fragilisés dans la perspective des restrictions budgétaires prévues pour les services de santé scolaire.
Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour que la médecine scolaire soit réévaluée à sa juste valeur ? La renverrez-vous vers la médecine de ville – auquel cas, pour bon nombre d'enfants, le relais ne sera pas pris –, ou renforcerez-vous comme il convient son efficacité au sein de la communauté éducative ?
Je vous remercie, madame Boulestin, de cette question difficile, que je n'éluderai pas. La santé des enfants est, de fait, un sujet complexe, et tout particulièrement dans le premier degré. À la différence, en effet, du second degré, qui dispose de comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté et d'infirmières en nombre à peu près suffisant, la situation y est très compliquée, compte tenu de l'éparpillement des écoles, de l'absence d'établissements susceptibles de fédérer la médecine scolaire, du petit nombre de médecins scolaires que nous pouvons recruter – car, je le rappelle, nos concours sont toujours déficitaires – et du nombre d'infirmières que nous trouvons, le nombre de candidatures étant chaque année inférieur à celui des postes proposés.
Il ne s'agit pas là d'une simple question de volonté, même s'il en faut assurément, car ces difficultés sont liées au tissu humain et professionnel du monde de la santé. J'entends bien votre inquiétude et je me suis souvent demandé moi-même ce qu'il fallait faire. En 2002, lorsque j'étais ministre de l'enseignement scolaire, nous avons décidé d'instaurer des visites médicales plus systématiques : deux visites sont désormais prévues à l'école primaire, qui ont été progressivement mises en place. Cependant, le constat de la situation sanitaire d'un enfant à un instant donné ne suffit pas à faire un véritable accompagnement de santé.
Que faudrait-il donc faire ? D'abord, continuer à inscrire dans notre budget, comme le prévoit d'ailleurs la loi d'orientation pour l'avenir de l'école, les crédits nécessaires pour que des infirmières soient recrutées régulièrement. Nous espérons ainsi en recruter 300 de plus à la rentrée prochaine. D'autre part, puisque nous avons du mal à trouver des candidates, il faut rendre le métier plus attractif, ce que nous faisons aussi. C'est ainsi que nous avons conclu très récemment un accord avec la profession pour que les infirmières recrutées par l'éducation nationale après avoir travaillé à l'hôpital ou dans un autre cadre puissent réintégrer dans leur carrière les services accomplis. Cette mesure, qui concerne 2 158 infirmières, coûtera cher : 4,1 millions d'euros sur trois années.
Je le répète, madame Boulestin, votre question est une bonne, une vraie question. Il faudrait que nous abordions ce sujet dans le cadre d'une sorte d'assises ou de convention, avec le ministre de la santé. Nous ne pourrons pas continuer à saupoudrer quelques médecins scolaires et quelques infirmières dans toutes nos écoles. Il faut organiser un service qui sera peut-être plus centralisé, qui fera peut-être appel à la médecine de ville, par exemple en créant un contrat annuel d'intervention. Nous allons y réfléchir. Je ne crois pas, cependant, que nous pourrons régler la question en nous contentant d'ajouter de nouveaux postes : nous n'avons ni les moyens ni les personnels pour ce faire et, si même nous les avions, leur dispersion serait telle que l'efficacité ne serait pas garantie.
Quelles que soient par ailleurs les objections que vous pouvez avoir à propos du budget, je vous propose donc d'évoquer à nouveau cette question dans un contexte différent.
Pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, la parole est à Mme Marie-Hélène Amiable.
Vous avez précisé récemment, monsieur le ministre, qu'on distingue désormais deux types de réseaux d'éducation prioritaire : les 203 « réseaux ambition réussite », dont la liste est arrêtée au niveau national, mis en place à la rentrée 2006, et les « réseaux de réussite scolaire », déterminés et arrêtés au niveau académique, dont la mise en place est expérimentée depuis cette rentrée. Les termes de zone d'éducation prioritaire et de réseau d'éducation prioritaire sont donc supprimés et remplacés par ceux « d'éducation prioritaire ».
Dans un contexte où tous les indicateurs montrent une aggravation des inégalités économiques et sociales, les quartiers défavorisés seraient légitimement en droit d'attendre des moyens supplémentaires et supérieurs à ceux des ZEP, dont les analyses ont montré qu'elles n'avaient pas été dotées suffisamment pour créer les conditions de la réussite scolaire. En outre, la mise en oeuvre de la réforme Fillon de 2005 a dénaturé le sens de l'éducation prioritaire en renvoyant l'échec scolaire à des causes individuelles tenant aux jeunes et à leurs familles. Nous déplorons cette logique du mérite individuel et de la mise en concurrence entre établissements, qui prévaut également dans l'assouplissement de la carte scolaire et qui – je ne suis pas seule à le penser – aggravera les difficultés territoriales.
À quelques jours de la mise en place de l'accompagnement éducatif dans les réseaux de réussite scolaire, pouvez-vous nous présenter le premier bilan que vous en tirez ? Qu'en est-il de la lutte pour la réussite scolaire de tous les jeunes, alors que l'étude de 2007 de l'OCDE sur les performances du système éducatif place la France, vous-même l'avez rappelé, parmi les plus mauvais pays pour l'ascension sociale, en montrant par exemple sa faible capacité à amener les jeunes dont le père exerce une profession manuelle à faire des études supérieures, ce qui est dramatique.
Pouvez-vous nous assurer que les établissements scolaires seront dotés de moyens proportionnels aux situations observées sur le terrain, afin de garantir la mise en oeuvre des projets portés – souvent avec courage, vous l'avez relevé – par les équipes éducatives en vue de la réussite de leurs élèves ?
Madame la députée, si j'ai renoncé aux zones d'éducation prioritaire, ce n'est pas, contrairement à ce que certains ont pu craindre, par manque d'intérêt, mais parce qu'il était clair que le zonage ne correspondait plus à la réalité des territoires. Sans vouloir stigmatiser quiconque, j'ajouterai que la légitimité de ces zones d'éducation prioritaire était parfois bien légère, certaines d'entre elles, rurales notamment, embrassant quasiment des départements entiers et ayant été classées comme telles pour des raisons qui avaient peu de rapport avec la situation scolaire réelle. Comme il était très difficile de toucher au zonage sans que tout le monde craigne de perdre sa zone ou n'en demande purement et simplement l'extension, le système était figé.
Je préfère, quant à moi, parler d'éducation prioritaire et de réseaux. Un réseau d'éducation prioritaire est quelque chose qui a du sens : c'est ce qui se met en place lorsqu'un établissement « ambition réussite » noue des liens avec les écoles primaires dont il dépend, travaille avec l'ensemble des partenaires sociaux, éducatifs et culturels qui l'entourent, fait venir des intervenants divers – en un mot, lorsqu'il organise sa politique, y compris d'ailleurs la manière d'enseigner, car ces établissements peuvent, je le rappelle, organiser en sixième des modules massifs de français au début de l'année avant de passer à autre chose. Lorsqu'on laisse l'établissement organiser, avec son réseau, sa politique éducative, ça ne marche pas si mal –, et c'est d'ailleurs ce que demandent les établissements. Je le répète donc, ne vous faites pas à tout prix l'apôtre du zonage, que les établissements eux-mêmes ne demandent plus. Ils veulent une autre manière de travailler.
Mettons-nous pour autant assez de moyens dans ces réseaux ? À cette question, qui mérite d'être posée, je ferai deux réponses. Tout d'abord, il est indéniable que nous y consacrons beaucoup de moyens, un établissement d'éducation prioritaire coûtant quelque 25 % de plus qu'un établissement normal. Par ailleurs, ces établissements sont assez nombreux : les collèges « ambition réussite », au nombre de 1 119, représentent déjà pratiquement un quart des établissements et nous allons bientôt en créer d'autres. Ce sont là des chiffres très élevés et on ne peut pas dire que ces collèges ne disposent pas des moyens et qu'ils ne sont pas assez nombreux.
En revanche – et je voudrais que l'ensemble de la représentation parlementaire en prenne conscience et m'aide le dire autour de nous – il faut cesser de croire que tout se règle dans l'établissement. En tant que maire d'une ville moyenne, je sais comme vous que, lorsqu'on organise autour d'un collège une opération ANRU, un citistade ou des foyers culturels, lorsqu'on passe des conventions avec des clubs voisins, que l'on fait sortir les élèves, que l'on conclut des partenariats, que, comme M. Lachaud, on trouve les moyens d'organiser des voyages culturels, on fait aussi de la réussite scolaire. On demande toujours, si je puis dire, à l'établissement de vider la cuvette alors que personne ne veut fermer le robinet. (Sourires.)
Il faut à tout prix que nous pensions que l'établissement d'éducation prioritaire s'inscrit dans un contexte global : celui de la politique de la ville – que Mme Amara aura sans doute l'occasion d'évoquer –, de la politique sociale, de la politique de l'aménagement. Voilà comment nous devons travailler. Ne nous contentons pas de compiler dans les établissements des moyens supplémentaires. Les moyens existants sont, je le répète, déjà très élevés, avec pratiquement un adulte pour six élèves. Cherchons plutôt à voir comment l'établissement pourrait, dans un contexte de quartier ou dans un contexte sociologique différent, évoluer, s'ouvrir, voire se déplacer.
Je n'évoquerai que brièvement la carte scolaire, sujet de polémiques sans fin sur lequel les positions ne parviennent pas à se concilier. Permettez-moi cependant, madame Amiable, une anecdote personnelle : c'est en avril 2002 que je me suis demandé pour la première fois s'il ne fallait pas toucher à la carte scolaire. Je recevais des jeunes filles issues de l'immigration maghrébine, vivant dans un département difficile, qui m'ont déclaré qu'elles souhaitaient que je crée des classes de filles. Lorsque je leur ai demandé pourquoi, elles m'ont répondu que c'était parce qu'elles voulaient travailler et en avaient assez de ne pas pouvoir le faire dans le contexte où elles vivaient. Je leur ai dit que je ne pouvais pas faire de classe de filles. Imaginez donc : un ministre de l'enseignement scolaire que certains d'entre vous trouvent déjà réac ! (Sourires.) Il y avait là, cependant, matière à réflexion. Ces jeunes filles ne veulent pas être assignées à résidence. Elles veulent qu'on leur permette de prendre un peu de champ, d'aller voir ailleurs. C'est aussi cela qu'a permis l'assouplissement de la carte scolaire.
Sans vouloir stigmatiser le point de vue de ceux qui ne sont pas du même avis que moi, je crois vraiment qu'une carte scolaire bien gérée – pourvu que l'on maintienne, comme c'est déjà le cas, mais désormais de manière stricte les moyens des établissements qui perdent des élèves – est une mesure de justice sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Rassurez-vous, monsieur le ministre, nous avons connu plus réac que vous ! (Sourires.) Mais nous avons encore des choses à vous dire.
Permettez-moi tout d'abord une question dans la question. Vous avez indiqué tout à l'heure, et je l'ai noté avec satisfaction, que le sport à l'école se développerait. Vous n'avez cependant guère détaillé la manière dont vous comptez y parvenir. Plus de sport ne signifie pas forcément que les professeurs de sport et les professionnels seront plus nombreux, y compris dans le primaire. Peut-être pourrez-vous nous éclairer sur ce point.
Pour ce qui est du budget que vous nous proposez aujourd'hui, j'observe que, dans certains cas comme celui de la Seine-Saint-Denis, que vous avez cité, il ne fait pas état de suppression de postes. Il est en effet bien plus pervers et traduit la mise en place effective d'un système excluant de l'éducation nationale les enfants issus des classes populaires. Au lieu d'une réflexion visant à améliorer la réussite scolaire en conduisant tous les élèves à la maîtrise du socle commun – qui est, on le sent bien, votre ambition –, ces dispositifs organisent le départ anticipé de l'école d'un grand nombre d'élèves pour la raison, avouée, qu'« ils ne sont pas faits pour le système ».
Permettez-moi de citer un bref extrait d'un livre de Daniel Pennac que vous connaissez sans doute : « Dans la nuit des temps scolaires, l'élève considéré comme normal est l'élève qui oppose le moins de résistance à l'enseignement, celui qui ne douterait pas de notre savoir, un élève acquis d'avance, doué d'une compréhension immédiate, un élève naturellement habité par la nécessité d'apprendre, qui cesserait d'être un gosse turbulent ou un adolescent à problèmes pendant notre heure de cours, un élève convaincu dès le berceau qu'il faut juguler ses appétits, ses émotions, par l'exercice de sa raison. » Or il y a tous les autres…
Aujourd'hui, tout est vraiment fait pour que les élèves issus des classes populaires soient relégués, le plus vite possible, dans des filières professionnelles : multiplication des dispositifs d'enseignement en alternance – classes de quatrième et de troisième en alternance –, suppression d'heures de scolarité, sans parler de la culpabilisation des parents qui ne seraient pas en mesure de suivre la scolarité de leur enfant. C'est dommage parce que l'apprentissage doit avoir ses lettres de noblesse. Il ne faut pas que ce soit une voie de garage. Il doit donner accès à des métiers en permettant de rencontrer très tôt les professionnels.
Je parlais de perversité car, à l'heure où la méritocratie devient le leitmotiv d'une politique conservatrice et rétrograde, de plus en plus axée sur un système concurrentiel, et ce au nom d'une pseudo-égalité des droits, il ne fait pas bon parler de la création ou du développement de dispositifs qui donneraient une seconde chance à tous les élèves en rupture avec l'école en mobilisant tous les acteurs, ou encore de dispositifs qui garantiraient l'assiduité scolaire et préviendraient le décrochage.
J'ai bien noté une première approche dans votre proposition pour l'aide aux enfants en difficulté. Quelles mesures entendez-vous donc mettre en oeuvre pour faire face à la multiplication des dispositifs visant à écarter les élèves les plus défavorisés, et comment comptez-vous apporter des réponses adaptées aux territoires les plus sensibles, des réponses encore plus pointues que celles que vous proposez ?
Monsieur Lecoq, on ne peut pas dire que les équipes éducatives attendent l'élève correspondant au formatage de l'élève idéal, celui qui serait prêt à tout apprendre. Je dirai même qu'elles s'occupent surtout de ceux qui ne sont pas formatés ainsi. S'il n'y avait à gérer que le collège Henri IV, le ministre de l'éducation nationale serait sans aucun doute inutile. Nous nous occupons précisément des élèves dont vous parlez. Vos craintes sont-elles fondées, l'école organise-t-elle un délestage de ces élèves, voire leur perdition ? Je ne le crois pas. Mais l'école doit bien prendre acte, en particulier lorsque les élèves entrent au collège, que certains d'entre eux ne sont pas heureux dans des études théoriques ou générales, qu'ils ont envie de bouger, d'essayer autre chose, d'être heureux ailleurs. Lorsque l'on va dans un lycée professionnel – où sont scolarisés des enfants un peu plus âgés –, on est frappé d'y voir des élèves très heureux, qui vont très bien, circulant dans les couloirs, réalisant des choses, voyant du monde, ouvrant les fenêtres. Ne disons donc pas que l'orientation professionnelle est en soi un délestage des élèves les plus démunis ou de ceux dont on ne veut pas, car elle peut être parfois une chance pour eux.
Cependant, votre question pose implicitement celle de l'orientation, en particulier de l'orientation négative. J'y ai répondu en partie tout à l'heure dans mon intervention. Les dispositifs de découverte professionnelle que nous mettons en place en cinquième et en troisième pour que les élèves puissent aller voir sur place comment ça marche ne visent pas à les faire partir : j'ai rappelé l'exigence de la scolarité obligatoire jusqu'à seize ans. Encore une fois, c'est plutôt une question d'orientation, de sensibilisation, de découverte et d'accompagnement. Il faut surtout dédiaboliser les parcours qui conduisent aux formations professionnelles et rassurer les familles car ce sont au contraire de très bons moyens de réussir. Le taux de réussite des bacheliers professionnels peut être bien supérieur à celui des titulaires du baccalauréat général. N'accréditons donc pas l'idée que l'orientation vers les filières professionnelles serait une sorte d'abandon de ceux dont l'école idéale ne voudrait pas. Tout simplement parce qu'il n'y a plus d'école idéale.
Monsieur le ministre, si j'ai bien lu votre budget, les crédits alloués à la médecine scolaire baissent de 20 %. Je rappelle les chiffres : il y a actuellement 1 201 médecins scolaires, et alors qu'aucun poste n'avait été créé en 2004 et en 2005, 368 postes de médecin vacataire ont été supprimés en 2006. On peut donc légitimement se demander si la volonté d'une réelle prise en charge et d'un suivi de santé publique des enfants par la médecine scolaire existe vraiment.
Vos analyses laissent entendre que la plupart des enfants n'auraient plus besoin de la médecine scolaire puisqu'ils pourraient bénéficier d'un suivi effectué par leur médecin généraliste. Mais ce n'est pas vrai pour tous les enfants, particulièrement pour les plus démunis. De plus, dans de nombreuses situations, le médecin de famille peut difficilement se substituer au médecin scolaire : je pense au dépistage des maltraitances, aux troubles du comportement alimentaire, aux difficultés psychologiques, à l'éducation à la sexualité.
Les syndicats de la profession recommandent la création de 500 postes supplémentaires pour répondre aux missions de plus en plus importantes qu'on a confiées aux médecins scolaires : les quatre bilans médicaux obligatoires au cours de la scolarité, la détection des troubles de l'apprentissage, les PAI, la scolarisation des enfants handicapés, la prévention des conduites à risque, et maintenant la formation aux premiers secours. Pour ne citer qu'un exemple, d'après votre ministère, 30 % des enfants de six ans n'ont pas bénéficié en 2006 du fameux bilan de santé obligatoire à l'entrée au CP, qui a été introduit par la loi relative à la protection de l'enfance.
Dans un contexte de baisse de la démographie médicale, il convient également de revaloriser le statut des médecins de l'éducation nationale – en résumé, de mieux les payer – pour pourvoir les postes vacants. Dans ma circonscription, il y a des postes vacants depuis plusieurs années, entre autres raisons parce que les médecins scolaires ne sont pas suffisamment rémunérés.
Enfin, votre plan de création d'emplois de personnels infirmiers est pour moi difficilement compréhensible quand j'examine les prévisions de postes dédiés à la santé scolaire : 8 554 pour 2007 et 8 458 pour 2008. Je ne vois donc pas l'augmentation que vous nous annoncez mais, au contraire, 100 postes en moins.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous reveniez sur les questions que j'ai évoquées, et éventuellement infirmiez les chiffres que j'ai mentionnés s'ils ne sont pas exacts.
Madame Amiable, vous me permettrez de reprendre en partie ce que j'ai déjà répondu à Mme Boulestin.
La baisse des crédits de l'action « Santé scolaire » n'est qu'un effet d'optique : elle résulte de la prise en compte des imputations réelles, suite à l'exécution 2006, connue depuis le mois de mai. Autrement dit, le chiffre que nous indiquons ne porte que sur sept mois, ce qui donne l'impression qu'il a baissé par rapport à celui de l'exécution d'une année tout entière.
On n'a pas utilisé tous les crédits parce qu'il n'y avait pas assez de médecins !
Je vous assure que nous pourrons vérifier, lorsque nous en serons à la phase de l'exécution budgétaire, que les crédits, bien entendu, ne diminuent pas. Ce serait absurde de notre part de les réduire. Bien au contraire, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous créerons 300 postes d'infirmière.
Je souhaite demander au Premier ministre la création d'une mission parlementaire sur la médecine scolaire, ce qui nous permettra d'ouvrir le dossier pour voir où on en est. Pourquoi les médecins ne viennent-ils pas dans ce secteur ? Combien en faut-il ? Combien faut-il les payer ? Comment organiser le dispositif ? Il ne s'agit pas de sommes extrêmement élevées, et nous pourrons trouver ce qu'il faut sur l'ensemble des crédits pour l'action scolaire. Je le répète : travaillons à livre ouvert sur cette question qui n'a pas de raison de susciter des polémiques. Il faut simplement trouver les personnels dont nous avons besoin.
Nous en revenons aux questions du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
La parole est àM. Jean Launay.
Dans la discussion générale, mes collègues Sandrine Mazetier, Yves Durand et Martine Martinel ont mis en évidence les conséquences désastreuses de la fin, depuis six ans, de la priorité donnée à l'éducation. Sylvia Pinel a évoqué l'enseignement agricole ; pour ma part, je voudrais insister sur les difficultés de l'enseignement professionnel.
Cette année, ce sont 5 % de postes en moins qui ont été ouverts au concours de professeur de lycée professionnel. À cette réduction de l'effectif d'enseignants s'ajoutent de nouvelles suppressions de filières et de sections qui confirment malheureusement le choix d'une baisse de l'offre de formation pour les niveaux V et IV – les CAP, les BEP et les bacs pro. La conséquence immédiate, c'est un renoncement dommageable à certains projets qui étaient prometteurs. Nous pensons que le gel du BEP services administratifs est incompréhensible et que la généralisation des bacs pro en trois ans risque de marginaliser les élèves les plus en difficulté.
L'inquiétude des personnels est d'autant plus forte qu'une récente note, adressée aux recteurs par le directeur de l'enseignement scolaire, M. Nembrini, invite à « optimiser l'offre de formation et donc les besoins de professeurs dans l'enseignement professionnel ». Je ne reviens pas sur ce que Patrick Roy a évoqué tout à l'heure, c'est-à-dire sur les conséquences concrètes de l'objectif général : la suppression de 11 200 postes. Mais une telle suppression, qui s'ajoute à la disparition progressive du corps des maîtres d'internat et surveillants d'externat, à la non-reconduction des postes d'aides éducateurs, à la baisse du nombre des personnels de service et à la pénurie d'assistantes sociales, d'infirmières ou de médecins scolaires, avouez que cela fait beaucoup pour pouvoir continuer de parler de façon cohérente d'équipes pédagogiques et de communauté éducative.
Les établissements scolaires ne sont pas coupés du reste de la société et des problèmes sociaux grandissants qui empêchent de plus en plus les enseignants de mener à bien leur mission. Cette politique délibérée de réduction de l'emploi public pèse sur la qualité du système scolaire. En ce qui concerne plus précisément la voie professionnelle, on ne peut pas laisser dire qu'il y aurait trop d'enseignants lorsque les parents constatent chaque jour la difficulté de remplacer les professeurs absents, lorsque des options et des sections sont supprimées, faute de moyens.
Monsieur le ministre, le service public de l'éducation ne peut pas faire mieux en dépensant moins, il doit tout simplement faire mieux ! Cet investissement sur l'avenir est la garantie de jeunes mieux formés et de citoyens responsables, et l'enseignement professionnel doit y prendre toute sa part. Mais il ne pourra participer à la formation des collégiens et des lycéens que s'il en a les moyens. Les personnels et les parents des élèves inscrits dans ces filières professionnelles souhaitent donc savoir si vous accordez encore, dans le service public d'éducation, beaucoup de poids et de prix à la voie professionnelle, et quelles sont vos intentions en la matière.
Monsieur Launay, nous sommes bien entendu très attentifs à ce qui se passe dans les lycées professionnels. Ils ne vont d'ailleurs pas si mal. J'ai tracé tout à l'heure un certain nombre de pistes que je voudrais rappeler.
Tout d'abord, le problème n'est pas que nous ayons trop de professeurs, mais que le nombre de spécialités est considérable : il y en a plus de 400 dans les lycées professionnels ! Elles évoluent, elles changent, avec des personnels qui ont été recrutés sur telle spécialité et qui doivent en changer – vous devez le savoir aussi bien que moi. Et c'est tout de même très compliqué à gérer. Sur la longue durée, sur toute une carrière, les personnels des lycées professionnels, du fait de l'évolution des métiers, ont souvent de très grandes difficultés d'adaptation. Nous avons des sections qui ont de tout petits effectifs. Je connais même des établissements où il y a plus de professeurs que d'élèves ! C'est pourquoi nous voulons rendre plus lisible le dispositif. Les familles et les élèves connaissent mal, en tout cas pas très bien, les lycées professionnels : ils vont vers des BEP, puis ils essayent de voir comment poursuivre leurs études… l'itinéraire n'est pas clair.
Je suis d'accord, mais avant d'y arriver, ils ne savent pas très bien où ils vont. Nous souhaitons donc une plus grande lisibilité du dispositif, et nous y travaillons.
En outre, nous voulons que les lycées professionnels soient de grandes structures, complètes et ouvertes, où l'on puisse faire de l'apprentissage, de l'alternance, suivre un CFA, des formations, de façon que chacun s'y retrouve, et donc utilise mieux les ressources du dispositif et les compétences partagées.
Vous aurez ainsi des ateliers plus nombreux, des gens qui seront en formation à divers niveaux… Bref, nous voulons que les établissements de ce type soient beaucoup plus complets et ouverts.
Nous poursuivons d'autre part la labellisation des « lycées des métiers », qui seront 800 l'an prochain, contre 330 l'année dernière. La reconnaissance des lycées professionnels est donc loin de s'affaiblir.
S'agissant du baccalauréat professionnel en trois ans, nous n'avons aucune volonté doctrinaire ; au contraire, nous souhaitons considérer en priorité l'intérêt des élèves. Si l'on veut revaloriser l'enseignement professionnel, n'est-il pas normal qu'il soit mis au même niveau que les autres baccalauréats, et donc préparé sur trois ans ? Bien entendu, le changement sera progressif : tout le monde ne passera pas aux trois ans l'année prochaine ! Ceux qui, engagés dans des BEP en deux ans, entreront ensuite dans des voies professionnelles durant elles aussi deux ans, feront en définitive un cursus de quatre ans. Cependant, à la rentrée prochaine, nous multiplierons par dix le nombre d'élèves qui, entrant dans le système, pourront avoir une scolarité en trois ans. Cela permettra des équivalences et des échanges, et revalorisera l'image de ces filières professionnelles, qui, à l'instar des filières techniques, n'empêcheront plus de poursuivre des études supérieures par la suite.
Il faudra cependant un palier de qualification de niveau V pour les élèves qui ne pourront ou ne voudront pas aller jusqu'au baccalauréat professionnel. Il faudra aussi développer les passerelles entre les formations, par exemple du baccalauréat professionnel en trois ans vers les CAP ou les bacs technologiques. C'est assez délicat, mais nous devrions y arriver. Je vais demander aux commissions paritaires consultatives – les CPC, qui établissent les protocoles et définissent les offres de devoir – d'examiner tout cela afin que nous puissions disposer, d'ici à deux ans, d'une vue d'ensemble du dispositif.
Enfin, il n'y a pas de réductions d'effectifs notables dans le secteur de l'enseignement professionnel, qui n'est pas le plus touché : en raison de l'émiettement des dispositifs, c'est très difficile à faire et d'ailleurs peu souhaitable. Lorsque nous les aurons regroupés, nous verrons comment rendre l'ensemble plus fonctionnel.
Soyez donc rassuré, nous ne voulons nullement dévaloriser les lycées professionnels, mais au contraire les hisser au même niveau que les lycées d'enseignement général et les lycées technologiques ou industriels, afin d'accorder toute la considération qu'il mérite à cet enseignement professionnel si nécessaire à l'insertion des jeunes.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous invite à un long voyage…
…qui nous permettra de sortir un peu du prisme hexagonal : je vais vous parler de l'école outre-mer. Dieu sait qu'il y a beaucoup de choses à dire ! En deux minutes, je me bornerai à évoquer l'échec scolaire outre-mer, plus particulièrement à la Martinique.
La situation est grave, et elle se dégrade faute de moyens adaptés au contexte insulaire, sociologique et socio-économique : il y a trois fois plus de RMIstes dans les DOM qu'en métropole, et le chômage y est trois fois plus important – 24 % dans l'ensemble de l'outre-mer contre 8,2 % ici. L'école, qui demeure l'instrument de l'émancipation de nos peuples et a formé tant d'illustres Antillo-Guyanais dont l'action honore nos pays comme la France hexagonale – je pense, entre autres, au grand poète Aimé Césaire, demeuré durant cinquante ans sur les bancs de cet hémicycle, à Gaston Monnerville, ancien président du Sénat, ou à Saint-John Perse –, cette école est aujourd'hui mise à mal.
Monsieur le ministre, à l'écoute de votre discours, je ne doute pas de votre bonne volonté de combattre l'échec scolaire ; mais en avez-vous les moyens ?
Nous déplorons, tout d'abord, l'absence d'ambition du Gouvernement, qui conduit inévitablement à toutes sortes de dérives sociales, à des situations d'exclusion aggravée et à une inquiétante montée de la violence dans nos fragiles sociétés insulaires.
Nous déplorons en outre, en Martinique, des suppressions mécaniques de postes au cours de ces dernières années : 150 postes d'enseignants et des dizaines d'emplois d'aides éducateurs, y compris dans les établissements classés en ZEP. Et ce au moment même où l'académie souhaitait améliorer le niveau et obtenir des résultats conformes à la moyenne nationale. De telles décisions ne peuvent que contribuer à aggraver les inégalités.
Le Président de la République ne cesse de rappeler qu'il souhaite une fonction publique moins nombreuse, mieux payée et disposant de meilleures perspectives de carrière. Cependant, la maîtrise de la dépense publique ne peut se faire au détriment de la réussite des élèves.
Par rapport à la France hexagonale, le retard de l'enseignement scolaire outre-mer est indéniable. En Martinique, le taux de réussite au bac est de six à dix points inférieur au taux national, et le nombre d'établissements situés en ZEP nettement supérieur à la moyenne. La conséquence sociale est sans appel : plus de 50 % des chômeurs ont moins de 26 ans et ne disposent que d'une formation de niveau V ou VI.
J'en viens à ma question, monsieur le président.
Comptez-vous, monsieur le ministre, doter les écoles d'outre-mer de moyens suffisants pour leur permettre de rattraper leur retard, préalable indispensable au développement de nos sociétés si exposées ?
Monsieur le député, le dialogue entre le ministre de l'éducation nationale et l'outre-mer est une vieille histoire. Que le caractère insulaire et les spécificités géographiques et sociales de l'outre-mer aient des répercussions sur l'école, personne ne peut le contester ; néanmoins, on ne peut pas dire que ces territoires soient abandonnés.
Le taux d'encadrement dans le premier degré y est ainsi nettement supérieur à la moyenne nationale, puisqu'il est de 15,5 % pour la Martinique, de 7,5 % pour la Guadeloupe et de 6 % pour la Guyane. Et l'on dénombre 43 réseaux « ambition réussite » dans les DOM : 4 en Guadeloupe, 12 en Guyane, 8 en Martinique, 19 à la Réunion. Cette politique a porté ses fruits puisque, dans votre département de la Martinique, les collèges « ambition réussite » ont gagné, en un an, entre dix et trente points de réussite au diplôme national du brevet.
Bien évidemment, le ministère de l'éducation nationale – et l'ensemble du Gouvernement – va poursuivre cet effort. Néanmoins, je ne pense pas qu'une action sur les seuls moyens soit suffisante. Encore faut-il que les familles et les élèves considèrent l'école comme une voie de réussite ; il faut aussi lutter contre l'absentéisme, améliorer les conditions de scolarité des élèves, et peut-être que les enseignants s'impliquent davantage.
Car si les résultats au diplôme national du brevet sont en progrès sensible, les retards demeurent importants, comme le montrent les évaluations à l'entrée en sixième, le nombre élevé des redoublements, les choix d'orientation en fin de troisième et le taux de réussite au baccalauréat, qui, bien qu'en progression, reste inférieur aux moyennes nationales. Notre engagement aux côtés des élus des départements et territoires d'outre-mer est très fort ; mais si nous souhaitons les aider autant que possible – et sans vouloir me décharger de mes responsabilités sur d'autres –, ce n'est pas à l'école de régler tous les problèmes géographiques, sociaux et humains – contre lesquels, bien au contraire, elle constitue souvent un rempart.
Les moyens sont une chose, l'ambition et la motivation une autre : nous devons travailler ensemble sur tous ces thèmes. En tout cas, soyez assuré que nous ne voulons nullement nous désengager vis-à-vis des départements d'outre-mer, même là où la situation est particulièrement grave – comme en Guyane, où les problèmes sont autrement plus compliqués qu'en Martinique, du fait de la difficulté à contrôler les flux migratoires le long du Maroni et de l'Oyapock, qui sont à la fois des voies de circulation et des frontières. Je le répète, notre détermination est totale.
Monsieur le ministre, j'aurais aimé, comme M. Lecoq, que vous affiniez votre réponse sur la pratique éventuelle de quatre heures d'EPS à l'école élémentaire, car vous ne l'avez pas fait tout à l'heure. Lorsqu'on sait que nombre d'enseignants ont déjà du mal à en faire une ou deux, cet objectif paraît particulièrement ambitieux. Cela supposerait par ailleurs un suivi médical.
Ma question concerne un point que mes collègues ont abordé, mais que vous n'avez pas développé dans votre intervention : l'enseignement pré-élémentaire.
La vocation de l'école publique étant d'accueillir tous les enfants, l'enseignement pré-élémentaire doit être une priorité de l'éducation nationale. J'utiliserai plus volontiers l'appellation d'« école maternelle », car c'est bien la signification que nous souhaitons lui donner : le lien avec la mère montre à quel point ce lieu est capital et stratégique, si l'on veut donner à l'enfant les meilleures conditions de réussite et d'épanouissement. C'est l'espace de sa première scolarisation dans un cadre collectif, de la construction de sa personnalité, celui où, quelle que soit sa situation familiale d'origine, il va se réaliser. Nous sommes nombreux dans cet hémicycle à exercer des fonctions d'élu local : conseiller municipal, adjoint ou maire ; et je pense que nous nous efforçons tous de dégager les moyens nécessaires pour qu'enfants, familles, personnels et enseignants puissent bénéficier des conditions adéquates pour travailler ensemble en toute sérénité. Les collectivités locales ont choisi d'investir dans des infrastructures remarquables et de soutenir les enseignants par des crédits de fonctionnement appréciés. Mais je n'ai pas l'impression que le Gouvernement soit en phase avec nous.
Entre les intentions affichées, si nobles soient-elles, et la réalité du terrain, il y a en effet un décalage : les moyens financiers ne sont pas au rendez-vous pour assurer partout en France la scolarisation dès l'âge de deux ans et réduire les effectifs des classes de tout-petits, qui oscillent entre 30 et 35 enfants par enseignant. Dans de telles conditions, il est quasiment impossible de développer correctement les apprentissages, ainsi que de détecter les problèmes de psychomotricité, de langage, de vue, de comportement ou d'éventuels retards. Il est de votre responsabilité, monsieur le ministre, de dégager les moyens nécessaires à cette première étape, capitale, de la scolarisation. Comment comptez-vous répondre à l'attente des familles ?
Je souhaite également vous interroger sur la préscolarisation avant deux ans,… (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
…par la mise en place de lieux passerelles ouverts, avec présence d'un parent ou d'une assistante maternelle, afin de créer le lien nécessaire entre la famille, l'enseignant, la collectivité et la PMI, dans l'intérêt de l'enfant.
Que pensez-vous de ce type d'expérience particulièrement bénéfique ? Quels moyens comptez-vous affecter au développement de telles initiatives ?
Monsieur le député, vous avez bien fait de me rappeler à l'ordre à propos de la question de M. Lecoq sur le sport à l'école. Ma lettre de mission me demande d'en doubler l'horaire à l'école primaire et au collège. Je compte donc qu'il y ait, dans les programmes du premier degré mis en application à la rentrée 2008, quatre heures d'éducation physique et sportive incluses dans le temps d'enseignement. En ce qui concerne le collège, des dispositifs d'accompagnement éducatif permettront d'accroître le volume de sport, avec des activités plutôt en fin de journée. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, le secrétaire d'État chargé des sports et moi-même y travaillons, et nous serons assez rapidement en mesure de présenter un pré-projet.
Un débat sur cette question a du reste eu lieu au conseil des ministres de mercredi dernier. Nous avancerons de manière énergique sur le sujet, d'autant que j'ai réuni il y a peu les représentants des fédérations et des associations sportives afin de formaliser les partenariats. Des crédits supplémentaires ont même été inscrits. La promesse sera donc tenue, évidemment avec le concours d'un encadrement sportif qui ne sera pas seulement celui de nos enseignants.
Quant à l'école maternelle, question récurrente, il est vrai qu'en France 100 % des enfants sont scolarisés dès l'âge de trois ans. C'est une avancée considérable de la République française, d'autant qu'il existe des pays de l'Union européenne qui interdisent par la loi la scolarisation précoce. Il s'agit d'une bonne spécificité française : l'école maternelle fonctionne bien, elle permet de socialiser les enfants, qui y apprennent beaucoup, y découvrent l'espace et y effectuent leurs premiers apprentissages. Les professeurs d'école maternelle ont du reste le plus souvent été formés à cette mission et ont choisi d'y enseigner. Nos effectifs sont un peu lourds, il est vrai, mais sans atteindre les trente à trente-cinq élèves par classe que vous avez évoqués ; la moyenne tourne autour de vingt-cinq élèves – elle peut être plus élevée en zone urbaine.
La scolarisation des enfants de deux à trois ans a une origine moins vertueuse, comme l'a reconnu Yves Durand : il s'agissait d'éviter la fermeture de classes ou d'écoles, notamment en milieu rural, si bien que cela a fini par provoquer de grandes disparités territoriales : dans l'Ouest, un enfant de moins de trois ans sur deux est scolarisé, ce qui est loin d'être le cas partout ailleurs.
Je n'ai pas de doctrine sur le sujet, me contentant d'observer que, pour un professeur d'école maternelle, le fait de devoir s'occuper à la fois de tout-petits – ils ont à peine plus de deux ans – qui connaissent mal leur nom, ne sont pas toujours propres ou font des siestes prolongées, et d'élèves de grande section, l'oblige à des écarts considérables, qui risquent de remettre en cause l'identité de l'école maternelle. D'autant que la grande section, je tiens à le rappeler, est la première année du cycle des apprentissages, qui se poursuit dans le primaire : c'est à ce titre une année très importante, bien qu'elle ne soit pas obligatoire.
Jamais je n'avais imaginé qu'on puisse me proposer de scolariser des enfants de moins de deux ans ! Je rappelle que la défenseure des enfants était déjà très surprise qu'on scolarise des enfants de moins de trois ans. Je ne répondrai donc pas à cette question, qui est pour moi nouvelle. En revanche, conduire une réflexion sur les classes passerelles et les services à apporter aux familles dans le cadre de dispositifs intermédiaires entre l'école et les modes de garde ou d'accompagnement me paraît intéressant. De tels dispositifs relèvent du reste souvent de la compétence des communes liée à celle de l'État. Nous pouvons sans aucun doute progresser en ce domaine.
Je n'ai pas d'opposition de principe à ce que des enfants plus petits soient accueillis à l'école lorsqu'on est certain que cela peut leur être bénéfique sur le plan social ou sur le plan familial, pour permettre une meilleure intégration, par exemple. Mais, je le répète, un accueil précoce ne doit pas être de nature à altérer l'identité de l'école maternelle, laquelle est précisément une école, qui a sa spécificité mais qui est un lieu où l'enfant apprend. Il ne faut pas mélanger garderie et enseignement.
Monsieur le ministre, j'en reviens à l'éducation prioritaire pour vous rappeler, tout d'abord, que ce projet de budget porte un mauvais coup à l'éducation en supprimant 11 200 postes, qu'il serait utile de conserver en particulier dans les zones difficiles, afin de permettre, dans le cadre du temps scolaire, une meilleure prise en compte des difficultés personnelles des élèves.
Vous avez également évoqué les collèges « ambition réussite », sélectionnés par votre prédécesseur sur des critères particulièrement injustes puisqu'ils ont entraîné l'exclusion de collèges qui, par définition, devaient bénéficier de ce réseau. Le recteur de l'académie de Lille l'a du reste reconnu à plusieurs reprises, notamment à propos de la ville de Denain. Quand accepterez-vous de réviser ces critères ?
Enfin, vous avez rappelé que l'éducation à la citoyenneté était essentielle dans les zones d'éducation prioritaire. Chacun reconnaît la nécessité d'emmener des élèves en difficulté au théâtre, à des manifestations sportives ou à des expositions, c'est-à-dire de les faire participer à la vie culturelle sous toutes ses formes, car cela leur permet de réaliser de véritables progrès scolaires. Toutefois, cette démarche se heurte à deux obstacles majeurs : le premier, qu'a rappelé Yvan Lachaud, c'est le coût des sorties, puisque au prix déjà élevé du transport s'ajoute celui des billets d'entrée ; le second, c'est qu'il s'agit d'emmener les élèves à de vraies expositions, à de vrais concerts ou à de vraies pièces de théâtre, c'est-à-dire à des manifestations publiques qui n'ont pas été réalisées pour le seul cadre scolaire. Or elles se déroulent évidemment le soir ou le samedi et le dimanche et il s'agit de trouver des enseignants du primaire qui soient volontaires. Certains le sont, assurément, mais, pour avoir évoqué la question avec M. Reiss, je regrette que leur dévouement ne soit pas récompensé puisque les heures supplémentaires ainsi effectuées ne sont pas payées et, si j'ai bien compris, ne le seront pas davantage à l'avenir ! De plus la hiérarchie les remercie à peine de leur dévouement.
Monsieur le député, j'ai déjà répondu à la question relative à l'injection massive de moyens dans l'éducation prioritaire. Vous savez que mon prédécesseur a instauré une logique d'établissement avec d'un côté les réseaux « ambition réussite » et de l'autre les réseaux « réussite scolaire ». Vous prétendez que les critères du réseau « ambition réussite » sont sujets à caution : je veux bien les réexaminer, notamment à l'occasion de la création de quatre nouveaux collèges « ambition réussite » à la rentrée prochaine. Je pense qu'ils ont été établis de manière objective, mais il doit être possible de le vérifier dans le cadre de l'évolution du dispositif. Je rappellerai toutefois que le réseau concerne aujourd'hui 200 000 élèves dans le premier degré, 253 collèges publics, onze collèges privés et 1 715 écoles. De plus, nous avons labellisé vingt-cinq lycées supplémentaires en 2007. Ce dispositif est donc loin d'être négligeable !
Quant au réseau « réussite scolaire », il concerne 620 000 élèves de 5 400 écoles et 870 collèges : il s'agit là encore de chiffres importants ! J'ajoute que le budget de l'éducation prioritaire s'élève à 1,150 milliard d'euros et qu'il est en augmentation de 50 millions d'euros, afin de permettre le recrutement d'assistants pédagogiques et le versement d'heures supplémentaires, ce qui me permet de répondre à votre dernière question.
En effet, votre souci de permettre l'égalité d'accès d'élèves de toutes conditions aux lieux de culture et aux expériences culturelles est tout à fait légitime et rejoint la préoccupation d'Yvan Lachaud relative aux transports. C'est une question de justice et il ne serait pas normal de ne pas pouvoir y répondre. J'ai du reste pris l'engagement auprès d'Yvan Lachaud de contacter les entreprises de transport pour examiner ce qu'on peut faire en la matière et nous envisagerons, si nécessaire, d'ouvrir une ligne de crédits spécifique. Mais, contrairement à ce que vous affirmez, il est tout à fait possible de dégager des crédits pour le premier degré. J'ai même obtenu, il est vrai assez tardivement, que les heures supplémentaires du premier degré, bien qu'elles soient payées par les collectivités locales, puissent bénéficier du même dispositif de défiscalisation et d'exonération de charges sociales que celles du second degré. Des possibilités de financement sont donc possibles, mais il convient de se rappeler – nous sommes tous des élus – qu'elles dépendent également pour beaucoup de l'engagement des collectivités. Certaines, en la matière, en font plus que d'autres ! Christine Albanel compte présenter un programme de travail au début du mois de décembre, qui portera sur les activités et les sorties culturelles et plus largement sur les relations avec le monde des arts. Nous essaierons d'avancer ensemble très vite en la matière, car, je le répète, c'est une question de justice.
Cela dit, il n'est pas exact d'affirmer que ce sont les établissements en difficulté qui profitent le moins des actions culturelles : c'est exactement l'inverse. Les établissements sensibles ont souvent les équipes pédagogiques les plus dynamiques et c'est en leur sein qu'ont lieu des expériences d'initiation au théâtre ou à l'art, notamment à l'opéra et à la danse dans le cadre des CHAM – classes à horaires aménagés musicales – ou des CHAD – classes à horaires aménagés de danse. Or ces classes existent presque exclusivement dans les établissements en difficulté des quartiers sensibles, situés en zone d'éducation prioritaire.
Je demande la parole pour un rappel au règlement, au titre de l'article 88, alinéa 2.
Comme je l'ai déjà rappelé lorsque j'ai demandé une suspension de séance, deux amendements que nous avions déposés ne figurent pas sur la liste de ceux que nous allons examiner, au motif qu'ils seraient irrecevables, alors qu'ils avaient été jugés recevables l'année dernière.
Nous contestons cette décision, d'autant que l'argument avancé est que ces amendements ne font pas mention de la loi de programmation de 2005 alors que l'article 89 de la loi de 2004 sur les responsabilités locales a été modifié par l'article 89 de la loi de programmation de 2005.
Pour nous permettre toutefois d'évoquer ces amendements qui faisaient également écho à l'intervention de Jean-Claude Mathis, je souhaite que, faute de pouvoir les voter, Yves Durand puisse au moins en exposer les motifs.
Nous en revenons aux crédits de la mission « Enseignement scolaire », inscrits à l'état B.
Sur l'état B, je suis saisi de plusieurs amendements.
La parole est à M. Benoist Apparu, pour soutenir l'amendement n° 223 .
Mes chers collègues, je tiens d'abord à rendre hommage à l'excellent travail que notre rapporteur pour avis a consacré à l'orientation. J'espère que le Gouvernement tiendra compte de ses propositions, qu'il a rappelées dans son intervention liminaire.
Monsieur le ministre, l'amendement n° 223 a pour objet de décentraliser les conseillers d'orientation psychologues, que nous avons évoqués à plusieurs reprises aujourd'hui, parce qu'il faut conduire à son terme la décentralisation commencée en 2003. Le Gouvernement avait alors prévu de les décentraliser mais il n'a pas été possible de le faire jusqu'à présent.
Chacun sait bien que c'est la région qui concentrera désormais tous les efforts que la société portera sur l'orientation : il convient donc de lui transférer les personnels qui oeuvrent dans ce domaine.
Vous allez me répondre qu'une telle mesure implique une négociation préalable et que cet amendement doit être considéré comme un amendement d'appel. Il n'en reste pas moins que je souhaite vous entendre sur le sujet, parce qu'il faudra bien, un jour ou l'autre, prendre cette décision.
La commission des affaires culturelles, après examen, a rejeté cet amendement à l'unanimité moins une voix – celle de M. Apparu. (Sourires.) Je rappelle tout même, avec un peu de malice, que les conseillers d'orientation-psychologues avaient considéré la décentralisation ratée – il faut bien le dire – de 2003, comme une agression. Il ne s'agit sans doute pas d'un argument, je le concède.
Comme vous avez pu le constater quand j'ai présenté mon rapport – axé sur le corps des conseillers d'orientation-psychologues qui sont incontestablement au coeur du système d'orientation –, mes propositions diffèrent de ce que prévoit l'amendement. En effet, le transfert des personnels doit aller de pair avec celui des centres d'information et d'orientation eux-mêmes. Il existe des CIO d'État et des CIO départementaux, et nous avons constaté que les conditions matérielles dévolues aux premiers ne plaident pas pour leur maintien.
C'est la raison pour laquelle je propose le transfert des CIO aux régions, qui disposeraient dans ce domaine de compétences similaires à celles dont elles bénéficient en matière de formation professionnelle. On pourrait, en outre, envisager des rapprochements avec les permanences d'accueil d'information et d'orientation, ou encore avec les missions locales, ce qui, de mon point de vue, ne pourrait que bénéficier aux jeunes, qu'ils sortent du système scolaire ou qu'ils recherchent depuis peu un emploi.
En ce qui concerne les personnels – objet de l'amendement –, je propose de mettre fin au monopole de la licence de psychologie et d'affecter les conseillers d'orientation à un collège ou à un lycée, ce qui constituerait une réponse à l'absence d'autorité ou de hiérarchie. Ils pourraient bien sûr continuer de rayonner sur un certain nombre d'établissements et leurs frais de déplacements seraient pris en compte.
La commission saisie pour avis émet donc un avis défavorable à l'amendement.
Cet amendement n'a pas été examiné par la commission des finances. À titre personnel, je partage l'avis de M. Reiss.
En présentant son amendement, Benoist Apparu a anticipé quelque peu ma réponse. En effet, l'orientation est un sujet important pour l'école, un sujet grave puisqu'elle a aujourd'hui tendance à consacrer, en quelque sorte, l'échec scolaire. Or nous voudrions que l'orientation se réalise de manière beaucoup plus positive, qu'elle constitue un élément de réussite, d'épanouissement, que les élèves s'orientent à partir de choix successifs.
Je l'ai déjà dit, l'orientation n'est pas l'affaire d'un seul spécialiste, qui serait le conseiller d'orientation-psychologue, quelles que soient ses qualités et ses compétences, que je n'ai pas à discuter. C'est l'affaire de la communauté éducative tout entière, celle des enseignants en particulier, qui connaissent beaucoup mieux l'élève que ne le connaît le conseiller d'orientation-psychologue, qui le recevra une demi-heure dans son bureau. Cette démarche doit donc être collective.
Je partage le souci de l'Assemblée nationale de faire évoluer la profession de conseiller d'orientation-psychologue. Nous devons en effet repenser globalement la place de l'orientation dans le système scolaire. Cependant, du point de vue de la méthode, monsieur Apparu, je souhaite, avant d'aller plus loin, me rapprocher de l'Association des régions de France afin de prendre en compte ses réflexions. Je souhaite également parler avec les représentants de la profession.
Ainsi, bien que cet amendement ne comporte rien de scandaleux et bien qu'il ne paraisse pas inintéressant, il me semble prématuré. Nous devons achever notre réflexion avec les personnels concernés – j'ai déjà eu l'occasion d'en parler avec le président de l'Association des régions de France, M. Rousset. Le Gouvernement ne peut donc qu'aller dans le même sens que le rapporteur.
Comme je l'indiquais dans mon intervention liminaire, les amendements que nous présentons visent à démontrer qu'à budget équivalent, moyens équivalents et postes équivalents, d'autres priorités étaient possibles et auraient permis, en particulier, un effort accru en faveur de l'accueil des enfants de moins de trois ans à l'école maternelle. L'amendement vise donc à abonder le programme « Enseignement scolaire public du premier degré ».
En matière de démographie scolaire, je rappelle non seulement que notre situation représente une chance pour la France mais aussi qu'elle est l'une des conséquences d'un taux d'activité féminin très élevé, probablement le plus élevé d'Europe. C'est aussi la raison pour laquelle l'école maternelle rencontre autant de succès.
Il n'était donc pas très correct de votre part, monsieur le ministre, d'affirmer que nos propositions sur l'accueil des enfants de moins de trois ans, alors que nous les avions justifiées, reviendraient à assimiler l'école maternelle à une garderie.
Il s'agissait des enfants de moins de deux ans !
Qu'il nous soit donc encore permis d'avancer des propositions conformes aux convictions qui nous animent et de les expliquer comme bon nous semble.
Je regrette par conséquent votre expression fâcheuse pour les propositions de M. Pérat, et l'expérience menée dans sa commune, dont je vous invite à prendre connaissance. Je suis d'ailleurs persuadée que notre collègue vous recevra volontiers dans sa magnifique école maternelle.
Cet amendement vise donc à abonder les crédits de l'école maternelle dans l'espoir que demain, peut-être, elle accueillera davantage d'enfants de moins de trois ans.
La commission des finances n'a pas examiné cet amendement. Je n'aborderai donc pas spécifiquement le débat sur la scolarisation précoce. Cependant, compte tenu de la contrepartie budgétaire proposée par Mme Mazetier, je ne peux évidemment souscrire à l'amendement. Le financement de sa proposition, si l'on se réfère en outre à ses propos antérieurs, s'assimile en effet davantage à un réquisitoire contre l'enseignement privé qu'à une véritable action en faveur de la scolarisation précoce. J'y suis donc, à titre personnel, totalement défavorable.
Je n'ai contesté à personne le droit d'organiser dans sa commune l'accueil des tout-petits. Je persiste néanmoins à penser que des enfants de deux ans et demi ne sont pas des élèves : permettez-moi de vous le dire.
J'ai moi-même vécu cette expérience il n'y a pas si longtemps puisque j'ai un petit garçon de sept ans, et c'est le souvenir que j'en ai.
J'ajoute que si nous exprimons des convictions, des spécialistes aboutissent aux mêmes conclusions que nous. Je m'appuie par exemple sur le rapport de la défenseure des enfants qui considère que la scolarisation précoce ne présente pas un avantage notable par rapport à d'autres modes d'accueil. C'est son point de vue ; je ne prétends pas qu'elle ait raison ; j'entends simplement montrer que, sur la question, les avis sont nuancés.
Par ailleurs, il n'était pas dans mon intention de me montrer désobligeant vis-à-vis de M. le député Pérat.
En ce qui concerne l'amendement lui-même, j'aurai deux objections à formuler.
D'abord, pour l'instant, ni les lois ni les décrets ne posent la scolarisation des enfants de deux à trois ans comme un droit. Il faudrait donc, pour cela, changer la loi. Ensuite, j'ai une objection de méthode : pour abonder les crédits de l'enseignement scolaire public du premier degré, vous voulez diminuer les crédits de fonctionnement de l'enseignement privé du premier et du second degré. Il convient d'être réaliste : plus de 95 % des crédits imputés au programme « Enseignement privé » correspondent à des dépenses obligatoires – bourses, forfait d'externat, dépenses liées à la formation initiale ou à la formation continue des enseignants –, dont les montants sont d'ailleurs calculés par parité avec l'enseignement public. Je vois donc mal comment nous pourrions subitement retirer ces crédits pour les affecter à un autre programme.
Par ailleurs, je rappelle qu'en 2006-2007, ce sont 321 000 enfants qui ont été scolarisés dans des classes pré-élémentaires de l'enseignement privé. Aussi, les crédits que vous prendriez pour scolariser des petits enfants, vous les retireriez à d'autres petits enfants également en classe pré-élémentaire ! Si bien que, par une sorte de paradoxe, loin de favoriser la scolarisation dans les classes maternelles, il ne serait pas impossible que l'adoption de cet amendement produise l'effet inverse de celui escompté et remette même en cause l'accueil de ces enfants.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Je m'exprimerai rapidement contre l'amendement. M. Durand nous a indiqué que le rapport du Haut conseil de l'éducation avait jugé positif l'effet de l'école maternelle sur la réussite des élèves les plus fragiles. Vous avez juste oublié de préciser que ce rapport n'évoque en rien la scolarisation des enfants de deux ans mais qu'il traite, plus généralement, de l'école maternelle.
Tous les rapports vont dans le même sens. Ainsi, le ministre vient d'évoquer celui de la défenseure des enfants. Je pourrais à mon tour citer une enquête de l'INSEE portant sur la région Nord–Pas-de-Calais – on vous en donnera copie, monsieur Durand, puisque vous êtes directement concerné –, enquête qui démontre clairement, chiffres à l'appui, que « la scolarisation avant trois ans n'apparaît pas comme un atout avéré pour faciliter l'écrit des enfants ».
Enfin, je n'ose imaginer que nos collègues du PS – en particulier les élus parisiens – vantent les mérites de l'école avant trois ans pour masquer la faiblesse de leur politique en matière de petite enfance. Je pense par exemple aux 15 000 places qui font défaut en crèche à Paris. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je ne souhaite pas me lancer dans un débat avec M. Apparu, comme nous l'avons déjà fait, d'ailleurs, à propos de l'enseignement supérieur. La question est passionnante, mais je m'étonne qu'il prenne ce ton un peu polémique. J'ai pour ma part tâché d'avancer des arguments dans le cadre d'un débat qui, d'ailleurs, transcende les clivages traditionnels. Certes, Claire Brisset, ancienne défenseure des enfants, avait émis de forts doutes sur la scolarisation des enfants en maternelle dès l'âge de deux ans. Reste qu'il s'agit d'une opinion qui, comme toute opinion, est respectable mais contestée.
Je n'ai jamais dit que le Haut conseil de l'éducation avait évoqué la scolarisation des enfants de deux ans ! J'ai bien mis en avant, parce qu'il le fait lui-même, l'importance de l'école maternelle. Le HCE considère qu'elle doit être une école à part entière. À ce titre, elle revêt une importance majeure dans la lutte contre les inégalités, non pas pour ce qui concerne la maîtrise de l'écrit, monsieur Apparu, mais la maîtrise de l'oral. En effet, on sait bien que c'est la maîtrise de l'oral qui va déterminer la capacité d'un enfant à apprendre à lire puis à écrire au CP. Il s'agit donc là du premier pas du premier apprentissage (« Et les parents ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), même si l'école maternelle doit rester une école maternelle.
C'est à partir de ces données que j'ai regretté que cet avis sur l'importance de l'école maternelle ne trouve pas sa traduction dans les textes budgétaires et dans la politique du Gouvernement. En effet, quand on établit la carte scolaire, et les rectorats vont bientôt pouvoir le constater, les écoles maternelles servent toujours de variable d'ajustement : c'est là qu'on prend les postes quand il en manque ailleurs. Je suis désolé, monsieur le ministre, mais sur les 11 200 suppressions de postes à l'échelon national, il y en aura probablement entre 1 000 et 1 200 dans ma région : c'est arithmétique.
Nous voyons donc bien où se trouve la variable d'ajustement. En termes de formation, continue notamment, vous ne consentez pas l'effort nécessaire. Voilà pourquoi, même si la technique de financement choisie peut être discutée, je ne prétends pas le contraire, nous souhaitons souligner l'importance que nous devrions tous accorder – et vous en particulier, monsieur le ministre –, à l'école maternelle, suivant en cela les recommandations du Haut conseil de l'éducation.
Je suis saisi d'un amendement n° 221 .
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour le soutenir.
Cet amendement vise à démontrer que si l'on ne supprimait pas des postes pour financer des heures supplémentaires défiscalisées, bien des choses seraient possibles, à budget équivalent, à moyens équivalents.
Si je le répète, c'est parce que dans sa réponse, le ministre nous prête des propos qu'aucun d'entre nous, dans le partie gauche de cet hémicycle, n'a tenus. Aucun d'entre nous n'a demandé « plus de postes, plus de moyens ». Nous avons fait cet exercice, y compris dans nos amendements, en restant dans l'épure, en déplaçant des blocs de crédits, afin de faire la démonstration qu'à budget équivalent, qu'à nombre de postes équivalents, qu'à moyens équivalents, nos priorités étaient bien différentes.
C'est ainsi que nous proposons, par cet amendement, de supprimer l'intégralité des crédits destinés à financer les heures supplémentaires défiscalisées dans le secondaire – d'ailleurs gagées par des suppressions de postes – et de les réaffecter à l'enseignement primaire, pour servir les objectifs que nous avons rappelés à l'instant, tout particulièrement en ce qui concerne la maternelle.
La commission n'a pas examiné cet amendement. L'un des principaux objectifs de ce budget est la mise en place des heures supplémentaires. Une dotation de 27 millions d'euros est prévue à cet effet. Cette mesure participe évidemment à la revalorisation du pouvoir d'achat des enseignants. Elle peut aussi faciliter la gestion du personnel au sein des établissements.
La proposition de nos collègues remettrait en question cet élément fondamental de la mission que nous examinons. J'y suis donc totalement défavorable à titre personnel.
Voilà un point de désaccord. Nous, nous considérons qu'il faut que les professeurs voient leur pouvoir d'achat augmenter. Nous considérons qu'en les aidant – s'ils le veulent, s'ils sont volontaires – à faire des heures supplémentaires, nous leur permettons d'augmenter leur pouvoir d'achat tout en travaillant différemment et en rendant, du coup, service à l'institution. Je reconnais qu'il y a là une différence d'analyse. Le Gouvernement mène une politique de revalorisation du pouvoir d'achat des enseignants, qui passe par le « travailler plus pour gagner plus ».
Voilà pourquoi nous avons augmenté très sensiblement les heures supplémentaires : les enseignants auront la possibilité d'effectuer 1 360 000 heures supplémentaires, ce qui est énorme !
Vous vous souvenez, mesdames, messieurs les députés, que vous avez voté la défiscalisation et l'exonération de cotisations sociales de ces heures supplémentaires.
Je veux dire que le Parlement a voté cette mesure, la majorité l'ayant soutenue. Mais enfin, si vous voulez vous aussi la voter, madame la députée, il est encore temps. (Sourires.)
Bien entendu, en empêchant de rémunérer une partie de ces heures supplémentaires, votre amendement conduirait à diminuer l'offre éducative dans le secondaire, et surtout à déconstruire ce que je propose. Il me paraît donc difficile, même pour vous être agréable, d'être favorable à un tel amendement.
Vous avez bien compris, monsieur le ministre, que nous sommes favorables, non pas à une augmentation mais à un maintien du nombre de postes. Nous souhaitons conserver ces 11 200 postes que vous voulez supprimer.
Le financement de ces heures supplémentaires masque en réalité le fait – et cela ne se sait pas assez dans notre pays – que les enseignants ont une charge de travail importante, qui bien souvent va très au-delà du temps de travail hebdomadaire habituel. Combien de collègues passent des soirées à préparer leurs cours…
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Oh ! ...
Je vois qu'on sourit. Si certains d'entre vous sourient, chers collègues, c'est qu'ils ne connaissent pas le métier d'enseignant. Chaque heure de cours exige, en gros, une heure de préparation.
Tout cela n'est pas pris en compte par le Gouvernement, notamment dans la proposition qu'il fait. Je soutiens donc, cela va de soi, l'amendement qui a été excellemment présenté par Mme Mazetier.
Je suis saisi d'un amendement n° 278 .
La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.
Cet amendement vise à assurer le financement des AVSi. Nous en avons parlé tout à l'heure, il est donc inutile que je rappelle de quoi il s'agit.
Il est proposé de redéployer 15 millions d'euros, initialement inscrits au programme « Soutien de la politique de l'éducation nationale », au profit du programme « Vie de l'élève ».
Cet amendement permettrait de réaliser une correction technique sur la répartition des crédits du programme : les crédits du titre 2 de l'action 3, « Accompagnement des élèves handicapés », seraient ainsi portés, grâce à des redéploiements complémentaires, à 151 millions d'euros.
La commission n'a pas examiné cet amendement. À titre personnel, j'y suis bien sûr favorable, puisqu'il vise à assurer le financement des AVSi.
Je suis moi aussi tout à fait favorable à cet amendement.
Mais puisque nous parlons des auxiliaires de vie scolaire, je voudrais profiter de cette occasion pour interroger M. le ministre au sujet, non des AVSi, mais des AVSco, c'est-à-dire les AVS mis à disposition des classes, en particulier les CLIS, les classes d'intégration scolaire, et les UPI, les unités pédagogiques d'intégration.
Un problème se pose pour les établissements d'enseignement privés sous contrat, qui n'ont pas le droit de recruter des AVSco. En effet, aux termes de la loi Debré, les personnels autres que ceux ayant réussi un concours national de type CAPES ne peuvent pas être recrutés par un établissement privé, mais seulement être affectés à un poste. Un vrai problème se pose en raison de la législation actuelle. Je crois qu'il faudrait ouvrir ce chantier. C'est pourquoi je vous sollicite, monsieur le ministre. S'agissant d'enfants handicapés, il ne doit pas y avoir de différence de traitement selon le statut de l'établissement qu'ils fréquentent.
Preuve supplémentaire de notre absence de sectarisme, nous voterons pour cet amendement.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
Je me réjouis de ce consensus, même si je ne sais pas s'il va durer.
Monsieur Lachaud, rappelons, pour ceux de nos collègues qui ne souviennent peut-être pas exactement de cette distinction, qu'il y a deux types d'AVS.
Les auxiliaires de vie scolaire pour l'intégration individuelle, les AVSi, sont recrutés par l'inspection académique, sur des emplois publics.
Les auxiliaires de vie scolaire pour l'intégration collective, les AVSco, sont recrutés par les établissements. De fait, je ne le conteste pas, les établissements privés peuvent avoir des emplois aidés, ils peuvent donc prendre des AVSi, mais pas recruter des AVSco.
Je suis d'accord avec vous, cela ne va pas. Nous y réfléchirons. Vous qui êtes un spécialiste de la question, vous pourrez même nous aider à avancer. Je vous promets que nous reprendrons langue.
Je suis saisi d'un amendement n° 228 .
La parole est à M. Yves Censi, pour le soutenir.
Je ne voudrais pas briser le magnifique consensus auquel nous venons d'assister…
Provisoire, peut-être.
Je dois à mes collègues une petite explication sur l'amendement n° 228 , que j'ai déposé, et dont j'aimerais qu'il soit discuté en même temps que l'amendement n° 87 , celui de la commission des finances.
Lorsque j'ai déposé l'amendement n° 228 , il s'agissait, comme je l'ai indiqué dans mon rapport puis répété à la tribune, d'interpeller le ministre de l'agriculture sur le volontarisme qui est nécessaire pour défendre, développer l'enseignement technique agricole, dont le programme est intégré à la mission « Enseignement scolaire ». C'est une difficulté de la LOLF, je le reconnais. Le ministre de l'agriculture n'est pas sur ces bancs. C'est pourquoi je me tourne vers M. Darcos.
En déposant l'amendement n° 87 , compte tenu de ce que j'ai considéré, avec la commission, comme une sous-évaluation des crédits, mon objectif était d'interpeller le Gouvernement, et évidemment pas de diminuer les crédits de l'éducation nationale.
La LOLF autorise la commission à discuter d'un certain nombre de points, en faisant valoir certaines exigences. C'est ce que j'ai souhaité faire. Il reste quinze jours avant le débat dans l'hémicycle. C'est un appel – avec une demande de réponse – que j'ai souhaité lancer au Gouvernement.
J'ai déposé, cette fois à titre personnel, un autre amendement, n° 228 . Les crédits du titre 2 de l'action 1 du programme « Enseignement technique agricole » seraient réduits afin de prendre en compte le rééquilibrage nécessaire en faveur des crédits de l'action 2, hors titre 2.
Je ne vais pas, monsieur le ministre, reprendre tous les arguments démontrant une sous-évaluation des coûts de fonctionnement des établissements techniques agricoles publics et privés. Je rappellerai seulement que la réglementation sur le montant de la subvention de fonctionnement a été précisée en 2003 dans le code rural après le pré-contentieux qui avait été provoqué par le refus de réévaluer cette subvention pendant cinq ans. Cette réglementation impose au ministre de l'agriculture d'évaluer tous les cinq ans le coût de l'élève de l'enseignement agricole public, afin de procéder à la réévaluation de la subvention.
J'ai considéré que cette histoire n'avait que trop traîné et qu'il convenait que la commission des finances se saisisse de la question. Nous avons beaucoup discuté pendant les quinze derniers jours. Je souhaiterais connaître la réponse du Gouvernement avant de savoir si je maintiens ou non l'amendement que j'ai déposé à titre personnel, et si je donne un avis personnel défavorable à l'amendement de la commission.
Il se trouve que j'ai à parler ici du budget de l'enseignement technique agricole, sous le contrôle de son rapporteur, Nicolas Forissier, que j'ai vu tout à l'heure.
On comprend bien l'intention de M. Censi. Il s'agit d'attirer l'attention sur le financement du forfait de fonctionnement versé chaque année, pour chaque élève, à l'enseignement agricole privé. Vous constatez, monsieur Censi, qu'il faut, dans un but de parité, que le montant de ce forfait tienne compte des résultats de l'enquête réalisée en 2007 sur le coût de l'élève en 2006. Des moyens sont nécessaires pour cela.
La négociation qui a été menée par le ministère de l'agriculture et de la pêche conduit celui-ci à inscrire, à titre provisoire, une réévaluation de 1 % de la ligne budgétaire inscrite au projet de loi de finances pour 2008. C'est une provision.
Mais au-delà de cette provision, le ministre de l'agriculture prend deux engagements au nom du Gouvernement.
Le premier est de débloquer, dès cette fin de gestion 2007, 4 millions d'euros au profit de l'enseignement agricole privé.
Le second est de finaliser dans les meilleurs délais, c'est-à-dire au tout début de l'année 2008, la négociation engagée avec l'enseignement agricole privé.
Il me semble, compte tenu de cette réévaluation et de ces deux engagements, que vous pourriez, monsieur le rapporteur spécial, retirer votre amendement et avoir cependant satisfaction.
Je voudrais remercier Yves Censi de l'excellente question qu'il a posée.
J'ajoute que, s'agissant de la gestion des personnels, dans l'enseignement agricole, lorsqu'une personne assure un service inférieur à un mi-temps, sa rémunération fait l'objet d'une avance financière par l'établissement.
Or, dans certaines régions, les retards de paiement de l'État atteignent presque un an. Cela n'est pas loyal, et ne permet pas à un établissement, qu'il soit d'ailleurs public ou privé, de fonctionner normalement.
Ces établissements sont donc confrontés à une double difficulté : d'une part, l'insuffisance de leur subvention de fonctionnement ; d'autre part, ce retard de paiement qui s'amplifie d'année en année. Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous évoquiez aussi ce second point avec votre collègue de l'agriculture.
Je le remercie pour la précision de sa réponse. Compte tenu des engagements du Gouvernement, en particulier celui de débloquer 4 millions d'euros dès 2007, je retire mon amendement et j'invite mes collègues à ne pas adopter celui de la commission, puisque je ne peux pas le retirer.
Les élèves de province sont très défavorisés par rapport aux Franciliens pour les manifestations culturelles impliquant des déplacements. En effet, les tarifs pratiqués par la SNCF pour les groupes scolaires sont exorbitants. Il convient de tout mettre en oeuvre pour qu'ils soient nettement revus à la baisse. Ainsi, pour un voyage scolaire à Verdun – site intéressant en fin de cursus au collège – ou à Paris, à l'Assemblée nationale par exemple, les élèves scolarisés dans le Gard doivent débourser pas moins de 100 euros, uniquement pour le transport aller-retour. Une telle somme n'est plus à la portée de toutes les familles. Je souhaiterais donc que l'on étudie très sérieusement des solutions avec la SNCF ou Air France, dont les trains ou les avions sont souvent loin d'être complets.
La commission n'a pas examiné cet amendement. À titre personnel, je n'y suis pas favorable, même s'il soulève une question très importante. L'instauration de régimes tarifaires préférentiels ne peut pas intervenir dans le cadre du budget de l'enseignement scolaire. Cela relève d'une concertation avec le secrétariat d'État aux transports, les entreprises de transport, la SNCF et les collectivités, et ce n'est pas exclusivement au ministère de l'éducation nationale d'en payer le prix. Mais il s'agit d'une question importante, que j'avais défendue aux côtés de M. Lachaud lors du débat sur le développement des territoires ruraux, et qui mériterait une véritable mission d'étude.
J'ai déjà eu l'occasion de parler avec MM. Lachaud et Censi de cette question, qui est tout à fait légitime. La démocratie exige que l'éloignement géographique ne nuise pas à la qualité de l'offre culturelle due à tous les élèves. J'ai déjà pris contact avec Mme Idrac à ce sujet et nous sommes en train d'y travailler. Je suis tout disposé à vous associer à cette réflexion par le biais d'une mission, pour parvenir rapidement à un accord. J'ai également parlé avec les collectivités, auxquelles la loi de 1983 a confié la responsabilité des transports scolaires. Je ne peux en effet rien décider en la matière sans me mettre d'accord avec elles, même si j'ai une responsabilité financière que je suis prêt à exercer en abondant les crédits du programme « Vie de l'élève ».
Cet amendement est déroutant. Certes, les motivations de M. Lachaud sont pures, puisqu'il souhaite permettre à tous les élèves de France de découvrir de nouveaux horizons. En revanche, il propose que les régions financent davantage encore qu'elles ne le font les transports scolaires. Même si le ministre vient de s'engager à en discuter avec les collectivités, on retrouve là la fâcheuse manie qui consiste à se défausser sur ces dernières de responsabilités incombant à l'État, sans leur demander leur avis.
« Rien n'est vrai que ce qu'on ne dit pas », disait Anouilh. Ainsi, monsieur le ministre, vous avez évoqué la disparition, comme par magie, de la carte scolaire, sans jamais dire que c'est une décision qui relève, pour les collèges, des départements. Pour la faire disparaître, il faudrait donc qu'une loi leur retire cette responsabilité. On ne peut pas parler des responsabilités des collectivités territoriales au détour d'un amendement. Quant à celui-ci, nous ne le voterons pas parce qu'il déshabille le programme « Vie de l'élève » et que nous ne saurions le supporter.
Je suis saisi d'un amendement n° 226 .
La parole est à M. Yvan Lachaud, pour le soutenir.
Au cours de la précédente législature, nous avions encouragé les proviseurs et les principaux à prendre des jeunes en contrat aidé dans les établissements scolaires. Aujourd'hui, pour des raisons que l'on peut comprendre, la décision a été prise de ralentir ces recrutements. Je ne suis pas nécessairement favorable au maintien de contrats aidés ad vitam æternam, puisque leur objectif est d'offrir un accès à l'emploi à des jeunes. En revanche, je souhaiterais que l'on puisse en conserver un nombre plus important dans les établissements, car ils répondent à des besoins qu'ils ont eux-mêmes contribué à créer. Force est de constater que lorsqu'un contrat s'arrête, certaines actions qui avaient été engagées – CDI ouverts entre midi et quatorze heures et jusqu'à dix-sept heures trente, missions de proximité, de surveillance et d'accueil des élèves – ne sont plus assurées. C'est bien dommage.
Les menaces qui pèsent sur ces emplois suscitent la grogne, bien compréhensible, des enseignants et des directeurs d'établissement. Monsieur le ministre, vous ne pouvez certes pas m'apporter de réponse financière, puisque la question dépasse la seule compétence de votre ministère. Mais peut-être pourrions-nous réfléchir ensemble pour que ces contrats ne disparaissent pas du jour au lendemain.
La commission n'a pas examiné cet amendement. J'ai fait état dans mon rapport des complications qui peuvent survenir lorsque les contrats aidés, en particulier temporaires, prennent fin. Outre que la conservation de ces contrats pose un problème budgétaire, ne serait-il pas préférable de privilégier des emplois stables et formés ? À titre personnel, je ne peux souscrire à cet amendement, qui a un coût supplémentaire inattendu.
Cette question difficile comporte deux aspects.
D'abord, le maintien des emplois aidés a été décidé pour l'ensemble de l'accompagnement du handicap, domaine qui vous est cher, monsieur Lachaud, et pour tous les dispositifs concourant à soutenir les directeurs d'école. Il reste un volant d'emplois extrêmement variés dans le second degré, dont vous avez donné quelques exemples, et qui ont en effet leur utilité.
Ensuite, je vous rappelle qu'il s'agit d'une compétence du ministère chargé de l'emploi, car ce sont des dispositifs d'aide à l'emploi. L'éducation nationale en bénéficie, certes, mais ils n'entrent pas dans son budget et je n'en ai pas la maîtrise.
Certes. Mais je doute que Mme Lagarde soit très enthousiaste si je décidais de renouveler des contrats qui dépendent de son budget. (Sourires.)
Il est vrai que ces emplois rendaient des services très utiles et que les jeunes qui les occupaient, en quittant les établissements, vont créer des manques perceptibles. Il conviendra d'étudier un système plus pérenne ou des dispositifs différents – des vacations, par exemple – pour éviter, par lissage, que ce dispositif disparaisse trop brutalement. C'est d'ailleurs le cas, car la déperdition des emplois aidés dans le système éducatif va porter sur une très longue période. Beaucoup d'élus sont demandeurs et nous veillerons à proposer des dispositifs différents et surtout moins précaires.
Le consensus continue ! Je partage la préoccupation que M. Lachaud a exprimée à la tribune puis à l'instant, et dont le rapporteur spécial s'est fait l'écho. La suppression brutale des emplois aidés, comme en son temps celle des emplois-jeunes, est pénalisante à la fois pour les jeunes qui en bénéficient et, peut-être même plus, pour les établissements. Un effort important est donc indispensable.
Monsieur le ministre, mieux vaut créer des emplois pérennes que des emplois aidés, j'en suis parfaitement d'accord. Mais comme vous supprimez à la fois les emplois pérennes et les emplois aidés, la barque est un peu trop chargée !
Je vous assure de mon soutien dans la lourde tâche qui vous attend si vous espérez susciter l'enthousiasme de Mme Lagarde en lui parlant de rétablir les emplois aidés (Rires), et je voterai l'amendement de M. Lachaud.
Le ministre est sensible à votre soutien.
La parole est à M. Yvan Lachaud.
Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre réponse.
Je ne partage pas les opinions de mon collègue Yves Durand. Je ne suis pas nécessairement favorable aux contrats aidés en général. Mais, en l'occurrence, je crains une disparition trop soudaine.
Je vais utiliser un argument très juste, souvent employé et auquel nous éprouvons des difficultés à répondre. Le jeune qui s'arrêtera de travailler perçoit actuellement environ 600 euros par mois. S'il se retrouve au chômage ou attributaire du RMI, il touchera à peu près la même chose. Je comprends parfaitement, monsieur le ministre de l'éducation nationale, que cela dépasse votre champ de compétences. Mais, quelque part, nous paierons la même chose.
Je souhaite que l'on se mobilise et que le Gouvernement réfléchisse rapidement sur ce point, avant que la grogne ne soit trop importante dans les établissements scolaires, ce que je comprendrais parfaitement.
Je retire mon amendement, compte tenu des précisions apportées par M. le ministre.
Le programme « Enseignement technique agricole » ne prévoit pas de crédits pour la rémunération des auxiliaires de vie scolaire, qu'il s'agisse de l'accompagnement individuel ou collectif des élèves handicapés. Néanmoins, l'enseignement technique agricole accueille des élèves handicapés, pour lesquels la commission départementale du handicap prescrit à l'établissement d'accueil l'obligation de mise à disposition d'un accompagnement. Nous avons vu que l'étroitesse de la marge financière de ces établissements ne leur permet de recruter ces personnels, dont le besoin serait estimé à quarante postes sur les dotations existantes.
Cet amendement, que j'ai proposé et qui a été voté par la commission, permettrait de partager la dotation prévue à l'action 3 « Accompagnement des élèves handicapés » du programme « Vie de l'élève », entre les besoins des élèves handicapés de l'enseignement général et ceux de l'enseignement technique agricole.
Monsieur le ministre, il s'agit d'un amendement d'appel, afin que l'on puisse identifier budgétairement les accompagnements pour les élèves handicapés à l'intérieur de ce programme.
Me revoici, si je puis dire, ministre de l'agriculture. (Sourires.)
La question porte sur l'intégration des 1 500 élèves handicapés – c'est un chiffre élevé – de l'enseignement technique agricole. Nous devons accueillir ces élèves. Le ministre de l'agriculture a évalué le coût de cette intégration à 700 000 euros.
Dans le projet de loi de finances, ces crédits ne sont pas identifiés. Mais le ministère de l'agriculture m'a assuré que les crédits seront bien mobilisés sur son propre budget.
Nous nous trouvons pour la dernière fois dans la situation ambiguë d'être dans l'obligation de nous fonder sur la confiance – totale – que nous accordons au ministre de l'agriculture.
Dès l'an prochain, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009, une sous-action sera créée permettant l'identification précise des moyens réservés à l'intégration des élèves handicapés dans l'enseignement agricole.
Je pense, monsieur Censi, que vous pouvez retirer l'amendement, car on peut imaginer que le ministère de l'agriculture trouvera les moyens nécessaires à l'accueil des 1 500 élèves handicapés qu'il reçoit dans ses lycées techniques.
Je me réjouis du dépôt de l'amendement n° 88 par M. le rapporteur spécial, au nom de la commission des finances.
J'ai évoqué cette question lors de l'examen des crédits du ministère de l'agriculture. M. Barnier m'a fait part de la création d'un certain nombre de postes. Mais, au départ, rien n'était prévu.
Il est illogique que l'éducation nationale puisse disposer d'un certain nombre de postes d'auxiliaire de vie scolaire, alors que l'enseignement agricole public et privé et les maisons familiales rurales, qui sont des établissements sous contrat, ne peuvent en bénéficier.
On m'a signalé un cas dans ma circonscription et j'ai alors constaté qu'il y a en avait bien d'autres. J'ai évoqué le sujet avec le président de l'Union nationale des maisons familiales rurales qui m'a indiqué que rien n'était prévu dans le budget de l'agriculture.
Ce serait un beau geste, monsieur le ministre, de procéder à un transfert en direction du ministère de l'agriculture. L'an passé, je le rappelle, le ministère de l'éducation nationale est venu en aide pour faire respecter la loi Rocard.
Je souhaite que l'amendement n 88 soit adopté. Nous irions ainsi dans la bonne direction, afin de mettre l'enseignement agricole sur la même ligne que l'éducation nationale.
Constatant le plaisir que vous avez à nous voir ensemble, je vous demande, monsieur le président, une suspension de séance.
Pour que les députés de mon groupe, qui avaient demandé à reprendre l'amendement n° 226 se réunissent, afin de décider d'une position commune.
État B
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt et une heures vingt, est reprise à vingt et une heures trente.)
La séance est reprise.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.
Avant la suspension de séance, les représentants de l'opposition ont souhaité reprendre l'amendement de M. Lachaud au motif que ma réponse n'était pas suffisamment allante. (Sourires.)
C'est une question sur laquelle le Président de la République s'est engagé avec beaucoup de fermeté. Je ne me sens pas capable de dire que les élèves handicapés se débrouilleront. Je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée, et je donne un accord de principe pour prélever les 800 000 euros dont il est question sur le programme « Vie de l'élève ».
Je voudrais préciser un point afin que personne ne se sente blessé. Nous nous sommes suffisamment battus dans la loi du 11 février 2005 pour que l'on bannisse définitivement le terme d'« intégration » appliqué aux enfants handicapés. On ne peut parler d'intégration que pour une personne qui appartient à une communauté différente, ce qui n'est évidemment pas le cas des enfants handicapés. C'est la raison pour laquelle je préfère les termes de « scolarisation » ou d'« insertion professionnelle ».
Je suis saisi d'un amendement n° 89 .
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour le soutenir.
Je tiens d'abord à remercier M. le ministre, en espérant qu'il fasse part de son enthousiasme au ministre de l'agriculture. Je suis du reste persuadé qu'il vous en sera reconnaissant, tout comme nous le sommes nous-mêmes !
J'en viens à l'amendement n° 89 . Le programme « Enseignement technique agricole » contribue à la politique de réduction des emplois publics décidée par le Gouvernement. Cette réduction s'applique aux établissements publics, dotés de 11 814 ETPT, et aux établissements privés, dotés de 4 936 ETPT.
Pour les établissements privés, le ministère de l'agriculture et de la pêche a estimé cette contribution à la réduction des emplois publics à dix ETPT – soit trente emplois à temps plein en septembre 2008. Le plafond d'emplois du programme devrait donc passer de 4 963 pour 2007 à 4 953 pour 2008. Or les crédits prévus au présent projet de loi correspondent à un plafond d'emplois de 4 936 ETPT, soit 17 de moins, ce qui est inférieur à la règle proportionnelle appliquée par le ministère.
Il s'agirait – nous explique-t-on – de la transposition en année pleine des mesures de réduction des ETPT votées en 2007. Pourtant, cet effet d'extension en année pleine ne se justifie pas, car le plafond de 4 963 ETPT a été consommé en moyenne sur la totalité de l'année et non sur le seul dernier trimestre 2008. Nous en sommes donc assez loin.
Il faut, en outre, noter que la suppression de trente emplois en septembre 2008 conduira automatiquement à une nouvelle réduction importante du plafond d'emplois en 2009 pour un ensemble d'établissements très sous-dotés structurellement.
L'amendement propose donc de majorer de 780 000 euros les crédits de titre 2 du programme « Enseignement technique agricole », ce qui correspond à ces fameux 17 ETPT. Corrélativement, les crédits de titre 2 du programme « Enseignement scolaire public du second degré » sont réduits d'autant. En tout état de cause, nous espérons que l'enseignement technique agricole constituera prochainement une mission à part entière.
Je suis de votre avis, monsieur Censi. Il faudra que l'an prochain le ministre de l'agriculture soit présent, d'une part parce qu'il est directement concerné et, d'autre part, parce qu'il n'est pas de bonne méthode budgétaire que le ministre de l'éducation nationale opère un prélèvement sur les crédits de son propre ministère pour résoudre les problèmes spécifiques de l'enseignement technique agricole, quelle que soit l'affection qu'il peut lui porter !
Ayant ouvert grands les bras à vos propositions tout à l'heure, j'aurais mauvaise grâce à adopter une autre position sur cet amendement. Je vous confirme que nous trouverons les quelque 800 millions nécessaires, et je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée, si elle souhaite voter votre amendement. Rassurez-vous, mon directeur des affaires financières et mon conseiller budgétaire sont très inquiets …(Sourires.) Bref, il nous faut conclure sur ce point.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Enseignement scolaire », modifiés par les amendements adoptés.
(Ces crédits sont adoptés.)
Nous avons terminé l'examen des crédits relatifs à l'enseignement scolaire.
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Vendredi 16 novembre 2007, à neuf heures trente, première séance publique :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2008, n° 189 :
Rapport, n° 276, de M. Gilles Carrez, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.
Sécurité :
Rapport, no 276, annexe 39, de M. Michel Diefenbacher, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan ;
Avis, n° 280, tome IX, de M. Alain Moyne-Bressand au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées ;
Avis, n° 281, tome VIII, de M. Guy Geoffroy au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Médias ; Avances à l'audiovisuel public :
Rapport, no 276, annexe XXVI, de M. Patrice Martin-Lalande, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan ;
Avis, n° 277, tome V, de M. Christian Kert au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ;
Avis, n° 279, tome IX, de M. Didier Mathus au nom de la commission des affaires étrangères.
Ville et logement :
Rapports spéciaux, no 276, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan :
Annexe 46 de M. Yves Jégo ;
Annexe 47 de M. François Scellier ;
Avis, n° 278, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire :
Tome X de M. Philippe Pémezec ;
Tome XI de M. Jean-Pierre Abelin.
Culture ; Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale :
Rapports spéciaux, no 276, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan :
Annexe 7 de Mme Marie-Hélène des Esgaulx ;
Annexe 8 de M. Nicolas Perruchot.
Avis, n° 277, tome III, de M. Patrick Bloche au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
Politique des territoires :
Rapport, no 276, annexe 29, de M. Jean-Claude Flory, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan ;
Avis, n° 278, tome V, de M. Jacques Le Nay au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
Développement et régulation économiques :
Rapports spéciaux, no 276, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan :
Annexe 11 de M. Jean-Pierre Gorges ;
Annexe 12 de M. Pascal Terrasse ;
Annexe 13 de M. Olivier Dassault.
Avis, n° 278, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire :
Tome II, volume I, de MM. Jean-Paul Charié et Jean-Michel Couve ;
Tome II, volume II, de M. Jean Gaubert ;
Tome III, volume III, de M. Alfred Trassy-Paillogues.
Avis, n° 279, tome V, de M. Jean-Paul Bacquet au nom de la commission des affaires étrangères.
Solidarité, insertion et égalité des chances :
Rapport, no 276 annexe 42, de M. Jean-Marie Binetruy, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan ;
Avis, n° 277, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales :
Tome X de Mme Valérie Boyer ;
Tome XI de Mme Bérengère Poletti.
Aide publique au développement ; Prêts à des États étrangers :
Rapport, no 276, annexe 4, de M. Henri Emmanuelli, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan ;
Avis, n° 279, tome III, de Mme Henriette Martinez au nom de la commission des affaires étrangères.
Gestion des finances publiques et des ressources humaines ; Fonction publique, régimes sociaux et de retraite ; Pensions, Gestion du patrimoine immobilier de l'État, Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés :
Rapports spéciaux, no 276, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan :
Annexe 21 de M. Thierry Carcenac ;
Annexe 22 de M. Pierre-Alain Muet ;
Annexe 23 de M. Georges Tron.
Annexe 35 de MM. Patrick Lemasle et Michel Vergnier.
Annexe 48 de M. Yves Deniaud.
Avis, n° 281, tome II, de M. Bernard Derosier au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Recherche et enseignement supérieur :
Rapports spéciaux, no 276, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan :
Annexe 32 de M. Daniel Garrigue ;
Annexe 33 de M. Alain Claeys ;
Annexe 34 de M. Laurent Hénart.
Avis, n° 277, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales :
Tome VI de M. Olivier Jardé ;
Tome VII de Mme Valérie Rosso-Debord.
Avis, n° 278, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire :
Tome VI de M. Michel Lejeune ;
Tome VII de M. Daniel Paul ;
Tome VIII de M. Pierre Lasbordes.
Articles non rattachés : articles 37 à 40 ;
Articles de récapitulation : article 33 (et état B annexé), 34 (et état C annexé), 35 (et état D annexé), 36 (et état E annexé).
À quinze heures, deuxième séance publique :
Suite de l'ordre du jour de la première séance.
À vingt et une heures trente, troisième séance publique :
Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt et une heures trente-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton