La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, la crise est là, elle est bien là. Elle s'approfondit, chaque jour, avec son lot de misères, de souffrances. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
Les Français qui travaillent, qui sont au chômage, les retraités n'en peuvent plus. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C'est ce qu'ils diront dans les rues des villes de notre pays, le 29 janvier prochain, quand ils manifesteront pour le pouvoir d'achat.
Vous, monsieur le Premier ministre, que faites-vous pendant ce temps-là ? D'un côté, 760 millions d'euros pour la prime de solidarité active et, de l'autre, 360 milliards d'euros pour les banques.
Quand un banquier faute, il a droit à une réprimande publique très médiatisée du Président de la République. Pendant ce temps, les parachutes dorés, les stocks options, les bonus continuent, …
Plusieurs députés du groupe SRC. Eh oui !
..malgré les discours tonitruants de Nicolas Sarkozy dans son meeting de Toulon, où il avait dit que nous légiférerions. De loi, il n'y a pas eu, car, en même temps qu'il y a des réprimandes publiques, il y a des conciliabules à l'Élysée. (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe GDR.)
Que se disent-ils ? Ce n'est évidemment pas médiatisé, mais le Président de la République et les banquiers sont passés maîtres dans l'art de l'esbroufe. Et derrière le rideau de fumée qu'ils répandent, ils continuent leur tambouille avec l'argent des petits déposants.
Plusieurs députés du groupe UMP. Quelle est la question ?
Monsieur le Premier ministre, qu'allez-vous faire ? Allez-vous arrêter avec les parachutes dorés, qui ont permis, par exemple, à M. Forgeard, qui a faillé couler EADS Airbus, de partir avec l'équivalent de 763 années de SMIC ?
Monsieur le Premier ministre allez-vous obliger les banques à faire leur travail : financer les petites et les grandes entreprises ?
Je termine.
Vous étiez à Hambourg, monsieur le président, et vous avez entendu comme moi les menaces qui pèsent sur Airbus aujourd'hui, alors que le carnet de commande est bien rempli. Mais les banques ne veulent pas assumer le financement des sous-traitants et des clients. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le Premier ministre, allez-vous arrêter avec la rémunération des actionnaires de sociétés qui bénéficient des aides de l'État ?
Allez-vous supprimer les bonus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.
Monsieur Brard, il y a au moins un point sur lequel nous sommes d'accord, c'est que la situation est très difficile (« Ah ! » sur les bancs du groupe GDR) et que la crise économique est là, après la crise financière qui a frappé l'ensemble des économies mondialisées.
Comme vous le savez, nous avons engagé un certain nombre d'actions très rapides, pour pouvoir faire face à cette crise. Je ne décrirai pas les plans successifs : plan de soutien au financement des PME, plan de financement du circuit financier, …
… plan de relance, création du fonds d'investissement.
Cela étant, cette réactivité en matière d'action publique doit s'accompagner d'une moralisation des pratiques…
…qui structuraient les rémunérations des dirigeants.
C'est ce que nous avons commencé à faire depuis plusieurs mois maintenant, en interdisant, par exemple, le cumul de mandataire social et de salariat.
Nous avons aussi demandé aux entreprises de mettre fin aux indemnités de rupture en cas d'échec des dirigeants.
Aujourd'hui, 94 % des plus fortes capitalisations françaises de la bourse ont adhéré à ces engagements, mais nous ne devons pas nous en contenter. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Je vais vous parler de ce que vous avez appelé une « gesticulation », qui est l'action du Président de la République en direction des dirigeants des banques françaises.
Il a souhaité que ceux-ci renoncent, dès lors qu'il y avait eu soutien public, à leur bonus. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Déjà, vous le savez, un certain nombre de dirigeants des banques ont fait droit à cette demande du Président de la République.
Deux, et je peux les citer : ce sont les dirigeants de la BNP et de Paribas qui ont adhéré et ont donc renoncé à leur bonus.
L'ensemble des dirigeants des banques françaises seront reçus, cet après-midi, à dix-huit heures, par le Président de la République. Je pense qu'il y aura des résultats après cette rencontre en matière de rémunération abusive des dirigeants des banques.
Yes, he can ! Oui, il peut. (Exclamations et rires sur de nombreux bancs.) Oui, le président Barack Obama pourra, tout à l'heure, lors de son discours d'investiture, répondre à la lettre que je lui ai adressée (Exclamations sur de nombreux bancs et applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP) pour dénoncer l'injuste, révoltante et scandaleuse décision de l'administration Bush visant à prendre en otage la filière roquefort en triplant les droits de douane dans le cadre du contentieux, opposant les États-Unis et l'Union européenne, sur l'importation de boeufs aux hormones.
En s'en prenant à cet emblématique fromage français, apprécié par les gastronomes et les gourmets du monde entier, l'administration américaine a voulu s'attaquer à un symbole, celui du savoir-faire ancestral et d'une production de qualité ancrée dans un territoire rural, fier de ses traditions. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe NC.) Cette filière est un exemple en matière d'organisation professionnelle : une confédération regroupant, paritairement, producteurs de lait et transformateurs au coeur d'une région difficile. La décision américaine risque de porter un coup dur à la production qui sera fragilisée par la perte possible d'un débouché représentant 400 tonnes annuelles de roquefort achetées par les consommateurs américains.
Symbole contre symbole, n'y a-t-il pas lieu de réfléchir, par exemple, à une forte taxation sur l'importation en France et en Union européenne des concentrés du coca-cola produits aux États-Unis (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes NC et UMP), symbole, s'il en est, d'une boisson uniformisée à l'échelle de la planète, potentiellement néfaste pour la santé et fabriquée par une multinationale aux méthodes et manières caricaturales ? (Mêmes mouvements.)
Monsieur le ministre de l'agriculture, j'associe à ma question nos collègues du « rayon » roquefort Alain Marc, député de l'Aveyron et Pierre Morel-à-l'Huissier, député de la Lozère, Robert Lecou et quelques autres. Au-delà des protestations de principe, nous souhaiterions savoir ce que le Gouvernement compte faire pour pousser la nouvelle administration américaine à plus de raison et la faire revenir sur une si injuste décision ? (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et du roquefort !
Pour être tout à fait sincère, je ne suis pas sûr que le président Obama fera mention du roquefort dans son discours d'investiture ! (Sourires.) Cela étant, j'estime qu'avec vos collègues, vous avez raison de défendre ce fromage réputé, symbole d'une double exigence : la sécurité sanitaire de la production et la qualité alimentaire. Vous avez eu raison, monsieur le député, de dénoncer la mesure prise par l'ancienne administration américaine et, qui nous oblige à débattre de cette question le jour même où le nouveau président prend ses fonctions.
Nous regrettons évidemment cette décision. C'est la raison pour laquelle nous allons, avec la Commission européenne, introduire un contentieux devant l'OMC.Nous continuerons à défendre la promotion de ce fromage comme de bien d'autres, partout dans le monde.
C'est ainsi que le 15 décembre dernier, j'ai, avec mon homologue australien, signé un accord visant à ouvrir le marché de ce pays au roquefort. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La mesure de rétorsion américaine, assez médiocre, ne nous fera pas dévier d'un centimètre de la ligne que nous avons choisie avec les autres pays européens. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes NC et UMP.) Nous n'accepterons pas davantage l'importation de boeuf aux hormones. (« Ah ! » sur de nombreux bancs.) L'Europe tient à son modèle alimentaire. Les Américains font ce qu'ils veulent chez eux. Quant à nous, nous ferons ce que bon nous semble chez nous pour préserver un modèle alimentaire, fondé sur une exigence de sécurité sanitaire rigoureuse vis-à-vis des consommateurs.
Enfin, monsieur Folliot, le 9 février, je m'entretiendrai personnellement à Washington, avec le nouveau ministre américain de l'agriculture à Washington, M. Tom Vilsack, de cette question. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, aujourd'hui, l'Amérique célèbre solennellement l'investiture de celui qu'elle a choisi pour être le quarante-quatrième président des États-Unis : Barack Obama.
Ce moment est historique à la fois par le profil du candidat élu, par l'intensité du processus électoral qui a abouti au choix du peuple américain et par le contexte économique et diplomatique dans lequel il s'apprête à prendre ses fonctions.
L'élection de ce nouveau président américain a suscité de par le monde et des deux côtés de l'Atlantique un tel intérêt, mobilisé tant d'attention, créé tant d'attentes et d'espoirs que ce moment de nos relations revêt un caractère crucial.
Sur les grands sujets que sont l'environnement, la résolution de la crise économique et financière mondiale, la présence militaire en Irak et en Afghanistan, la question iranienne et la crise palestinienne, nous avons vocation à travailler avec la nouvelle administration dans l'esprit de dialogue que Barack Obama a mis en avant dans son programme. Par la composition même de la nouvelle équipe présidentielle, il a d'ores et déjà envoyé des signes d'ouverture à l'action multilatérale et à une relation plus étroite avec l'Europe et avec la France.
Cette rupture paraît d'autant plus opportune que, si les États-Unis ont désormais tous les moyens de se réconcilier avec eux-mêmes, il leur reste encore à se réconcilier avec une grande partie du monde en quête de nouveaux équilibres diplomatique et économique.
Monsieur le Premier ministre, dans ce contexte inédit pour les États-Unis et pour le monde, et alors que Barack Obama veut entrer dans l'ère de la responsabilité, quelles sont les raisons d'espérer de cette nouvelle administration l'ouverture d'un chapitre inédit des relations franco-américaines ? (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur Giscard d'Estaing, l'Amérique vit aujourd'hui un moment d'allégresse et s'apprête à écrire une nouvelle page de son histoire. Le peuple américain célèbre un jeune président noir qui, par son intelligence et par son charisme, est parvenu à le rassembler, à tourner la page sombre de la ségrégation et à susciter l'espoir d'un très grand changement.
Je pense que notre pays peut, alors que le président Obama s'apprête à prononcer son premier discours, s'y associer avec le coeur et avec une grande émotion, et lui souhaiter bonne chance pour réussir son mandat.
Par ailleurs le moment est également bien choisi pour dire au président américain, avec beaucoup de sincérité, ce que nous attendons de lui. Peut-être est-ce la meilleure façon de l'encourager.
Nous attendons du président Obama qu'il redresse l'économie américaine mais sans déstabiliser les économies du reste du monde ; je songe en particulier à la question de la parité des monnaies.
Nous attendons du président des États-Unis qu'il s'engage pleinement dans la rénovation de la gouvernance mondiale – du conseil de sécurité des Nations unies à l'élargissement du G8 – et dans celle des règles de la finance internationale.
Nous attendons du président Obama qu'il reconnaisse que l'unilatéralisme a été un échec et doit désormais céder la place au multilatéralisme.
Nous attendons du président Obama qu'il engage les États-Unis, sans réserve, dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Enfin, nous attendons du président Obama qu'il nous dévoile la stratégie qu'adopteront les États-Unis pour contribuer à résoudre les grandes crises internationales, dans le respect des positions de chacun, en particulier de celles que l'Europe a déjà annoncées et défendues, s'agissant notamment de la crise israélo-palestinienne.
Mesdames et messieurs les députés, il faut être lucide : le président Barack Obama a été élu pour défendre les intérêts des États-Unis (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP), et il serait totalement naïf d'attendre de ces derniers notre salut. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Toutefois le monde a besoin d'une coopération plus étroite entre les États-Unis et l'Europe, et je pense que l'arrivée de Barack Obama la rend possible. Tel est en tout cas notre espoir et le voeu que nous formons au moment où le président des États-Unis entre en fonctions. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Didier Migaud, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Madame la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, à la fin de l'année 2008, six grandes banques françaises ont obtenu de l'État 10, 5 milliards d'euros. Leur situation, compte tenu de la crise financière, exigeait sans doute cette décision. Encore faut-il s'entendre sur les contreparties à exiger de leur part dans ce contexte.
D'autres pays comme le Royaume-Uni, l'Allemagne ou l'Italie ont souhaité en contrepartie de leurs participations rentrer dans le capital des banques, …
…participer à leur conseil d'administration et, du coup, peser sur leurs décisions, notamment pour ce qui est de leur politique de distribution des dividendes et la rémunération de leurs dirigeants.
Au moment où l'État envisage un deuxième versement, d'un peu plus de 10 milliards d'euros, il importe de s'interroger sur l'efficacité du premier dispositif car de nos circonscriptions, des entreprises, remontent à nouveau des informations relatives au difficile accès au crédit et à sa cherté.
Les banques s'interrogent, nous le savons, sur la question de savoir si elles doivent ou non verser des dividendes à leurs actionnaires, de la même façon que certains dirigeants estiment tout à fait légitimes de percevoir encore des rémunérations exorbitantes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Certaines banques allemandes, anglaises, italiennes se sont, quant à elles, engagées à ne pas verser de dividendes, comme je l'ai dit. Ce n'est pas une mince affaire : les dividendes versés par trois des plus importantes banques pour l'année 2007 à leurs actionnaires s'élèvent en effet à 10,5 milliards, soit l'équivalent des sommes versées par l'État à la fin de l'année 2008.
Madame la ministre, la question des contreparties à exiger des banques est posée. Comptez-vous leur demander d'accepter une présence de l'État dans les conseils d'administration ? Envisagez-vous de les inciter à ne pas verser de dividendes à leurs actionnaires ? Dès lors qu'il y a insuffisance de crédits, elles ne devraient pas avoir d'argent à verser aux actionnaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.) Et si elles n'ont pas besoin de fonds propres, alors qu'elles remboursent en priorité l'État, qui s'est endetté pour leur venir en aide.
Il s'agit de passer des intentions aux actes, madame la ministre. C'est pourquoi je vous demande quelles contreparties réelles seront demandées aux banques afin qu'elles fassent tout simplement leur travail et mettent fin à des situations exorbitantes du droit commun. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur le président Migaud, vous avez raison et vous avez tort. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous avez raison d'indiquer que le gouvernement français a voulu, non pas faire des cadeaux aux banques, mais les aider à reconstituer leurs fonds propres afin qu'elles financent l'économie. C'était le sens de la première tranche de 10,5 milliards d'euros pour laquelle l'État recevra une rémunération de l'ordre de 8 % : le 11 décembre prochain, il percevra ainsi plus de 800 millions d'euros d'intérêts pour les titres super-subordonnés qu'il a souscrits. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Vous avez raison de souligner que des engagements sont indispensables. Je vous rappelle qu'avec cette première tranche, nous avons demandé aux banques deux sortes d'engagements. Il s'agissait tout d'abord d'un engagement économique, auquel le Premier ministre était particulièrement attaché, à savoir l'augmentation du crédit à l'économie de 3 % à 4 %...
dont nous suivons l'évolution, mois par mois. Il s'agissait ensuite d'un engagement d'ordre éthique relatif à la rémunération des dirigeants et à leurs performances ainsi qu'aux stock-options. Les banques ont adopté des principes en ce sens à la fin de l'année 2008 et les présenteront lors des assemblées générales avant la fin du premier semestre.
Une deuxième tranche sera très prochainement mise à la disposition des banques, non qu'il s'agisse de leur faire un cadeau, …
…mais parce qu'il importe de consolider leurs fonds propres pour financer l'économie, à l'heure où les exigences en ce domaine sont renforcées.
Nous allons assortir cette proposition d'une option et d'engagements. L'option pourra s'exercer entre titres super-subordonnés et actions, de préférence non assorties de droit de vote. Quant aux engagements, il s'agira tout d'abord de réitérer ceux qui ont déjà été pris. Il s'agira ensuite d'augmenter la rémunération des capitaux propres, c'est-à-dire de limiter les dividendes versés aux actionnaires et, enfin, de s'interdire de verser des bonus aux dirigeants.
Les choses sont claires : nous n'en restons pas aux intentions, nous agissons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre des affaires étrangères, après vingt-deux jours de durs combats à Gaza, 1 300 victimes palestiniennes, dont de nombreux enfants, et une quinzaine de morts du côté israélien, un cessez-le-feu est intervenu grâce d'abord à un cessez-le-feu israélien prononcé unilatéralement, et au Hamas.
La France n'a pas ménagé sa peine pour résoudre ce conflit, le Président de la République ayant effectué plusieurs voyages au Proche-Orient (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC), en Égypte, en Syrie et à Jérusalem, pour trouver des solutions.
Comme vous le savez, la France est à l'origine de la résolution 1860 du Conseil de sécurité des Nations unies appelant à un cessez-le-feu. Il y a encore quelques jours, le Président de la République française et le président Moubarak coprésidaient une mini conférence diplomatique à Charm el-Cheikh pour parvenir, enfin, à une solution.
Permettez-moi de vous dire que je vois d'abord dans cette attitude l'indépendance diplomatique de la France à laquelle je suis profondément attaché. La France a la capacité de faire bouger les lignes quand elle en a la volonté ; elle a la capacité d'entraîner ses partenaires européens, et à rien ne sert de l'enfermer dans un consensus européen mollasson. (Murmures sur divers bancs.) Aujourd'hui, nous avons démontré que lorsqu'on le veut, on le peut !
Monsieur le ministre, pouvez-vous informer l'Assemblée nationale sur la situation au Proche-Orient, rappeler la part prise par la France dans la solution de ce conflit et dire si, à vos yeux, il est possible d'aller vers un État palestinien viable qui soit admis dans la région pour avoir une paix durable ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
Monsieur le député, je vous remercie d'avoir souligné le rôle de la France et de l'Europe dans le passé. Cela fait deux jours qu'une trêve est intervenue, deux jours et deux nuits qu'il n'y a eu aucun mort. C'est un premier succès ; il a fallu, hélas ! trois semaines pour y parvenir. Je ne reprendrai pas les chiffres que vous avez cités qui sont, malheureusement, proches de la réalité.
Si vous n'avez pas eu raison d'en profiter pour brocarder l'Europe, en revanche vous avez souligné, à juste titre que, nous avons agi dès le 27 décembre, et que le 30 décembre à Paris, soit un jour avant la fin de la présidence française de l'Union européenne, une résolution des vingt-sept pays de l'Europe a été adoptée, résolution qui contenait toutes les démarches : le cessez-le-feu nécessaire, l'arrêt des hostilités, l'arrêt des tirs de roquettes sur Israël et l'arrêt de la progression de l'armée israélienne. Puis il y eut, le 3 janvier, la troïka européenne, et les 5 et 6 janvier la visite du Président de la République française faisant la navette entre tous les pays, y compris la Syrie.
Si ! J'en veux pour preuve ce cessez-le-feu qui n'est pas tombé du ciel ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Par ailleurs, nous avons agi ensemble et en pleine coopération avec l'Europe.
Monsieur le député, vous me demandez ce qui va se passer maintenant. Nous allons continuer à faire le forcing pour obtenir la levée du blocus de Gaza, sinon tout recommencera.
Nous avons pensé que le Hamas était un interlocuteur, mais nous ne pourrons dialoguer avec ses dirigeants que lorsque ceux-ci accepteront le processus de paix et de s'inscrire dans la négociation. Néanmoins nous avons eu des intermédiaires qui ont parlé avec le Hamas, notamment l'Égypte. Nous avons choisi ce pays comme interlocuteur car il dialogue à la fois avec l'Autorité palestinienne et le Hamas. C'est grâce à cela que le cessez-le-feu est intervenu après les aller et retour du Président de la République.
J'espère que le mouvement d'unification des deux fractions du peuple palestinien s'accentuera et que l'appel de M. Abu Mazen à un gouvernement d'unité nationale – encore qu'il n'y ait pas d'État palestinien, ce que nous regrettons car nous avons milité en ce sens – aura lieu car c'est le préalable à toute chose.
Enfin, si M. Barack Obama peut apporter son effort, il trouvera l'Europe et la France à ses côtés. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Marie-Louise Fort, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire, chacun a conscience qu'en raison de situations conflictuelles inédites, la stratégie, au XXIe siècle, commande une refonte de nos moyens de défense. La première phase du plan d'accompagnement des restructurations militaires annoncé au début de l'été dernier prend forme. La signature dans quelques jours à Givet du premier des vingt-quatre contrats de redynamisation de sites de défense devrait marquer l'achèvement de la première phase du plan.
Ce matin, le Président de la République s'est rendu à Provins, chez notre collègue Christian Jacob, où il a évoqué les mesures prises par le Gouvernement après sa décision majeure de supprimer 54 000 postes civils et militaires d'ici à 2015.
D'autres mesures favorisent l'implantation de nouvelles activités économiques, grâce, notamment, à l'extension aux territoires concernés par les restructurations militaires de dispositions législatives existantes.
C'est ainsi que la loi de finances rectificative a adapté le dispositif de crédit de taxe professionnelle créé en 2005 en faveur des zones d'emploi en grandes difficultés.
Dans ma circonscription, le 28e Groupe géographique, installé depuis 1949 à Joigny, est la seule unité militaire topographique et géographique de France. Forte de 340 militaires et soixante-dix civils, son départ, prévu en 2010, aura des répercussions importantes sur la ville et sa région. Jeudi prochain, vous viendrez à Joigny pour évoquer ces thématiques essentielles à l'économie locale.
Monsieur le secrétaire d'État, six mois après l'annonce de restructurations d'une ampleur inégalée en matière de défense, pouvez-vous faire un point sur l'état d'avancement du plan qui doit les accompagner ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire.
Madame la députée, la réforme de notre carte militaire s'imposait depuis très longtemps. Aussi, en vue de l'accompagner, le Président de la République et le Premier ministre ont-ils mis en oeuvre, sur les territoires concernés et pour un montant de 1 milliard d'euros, quatorze mesures exceptionnelles d'ordre fiscal et social : zones franches, crédits d'impôts pour les petites et moyennes entreprises ou récupération du foncier et des bâtis pour l'euro symbolique.
Le Gouvernement ayant décidé d'accompagner cette réforme sur le plan local, j'ai visité la quasi-totalité des sites concernés. Sur chacun d'entre eux, nous avons mis en place des contrats de site dans le cadre de comités de pilotage locaux. C'est de cette volonté d'action locale que je viendrai témoigner, jeudi, à Joigny, devant vous et l'ensemble des élus locaux.
C'est donc six mois après l'annonce de la réforme et six mois avant les premières fermetures, durant l'été 2009, que nous signerons les premiers contrats de site – non seulement à Givet, mais également à Arras et sur l'ensemble des sites concernés.
Madame la députée, soyez convaincue que cette réforme représente une véritable opportunité pour renforcer les territoires. C'est en ce sens que nous travaillerons jeudi à Joigny, où je serai à vos côtés sur le terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Monique Iborra, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Dans un récent discours, estimant que le problème de l'hôpital était un problème d'organisation et non de moyens, le Président de la République déclarait : « Comme toujours en France, on ne regarde pas l'intérieur du moteur. »
Eh bien, regardons les faits.
Les directeurs d'hôpitaux annoncent désormais clairement des suppressions de postes, des centaines de départs à la retraite n'étant pas remplacés, afin de juguler les déficits que votre politique a largement contribué à aggraver.
Vingt-neuf CHU sur trente et un accusent un déficit. La tarification à l'activité ou son application n'y est évidemment pas étrangère. Si les dépenses de santé tous secteurs confondus – l'hôpital n'est pas le seul concerné – ont augmenté d'une manière importante en dix ans, les budgets hospitaliers connaissent d'importantes difficultés depuis deux ans.
On s'attaque désormais à l'emploi pour réaliser les gains de productivité que vous imposez aux établissements en vertu d'une gestion purement comptable. En cohérence avec les méthodes déjà utilisées avec le succès que l'on connaît à l'éducation nationale, vous asphyxiez l'hôpital public et justifiez ainsi la nécessité et le bien-fondé de vos réformes. Or rationaliser n'est pas rationner.
Ma question est donc la suivante : quand le Gouvernement va-t-il cesser d'allumer des incendies partout sous prétexte de réformes dont l'efficacité reste à démontrer ? Quand va-t-il cesser cette politique à l'encontre de l'éducation nationale, de l'hôpital et, demain, de La Poste, politique qui s'apparente surtout à une entreprise de démolition des services publics, dont le coût humain – il s'agit là de santé – sera bien plus élevé que les économies escomptées ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC et plusieurs bancs du groupe GDR.)
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.
Madame Iborra, je ne peux vous laisser dire un certain nombre de contrevérités. (Protestations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Faut-il rappeler, mesdames et messieurs les députés, que, sur 3 000 établissements hospitaliers dispensateurs de soin, la majorité sont en équilibre financier ?
C'est le cas de 54 % d'entre eux. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR. – « Très juste ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Faut-il rappeler que le personnel hospitalier ne cesse de croître ? Vingt-cinq mille emplois nets ont été créés en 2008 dans les établissements hospitaliers publics et nous allons continuer cette année. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Faut-il rappeler que la tarification à l'activité est une mesure de justice ? (« Non ! Non ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Non seulement elle ne diminue pas l'enveloppe globale des établissements hospitaliers mais elle augmente celle de la majorité d'entre eux. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Ces chiffres, madame la députée, sont irréfutables. Laissez-moi vous dire que l'hôpital a besoin de moyens et nous les lui accordons ! (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) L'ONDAM hospitalier prévoit 3,1 % d'augmentation cette année alors que le pays traverse la crise que vous savez. Le plan « Hôpital 2012 » prévoit 10 milliards d'euros d'investissements. L'hôpital public, j'insiste, a besoin de moyens et nous les lui donnons ; mais il a aussi besoin d'être réorganisé et nous nous y emploierons avec le projet de loi que vous allez examiner dans quelques jours. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Michel Diefenbacher, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, et porte sur l'évolution de la délinquance.
Vous avez présenté hier, madame la ministre, les résultats de la lutte contre la délinquance en 2008. Ils font apparaître trois évolutions.
En premier lieu, la délinquance recule. Elle recule moins vite que les années précédentes, mais elle recule quand même : moins 0,9 % pour la délinquance générale, moins 6,3 % pour la délinquance de proximité. Et surtout, c'est la septième année de baisse consécutive depuis 2002, après, il faut le rappeler, cinq années de hausse continue sous le gouvernement socialiste de M. Jospin. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Depuis 2002, le nombre annuel des crimes et délits est passé d'un peu plus de 4 millions à un peu moins de 3,6 millions, soit, pour la seule année 2008, 500 000 victimes de moins. C'est plus que la population totale de la ville de Lyon, troisième ville de France. Cela donne la mesure de l'effort qui a été fait.
Deuxième évolution, les enquêtes conduisent de plus en plus souvent à l'identification des auteurs des faits de délinquance.
Le taux d'élucidation, qui était aux environs de 25 % en 2002, approche aujourd'hui les 38 %. Il faut en féliciter chaleureusement les services de police et de gendarmerie.
Troisièmement, si, dans l'ensemble, la délinquance recule, elle prend parfois des formes plus brutales : les violences aux personnes, les vols à main armée, les règlements de compte, même s'ils portent sur des nombres limités, continuent à augmenter. C'est évidemment un point préoccupant, sur lequel il faudra que les services accentuent leur action l'année prochaine.
L'évolution étant dans l'ensemble favorable, je tiens, madame la ministre, à vous exprimer mes félicitations, et à féliciter à travers vous l'ensemble des services de police et de gendarmerie.
Je souhaiterais vous poser trois questions.
Quelles priorités fixez-vous pour l'année 2009 ?
Que peut-on attendre de la future loi d'orientation dont j'ai compris qu'elle serait, enfin, prochainement déposée ?
Dans l'immédiat, en quoi les services de police et de gendarmerie bénéficieront-ils des mesures prévues au plan de relance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Monsieur le député, d'abord, merci pour les félicitations que vous adressez aux forces de police et de gendarmerie, car ces excellents résultats sont bien le fruit de leur travail. Et ce sont des centaines de milliers de victimes en moins. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Merci, mesdames et messieurs les députés, de vous associer à ces félicitations aux policiers et aux gendarmes.
Si les résultats obtenus en 2008 sont bons, il est évident qu'il faut faire au moins aussi bien et mieux encore en 2009.
Faire au moins aussi bien dans la lutte contre le terrorisme, avec la DCRI, qui nous a beaucoup protégés au cours de cette année.
Faire mieux encore dans la lutte contre les trafics de stupéfiants. Les GIR nous ont déjà permis de commencer à démanteler un certain nombre de réseaux, et cela va s'accentuant.
Faire mieux encore dans la lutte contre la délinquance de proximité dans les quartiers sensibles, avec les trente nouvelles UTEQ que je vais créer et les compagnies de sécurisation.
Il faut aussi accentuer notre effort là où nous assistons au développement d'une nouvelle délinquance, en particulier les vols à main armée avec des armes à feu, qui augmentent de 700 alors même que les vols avec violence diminuent, eux, de 7 000.
Il faut poursuivre la lutte contre les violences intrafamiliales. Vous le savez, je viens de créer une mission sur ce phénomène.
Il faut lutter contre les escroqueries, et notamment sur Internet. Le plan que j'ai lancé la semaine dernière connaît déjà un succès de participation extrêmement important.
Nous allons accompagner cela de moyens très concrets. Dans le cadre du plan de relance, en particulier, 5 000 véhicules vont permettre de renouveler le parc de la police et de la gendarmerie. La LOPSI va être, effectivement, l'occasion d'apporter 1 milliard d'euros à la modernisation de tous les éléments, notamment de la police technique et scientifique, et surtout de renforcer juridiquement nos capacités d'action, en renforçant en particulier les sanctions et la prévention en matière de délinquance routière. Je pense notamment à tous ces accidents qui sont dus à l'alcool ou aux stupéfiants au volant.
Il faut lutter contre la violence dans les stades. Il faut également lutter contre un certain nombre d'officines prétendument d'intelligence économique, et dans un certain nombre d'autres domaines.
C'est donc un ensemble d'actions et de moyens qui vont nous permettre de démontrer la détermination du Gouvernement à assurer la protection des Français, avec une présence de l'État partout, en tous lieux et à tout moment, qui fasse preuve d'une autorité sereine, mais également ferme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Guy Lefrand, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le secrétaire d'État chargé de l'emploi, la crise économique internationale qui frappe notre pays affecte durement de nombreuses entreprises, en particulier dans des secteurs tels que l'automobile. Sur le terrain, cette crise se traduit par des projets de restructuration, qui suscitent légitimement l'inquiétude de nos compatriotes dont l'emploi est menacé ; nous le voyons régulièrement dans nos permanences.
Face à la remontée récente du chômage, le Gouvernement a d'ores et déjà pris des mesures ambitieuses pour amortir le choc de la crise et protéger nos concitoyens. Je pense notamment à une meilleure indemnisation de l'activité partielle, à 100 000 contrats aidés supplémentaires…
…pour permettre à ceux qui sont le plus éloignés de l'emploi de reprendre pied ; à l'extension à dix-huit nouveaux bassins d'emploi du contrat de transition professionnelle pour aider les salariés licenciés économiques à rebondir tout en bénéficiant d'une indemnisation renforcée ; enfin à la mise en oeuvre accélérée du pôle emploi afin d'offrir aux demandeurs d'emploi une offre de services rénovée et un accompagnement plus individualisé.
Monsieur le secrétaire d'État, il convient également d'aider nos entreprises à passer ce cap difficile. Je pense en particulier aux plus petites d'entre elles, celles qui ne comptent que quelques salariés et qui sont souvent les plus fragilisées par la crise, alors qu'elles jouent un rôle fondamental dans notre économie, avec trois millions d'embauches par an.
Dans le cadre du plan de relance mis en place par le Gouvernement, une aide à l'embauche pour les entreprises de moins de dix salariés a été instaurée ; en vigueur depuis le 4 décembre, elle s'appliquera jusqu'à la fin du mois de décembre 2009. Pourriez-vous nous détailler le contenu de cette mesure, en précisant les entreprises auxquelles elles s'adressent, les démarches à entreprendre pour en bénéficier et, enfin, son impact sur le coût du travail ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Monsieur le député, vous avez raison d'attirer notre attention sur la situation des toute petites entreprises, parce que l'emploi, ce n'est pas que les grandes entreprises. Les toute petites entreprises, de moins de dix salariés, représentent trois millions d'embauches chaque année. Si nous voulons réussir à traverser cette crise, il est évident que notre attention doit aussi se porter sur ces entreprises, qui ne sont peut-être pas sous le feu des médias mais qui n'en jouent pas moins un rôle très important dans notre tissu local.
Le risque est que, dans la présente période de crise, ces petites entreprises repoussent leurs décisions d'embauche. Le Premier ministre a donc souhaité que le plan de relance comporte un dispositif qui leur soit consacré. Le but était de faire quelque chose de clair et de facile à utiliser.
Le dispositif est donc très simple : il s'agit d'une exonération complète de cotisations patronales pour l'embauche d'un CDI ou d'un CDD, que ce soit à temps partiel ou à temps complet, sur la totalité de l'année 2009.
Il fallait également que le dispositif soit efficace, et c'est pour cela qu'il est centré sur les salaires au niveau du SMIC, avec un allègement de 185 euros par mois sur simple demande faite à pôle emploi.
Enfin, cela ne devait pas rester une simple annonce, mais être directement opérationnel. Or – c'est suffisamment rare – le dispositif est d'ores et déjà opérationnel, conformément aux instructions du Premier ministre et au souhait de Patrick Devedjian de voir le plan de relance directement mis en oeuvre.
Mesdames et messieurs les députés, pour que cela marche, nous avons besoin de vous ; nous avons besoin que ce dispositif puisse être connu sur le terrain grâce au relais des parlementaires. Il est le reflet du plan de relance : agir vite et de manière très concrète pour l'emploi. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Christophe Bouillon, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, après le discours de Douai et l'annonce faite, depuis le Brésil, d'un plan de relance dédié à l'automobile, et alors que se réunissent ce jour des états généraux de l'automobile, je tiens à vous rappeler l'urgence sociale pour des milliers de salariés. Ce plan annoncé pour la fin janvier, et dont les effets escomptés dans l'immédiat seront faibles, n'est-il pas trop tardif pour les salariés du secteur automobile, tant ceux des constructeurs que ceux des sous-traitants ?
Sur l'ensemble des bancs, nous pouvons les uns et les autres, au regard de la situation des entreprises dans nos départements, répondre « oui » sans hésitation, considérant les milliers de salariés touchés par des mesures de chômage partiel, ou encore ceux en CDD ou en intérim qui ont perdu leur contrat. D'ailleurs, permettez-moi de m'étonner que, dans le cadre de ces états généraux de l'automobile, les collectivités territoriales ne soient invitées à aucune table ronde pour faire part de leurs initiatives pour soutenir ce secteur quand il est important sur leur territoire. Je pense, par exemple, aux initiatives du département de Seine-Maritime ou de la région Haute-Normandie, et je pourrais en citer d'autres.
C'est pourquoi, monsieur le Premier ministre, je veux vous alerter sur la situation de ces salariés que l'on pourra bientôt nommer « les oubliés de la relance », en particulier ceux des PME qui travaillent dans la sous-traitance du secteur automobile.
Certes, les entreprises bénéficient de l'assouplissement des règles de chômage partiel depuis le début du mois, et ces mêmes entreprises pourront bénéficier d'aides financières ; mais les salariés concernés, vers qui vont-ils se tourner ?
Aucune proposition n'est avancée pour aider de manière concrète et directe ces salariés. S'intéresser à la voiture de demain, c'est bien. S'occuper aussi des salariés qui fabriquent aujourd'hui les voitures, c'est encore mieux !
Afin de soutenir ces salariés, et face à une crise qui s'installe durablement, le Gouvernement entend-il prolonger la durée de l'indemnisation ? Y aura-t-il élargissement de ces mesures aux salariés qui travaillent à temps partiel ? Enfin, pourquoi ne pas solliciter le Fonds européen d'ajustement à la mondialisation ? Le gouvernement espagnol a obtenu auprès de lui 10 millions d'euros pour 1 600 salariés d'un équipementier et de ses sous-traitants, tandis que la France, alors même qu'elle présidait l'Union européenne, n'a déposé aucune demande en 2008. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.
Monsieur Christophe Bouillon, non, le Gouvernement ne reste pas inerte face à la gravité de la crise dans l'industrie automobile. Vous le savez, depuis maintenant près d'un an, nous avons pris plusieurs mesures – vous en avez d'ailleurs cité quelques-unes – : nous avons soutenu la demande par la mise en place du bonus-malus, instauré la prime à la casse et mobilisé de près de un milliard d'euros pour faciliter le financement du crédit par les clients. Il y a eu aussi l'accord sur l'anticipation des mutations économiques, signé par Luc Châtel et Christine Lagarde au mois de juillet dernier, et l'indemnisation améliorée du chômage partiel.
Tout cela ne suffit pas, à l'évidence, car s'il y a une action ponctuelle à mener, il y a aussi une action structurelle à engager. C'est tout le sens des mesures et des propositions qui ont déjà été instillées par le Président de la République lorsqu'il a indiqué qu'il allait mettre en oeuvre un plan de 400 millions d'euros pour soutenir la recherche sur les véhicules décarbonés. Je rappelle aussi la mise en place du fonds sectoriel d'investissement de 300 millions d'euros, qui a été officialisé, ce matin même, aux états généraux de l'automobile.
Des contreparties sont, bien sûr, demandées aux constructeurs : pas de fermetures d'usines, pas de délocalisations, et des services d'achat qui ne mettent pas en péril la sous-traitance. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Ces principes ont été rappelés fermement, dès ce matin, par le Premier ministre. Sans nul doute, ils guideront les propositions et les actions qui seront annoncées dans quelques jours par le Président de la République. Nous allons conforter notre filière automobile. Le Gouvernement ne laissera pas tomber cette filière ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Dino Cinieri, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la secrétaire d'État chargée de la famille, le Président de la République vous a confié la mission de répondre à la très forte demande des familles confrontées à la nécessité de faire garder leurs enfants de moins de trois ans.
En tant qu'élus de terrain, nous connaissons tous l'importance de cet enjeu pour les parents qui ne veulent ou ne peuvent pas choisir entre travailler et avoir des enfants. À votre initiative, des mesures concrètes ont été prises dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale : majoration du complément de mode de garde dans le cas d'horaires de travail atypiques, possibilité donnée aux assistantes maternelles de se regrouper en dehors de leur domicile et de garder jusqu'à quatre enfants au lieu de trois précédemment.
Dans cet esprit, vous avez engagé une série de démarches pragmatiques qui visent à diversifier et à développer les modes de garde dans notre pays. Vendredi dernier, vous avez visité une crèche d'entreprise à Vélizy, dans les Yvelines. À cette occasion, vous avez affirmé votre volonté d'encourager les entreprises à construire des crèches dans les années à venir.
Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous donner des informations concrètes sur ce mode de garde innovant, vertueux et moins coûteux pour nos collectivités. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille.
Monsieur Dino Cinieri, vous avez raison de rappeler que le Parlement a adopté, dans le cadre du projet de finances de la sécurité sociale, plusieurs dispositifs qui tendent à diversifier les modes de garde, et dont les parents attendent l'application avec impatience.
En 2008, 834 000 bébés supplémentaires sont nés sur notre territoire, et nous avons le taux de natalité le plus élevé de l'Union européenne. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Avec 2,018 enfants par femme, nous allons assurer le renouvellement des générations.
Il est important de diversifier les modes de garde pour répondre aux contraintes professionnelles des parents et aussi, comme vous l'avez justement rappelé, pour répondre à l'attente des élus locaux sur les territoires. Nous souhaitons vraiment proposer un maximum d'offres de garde. C'est le souhait du Président de la République et nous le mettons en oeuvre sous l'autorité du Premier ministre.
Vendredi dernier, avec Brice Hortefeux, ministre en charge des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP), je me suis rendue chez Thalès et Alcatel-Lucent à Vélizy pour visiter une crèche d'entreprise, parce que notre objectif est de « booster » ce mode de garde : il n'existe que 5 000 places de ce type ; nous souhaitons en créer 5 000 par an, soit 20 000 d'ici à la fin du quinquennat.
Grâce au Parlement, le crédit impôt famille a été porté de 25 à 50 % pour un plafond de dépense de 2 millions d'euros…
…ce qui permettra aux entreprises, notamment aux petites, d'offrir à leurs salariés un système qui leur permette d'assurer pleinement la garde de leurs enfants et de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle (Exclamations sur les bancs du groupe SRC – Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)
La parole est à Mme Sylvie Andrieux, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question, à laquelle j'associe mes collègues Le Bouillonnec et Jibrayel, s'adresse à Mme la ministre du logement.
Alors que nous rendrons hommage à l'abbé Pierre dans quelques jours, près de trois cents personnes sont encore mortes dans la rue en 2008. Quand l'hiver revient, ces événements font la une des journaux, l'urgence est à nouveau d'actualité et le Gouvernement empile des tas de dispositifs d'accueil, des plans et autres schémas qui ne résolvent rien.
En décembre 2006, à Charleville-Mézières, Nicolas Sarkozy faisait la promesse – une de plus – que, « d'ici à deux ans, plus personne ne serait obligé de dormir sur le trottoir et d'y mourir de froid ». (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Devant la représentation nationale, vous annoncez vouloir lancer une étude – une de plus –, de façon à examiner l'opportunité de l'hébergement obligatoire des sans-abri lorsqu'il fait moins de 6°.
Vouloir forcer les sans-abri à se rendre dans un centre d'hébergement d'urgence est une atteinte à la liberté qui démontre, une fois de plus, votre incapacité à lutter contre la précarité et la marginalisation. Veillez plutôt à la sécurité des sans-abri, laquelle n'est pas assurée ; protégez leur intimité, qui n'est pas respectée !
Pire, vous souhaitez à présent les ficher, ce qui implique un contrôle supplémentaire pour une population déjà fragile. La crise de l'hébergement, vous le savez, est avant tout celle du logement. L'objectif de créer 15 000 places supplémentaires peut constituer une première étape, si elle est menée à bien et pour peu qu'elle ne se limite pas à l'hébergement d'urgence en raison du froid.
Des dispositifs existent ; il suffit de les faire appliquer. Faites appliquer l'article 4 de la loi DALO, adopté à l'initiative des socialistes, sur le droit au maintien des personnes en hébergement (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR) ; faites appliquer, au lieu de vouloir le supprimer, l'article 55 de la loi SRU ; consacrez les moyens nécessaires à la construction de logements très sociaux, au lieu de réduire de 36 % les crédits pour la création ou la réhabilitation. (Mêmes mouvements.)
Plutôt que de traiter exclusivement l'urgence sociale en hiver, que comptez-vous faire concrètement et durablement, madame la ministre, pour tenir enfin l'engagement du Président de la République ? (Mêmes mouvements.)
La parole est à Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville.
Madame Andrieux, le sujet que vous avez évoqué mérite davantage de calme et de sérénité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Dois-je vous rappeler que le Président de la République n'est pas le premier à avoir posé comme objectif que plus une personne, en France, ne soit SDF ? M. Jospin l'avait, lui aussi, inscrit dans son programme de campagne, de même que M. Fabius. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Cet objectif est celui vers lequel nous devons tendre ; mais nous savons tous fort bien qu'il ne sera jamais atteint, car certaines personnes ne voudront jamais être hébergées. Votre procès d'intention, madame la députée, n'est donc pas digne de la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC. – Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
S'agissant de l'obligation faite aux personnes de se mettre à l'abri lorsqu'il fait froid, je vous pose la question : que dois-je répondre aux magnifiques équipes de maraude qui, depuis que j'ai lancé l'idée, ont proposé à des personnes de les héberger, lesquelles, après avoir refusé, ont été retrouvées mortes dans la rue le lendemain ?
Que doit-on faire, madame la députée ? (« C'est à vous de répondre ! » sur les bancs du groupe SRC.) Entre le fait d'obliger les personnes à prendre un abri et la non-assistance à personne en danger, où placer le curseur ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Votre question témoigne d'un tel sectarisme qu'elle mériterait que l'on n'y réponde pas. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Laissez-moi néanmoins vous rappeler que, dans le plan de relance, 160 millions d'euros ont été débloqués pour humaniser les places d'hébergement ! (Huées sur les bancs du groupe SRC.)
Comment osez-vous dire qu'il n'y a pas de logements sociaux alors que, pendant une période de croissance, vous n'en avez construit que 40 000, contre 110 000 pour l'actuel Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Huées sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
Hébergement d'urgence
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)
Hier soir, le vote précédemment réservé sur les amendements nos 3399 à 3420 , portant article additionnel après l'article 7, a été reporté, en application de l'article 61, alinéa 3, du règlement.
Je mets donc aux voix ces amendements, sur lesquels la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
(Les amendements identiques nos 3399 à 3420 ne sont pas adoptés.)
Sur le vote, précédemment réservé, des amendements nos 3509 rectifié à 3530 rectifié , je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, nous reprenons nos travaux après la soirée d'hier qui fut un peu écourtée, les députés UMP n'étant pas assez nombreux dans l'hémicycle (Protestations sur les bancs du groupe UMP) pour défendre, face à une gauche mobilisée, ce projet de loi organique qui constitue un coup de force contre la démocratie parlementaire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
À ce moment de nos débats, je me tourne vers M. le secrétaire d'État, vers M. le président et rapporteur de la commission des lois et, à travers votre personne, monsieur le président, vers le président de l'Assemblée nationale. Tout le monde le sait, c'est à la fin de l'examen de ce texte que nous entrerons dans le vif du débat, avec le fameux article 13, qui constitue le point sur lequel notre opposition est totale et à propos duquel, d'ailleurs, une grande partie des députés UMP ne sont pas très à l'aise. (Mêmes mouvements.) Nous avons discuté de la mise en oeuvre du nouveau droit de résolution, restreint d'article en article ; nous travaillons maintenant sur la présentation des projets de loi et sur l'évaluation préalable, plus ou moins renforcée ; nous aborderons ensuite le chapitre III. Si nous insistons sur certaines dispositions, c'est parce que nous souhaitons que le projet de loi organique soit examiné de façon détaillée. Tous les amendements et sous-amendements que nous avons présentés ont pour objet de travailler sur le fond du texte. Le terme d'obstruction est totalement inapproprié à notre démarche, car nous attendons que s'engage enfin la discussion sur ce fameux article 13, dont nous demandons le retrait.
Nous avons entendu, le week-end dernier, deux réponses à notre demande. M. Accoyer a laissé entrevoir quelques ouvertures : malheureusement, jusqu'à présent, celles qu'il a faites correspondent soit à des mesures qui existent déjà, soit à des avancées extrêmement mineures qui ne méritent pas de contrepartie. Dans le même temps, M. Copé, président du groupe UMP et qui était présent hier soir dans l'hémicycle, a adopté une position fermée, catégorique. Puisque le Gouvernement a jugé bon de présenter un projet de loi organique, il doit avoir déjà réfléchi au règlement de notre assemblée, qui en sera le prolongement. Nous souhaitons qu'il s'exprime clairement à cet égard, que le président de l'Assemblée nationale joue son rôle de défenseur du Parlement, de l'image de notre assemblée et des droits de l'opposition,…
…qu'une discussion s'engage pour que nous puissions avancer sur l'article 13, qui est le noeud du problème. Ainsi, nous semble-t-il, l'examen du texte pourrait se dérouler dans des conditions plus sereines.
Je souhaitais formuler cette proposition au début de cette séance, car c'est autour de cette problématique que tournent toutes nos discussions : la sérénité et le bon déroulement de nos échanges dépendent des réponses qui seront apportées à ces questions.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les amendements identiques nos 3509 rectifié à 3530 rectifié .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 176
Nombre de suffrages exprimés 176
Majorité absolue 89
Pour l'adoption 28
Contre 148
(Les amendements nos 3509 rectifié à 3530 rectifié ne sont pas adoptés.)
(Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je viens de prendre connaissance d'une dépêche. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
« Le patron des députés UMP, Jean-François Copé, a dénoncé une nouvelle fois “le comportement lamentable de la gauche” (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et demandé au groupe socialiste de “libérer l'Assemblée nationale”. » (« Libérez l'Assemblée ! Libérez l'Assemblée ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir écouter le président Ayrault !
Les vociférations des députés UMP (Protestations sur les bancs du groupe UMP) prouvent à l'évidence qu'ils aiment bien l'opposition quand elle n'a plus droit à la parole (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), qu'ils veulent la faire taire, qu'elle les dérange. C'est bien parce que nous voulons que la voix de l'opposition soit entendue que nous avons décidé de déposer une motion de censure sur votre politique. (Mêmes mouvements.) Le droit de débattre aussi longtemps que nécessaire sur les grands projets du Gouvernement, celui d'utiliser la tribune de l'Assemblée nationale pour y être les porte-parole des Français inquiets, qui attendent d'autres réponses, d'autres solutions, sont des droits essentiels, et c'est bien de cela qu'il est question dans ce débat.
Qui croire ? Le président du groupe UMP – j'en ai bien peur, quand j'entends les réactions des députés de la majorité – ou le président de l'Assemblée nationale, qui fait des ouvertures – insuffisantes, il est vrai –, que nous voulons voir traduire dans le règlement ?
D'ailleurs, qu'est ce que le règlement de l'Assemblée nationale ? C'est un règlement intérieur décrivant le fonctionnement de l'institution. Nous demandons qu'il soit préparé de façon consensuelle afin d'être accepté par tous.
Mais peut-être est-ce volontaire de votre part ! Peut-être voulez-vous marginaliser non seulement l'opposition, mais les groupes minoritaires, qui ne siègent pas toujours dans l'opposition. L'UMP veut imposer sa loi parce qu'elle a le plus grand nombre de députés.
Si vous voulez que l'Assemblée nationale fonctionne de façon sereine, écoutez donc ce que j'ai dit la nuit dernière et que j'ai confirmé dans plusieurs entretiens au président Accoyer, garant des droits des députés et des groupes parlementaires, qu'ils soient de la majorité ou de l'opposition. Puisqu'il avait mis en place un groupe de travail sur la réforme du règlement intérieur, j'attends qu'il prenne une initiative. Pour notre part, nous sommes prêts à faire des propositions. Je lui en ai d'ailleurs présenté quelques-unes et nous attendons une réponse. J'espère que ce sera celle de l'ouverture, celle qui accepte la main que nous tendons. Si c'est celle de M. Copé, qu'on nous le dise tout de suite : nous saurons à quoi nous en tenir.
La question est claire et elle est posée à tous : au groupe UMP, à la présidence de l'Assemblée nationale, mais aussi au Gouvernement.
M. Karoutchi le sait bien, lui qui est ministre des relations avec le Parlement. Vous prétendiez vouloir augmenter les droits du Parlement, mais dans les faits, vous les réduisez !
Telle est la question que je ne cesse de réitérer depuis le début de ce débat, en vain. Y répondre est la condition de la poursuite de nos travaux !
C'est une question essentielle ; pour l'heure, je n'ai toujours pas de réponse !
Je suis saisi de deux autres demandes de rappel au règlement, de la part de MM. Lefebvre et Leroy. Je demande aux orateurs d'être aussi brefs que possible, afin que nous puissions progresser dans nos travaux : nous avons du pain sur la planche !
La parole est à M. Frédéric Lefebvre.
Pour aller dans votre sens, monsieur le président, je signale que le groupe UMP est présent en nombre : nous souhaitons travailler. Du texte sur l'audiovisuel public à celui-ci, voilà des semaines que nous sommes bloqués dans nos travaux…
…par un groupe socialiste qui n'a qu'une idée en tête : faire un numéro de cirque (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) pour essayer d'attirer l'attention des uns et des autres.
Ainsi, la motion de censure a été décidée rue de Solférino, et non pas au Parlement. Il aurait pourtant été normal que le président Ayrault, de sa propre initiative, décide d'une telle motion avec son groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Pourtant, comme d'habitude, c'est la rue de Solférino qui fait de grandes annonces, et c'est la première secrétaire du Parti socialiste, qui n'est pas membre de notre assemblée, qui décide que nous aurons droit à un numéro supplémentaire. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Quant à nous, nous sommes ici pour travailler, et c'est pour ce faire que M. Copé a demandé que vous libériez le Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) À peine, d'ailleurs, avait-il besoin de le demander, à voir le nombre de députés socialistes présents dans l'hémicycle aujourd'hui !
On entend de grandes leçons sur l'absence de mobilisation du groupe UMP. Je veux souligner ici le courage de chacun des députés du groupe UMP. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Voilà des semaines qu'ils supportent des bêtises et des âneries répétées matin, midi et soir, des amendements sans objet, des rappels au règlement innombrables. Nous avons fait le compte des rappels au règlement et des suspensions de séance qui ont eu lieu depuis le début de la discussion de ce texte : plus d'un tiers du débat y a été consacré ! Allez-vous donc vous ressaisir ?
Allez-vous comprendre que l'image que vous donnez du Parlement est précisément celle que nos concitoyens ne veulent plus voir ?
J'en ai fini, monsieur le président. Il est temps que nous nous mettions au travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
Je l'ai dit dès mon audition en commission, monsieur Ayrault, et je l'ai répété à plusieurs reprises depuis, comme M. le rapporteur : nous sommes disponibles pour parler.
Cela étant, reconnaissons que le groupe socialiste qui, dans un premier temps, avait déclaré son intention de déposer cent cinquante à deux cents amendements de fond, a fini par en déposer cinq mille !
J'essaie, monsieur Le Roux, de trouver des solutions dans le calme. Avec le rapporteur et la commission, nous avons accepté bien des amendements à l'article 1er et à l'article 7, lequel a été entièrement réécrit par rapport à sa version initiale.
C'est la preuve que le Gouvernement est ouvert !
Cela étant, monsieur Ayrault, vous nous dites que c'est l'article 13 qui compte plus que tout.
Si c'est le cas, pourquoi ne retirez-vous pas les centaines d'amendements qui restent à examiner, par liasses de vingt-deux, avant l'article 13 ? (« Voilà ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Abordons donc l'article 13 et débattons-en ! À force de nous répéter que l'article 13 constitue le fond du débat, nous n'en avons toujours pas discuté ! Voilà un fonctionnement tout de même bien curieux !
Le Gouvernement est ouvert à la discussion ; encore faut-il qu'il y ait une discussion ! Cessez de répéter, comme c'est le cas depuis des jours et des nuits, la défense vingt-deux fois de suite des mêmes amendements qui n'ont rien à voir avec le fond du texte et, ne vous en déplaise, ne sont qu'une illustration de votre obstruction parlementaire pour éviter d'arriver à l'article 13 ! Vous dites vouloir arriver à l'article 13 et, dans le même temps, vous faites tout pour que l'on n'y parvienne pas : convenez que c'est contradictoire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Maurice Leroy, pour une brève intervention, je vous prie.
Soyez sans crainte : je serai plus bref que nos collègues socialistes !
Permettez-moi de commencer par clarifier un point. M. Ayrault a évoqué les groupes minoritaires : j'appartiens à un groupe minoritaire, et je tiens à vous dire, les yeux dans les yeux, monsieur Ayrault, que les premières victimes de l'obstruction systématique – appelons un chat un chat – sont précisément les groupes minoritaires, qu'ils siègent dans la majorité ou dans l'opposition.
Vous devriez entendre cet argument, dans le cadre de notre discussion sur le droit d'amendement.
D'autre part, soyons clairs : cette réforme n'est pas voulue que par le seul groupe UMP.
Le groupe socialiste, dont on peut penser qu'il a vocation à devenir un jour majoritaire, (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP),…
Le groupe socialiste, disais-je, serait bien inspiré de voter cette réforme.
C'est si vrai que lorsque M. Fabius présidait l'Assemblée nationale, il a fait, vous le savez bien, une proposition à peu près similaire au présent texte, afin d'éviter la flibuste parlementaire.
Enfin, chacun doit savoir ce qu'il veut. Certes, la flibuste et l'obstruction appartiennent à la tradition parlementaire – c'est un ancien secrétaire général de groupe parlementaire, qui les a pratiquées, qui vous le dit.
Plusieurs députés du groupe UMP. Et pas n'importe lequel !
Dans ce cas, le moyen, jusqu'ici, de sortir le texte de l'obstruction était l'article 49-3 de la Constitution.
Dès lors que nous avons tous ensemble réformé la Constitution, afin qu'il n'y ait plus qu'une seule utilisation de l'article 49-3 par an,…
…il faut bien que la majorité, celle-ci aujourd'hui ou une autre – le plus tard possible – puisse faire avancer les textes !
La démocratie, c'est la souveraineté du peuple français qui s'exprime lors d'élections et envoie une majorité à l'Assemblée nationale.
L'alternance est possible. Elle ne justifie pas l'obstruction systématique.
À preuve : comment se fait-il que les textes passent au Sénat, où le groupe socialiste n'est pas moins socialiste que son homologue de l'Assemblée ?
C'est parce que c'est la conférence des présidents qui s'entend sur le déroulement des débats, ce qui permet d'éviter le dépôt de centaines, voire de milliers d'amendements – on l'a bien vu lors de la réforme des 35 heures. Il faut savoir ce que l'on veut : sans recours à l'article 49-3, une majorité doit pouvoir sortir de l'obstruction pour faire passer les textes. C'est vrai aujourd'hui, ce le sera encore demain. Voilà la vérité : le reste n'est au mieux que du baratin, au pire du charabia ! (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
La parole est à Mme Martine Billard. Les quatre groupes se seront donc exprimés.
M. le ministre nous dit que le Gouvernement est ouvert à la discussion, mais n'oublions tout de même pas comment ce projet de loi est arrivé dans l'hémicycle ! Un groupe de travail, auquel participaient tous les groupes politiques autour du président de l'Assemblée nationale, était à l'oeuvre. Il s'y produisait des échanges, des accords et des désaccords. Or ce groupe de travail n'a pas pu mener sa tâche à son terme, parce que si ce n'est pas la rue de Solférino qui décide chez vous, monsieur Lefebvre, c'est l'Élysée !
C'était à l'Assemblée nationale de discuter de son propre règlement intérieur, et non à Nicolas Sarkozy d'en décider ! D'emblée, ce débat commençait donc mal.
Autre problème : comme l'a suggéré à raison notre collègue socialiste, on ne sait plus très bien si la majorité souhaite discuter ou non. Le groupe UMP, par la voix de son président ou, encore à l'instant, par celle de M. Lefebvre, nous explique que ce texte doit aboutir sans modification ou presque, pour être enfin débarrassé et que l'opposition cesse de l'embêter – car c'est bien cela qu'ont en tête nombre de nos collègues de l'UMP. Au contraire, le président de l'Assemblée nationale déclare de temps à autre que l'on peut discuter. La question de M. Ayrault est donc judicieuse : la discussion est-elle possible et peut-on revenir sur l'article 13 ? Cet article constitue le coeur du débat : sans débat, c'est l'ensemble du texte qui est en cause.
Enfin, s'agissant de l'article 49-3, il était, ces dernières années, utilisé une fois par an au maximum.
Il est maintenu par la révision constitutionnelle, pour être éventuellement utilisé une fois par an. Pourquoi ne pas l'utiliser sur ce texte ? Le recours à cet article sur une loi organique serait délicat, il est vrai. Vous n'avez donc d'autre choix que d'accepter la discussion.
Vous prétendez que l'opposition ridiculise le Parlement. Ne croyez-vous pas que vous le ridiculisez vous-mêmes par l'enregistrement vidéo que vous avez mis en ligne ?
Plusieurs députés du groupe UMP. À qui la faute ?
Ne croyez-vous pas que vous favorisez ainsi l'antiparlementarisme, monsieur Lefebvre ? Regardez-vous d'abord, avant de donner des leçons aux autres ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, qui a été interrogé par M. le ministre.
M. le ministre prétend que nous faisons durer le débat pour ne pas parler de l'article 13. Si vous souhaitez vraiment que l'on parle de cet article sans tarder, vous avez le pouvoir constitutionnel de le mettre en débat sur-le-champ ! C'est votre problème et votre responsabilité. Ne nous faites donc pas de procès en obstruction. (« Si ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Écoutez donc : c'est tout de même important ! J'ai écouté M. Leroy avec beaucoup d'intérêt, et je vais d'ailleurs lui répondre. J'ai commencé par m'adresser au ministre : il fera ce qu'il veut de ce que je lui ai dit.
Si nous menons cette bataille d'amendements, ce n'est pas pour le plaisir, mais pour enfin obtenir votre réponse.
Sur quoi ?
Une réponse non seulement sur la forme, mais aussi sur le fond. Sur quoi voulez-vous avancer ? Vous ne nous le dites pas ! L'article 13 est-il amendable ? J'en entends certains dire oui, et d'autres non, au motif qu'il doit être voté conforme par le Sénat ; il n'y aura donc pas de discussion.
Plusieurs députés du groupe UMP. Il n'a rien compris !
Quant au règlement, je lance un appel au président de l'Assemblée nationale pour qu'il prenne l'initiative.
Vous n'étiez pas présent hier soir, monsieur Leroy, et je ne vous le reproche pas : on ne peut pas toujours être là. Vous l'êtes cet après-midi, néanmoins. Hier soir, j'ai eu un échange public avec votre président de groupe, M. Sauvadet, sur un ton tout à fait constructif, au-delà des critiques rituelles que nous nous adressons les uns aux autres – comme vous venez encore de le faire à l'instant. En séance publique comme lors de l'entretien que nous avons eu après la conférence des présidents, j'ai évoqué avec M. Sauvadet les droits des groupes minoritaires, et il m'a répondu qu'il n'y était pas insensible ; en tant que président du groupe Nouveau Centre, il est attentif à obtenir des garanties dans le règlement de l'Assemblée nationale, comme nous.
Et comme M. Leroy, il a également dit qu'il était contre l'obstruction !
Ces garanties portent sur le respect fondamental du droit d'amendement de chaque député pris individuellement – et non pas seulement des groupes. Tout député, qu'il soit issu de la majorité ou de l'opposition, détient le droit d'amendement. C'est essentiel ; consultez donc le président Mazeaud, et voyez ce qu'il en pense !
L'autre point clef, c'est la durée de débat des textes. Admettons-le, et l'usage le démontre : sur de nombreux textes, la durée prévue en conférence des présidents est respectée. Donnez-nous en acte et cessez, monsieur Lefebvre, de nous faire ce procès en obstruction ! À défaut de maîtriser l'écriture automatique, vous pratiquez la parole automatique ; hélas, elle n'est pas toujours d'une grande originalité !
Dans la plupart des cas, le temps d'examen prévu est respecté. On l'a constaté lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative et lors de l'examen du plan de relance. C'est vrai pour l'immense majorité des textes. Je pense qu'il en ira de même pour le projet sur le logement dont nous débattrons bientôt.
Pouvez-vous laisser le droit à un groupe de l'opposition ou de la majorité de choisir certains thèmes sur lesquels il mènera une bataille parce qu'elle lui paraît essentielle et qu'elle répond aux préoccupations profondes du pays ? Mesdames, messieurs de la majorité, nous voulons vous faire passer le message suivant : nous ne sommes pas que de simples techniciens du droit chargés par l'exécutif de transposer un projet de loi en termes législatifs !
En tant que vice-président, vous ne pouvez pas être indifférent à cette question !
Monsieur Leroy, vous dites que le Gouvernement a renoncé à l'article 49-3. Non, il n'y a pas totalement renoncé.
Il est précisé dans la Constitution que le Gouvernement s'est gardé la possibilité d'utiliser plusieurs fois par an l'article 49-3. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C'est un fait, pas un sujet de polémique ! Il pourra y recourir pour la loi de finances, la loi de financement de la sécurité sociale et une fois par session pour un autre texte. À cela s'ajoute également la possibilité pour le Gouvernement d'appliquer l'article 44-2, comme vous l'avez d'ailleurs démontré. Il dispose donc d'un pouvoir exorbitant. Vous devriez méditer ce que j'ai dit au président de l'Assemblée nationale, au président Sandrier et au président Sauvadet – pas au président Copé, puisqu'il a fermé la porte à tout dialogue, ce que je regrette. Peut-être finira-t-il par la rouvrir si le bon sens, l'intelligence et l'esprit de responsabilité l'emportent à nouveau ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Ayrault, vous avez très largement dépassé votre temps de parole !
Laissez-moi achever mon propos, monsieur le président !
Méditez cette réflexion sur le parallélisme des droits et des formes. Ce n'est pas tout ou rien. Nous vous demandons de laisser le droit d'initiative aux présidents des groupes parlementaires, que l'on appelle droit de tirage. Je vous indique ce chemin. Voudrez-vous l'emprunter ? C'est votre responsabilité, c'est celle du président de l'Assemblée, celle des groupes parlementaires et, en particulier, du groupe UMP, majoritaire, qui peut imposer sa loi s'il le souhaite, même si ce n'est pas acceptable !
Monsieur le président, pour permettre à chacun de méditer ces propos, je vous demande une suspension de séance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Je voudrais à nouveau rappeler que les tentatives de mettre en opposition différentes démarches ou personnalités sont totalement infondées.
Nous débattons d'un projet de loi organique pour appliquer l'article 34-1 de la Constitution aux termes duquel « Les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par la loi organique. » Nous sommes contraints de voter une loi organique avant de procéder à la modification de notre règlement.
De plus, l'article 39, alinéa 3, dispose que « La présentation des projets de loi déposés devant l'Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique. »
Enfin, je cite l'article 44 : « Les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d'amendement. Ce droit s'exerce en séance ou en commission selon les conditions fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique. »
Dites-nous comment vous allez le mettre en oeuvre, monsieur le président ! Il est normal qu'on le sache !
Tous les procès faits au Gouvernement n'ont aucun fondement ! Il était de la responsabilité du Gouvernement de déposer, sans tarder, un projet de loi organique pour que ces articles de la Constitution soient applicables. Les appels au Gouvernement sont tout aussi déplacés !
Le président de l'Assemblée nationale nous soumettra ultérieurement des propositions de résolution tendant à réformer notre règlement, propositions basées sur les groupes de travail qu'il a animés. Cela sera alors notre affaire.
Toute personne de bonne foi a parfaitement compris que nous avons modifié la Constitution, que nous devons voter ce projet de loi organique pour, enfin, nous prononcer sur les projets de résolution relatifs à la modification de notre règlement.
Dernier point, j'ai noté que M. Ayrault a fait appel au Gouvernement pour qu'il utilise le règlement afin que l'article 13 soit rapidement soumis à notre examen. J'interroge, à mon tour, le Gouvernement et j'espère qu'il nous donnera une réponse sur ce point dans les heures qui viennent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Rappels au règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)
Je suis saisi d'une série d'amendements identiques, nos 3553 à 3574 .
La parole est à M. Bruno Le Roux.
Je défendrai mon amendement sur le fond, comme nous le faisons depuis le début de ce débat, dans le temps qui m'est imparti, mais de façon répétitive pour montrer notre mobilisation. Tout en renouvelant notre proposition d'ouverture, je dirai à M. le secrétaire d'État que nous utilisons toutes les procédures que le règlement de notre assemblée met à notre disposition parce que nous avons peur de ne plus pouvoir, demain, lorsque ce projet de loi organique sera voté, prendre le temps de débattre et d'échanger dans notre hémicycle. Nous souhaitons que la discussion se déroule le plus vite possible. Pour cela, vous devez prendre en compte nos propositions sur l'article 13.
L'amendement n° 3555 concerne les droits fondamentaux de la personne humaine, qui nécessitent des évaluations renforcées, s'agissant notamment des fichiers de police – je pense en particulier à Edvige, mais l'actualité a appelé notre attention sur de nouveaux exemples –, de la rétention de sûreté, de la suppression du juge d'instruction – donc la réforme de la justice – ou de la surpopulation des prisons.
Je me souviens d'une commission d'enquête parlementaire sur les prisons, qui a fait état de constatations terribles pour notre République, et dont les conclusions ont été votées à l'unanimité de notre assemblée. Or les propositions de cette commission sont toujours difficilement mises en oeuvre alors qu'il est question du respect de la personne humaine.
S'il y avait une telle procédure d'évaluation renforcée sur les textes qui touchent à la sécurité par exemple, et notamment aux droits de la personne humaine, nous pourrions peut-être anticiper les problèmes tels qu'ils se posent aujourd'hui.
En voici un très concret. On pouvait trouver hier cette petite annonce sur eBay : « bonjour, je vends un Taser électrochoc Power 200 de 20 000 volts tout neuf, jamais servi, il est de fabrication européenne et donc de très bonne qualité ».
Il ne vous a pas échappé, monsieur le président, qu'il y avait depuis hier un débat sur le fait qu'une telle arme, destinée uniquement aux forces de sécurité, puisse être en vente libre dans notre pays, ce qui aura pour conséquence d'élever très fortement le niveau de violence dans notre société. On pourra attaquer n'importe quel commerçant, n'importe qui, sans crainte de l'homicide. Cela pose problème pour le respect de la personne humaine et la sécurité. Une évaluation renforcée nous aurait permis de prévenir un tel problème plutôt que de courir après aujourd'hui.
Il est des sujets qui méritent qu'on leur attache une grande importance. Celui que vient d'évoquer Bruno Le Roux en est un, on en trouvera d'autres.
Je suis très attaché au fait que nous sachions, à chaque fois que nous légiférons, quelles seront les conséquences effectives des lois que nous allons adopter. Le texte représente un petit progrès en ce domaine, mais on peut aller plus loin. Les questions de sécurité sont sensibles. Le rapprochement entre police et gendarmerie, dont on va discuter prochainement, en est un autre exemple et il va falloir en mesurer toutes les conséquences.
Il n'est pas indifférent que nous tenions ce débat aujourd'hui, jour historique pour l'ensemble du monde.
Nous nous félicitons tous, bien sûr, de l'accession au pouvoir de Barack Obama. C'est une victoire de la démocratie mais c'est aussi celle d'un grand parlementaire ; si nous nous félicitions de cette victoire, nous devons en même temps être fiers du rôle que nous pouvons avoir en tant que parlementaires, parce qu'il nous appartient de mettre des mots sur ce que pense le peuple, sur ce qu'il sent, d'exprimer ses aspirations.
Certains de mes collègues ont tendance, parce que la gauche a des positions qui ne sont pas les leurs, à prendre des positions qui minimisent le rôle du Parlement, sous-estiment les débats que nous avons ici et la dignité de notre fonction de parlementaire.
Lorsque nous demandons dans nos amendements que, sur un certain nombre de sujets qui concernent des droits fondamentaux, les parlementaires soient bien éclairés, aient le temps de s'exprimer et d'aller au fond des débats, nous ne nous battons pas pour la gauche ou pour tel ou tel parti, nous nous battons pour la démocratie et pour la dignité de tous les collègues parlementaires quels qu'ils soient.
Je suis donc vraiment désolée d'avoir vu tout à l'heure le représentant de l'UMP faire un petit tour dans l'Assemblée pour nous dire des choses désagréables et se désintéresser du débat. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) C'est ici qu'il doit avoir lieu, ce n'est pas ailleurs, et ce n'est pas par communiqués.
Par cet amendement, je souhaitais aussi insister sur notre volonté d'avoir des évaluations renforcées pour un certain nombre de projets de loi, notamment ceux qui concernent les droits fondamentaux de la personne humaine.
J'ai déjà fait référence à ce grand auteur du droit qu'était Kelsen. Il a mis en évidence que si le droit positif connaissait une forme constitutionnelle spéciale distincte de la législative s'agissant de la définition des organes étatiques, rien ne s'opposait à ce qu'elle soit employée pour des normes qui règlent non pas la création de normes, mais le contenu même des lois. Et il visait explicitement les droits fondamentaux des individus.
À la différence d'un certain nombre d'États, la Constitution de notre pays ne comporte pas un exposé complet et structuré de ces droits et libertés des individus. Il serait donc logique que la loi organique dont nous discutons donne au législateur l'opportunité de débattre des projets de loi relatifs aux garanties fondamentales reconnues aux individus en disposant d'une évaluation approfondie non seulement de l'effet et de l'impact des lois, mais aussi de leurs tenants et fondements. C'est la raison pour laquelle je vous demande d'adopter cet amendement.
Pour montrer l'intérêt de cet amendement, je prendrai trois exemples où, faute d'avoir fait la loi avec sérieux, la France se trouve aujourd'hui dans une situation inacceptable.
D'abord, il n'est pas normal que nous continuions à enregistrer les condamnations de notre pays pour non-respect du délai raisonnable prévu par la convention européenne des droits de l'homme pour la détention provisoire entre le début d'une procédure et la date de son examen comme une sorte de prix à payer. Si nous faisions des évaluations préalables, je ne vois pas comment nous pourrions continuer à faire comme si rien n'existait.
Exemple plus récent, est-il sérieux d'avoir légiféré comme notre parlement l'a fait sur la filiation ? On nous dit, monsieur le président de la commission, qu'il faut faire du droit sérieusement. Or la loi publiée au Journal officiel du 18 janvier n'est pas à l'honneur du Parlement.
Si vous m'aviez répondu, ce serait beaucoup plus intéressant. C'est vous qui êtes l'auteur, vous avez quelque responsabilité personnelle.
Il n'y a pas de réponse. La loi de la République est la loi de la République !
Aujourd'hui, on peut à la fois accoucher sous X et ouvrir une action en recherche de maternité. C'est totalement incohérent, tout le monde le dit.
Troisième exemple, le Médiateur de la République m'a invité, comme il a invité un certain nombre de mes collègues qui s'intéressent à ces questions et qui ont répondu à son invitation, pour expliquer que notre texte n'avait rien réglé sur la question de l'application de l'article 79-1 du code civil et des enfants mort-nés. C'est le Médiateur qui le dit, ce n'est pas moi, avec des arguments que j'avais déjà présentés, et on s'en moque.
Pour mettre l'opposition au pas, il y a du monde et de la détermination. Mais pour faire la loi en respectant la dignité humaine et pour élaborer un droit civil cohérent, on passe sur toutes ces exigences. S'il y avait au moins le verrou proposé par cet amendement, on ferait du droit.
S'il y avait eu une étude d'impact sur le projet que nous examinons, nous aurions aujourd'hui un document précisant notamment les intentions du président de l'Assemblée nationale pour la mise en oeuvre de ces dispositions dans le règlement intérieur de l'Assemblée nationale.
Le fait que, depuis le début de cette discussion, vous refusiez de nous dire clairement sur un certain nombre de dispositions, et évidemment d'abord sur l'article 13, ce que vous voulez vraiment et de quelle manière vous les mettrez en oeuvre contredit totalement le texte que vous nous soumettez. Selon ce dernier, en effet, lorsque le Gouvernement présente un texte à l'Assemblée nationale, il doit indiquer clairement quelles en sont les conséquences en matière législative et en matière réglementaire.
L'argument de M. Warsmann selon lequel nous discutons de la loi organique et que nous discuterons après du règlement intérieur, alors que les deux sont évidemment totalement liés, n'est donc pas recevable. Ce que nous demandons depuis le début, ce sont des éléments d'information mais aussi de discussion sur le règlement intérieur de l'Assemblée nationale.
Il est bien évident qu'une phrase dans la loi organique n'épuise pas le sujet, c'est le moins que l'on puisse dire, et que cela suscite des interrogations, voire des inquiétudes dans l'opposition. Il vous appartient de les lever, sinon, l'opposition n'aura pas d'autre moyen que de faire ce qu'elle fait aujourd'hui, c'est-à-dire d'essayer de vous pousser à clarifier vos intentions.
Cet amendement se situe après l'article 7, réécrit sur proposition de notre rapporteur il y a quelques jours. Il prévoit que les projets de loi relatifs aux droits fondamentaux de la personne humaine font l'objet d'une évaluation renforcée.
Il s'agit en effet de sujets majeurs et une évaluation renforcée – nous en avons eu plusieurs exemples – nous éviterait non seulement de faire des erreurs, mais aussi de revenir sans cesse sur les lois votées, censément pour les améliorer, mais, en réalité, les complexifier et les rendre souvent plus difficiles encore à appliquer.
Je rappelle que la Déclaration universelle des droits de l'homme confirme que toute personne a droit notamment au travail, au repos et à un niveau de vie suffisant. La référence, qu'on retrouve dans le préambule de 1946 et, bien sûr, dans la Constitution de 1958, c'est le fameux programme du Conseil national de la Résistance de 1943, qui prévoit, à la Libération, un grand réajustement des salaires et la garantie d'un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d'une vie pleinement humaine.
Plusieurs projets de loi ayant trait au niveau de vie et au pouvoir d'achat de nos concitoyens et discutés depuis plusieurs mois dans cette enceinte auraient ainsi mérité une évaluation renforcée préalable, ce qui nous aurait évité de faire un certain nombre d'erreurs. Je pense à trois d'entre eux en particulier.
Pour la désormais célèbre loi TEPA, travail, emploi, pouvoir d'achat, il y a eu des évaluations renforcées, Pierre-Alain Muet aurait pu le confirmer s'il avait été là, mais, alors que les études et leurs conclusions démontraient le caractère non pertinent des mesures contenues dans cette loi, elles ont été écartées par le Gouvernement, à tort. Elles montraient en particulier que le fait de subventionner des heures supplémentaires non seulement ne créait pas d'emplois, mais diminuait le recours à l'intérim.
Les deux autres projets que je voulais mentionner, c'est évidemment celui sur la monétisation des réductions du temps de travail – curieuse formule – et, enfin, celui qui nous a occupés au début de cette session, sur les revenus du travail. Nous avons vu en particulier que non seulement ils n'avaient pas atteint leurs prétendus objectifs d'augmentation du pouvoir d'achat mais que ce dernier avait baissé de 0,4 point sur un an.
Cet amendement concerne notre préoccupation essentielle, qui est aussi, j'en suis persuadé, celle de nos collègues de la majorité.
Nous disons tous qu'il y a une inflation législative, qui nous pousse très souvent à élaborer, à discuter et à voter des lois de circonstance, voire d'émotivité, quand, à la suite d'un acte particulièrement odieux ou d'un fait divers particulièrement grave, nous voulons essayer d'empêcher que puisse se reproduire quelque chose qui a choqué l'opinion publique, souvent à juste titre. Lois de circonstance, parce que cela peut amener le pouvoir en place, quel qu'il soit, à régler un problème avec son opposition ou avec des forces sociales, politiques et économiques qu'il voudrait contraindre. C'est une mauvaise manière de faire la loi.
Cet amendement permettrait justement s'il était voté – et je souhaite qu'il le soit – d'empêcher cette dérive, de façon que nous ne fassions plus des lois de circonstance. Mes collègues ont pris soin de donner à chaque fois des exemples précis du passé pour argumenter et soutenir cet amendement. Pour ma part, je prendrai l'exemple du projet de loi organique que nous examinons actuellement.
Dès le départ, nous craignions – c'est pourquoi nous sommes ici depuis des jours et des jours – …
Prouvez-nous que ce n'est pas le cas, en adoptant cet amendement et en revenant sur l'article 13, dont nous demandons, depuis plusieurs heures de séance maintenant, la suppression.
Sur le vote des amendements identiques nos 3553 à 3574 , je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean Glavany.
Cet amendement soulève plusieurs débats fort importants pour notre assemblée. J'en aborderai trois.
Le premier débat porte sur les dysfonctionnements au sein de notre assemblée. Il y a les thèses du Président de la République – je crois que derrière l'UMP, c'est lui qui organise tout – et du président Accoyer, qui oublie les devoirs liés à sa charge (Protestations sur les bancs du groupe UMP)…
…et les piétine à bien des égards.
Puis une autre thèse : « C'est la faute à l'obstruction ! »
Enfin, les tenants d'une troisième thèse pensent que l'obstruction parlementaire, cela ne veut rien dire, mais qu'on légifère trop, trop vite, voire à la va-vite, et que l'on ne mesure bien souvent qu'après coup les conséquences de ce qui se décide dans cet hémicycle. Cet amendement vise à remédier à ce premier excès.
Le deuxième excès se situe dans le domaine de la justice – l'amendement porte sur la justice. Depuis quelques années, comme l'a fait remarquer M. Yves Durand, nous sommes victimes ici…
Monsieur Warsmann, j'aimerais pouvoir m'exprimer sans être censuré par le président de la commission des lois.
Nous sommes victimes – et pour certains acteurs – de ce que Yves Durand appelait la « législation émotion ». Un enfant de moins de trois ans est assassiné : il faut une loi pour les assassins des enfants de moins de trois ans. Une personne de plus de quatre-vingt-quinze ans est assassinée : il faut une loi pour les assassins des personnes de plus de quatre-vingt-quinze ans. Quelqu'un se fait tuer en traversant dans les clous : il faut une loi pour les assassins des gens qui traversent dans les clous.
On fait des lois dans l'émotion sans en mesurer les conséquences. Puis, on s'aperçoit, au bout du compte, que beaucoup de ces lois engendrent des dysfonctionnements juridiques. C'est la législation émotion !
Troisième exemple, toujours dans le domaine de la justice. Il y a quelques semaines, Mme la garde des sceaux a mis en oeuvre une réforme de la carte judiciaire. Elle a supprimé, dans un grand nombre de tribunaux, les juges d'instruction pour créer des pôles de l'instruction, regroupés dans un certain nombre de tribunaux. Cette réforme a été mise en place. Et patatras ! Quelques semaines après, le Président de la République annonce que l'on va supprimer les juges d'instruction. La réforme faite il y a quelques semaines est déjà caduque ! Que se serait-il passé si nous avions eu la sagesse d'évaluer cette réforme ? Ne devrait-on pas évaluer tranquillement, sereinement, les conséquences des actes accomplis par un certain nombre de ministres et que le Parlement cautionne parfois ?
Cet amendement a pour but de donner du temps au temps, d'évaluer l'action publique, de mesurer les conséquences de nos actes. Il me semble, monsieur le président, que c'est plus que jamais d'actualité.
Avis défavorable.
…au scrutin public sur les amendements identiques nos 3553 à 3574 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 113
Nombre de suffrages exprimés 113
Majorité absolue 57
Pour l'adoption 44
Contre 69
(Les amendements identiques nos 3553 à 3574 ne sont pas adoptés.)
Je vois avec stupéfaction que les droits du Parlement sont piétinés (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP), bafoués.
Maintenant, on ne peut même plus répondre à la commission ni au Gouvernement. Et l'on est raillé si l'on demande la parole. Nous arrivons à un stade de l'expression républicaine intolérable. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Un député du groupe UMP. Aboyeur !
Plusieurs députés du groupe SRC. C'est ce que nous demandons !
Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 56. Je souhaite justement – je le dis au nom du groupe UMP – que, dans le cadre de ce débat, notre règlement soit appliqué, que ses différents articles soient mis en oeuvre.
Monsieur Roy, on ne peut pas réagir comme vous l'avez fait,…
…et reprocher à la présidence d'appliquer le règlement de notre assemblée, qui est un règlement consensuel. L'article 56, alinéa 3, précise : « Le Président peut autoriser un orateur à répondre au Gouvernement ou à la commission. » Il « peut », mais s'il ne le souhaite pas, il ne le fait pas.
Monsieur le président, je vous demande solennellement de faire en sorte que le règlement, et notamment les dispositions qui permettent d'éviter les excès auxquels nous sommes confrontés, soit appliqué d'une manière claire, précise. C'est le seul moyen de faire face à l'obstruction. L'application du règlement dois être acceptée par tout le monde, car il est le fruit d'un consensus. Monsieur le président, je souhaite que la présidence nous aide à faire respecter les règles de notre assemblée.
C'est bien mon intention, mon cher collègue.
Pour la prochaine série d'amendements, nous écouterons deux orateurs. Ensuite, je laisserai aux orateurs suivants la faculté de s'exprimer pendant une minute. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Lors de la conférence des présidents, il avait été convenu que nous passerions quatre séries d'amendements avant la cérémonie d'investiture du Président Obama, qui intéresse, très légitimement, bon nombre de nos collègues. Je constate que nous sommes bien loin du respect de cet accord.
La parole est à M. Jean Mallot, pour un ultime rappel au règlement, avant les interventions sur les séries d'amendements suivants.
Monsieur le président, vous avez fait une application un peu stricte de l'article 56.
Depuis un moment, nous avions trouvé un rythme d'échanges qui permettait d'avancer relativement rapidement sur les amendements.
Nous avons connu un certain nombre de difficultés au cours de séances précédentes, que vous ne présidiez pas. Je n'y reviendrai pas.
Vous n'avez pas donné la parole à M. Roy pour répondre au Gouvernement et cela ampute nos débats d'un intérêt majeur.
Par ailleurs, vous nous annoncez une procédure nouvelle pour la suite de nos débats. Compte tenu de ces éléments, je vous demande une suspension de séance d'un quart d'heure,…
…pour réunir notre groupe, afin que nous organisions nos travaux en conséquence.
Nous en venons à la série d'amendements identiques n°s 3575 à 3596 . (« La suspension est de droit ! » sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jérôme Lambert. (Protestations ininterrompues sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, article 58, alinéa 3 du règlement. Vous savez parfaitement que la demande de suspension de séance est de droit. Je la demande pour réunir mon groupe.
Rappel au règlement
La séance est suspendue, sur place, pour une minute. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures vingt-six.)
L'amendement n° 3579 vise à adopter une procédure renforcée d'évaluation pour les privatisations des entreprises publiques.
Vous vous trompez ! Ce n'est pas le bon argumentaire. L'amendement n'a rien à voir avec la procédure d'évaluation.
Pardonnez-moi !
Quoi qu'il en soit, on peut mesurer, dans nos espaces ruraux, le drame que représente la privatisation des entreprises publiques, et notamment de La Poste.
Nous voyons dans le débat comment on peut évoluer vers une dérive autoritaire. Nous vous demandons qu'une évaluation renforcée soit réalisée pour les lois sur l'immigration, afin que l'on prenne tout particulièrement garde aux droits des personnes les plus en difficulté.
Au Parlement, trop souvent, des lois en matière d'immigration ont été votées, dont nous n'avons pas lieu d'être fiers, et la manière dont elles sont appliquées nous rend encore plus honteux.
Il y a eu un incendie dans un centre de rétention. Souvent, dans ces centres, la seule manière pour les gens de se défendre, c'est de porter atteinte soit à leur personne, soit à ce qui les entoure.
Notre pays est trop souvent mis en cause par la Cour de justice européenne pour la façon dont nous traitons les immigrés et sur les questions d'immigration. Et nous n'avons pas lieu d'être fiers.
Il est particulièrement important, au moment où la mondialisation entraîne des déplacements de plus en plus nombreux, que nous soyons attentifs à traiter dignement les immigrés.
Je prendrai un exemple récent et objectif pour illustrer la défense de l'amendement.
Comment ne pas faire référence, à ce stade de nos débats, au rapport que vient de remettre M. Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, que vous avez récemment créé ? Il qualifie les conditions d'hébergement dans les lieux de détention d'atteinte à la dignité humaine.
Il évoque notamment un « local aménagé dans un commissariat, composé de quatre pièces en enfilade à usage initial de bureau. L'une est réservée aux femmes. Mais les hommes retenus doivent, pour accéder aux sanitaires, passer devant la chambre des femmes, qui est séparée du couloir par une paroi entièrement vitrée, que rien ne peut obturer, même si ces motifs de sécurité peuvent expliquer un tel agencement, qui ne se rencontre, par exemple, dans aucun établissement pénitentiaire ». Je ne parle pas de ce qui se passe dans un pays lointain, mais en France, en citant la description faite par celui-là même que vous avez nommé contrôleur général des lieux de privation de liberté !
Je rappellerai aussi les conclusions du commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, M. Thomas Hammarberg qui, le 20 novembre dernier, a présenté un rapport sur la France. M. Hammarberg a demandé à la France de cesser de mener une politique du chiffre en appelant l'attention des autorités françaises sur les risques associés à la détermination quantitative du nombre de migrants irréguliers à reconduire, ainsi qu'à analyser les conséquences engendrées par ces objectifs chiffrés sur les méthodes d'interpellation et les pratiques administratives.
Ces deux constats – ce n'est pas nous qui le disons – émanent, d'une part, d'une autorité que vous avez vous-même nommée et, d'autre part, de l'Europe. Notre législation en matière d'immigration et de droits des étrangers, dénoncée tant par le contrôleur général des lieux de privation de liberté que par les instances européennes, mérite donc une autre approche.
Dans un vrai régime présidentiel, comme aux États-Unis, le président propose, les parlementaires disposent. Dans ce pays, une initiative bipartisane a modifié la grande loi sur l'immigration. Cette proposition n'a été rendue possible que par un vaste travail préalable d'évaluation approfondie de la réalité de l'immigration et de l'impact des mesures à mettre en oeuvre.
En 2007, nous avons, en France, manqué ce rendez-vous. Si nous avions disposé d'une évaluation approfondie, nous n'aurions pas, par la suite, été obligés de légiférer à nouveau pour aboutir à quatre ou cinq lois successives sur l'immigration. C'est la raison pour laquelle je vous invite à adopter l'amendement n° 3581 .
S'il est un sujet qui mérite une étude d'impact approfondie, c'est bien celui de l'immigration et des droits des étrangers.
Je rappelle que l'examen de la loi RESEDA a duré une centaine d'heures, M. Ollier s'en souvient sûrement puisqu'il a été un orateur très actif de l'opposition à l'époque.
Le débat avait tout de même duré plus de cent heures, or, pour l'instant, nous en sommes loin !
Ce projet de loi avait fait l'objet d'un rapport fort complet de M. Patrick Weil. Depuis, les lois se sont succédé, souvent dans la plus grande improvisation, rompant l'équilibre qui avait été trouvé dans la loi RESEDA et instaurant une réglementation extrêmement tatillonne. Épouser un étranger relève aujourd'hui du parcours du combattant, suivant des procédures dignes d'un interrogatoire de police ! Cette réglementation et cette bureaucratie ne visent, en réalité, qu'à dissuader l'immigration familiale. En tout état de cause, une telle situation aurait pu être évitée si un travail sérieux avait été mené en amont…
…avec la volonté d'instaurer une législation cohérente, claire et lisible. Je vous invite donc à voter cet amendement.
Je rappelle, pour essayer d'être bref (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), que l'évaluation renforcée concernant les projets de loi relatifs à l'immigration et aux droits des étrangers doit être exercée par des autorités administratives indépendantes, car on ne peut pas être juge et partie. Il est, par exemple, pour le moins paradoxal que la recevabilité des propositions de résolution soit examinée par le Premier ministre.
En tout état de cause, il est indispensable de faire appel à des autorités indépendantes – du moins, celles qui subsistent –, en ce qui concerne les projets de loi relatifs à l'immigration. La Halde a condamné la loi sur l'immigration de 2007. Mal lui en prit, car elle a vu ses crédits diminuer de 527 000 euros !
Quant à la CNIL, autre autorité administrative normalement indépendante, elle a perdu près de 100 000 euros. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
…sur le fait qu'un grand nombre de structures associatives indépendantes, comme la Croix-Rouge française, le MRAP, la LDH, l'ACAT, et j'en passe – car vous m'avez demandé de faire court et je m'y efforce (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) –, ont leur avis à donner sur un certain nombre de sujets, notamment sur les textes concernant l'immigration.
Je vous demande, mes chers collègues, d'adopter massivement nos amendements afin de nous permettre de légiférer en toute légitimité et sérénité !
Sur le vote des amendements identiques n°s 3575 à 3596 , je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean Mallot.
Je vous remercie, monsieur le président, de me donner la parole pour défendre l'amendement n° 3588 , que j'ai déposé avec mon collègue Bernard Lesterlin, dont l'objet est de soumettre les projets de loi relatifs à l'immigration et aux droits des étrangers à une évaluation renforcée.
Une telle proposition est le bon sens même. Pour s'en convaincre, il suffit de se référer à la manière dont les derniers projets de loi ont été discutés dans cette enceinte. Souvenez-vous, chers collègues, de la discussion, en 2007, du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, qui a vu l'apparition, à la dernière minute, du désormais célébrissime amendement Mariani proposant de soumettre le regroupement familial à des tests ADN ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
D'un côté, le Gouvernement propose, dans ce projet de loi organique, des études d'impact et, de l'autre, dans sa pratique quotidienne, il s'asseoit purement et simplement sur cette procédure en recourant à des amendements de dernière minute pour glisser des dispositions scélérates dans ses textes.
L'évaluation renforcée des textes devrait également s'appliquer à leur mise en oeuvre sur le terrain. Tous les jours, hélas, nous pouvons constater que certaines dispositions prévues par les lois relatives à l'immigration et aux droits des étrangers conduisent à placer les intéressés dans des conditions très difficiles, et nous voyons certains préfets expulser des élèves de lycée tout à fait intégrés, qui ne demandent qu'à poursuivre leurs études chez nous, mais qui sont renvoyés dans leur pays, sans ressources et sans perspective.
Quant à l'instauration de quotas d'immigration dont on entend parfois parler, il va sans dire qu'une telle proposition devrait faire l'objet d'une évaluation renforcée. Du reste, nous disposons déjà d'un certain nombre d'études dans ce domaine, M. Pasqua ayant, il y a une quinzaine d'années, avancé cette idée. L'instauration de quotas correspond, selon nous, à une philosophie qui va à l'encontre de nos convictions républicaines…
…et reviendrait à traiter les êtres humains comme une marchandise, avec pour conséquence le pillage organisé et méthodique des ressources intellectuelles et professionnelles de ces pays.
La conclusion est évidente, monsieur le président : il faut, dans ce domaine, procéder à une évaluation renforcée !
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et Mme Lemorton ?
Par galanterie, monsieur le président, je lui cède volontiers la parole.
Monsieur le président, j'étais présente pour défendre l'amendement que j'ai déposé avec mon collègue Christian Paul.
Je souhaite appeler votre attention sur l'accès des étrangers à notre système de soins. Depuis 1998, la France accorde des titres de séjour à des étrangers malades – souffrant de maladies graves comme le sida, les hépatites ou la tuberculose – sous réserve qu'ils ne puissent se faire soigner dans leur pays d'origine. Or, depuis dix ans, la loi de 1998 est mise à mal, surtout depuis 2002, année à partir de laquelle vous avez régulièrement porté atteinte à l'aide médicale d'État, seul dispositif de protection sociale pour les étrangers arrivant sur notre sol, en instaurant une franchise de trois mois, avant qu'ils ne puissent bénéficier de ce dispositif. Un tel délai n'est pas tolérable pour des personnes gravement malades. Ce n'est pas la peine d'avoir mené, depuis des décennies, une politique de lutte contre la tuberculose en France pour laisser des personnes atteintes de cette maladie sans soins pendant trois mois !
Puisque les lois sur l'immigration semblent relever, chez vous, d'un trouble obsessionnel compulsif (Protestations sur les bancs du groupe UMP),…
…je souhaite que vous fassiez procéder à une évaluation renforcée, lors de votre prochaine loi relative à l'immigration, sur la situation des étrangers malades qui arrivent dans notre pays. Bien souvent, du reste, après avoir reçu quelques soins, ils sont renvoyés dans leur pays d'origine, qui n'est pas en mesure de leur prodiguer les traitements nécessaires. C'est la raison pour laquelle je vous propose d'adopter cet amendement.
S'il est un sujet sur lequel les évaluations renforcées sont nécessaires, c'est celui de l'immigration. Trois lois successives sur l'immigration n'ont toujours pas réussi à régler les problèmes.
M. Hortefeux s'est glorifié d'avoir fait arrêter des enfants à la sortie des écoles – parfois d'écoles maternelles – par les forces de police afin de les expulser au motif que leurs parents étaient, paraît-il, sans papiers. Il a fallu la mobilisation et la conscience des enseignants et des parents pour empêcher ce que vous étiez en train de faire ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Tel est le résultat de lois adoptées à la va-vite et dans l'émotion ! Ces lois de circonstance sont, ou inapplicables ou, pire, contraires aux principes mêmes de la République, qui est notre bien commun. C'est la raison pour laquelle je défends cet amendement que je vous invite à voter.
Même avis que la commission.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les amendements identiques n°s 3575 à 3596 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 153
Nombre de suffrages exprimés 153
Majorité absolue 77
Pour l'adoption 74
Contre 79
(Les amendements n° 3575 à 3596 ne sont pas adoptés.) (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je suis saisi d'une série d'amendements identiques, n°s 3465 à 3485 .
La parole est à M. Bruno Le Roux. (« Et Mme Filippetti ! » sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est donc à Mme Aurélie Filippetti.
Il y a déjà peu de femmes dans cet hémicycle, alors si elles ne peuvent pas s'exprimer (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…
Pour défendre une série d'amendements, je donne d'abord la parole au premier signataire inscrit ; constatant qu'il ne la prend pas, je vous la donne.
Mais nous devons nous précipiter pour voter, et nous n'avons pas le temps de revenir au micro pour nous exprimer !
Si chacun restait à sa place, ce serait plus simple ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Après un vote, la sérénité de nos débats exige que chacun ait le temps de regagner sa place et de reprendre le fil de la discussion. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Cet amendement concerne les études d'impact approfondies que nous proposons en matière de pluralisme. Le pluralisme doit être l'une des pierres angulaires de toute démocratie et d'un État républicain comme le nôtre. Il est pourtant mis à mal, surtout depuis l'élection à la Présidence de la République de Nicolas Sarkozy, qui, en proie à une tentation autocratique, veut réduire la liberté d'expression médiatique de l'opposition, l'indépendance de la presse et celle de la justice.
Le débat sur le service public de l'audiovisuel en a fourni une illustration. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Ainsi, lorsque nous avons discuté de la composition des conseils d'administration de France Télévisions, de Radio France et de l'audiovisuel extérieur de la France – la nouvelle holding qui va désormais régner sur l'expression médiatique de la France à l'étranger –, nous avons proposé que la majorité et l'opposition y soient représentées de manière paritaire. Cela nous a été refusé, et nous ne savons toujours pas pour quel motif.
En effet, en quoi serait-il anormal que cette représentation paritaire se substitue à la seule présence des parlementaires de la majorité, s'agissant d'entreprises de médias dont on sait l'importance pour forger l'opinion de nos concitoyens ?
Enfin, nous avions également déposé une proposition de loi sur la comptabilisation du temps de parole du Président de la République et des membres de son cabinet – puisque ceux-ci jouissent désormais d'un pouvoir éminent dans notre pays, alors que, n'étant pas élus, ils n'ont aucune légitimité démocratique, contrairement à nos collègues de la majorité ici présents.
Là aussi, nous nous sommes heurtés à une fin de non-recevoir, alors que la règle des trois tiers en vigueur – Gouvernement, majorité parlementaire et opposition – ne prend évidemment pas en compte l'omniprésence actuelle du Président de la République et de ses conseillers dans les médias. C'est là, monsieur le président, un vrai problème pour la démocratie,…
…surtout dans le pays des droits de l'homme, qui a fait du pluralisme démocratique un pilier fondamental de notre République.
Voilà pourquoi cet amendement est indispensable…
…et voilà pourquoi nous proposons que tous les textes de loi soumis à notre assemblée et relatifs au pluralisme fassent désormais l'objet d'études d'impact renforcées.
Je veux insister à mon tour sur la nécessité d'une évaluation de toutes les lois relatives au pluralisme.
À cet égard, l'exemple que notre honorable collègue vient de développer est le plus parlant. Il suffit de se reporter à la proposition de loi relative au pluralisme dans les médias audiovisuels que nous avons déposée l'année dernière et qui tendait à prendre en compte le temps de parole du Président de la République ; au moment du débat sur la réforme constitutionnelle, nous avions également beaucoup insisté sur cet aspect. Mais l'exemple du projet de loi sur l'audiovisuel illustre parfaitement le bien-fondé de notre amendement.
Si nous avions pris le temps nécessaire pour en étudier les conséquences, ce texte n'aurait pas connu les difficultés qu'il a rencontrées dans notre assemblée ou le sort qui a été le sien au Sénat. Pour la première fois dans l'histoire de la République, la loi a été appliquée avant d'avoir été définitivement votée, et même avant que le Sénat ne l'examine en première lecture !
Ainsi M. Copé, par exemple, aurait-il pu voir cette loi d'un autre oeil. Il avait affirmé que, lui vivant, il n'y aurait pas de hausse de la redevance ; patatras : le Sénat vient de démontrer le contraire ! Cela montre bien que lorsque l'on touche à un sujet aussi essentiel que le pluralisme dans les médias – pouvoir majeur dans notre société –, il faut prendre le temps de l'évaluation et de la consultation.
D'où cet amendement, qui est, selon, nous au coeur même de notre pacte républicain.
Sur le vote des amendements identiques n°s 3465 à 3486 , je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. René Dosière. (M. Dosière monte à la tribune.)
Plusieurs députés du groupe UMP. Ah !
Le pluralisme et son évaluation méritent tout notre intérêt. De ce point de vue, la situation française est particulière : les propriétaires de médias – journaux ou chaînes de télévision – sont souvent également des industriels qui font des affaires considérables avec l'État. Ce mélange des genres est préjudiciable à l'indépendance des médias.
Naturellement, cela requiert une évaluation précise.
J'aimerais citer l'exemple du récent projet de loi sur l'audiovisuel.
On nous a affirmé que la suppression de la publicité après vingt heures représenterait une perte de recettes de 450 à 500 millions d'euros. Mais ce chiffre n'est pas sûr. En effet, selon certains, la perte serait supérieure : il ne suffit pas de comptabiliser la perte brute de recettes, puisqu'il faut aussi pouvoir financer les productions qui occuperont les minutes de télévision libérées. Le chiffre varie donc beaucoup, de 500 à 800 millions. Si nous avions disposé d'une évaluation, nous aurions au moins pu discuter à partir de chiffres sérieux.
En outre, un amendement tout à fait spontané d'un ancien collaborateur du Président de la République devenu député permettra aux chaînes privées qui bénéficieront du transfert de la publicité des chaînes publiques d'utiliser ces recettes supplémentaires pour acheter d'autres chaînes de la TNT. Là aussi, il aurait été utile de procéder à une évaluation pour s'assurer des limites de ce phénomène et des dommages qu'il risquait de causer au pluralisme.
Un dernier exemple : nous n'avons aucun élément d'information sur les conséquences pour la presse quotidienne régionale de la suppression de la publicité, notamment sur France 3. Or vous savez fort bien que, dans chaque région, la réduction des moyens dont dispose France 3 entraînera une recomposition du paysage médiatique. Au niveau local, on voit déjà, depuis un certain temps, des journaux régionaux tenter de s'introduire sur la chaîne publique ou nouer des accords de partenariat avec elle. Là aussi, une évaluation aurait été utile,…
…que dis-je, indispensable.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues : quand on délibère, il faut le faire en toute connaissance de cause. Or, trop souvent, nous délibérons dans des conditions qui ne nous permettent pas d'étudier véritablement les conséquences de nos décisions. C'est le mérite de la procédure à laquelle le groupe SRC a eu recours sur ce projet que de permettre à chacun de bien mesurer les conséquences du texte que nous voterons. En effet, les personnes extérieures à nos travaux ne les suivent pas toujours en direct et ont besoin de deux ou trois jours pour s'apercevoir de l'importance des décisions prises. La prise de conscience s'opère alors, et le rythme de nos travaux s'en trouve changé.
Je termine, monsieur le président. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Voilà pourquoi il faut mettre fin aux procédures de discussion accélérée,…
Et à vos souffrances !
…pour nous permettre au contraire de légiférer plus lentement, monsieur le secrétaire d'État,…
Plus lentement, oui !
Après l'excellente intervention de René Dosière, je souhaite revenir sur la notion de pluralisme, empruntée par le droit à la pensée politique, historique et philosophique. Comme principe démocratique reconnu, l'exigence de pluralisme possède des fondements juridiques importants.
Je rappelle ainsi que le Conseil constitutionnel a fait du respect de la liberté d'autrui, mais aussi de la préservation du caractère pluraliste des courants d'expression socioculturels, un objectif de valeur constitutionnelle dans sa décision du 27 juillet 1982, rendue à propos d'une loi sur la communication audiovisuelle.
Dès lors, étant donné la valeur attachée à la réalisation de cet objectif, il ne paraît ni anormal ni exorbitant de donner à tous les députés des informations approfondies,…
Je termine ma phrase, monsieur le président !
…relatives non seulement aux constats, mais aussi aux mesures et aux effets des projets de loi engageant le pluralisme.
La parole est à M. Alain Vidalies. (« M. Vuilque ! » sur les bancs du groupe SRC.) Je donnerai ensuite la parole à M. Philippe Vuilque.
Mon intervention préparera celle de M. Vuilque.
Monsieur le président, mes chers collègues, cet amendement est important, car il nous permet de soulever la question suivante : qu'est-ce que la majorité présidentielle ?
Dans cet hémicycle, nous entendons naturellement des ministres, des membres du Gouvernement, déclarer qu'ils appartiennent à la majorité présidentielle, ce qui est compréhensible, étant donné la nature de nos institutions.
Les commentateurs recourent à cette même qualification, ainsi que les partis politiques : l'UMP dit naturellement être le parti de la majorité présidentielle.
Il n'y a qu'un seul cas où cette appartenance est ignorée : le calcul du temps de parole dans les médias.
Dans les médias, la majorité présidentielle n'existe plus, puisque le Président de la République est exclu du calcul.
Adressez-vous aux médias : nous n'y sommes pour rien ! Nous trouvons même que vous parlez trop !
D'un côté, vous ne cessez d'évoquer la majorité présidentielle mais, de l'autre, vous êtes prêt à l'ignorer afin que le temps de parole du Président de la République ne soit pas pris compte.
Le comité Balladur avait pourtant retenu dans ses propositions l'idée de neutraliser ce qu'il considérait comme étant incompatible avec la qualité de notre démocratie. Vous l'avez totalement ignoré et nous en voyons aujourd'hui le résultat. Nous sommes sans doute le seul pays au monde où Gouvernement et majorité se partagent les deux tiers du temps de parole, l'opposition n'ayant que le tiers restant et celui du Président de la République n'étant pas même pris en compte.
Certes, nous sommes dans l'opposition, certes, nous sommes la minorité, mais nous avons rassemblé 47 % des voix aux élections présidentielles. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Et l'on ne peut pas traiter comme vous le faites 47 % des Français. C'est notre dignité de parler pour eux aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je voudrais aller dans le sens de mes collègues, s'agissant en particulier du pluralisme dans l'audiovisuel.
J'aimerais rappeler la surprise qui fut celle de M. Copé, président de la commission sur la réforme de l'audiovisuel, quand M. le Président de la République a annoncé que la publicité sur les chaînes publiques serait supprimée et que leurs présidents seraient désormais nommés par le chef de l'État lui-même.
Cette remise en cause du pluralisme est l'illustration même de ce qu'il ne faut pas faire.
Cet amendement, pour éviter que notre assemblée ne légifère dans l'urgence, propose une procédure de concertation, laquelle aurait permis à M. Copé d'aller au bout de la démarche qui guidait les travaux de sa commission et de faire des propositions. Nous entendons prendre le temps de vérifier si la loi est utile et pertinente, afin de mettre un terme à toutes les parodies de pluralisme. Par ailleurs, notre amendement prévoit une procédure d'enquête publique, où chacun apporte sa contribution, ainsi qu'une étude d'impact.
Toucher à l'audiovisuel, c'est affecter la vie quotidienne de nos concitoyens mais c'est aussi remettre potentiellement en cause le pluralisme, comme nous l'avons vu avec l'annonce du Président de la République, qui a pris de court sa propre majorité.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous invite à voter cet amendement.
Est-il utile de défendre une fois encore le même amendement, monsieur le président ?
J'aimerais rappeler à mes collègues que l'article 44, alinéa 1, de la Constitution nous confère à chacun le droit d'amendement. Cet amendement n° 3476 , cosigné par Mme Maquet, vise à imposer une procédure d'évaluation renforcée pour les projets de loi relatifs au pluralisme.
Permettez-moi de donner quelques exemples.
Je citerai tout d'abord la liste des propriétaires de médias : Bouygues pour TF1 et LCI, Dassault pour Le Figaro , Arnault pour Les Échos, Lagardère pour Europe 1, Le Journal du dimanche, Paris Match sans oublier le groupe Bolloré. Ces empires financiers se sont-ils constitués dans les médias ou dans l'audiovisuel ? Non, chacun sait que leur origine se situe dans d'autres domaines d'activités. Au moment où vous érigez comme un dogme les partenariats entre le public et le privé, que ce soit pour les prisons, les autoroutes ou les lignes à grande vitesse, ces constructeurs-bâtisseurs, dont il faut saluer la performance industrielle, pourront-ils assurer le respect du pluralisme dans l'interprétation des lois alors que nous savons qu'ils seront, d'un côté, acteurs-mandataires, et de l'autre côté, commentateurs-porte-parole ?
Le pluralisme permettait le maintien du service public, mais, las, notre Président de la République a souhaité nommer et révoquer les dirigeants des grandes chaînes d'information nationales, faisant un usage quasiment personnel du pouvoir.
La volonté de M. Lefevbre de mettre l'AFP à sa botte (Protestations sur les bancs du groupe UMP) justifie encore la nécessité d'une procédure d'évaluation renforcée que mes collègues auront à coeur de défendre, au nom du pluralisme.
Je vous remercie, monsieur le président, de me donner la parole pour défendre cet amendement n° 3478 , que j'ai déposé avec Bernard Lesterlin.
Il vise à ce que les projets de loi relatifs au pluralisme fassent l'objet d'une évaluation renforcée.
Ces amendements sont distincts, monsieur le président, il convient de ne pas les mélanger.
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ces amendements sont identiques !
À travers la révision constitutionnelle, le Gouvernement prétendait apporter des progrès démocratiques mais nous avons pu montrer qu'il se heurtait à trois points de blocage : le mode de scrutin pour les élections sénatoriales, la composition du Conseil constitutionnel et, bien évidemment, les médias et le respect du pluralisme en leur sein, élément majeur à nos yeux.
Pour vous faire comprendre pourquoi nous insistons sur ce point, j'établirai un lien avec un amendement précédemment défendu portant sur les droits fondamentaux de la personne humaine. Comment espérer que l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme – « Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit à ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit » – puisse trouver une application concrète, en l'absence de pluralisme, en particulier dans les médias, qu'il s'agisse de la presse télévisée, de la presse radiodiffusée ou de la presse écrite ? Cela dit, la distinction entre ces différents médias est relativement factice puisqu'un même groupe financier peut posséder des médias de nature différente. Ce serait d'ailleurs un autre intérêt des études préalables que de mettre au jour les interactions existantes…
…et de montrer l'impact des projets de loi sur les logiques de concentration à l'oeuvre dans le monde des médias. M. Dosière parlait des conséquences pour la presse quotidienne régionale.
En réalité, cette presse est souvent aux mains de groupes agissant aussi dans la presse radiodiffusée et télévisuelle.
Vous comprendrez donc pourquoi nous souhaitons que cet amendement soit adopté par l'ensemble de notre assemblée.
Mes chers collègues, je sais que les interventions de Jean Mallot paraissent toujours un peu longues, mais je dois dire en toute bonne foi que l'on apprend toujours quelque chose lorsqu'il s'exprime et c'est avec un plaisir renouvelé que je l'écoute. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, je vous précise que je défends l'amendement n° 3479 .
Tout à l'heure, en entrant dans l'hémicycle, j'ai reçu de la main des huissiers, avec la liasse des amendements, une invitation du président Accoyer, « heureux » , est-il écrit, « de nous convier à un dîner républicain à l'occasion de la discussion du projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, ce soir, dans les salons de l'hôtel de Lassay ».
Je me suis dit que le président souhaitait peut-être nous donner l'occasion de procéder à une évaluation renforcée du pluralisme. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, je suggère que nous en venions au vote sur les amendements !
Mais si le président de l'Assemblée nous traite à sa table comme il nous traite dans l'hémicycle, il est à craindre que nous n'aurons que des restes, mes chers collègues ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP. – Rires sur les bancs du groupe SRC.)
Le pluralisme est en danger ! Cela a été expliqué excellemment par Manuel Valls ou René Dosière pour ce qui est des médias. Mais le danger se situe également au plan de la démocratie. À ce sujet, j'aimerais revenir comme certains de mes collègues l'ont fait sur le tripatouillage électoral du redécoupage des circonscriptions (Protestations sur les bancs du groupe UMP), sur l'ajout des députés représentant les Français de l'étranger, sur le redécoupage des régions et des départements, avec un seul et même objectif : prendre aux socialistes par les textes de loi ce que vous ne parvenez pas à leur enlever par les urnes.
Pour toutes ces raisons, nous continuerons à défendre le pluralisme à travers nos amendements, et l'amendement n° 3479 en particulier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, je défends l'amendement n° 3481 , déposé avec mon collègue Christian Paul.
Je rappelle à mes collègues de la majorité que le fondement de la démocratie, c'est le débat
Quand Montesquieu a défini le principe de la séparation des pouvoirs – exécutif, législatif, judiciaire – , les médias n'avaient pas la prégnance qu'ils ont aujourd'hui.
Vingt-deux fois le même amendement ! Cette obstruction est scandaleuse !
Le rapport Balladur préconisait la prise en compte du temps de parole du Président de la République dans les médias. Pour l'instant, il n'a pas été donné suite à cette proposition, ce qui nourrit nos doutes. C'est la raison pour laquelle le groupe SRC a déposé, le 24 juillet 2008, une proposition de résolution relative au pluralisme dans les médias. À cet égard, je dois dire que, depuis le début de nos débats, M. le rapporteur ne m'a toujours pas rassurée quant aux évaluations renforcées concernant les propositions de résolution.
Selon l'exposé des motifs de notre proposition, « l'indépendance de la presse et des médias audiovisuels constitue l'un des fondements de la République » : en vous attaquant au pluralisme des médias, vous vous attaquez à la démocratie et, au fond, je me demande si vous ne vous attaquez pas à notre République. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mon temps de parole est de cinq minutes, monsieur le président. Dois-je vous rappeler l'alinéa 7 de l'article 100 de notre réglement ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La proposition de résolution ne me paraît pas, si j'en juge par l'article 3 du projet de loi organique, contenir une injonction à l'égard du Gouvernement. Son adoption ne me semble pas non plus de nature à mettre en cause la responsabilité de ce même Gouvernement.
Si cette proposition n'est pas acceptée, c'est bien qu'il y existe un problème démocratique dans notre pays.
Si toutefois, vous la preniez un jour en compte, je demanderai une étude d'impact.
Monsieur le président, je défends l'amendement n° 3482 qui institue une procédure d'évaluation renforcée pour les projets de loi relatifs au pluralisme. Lorsque de grands groupes de presse passent des marchés avec l'État, cela représente un danger qui rend d'autant plus nécessaire ce type d'évaluation. L'indépendance de la presse est un sujet grave, à mes yeux.
Je ne reprendrai pas, ici, les excellents arguments que viennent de donner mes collègues du groupe SRC sur le pluralisme dans les médias.
Quelle plus belle expression du pluralisme politique que cette assemblée !
L'expression du pluralisme au niveau législatif passe par la possibilité d'élaborer des lois, d'en débattre et de les voter en exprimant justement toutes les tendances politiques qui traversent notre pays depuis 1789. La volonté de faire vivre le pluralisme ne peut absolument pas cohabiter avec une quelconque limitation de la vie parlementaire.
Or, monsieur le secrétaire d'État, le projet de loi que vous nous proposez aujourd'hui, et notamment l'article 13 qui limite le temps de parole, va à l'encontre de cette notion de pluralisme politique, fondamentale dans une démocratie. C'est la base même de notre histoire politique.
Monsieur le président, reconnaissez qu'il est difficile de s'exprimer quand on est sans cesse interrompu ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Lors du débat sur l'audiovisuel public, nous sommes intervenus sur ce point à plusieurs reprises, y compris pour dénoncer ce recul évident pour la démocratie que constitue la nomination du président de France Télévisions – qu'on appellera dorénavant ORTF – par le Président de la République. Lorsque nous avons défendu nos amendements visant à combattre cette mesure, on nous a accusés de faire de l'obstruction. Or quelle n'a pas été notre surprise de constater, quelques jours plus tard, que quand les mêmes amendements étaient présentés par des sénateurs centristes, on parlait alors d'amendements constructifs !
Défendre le pluralisme, ce n'est pas faire de l'obstruction. Il est de notre devoir de parlementaire, de démocrate et de républicain de contester la nomination du président de France Télévisions par le Président de la République. Il semble pourtant que nombre de députés n'y soient pas sensibles.
Permettez-moi donc de défendre tranquillement et sereinement les valeurs que nous voulons inscrire dans la loi. Tel est l'objet de cet amendement.
Défavorable.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les amendements identiques nos 3465 à 3486 .
Je rappelle que le vote est personnel et que l'hémicycle est filmé.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 247
Nombre de suffrages exprimés 246
Majorité absolue 124
Pour l'adoption 99
Contre 147
(Les amendements identiques nos 3465 à 3486 ne sont pas adoptés.)
Monsieur le président, mon rappel au règlement est fondé sur l'article 52, alinéa 3.
Cet article prévoit que « Les secrétaires surveillent la rédaction du procès-verbal, constatent les votes à main levée, par assis et levé ou par appel nominal, et le résultat des scrutins ; ils contrôlent les délégations de vote ; la présence d'au moins deux d'entre eux au bureau est obligatoire. À défaut de cette double présence, ou en cas de partage égal de leurs avis, le président décide ».
Monsieur le président, dès lors que vous souhaitez appliquer de façon littérale le règlement, il conviendrait que les secrétaires du bureau soient présents, comme le prévoit l'article 52, alinéa 3 de notre règlement, afin que le vote soit valide.
Monsieur le président, pour répondre à la fois au président de la commission des lois qui l'évoquait tout à l'heure mais aussi au président Ayrault qui le souhaitait, en application de l'article 95, alinéas 4 et 5 du règlement, le Gouvernement demande qu'à vingt et une heures trente, soit à la prochaine séance, soient réservés tous les articles et amendements portant articles additionnels, de sorte que nous passions directement à la discussion de l'amendement n° 3873 de M. Braouezec après l'article 12, puis à l'article 13 et aux amendements après l'article 13 qui portent tous sur le temps programmé.
Nous pourrons donc enfin entrer dans le vif du sujet, comme nous le souhaitons tous et comme plusieurs orateurs l'ont demandé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, compte tenu de ce que vient de nous annoncer M. Karoutchi, je souhaite réunir mon groupe pour évoquer l'attitude que nous devons collectivement adopter. Aussi, je vous demande une suspension de séance de dix minutes.
Application de l'article 95, alinéas 4 et 5, du règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures quarante.)
Depuis mardi dernier, nous examinons un projet de loi organique, adopté par le conseil des ministres le 10 décembre – je n'y vois pas de filiation historique –, qui, selon nous, porte atteinte au droit des députés de défendre des amendements en séance et vise à entraver leur liberté d'expression, liberté à laquelle nous sommes attachés, chacun le comprendra aisément. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Or les conditions du débat depuis le début montrent que ce projet de loi est parfaitement inutile puisque certaines des dispositions de la Constitution et du règlement de l'Assemblée permettent déjà à la majorité ou à la présidence, en séance, de retirer la parole, de limiter les interventions, voire de déclasser des amendements et même, depuis mardi, des sous-amendements, déclassement dont nous avons contesté le fondement.
Nous continuons donc à penser que ce projet de loi organique est superfétatoire, l'article 13 étant, quant à lui, tout à fait inutile. Nous avons à de multiples reprises demandé au Gouvernement de retirer ce texte. Il sait, comme nous, mieux que nous, même, que celui-ci permettra d'introduire dans le règlement de l'Assemblée nationale une limitation du temps de parole, limitation que prévoyaient, jusqu'en 1969, les articles 49 et 51 du règlement, ce qui montre bien qu'une loi organique est inutile. Malheureusement, le Gouvernement n'a pas répondu favorablement à notre demande.
M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement vient de nous informer que nous examinerons ce soir l'article 13, le Gouvernement, ce qui est son droit, ayant réservé les autres articles encore en discussion. L'ensemble des députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche seront là, ce soir, pour défendre leurs amendements visant à supprimer cet article : je dis bien, l'ensemble des députés du groupe SRC.
Chacun appelle de ses voeux un débat de qualité. À cette fin, je lance au nom du groupe SRC un appel solennel au président de l'Assemblée nationale. Puisque le Gouvernement ne veut pas retirer l'article 13, un débat sérieux exige que nous ayons connaissance des propositions concrètes que le président Bernard Accoyer s'est déclaré prêt à présenter dimanche. Nous avons en effet besoin de propositions écrites : nous ne contenterons plus de simples intentions. Si ce document faisait défaut, nous serions dans l'obligation de considérer que ces propositions ne sont que des paroles en l'air n'engageant que leur auteur, selon le mot d'un ancien ministre de l'intérieur.
Nous ne croyons pas aux promesses du président de l'Assemblée nationale : nous voulons des faits. C'est pourquoi nous demandons à pouvoir disposer, avant vingt et une heures trente, sinon d'un projet de règlement, du moins d'un texte précisant la manière dont le temps global pourrait être envisagé, avec les points suivants : existence éventuelle d'un droit de veto pour les présidents de groupe ou d'un droit de tirage, nombre de textes concernés ou encore modalités concrètes du temps de parole, puisque tous les projets de loi n'ont pas la même valeur – certains sont importants, d'autres anodins, d'autres encore exceptionnels. Si je crois ce qu'on m'a dit, toutes ces dispositions ont d'ores et déjà été négociées, notamment entre l'UMP et le Nouveau Centre. C'est pourquoi nous voulons en prendre connaissance en vue de pouvoir débattre, ce soir, sur du concret et de dissiper, s'il y a lieu, les malentendus ou, au contraire, de définir les termes de l'éventuel combat que nous aurons à mener. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
L'intervention de M. Urvoas est pour le moins surprenante car elle est pétrie de contradictions. Dans un premier temps, cher collègue, vous exigez la suppression de l'article 13, ce qui, vous en conviendrez, n'est pas un signe d'ouverture puisque avant même de débattre d'un article dont vous avez vous-même réclamé l'examen, vous en exigez la suppression !
Et si, dans un second temps, vous acceptez de discuter de cet article, c'est à condition de connaître nos propositions. (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Il faudrait savoir : demandez-vous la suppression de l'article 13 ou son examen ?
Si vous supprimez l'article 13, nous n'aurons évidemment plus besoin de connaître vos propositions en la matière !
C'est au cours de la discussion que nous vous ferons des propositions.
Monsieur Urvoas, vous êtes très sourcilleux sur la question de la durée des débats : or j'ai sous les yeux une de vos interventions, fort intéressante par ailleurs, en date des 16 et 17 décembre 2004, qui évoque cette question…
…devant le conseil régional de Bretagne. Vous y affirmez un souci tout à fait exceptionnel de modernisation de l'organisation des débats puisque vous vous proposez de concentrer les propos en temps et en nombre au sein de cette instance. C'est formidable ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Nous ne sommes pas au Parlement de Bretagne, ici ! Cela n'a rien à voir !
Lorsqu'il est à Rennes, M. Urvoas fait preuve d'une modernité exceptionnelle en matière d'organisation des débats, mais à Paris, il est extrêmement attaché à des dispositifs qui permettent à l'opposition de faire de l'obstruction.
Chers collègues, puisque vous avez demandé l'examen de l'article 13, eh bien, nous débattrons de l'article 13 ! À cette occasion vous pourrez manifester votre volonté de le supprimer tandis que nous vous ferons part, peut-être, de nos propositions. Je vous rappelle que c'est vous qui avez réclamé ce débat ! Je tiens à remercier le Gouvernement d'avoir accepté, à ce sujet, la proposition du groupe socialiste.
M. Goasguen est théoriquement un éminent juriste, il a même enseigné le droit. Or je suis très étonné, moi qui ne suis pas juriste de formation, d'entendre un parlementaire de la République, républicain, mettre sur un pied d'égalité le conseil régional de Bretagne et le Parlement de la République.
Comme s'il revenait au conseil régional de Bretagne de faire les lois de la République ! Je suis surpris que la confusion vous amène à faire ce genre de comparaison, monsieur Goasguen.
Je vous précise par ailleurs, car j'ai l'impression que vous ne voulez pas comprendre, que l'article 13 nous pose problème dans son essence même.
Il nous paraît en effet porter gravement atteinte aux droits fondamentaux du Parlement et en particulier aux droits de l'opposition en matière de droit d'amendement.
Cependant, comme nous sommes des gens de dialogue et d'ouverture (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP), nous sommes disposés à étudier une nouvelle rédaction de l'article 13 puisque le président Accoyer fait bruire les couloirs de l'Assemblée de multiples rumeurs…
Tant qu'on ne nous fera pas de propositions susceptibles de nous convenir, nous demanderons la suppression de cet article. Il n'est rien de plus simple, monsieur Goasguen ! Ne faites donc pas semblant de ne pas comprendre, d'autant que, depuis le début de la discussion, nous n'avons pas changé d'un iota sur ce point.
Nous sommes fondamentalement opposés à l'article 13, mais comme nous sommes là pour débattre et comme nous sommes des hommes et des femmes de dialogue et d'ouverture, nous sommes prêts à étudier toute nouvelle proposition du président de l'Assemblée.
Je suis saisi d'une série d'amendements identiques, nos 3487 à 3508 .
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l'amendement n°3487 .
Je dirai à notre collègue Goasguen, qui aime autant la Bretagne que le président de séance ou moi-même, qu'il s'agissait du conseil régional de Bretagne et non du Parlement de Bretagne,…
…même si nous sommes tous des décentralisateurs, ce que nous aurons l'occasion de démontrer dans quelques mois.
Dans le cadre de ce que nous appelons l'obligation d'évaluation renforcée, il est question ici de l'intérêt de soumettre les textes relatifs au découpage des circonscriptions, sujet éminemment sensible,…
…sur lequel tout le monde a un avis puisque l'imagination française en ce domaine est des plus fertiles, à une procédure d'enquête publique d'une durée minimale de deux mois. Nous sommes en train de vivre ce que nous aimerions éviter.
La majorité a décidé que des députés représenteraient les Français établis à l'étranger sans que le projet de loi organique ne précise combien. M. Marleix parlait de sept à neuf députés. Mais le Conseil constitutionnel s'en est justement mêlé. Que la majorité fasse donc attention au Conseil constitutionnel ! Nous avions annoncé hier qu'il n'allait pas apprécier le texte du Gouvernement et ce fut bien le cas. Nous l'avertissons aujourd'hui que le Conseil n'appréciera pas le sort que la majorité entend réserver aux sous-amendements de l'opposition…
Revenons-en aux Français de l'étranger. Nous avons tenté de montrer que l'intention du Gouvernement d'user du scrutin majoritaire conduirait à découper le monde en circonscriptions et n'aurait aucun sens au regard des difficultés auxquelles nos compatriotes seront confrontés au moment de voter, au lendemain des deux tours de l'élection présidentielle, pour les deux tours des élections législatives.
Songez à la difficulté d'accès considérable au bureau de vote. Il eût été bien plus simple d'adopter le scrutin proportionnel. Mais vous vous êtes décidés pour le scrutin majoritaire et donc pour la création de circonscriptions dans le secret du bureau de M. Marleix.
Les opérations en question s'effectueront sous le contrôle du Conseil constitutionnel.
Tout est donc possible : le meilleur, auquel nous aspirons ; le pire, ce que nous avons pu vivre en 1988, par exemple, quand le gouvernement de Jacques Chirac avait procédé au redécoupage des circonscriptions, Charles Pasqua maniant les ciseaux.
Le premier prix de l'affiche politique avait été attribué à une représentation de Charles Pasqua en charcutier.
Pour éviter toute suspicion, le plus simple serait de procéder par anticipation et donc d'associer tous ceux susceptibles de donner un avis comme l'assemblée des Français de l'étranger, leur organisation représentative. On pourrait également faire participer à la réflexion les deux associations principales qui représentent nos compatriotes, l'Union des Français de l'étranger, plutôt proche de la majorité, mais aussi Français du monde, association démocratique des Français de l'étranger, au sein de laquelle l'opposition compte quelques amis.
Ces associations pourraient nous éclairer sur la façon de découper, par exemple, le continent africain. La population de nos compatriotes vivant dans le Maghreb – Algérie, Tunisie et Maroc – ne justifierait-elle pas à elle seule une circonscription ? Sauf que, compte tenu des résultats de la dernière élection présidentielle, il s'agirait d'une circonscription de gauche, Ségolène Royal l'emportant largement. Si l'on descend la limite de la circonscription au niveau de l'équateur, celle-ci deviendrait conservatrice.
On pourrait tirer un exemple similaire du continent américain. Compte tenu du nombre de compatriotes qui vivent de la pointe de l'Amérique latine jusqu'au nord du Canada, il y a de quoi faire deux circonscriptions. À quelle circonscription rattacher les États-Unis d'Amérique ? Si l'on choisit de les rattacher au Canada, nous aurons une circonscription de droite. Si l'on réunit les États-Unis et l'Amérique latine, la circonscription pourrait être de gauche.
Voilà des observations de la carte électorale qui ne prêtent pas à polémique.
Pour déterminer la dimension d'une circonscription il convient de prévoir une procédure de consultation. Loin d'être absurde, c'est la voie du bon sens.
La parole est à M. Bruno Le Roux, pour une brève intervention, compte tenu de la longueur de celle de M. Urvoas.
Je défends l'amendement n°3489 que j'ai cosigné avec Aurélie Filippeti, qui l'aurait soutenu différemment et sans doute bien mieux que moi.
Vous auriez pu vous renseigner, monsieur Le Roux, et constater que votre amendement est identique !
Cet amendement est important car s'il avait utilisé la procédure d'évaluation renforcée que nous proposons, le Gouvernement aurait peut-être pu éviter la censure du Conseil constitutionnel sur deux textes examinés par l'Assemblée à la fin de l'année dernière.
Cette étude d'impact n'eût pas manqué d'être passionnante car nous aurions pu nous mettre d'accord dès le début de notre réflexion, forts du principe que le découpage électoral ne doit rien privilégier d'autre que l'égalité de suffrage de nos concitoyens, ce que rappelle régulièrement le Conseil constitutionnel. Nous aurions pu travailler sur la méthode ou sur le territoire sur lequel l'appliquer.
En ce qui concerne la méthode, d'autres que celle de la tranche étaient envisageables, comme celle du plus fort reste ou celle de la plus forte moyenne. Elles génèrent des écarts importants. Le Gouvernement a fait le choix de la méthode de la tranche. Si nous l'avions appliquée à l'ensemble du territoire national, il était possible d'envisager un redécoupage de circonscriptions dont l'écart des populations serait demeuré de 1 % à 2 %, c'est-à-dire qu'il aurait été possible d'atteindre l'égalité presque réelle de suffrage entre nos concitoyens. À l'échelle de la grande région, celle créée pour les élections européennes, nous aurions constaté que l'égalité de suffrage aurait été à peu près respectée. En descendant à l'échelon régional, la méthode de la tranche aurait encore permis d'obtenir une égalité réelle de suffrage entre nos concitoyens.
Le Gouvernement a préféré l'ancienne méthode départementale.
L'évaluation renforcée dont il est question aurait permis à chacun de travailler sur le fondement des recommandations du Conseil constitutionnel et d'éviter, comme peut le craindre Aurélie Filippetti en Moselle, les conséquences de ce redécoupage dont M. Urvoas est bien aimable de penser qu'il se prépare dans le bureau de M. Marleix, alors que c'est sans doute plutôt vers la rue de la Boétie que nous devrions tourner nos regards. Nous avons tout à craindre de la méthode du Gouvernement qui n'a pas fait l'objet d'une évaluation renforcée.
Je souhaite formuler trois observations sur l'amendement n°3492 . Si une étude d'impact avait été menée, le Gouvernement aurait pu éviter trois censures du Conseil constitutionnel.
La première concernait le remplacement par son suppléant d'un ministre qui quitte le Gouvernement et décide de ne plus siéger au Parlement.
…et nous aurions évité la censure du Conseil constitutionnel.
La deuxième censure a porté – je dois le rappeler devant le rapporteur – sur le seul amendement de l'opposition que la majorité avait accepté. J'en profite pour vous rappeler, monsieur le secrétaire d'État et monsieur le rapporteur, que sur ce texte, le groupe socialiste s'était opposé de manière parfaitement constructive…
…en faisant un grand nombre de propositions. Tous ses amendements ont été refusés sauf un dont j'étais l'auteur et que le Conseil constitutionnel a censuré. Cet amendement prévoyait que, dans certains cas bien précis, on pouvait ne pas respecter la démographie pure compte tenu de circonstances particulières. Faute d'études d'impact, la portée de l'amendement est devenue générale et le Conseil constitutionnel a considéré qu'on méconnaissait ainsi le principe d'égalité démographique.
En réalité, cet amendement ne concernait qu'une voire deux circonscriptions d'outre-mer où la situation se révèle vraiment particulière. C'est le cas de la collectivité départementale de Mayotte qui officiellement compte environ 180 000 habitants. Je ne sais d'ailleurs pas comment l'INSEE parvient à ce chiffre étant donné la façon dont la population est répartie sur le territoire, étant donné l'absence d'état-civil – qui n'est d'ailleurs pas fiable quand il existe –, étant donné que plus d'un tiers voire la moitié de la population est composée de clandestins – soit 90 000 personnes. Imaginez-vous qu'avec cette proportion sur le territoire métropolitain, nous aurions près de 30 millions de clandestins !
Le nombre des électeurs à Mayotte représente un tiers de la population contre 75 % à 80 % dans toutes les autres circonscriptions françaises, y compris outre-mer. Cela pose tout de même un problème ! Eh bien, faute d'avoir réalisé une étude d'impact, la disposition particulière que prévoyait mon amendement a été censurée.
Enfin, troisième et dernière observation, on aurait pu faire une étude d'impact avant de décider de créer un poste de député à Saint-Martin et à Saint-Barthélémy.
Je dirais même que si l'on avait effectué cette étude d'impact pour les sénateurs, on se serait aperçu qu'il faut douze voix pour élire un sénateur à Saint-Barthélemy et…
J'avais souhaité savoir combien coûtait, en dollars ou en euros, la voix d'un électeur à Saint-Martin ou à Saint-Barthélemy. C'est la seule étude d'impact que j'avais réclamée. Si elle avait été effectuée, on aurait peut-être pu éviter une telle incongruité.
Le Conseil constitutionnel, fort heureusement, a censuré la création de deux députés supplémentaires.
Non ! Il a confirmé le vote de l'Assemblée nationale, et a désavoué ceux qui, le soir même du vote, se sont permis de faire une déclaration à l'AFP !
C'est M. Dosière qui a la parole, monsieur le président de la commission des lois.
Mais j'autorise parfaitement le président de la commission des lois à m'interrompre. Même s'il ne m'en a pas demandé l'autorisation, c'était implicite.
Je termine, monsieur le président.
Monsieur le président de la commission des lois, le Conseil constitutionnel a bien reconnu que l'on ne pouvait pas créer un siège de député pour une population trop restreinte, et qu'il fallait prendre en compte le critère de l'égalité démographique. Cela veut bien dire, en clair, qu'il n'y aura pas un député pour Saint-Martin et un député pour Saint-Barthélemy, mais qu'il y aura un député qui, comme aujourd'hui peut-être, représentera Saint-Martin, Saint-Barthélemy et une partie de la Guadeloupe.
Voilà, monsieur le président, ce que des études d'impact auraient permis de vérifier.
…de M. Dosière – que tout le monde partage ici, parce qu'elle est juste –, l'amendement n° 3493 est défendu.
Je vais abonder dans le sens de mes collègues.
Cet amendement n° 3494 , que j'ai cosigné avec mon collègue Jacques Valax, concerne l'évaluation renforcée en matière de redécoupage des circonscriptions électorales.
Pour qu'un découpage soit cohérent et accepté, il doit bien évidemment être indiscutable. Cela aurait impliqué qu'un certain nombre de conditions soient réunies.
Il aurait fallu constituer une commission pour mener une étude d'impact en amont du projet de loi. Cela me semble tout à fait essentiel.
Il aurait fallu que la commission soit constituée par la représentation équilibrée des acteurs et représentants politiques, et non pas simplement désignée par la majorité.
Il aurait fallu faire une étude d'impact sur les dispositions permettant le remplacement définitif, par son ou sa suppléante, d'un parlementaire ayant accepté des fonctions gouvernementales et renonçant à reprendre l'exercice de son mandat avant l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation de ses fonctions gouvernementales. Ces dispositions méconnaissaient le deuxième alinéa de l'article 25 de la Constitution – nous vous l'avions dit –, qui ne prévoit, dans ce cas, qu'un remplacement temporaire. Le Conseil constitutionnel nous a donné raison puisqu'il a censuré ces dispositions.
Il aurait fallu faire une étude d'impact sur le principe retenu par le Gouvernement de deux députés par département. Là aussi, notre groupe avait prévenu le Gouvernement que ce principe allait accentuer plus encore les déséquilibres déjà induits par la méthode de la tranche. Le principe a été rejeté par le Conseil constitutionnel. Vous feriez bien, sur un sujet comme celui-ci, de nous écouter.
Il aurait fallu une étude d'impact sur l'article 2-II-1° de la loi prévoyant que les opérations de redécoupage des circonscriptions législatives, mises en oeuvre sur des bases essentiellement démographiques, pouvaient faire l'objet d'adaptations justifiées par des motifs d'intérêt général « en fonction notamment de l'évolution respective de la population et des électeurs inscrits sur les listes électorales ». Le Conseil constitutionnel a censuré cette règle qui méconnaissait le principe d'égalité devant le suffrage.
Il aurait fallu faire une étude d'impact sur le déséquilibre démographique qu'induit la méthode dite de « la tranche » retenue par le Gouvernement pour découper les circonscriptions.
Il aurait fallu encore une étude d'impact sur la méthode de découpage électoral dite du « plus fort reste », pour vérifier que cette méthode conduit à un déséquilibre démographique moindre que celui de la méthode de la tranche retenue par le Gouvernement.
Il aurait fallu faire une étude d'impact sur la méthode de découpage électoral dite de la « moyenne arithmétique », pour vérifier que cette méthode conduit à un déséquilibre démographique moindre que celui de la méthode de la tranche retenue par le Gouvernement.
Il aurait fallu faire une étude d'impact sur la méthode de découpage électoral dite de la « plus forte moyenne », pour vérifier que cette méthode conduit à un déséquilibre démographique moindre que celui de la méthode de la tranche retenue par le Gouvernement.
Et ce n'est pas fini.
Il aurait fallu faire une étude d'impact comparative des différentes méthodes de découpage électoral. Bien évidemment, la méthode de la « moyenne arithmétique », recommandée par notre groupe, aurait assuré un meilleur équilibre démographique entre circonscriptions.
J'ai encore, monsieur le président, toute une série d'arguments,…
…pour bien montrer que cet amendement se justifie par le fait qu'il est indispensable de renforcer les méthodes d'évaluation. Et le découpage électoral est un sujet beaucoup trop important pour que l'on se permette de rejeter cet amendement.
Monsieur le président, pour une excellente organisation de nos travaux, qui, j'en suis sûr, va convenir à tout le monde, le Gouvernement demande l'application de l'article 96 du règlement et la réserve sur les votes portant sur cette série d'amendements.
Il s'agit bien des amendements après l'article 7, monsieur le président ?
Exactement.
Vous cherchez à faciliter les choses, je l'ai bien noté, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État. Nous allons donc continuer à défendre nos amendements autant qu'il le faudra. Et quand nous aurons terminé, nous passerons à la suite, c'est-à-dire à l'article 13, comme vous l'avez décidé.
Voilà. Vous pensez accélérer les choses, mais, à chaque fois que vous prenez une mesure autoritaire, c'est-à-dire en appliquant de façon stricte le règlement et la Constitution, vous prenez la responsabilité de faire vous-mêmes l'obstruction que vous ne cessez de dénoncer.
Vous vous parlez trop, monsieur le président et monsieur le secrétaire d'État ! Cela vous amène à faire des bêtises. À force de multiplier les allers et retours entre le banc du Gouvernement et le perchoir, voilà où ça mène !
Il n'y a pas d' « application stricte », monsieur Ayrault. C'est l'application du règlement : la réserve est de droit si le Gouvernement la demande.
Nous en revenons aux amendements identiques n° 3487 à 3508 . La parole est à M. Jean-Michel Clément.
Comme vient de le souligner mon collègue Philippe Vuilque, la seule bonne méthode, c'est celle qui est acceptée par tous. Et pour cela, il est nécessaire d'en mesurer les effets.
Il a rappelé un certain nombre d'études qui auraient été nécessaires. D'autres travaux l'auraient également été. Dans nos territoires, urbains et ruraux, chacun, en fonction de sa situation, a une porte d'entrée différente par rapport à l'opinion qu'il se fait d'un découpage électoral. Il aurait ainsi été nécessaire de mener une étude d'impact sur le périmètre géographique du découpage, en comparant les effets démographiques qu'induirait chaque méthode. Sans cela, on ne saura jamais quelle est la méthode la plus pertinente.
Il aurait également fallu mener une étude d'impact sur le périmètre géographique du découpage, en comparant les effets démographiques qu'induirait chaque méthode si l'on avait retenu pour base la région.
Il aurait fallu d'autres études encore pour compléter cette approche. Il aurait été pertinent de mener une étude d'impact sur le périmètre géographique du découpage, en comparant les effets démographiques qu'induirait chaque méthode si l'on avait retenu pour base la grande région, puisque l'on évoque, ici ou là, la possibilité de raisonner sur des circonscriptions bien plus larges que la région telle que nous la connaissons.
Cependant ce n'est pas suffisant.
Il aurait également fallu mener une étude d'impact sur le périmètre géographique du découpage, en comparant les effets démographiques qu'induirait chaque méthode sur l'ensemble du territoire de la République française, ce qui n'a pas été fait.
Faute de ces études, le découpage auquel il sera procédé conduira, quoi qu'il arrive, à des effets qui seront mal perçus pas nos concitoyens.
…je voudrais dire combien, sur les questions relatives au découpage des circonscriptions, il est essentiel de procéder à toutes les études d'impact, ce que nous avons appelé une évaluation renforcée. Pour plusieurs raisons. Elles ont été brièvement évoquées, mais je veux revenir sur certaines d'entre elles.
Tout d'abord, nous avons dû attendre le début de cette année, mes chers collègues, pour avoir les résultats du recensement. L'INSEE avait pourtant des chiffres par communes. Peut-être certains avaient-ils d'autres clés d'entrée sur les résultats du recensement. En tout cas, en ce qui nous concerne, nous avons dû attendre la première quinzaine des mois de janvier pour disposer des résultats canton par canton, puisque, aux dernières nouvelles, ce sont les cantons qui seront les limites des circonscriptions législatives.
Autre remarque, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, le mode de calcul d'après la méthode utilisée donne des résultats extrêmement différents. Cela a été souligné par plusieurs de mes collègues. Selon qu'on retient l'État tout entier, la grande région, la région ou le département, on a des résultats très différents.
J'enseignais les mathématiques il y a encore peu de temps. Suivant qu'on utilise la méthode dite « de la tranche », du « plus fort reste » ou de « la plus forte moyenne » – ou d'ailleurs toute autre méthode que l'on pourrait imaginer –, l'égalité entre les citoyens est plus ou moins bien respectée. Or c'est bien la préoccupation qui doit être au coeur de la méthode finalement retenue. Des majorités peuvent se faire ou se défaire selon les modes de découpage utilisés.
Dernière remarque, monsieur le président – je vais essayer d'être bref puisque vous m'y invitez –, on entend, ici ou là, parler d'un redécoupage des cantons. Si vous redécoupez les cantons dans un délai relativement court, et c'est une hypothèse qui n'est pas exclue, je crois que nous aurons plus que jamais besoin d'une évaluation renforcée, pour voir dans quelle mesure ces découpages respecteront l'égalité entre les citoyens, ce qui est l'unique but que tout le monde ici doit rechercher.
Dans cet amendement n° 3500 , l'enjeu est vraiment l'un des fondements de notre démocratie, puisqu'il s'agit de l'égalité de représentation des citoyens, de l'égalité du suffrage.
Ce travail ne peut se faire dans le secret du cabinet du ministre chargé de la rédaction du projet. Il faut absolument éviter l'improvisation à laquelle on a assisté pour organiser la représentation de la Lozère et de la Creuse, par exemple, à moins de vouloir souligner l'oubli dont ces départements magnifiques ont fait l'objet de la part de l'État en matière d'aménagement du territoire.
Je vais ajouter deux points aux excellents arguments de mes collègues. Je serai bref.
Les lois de cette nature doivent être juridiquement sécurisées si l'on veut une adhésion de la population à notre démocratie. L'absentéisme électoral doit nous mettre en garde.
Par ailleurs, je pense que la majorité est soucieuse de gagner du temps dans l'organisation de nos débats. Or des études d'impact sérieuses, de qualité, accéléreraient considérablement nos débats.
…que j'ai déposé avec mon collègue Christian Paul.
La majorité n'a de cesse de dire que nous déposons toujours les mêmes amendements.
Si nous sommes obligés de faire cela, c'est parce que vous ne comprenez pas.
Pour justifier les procédures d'évaluation renforcée, chaque amendement traite d'un sujet, voire d'un objet – puisque c'est apparemment un mot qui vous plaît, maintenant, dans la loi – différent. Un seul exemple devrait suffire mais, comme il ne vous suffit pas, et puisque nous avons un temps de parole limitée sur chaque amendement, nous sommes obligés de multiplier nos interventions. Nous en sommes désolés. Nous attendons que l'un ou l'une d'entre vous se lève et nous dise : « Je vous ai compris. » Alors, nous arrêterons. (Sourires)
Si nous souhaitons des garde-fous dans le découpage des circonscriptions, c'est que les quelques mois qui viennent de s'écouler ne nous ont pas rassurés quant à la démocratie que vous entendez installer dans notre pays.
La majorité parlementaire, et nous l'avons dit à de nombreuses reprises, nous paraît ficelée, corsetée par le pouvoir exécutif.
La réforme de l'audiovisuel public n'est pas de nature à nous rassurer sur le pluralisme, ni sur les conditions nécessaires pour que chacun puisse s'exprimer en fonction de ses convictions. Et nous avons vu les incursions que vous avez faites dans le monde de la justice.
Le découpage des circonscriptions doit être un outil démocratique assurant que chacun puisse être représenté par le suffrage universel. Or, au vu du passé récent, nous avons des doutes. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) Le Conseil constitutionnel vous a d'ailleurs récemment désavoué sur plusieurs points.
Nous souhaitons donc des évaluations renforcées des projets de loi relatifs au découpage des circonscriptions électorales, pour qu'il y ait enfin une vraie démocratie dans ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Dans une démocratie réelle, une véritable égalité des suffrages semble indispensable. Si les méthodes pour y parvenir sont multiples, celle retenue par le Gouvernement est tout à fait contestable et manque totalement de transparence. Comme l'a souligné Catherine Lemorton, des doutes subsistent. C'est pourquoi l'amendement n° 3504 que je défends, cosigné avec mon collègue Jean-Claude Fruteau…
…vise à imposer une obligation d'évaluation en la matière.
Certes, une vraie égalité, un véritable équilibre sont difficiles à atteindre, mais nous en sommes très loin avec votre méthode, monsieur le secrétaire d'État, notamment pour les députés de l'étranger. Une étude d'impact est indispensable pour prévenir ces abus et ces disparités entre circonscriptions qui sont incompréhensibles pour nos concitoyens.
J'ai déposé cet amendement n° 3507 avec mon collègue et ami Christian Bataille. Nous souhaitons également insister sur l'importance des évaluations et des études d'impact en matière de découpage électoral.
Au cours du débat sur la dernière loi de redécoupage, j'ai entendu à plusieurs reprises, dans cet hémicycle, certains membres du Gouvernement défendre une règle, dite républicaine, du minimum de deux députés par département. Je me suis interrogé, j'ai regardé dans les manuels d'histoire et de droit pour savoir ce qu'il y avait de républicain dans le fait qu'un département de 76 000 habitants ait deux députés et un département voisin qui compte trois fois plus d'habitants ait le même nombre de députés. Qu'est-ce que la République, quand elle est si inégalitaire ? Or cette règle dite républicaine a été évoquée à maintes reprises par des ministres, qui se faisaient en réalité un devoir – nous le savons tous – de défendre des sièges de la majorité conservatrice.
Si l'on avait évalué cette règle « républicaine », si l'on avait pris le temps de regarder, avec sagesse, ce qu'il en est vraiment de ce caractère prétendument républicain, on aurait évité la censure du Conseil constitutionnel.
Monsieur le président, je sais que vous êtes breton, mais permettez au montagnard que je suis de souligner que, dans un département comme le mien, celui des Hautes-Pyrénées, qui comptait trois circonscriptions et n'en comptera plus que deux, ce dont je ne me plains pas car je trouve cela normal, il faut réfléchir à deux fois et réaliser des évaluations précises pour savoir comment partager trois vallées et des milliers de kilomètres carrés de montagne de façon à ce que les deux futurs parlementaires ne se retrouvent pas dans la situation, l'un, de pouvoir aller d'un bout à l'autre de sa circonscription en trois-quarts d'heure, l'autre, d'avoir à le faire en quatre heures et demi. C'est une question sensible, qui mérite des études d'impact, de l'évaluation, du temps, de la sagesse, ce qui n'a pas toujours été le cas dans le passé, en particulier dans le passé proche.
Quel est l'avis de la commission sur cette série d'amendements identiques ?
Défavorable.
Le vote sur les amendements identiques n° 3487 à 3508 est réservé.
Nous en venons donc aux amendements identiques, nos 3421 rectifié à 3 442 rectifié .
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour défendre l'amendement n° 3421 rectifié .
Lors de la discussion de l'article 7, le rapporteur a dit à quel point les efforts avaient été importants pour obtenir que nous votions moins de lois, et qu'elles soient moins complexes et plus utiles à nos concitoyens.
Nous avons déposé un certain nombre d'amendements destinés à préciser quels textes, outre l'évaluation préalable, nécessitaient une évaluation renforcée, compte tenu notamment de leur caractère sensible, je n'ose pas dire de leur dangerosité.
Nous demandons que les projets de loi relatifs aux états de crise fassent l'objet de telles évaluations. Chacun – votre serviteur comme les autres – se demande ce qu'est un état de crise. Nous connaissons l'état d'urgence ou encore l'article 16, qui confère les pleins pouvoirs au Président de la République, dans des conditions que, personnellement, je considère exorbitantes. À tout le moins, il s'agit là d'éléments précis.
Or la révision constitutionnelle du mois de juillet a introduit une nouvelle notion, celle d'état de crise.
Quand le texte est venu en discussion devant l'Assemblée nationale, nous avions été plusieurs à interroger la garde des sceaux sur ce qu'était un état de crise. Je confesse ne pas avoir bien retenu la définition qu'elle en donna ; je me rappelle qu'elle évoqua la notion de terrorisme, allant jusqu'à affirmer que si une telle situation devait se produire dans notre pays, il faudrait peut-être recourir à l'article 16, ce qui nous surprit grandement. Elle fit également référence à la situation extrêmement tendue que nous avions connue quelques années auparavant dans les banlieues et qui avait justifié que le Gouvernement prenne en conseil des ministres la décision de recourir à des procédures exceptionnelles.
Cette notion fait peser une menace sur les libertés individuelles et publiques, ainsi que sur le fonctionnement des services publics de la police, de la gendarmerie ou de la justice, d'autant que, dans quelques semaines, notre assemblée va être saisie d'un projet de loi visant, dans la droite ligne de ce qui avait été fait en 2002, à mettre sous la seule responsabilité du ministre de l'intérieur la police nationale et la gendarmerie, alors que cela n'est actuellement le cas que pour l'emploi. Je ne veux pas anticiper sur ce que nous aurons l'occasion de dire dans ce débat, mais je ne crois pas que les libertés individuelles furent le mieux garanties dans les périodes de notre histoire où les deux forces furent placées sous la même autorité. Bien au contraire.
Je conclus, monsieur le président, en espérant donner l'occasion de nous répondre au secrétaire d'État, que je trouve bien discret ces temps-ci. Je l'ai entendu dire que ces propos étaient des turlutaines, des refrains répétés sans conviction. J'espère qu'il voudra au moins nous expliquer ce qu'est un état de crise.
Comme l'a indiqué mon collègue Jean-Jacques Urvoas, la définition de l'état de crise pose problème. Le flou juridique qui entoure cette notion ne me semble pas correspondre au souhait exprimé par le président Warsmann que la loi soit plus précise, moins bavarde et mieux écrite.
Nous voulons des études d'impact renforcées sur les incidences des projets de loi relatifs aux états de crise. Nous ne savons pas exactement ce peut être le contenu de cette nouvelle catégorie de projets de loi consacrée par la révision constitutionnelle de 2008. Ce que l'on sait, c'est que ces projets ne sont pas soumis aux délais minimaux d'examen en commission prévus à l'article 42 de la Constitution, et que, en outre, l'article 48 de la Constitution dispose qu'ils sont inscrits à l'ordre du jour « par priorité », c'est-à-dire aux dépens de la partie réservée aux propositions de loi.
Enfin, le présent projet de loi organique dispose que les projets de loi relatifs aux états de crise sont exclus de l'obligation faite au Gouvernement de présenter des études d'impact.
En raison du flou total entourant la notion, nous sommes en droit de nous inquiéter quant à l'application qui pourrait être faite de ces projets de loi.
En 1962, lorsque le général de Gaulle entendit organiser un référendum sur l'élection du Président de la République au suffrage universel direct, il s'appuya sur l'article 11 de la Constitution faisant référence aux projets de loi relatifs à l'organisation des pouvoirs publics. Désormais, le Président de la République pourra s'appuyer sur la référence aux projets de loi relatifs aux états de crise pour justifier l'examen expéditif de textes relatifs, par exemple, à la crise économique ou à la crise sociale. Une interprétation extensive de cette notion, qui n'est pas – nous le savons – celle du président Warsmann, mais qui pourrait être celle du Gouvernement, permettrait à ce dernier de vider de toute substance l'article 7 du présent projet de loi organique, qui impose des études d'impact…
Ce qui ôterait tout intérêt aux nouvelles dispositions constitutionnelles augmentant les délais d'examen des projets de loi.
Cet amendement n° 3428 rectifié , cosigné par mon collègue et ami Jacques Valax, porte sur l'évaluation renforcée concernant les projets de loi relatifs aux états de crise. S'il est un sujet qui mérite des évaluations renforcées, c'est bien cette catégorie de projets de loi.
Comme viennent de le rappeler mes excellents collègues Aurélie Filippetti et Jean-Jacques Urvoas, le sujet pose problème. On se demande ce que le Gouvernement a voulu dire en mentionnant cet état de crise sans en préciser la définition. Nous sommes dans un flou juridiquement dangereux et politiquement risqué, pour les citoyens et pour les libertés publiques.
Ainsi que l'a très bien montré Jean-Jacques Urvoas, alors que l'état d'urgence est défini, tout comme les conditions d'application de l'article 16, on vient nous parler aujourd'hui d'un état de crise dont la définition fait défaut. L'état de crise, cela peut être tout et n'importe quoi : une crise politique, une crise économique, une crise sociale… Qui en décidera, si ce n'est le Gouvernement, qui proposera des projets de loi sur ces états de crise sans que nous ayons notre mot à dire, sans qu'une évaluation précise et exhaustive soit conduite ni que la moindre garantie juridique soit apportée ?
Je crois donc que cet amendement a toute sa pertinence, et je demande à nos collègues d'y réfléchir et de l'adopter.
L'article 7 nous amène à une réflexion sur l'essence même de la démocratie.
Prenons l'hypothèse d'un texte qui aurait été adopté sur le fondement de l'état de crise sans qu'il y ait eu d'étude d'impact. Une fois le texte voté, les citoyens n'auront pas la possibilité de faire prendre les sanctions qui auraient normalement conduit à empêcher l'application de ce texte. Je m'explique.
Si un texte est adopté sur le fondement d'un état de crise qui n'est pas clairement défini, toute étude d'impact faisant défaut, les textes d'application ne pourraient être déclarés non conformes à la Constitution ; toute procédure en ce sens sera de nul effet.
Il est donc important que cette notion d'état de crise soit clairement explicitée. Il est possible de se mettre d'accord sur une définition, mais laisser le flou autour de cette notion n'est pas acceptable au plan démocratique. Une telle précision faisant défaut, le dispositif comporte des risques pour tout le monde. Il faut être beaucoup plus précis sur la terminologie, et j'espère que, le moment venu, le Conseil constitutionnel saura le dire.
Chacun s'accorde à reconnaître que la notion d'état de crise est une notion floue.
Il serait utile que le secrétaire d'État précise dans ses réponses – si toutefois il souhaite en apporter, parce qu'il est étrangement muet –, ce que le Gouvernement entend par état de crise.
Nous y reviendrons peut-être à l'article 10.
En tout cas, que se passe-t-il si l'état de crise concerne la crise financière et la crise économique ? Je sais que ce n'est pas l'avis du rapporteur, mais il ne fait pas seul la loi, et des précisions ministérielles pourraient nous éclairer. En effet, je vais donner trois exemples de mesures sur lesquelles aucune évaluation n'a été faite alors qu'il s'agissait de décisions annoncées au moment de la crise financière.
Tout d'abord, face à la crise du pouvoir d'achat, le Gouvernement n'a pas trouvé mieux, pour ouvrir nos travaux de reprise à l'automne dernier, que de déposer un projet de loi visant à dynamiser les revenus du travail. On nous a expliqué que ce sont l'intéressement et la participation qui allaient pallier la baisse du pouvoir d'achat. Patatras ! Les mauvais résultats des entreprises font que les participations versées vont se réduire comme peau de chagrin, et que l'intéressement devient peu envisageable.
Deuxième exemple, encore plus frappant : au début de la crise financière, le Président de la République, un dimanche soir, s'est mis à annoncer que le Gouvernement allait faire en sorte que 30 000 logements en voie d'achèvement futur de travaux soient rachetés. Or on ne savait pas lesquels, avec quel budget, à quel prix et par qui. Quelles structures devaient les racheter ? S'agissait-il des organismes sociaux ? De la Caisse des dépôts ? On ne le sait toujours pas d'ailleurs puisque l'on n'entend plus beaucoup parler de cette mesure, même si chacun sait que quelques personnalités réputées proches comme des frères du Président de la République sont fortement concernées par ces opérations immobilières.
Enfin, troisième et dernier exemple : au coeur de la crise économique, le Président de la République a inventé, comme remède à la crise, l'ouverture des commerces le dimanche. La France entière en rit encore puisque, pour augmenter le pouvoir d'achat et répondre ainsi à la crise, le Gouvernement va proposer aux Français de dépenser le dimanche ce qu'ils ne dépenseront donc pas un autre jour de la semaine.
Au nom de la crise et de l'urgence, il y a des mesures que l'on essaye de faire passer sans évaluation préalable. C'est bien ce qui justifie notre amendement n° 3432 rectifié .
Cet amendement n° 3434 rectifié est important car, si la crise relève, elle, de l'urgence, les dispositions organisant les services publics en situation d'état de crise non seulement ne relèvent pas de l'urgence ; elles devraient au contraire faire l'objet d'un débat parlementaire, en toute connaissance de cause et dans la plus grande sérénité. Or où est l'évaluation du dernier état d'urgence décrété par le Gouvernement ? Les limitations concrètes des libertés fondamentales étaient-elles nécessaires en 2005 ? Cela mériterait d'être évalué.
Les plans de crise, eux, sont très précis, mais ressortissent au domaine réglementaire, et accordent des pouvoirs exorbitants, notamment aux représentants de l'État. Les lois qui les encadrent devraient d'autant plus être votées à la lumière d'évaluations des différentes situations de crise passées. Il est donc nécessaire de procéder à des évaluations renforcées des lois qui organisent la gestion de l'état de crise.
Monsieur le président, je défends l'amendement n° 3437 rectifié , co-signé par mon collègue Christian Paul.
Monsieur le secrétaire d'État, première remarque : il est assez amusant de voir que vous aviez déjà prévu, dans la révision constitutionnelle de 2008, les projets de loi relatifs aux états de crise. Or, bizarrement, la crise financière n'a été révélée par le Gouvernement qu'en septembre. Comme quoi, au-delà des propos de Mme Lagarde qui, en mai-juin, jubilait de la réussite française, vous aviez déjà sans doute anticipé sur cet état de crise que vous avez voulu cacher aux Français.
Mais qu'est-ce qu'un état de crise ? Voilà une question qui suscite beaucoup de débats : il y a très clairement une crise du logement aujourd'hui ; la crise de l'emploi a déjà commencé et va aller croissante, nous le savons tous, même si l'on n'ose l'affirmer et le dire aux Français que de ce côté-ci de l'hémicycle ; et puis il y a la crise financière. Face à cette dernière, le Président de la République s'est agité, il a débloqué 10,5 milliard d'euros, réinjectés dans les banques pour les recapitaliser ; notre collègueDidier Migaud le rappelait aux questions au Gouvernement.
À l'époque, nous avions demandé, nous, de vraies contreparties pour ne pas léser nos concitoyens puisque l'engagement du Gouvernement était censé être fait pour eux. Mais, aujourd'hui, le Gouvernement réinjecte 10,5 milliards d'euros et, d'un seul coup, tout le monde se rend compte qu'il faudrait peut-être demander, enfin, des contreparties aux patrons des banques concernées : on les enjoint de renoncer à leurs gratifications, bonifications et dividendes.
Évidemment, certains ne veulent pas. Si des évaluations renforcées avaient été exigées dès le départ, nous n'en serions pas arrivés au point où c'est le Gouvernement qui est pris en otage par les banques. Je vous demande donc de voter l' amendement n° 3437 rectifié .
S'agissant des projets de loi relatifs aux états de crise, je rappelle que cette nouvelle catégorie de lois a été consacrée par la révision constitutionnelle de 2008 sans que l'on sache à quoi correspond son contenu.
L'article 10 du projet de loi organique prévoit que les projets de loi relatifs aux états de crise sont exclus de l'obligation pesant sur le Gouvernement de présenter des études d'impact. Mais qu'est-ce qu'un état de crise ? Tous les sujets de société peuvent être parfois considérés en état de crise : crise du logement, crise de l'hôpital et – pourquoi pas ? – crise écologique ? Voilà ce qu'il est convenu d'appeler « une notion floue ».
On imagine dès lors les risques qu'elle porte en germe, eu égard au principe fondamental de sécurité juridique.
Certains pensent, comme le rapporteur, que cette notion renvoie exclusivement aux projets de loi relatifs à l'état de siège ou à l'état d'urgence, mais ce n'est qu'une des interprétations possibles. À mon avis, il y a danger. Le Président de la République ne pourra-t-il pas s'appuyer sur la notion de projets de loi relatifs aux états de crise pour justifier l'examen expéditif des textes relatifs aux crises économiques ou sociales ? Qui dit examen expéditif, dit examen bâclé.
Le caractère flou de cette expression a d'ailleurs conduit le rapporteur a déposé un amendement visant à exclure les textes relatifs aux crises économiques ou sociales de la catégorie des projets de loi sur les états de crise.
Cet amendement n° 3438 rectifié vise à imposer une évaluation préalable renforcée pour cette nouvelle catégorie de textes. Il est impératif qu'ils ne soient pas votés dans la précipitation, mais que, au contraire, leur examen soit précédée d'une phase de consultations et d'enquête publique. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Qui dit cela ? Le président de la commission ou le rapporteur ? (Sourires.)
Les lois relatives aux états de crise sont des lois d'exception en raison de leur délai d'examen raccourci, de leur inscription prioritaire à l'ordre du jour et de la dispense d'études d'impact dont elles font l'objet. En tant que démocrate, je n'aime pas les lois d'exception. Thucydide disait que tout homme détenteur d'un pouvoir allait toujours au bout de son pouvoir.
De plus, je pense que les lois d'exception sont à bannir des législations démocratiques car gouverner,…
C'est prévoir !
…c'est gérer des crises, monsieur le secrétaire d'État.
Je ne veux pas m'étendre ici sur des souvenirs personnels, mais je me rappelle que quand j'étais ministre de l'agriculture, je n'ai cessé de gérer des crises : des crises économiques, comme lorsque le prix du porc s'écroulait sur le marché au cadran de Plérin ; des crises européennes quand l'Angleterre pestait et émettait des protestations parce que nous refusions de lever l'embargo sur le boeuf britannique ; des crises sociales lorsque la FNSEA versait des tonnes de purin dans les préfectures ; des crises alimentaires, avec la maladie de la vache folle.
On gère souvent des crises quand on est ministre. C'est le travail du Gouvernement que de les gérer. Or quelles seront demain les crises que le Gouvernement soumettra à des lois sur les états de crise ? S'agira-t-il des crises financières, boursières, bancaires, sociales ? Des crises dues au chômage et à l'exclusion ? Ou bien s'agira-t-il de la crise du logement, de la crise hospitalière, ou encore de la crise démocratique, pourquoi pas ? Le temps où la France ne sera plus en crise n'est pas encore venu.
Cela signifie que ces lois, conçues dans leur énoncé même comme des lois d'exception, vont devenir des lois banales, des textes correspondant à l'activité quotidienne du Gouvernement.
C'est pourquoi nous sommes très réservés sur la notion de projets de loi relatifs aux états de crise et demandons que l'on revienne sur ces lois d'exception en instaurant des études d'impact nécessaires à leur évaluation.
Avis défavorable.
Le vote sur les amendements n°s
3421 rectifié à 3442 rectifié est réservé.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma