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Intervention de Jean-Louis Léonard

Réunion du 15 novembre 2007 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2008 — État b

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Léonard :

Cet amendement va faire plaisir à M. Blisko, puisqu'il pourrait s'intituler « L'amendement des rats des champs contre les rats des villes ».

C'est vrai, madame la ministre, qu'il faut un certain courage pour mener la réforme que vous menez, celle qui ne l'a pas été, d'une manière aussi complète, depuis vingt ans. Les députés provinciaux sont actuellement bien placés pour savoir que cette réforme de la carte judiciaire n'est pas facile. Elle ne l'est ni pour eux, ni pour vous.

Certaines villes ont le sentiment de perdre leur rang en perdant un tribunal d'instance ou de grande instance. Nous avons pensé, avec le président Le Fur, qu'il était important de rétablir un certain équilibre.

Certaines régions perdent beaucoup plus que d'autres, par exemple la Bretagne ou la région Poitou-Charentes, qui perdra deux tribunaux de grande instance et quatre tribunaux d'instance, notamment le tribunal de grande instance de Bressuire, dont on vient de parler, et celui, bien entendu, de Rochefort.

Dans certaines de ces villes, vous nous proposez d'offrir aux justiciables un accès au droit et à la justice grâce à des maisons spécialisées, afin que chacun puisse être en mesure de connaître ses droits, de les défendre, ou de bénéficier de la justice de proximité.

C'est certainement une bonne idée, madame la ministre, c'est vrai. Mais aujourd'hui, vous n'avez pas les enveloppes budgétaires nécessaires pour permettre la création et le fonctionnement de ces maisons. Et si j'ai bien compris, compte tenu de l'ambiance, vous ne pourrez certainement pas beaucoup compter sur les collectivités pour se substituer à l'État.

La province fait des efforts considérables, donc. Ces efforts sont-ils partagés ? Très sincèrement, nous ne le pensons pas. Quand nous regardons la carte judiciaire à Paris, qu'y voit-on ? Vingt arrondissements, vingt tribunaux d'instance. Entre le tribunal d'instance du IIe arrondissement et celui du IIIe, il y a deux stations de métro, soit environ cinq minutes de trajet – quand tout va bien, naturellement, ce n'est peut-être pas le cas aujourd'hui. En province, par contre, il faudra parfois parcourir plusieurs dizaines de kilomètres pour aller au tribunal. Pour se rendre à Lorient, par exemple, les habitants de Pontivy devront parcourir près de 60 kilomètres : 50 minutes, quand tout va bien. Les habitants de Mayenne devront, quant à eux, parcourir 33 kilomètres, en un peu plus de 30 minutes, pour se rendre à Laval.

Nous ne discutons pas, au travers de cet amendement, le bien-fondé des décisions prises. Mais nous en tirons quand même quelques enseignements. Le tribunal de grande instance de Rochefort, en Charente-Maritime, est sans doute le plus important de tous ceux que vous supprimez. Il deviendra un tribunal d'instance renforcé. Là encore, nous ne discutons pas ici du bien-fondé de cette décision. Ce tribunal correspond à un territoire de 100 000 habitants, un barreau de 50 avocats. Son activité s'élève, au pénal, à 3 500 affaires. Il y a un tribunal pour enfants. Il y a naturellement un tribunal de commerce. Vous le supprimez. C'est certainement une erreur, mais là encore, nous n'en discuterons pas ici. Il reste qu'il va falloir la financer, cette erreur. Car le regroupement d'un tel TGI avec le tribunal de La Rochelle coûtera, en gros, entre 15 et 20 millions d'euros. Et vous n'avez pas ces crédits.

L'existence de certains tribunaux d'instance parisiens, compte tenu de ce que nous avons dit précédemment, ne se justifie pas non plus par le poids démographique des arrondissements concernés. Par exemple, le Ier arrondissement de Paris compte 16 888 habitants, le IIe arrondissement 19 585 habitants. Ils disposent chacun d'un tribunal d'instance, dont l'accès, c'est le moins qu'on puisse dire, est facile.

Le tribunal d'instance de Loudéac, dans les Côtes d'Armor, dessert un bassin de plus de 40 000 habitants. Lui disparaît au profit d'une maison de la justice et du droit.

Quant aux tribunaux des villes de Château-Gonthier et de Mayenne, ils sont dans une situation analogue.

Toute réforme doit obéir à l'équité, a fortiori celle de la justice. Les Français savent faire des sacrifices, et y consentent d'autant mieux qu'ils ont le sentiment que les efforts sont partagés. Pourquoi ne pas envisager, comme pour la province, des regroupements de tribunaux d'instance pour Paris ?

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