Rassurez-vous, monsieur le ministre, nous avons connu plus réac que vous ! (Sourires.) Mais nous avons encore des choses à vous dire.
Permettez-moi tout d'abord une question dans la question. Vous avez indiqué tout à l'heure, et je l'ai noté avec satisfaction, que le sport à l'école se développerait. Vous n'avez cependant guère détaillé la manière dont vous comptez y parvenir. Plus de sport ne signifie pas forcément que les professeurs de sport et les professionnels seront plus nombreux, y compris dans le primaire. Peut-être pourrez-vous nous éclairer sur ce point.
Pour ce qui est du budget que vous nous proposez aujourd'hui, j'observe que, dans certains cas comme celui de la Seine-Saint-Denis, que vous avez cité, il ne fait pas état de suppression de postes. Il est en effet bien plus pervers et traduit la mise en place effective d'un système excluant de l'éducation nationale les enfants issus des classes populaires. Au lieu d'une réflexion visant à améliorer la réussite scolaire en conduisant tous les élèves à la maîtrise du socle commun – qui est, on le sent bien, votre ambition –, ces dispositifs organisent le départ anticipé de l'école d'un grand nombre d'élèves pour la raison, avouée, qu'« ils ne sont pas faits pour le système ».
Permettez-moi de citer un bref extrait d'un livre de Daniel Pennac que vous connaissez sans doute : « Dans la nuit des temps scolaires, l'élève considéré comme normal est l'élève qui oppose le moins de résistance à l'enseignement, celui qui ne douterait pas de notre savoir, un élève acquis d'avance, doué d'une compréhension immédiate, un élève naturellement habité par la nécessité d'apprendre, qui cesserait d'être un gosse turbulent ou un adolescent à problèmes pendant notre heure de cours, un élève convaincu dès le berceau qu'il faut juguler ses appétits, ses émotions, par l'exercice de sa raison. » Or il y a tous les autres…
Aujourd'hui, tout est vraiment fait pour que les élèves issus des classes populaires soient relégués, le plus vite possible, dans des filières professionnelles : multiplication des dispositifs d'enseignement en alternance – classes de quatrième et de troisième en alternance –, suppression d'heures de scolarité, sans parler de la culpabilisation des parents qui ne seraient pas en mesure de suivre la scolarité de leur enfant. C'est dommage parce que l'apprentissage doit avoir ses lettres de noblesse. Il ne faut pas que ce soit une voie de garage. Il doit donner accès à des métiers en permettant de rencontrer très tôt les professionnels.
Je parlais de perversité car, à l'heure où la méritocratie devient le leitmotiv d'une politique conservatrice et rétrograde, de plus en plus axée sur un système concurrentiel, et ce au nom d'une pseudo-égalité des droits, il ne fait pas bon parler de la création ou du développement de dispositifs qui donneraient une seconde chance à tous les élèves en rupture avec l'école en mobilisant tous les acteurs, ou encore de dispositifs qui garantiraient l'assiduité scolaire et préviendraient le décrochage.
J'ai bien noté une première approche dans votre proposition pour l'aide aux enfants en difficulté. Quelles mesures entendez-vous donc mettre en oeuvre pour faire face à la multiplication des dispositifs visant à écarter les élèves les plus défavorisés, et comment comptez-vous apporter des réponses adaptées aux territoires les plus sensibles, des réponses encore plus pointues que celles que vous proposez ?