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Intervention de Yves Durand

Réunion du 15 novembre 2007 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2008 — Enseignement scolaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Durand :

Monsieur le ministre, il y a au moins une chose que je ne mettrai pas en doute : c'est la sincérité de vos bonnes intentions. Vous les répétez d'ailleurs depuis des années, et vous en faites part dans les nombreuses émissions, notamment télévisées, auxquelles vous participez. Elles sont toujours de grande qualité. Vous voulez mettre l'accent sur l'apprentissage de la langue et la maîtrise de l'oral. Vous insistez sur la nécessité de sortir les 15 % des élèves les plus en difficulté de la situation de quasi-analphabétisme dans laquelle ils se trouvent. Vous souhaitez alléger une semaine de travail qui fait de l'élève français certainement le plus chargé d'Europe. Sur ces trois points essentiels, sur lesquels nous discutons depuis bien des années, on ne peut qu'être d'accord avec vous.

Mais alors pourquoi, avec de si bonnes intentions, votre politique et le budget qui l'exprime sont-ils l'un et l'autre si peu satisfaisants ? Je voudrais reprendre chacun de ces trois points, parce qu'ils sont, je crois, au coeur du problème de l'éducation et de l'égalité des chances.

La maîtrise de la langue et de l'oral. J'ai lu, comme vous, monsieur le ministre, et comme beaucoup de mes collègues, le rapport extrêmement intéressant, paru au mois d'août dernier, du Haut conseil de l'éducation, créé par la loi dite Fillon, et à la création duquel nous ne nous sommes pas opposés. Or ce Haut conseil met en avant une idée que nous développons, souvent sous les ricanements de certains de nos collègues de droite, à savoir que les inégalités scolaires sont le fruit des inégalités sociales. Vous êtes d'accord, monsieur le ministre. Elles apparaissent dès le plus jeune âge de l'enfant, à l'intérieur même de la famille. Dès lors, l'une des missions de l'école républicaine, c'est de contrebalancer et, autant que faire se peut, d'annuler ces inégalités.

Or, pour ce faire, le Haut conseil le reconnaît et vous ne le contredirez pas, monsieur le ministre, vous qui êtes un littéraire, la maîtrise de la langue et de l'expression orale, sont nécessaires pour éviter l'échec de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture, lequel s'observe dès le cours préparatoire. Les inégalités qui en découlent iront ensuite en s'aggravant, de l'école élémentaire au collège, voire au lycée pour ceux qui l'atteignent. Si c'est dès la plus petite enfance que se créent de telles inégalités, alors, et le Haut conseil formule cette exigence, il faut faire de l'école maternelle le pilier de l'égalité des chances. Il faut faire de l'école maternelle, nous l'avons toujours dit, la première étape de la lutte contre les inégalités, c'est-à-dire une véritable école qui donne toutes leurs chances aux enfants qui sont en grande difficulté à cause de leur milieu familial et culturel.

Or que constatons-nous dans votre budget, monsieur le ministre ? Une fois de plus, hélas ! l'école maternelle, que vous encensez pourtant dans vos discours, reste ce que vos amis du ministère des finances appellent la « variable d'ajustement », c'est-à-dire le ministère auquel, pardonnez-moi cette expression triviale, « piquer » les postes au motif qu'il s'agit d'un enseignement non obligatoire et que l'on peut expliquer aux parents que la scolarisation en dessous de deux ans, de trois ans, voire de quatre ans dans certaines communes, n'est pas une bonne chose et que le milieu familial est plus important. Pourtant, c'est faux ! Nous l'avons toujours dit et répété, et le Haut conseil de l'éducation aussi.

Nous avons, lors de la campagne présidentielle, mis en avant la nécessité d'une véritable école maternelle de l'égalité des chances, dans le cadre d'une politique générale de la petite enfance qui assurerait le lien entre la famille, un mode de garde non scolaire et l'école maternelle. Il faudrait veiller à une transition douce, harmonieuse avec l'école élémentaire. Aujourd'hui, le choc est tel, notamment pour les enfants des milieux défavorisés, que l'échec les guette dès le cours préparatoire. On voit déjà les enfants qui auront des difficultés à l'école élémentaire, puis au collège et qui n'atteindront pas le lycée.

Or l'école maternelle constitue la variable d'ajustement et, dans beaucoup de classes, les effectifs dépassent trente, voire trente-cinq élèves. C'est le cas dans ma commune majoritairement peuplée de familles modestes dont les enfants ont besoin de l'école : leur seule chance, c'est justement l'école et notamment la maternelle ! Les instituteurs d'école maternelle, souvent d'un dévouement extraordinaire, voient leurs crédits pédagogiques amputés de 25 %, ce qui leur interdit de mener une véritable politique d'accompagnement visant à mettre ces enfants sur les rails de la réussite.

Deuxième objectif auquel nous ne pouvons qu'adhérer, mais qui est contredit par les faits : permettre aux 15 % d'élèves les plus en difficulté de sortir de leur situation d'échec. Or que leur proposez-vous, monsieur le ministre ? Des cours en plus. À des élèves qui sont souvent en voie de déscolarisation et qui ont déjà du mal à assumer le nombre d'heures normal ! Cela revient à donner un plat de lentilles supplémentaire à un enfant qui refuse de se nourrir. C'est l'échec assuré ! Bonne intention, certes ! Populaire, probablement ! Mais, en termes d'efficacité, cette mesure tourne d'autant plus le dos à la réalité que ces cours supplémentaires sont proposés hors du temps scolaire, pendant les fameuses heures des samedis libérés. Les enfants qui s'en sortent bien pourront se reposer ou se cultiver ; ceux qui sont en difficulté auront droit à « une louche supplémentaire » – excusez la trivialité de l'expression.

De plus, ces cours sont organisés sur la base du volontariat des enseignants, mais aussi des élèves et des parents. Or il s'agit précisément – vous qui êtes maire de Périgueux, vous le savez comme moi, maire de Lomme dans le Nord – de familles qui acceptent le moins le rôle de l'école, qui ont tendance à penser qu'elle ne sert à rien, tout simplement parce que les parents sont au chômage. Ayant parfois été en échec scolaire eux-mêmes, ils ne voient pas la chance que l'école peut offrir à leur enfant, et en viennent à croire que l'échec est presque héréditaire.

Ce qu'il faudrait, c'est une véritable pédagogie individualisée à l'intérieur du temps scolaire. Pour cela, il aurait fallu insister sur l'accompagnement individuel dans le cadre des cycles, mentionné par le Haut comité de l'éducation.

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