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Intervention de Xavier Darcos

Réunion du 15 novembre 2007 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2008 — Enseignement scolaire

Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale :

Madame la députée, si j'ai renoncé aux zones d'éducation prioritaire, ce n'est pas, contrairement à ce que certains ont pu craindre, par manque d'intérêt, mais parce qu'il était clair que le zonage ne correspondait plus à la réalité des territoires. Sans vouloir stigmatiser quiconque, j'ajouterai que la légitimité de ces zones d'éducation prioritaire était parfois bien légère, certaines d'entre elles, rurales notamment, embrassant quasiment des départements entiers et ayant été classées comme telles pour des raisons qui avaient peu de rapport avec la situation scolaire réelle. Comme il était très difficile de toucher au zonage sans que tout le monde craigne de perdre sa zone ou n'en demande purement et simplement l'extension, le système était figé.

Je préfère, quant à moi, parler d'éducation prioritaire et de réseaux. Un réseau d'éducation prioritaire est quelque chose qui a du sens : c'est ce qui se met en place lorsqu'un établissement « ambition réussite » noue des liens avec les écoles primaires dont il dépend, travaille avec l'ensemble des partenaires sociaux, éducatifs et culturels qui l'entourent, fait venir des intervenants divers – en un mot, lorsqu'il organise sa politique, y compris d'ailleurs la manière d'enseigner, car ces établissements peuvent, je le rappelle, organiser en sixième des modules massifs de français au début de l'année avant de passer à autre chose. Lorsqu'on laisse l'établissement organiser, avec son réseau, sa politique éducative, ça ne marche pas si mal –, et c'est d'ailleurs ce que demandent les établissements. Je le répète donc, ne vous faites pas à tout prix l'apôtre du zonage, que les établissements eux-mêmes ne demandent plus. Ils veulent une autre manière de travailler.

Mettons-nous pour autant assez de moyens dans ces réseaux ? À cette question, qui mérite d'être posée, je ferai deux réponses. Tout d'abord, il est indéniable que nous y consacrons beaucoup de moyens, un établissement d'éducation prioritaire coûtant quelque 25 % de plus qu'un établissement normal. Par ailleurs, ces établissements sont assez nombreux : les collèges « ambition réussite », au nombre de 1 119, représentent déjà pratiquement un quart des établissements et nous allons bientôt en créer d'autres. Ce sont là des chiffres très élevés et on ne peut pas dire que ces collèges ne disposent pas des moyens et qu'ils ne sont pas assez nombreux.

En revanche – et je voudrais que l'ensemble de la représentation parlementaire en prenne conscience et m'aide le dire autour de nous – il faut cesser de croire que tout se règle dans l'établissement. En tant que maire d'une ville moyenne, je sais comme vous que, lorsqu'on organise autour d'un collège une opération ANRU, un citistade ou des foyers culturels, lorsqu'on passe des conventions avec des clubs voisins, que l'on fait sortir les élèves, que l'on conclut des partenariats, que, comme M. Lachaud, on trouve les moyens d'organiser des voyages culturels, on fait aussi de la réussite scolaire. On demande toujours, si je puis dire, à l'établissement de vider la cuvette alors que personne ne veut fermer le robinet. (Sourires.)

Il faut à tout prix que nous pensions que l'établissement d'éducation prioritaire s'inscrit dans un contexte global : celui de la politique de la ville – que Mme Amara aura sans doute l'occasion d'évoquer –, de la politique sociale, de la politique de l'aménagement. Voilà comment nous devons travailler. Ne nous contentons pas de compiler dans les établissements des moyens supplémentaires. Les moyens existants sont, je le répète, déjà très élevés, avec pratiquement un adulte pour six élèves. Cherchons plutôt à voir comment l'établissement pourrait, dans un contexte de quartier ou dans un contexte sociologique différent, évoluer, s'ouvrir, voire se déplacer.

Je n'évoquerai que brièvement la carte scolaire, sujet de polémiques sans fin sur lequel les positions ne parviennent pas à se concilier. Permettez-moi cependant, madame Amiable, une anecdote personnelle : c'est en avril 2002 que je me suis demandé pour la première fois s'il ne fallait pas toucher à la carte scolaire. Je recevais des jeunes filles issues de l'immigration maghrébine, vivant dans un département difficile, qui m'ont déclaré qu'elles souhaitaient que je crée des classes de filles. Lorsque je leur ai demandé pourquoi, elles m'ont répondu que c'était parce qu'elles voulaient travailler et en avaient assez de ne pas pouvoir le faire dans le contexte où elles vivaient. Je leur ai dit que je ne pouvais pas faire de classe de filles. Imaginez donc : un ministre de l'enseignement scolaire que certains d'entre vous trouvent déjà réac ! (Sourires.) Il y avait là, cependant, matière à réflexion. Ces jeunes filles ne veulent pas être assignées à résidence. Elles veulent qu'on leur permette de prendre un peu de champ, d'aller voir ailleurs. C'est aussi cela qu'a permis l'assouplissement de la carte scolaire.

Sans vouloir stigmatiser le point de vue de ceux qui ne sont pas du même avis que moi, je crois vraiment qu'une carte scolaire bien gérée – pourvu que l'on maintienne, comme c'est déjà le cas, mais désormais de manière stricte les moyens des établissements qui perdent des élèves – est une mesure de justice sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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