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Intervention de Marie-Hélène Amiable

Réunion du 15 novembre 2007 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2008 — Enseignement scolaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Hélène Amiable :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, bien que l'enseignement scolaire doive bénéficier d'un budget de 59,26 milliards d'euros – quasiment stable par rapport à l'année dernière – le projet de loi de finances pour 2008 prévoit 11 200 suppressions nettes de postes dans l'enseignement scolaire public et privé, de la maternelle à la terminale, dont 1 000 postes administratifs.

Les députés communistes et républicains ne peuvent que déplorer ces choix, et partagent la colère et le mécontentement des associations de parents d'élèves, des syndicats d'enseignants et des personnels de l'éducation nationale lesquels dénoncent « une politique gouvernementale qui va à l'encontre de la réussite de tous les jeunes ». Nous partageons leur conviction que ces suppressions de postes à la rentrée 2008 – qui s'ajoutent aux milliers de suppressions de ces dernières années – constituent une nouvelle étape de la dégradation du service public d'éducation. Vous aurez du mal à faire passer cette « pilule amère », selon l'expression employée tout à l'heure par Frédéric Reiss, le rapporteur pour avis. Je partage son point de vue.

Alors que 34 535 postes ont déjà été supprimés depuis 2003, la moitié des départs en retraite non remplacés dans le projet de loi de finances pour 2008 concerne des enseignants. Puisque vous appartenez à un gouvernement qui se targue de pratiquer la négociation, que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour que les personnels, les parents et les lycéens soient associés aux décisions capitales qui les concernent ?

Cette diminution des crédits alloués à la rémunération des personnels n'est pas compréhensible si l'on se réfère à la position de la France par rapport aux autres pays de l'OCDE. L'étude « Regards sur l'éducation 2007 » signale en effet que la France consacre environ 10 % de ses dépenses d'éducation à des services auxiliaires, c'est-à-dire des dépenses autres que des rémunérations de personnel, contre 6 % en moyenne pour les pays de l'OCDE.

L'enseignement scolaire public du premier degré semble moins touché, avec la création de 700 emplois, pour une augmentation de 37 000 élèves. Vous omettez cependant de mettre en avant la suppression de 670 emplois de stagiaires – soit 233 équivalents temps plein –, dont on sait qu'ils apportent chacun une journée de travail en classe – dans le cadre du « stage filé » –, ce qui va entraîner la suppression de 150 équivalents temps plein. Ce calcul permet donc d'établir la création nette d'emplois, non pas à 700 mais à 550 postes, soit 1 pour plus de 67 élèves.

Même si nous saluons la valorisation du statut de directeur d'école, nous ne pouvons en revanche que constater que celle-ci est financée quasi intégralement par la baisse de 10,42 % des crédits pour l'indemnité de sujétion spéciale de remplacement. Et comment ne pas déplorer la baisse de 10,61 % des crédits pour la formation des personnels enseignants, et celle de 11 % des crédits pédagogiques pour l'élémentaire et le préélémentaire ?

Vos calculs vous conduisent même à souhaiter le recul progressif de la scolarisation des enfants de moins de trois ans en école maternelle, alors qu'elle est déjà passée de 36 % en 1990 à 21 % en 2006. Votre ministère est allé jusqu'à évoquer la possibilité de déscolariser les enfants avant cinq ans. Pourtant, la scolarisation précoce est un gage de réussite, surtout pour les élèves dont les parents n'ont pas fait d'études longues et qui ne peuvent préparer au mieux l'entrée de leur enfant au cours préparatoire. Il est inacceptable qu'en milieu rural comme en zone d'éducation prioritaire on doive fermer des classes de maternelle pour pouvoir maintenir des effectifs raisonnables en école élémentaire.

Mais le plus gros scandale réside dans les suppressions de postes du second degré. Ce sont, cette année encore, les collèges et les lycées qui paieront le prix fort avec 12 400 suppressions nettes d'équivalents temps plein. Pour 1 800 d'entre elles, ces suppressions se justifient d'après vous par la baisse des effectifs d'élèves dans le secondaire, et pour 2 040 par les « surnombres disciplinaires ». Les heures supplémentaires défiscalisées permettront quant à elles d'« économiser » 4 200 équivalents temps plein – à raison de 18 heures hebdomadaires pour les certifiés et 15 pour les agrégés.

Le cynisme n'effraie pas le Gouvernement quand il se permet de mettre en parallèle la baisse du nombre d'enseignants avec une hausse de la productivité. Quelles matières, quels programmes et quelle culture seront sacrifiés sur l'autel de votre efficacité ? Le Haut conseil de l'éducation peut bien juger que le collège ou l'école primaire ne sont pas « efficaces », ce n'est pas avec de tels choix politiques que nous prendrons le chemin d'une école transformée.

Le projet de budget prévoit en outre la suppression de 1 000 emplois administratifs, laquelle succède aux 2 000 suppressions des cinq dernières années. Vous prétendez que ces postes pourront être économisés par le biais de gains de productivité liés à l'informatisation et à la dématérialisation de certaines missions. Toute personne un peu sensée connaissant l'éducation nationale ne pourrait que préconiser le contraire : une augmentation des moyens administratifs, laquelle permettrait une meilleure information des personnels – notamment de remplacement – et donc leur meilleure gestion ou, par exemple, une répercussion plus rapide des éléments variables de la paie.

Pourrez-vous également expliquer aux enseignants non titulaires aujourd'hui au chômage pourquoi vous poursuivez le recrutement de nouveaux vacataires ?

À d'autres égards, on mesure la faible considération de ce gouvernement pour la communauté éducative. Alors que le pouvoir d'achat des professeurs n'a cessé de baisser depuis vingt ans, l'attente des conclusions du débat pour l'avenir de la fonction publique oblige encore à reporter une revalorisation de leurs conditions de rémunération : la seule alternative est d'accepter la modulation des heures supplémentaires, selon la fameuse logique du « travailler plus pour gagner plus ». Or la comparaison des niveaux de salaires avec nos homologues étrangers, comparaison qui ne saurait être l'apanage du Président de la République, montre que le rapport entre le salaire d'un enseignant du primaire après quinze ans d'exercice et le PIB par habitant est de 1,03 en France contre 1,33 en Angleterre, 1,62 en Allemagne et 2,54 en Turquie.

Depuis des années, les ministres affirment que les restrictions de moyens financiers consacrés par la nation à l'éducation sont sans conséquence sur la qualité du système éducatif. D'ailleurs, nos gouvernants ne cessent de nous persuader que le budget de l'éducation nationale progresse d'année en année. Mais la réalité est que l'analyse du niveau des dépenses publiques pour l'éducation montre un désinvestissement de l'État : si l'on rapporte les budgets de l'éducation nationale à la part des richesses produites, on s'aperçoit en effet que la participation de l'État est en régression. En 1993, avec une scolarisation moindre et un investissement des collectivités territoriales nettement inférieur à ce qu'il est aujourd'hui, la France consacrait 7 % du PIB à l'école, contre 6,8 % en 2006 par exemple.

En outre, les conditions d'enseignement vont s'aggraver pour les catégories sociales les moins favorisées. La proportion de suppressions de postes est aussi plus importante dans l'éducation nationale que dans l'enseignement privé financé par l'argent public. Vos priorités sont claires, et la rupture n'est pas faite avec vos prédécesseurs, qui ont obligé les communes à financer la scolarisation d'un enfant dans une école privée d'une autre commune.

De même, la suppression de la carte scolaire et les réformes sur l'autonomie des établissements servent à mettre ceux-ci en concurrence et à favoriser une élite, au détriment d'une formation de qualité pour tous. Il faut en outre préciser que ces démarches sont complètement contre-productives. Il ressort en effet d'une étude de juillet 2007 de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de l'Île-de-France que la mise en concurrence des établissements et la ségrégation sociale scolaire n'améliorent pas le niveau général – y compris, d'ailleurs, pour les élèves favorisés.

S'interroger sur l'école revient à s'interroger sur la société dans laquelle nous voulons vivre. Nous avons le choix entre une société qui s'accommoderait d'inégalités jugées indépassables et une société d'hommes et de femmes libres, égaux, soucieuse de développer les qualités de chacun dans un monde non plus fondé sur la concurrence mais sur le partage des ressources, des savoirs et des informations. Je suggère à cet égard de bannir de notre langage l'expression trop facile d'« égalité des chances » pour lui substituer une exigence d'égalité des droits et de réussite pour tous. Je vous enjoins ainsi de ne pas détruire cet héritage du programme du Conseil national de la Résistance qui, en 1944, souhaitait donner « la possibilité effective [à] tous les enfants français de bénéficier de l'instruction et d'accéder à la culture la plus développée, quelle que soit la situation de fortune de leurs parents ».

La gratuité présumée de l'éducation nationale est un leurre : chaque année, les associations familiales, dans leur estimation du coût moyen de la rentrée scolaire, démontrent que l'allocation de rentrée scolaire ne suffit pas à compenser la charge financière assumée par les familles. Et les récents aménagements que vous avez apportés à cette allocation, sous couvert de la moduler en fonction de l'âge de l'enfant, laissent présager, je le crains, une diminution de l'aide apportée aux plus jeunes.

Si je salue la création de 200 unités pédagogiques d'intégration pour les élèves handicapés, je ne peux que déplorer la pénurie dans laquelle restent cantonnés la médecine scolaire et les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, les fameux RASED, dont de nombreux postes de psychologues ou de rééducateurs sont en souffrance depuis parfois plusieurs années.

Je vous interrogerai tout à l'heure sur l'éducation prioritaire, tout en approuvant la possibilité désormais offerte aux enfants qui n'en avaient pas la chance d'être aidés dans le cadre d'un accompagnement scolaire assuré par l'éducation nationale. Les communistes proposent en effet depuis longtemps, vous le savez, de revoir la logique de marchandisation des activités périscolaires, onéreuses pour les familles, pour leur substituer un véritable service public de l'accompagnement scolaire.

Nous déplorons cependant que les contrats de réussite scolaire ne soient organisés qu'autour de l'augmentation des heures supplémentaires des personnels enseignants, et non par l'embauche de personnels dédiés dont la formation et la certification auraient été de la responsabilité de l'État.

Pour aller encore plus loin dans la lutte contre les inégalités, je pense qu'il serait intéressant de réfléchir à la création d'un fonds national de lutte contre les inégalités à l'école, destiné par exemple à permettre la gratuité de l'accès aux outils nécessaires à la réussite scolaire ou, pour les collectivités territoriales en difficulté financière, à soutenir la construction de locaux scolaires publics et à les doter en équipements.

Oui, la société devrait avoir pour ambition que les jeunes, quelle que soit leur origine sociale, culturelle ou géographique, puissent maîtriser la connaissance et accéder à une culture commune de haut niveau, mais également s'insérer correctement, ensuite, dans le marché du travail. Or les conditions d'entrée dans la vie active des jeunes ne cessent de se dégrader depuis vingt ans, comme le montrent les travaux de l'INSEE de juin 2006. Même si votre décision d'abroger la loi restaurant l'apprentissage à quatorze ans fut une bonne nouvelle,…

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