La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par le Sénat, de réforme des collectivités territoriales (nos 2779, 2720).
Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
Le temps de parole restant sur ce texte est de trois heures trente-quatre pour le groupe UMP, cinq heures quarante pour le groupe SRC, deux heures vingt-quatre pour le groupe GDR, deux heures neuf pour le groupe NC et trente minutes pour les non-inscrits.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Philippe Vigier, pour dix minutes.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre pays a engagé voici près de trente ans un vaste mouvement de décentralisation qui a contribué à libérer l'énergie de nos territoires et à renforcer la démocratie et les libertés locales.
Ce mouvement de décentralisation avait également pour ambition de consacrer une nouvelle forme de gestion publique, plus efficace et plus proche des citoyens. De ce point de vue, la décentralisation est et continuera d'être pour la famille centriste l'essence d'une démocratie dans laquelle chacune et chacun aspire à prendre ses responsabilités et peut trouver une place dans la gestion du pays.
Toutefois, force est de constater que ce mouvement de décentralisation, entrepris en 1982 sous l'impulsion de Gaston Defferre et complété par la révision constitutionnelle de 2003 et par la loi du 13 août 2004 votée sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, en est aujourd'hui à un tournant.
Notre organisation territoriale est à bout de souffle, car le mouvement de décentralisation, dans notre pays, s'est essentiellement contenté de transférer des compétences sans véritablement s'attaquer aux structures, sinon pour les empiler, réduisant par là même l'autonomie fiscale des collectivités.
À l'heure de l'Europe, à l'heure de la mondialisation, à l'heure où l'efficacité de l'action publique doit soutenir le dynamisme d'un pays, et non le freiner, communes, intercommunalités, syndicats intercommunaux à vocation unique ou multiple, syndicats mixtes, départements, régions, États, Europe interviennent dans la gestion des territoires, ajoutant ainsi l'enchevêtrement des structures à celui des compétences.
Notre organisation territoriale est à bout de souffle, car la France a changé. Le développement des grands espaces urbains nécessite des politiques plus globales et de plus en plus intégrées, alors même que la ruralité française est en pleine mutation. En effet, plus que jamais, nos territoires ruraux sont tournés vers l'avenir, monsieur le ministre. En matière d'enjeux environnementaux, d'eau, d'assainissement, d'accès aux services, aux commerces, à la santé et à la culture, les aspirations sont désormais les mêmes. Il faut passer de la fracture à la solidarité territoriale par le renforcement de l'intercommunalité, mais aussi par une véritable péréquation.
Notre organisation territoriale actuelle est inadaptée aux défis de demain. À ce propos, je regrette l'absence de nos collègues socialistes : eux qui se prétendent attachés à la décentralisation et à l'action des élus locaux auraient prouvé cet attachement par leur présence.
Mes chers collègues, dans un monde en évolution constante, marqué par une crise sans précédent et dans lequel la compétition économique fait rage, le fonctionnement de nos collectivités locales doit être plus efficace afin que chaque euro investi soit un euro utile.
La réforme des collectivités locales lancée à l'initiative du Gouvernement devait ainsi clarifier une organisation territoriale devenue illisible et coûteuse, l'adapter aux nouveaux enjeux, simplifier la répartition des compétences et refonder la démocratie locale. En un mot, il fallait moderniser notre organisation institutionnelle et administrative locale.
La commission Balladur, à laquelle Dominique Perben s'est étroitement associé, consacrant à ce dossier un travail considérable, était partie d'un projet très global. Mes chers collègues, au moment où ce projet de loi de réforme des collectivités territoriales revient devant notre assemblée en deuxième lecture, l'impression qui domine est celle d'une occasion manquée – et même d'une occasion gâchée.
Tout d'abord, ce projet aurait dû constituer une ambition nouvelle pour cette démocratie locale. Monsieur le ministre, le principe du mode de scrutin pour l'élection du conseiller territorial avait été défini par un amendement défendu en première lecture au Sénat par Nicolas About et les membres du groupe de l'Union centriste, groupe qui vous est cher. Cet amendement, adopté en séance publique, prévoyait un mode de scrutin combinant scrutin uninominal – afin d'assurer la représentation des territoires, à laquelle nous sommes attachés – et scrutin proportionnel – afin de garantir l'expression du pluralisme politique, la représentation des territoires et la parité.
Cette solution était équilibrée et réaliste. Équilibrée, car elle permettait une juste représentation des territoires et des populations ; réaliste, car elle ne limitait pas le respect d'un principe essentiel, celui de la parité. En la matière, on ne peut évidemment se contenter de menacer les partis politiques d'une sanction financière.
Vous le savez, le groupe Nouveau Centre s'est déjà fait le porte-parole du monde rural en première lecture. Les élus de nos campagnes doivent être en nombre suffisant. Les garanties apportées lors du débat quant au nombre d'élus territoriaux vont dans ce sens, pour chaque département et chaque région. Cette avancée mérite d'être signalée.
Nos territoires ruraux ne veulent pas être victimes d'une double peine : la réduction de moitié des élus locaux et un rééquilibrage territorial démographique qui pourrait priver d'élus plusieurs territoires ruraux. Vous avez su leur répondre, monsieur le ministre.
L'émiettement des consultations électorales doit nous conduire à nous interroger. Le mode de scrutin que vous avez choisi pour l'élection des conseillers territoriaux, uninominal à deux tours, devrait faire de leur désignation un rendez-vous citoyen, pour peu que l'on explique que départements et régions travaillent ensemble, au service de nos concitoyens. Tel est le sens de la création du conseiller territorial. À cet égard, je regrette une fois de plus l'absence des représentants de la gauche, qui, en affirmant que cette réforme était faite contre les citoyens, ont montré qu'ils n'y comprenaient rien.
Au Nouveau Centre, nous pensons qu'il faut donner un sens au débat local et assurer la légitimité des élus ainsi que la bonne représentation de la diversité des opinions, afin d'éviter que la politique politicienne ne pollue les élections locales.
Je mets en garde le Gouvernement sur un point fondamental : il serait vraiment risqué de passer outre à l'avis du Sénat, qui représente par essence les collectivités territoriales. Il me paraît donc important que l'accord trouvé en première lecture permette en seconde lecture, à condition d'entendre le message adressé par les sénateurs, de parvenir à un compromis entre l'Assemblée et le Sénat. Je sais que le président du groupe UMP de l'Assemblée y est attentif. Tel est, monsieur le ministre, le souhait du Nouveau Centre.
Dans cet esprit, mon collègue Claude Leteurtre défendra un amendement tendant à abaisser de 3 500 à 2 000 habitants le seuil de passage au scrutin proportionnel de liste pour les élections municipales, car c'est le seul moyen de renforcer la parité. Il est dommage, je le répète, que nos collègues de gauche ne soient pas là pour nous entendre !
J'en viens à l'article 5, qui crée les métropoles. Sans reprendre toutes mes interventions lors de la discussion des articles en première lecture, je rappelle qu'il s'agit à mes yeux d'un moyen essentiel pour faire émerger dans notre pays des métropoles puissantes, comme chez nos voisins membres de l'Union européenne. Cette disposition devait marquer une véritable rupture, le projet de loi de réforme des collectivités territoriales accompagnant cette émergence.
Nous avons besoin de grandes aires urbaines, moteurs de croissance, auxquelles nous devons donner, grâce à une gouvernance unifiée, tous les moyens nécessaires pour peser dans la compétition entre métropoles, à l'image de Francfort, Barcelone ou Milan. Il s'agit non pas de donner un label aux agglomérations, mais simplement d'accompagner de grandes unités urbaines afin qu'elles structurent mieux notre territoire.
Je veux également évoquer l'article 5 bis, qui prévoit le transfert à la métropole de la taxe foncière sur les propriétés bâties perçue par les communes membres. Nous y reviendrons en examinant les amendements. D'un point de vue financier, les métropoles n'en ont pas besoin. Je le dis devant le président de l'Association des maires de France : les communes ne veulent pas être privées de leur autonomie fiscale et de la charge des affaires que les citoyens ont voulu leur confier. Si cette disposition était votée en l'état, les maires des communes urbaines et périurbaines des futures métropoles ne seraient plus des maires de plein exercice, mais deviendraient des maires d'arrondissement dépourvus de tout pouvoir. J'appelle votre attention sur cet argument, monsieur le ministre. (M. le ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire acquiesce.)
Si le choix de la taxe foncière sur les propriétés bâties manque de pertinence, c'est aussi parce qu'il faudrait procéder à la fameuse révision des bases que nous attendons avant de transférer cet argent aux métropoles, si du moins le besoin s'en fait sentir – ce qui n'est actuellement pas le cas, je vous le montrerai tout à l'heure.
Je veux enfin évoquer la clarification des compétences à laquelle renvoyait l'article 35. Tous l'appellent de leurs voeux, mais personne ne veut rien changer.
C'est bien vrai !
Malgré les nombreuses réunions organisées par Dominique Perben, je dois dire, monsieur le ministre, que le consensus était impossible.
On ne saurait éviter, dans ce texte, de parler des compétences à un moment ou à un autre, et le choix d'une clause de compétence générale sur le patrimoine, la culture et le sport est essentiel. Il invalide les propos que nous avons entendus dans toutes nos assemblées au cours de la campagne pour les élections régionales, et selon lesquels les collectivités ne pourraient plus rien faire parce que la loi a été votée et le veut ainsi.
Toutefois, nous devrons clarifier ces compétences tôt ou tard. La loi prévoit par exemple que régions et départements devront s'entendre et disposeront de six mois pour mutualiser leurs services et bâtir des schémas régionaux. Or savez-vous combien de régions ont par exemple bâti un schéma régional de développement durable ? Elles se comptent à peine sur les doigts d'une main ! Départements et régions devraient au contraire travailler ensemble.
Monsieur le ministre, j'ai également exprimé mon attachement, comme François Sauvadet tout à l'heure, à la pratique des financements croisés. Vous me comprenez, vous qui avez longtemps présidé une commune rurale. Nous avons insisté sur le fait que ces financements croisés ne pouvaient être purement et simplement supprimés. Le Gouvernement et le président de la commission des lois, Jean-Luc Warsmann, avec le rapporteur, Dominique Perben, ont été attentifs à notre point de vue et ont recherché avec nous des solutions intermédiaires destinées aux petites villes et aux intercommunalités de moins de 50 000 habitants.
Mes chers collègues, ce qui compte, c'est de bâtir une nouvelle organisation administrative et politique. À cet égard, ce texte constitue une avancée significative, notamment grâce à la création du conseiller territorial.
À l'UDF et au Nouveau Centre, nous militons en faveur du rapprochement des départements et des régions. Ils ne dialoguent pas, ils ne travaillent pas ensemble, ils mènent souvent des politiques contradictoires.
Cela ne peut continuer ainsi ! S'il n'y avait qu'un argument en faveur de ce texte, monsieur le ministre, ce serait celui-là : grâce à la création du conseiller territorial, départements et régions pourront enfin accompagner la nouvelle impulsion donnée à la décentralisation. Je sais d'expérience combien ce rapprochement est souhaitable.
Monsieur le ministre, ce texte pose donc les fondements d'une action locale revisitée en permettant aux régions et aux départements de s'asseoir à la même table. C'est un gage d'équilibre et de bonne représentation des territoires.
Enfin, je l'ai dit tout à l'heure et j'y insiste, le Gouvernement a bien voulu nous donner certaines garanties quant au nombre d'élus territoriaux.
Vous le savez, nous sommes également attachés à l'expérimentation, car une loi comme celle que nous examinons suppose un bilan. Nous proposons une échéance de trois ans. Cela ne concerne pas seulement les élus, mais aussi les représentants de l'État et, naturellement, celui des collectivités locales, qui doit être à nos côtés pour dresser ce bilan.
Nous devrons poursuivre le débat sur ce point. J'espère que vous y serez attentifs. Sur les sujets que j'ai évoqués – amélioration de la parité, clarification des compétences, évolution des métropoles –, le Nouveau Centre souhaite que députés et sénateurs trouvent un terrain d'entente afin de vous accompagner, monsieur le ministre, dans cette réforme territoriale très attendue et que nous ne pouvons retarder davantage. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs, quel est le sens et quelles sont les raisons de ce projet de loi ?
Le texte découle de plusieurs constats. Tout d'abord, l'apparition et l'existence du millefeuille administratif issu de la longue histoire de la conquête de l'autonomie des collectivités locales de notre pays.
Cette histoire a commencé, en 1789, par la division de notre territoire en 83 départements comptant chacun de six à neuf districts, eux-mêmes divisés en cantons. La monarchie de Juillet, par deux lois de 1831 et 1833, viendra réhabiliter l'échelon communal et départemental en prévoyant l'élection des conseils municipaux et généraux par des collèges électoraux restreints. La double nature du maire, exécutif du conseil municipal et représentant de l'État, se trouve alors consacrée.
C'est la IIIe République qui dotera les communes de la fameuse clause de compétence générale, si discutée aujourd'hui. La Constitution de 1946 reconnaît le droit de libre administration des collectivités locales et consacre l'élection au suffrage universel direct de leur assemblée délibérante. La Constitution de 1958 en reprendra le principe, et le premier acte de la décentralisation commencera en 1982 avec la première loi Defferre, suivie de plusieurs autres.
Enfin, la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 inscrira dans le marbre les principes directeurs de la décentralisation en consacrant l'organisation décentralisée de la République.
Ce bref rappel historique a pour but de montrer le poids des habitudes et la difficulté de réformer les collectivités territoriales, auxquelles il aura fallu tant de temps pour acquérir leur autonomie.
Le deuxième constat est la nécessité d'optimiser la dépense publique. On comprend aisément que, dans une période de difficultés budgétaires comme celle que nous connaissons, il faille réduire les dépenses des collectivités, à l'exemple de celles de l'État. Or on doit bien constater que les effectifs des administrations locales ont fortement crû, augmentant de 48 % entre 1986 et 2006 pour atteindre aujourd'hui 1 662 000 agents.
Toutefois, il y a eu un malentendu dans la présentation initiale du texte : elle s'est focalisée sur le nombre des élus locaux, comme si tout le mal venait de leur trop grand nombre. Ce n'est bien évidemment pas en le réduisant que l'on fera de réelles économies ! Qui plus est, je crois que les élus locaux doivent, au contraire, être mis en valeur, compte tenu de leur dévouement aux affaires publiques.
Mon troisième constat est celui de la difficulté à imposer la parité et à réserver un espace d'expression pour les minorités. Le scrutin uninominal majoritaire à deux tours ne permet pas aux femmes d'accéder comme elles le devraient aux responsabilités dans les exécutifs locaux alors que le scrutin à la proportionnelle pour les régions a permis d'imposer la parité dans les conseils régionaux où elles ont accédé aux responsabilités. La présente réforme était une bonne occasion de résoudre cette difficulté. C'était le but poursuivi par le Nouveau Centre lorsqu'il a proposé en première lecture que 20 % des conseillers territoriaux soient élus au scrutin proportionnel. Cette proposition n'a pas été retenue, ce qui constitue un vrai recul pour la parité. Pour essayer de l'atténuer, nous avons déposé un amendement visant à abaisser de 3 500 habitants à 2000 habitants le seuil d'application du scrutin de liste à la proportionnelle avec prime majoritaire lors des élections municipales.
Enchevêtrement des compétences et des structures, optimisation de la dépense publique, parité, poids de l'histoire : on voit bien toutes les difficultés auxquelles se heurtent cette réforme et les raisons qui motivent le désaccord entre le Sénat et notre assemblée.
Partant de ce constat partagé par tous, le Gouvernement a voulu faire le choix de la simplification et, au moment où nous entamons la seconde lecture, nous devons nous demander où nous en sommes dans cette volonté de simplification.
La première simplification consiste en la création du conseiller territorial, qui vient remplacer le conseiller général et le conseiller régional. Nous considérons qu'il s'agit là d'un réel progrès pour la démocratie locale. L'élu régional est beaucoup trop éloigné des territoires et il est mal connu de ses électeurs ; le conseiller général, quant à lui, est bien connu en milieu rural mais totalement inconnu en ville. Avec le conseiller territorial, les régions et les départements vont se rapprocher de leurs concitoyens. Qui plus est, le conseiller territorial, élu d'une circonscription électorale fondée sur les cantons redécoupés, sera acteur des politiques régionales et départementales. C'est un gage pour la démocratie locale car chacun pourra identifier plus aisément son élu. C'est aussi un gage pour la cohésion de l'action que mèneront les conseils généraux et régionaux. J'ajoute que l'élection des conseillers territoriaux tous les six ans permettra de mettre en place un vrai rendez-vous avec les territoires et de susciter un débat sur les politiques locales, départementales et régionales à la hauteur de ce que mérite la démocratie locale.
Je sais bien que depuis plusieurs années les départements sont désignés comme l'échelon à faire sauter pour simplifier nos institutions locales. L'actuel projet ouvre la porte à des fusions de départements avec leurs régions. Méfions-nous toutefois car certaines compétences actuellement dévolues aux départements comme l'action sociale se trouvent à la bonne échelle. Il est loin d'être évident qu'elles seraient mieux gérées à un autre échelon.
La deuxième simplification porte sur les règles relatives aux agglomérations. En ce début de siècle, c'est un vrai enjeu de donner aux agglomérations la capacité de libérer leur énergie et d'assurer leur rang au milieu des grandes métropoles européennes qui ont déjà pris de l'avance. À cet égard, le texte du projet de loi n'est pas satisfaisant. Loin de simplifier, il complique les choses en ajoutant de nouvelles structures. Il va être difficile de s'y retrouver entre les communautés urbaines, les métropoles et les pôles métropolitains.
S'y ajoute un problème de définition des compétences de ces nouvelles structures. Je pense en particulier au droit de l'urbanisme : il ne faut pas enlever aux maires tous leurs pouvoirs dans ce domaine. Il me semble que les prescriptions qui leur sont déjà actuellement imposées suffisent largement aux agglomérations pour contrôler leur urbanisme.
La troisième simplification concerne les communes et l'intercommunalité, laquelle a indéniablement été un atout dans le développement de nos territoires. Elle a aussi permis de rationaliser les investissements à un niveau pertinent. Le moment est venu d'achever ce mouvement fondé sur le volontariat et de rapprocher de nos concitoyens les acteurs de l'intercommunalité par un nouveau mode d'élection plus direct, ne serait-ce que parce que les budgets deviennent importants et qu'il est normal que ceux qui les exécutent en rendent compte devant leurs concitoyens.
Gardons-nous toutefois de trop réduire les pouvoirs des maires. Les Français sont profondément attachés à l'échelon communal, qui représente pour eux un lieu d'expression privilégié de la démocratie. C'est là que se crée le lien social et qu'il se déploie de manière concrète. Il ne faudrait pas priver les maires et leur conseil municipal de tous leurs pouvoirs. Se pose là aussi un problème de répartition des compétences sur lequel nous avons encore besoin d'avancer, je pense en particulier à la possibilité ouverte par le texte de transférer à la communauté de communes les pouvoirs de police des maires.
Il nous apparaît impératif de maintenir l'article 35 quater, supprimé par le Sénat et rétabli par la commission, lequel permet aux communes de moins de 3 500 habitants ou aux EPCI à fiscalité propre de moins de 50 000 habitants de bénéficier d'un cumul de subventions.
La quatrième volonté de simplification porte sur les compétences, point fondamental du texte que le Sénat s'est refusé à traiter. Cela n'est pas acceptable car la réforme ne peut avoir de sens si cette problématique n'y est pas abordée. Nous sommes tous d'accord, sur le fond, quant à la nécessité de clarifier les compétences et les financements croisés. Mais si le principe est acquis, les modalités pratiques d'application le sont moins. Il va de soi que certaines compétences comme les sports, le tourisme, la culture, voire le patrimoine, où l'État est peu ou insuffisamment engagé, doivent pouvoir continuer à être partagées.
Sur la question du partage des compétences entre collectivités, le Nouveau Centre considère qu'il est difficile de trancher dans l'absolu. Comme le dit le président Sauvadet, il faut être pragmatiques dans cette affaire. Aussi proposerons-nous des amendements à l'article 35 pour ouvrir la voie à des évaluations, à même de permettre de juger sur pièces de la cohérence des compétences transférées aux uns et aux autres. Ne soyons pas dogmatiques en ce domaine. Cette évaluation nous semble d'autant plus indispensable que nous disposons d'encore trop peu de visibilité sur la réforme des finances locales. Il me paraît difficile de discuter des compétences des collectivités sans connaître précisément les ressources qui vont permettre de les mettre en oeuvre. À cet égard, on peut se demander si les clauses de revoyure inscrites dans la loi de finances de 2010 seront l'occasion de faire des points d'étape.
Le Gouvernement a réduit l'autonomie financière des collectivités locales en augmentant la part des financements d'État dans les recettes, ce qui constitue un vrai recul de la décentralisation. Et je ne peux m'empêcher de penser que, d'une certaine manière, cette réforme ressemble fort à une volonté d'imposer aux collectivités locales la RGPP déjà imposée aux services déconcentrés de l'État, en donnant le plus de responsabilités possibles à l'échelon régional et en considérant les départements comme des annexes.
Dans ces conditions, je crois très sincèrement qu'il faut avancer avec la plus grande prudence si l'on veut aboutir à une réforme acceptée par le plus grand nombre.
Cette réforme des collectivités territoriales me semble être au milieu du gué. Elle va dans le bon sens mais ne peut être conservée en l'état. Notre assemblée ne peut imposer une telle réforme contre l'avis du Sénat qui est, qu'on le veuille ou non, le représentant des collectivités locales. Si nous voulons aller jusqu'au bout pour que le projet de loi aboutisse à de vraies avancées, notre rôle aujourd'hui est de faciliter la voie d'un accord avec la Haute assemblée. Le Nouveau Centre fera aussi des propositions dans ce sens durant le débat.
Mes chers collègues, monsieur le ministre, si nous avons rappelé l'histoire des collectivités locales, c'est pour mieux montrer que c'est au fur et à mesure de l'évolution de notre société qu'elles se sont construites. Aujourd'hui encore nous devons les réformer pour les adapter. Le texte qui nous est soumis constitue une avancée indéniable mais perfectible. Nous en abordons la discussion avec la plus grande ouverture d'esprit, en souhaitant que le chemin que nous trouverons puisse rencontrer la légendaire sagesse du Sénat.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons la désagréable impression de revenir à la case départ.
Le texte qui nous a été soumis en première lecture a été longuement travaillé et utilement amendé par les deux assemblées. Des améliorations significatives ont été apportées au dispositif d'origine, notamment sur une question qui est absolument centrale pour tous les députés représentant des territoires ruraux : comment faire en sorte que la loi, au lieu de les affaiblir, conforte les mécanismes qui soutiennent la vitalité de nos communes rurales et qui permettent aujourd'hui d'en alimenter le dynamisme ?
Malheureusement, nous devons constater que les rétablissements qui ont été effectués à des articles essentiels ne vont pas dans ce sens. Ainsi est réapparue la contradiction fondamentale que beaucoup de députés de départements ruraux, de sensibilités différentes, avaient mise en évidence lors de la première lecture, à savoir que le texte prévoit de limiter aux seules communes l'exercice de la clause de compétence générale, tout en tarissant à la source les moyens financiers leur permettant de l'exercer.
Ce tarissement interviendra de trois manières.
En premier lieu, du fait de la suppression de la clause de compétence générale des départements, partenaires naturels et permanents, en tous domaines, des communes rurales.
En deuxième lieu, en exigeant des communes maîtres d'ouvrage une participation minimale excessive au financement de leurs opérations d'investissement. La plupart de nos communes rurales ne seront pas en mesure de respecter les taux plancher que vous voulez leur imposer de 20 % ou de 30 %. Dans tous les cas où les investissements à réaliser sont assez lourds, ils excéderont leurs capacités budgétaires. Dans ces conditions, les communes n'auront pas d'autre choix que de renoncer à leurs projets d'investissement.
Ces dispositions rigides, ces taux plancher, empêcheront les partenaires des communes, et au premier chef les départements, de différencier les aides qu'ils souhaitent apporter aux communes pour tenir compte des contraintes particulières ou des handicaps spécifiques qui pèsent sur beaucoup d'entre elles parce qu'elles sont enclavées, parce qu'elles ont des contraintes environnementales plus fortes, parce qu'elles sont situées en zone de marais ou en zone inondable, par exemple.
Le troisième facteur de tarissement est l'interdiction des financements croisés, absolument vitaux pour que les communes rurales et les petites villes-centre puissent réaliser les investissements dont elles ont impérativement besoin. Cette interdiction faite aux communes, dès le 1er janvier 2012, de bénéficier sur un même projet de subventions départementales et de subventions régionales est tellement rigide que vous avez été amenés à proposer dans le texte de la loi des exceptions en fonction du nombre d'habitants des communes, du nombre d'habitants des intercommunalités, des domaines d'intervention. Nous nous réjouissons qu'un tel assouplissement ait été introduit. Il faudra le renforcer.
Parallèlement à la réintroduction de la suppression de la clause de compétence générale des départements et des régions, nous voyons bien sûr de manière corollaire réapparaître la logique des blocs de compétences exclusives pour ces deux niveaux de collectivités appelés à n'avoir, en principe, plus d'autres compétences que celles que la loi leur attribuera. Ce principe d'une extrême rigidité inquiète tous ceux qui ont l'expérience et la pratique de la vie locale, particulièrement dans nos départements ruraux. Cette rigidité risque de s'avérer rapidement intenable.
Le Gouvernement en est lui-même bien conscient, puisque il a introduit dans le texte de loi des exceptions et des dérogations dans un schéma de répartition des compétences qui n'est pas encore connu. En effet, trois domaines de compétence échappent à la logique de la compétence exclusive et maintiennent des compétences partagées : le tourisme, la culture et le sport. C'est très bien : il s'agit de compétences importantes pour la vie de nos communes. Mais pourquoi trois ? Pourquoi ces trois-là ? Pourquoi le texte reste-t-il muet sur toute une série d'autres domaines de compétences tout aussi vitaux pour le développement et le rayonnement de nos communes, notamment de nos communes rurales, comme l'économie, l'environnement, la coopération décentralisée, la démocratisation et la décentralisation de l'enseignement supérieur et de la recherche ?
C'est la raison pour laquelle, avec plusieurs de mes collègues, j'avais souhaité déposer un amendement à l'article 35, qui vise à permettre aux collectivités de continuer à exercer leurs compétences dans ces différents domaines.
J'ai constaté sur ce point l'usage abusif qui peut être fait de l'article 40 de la Constitution. Comment comprendre qu'un tel amendement ait pu être jugé irrecevable financièrement, dans la mesure où il ne fait que maintenir une situation existante et qu'il ne peut, par conséquent, entraîner ni une diminution des ressources publiques ni une aggravation d'une charge publique ? Je remarque d'ailleurs que ce même amendement, déposé en première lecture, avait alors été jugé recevable.
Pour tenter d'atténuer la rigidité du principe de compétence exclusive, le projet de loi introduit la notion, qui pourrait être intéressante et féconde, de capacité d'initiative laissée aux départements et aux régions. Mais cette capacité d'initiative est strictement limitée aux domaines sur lesquels la loi reste muette. C'est dire que son champ sera nécessairement résiduel et qu'elle ne constituera pas cet élément de souplesse attendu et nécessaire, qui aurait permis de tempérer les effets négatifs de la suppression de la clause de compétence générale.
Cette capacité d'initiative pourra-t-elle jouer, par exemple, en cas de catastrophe naturelle ? Il ne semble pas. Or rappelons-nous qu'au lendemain de la tempête Xynthia, pour ne citer que cet exemple récent, c'est parce que les départements disposaient de la compétence générale qu'ils ont pu intervenir efficacement, en urgence, tous azimuts, dans tous les domaines, auprès de toutes les victimes de la catastrophe. Ce sont ces aides départementales d'urgence qui ont permis à beaucoup de ne pas sombrer : les agriculteurs, les éleveurs, les pêcheurs et les conchyliculteurs qui avaient tout perdu, les entrepreneurs qui avaient un besoin vital et immédiat de renflouer leur trésorerie pour ne pas être contraints de déposer le bilan, les communes côtières sinistrées qui devaient impérativement réparer les dégâts avant la haute saison touristique, les maîtres d'ouvrage des digues qui devaient colmater les brèches avant les grandes marées de mars. Aucun autre acteur n'aurait été en mesure de jouer un rôle équivalent.
Mes chers collègues, je ne crois pas, et je sais que nous sommes nombreux sur ces bancs à penser ainsi, que la suppression de la clause de compétence générale et son remplacement par la clause de compétence exclusive, sera un progrès pour la démocratie locale. Je crois au contraire que cette disposition risque d'aboutir, en bridant leur capacité d'initiative, à transformer les élus en administrateurs, à dissocier pouvoir et responsabilité et à instituer un système rigide assorti d'une multiplicité d'exceptions, d'exemptions, de dérogations qui, au lieu du surcroît de clarté et de lisibilité attendu, produira de la confusion, de l'insécurité juridique, du contentieux et, en bout de course, de l'impuissance.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici de nouveau appelés à examiner un texte gouvernemental dont, le moins que l'on puisse dire est qu'il suscite dans notre pays à la fois opposition et inquiétude. Et, comme pour le texte que notre assemblée a adopté cet après-midi, au terme d'un débat tronqué par une manipulation du règlement absolument insupportable,...
..nous nous trouvons devant une réforme injuste, inefficace, aux finalités politiciennes qui ne trompent personne et que vous tentez d'imposer à la hussarde.
Cela explique sans doute l'absence de nos collègues du principal groupe d'opposition.
Tout à l'heure, lorsque nous parlions des retraites, vous vous en preniez aux salariés et à leurs représentants ainsi qu'à l'opposition. Là, vous pouvez ajouter à la liste de ceux que vous voulez faire taire par tous les moyens : les élus locaux, les sénateurs, et même une partie de votre majorité. J'en veux pour preuve ce qu'on dit des députés du groupe Nouveau Centre.
Si j'ai commencé mon intervention en resituant ce texte dans le contexte du moment, c'est qu'il est, sur la forme comme sur le fond, le symbole d'une volonté qui inspire votre politique et votre pratique du pouvoir, celle de tenter de bâillonner en permanence et avec une constance inquiétante tous les contre-pouvoirs prévus par notre système démocratique et qui existent en France.
Manifestement, vous supportez mal l'indépendance de la justice. Qu'à cela ne tienne : on ne nomme pas, alors que ce serait pourtant nécessaire – oserais-je dire salutaire ? – un juge d'instruction pour enquêter sur les soupçons qui pèsent sur les pratiques de certains membres du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Acceptez d'écouter un raisonnement, y compris d'un député de l'opposition ! Pour ma part, je suis toujours très attentif à vos raisonnements. Je pourrais même dire, pour reprendre la phrase fétiche de Mme Rosso-Debord : excusez du peu !
Le travail de la presse vous déplaît.
La belle affaire ! Une officine, un service de la République sera mis à contribution pour enquêter, dans la plus parfaite illégalité, sur les sources des journalistes.
Vous refusez de reconnaître la fonction de gardien des droits fondamentaux qui est pourtant celle de l'Union européenne. Une remarque méprisante et condescendante du Président de la République au cours d'un déjeuner est censée faire taire la commissaire. Rien de moins ! Je ne sais pas ce qu'en pensent les amis centristes de notre assemblée. En tout cas, je les croyais un peu plus attachés aux institutions européennes. (Exclamations sur les bancs du groupe NC.)
Vous désespérez de faire taire les députés. Ce n'est pas grave : on fera une interprétation arrangeante du règlement à votre convenance, comme nous l'avons vu tôt ce matin.
Lorsque nos concitoyens confient des responsabilités dans les collectivités territoriales à des majorités de la gauche et de l'écologie qui ne vous conviennent pas, qu'à cela ne tienne : vous présentez une réforme dont le but essentiel est de les mettre au pas, en rognant sur leurs attributions par une recentralisation qui ne dit pas son nom, en manipulant le choix des électeurs par un mode de scrutin qui constitue une régression démocratique et sociologique inégalée, après avoir voté des dispositifs fiscaux qui eux-mêmes ont commencé à étrangler les collectivités locales dans leurs moyens de fonctionnement.
Le texte qui nous est soumis ne représente pas seulement un exemple supplémentaire de votre pratique du pouvoir de plus en plus éloignée des principes républicains. Il est aussi une occasion gâchée, un rendez-vous manqué pour répondre aux vraies questions qui se posent en matière d'organisation administrative et territoriale de notre pays.
J'ai déjà eu l'occasion de le dire ici, lors de la première lecture de ce texte, s'agissant de la réforme des collectivités locales, les écologistes ont toujours tenté d'être des interlocuteurs constructifs, tant vis-à-vis de la commission Balladur – dont on peinerait bien à retrouver l'esprit dans votre texte – que dans les travaux parlementaires en première lecture.
Oui, la superposition d'échelons aux compétences enchevêtrées rend bien souvent illisible notre système politico-administratif pour nos citoyens. Oui, cela se traduit par un déficit démocratique que l'on mesure de plus en plus par l'abstention, mais aussi, au cours de l'exercice des mandats locaux, par le manque de transparence des processus de décision.
Entre la région, le département, la communauté d'agglomérations ou de communes, la communauté urbaine, la commune, qui fait quoi, qui finance quoi ? À ces questions, nos concitoyens peinent à répondre et ont du mal à y voir clair. Et force est de constater que le texte qui nous est proposé ne changera rien à cette situation.
Car ce texte n'est pas le fruit d'un dialogue avec les représentants des collectivités. Toutes les grandes fédérations d'élus responsables des collectivités s'y opposent. Il n'a pas été amélioré par le processus parlementaire, l'essentiel du travail du Sénat ayant été jeté à la corbeille en commission, à la demande du Gouvernement.
Ce texte est finalement à l'image du Gouvernement qui le défend et tente de l'imposer : à côté de ses objectifs.
Rappelons-les. La simplification administrative ? Oubliée, nous le verrons au cours de nos débats, au profit de montages hasardeux, de répartitions de compétences contestables, et sans qu'aient été réglées les questions essentielles de la démocratisation de l'élection des conseillers intercommunaux et d'effacement de l'échelon départemental derrière une vraie régionalisation.
J'en veux pour preuve qu'en Île-de-France vous avez même créé une nouvelle gouvernance politico-administrative, la Société du Grand Paris. Ce n'est même plus une collectivité locale ni une instance avec, à sa tête, des élus qui auraient une légitimité démocratique. Certes, vous avez nommé quelqu'un à sa tête, mais comme celui-ci avait été sorti du Gouvernement, c'était en quelque sorte un lot de consolation qui lui était attribué.
Il vous revient maintenant, monsieur le ministre, vous qui êtes chargé de l'espace rural, de vous occuper du Grand Paris. Je n'avais pas compris que l'enjeu principal du Grand Paris c'était l'espace rural, ni que l'enjeu de l'espace rural c'était le Grand Paris !
Nos concitoyens ne sont sans doute pas passionnés par ce sujet.
La démocratisation, la féminisation à laquelle Mme Zimmermann est certainement attentive,...
..le renouvellement des responsables politiques locaux, tout cela a été ignoré, balayé par un mode de scrutin du conseiller territorial ahurissant, par la création, dans les faits, de cumulards, sous prétexte d'une réduction du nombre d'élus locaux. Ils seront en effet obligés de siéger dans deux collectivités, ce qui veut dire que l'on régresse par rapport à la loi qui avait été votée sur la limitation du cumul des mandats puisqu'un maire ou un député pourra avoir parallèlement deux mandats, peut-être même deux mandats exécutifs.
Je souhaite m'arrêter quelques instants sur le conseiller territorial, clé de voûte de votre projet. Certains considèrent qu'il s'agit d'une mesure positive.
On nous la présente comme une mesure de simplification. Mais je ne vois pas en quoi il y a simplification. M. Sarkozy, toujours très flamboyant dans son expression, parlait de diviser par deux le nombre d'élus. Mais l'objectif n'est pas atteint puisqu'il a fallu faire quelques compromis. En tout cas, cette mesure va compliquer considérablement la vie des conseils régionaux, puisqu'ils vont devenir pléthoriques. J'en veux pour preuve que, dans la région Pays-de-la-Loire, le nombre de conseillers régionaux va passer de 90 à 170, si j'ai bien lu le tableau qui a été fourni par M. Marleix en première lecture. Et, dans certaines régions, ils seront plus de 300. Un jour, il se peut que des conseils régionaux aient un nombre d'élus plus important que l'Assemblée nationale ou le Sénat.
Pourquoi ne pas faire siéger les élus intercommunaux dans les départements ? D'ailleurs, M. Balladur estime qu'ils devraient être élus dans le cadre des arrondissements. En réalité, on se demande pourquoi les conseillers intercommunaux siégeraient dans deux assemblées en même temps et quelle serait leur légitimité pour le faire. La même question peut se poser pour le conseiller territorial.
M. Vigier notamment pense que la mesure proposée vise à rapprocher le département et la région. Pour notre part, nous plaidons pour une fusion entre le département et la région, car nous voulons simplifier, mais, contrairement à M. Sarkozy qui n'aime pas les élus locaux, qui les montre du doigt en les accusant de créer des dépenses, nous ne sommes pas obsédés par la réduction du nombre d'élus. Mais là n'est pas la question. Il s'agit plutôt de savoir quelle architecture on veut pour notre pays pour mener des politiques efficaces.
Pourquoi, si l'on veut rapprocher le département et la région, ne pas le faire carrément ? On me répond qu'il faut procéder par étapes, que c'est pour cela qu'on crée d'abord le conseiller territorial et qu'il y aura fusion des deux instances dans cinq ou dix ans.
Il n'y a en réalité rien d'automatique. Formulons une hypothèse théorique – même si, à mon avis, elle ne vaudra plus après les élections de 2012 – et projetons-nous dans le fonctionnement des conseils généraux et régionaux dans lesquels siégeraient les mêmes élus. Prenons le cas de ma région.
Dans au moins un département la majorité sera de gauche quand les autres départements seront à droite, tout au moins si, dans le cadre du redécoupage que vous envisagez, vous ne procédez pas à trop de tripatouillages électoraux. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La majorité de la région elle-même, par la grâce du mode de scrutin que vous proposez, serait de droite. Les gens votent majoritairement pour la gauche mais si on les fait voter dans des cantons bien découpés,…
…on peut parvenir à une somme de cantons majoritairement à droite. Voilà votre idée.
Nous aurons en somme un département de gauche en opposition avec une région de droite ou, ailleurs, des départements de droite en opposition avec une région de gauche. Quel en est le bénéfice en termes de simplification ? Nul. La réforme ne fera que créer des conflits sans le moins du monde favoriser le rapprochement souhaité qui, comme chacun sait, consiste en la fusion des administrations, des services, des budgets et des recettes. Nous prônons en effet la mise en commun des budgets et des recettes fiscales départementaux au sein d'une caisse commune régionale.
Ensuite, je dénonce les conséquences du mode de scrutin que vous avez choisi et qui revient à la « cantonalisation » de la région. L'élection de conseils régionaux au suffrage universel direct, assez récente, me paraissait pourtant recueillir un certain consensus.
À propos du mode de scrutin, souvenez-vous que la gauche avait instauré la proportionnelle et que vingt régions sur vingt-deux se sont retrouvées avec des majorités de droite pendant deux mandats successifs, en 1986 puis en 1992. Le mode de scrutin fut à nouveau modifié, en particulier par M. Raffarin et, cette fois, vingt régions sur vingt-deux sont progressivement passées à gauche. Il faut donc se méfier de la traduction qu'on donne à ses arrière-pensées et qui peut produire un effet boomerang.
J'en reviens à la question de fond : la cantonalisation de la région, phénomène dangereux car il rendra impossible tout débat régional. Qu'ils habitent la région Rhône-Alpes, dans les Pays-de-la-Loire, en Bretagne ou en Île-de-France, nos concitoyens ne disposeront plus d'un bulletin de vote où figure une profession de foi, mais d'un bulletin de vote pour un conseiller territorial, en fait un conseiller général, qui siégera peut-être dans la majorité dans son département et dans l'opposition à l'échelon régional.
Le seul but de ce conseiller sera de demander à la région de l'argent pour son territoire. Vous programmez la disparition de l'intérêt général régional, la région ne devenant plus qu'un tiroir-caisse pour des élus locaux qui se seront livrés à leur petite cuisine cantonale. Il convient de dénoncer cette régression dont on parle trop peu.
Nous avions au contraire besoin d'un nouvel acte de la décentralisation. Un premier avait été réalisé par le gouvernement de Pierre Mauroy et par son ministre de l'intérieur, Gaston Defferre, qui a défendu les lois de 1982, contestées par beaucoup à l'époque avant qu'elles ne soient approuvées par tout le monde.
La loi Chevènement constitua le deuxième acte de la décentralisation, et j'y fais d'autant plus tranquillement référence que nous divergeons sur bien des points avec l'ancien ministre, n'était l'intercommunalité, qui fut un grand progrès.
Enfin les lois Raffarin, de réelles lois de décentralisation, ont permis le transfert de nombreuses compétences aux collectivités territoriales.
Une nouvelle étape s'imposait et vous nous faites passer complètement à côté. Nous plaidons pour ce nouvel acte dont l'architecture reposerait sur le couple communes-intercommunalité, d'une part, et sur le couple départements-région, d'autre part.
Il conviendrait de généraliser l'intercommunalité. Or, Jean-Paul Lecoq l'a rappelé, votre projet, en la matière, est très compliqué. Surtout, même en imaginant que nous puissions progresser, il faudrait réfléchir à nouveau aux compétences respectives des communes et des intercommunalités, et surtout aux recettes. Nous avions réalisé un grand pas en avant avec la taxe professionnelle unique et nous aurions dû aller plus loin. Nous plaidons pour la création d'une caisse intercommunale qui perçoive l'ensemble des recettes pour les redistribuer dans un esprit de solidarité entre les territoires, tout en gardant la commune comme échelon de base.
Nous défendons la même idée pour la région, qui reste un échelon d'avenir pour l'application de certaines politiques. Elle l'a déjà montré pour les lycées, les trains express régionaux, l'attractivité économique, la formation professionnelle. Elle est donc tout à fait à même de mener de nouvelles politiques. Il est évident que la fusion entre le département et la région n'est pas envisageable à court terme ; aussi devons-nous nous montrer pragmatiques ; et le pragmatisme n'empêche pas de définir des objectifs à long terme, d'avoir une vision et M. Piron en a certainement une.
Et si vous nous la révéliez, monsieur Piron, vous ne seriez peut-être pas un laudateur de ce texte.
Commençons donc par procéder aux regroupements nécessaires plutôt que de nous contenter de ces affichages sur la clause de compétence générale. Notons au passage l'absurdité consistant à priver la région de la clause de compétence générale si nous voulons donner un avenir à cette collectivité.
Certes, M. Balladur avait déclaré que si nous enlevions cette clause au département il conviendrait de l'enlever aussi aux régions ; mais, dès lors, comment progresser ?
Nous proposons en tout cas, pour notre part, de renforcer la région en lui donnant des compétences qui jusqu'à présent relevaient du département. Pourquoi les collèges ne seraient-ils pas gérés par la région, qui s'occupe déjà des lycées ? Pourquoi ne gérerait-elle pas les cars puisqu'elle se charge déjà des trains ? Cela permettrait d'éviter que circulent sur à peu près les mêmes trajets à la fois des cars et des trains express régionaux. Les régions, du reste, s'occupent déjà des transports par cars. Enfin, le transfert au département de certaines routes nationales a été une erreur : c'est à la région qu'elles auraient dû être transférées.
Dans la mesure où vous êtes par ailleurs président d'un conseil général, j'aimerais vous entendre, monsieur le ministre, sur les compétences sociales. Les conseils généraux fondent souvent leur légitimité sur leur politique sociale tout en refusant, dans le même temps, et fût-ce dans un souci de clarification, qu'on leur enlève d'autres compétences, comme s'il était infamant tout à coup de ne se consacrer qu'à la politique sociale. Je me réjouirais au contraire d'une spécialisation et d'une concentration des moyens départementaux sur ces compétences qui seraient dès lors mieux assumées et mieux appliquées.
Nous sommes disposés à faire évoluer le mode de scrutin de l'élection du conseiller territorial et avons déposé un certain nombre d'amendements en ce sens. Il paraît que M. Copé vous a imposé la logique selon laquelle il convenait d'appliquer le scrutin majoritaire cantonal pour les élections régionales. Nous proposons d'inverser cette logique : pourquoi ne pas appliquer le mode de scrutin régional aux élections cantonales ?
M. Raffarin s'était montré prévoyant : il avait intégré des sections départementales aux listes régionales. Nous pouvons très bien envisager que des sections départementales siègent dans les conseils régionaux. Un tel dispositif présenterait non seulement l'avantage de réduire le nombre d'élus mais aussi de ne pas mettre à bas la parité.
Outre la décentralisation, parmi les critères d'une bonne réforme on peut recenser la démocratisation. À cet égard, vous aurez bien du mal à nous convaincre que la création du conseiller territorial n'est pas un recul démocratique, un recul pour la parité et un recul pour la diversité politique mais aussi sociologique des assemblées locales. En outre, votre réforme fera-t-elle progresser la solidarité ? Nous donnons-nous les moyens d'avoir des territoires solidaires ?
En matière fiscale, votre seule réforme est celle de la taxe professionnelle, dont on perçoit qu'elle commence à étrangler les collectivités et qu'elle favorise les communes déjà plus riches – Gilles Carrez l'a fort bien démontré au cours de la présentation de son étude d'impact en commission des finances.
Pour ce qui est des compétences d'urbanisme, je me tourne vers vous, cher collègue Piron : vous avez défendu, à l'occasion de la discussion du projet de loi sur le Grenelle de l'environnement, un amendement portant sur les PLU d'agglomérations. Certains ont alors poussé des cris d'orfraie, alors qu'il s'agissait d'une avancée concrète, et je me rappelle vous avoir soutenu.
Si le droit du sol n'est pas envisagé à l'échelon intercommunal, on sait bien que les égoïsmes – l'égoïsme fiscal n'étant pas le moindre – continueront de triompher.
Jean-Paul Lecoq a rappelé que les services publics locaux étaient bien gérés, au plus près des besoins des habitants, comme le montre le cas des écoles, qui suscite une approbation unanime. C'est le cas aussi pour les trains régionaux. Ces services publics locaux évoluent, se réforment. Nous devrions aller beaucoup plus loin pour garantir aux collectivités locales les moyens de faire vivre les services publics locaux, moyens dont elles sont dépourvues aujourd'hui. C'est également le cas en ce qui concerne le développement durable : vos schémas favorisent-ils son développement ? Franchement, j'en doute quand je constate les enchevêtrements auxquels ils donnent lieu notamment avec les métropoles.
Pour toutes ces raisons et à cause des reculs qu'impliquera l'application de votre projet sur des critères essentiels, nous voterons contre si vous n'acceptez pas de le faire évoluer.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet n'est pas l'affaire des spécialistes. Son importance tient à ce qu'il concerne le quotidien de nos concitoyens à travers l'organisation territoriale du pays, les compétences octroyées aux collectivités.
Les Français restent particulièrement attachés à tout ce qui a trait à l'organisation territoriale du pays car nous nous trouvons là au coeur de l'héritage révolutionnaire. Nous avons en mémoire, en effet, que c'est la Révolution qui a jeté les structures de l'organisation administrative de la France. Lentement mais sûrement, la République est passée d'un schéma relativement concentré vers une configuration plus déconcentrée, avant d'aborder une décentralisation des pouvoirs destinée à renforcer la proximité entre les citoyens et les collectivités.
Les différents textes de réforme territoriale soumis au Parlement ont présenté les choses à l'envers.
Ainsi avons-nous examiné d'abord la réforme de la taxe professionnelle, ensuite la concomitance des modes de scrutin, et enfin la réorganisation territoriale. Il eût été plus sage de s'occuper, dans un premier temps, du fond avec la réforme territoriale, de réfléchir ensuite au mode de scrutin, enfin de s'interroger sur le financement des collectivités, en particulier avec la réforme de la taxe professionnelle que nous avons tous appelée de nos voeux mais qui se révèle plutôt complexe à l'usage.
Il demeure malgré tout urgent et essentiel de réformer notre organisation administrative tant l'empilement et l'enchevêtrement de collectivités aux compétences parfois confondues sont illisibles pour nos concitoyens. La majorité d'entre eux ne s'y retrouvent pas et nous invitent à y mettre bon ordre. En outre, cette intrication administrative est coûteuse, inefficace et n'est pas pertinente.
Sur différents points, votre approche, monsieur le ministre, celle du Gouvernement, ne me paraît pas assez cohérente, et en tout état de cause pas assez ambitieuse.
S'agissant du lien entre le département et la région, le texte, assurément, ne va pas assez loin dans la clarification des compétences. Au départ, le texte proposé par le Gouvernement avait une certaine cohérence, mais les ajouts des uns et des autres, à l'Assemblée et au Sénat, lui ont fait perdre sa cohérence initiale. Quoi qu'il en soit, une grande réforme eût consisté à renforcer plus encore les liens entre le département et la région.
Les collectivités départementales et régionales ont un rôle important à jouer en termes d'aménagement du territoire régional. Vous connaissez l'histoire de Blanche-Neige et des sept nains. Aujourd'hui, dans la région Midi-Pyrénées, Blanche-Neige, c'est-à-dire Toulouse et la Haute-Garonne, est entourée des sept nains que sont les sept autres départements de la région.
Nous nous interrogeons, monsieur le rapporteur : pourrons-nous profiter de ce texte pour faire en sorte que les collectivités soient en mesure de corriger ces inégalités infra-régionales, qui sont particulièrement importantes dans la région Midi-Pyrénées ?
Une fois que le constat est posé, que faire ? Il convient d'aller plus loin, comme l'a dit, après d'autres, notre collègue de Rugy, dans le rapprochement entre départements et régions, et ce au travers de la création d'une seule collectivité. Voilà qui eût été une réforme d'envergure. Cela dit, étant donné l'attachement de nos concitoyens à l'échelon départemental, n'aurions-nous pas pu nous inspirer de l'organisation des villes de Paris, Lyon et Marseille, où l'existence d'une seule collectivité n'empêche pas qu'il y ait plusieurs mairies d'arrondissement ? Ce schéma pourrait être transposé à la région, laquelle pourrait regrouper des arrondissements départementaux dotés de compétences de proximité, celles qui sont assumées aujourd'hui, et assez bien, par le département : je pense à l'aide sociale, aux services d'incendie et de secours, et à quelques autres. Il était possible de mener une réflexion plus approfondie, pour aboutir à une réforme plus ambitieuse et certainement plus lisible pour nos concitoyens. Car, dans l'état actuel du texte, cette lisibilité lui fait défaut.
Les mêmes remarques peuvent être formulées s'agissant du couple commune-intercommunalité. Il est un élément qui me paraît essentiel : malgré certains discours bien-pensants, il me semble que la préservation de l'échelon communal, aussi modeste soit-il, est quelque chose d'important. Les communes sont un échelon de démocratie de proximité auquel nos concitoyens sont particulièrement attachés. Il est indispensable de les préserver. Trop de démocratie de proximité ne tue pas la démocratie ! Nous pouvons, je crois, tous nous retrouver autour de ce principe. D'ailleurs, vous aurez noté que dans les grandes villes, et même dans les villes moyennes, on essaie de développer la démocratie de proximité au travers des conseils de quartier, qui sont autant de possibilités pour nos concitoyens d'exprimer leur point de vue.
Cela étant dit, nous souscrivons bien entendu à votre objectif, monsieur le ministre : faire en sorte que, à terme, il n'y ait plus une seule commune française qui ne soit pas membre d'une intercommunalité. Il faut pour cela laisser aux élus le soin de se prononcer, avant que le préfet ne reprenne éventuellement la main pour imposer cette démarche là où des ultra-récalcitrants ne souhaiteraient pas s'engager dans une telle perspective.
Il convient de rappeler que les intercommunalités ont vu le jour grâce à la carotte budgétaire de l'État. Si celui-ci n'avait pas apporté, à travers force DGF, des moyens permettant aux intercommunalités de se structurer, le mouvement n'aurait certainement pas été aussi profond dans le pays qu'il l'a été. Mais nous devons aussi dire que le seuil minimal qui détermine la taille d'une intercommunalité doit tenir compte des réalités géographiques, territoriales et locales. C'est notamment le cas en zone de montagne, où l'on ne peut pas appliquer les schémas que l'on appliquerait ailleurs. Il peut arriver qu'une intercommunalité cohérente regroupant 3 000 habitants ait plus de pertinence qu'une entité plus grande mais artificielle, qui ne correspondrait pas aux réalités territoriales du secteur concerné.
Je voudrais dire un mot d'un amendement que j'ai cosigné et qui tend à la reconnaissance du vote blanc. C'est un sujet qui me semble particulièrement important, comme l'est, du reste, tout ce qui permettra de faire en sorte que nos concitoyens s'intéressent à la démocratie locale.
Un mot encore sur le mode de scrutin. Je suis très favorable au conseiller territorial. Sa création va dans le bon sens, notamment parce qu'elle s'inscrit dans la logique du rapprochement entre départements et régions, que j'appelle de mes voeux. Cela étant, nous, centristes, sommes très favorables à ce que le mode de scrutin intègre une part de proportionnelle, pour que, au-delà des territoires, les différents courants d'opinion puissent être représentés. Un mode de scrutin mixte, uninominal dans les zones rurales et proportionnel dans les agglomérations, eût certainement été la voie de la sagesse. Aujourd'hui, dans les cantons urbains, l'élection des conseillers généraux ne leur offre aucune lisibilité. Mais ce manque de lisibilité, nous le constaterons de la même façon, demain, pour les conseillers territoriaux urbains.
Voilà en quelques mots, de manière un peu spontanée, ce que je voulais vous dire sur ce texte. Nous, centristes, allons participer de la manière la plus active à cette discussion. Nos amendements seront défendus par le porte-parole de notre groupe, Claude Leteurtre. Notre vote dépendra bien entendu des évolutions que connaîtra ce projet, et que nous espérons positives. En tout état de cause, on peut dire de ce texte : « Peut mieux faire », au regard des quelques réserves que je viens de formuler. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Nous vous remercions, monsieur Folliot, d'avoir dit tout cela « en quelques mots », selon votre expression. Je vous ferai quand même remarquer que votre temps de parole était de cinq minutes, et que vous en avez pris quinze.
La discussion générale est close.
La parole est à M. Dominique Perben, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Quelques mots vraiment pour répondre aux orateurs qui se sont exprimés au cours de la discussion générale.
Tout d'abord, je voudrais revenir au point de départ. Cette réforme n'est pas sortie de l'imagination de quelques technocrates ou de quelques élus sous l'influence de substances psychédéliques. Elle est issue de toute une série de rapports, rédigés par des hommes de droite, par des hommes de gauche, par des experts, qui, depuis une dizaine d'années, ont expliqué que notre système de gestion locale, resté inchangé pendant très longtemps, et vers lequel beaucoup de compétences avaient été décentralisées, ne fonctionnait plus de manière satisfaisante : il fallait clarifier les compétences, et lui donner une apparence plus simple pour nos concitoyens ; il fallait par ailleurs accentuer la démocratie locale. C'est à partir de cet ensemble de travaux et de réflexions que le comité Balladur a lui-même travaillé, et que le projet de loi du Gouvernement a ensuite été élaboré.
Je voulais le rappeler parce que, sur ce constat – et il est dommage qu'on ne le dise plus aujourd'hui –, il y avait un consensus très large. Toutes les forces politiques étaient convaincues qu'une réforme était nécessaire. Quand on entend certains aujourd'hui, on a l'impression que le statu quo est possible. Non, le statu quo n'est pas possible. Il faut faire évoluer les choses. C'est la première réflexion que je voulais faire en réponse à un certain nombre d'interventions.
Deuxièmement, je voudrais répondre, au sujet du conseiller territorial, à ce qui a été dit tout à l'heure par M. de Rugy, ainsi que par d'autres collègues. La création du conseiller territorial constitue un vrai changement, un changement très profond, qui va dans le sens du rapprochement entre les deux collectivités, région et département. Je peux me tromper. Dans cette affaire, c'est la vie qui, de toute façon, décidera. Mais je suis convaincu que, du fait que ces élus se retrouveront, par groupes, dans les départements, et ensuite, tous ensemble, dans la région, une cohérence s'établira progressivement, au fil du temps, dans la gestion de ces collectivités. Progressivement, une vision régionale se dégagera, qui sera articulée, sur le terrain, par les départements.
Peut-être que, demain, d'autres que nous iront plus loin et envisageront une fusion. Mais il ne pourra pas y avoir une véritable fusion, au niveau de la seule région, s'il n'y a pas, d'une manière ou d'une autre, en quelque sorte des circonscriptions d'action administrative, sur le terrain, à un niveau plus local, ne serait-ce que pour gérer un certain nombre de services, en particulier les services sociaux. Ces derniers, qui sont aujourd'hui bien gérés par les départements, doivent impérativement rester à ce niveau de proximité. C'est la deuxième réflexion que je voulais faire.
Quant au mode de scrutin, j'ai bien entendu tout ce qui a été dit. Ma position personnelle, vous le savez, n'était pas en faveur du mode de scrutin prévu par le texte qui vous est aujourd'hui présenté. J'avais imaginé d'autres dispositifs. Le comité Balladur avait fait d'autres propositions. Le débat politique a eu lieu, et il a abouti à ce qui vous est proposé.
Cela étant, je suis convaincu que ce qui vous est proposé va donner à la région un enracinement qu'elle n'a pas aujourd'hui. C'est une erreur terrible de penser que, sous prétexte que celles et ceux qui siégeront à la région seront élus dans des circonscriptions territoriales, il n'y aura pas de vision régionale. C'est là un point de vue qui me choque énormément. J'ai été conseiller régional, je suis aujourd'hui conseiller général. Le mode d'élection ne m'empêche pas de réfléchir aux grands enjeux du département dont je suis élu. Cette critique n'est pas recevable. Je suis convaincu que, au contraire, l'enracinement dans des territoires donnera à la région une réalité qu'elle n'a pas aujourd'hui. On l'a d'ailleurs vu à l'occasion des deux derniers renouvellements des conseils régionaux, cette année et il y a six ans : on constatait bien, dans le débat public, une méconnaissance par la population de l'action régionale, de celle des élus régionaux, voire de ces élus eux-mêmes. Je suis convaincu que le nouveau mode de désignation apportera une réponse à cette situation regrettable.
Le dernier point que je souhaite aborder concerne l'article 35 et les compétences. Je voudrais citer un alinéa, car j'ai le sentiment qu'un certain nombre d'orateurs ne l'ont pas lu : « [Le conseil général ou le conseil régional] peut en outre, par délibération spécialement motivée, se saisir de tout objet d'intérêt départemental pour lequel la loi n'a donné compétence à aucune autre personne publique. » C'est un point clef. Lorsque la loi précise qui est compétent, c'est bien sûr la collectivité en question qui exerce la compétence. Lorsque la loi ne prévoit rien, tant le département que la région peuvent se saisir, de par leur droit d'initiative, de cette compétence-là.
Ne dites pas que le système est fermé, il est au contraire extraordinairement ouvert. Nous voulons éviter l'exercice de la même compétence par plusieurs collectivités, sauf dans les cas que nous avons énumérés – nous le verrons lors de l'examen de l'article – et que nous avons complétés pour la deuxième lecture.
Il est important de comprendre l'article 35. Le dispositif envisagé et qu'à longuement repris M. le président Sauvadet dans son intervention, permettra dans chaque région à la collectivité régionale et aux collectivités départementales de déterminer, en début de mandat, comment elles exerceront concrètement et très précisément leurs compétences et les répartiront entre elles, alors que les élus seront les mêmes ; la répartition sera donc facile à faire. Elle pourra tenir compte des spécificités économiques et géographiques de ces régions et de leur dimension. En effet, une très grande région comme Rhône-Alpes ou PACA ne gérera pas cette répartition des compétences comme l'Alsace ou la Normandie. Il existe donc une possibilité d'expérimentation, de souplesse, qui me paraît aller dans le bon sens.
Le travail que nous avons effectué, tant dans les commissions que lors de nos différents débats, a été approfondi. Nous sommes parvenus à des propositions concrètes, pragmatiques et, j'en suis sûr, capables d'être mises en place sur le terrain.
La parole est à M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, je voudrais également apporter quelques éléments de réponse. Le ministre de l'intérieur, Brice Hortefeux, a tout à l'heure clairement fixé la position du Gouvernement sur ce texte. Je voudrais apporter des éléments supplémentaires après la discussion générale.
Je voudrais remercier celles et ceux qui ont été acteurs de ce débat au sein de l'Assemblée nationale : M. Warsmann, M. Perben et tous les orateurs qui se sont exprimés pour chacun des groupes. Ils ont fait part de leur vision, de leur approche sur le terrain et par rapport au texte.
Premièrement, rarement un projet aura été soumis au débat aussi longtemps. Le Gouvernement a commencé à consulter les associations d'élus – je parle sous le contrôle de M. le président Pélissard – au printemps 2009. Le conseil des ministres a adopté le projet après ce large débat avec les élus, le 21 octobre 2009. Depuis un an, le texte est soumis au Parlement.
Le Gouvernement n'a pas voulu que ce texte soit examiné selon la procédure accélérée , car il nous a semblé impossible sur un sujet relatif aux collectivités locales de ne pas laisser le Parlement s'exprimer complètement. La première lecture a eu lieu au Sénat, conformément à la Constitution, suivie d'une première lecture à l'Assemblée nationale puis d'une seconde lecture au Sénat. Le texte revient maintenant en deuxième lecture devant votre assemblée. Au Parlement, plus de 180 heures de débat ont été consacrées à ce texte. Cela signifie donc que le débat n'a pas été escamoté. Chacune et chacun a pu prendre la parole, s'exprimer. Le débat s'est déroulé normalement, sans que le Gouvernement tente de l'empêcher, bien au contraire.
Je trouve parfaitement normal que le débat ait eu lieu. Le ministre de l'intérieur a rappelé tout à l'heure que sur les textes précédents, cela n'avait pas été aussi rapide et que les choses n'avaient pas été aussi évidentes. Lors de l'examen du dernier texte sur la décentralisation, le Gouvernement avait eu recours à l'article 49-3 pour parvenir à son adoption.
Deuxièmement, il nous a été souvent dit que ce texte constituait une régression.
Madame Bello, je vais essayer de répondre à toutes les questions posées, notamment sur l'outre-mer.
Mes chers collègues, je vous rappelle que seul M. le ministre a la parole.
Je voudrais prendre deux exemples pour vous indiquer que ce texte est dans la droite ligne de tous les textes de décentralisation
En quoi consiste la décentralisation ? À donner plus de pouvoirs aux élus locaux. Lorsque l'on institue le conseiller territorial, on met en place un élu local extrêmement puissant, qui participera à l'exercice des compétences,…
…qui utilisera les moyens du département et renforcera la décentralisation. Ce sera probablement l'élu qui disposera de plus de compétences et de pouvoirs dans notre système territorial.
Je voudrais aborder un autre point : l'article 35 bis, tel qu'il a été proposé par la commission des lois de l'Assemblée. On nous dit : il faut des lois, des règlements pour organiser les choses. L'article 35 bis est novateur. Il prévoit que c'est au conseiller territorial d'organiser les compétences entre l'institution départementale et l'institution régionale. C'est une innovation fondamentale. Nous n'aurons pas le même système dans toutes les régions françaises. Cela permet de prendre en compte la diversité des situations. Les régions ne sont pas identiques. Certaines ont deux départements, d'autres huit. Certaines sont des régions de montagne, d'autres des régions de plaine. Certaines sont très rurales, d'autres industrielles. Que les régions ne soient pas soumises à la même organisation constitue un vrai progrès.
Confier aux élus locaux le soin d'organiser eux-mêmes les relations entre le département et la région, c'est de la décentralisation. Nous n'avions jamais osé faire cela. Si l'on veut nourrir correctement le débat, il faut que les élus locaux sachent qu'ils auront plus de pouvoirs, plus de responsabilités, ce qui changera la situation.
Je voudrais aborder le mode de scrutin et ses conséquences. Je n'ai jamais caché que j'étais très favorable au mode de scrutin mixte retenu par le Gouvernement, qui a fait l'objet d'un projet de loi déposé devant le Sénat, où il est encore. Je le répète, j'ai toujours été favorable au scrutin mixte, mais on ne peut pas être tout seul, vous savez parfaitement, madame Zimmermann, qu'il convient d'être plusieurs.
J'ai entendu des orateurs dire qu'il fallait être respectueux du travail du Sénat. J'ai été député, puis sénateur, et je suis respectueux du travail du Parlement dans son ensemble et de chacune de ses chambres. Le Sénat a, dans un premier temps, voté un texte qui était la reprise intégrale du projet de loi du Gouvernement. Ce texte a prospéré le temps d'une lecture, puis ce fut l'échec devant l'Assemblée nationale.
Lors de la deuxième lecture, le Sénat a successivement voté contre le scrutin mixte, contre le scrutin proportionnel et contre le scrutin majoritaire. Il appartient donc à l'Assemblée nationale de choisir. Le Gouvernement, après avoir écouté, consulté, a modifié sa position et choisit le scrutin majoritaire à deux tours, connu de tous les Français. Il est utilisé pour l'élection des députés. Personne ne met en doute, que je sache, la profonde légitimité des députés. Le même mode de scrutin sert pour l'élection des conseillers généraux. Il est donc tout à fait légitime d'utiliser ce type de scrutin que nous vous proposons.
Cela peut-il avoir, dans certains domaines, des conséquences auxquelles il faut veiller ? Je reconnais clairement qu'il existe des problèmes autour de la parité.
Chaque mode de scrutin présente des avantages et des inconvénients.
Le mode de scrutin majoritaire présente un certain nombre d'avantages. Je ne parviens pas à accepter et à comprendre l'argument selon lequel on nous reproche de « cantonaliser » la région. Honnêtement, je ne sais pas ce que cela signifie. J'ai également été vice-président de région et cela ne m'a jamais gêné. S'il fallait recommencer, je referais les deux, sans problème.
Si toutes les populations, sur tous les territoires, notamment ruraux, sont assurées d'être représentées demain au conseil régional, ce ne sera pas du luxe. On ne peut pas venir nous dire, à longueur de journée, lors de chaque rendez-vous : les ruraux doivent être représentés, il faut que les territoires ruraux soient vivants ; puis lorsque l'on utilise un mode de scrutin qui permet la représentation des territoires ruraux dans l'assemblée régionale, nous reprocher de vouloir « cantonaliser » la région.
Nous avons choisi un mode de scrutin qui permet à toutes les populations, où qu'elles vivent, d'être représentées au sein de l'assemblée régionale. Nous continuerons à chercher avec vous – nous avons commencé lors de la première lecture devant votre assemblée – les moyens de remédier aux inconvénients que ce mode de scrutin peut avoir du point de vue de la parité. Un premier pas a été accompli, on peut aller plus loin dans ce domaine.
Je voulais faire ces deux remarques sur une loi de décentralisation qui renforce celle-ci et un mode de scrutin, éminemment démocratique, qui fonctionne bien.
Nous aurons, au long du débat, l'occasion de revenir sur les questions abordées aujourd'hui, mais je voulais faire ces quelques observations à titre liminaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
J'appelle, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a au moins un point sur lequel tout le monde est d'accord : lorsque cette loi sera votée, un grand bond en arrière sera fait en ce qui concerne la parité. (Applaudissements sur divers bancs.)
L'un des problèmes majeurs de ce texte, c'est le mode de scrutin.
Je ne conteste pas la création du conseiller territorial – c'est une excellente chose – et je considère que le rapprochement entre la région et le département est nécessaire. Mais, s'agissant du mode de scrutin, vous n'avez pas mesuré son impact sur la parité, il suffit de regarder les chiffres pour s'en convaincre. Avec un scrutin uninominal à deux tours, le pourcentage de femmes s'élève à 12,9 % de femmes dans un conseil général et à presque 19 % à l'Assemblée nationale.
En outre, la réduction du nombre de conseillers territoriaux aura également un impact considérable sur la représentation et le nombre des femmes. Aujourd'hui, on compte 47 % de femmes dans les conseils régionaux et 12 % dans les conseils généraux. Si vous divisez par deux, on arrivera à 20 % de femmes dans le meilleur des cas et si l'on est très optimiste !
Ne me répondez surtout pas, monsieur le ministre, que les femmes seront très présentes dans les conseils municipaux. Il faut être sérieux et je m'adresse autant à vous qu'à vos conseillers ! Il n'y a aucune raison qu'une femme ne soit pas présente dans un conseil régional ou général, d'autant que nous avons voté une loi visant à permettre aux femmes de siéger dans les exécutifs. Je pose la question de savoir si, demain, les femmes seront en nombre suffisant dans certaines collectivités pour arriver à une parité stricte dans les exécutifs.
Concernant les mesures coercitives, notamment celle concernant le suppléant, je fais observer que, la plupart du temps, ce sont les femmes qui sont suppléantes.
S'agissant du financement, j'estime que nous sommes en train de monter une usine à gaz. Lorsque l'aide de l'État sera calculée pour les conseillers territoriaux et les élections législatives, les partis politiques seront encore moins perdants. À un moment donné, il faut savoir assumer ses choix et admettre que le mode de scrutin qui a été choisi aura pour conséquence la réduction du nombre de femmes dans des collectivités où elles sont aujourd'hui présentes. Elles donnent leur point de vue dans divers domaines, que ce soient l'urbanisme ou les grandes infrastructures. La gouvernance, j'en suis profondément persuadée, doit être mixte.
Votre projet, lorsqu'il sera adopté, ne reflétera pas du tout l'image de la société française.
Je vous demande instamment, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, de réfléchir et de prendre d'autres mesures pour permettre aux femmes de continuer à siéger dans les conseils régionaux et généraux. Les femmes ne doivent pas être cantonnées dans les conseils municipaux, même si elles y réalisent un travail extraordinaire. Elles ont aussi le droit de prendre des décisions. Or les décisions se prennent au niveau des conseils généraux et régionaux. Hélas, monsieur le ministre, votre projet de loi ne va pas dans ce sens. Je regrette d'avoir à vous le dire, mais force est de constater que la composition de votre cabinet n'est pas à l'image de la société.
Je n'ai pas l'habitude de stigmatiser, monsieur le ministre, mais je ne peux m'empêcher de faire remarquer que s'il y avait ne serait-ce que trois femmes parmi vos conseillers, nous n'aurions sûrement pas abouti au texte que vous nous présentez ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe GDR.)
À mon tour, je ferai quelques remarques sur les conseillers territoriaux. J'ai rencontré beaucoup d'élus locaux avec qui j'ai, ces derniers mois, discuté de votre projet qui crée les conseillers territoriaux.
Si je partage avec le ministre un léger accent (Sourires), je suis loin de partager sa vision – déformée, à mon sens – des conseillers territoriaux, laquelle n'a rien à voir avec ce qui se passera dans la réalité.
Il en va de même de la démocratie, monsieur le ministre, sans vouloir abuser des grands mots. Je m'explique. Ces nouveaux élus occuperont une place très importante – vous l'avez souligné – et disposeront de pouvoirs considérables ; ils seront en quelque sorte des semi-professionnels de la politique. Ils représenteront un territoire plus vaste que les cantons, notamment dans les zones rurales. Je ne laisse pas sous-entendre qu'il fallait maintenir les cantons dans leur taille actuelle. Je citerai – au hasard – l'exemple de l'arrondissement d'Ambert, qui compte huit conseillers généraux et deux conseillers régionaux. Avec votre projet, on passera à deux, voire trois conseillers territoriaux, ce qui aura pour conséquence un éloignement des élus. Il est évident qu'ils seront moins proches des populations et cela pour plusieurs raisons : ils seront moins nombreux et le territoire qu'ils représenteront sera plus vaste. Le lien avec la population sera plus difficile à maintenir, moins harmonieux. C'est en ce sens que je parlais de démocratie tout à l'heure.
Pour avoir été, pendant vingt-cinq ans, conseiller général, et pour être actuellement conseiller régional, je sais comment cela fonctionne. C'est du travail, notamment lorsqu'il faut voter les budgets. Les élus seront très éloignés des populations, des collectivités locales et des territoires qu'ils représenteront.
Ils passeront des semaines entières au chef-lieu du département – voire au chef-lieu régional pour les départements éloignés, et, à cet égard, la question des déplacements se pose également. Je le répète, il y aura un vrai déficit démocratique, j'en suis convaincu et la quasi-totalité des élus avec qui j'en ai discuté partage mon avis.
Autre conséquence pour les élus : leur disponibilité ne sera pas la même selon qu'ils sont salariés, fonctionnaires ou qu'ils exercent une profession libérale. Or il n'est pas aisé actuellement d'avoir des élus qui ne sont ni des retraités ni de purs professionnels de la politique parce que, dans le monde du travail, il est parfois difficile d'obtenir des autorisations d'absence pour exercer son mandat, sans parler des répercussions sur les carrières professionnelles. Votre projet de réforme aggravera cette situation. Curieusement, personne ne l'a fait remarquer.
Nous connaîtrons une évolution sociologique dans la composition des assemblées, régionales ou départementales.
En termes de démocratie, là encore, cela aura pour conséquence que des catégories entières de population ne seront plus représentées.
Nous devons en avoir conscience.
Votre projet de loi remet également en cause la parité. C'est gravissime. Des avancées ont été réalisées en termes d'égalité entre les femmes et les hommes, même si l'on est encore loin de l'objectif fixé. Dans une société comme la nôtre, opérer un tel retour en arrière est gravissime.
Ce genre de régression est plutôt rare, c'est pour cela qu'il faut en prendre toute la mesure ! Au-delà de la question de l'égalité entre les hommes et les femmes, un nombre moins important d'élues femmes a aussi des conséquences, j'en suis persuadé, sur les choix de gestion.
Les femmes n'ont pas la même approche des problèmes car elles ont des sensibilités différentes. Là encore, c'est un coup porté à la démocratie.
Se pose aussi le problème du bipartisme et cela me gêne un peu d'en parler en l'absence de nos collègues du parti socialiste, qui semblent s'en accommoder. Mais force est de constater que c'est un pas supplémentaire vers le bipartisme. Pourtant, monsieur le ministre, vous n'êtes pas issu de ce que l'on appelle un grand parti. La proportionnelle permet une représentation diversifiée et l'émergence de courants qui, sans elle, ne pourraient apparaître. Avec votre texte, nous nous dirigeons vers des assemblées qui, pour l'essentiel, seront composées par le parti dominant de droite, qui sera ce qu'il sera, et le parti dominant de gauche, qui sera ce qu'il sera. Voilà un autre coup porté à la démocratie.
Cela étant, je sais que les choses sont bouclées, mais permettez-moi néanmoins de dire que nous ne mesurons pas toutes les conséquences de ce texte.
Et c'est avec une certaine culpabilité que je reconnais que nous n'avons pas réussi à le faire comprendre, y compris parmi la population, qui n'a pas encore pris conscience des conséquences d'un tel projet.
Voilà la réalité et vos discours matois, monsieur le ministre, n'y changeront rien. Au-delà de nos sensibilités politiques, je suis profondément convaincu que nous partageons le même point de vue. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l'amendement n° 195 .
Je vais défendre cet amendement de suppression de l'article 1er A.
À mon tour, je veux dire que le conseiller territorial constitue un recul démocratique, une régression – n'ayons pas peur des mots !
La création du conseiller territorial n'a pas de sens dans la mesure où il n'y a pas la moindre mise en commun – ni même un début de mise en commun – des moyens, des ressources et des compétences des conseils généraux et régionaux.
Je ne reviens pas sur la question du cumul de mandats automatique que cela instaure, je l'ai évoqué lors de la discussion générale.
Je plaide pour ma part non pour la parité, mais pour l'égalité entre les hommes et les femmes. Votre projet refait surgir une inégalité que nous avions pourtant réussi à faire reculer sous le gouvernement Jospin en adoptant des lois votées par la majorité de l'époque – socialistes, communistes et Verts.
Ces lois ont produit leurs résultats. On peut dire tout ce que l'on veut, mais les conseils régionaux, Mme Zimmermann l'a souligné, sont quasiment paritaires, puisque l'on compte 46 à 47 % de femmes en leur sein. Il en va de même, aujourd'hui, pour les communes où la loi s'applique.
J'ajoute, et je serai encore plus précis que Mme Zimmermann, qu'adopter ce scrutin pour le conseiller territorial favoriserait la parité dans les conseils municipaux. Tout le monde, que ce soit ici ou à l'extérieur, doit bien en avoir conscience. Il peut en aller également ainsi des conseils intercommunaux, mais, compte tenu du fléchage, en cas de chiffres impairs, il y aura neuf chances sur dix pour que ce soit deux hommes et une femme ou un homme, s'il n'y a qu'un conseiller. On le constate déjà aujourd'hui. Sans une élection au suffrage universel direct de liste pour les scrutins intercommunaux, il n'y aura aucune évolution.
La parité progresse petit à petit au Sénat où l'on compte, en effet, plus de femmes, en pourcentage, qu'à l'Assemblée nationale. C'est également le cas du Parlement européen grâce aux listes à la proportionnelle. Or ce sont les trois assemblées – même si l'on peut en discuter s'agissant des communes face aux départements ou aux régions – qui ont le moins de pouvoirs. Et comme par hasard, l'Assemblée nationale, qui a le dernier mot, est l'assemblée où l'on enregistre le plus faible taux de féminisation.
Certains envisagent des sanctions financières pour les partis politiques. Mais comment cela pourra-t-il fonctionner pour le conseiller territorial ? Il suffira de se présenter en dehors des partis.
Les candidats considéreront qu'ils ne dépendent d'aucun parti. Ce serait, de plus, la première fois qu'on lierait la question du financement des partis à celle des élus locaux. Si on le faisait, on sait parfaitement que fleuriraient de nombreux candidats hors parti qui, une fois arrivés dans les assemblées, se retrouveraient dans des groupes politiques ou y seraient apparentés. On sait parfaitement comment cela fonctionne. C'est déjà le cas d'ailleurs.
Les conseillers généraux sont, pour beaucoup, sans étiquette. C'est le fruit de réalités locales. On peut donc se demander si le conseiller territorial ne nous amènera pas au « syndrome Patrick Juvet », si vous me permettez cette petite note d'humour. « Où sont les femmes ? », c'est ainsi que nous pourrions rebaptiser le titre de votre chapitre sur les conseillers territoriaux.
Après la question essentielle de l'égalité des hommes et des femmes, j'insisterai sur un autre point que vous avez totalement occulté dans votre réponse, monsieur le ministre. Il s'agit de l'égalité des citoyens devant le suffrage. Ce principe général de notre République a été malheureusement souvent malmené du fait, notamment, des modes de scrutin cantonaux. J'ai pris connaissance du tableau fourni en annexe, lequel a été légèrement modifié par rapport à la première lecture, et je me suis livré à une petite comparaison par rapport à la région dont je suis élu et que je connais donc bien, même si je ne siège ni au conseil régional ni au conseil général. La Mayenne se verrait attribuer dix-neuf conseillers territoriaux, ce qui ferait une moyenne d'un conseiller territorial pour un peu moins de 16 000 habitants, et la Loire-Atlantique cinquante-trois conseillers territoriaux Je précise qu'en première lecture la Mayenne comptait quinze conseillers territoriaux et la Loire-Atlantique cinquante-deux. La Loire-Atlantique compterait alors un conseiller territorial pour 24 000 habitants. Ainsi, à population équivalente, il y aurait deux conseillers territoriaux en Loire-Atlantique et trois en Mayenne. Donc, vous adjoignez au problème de la « cantonalisation » de la région celui de l'inégalité des habitants devant le suffrage. Il est, en revanche, tout à fait logique qu'il y ait davantage de conseillers généraux en Mayenne par nombre d'habitants qu'en Loire-Atlantique, puisque c'est un plus petit département et que la densité y est donc plus faible. J'imagine que, dans les zones de montagne, par exemple, les cantons doivent être plus petits au regard de l'importance de la population. Mais, à mélanger dans la même région des départements qui n'ont pas la même densité, on se « fracasse » devant la réalité.
Comme vous pourrez le constater lors de l'examen des prochains amendements, qui sont, comme on dit dans le jargon parlementaire, des amendements de repli, nous sommes, pour notre part constructifs. Nous sommes ouverts au compromis. Mais si vous tenez vraiment à votre conseiller territorial, le plus simple serait de voter notre amendement de suppression. Nous avons des solutions très concrètes qui garantissent l'égalité devant le suffrage et la parité hommes-femmes.
De plus, comme l'a dit André Chassaigne, et je tiens à le souligner à mon tour, il ne faut pas se voiler la face : l'âge moyen des conseillers généraux est beaucoup plus élevé que celui des conseillers régionaux. Nous savons très bien qu'il y aura un vieillissement accru de nos assemblées, parce que les jeunes y sont sous-représentés.
Quant à la diversité des origines, il n'y a pas besoin de faire un dessin, il suffit de regarder l'Assemblée nationale et de la comparer avec les assemblées communales ou régionales, où la diversité d'origine est beaucoup plus marquée. Nous pouvons considérer que ce n'est pas le sujet, mais j'estime pour ma part qu'une si grande distorsion entre la sociologie du pays et celle de notre assemblée joue aussi un rôle dans la coupure entre nos concitoyens et la politique.
Je ferai une remarque à l'intention de tous les groupes. Nous sommes dans la procédure du temps législatif programmé. Si deux membres du même groupe prennent dix minutes chacun pour présenter le même amendement, certains groupes vont forcément épuiser le temps qui leur a été attribué. Je tiens à le préciser pour éviter toute difficulté demain ou après-demain.
Je suis saisi d'un amendement n° 197 .
La parole est à M. François de Rugy.
Cet amendement est très simple, mais il mérite une explication, puisque tout le monde n'a évidemment pas en mémoire les modalités prévues au titre Ier du livre IV du code électoral. Nous proposons d'élire le conseiller territorial selon le mode de scrutin mixte qui existe pour les élections régionales. Ce mode de scrutin devrait tout de même faire consensus, puisqu'il a été, en fait, calqué sur celui des élections municipales pour les communes de plus de 3 500 habitants. Ce mode de scrutin est en vigueur aux municipales depuis 1983. Il n'a jamais été remis en cause lors des alternances. Il a été, ensuite, mis en place pour les élections régionales par le gouvernement de Lionel Jospin, donc pendant la législature 1997-2002, puis il a été légèrement modifié avant les élections de 2004 par la majorité suivante. On peut donc considérer qu'un consensus s'était dégagé. Il a fonctionné deux fois : en 2004 et en 2010. On connaît parfaitement son mode de fonctionnement. Depuis 1983, les Français s'y sont habitués. Nous en connaissons les résultats : la parité et la diversité sur les listes, si on le désire ; les sections départementales existent pour les régionales, donc on peut très bien répartir les conseillers régionaux par département et même exiger qu'ils soient issus de ce département, ce qui n'est pas forcément le cas aujourd'hui.
C'est pourquoi nous plaidons pour l'adoption de cet amendement – je vous y engage vous, au moins, mesdames de la majorité – qui ne constituerait, en dépit de la création du conseiller territorial, ni une régression démocratique au regard de la diversité politique ni une régression au regard de l'égalité hommes-femmes.
Même avis.
(L'amendement n° 197 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 199 .
La parole est à M. François de Rugy.
Dès que l'on parle de mode de scrutin, on peut faire preuve d'une créativité sans limite. Tout est question de dosage.
Nous proposons de nous inspirer d'une des premières rédactions, à savoir celle du Sénat, qui avait adapté le texte du Gouvernement en première lecture. Il s'agit d'assurer la représentation égalitaire de tous les territoires par un scrutin uninominal majoritaire à deux tours et l'expression du pluralisme politique ainsi que la parité par un scrutin proportionnel de liste à deux tours, chaque électeur disposant de deux voix. C'est ce qui se fait en Allemagne pour le Bundestag. Ce scrutin mixte permettrait à la fois, j'y insiste, la représentation des territoires – il respecte l'aspect cantonal auquel vous tenez, monsieur le ministre – et la représentation de la diversité politique. C'est pourquoi je vous propose cet amendement, qui est un compromis puisqu'il instaure la mixité du mode de scrutin.
Défavorable.
(L'amendement n° 199 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 198 .
La parole est à M. François de Rugy.
Cet amendement relève du même principe que le précédent. Toutefois, nous avons constaté qu'il y avait des partisans du mode de scrutin uninominal à un tour et du mode de scrutin proportionnel de liste à un tour, comme en Allemagne, chaque électeur disposant de deux voix. Je rappelle que cela permettrait également d'assurer la parité hommes-femmes, car le scrutin de liste peut corriger les disparités qui apparaissent lors du scrutin uninominal dans le cadre des circonscriptions : les cantons, en l'occurrence.
Défavorable.
Une fois n'est pas coutume, j'avoue que je suis assez tentée d'approuver cet amendement. Il correspond, en partie, à ce qu'avait préconisé le Président de la République à l'origine de ce projet de loi, c'est-à-dire un scrutin mixte territorial et proportionnel permettant la représentation des femmes, ce à quoi je tiens beaucoup. Ce mode de scrutin permettrait, en conséquence, de préserver la parité, tout le monde en convient. Dans mon département, il n'y a pas une seule femme parmi les trente conseillers généraux et même si l'on réduit à vingt-cinq ou vingt-trois le nombre des conseillers territoriaux, il en ira de même demain.
Je suis saisi d'un amendement n° 196 .
La parole est à M. François de Rugy.
Cet amendement tend à revenir au texte adopté par le Sénat en première lecture. Je voulais faire plaisir à nos collègues sénateurs qui sont parvenus à cette rédaction après une longue discussion.
Défavorable.
Le groupe Nouveau Centre et apparenté est favorable à cet amendement. En effet, dans sa sagesse, le Sénat s'est orienté vers un mode de scrutin mixte permettant aussi la représentation des territoires. À entendre les propos échangés, aucun mode de scrutin n'est parfait. Si la proportionnelle offre des avantages tout à fait évidents, s'agissant notamment de la parité, elle pose des problèmes de représentation des territoires. Je suis élu du département du Tarn. Depuis l'origine, tous les partis politiques présentent, au scrutin proportionnel, des candidats issus des principales villes et agglomérations du département, mais il n'y a jamais de conseillers régionaux issus des secteurs ruraux. Un mode de scrutin mixte assurerait cette représentation des territoires. D'un côté, le mode de scrutin uninominal permettrait d'asseoir une majorité tout en assurant la représentation des secteurs ruraux. De l'autre, une dose de proportionnelle, certes à déterminer, favoriserait la représentation de la diversité des opinions et des forces politiques tout en garantissant la féminisation des assemblées territoriales, objectif que nous partageons toutes et tous. Notre collègue Marie-Jo Zimmermann a soulevé, à ce titre, des questions fondamentales. Nos concitoyennes ont aussi le droit d'accéder aux responsabilités. Or le mode de scrutin uninominal sec, tel qu'il nous est proposé, ne permet pas de favoriser la parité.
C'est la raison pour laquelle nous soutenons cet amendement visant à revenir au texte adopté par le Sénat en première lecture, ce qui permettrait de combiner les avantages des deux systèmes.
(L'amendement n° 196 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 193 .
La parole est à M. Claude Leteurtre.
Cet amendement vise à passer, pour les élections municipales, au scrutin proportionnel de liste pour les communes de 2 000 habitants et plus alors que le seuil actuel est de 3 500 habitants.
Sans conduire à une trop grande politisation des scrutins locaux, ce qui aurait été le cas avec un seuil de 500 habitants, cette mesure permettrait d'assurer aux exécutifs des communes dont la population est comprise entre 2 000 et 3 500 habitants une plus grande légitimité démocratique et une meilleure représentation des opinions.
J'ai bien entendu le discours de Mme Zimmermann. C'est une question, vous l'avez compris, qui interpelle le Nouveau Centre. D'après mon expérience de la vie municipale, les femmes, dont la représentation serait assurée, savent expliquer leur point de vue, se faire entendre et respecter, et, à partir de là, elles progressent. C'est sûrement un moyen d'encourager à l'avenir la parité.
La commission a rejeté cet amendement.
Il y a un débat sur le seuil qu'il nous faut fixer. Il est clair que celui de 3 500 habitants n'est pas satisfaisant, compte tenu du nouveau système de désignation des délégués intercommunaux, et qu'il faut l'abaisser. Mais je regretterais qu'une décision soit prise dès maintenant, surtout en optant pour 2 000 habitants, alors que l'on envisage plutôt un seuil inférieur et que la question sera discutée lors de l'examen du texte déposé devant le Sénat. Ce serait une mauvaise manière vis-à-vis du Sénat d'en isoler un élément.
Le Gouvernement a en effet déposé sur le bureau du Sénat un texte prévoyant d'abaisser le seuil de 3 500 à 500 habitants.
C'est une demande des associations d'élus, que le Gouvernement a reprise, ce qui montre son sens de l'ouverture et de la concertation, et je vous remercie, monsieur Chassaigne, de l'avoir souligné aussi clairement, mais je sais qu'il y a débat sur ce point et que certains trouvent que c'est un seuil peut-être trop bas.
Les députés du Nouveau Centre nous ont expliqué, très bien d'ailleurs, qu'il fallait être attentif aux travaux du Sénat,
Aux termes de la Constitution, je vous le rappelle, les textes relatifs aux collectivités locales doivent être discutés d'abord devant le Sénat de façon qu'il puisse éclairer la délibération de l'Assemblée nationale.
Si on allait plus avant sur ce point, ce serait mal agir vis-à-vis du Sénat (Exclamations sur les bancs du groupe NC) et j'ai bien compris que votre groupe ne le voulait pas. C'est la raison pour laquelle, par souci de cohérence, le projet du Gouvernement devant très bientôt faire l'objet d'une délibération sénatoriale, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
Vous savez tout le respect que j'ai envers le Sénat, et je m'incline toujours devant sa sagesse légendaire. Cela étant, un tiens vaut mieux que deux tu l'auras. Nous allons dans le bon sens et les sénateurs comprendront que ce n'est pas une intrusion mais simplement une indication. Je suis sûr qu'ils feront beaucoup mieux que nous, mais faisons tout de même ce premier pas qui va montrer le chemin. Je sais bien que le Sénat n'a pas besoin qu'on lui montre le chemin, mais nous avons le droit de lui donner parfois une indication.
Je vous ai bien entendu, monsieur le ministre, mais je me permets simplement de vous rappeler que, pour le texte relatif aux compétences, le Sénat n'a été saisi qu'en second.
Par ailleurs, c'est un sénateur du Nouveau Centre qui avait déposé cet amendement fixant le seuil à 2000 habitants. Nous ne faisons donc que respecter la volonté des sénateurs.
Comme vient de le souligner Claude Leteurtre, pourquoi attendre un texte qui sera présenté dans on ne sait combien de mois ? Vous nous annoncez qu'il sera alors proposé un seuil de 500 habitants : c'est parfait. La première étape sera pour ce soir et la seconde dès que ce texte viendra en discussion. Marie-Jo Zimmermann pourrait être heureuse parce que cela voudrait dire qu'en termes de parité pour les élections municipales, on progresserait sensiblement.
La position du rapporteur me paraît pleine de bon sens. Nous allons discuter d'un seuil de 500 habitants à l'occasion de l'examen d'une disposition qui fait partie de l'ensemble d'une loi. Je ne comprends pas très bien la méthode qui consisterait à donner à propos du même texte des réponses segmentées, parcellisées, et même temporaires. La sagesse nous commande d'attendre que l'on en arrive à l'examen de ce seuil de 500 habitants. Cela me paraît infiniment plus raisonnable, pour parler comme on parle, paraît-il, au Sénat.
Dans la mesure où les députés du Nouveau Centre maintiennent leur amendement, et pour maintenir la cohérence du texte que M. Marleix défendra devant le Sénat dans quelques jours, je demande à l'Assemblée nationale de rejeter cette proposition.
(L'amendement n° 193 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 279 .
La parole est à Mme Huguette Bello.
Dans les régions monodépartementales comme la Réunion, la création de conseillers territoriaux aboutira à l'institution de deux assemblées identiques.
Cette situation qui, selon les termes mêmes du rapporteur, serait vite intenable, se traduira dans les faits par une véritable régression de la décentralisation chez nous. En effet, on reviendrait à l'architecture institutionnelle existant avant la mise en place du conseil régional.
L'application de l'article 1er créant le mandat de conseiller territorial et de l'article 1er A débouchera sur une assemblée unique s'apparentant au conseil général actuel – même mode de scrutin, mêmes circonscriptions électorales, même nombre d'élus –, mais cumulant les compétences des deux assemblées : un conseil général aux compétences très larges.
Comme je l'ai souligné dans la discussion générale, tout ce qui touche aux institutions est très sensible outre-mer. Ces questions méritent d'être posées avec clarté et de façon concertée. Vous ne m'avez d'ailleurs pas répondu tout à l'heure, monsieur le ministre. Or ce qu'on nous propose est une évolution qui ne dit pas son nom : l'assemblée unique subie, et ce n'est pas en légiférant par ordonnance comme le Gouvernement souhaite le faire que la confiance, tellement indispensable dans ce domaine, sera rétablie.
Plutôt que l'efficacité et la clarification, qui sont les objectifs de ce projet de loi, ce sont la confusion et l'incohérence qu'il programme pour les territoires concernés.
C'est la raison pour laquelle nous demandons une fois de plus de ne pas décalquer de façon mécanique cette réforme à la Réunion.
La commission a donné à cet amendement un avis défavorable, que je confirme.
Cela dit, je comprends les inquiétudes et les interrogations de Mme Bello. On ne peut bien sûr pas faire une exception dans ce texte pour la Réunion, monsieur le ministre, mais le Gouvernement, en concertation avec les élus de cette collectivité, doit très vite dresser des perspectives et donner des réponses concrètes. On ne peut pas envisager de manière durable une assemblée unique avec deux collectivités, deux présidents, deux bureaux. Il y a quelque chose qui ne colle pas. Il faut donc mener une réflexion.
Pour la Guadeloupe, les choses sont un peu différentes puisque j'ai cru comprendre qu'elle voulait entrer dans un processus prévu par la Constitution pour aller éventuellement vers une assemblée unique mais, la Réunion ayant pris très clairement position contre toute évolution de son statut et ce texte s'appliquant, bien sûr, à l'ensemble du territoire national, sauf exceptions prévues, il faut que le Gouvernement apporte des éclaircissements et que l'on sorte très rapidement de l'incertitude.
Je comprends parfaitement les interrogations qui sont les vôtres, madame Bello. Il y a en effet une diversité de situations dans les territoires d'outre-mer. Seuls les départements de Guyane et de Martinique ont jusqu'à présent opté pour le statut de collectivité unique prévu par l'article 73 de la Constitution.
Comme le Gouvernement l'a précisé lors des précédentes lectures, la Réunion et la Guadeloupe, qui ne l'ont pas fait, doivent se voir appliquer la même réforme que celle prévue pour la métropole. Prévoir des exceptions pour l'un ou l'autre de ces deux départements serait contraire à l'article 73 de la Constitution. Il n'est donc pas envisageable de retenir l'amendement que vous venez de présenter.
En outre, si le conseil général et le conseil régional de ces deux départements doivent bien avoir une composition identique, et je ne suis pas en mesure d'aller plus loin aujourd'hui dans la discussion, monsieur le rapporteur, une telle situation n'est pas totalement inédite dans notre architecture institutionnelle. En effet, en vertu de l'article L.2512-1 du code des collectivités territoriales, le Conseil de Paris règle à la fois les affaires de la commune de Paris et celles du département de Paris.
Ce n'est pas inexact.
Vous ne pouvez pas comparer Paris avec la Réunion, qui est la région la plus pauvre !
J'ai bien entendu vos explications, monsieur le ministre. Il est effectivement difficile de faire une exception pour la Réunion, le rapporteur l'a dit très justement, mais il faut inciter le Gouvernement à ouvrir une concertation parce que le cas de la Réunion est tout à fait spécifique.
Il serait paradoxal de rechercher la simplification et d'arriver à quelque chose qui ne serait pas compris des Réunionnais. Avoir deux assemblées composées exactement de la même manière, cela me semble contraire à l'esprit de la loi. Je veux bien reconnaître que la situation n'est pas forcément facile, mais le Gouvernement devrait engager avec les élus de la Réunion une discussion pour essayer de trouver au moins une formule cohérente avec l'esprit de cette loi, même si chacun comprend qu'on ne peut pas voter ici une mesure spécifique à un département. Mme Bello a raison d'appeler notre attention sur ce point.
Le rapporteur et M. Jégo ont tenu des propos et très pertinents ; il serait bien, monsieur le ministre, que vous puissiez aller dans le même sens car vous nous avez servi une espèce de discours qui me faisait plutôt penser à un cabotage du bord de Saône. Sans prendre véritablement d'engagements, vous pourriez au moins souligner le caractère particulièrement pertinent de cet amendement et envisager d'aller dans un sens qui permettrait de sortir d'un texte à dimension schizophrénique.
J'entends bien, monsieur le ministre, votre argument sur le risque d'inconstitutionnalité. Pour autant, ainsi que l'ont souligné M. Chassaigne et M. Jégo, nous sommes face à un problème manifeste, une situation qui sera totalement incompréhensible pour nos concitoyens. Comme cela vous a été demandé sur tous les bancs de cette assemblée, un engagement plus fort est souhaitable. Cette réforme a été à certains égards justifiée par la nécessité de réaliser des économies. Comment mettre en avant un tel argument s'il existe sur un même territoire deux assemblées composées des mêmes personnes et ayant des compétences différentes ? Nous ne saurions maintenir ce flou.
Je souhaite répondre aux inquiétudes qui viennent d'être exprimées, notamment par M. Folliot. Ces difficultés ne nous ont pas échappé. Si je ne suis pas spécialiste des questions de l'outre-mer, je sais néanmoins que le Gouvernement part de l'idée que la situation n'est pas identique dans tous les départements d'outre-mer, qu'il faut consulter chacun de ces départements et reprendre ce qu'ils nous demandent. Nous sommes aujourd'hui en mesure de répondre pour deux d'entre eux, mais nous n'avons pas encore toutes les réponses pour deux autres.
C'est la raison pour laquelle l'Assemblée nationale et le Sénat ont voté conforme, en première lecture, un article 40 qui dispose que « le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi, les dispositions fixant les mesures d'adaptation de l'article 1er de la présente loi dans les départements et régions d'outre-mer de Guadeloupe, de Guyane et de Martinique ». La procédure est donc en place : après l'adoption de la loi et la consultation des institutions locales dans chaque département concerné, le Gouvernement, au vu des positions de chacun, prendra par voie d'ordonnance les mesures d'adaptation nécessaires. Je demande le retrait de l'amendement.
À l'article 1er B, je suis saisi d'un amendement de suppression, n° 25.
Il est défendu.
(L'amendement n° 25 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Le titre Ier est intitulé « Rénovation de l'exercice de la démocratie locale », et l'amendement que nous vous proposons s'inscrit précisément dans cette démarche. Depuis de nombreux rendez-vous électoraux, nous constatons malheureusement une tendance fâcheuse : nos concitoyens sont nombreux à ne plus se déplacer dans les bureaux de vote, marquant ainsi une distanciation avec la vie politique de notre pays. Dès lors, toute démarche qui favorise l'arrêt de cette tendance et permet aux électeurs de s'exprimer est bonne.
Dans ce contexte, le vote blanc vaut mieux que l'abstention et mérite donc d'être reconnu, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle puisqu'il est assimilé à l'abstention et même considéré comme un vote nul. Le vote blanc constitue pourtant une forme d'expression démocratique souhaitée par nos concitoyens. La prise en considération de ce mode d'expression peut être un encouragement à la participation électorale, alors que le refus de ce décompte irrite considérablement des citoyens ayant une conscience politique et qu'il faut rapprocher des urnes. Cette prise en compte sera reçue comme l'expression de notre reconnaissance des intérêts du plus grand nombre.
Rehausser de 10 % à 12,5 % du nombre des inscrits le seuil à franchir pour être candidat au second tour, comme le prévoit l'article, renforcera incontestablement la légitimité des élus. Dans le même esprit, la reconnaissance des votes blancs dans le résultat du premier tour permettrait de mieux mesurer l'intérêt accordé par les électeurs au droit de vote, que certains pays, d'ailleurs, considèrent comme un devoir, et renforcerait ainsi la légitimité des candidats qui franchissent ce seuil. Il n'est pas impossible en effet de rénover l'exercice de la démocratie locale, mais il faut prendre en considération ce vote d'expression citoyenne.
C'est pour cette raison que nous vous proposons de faire entrer en compte les bulletins blancs dans le résultat du dépouillement, ce qui n'aura pas d'incidence majeure mais permettra sûrement de réconcilier un certain nombre de Français avec le vote.
Défavorable. Je comprends que la question se pose, mais je ne crois pas que ce texte soit la meilleure occasion pour la trancher. En effet, la question du vote blanc ne se pose pas uniquement pour les élections territoriales, mais pour l'ensemble des élections.
En outre, si nous voulons un débat approfondi sur un tel sujet, il faut y réfléchir, observer notamment la situation dans les pays étrangers. Le vote blanc est surtout reconnu dans les pays où le vote est obligatoire, car c'est assez cohérent. Il me semble qu'il serait très dangereux d'adopter un tel amendement sans avoir conduit ce travail de réflexion, d'analyse et de comparaison internationale. Tel est mon avis personnel, qui s'ajoute à l'avis négatif de la commission.
Il s'agit d'une vraie question, d'ailleurs très souvent posée, mais je ne crois pas que ce soit le bon texte pour la traiter. Il faudrait avoir une vision des conséquences d'une telle mesure sur tous les scrutins. Je ne prendrai qu'un exemple, celui du scrutin présidentiel au second tour. Il est absolument nécessaire que le Président élu ait la majorité absolue, pour ne pas fragiliser la fonction présidentielle. Si les votes blancs sont comptabilisés, un candidat peut être élu à la majorité relative. Est-ce ce que nous voulons ? Nous ne pouvons pas traiter cette question à la légère.
En outre, le décompte des votes blancs n'aurait pas de conséquence sur l'élection du conseiller territorial, puisque c'est le pourcentage des inscrits qui est pris en compte.
Nous pourrions peut-être chercher un texte au contenu vraiment électoral, où les conséquences de cette disposition pourraient être examinées pour tous les scrutins.
Voilà pourquoi j'émets un avis défavorable.
Monsieur le ministre, on peut toujours dire qu'il ne s'agit pas du bon texte pour reporter la décision. Mais cela fait des années que nous savons, sur tous les bancs, que l'abstention est un problème, auquel la prise en considération du vote blanc représente certainement l'une des solutions.
Vous venez de relever que cette disposition ne créait pas de difficultés pour le présent texte. Raison de plus pour ouvrir la voie ! Nous verrons alors comment cela se passe, avant d'envisager d'étendre la mesure à d'autres élections. Si, à chaque débat sur un mode de scrutin, on nous répond que ce n'est pas le moment, nous nous poserons encore les mêmes questions dans plusieurs décennies ! Ce serait assurément dommage, car le vote blanc est un mode d'expression en soi, qui vaut mieux que l'abstention.
Je ne nie pas que la légitimité du Président de la République doive être la plus forte possible rapportée au pourcentage des électeurs qui votent, mais il ne faut pas non plus oublier la problématique de l'abstention. Le vote blanc serait peut-être un moyen de lutter contre elle. Il vaut mieux que certains de nos concitoyens se déplacent pour déposer un bulletin blanc, qui a une signification, plutôt que l'abstention prenne de l'ampleur, comme nous le constatons malheureusement au fil des scrutins, en particulier dans les scrutins partiels. L'occasion nous est offerte de montrer la voie.
Sur le fond, je suis très favorable à ce que les votes blancs soient décomptés. J'avais même déposé, il y a quelques années, une proposition de loi en ce sens. Cependant, l'amendement tel qu'il est rédigé est à mon sens inconstitutionnel parce qu'il instaure pour l'élection territoriale un mode de décompte des voix différent de celui en vigueur dans toutes les autres élections. Y a-t-il une raison à cela ? Je crois que nous sommes devant un cas manifeste d'inconstitutionnalité.
(L'amendement n° 71 n'est pas adopté.)
(L'article 1er B est adopté.)
À l'article 1er C, je suis saisi d'un amendement n° 2 .
La parole est à M. Yves Vandewalle.
Monsieur le ministre et monsieur le rapporteur, vous avez souligné la sagesse du Sénat. Cet amendement a précisément pour but de réintroduire une disposition sénatoriale.
Il s'agit d'éviter de briser des solidarités territoriales qui fonctionnent aujourd'hui parfaitement. Les logiques territoriales ne sont pas seulement régies par des chiffres – ceux qui ont servi à délimiter les circonscriptions législatives –, elles le sont avant tout par des bassins de vie, construits autour d'une histoire et organisés de plus en plus souvent autour d'un projet politique intercommunal.
Demain, 3 500 conseillers territoriaux vont remplacer 6 000 conseillers généraux et régionaux. Ils seront les représentants d'un territoire, et leur élection est donc différente de celle des députés car elle doit refléter la réalité de ces territoires. Je vous rappelle à cet égard que, lors du redécoupage des circonscriptions législatives, le Conseil constitutionnel avait posé comme règle qu'aucun canton ne soit partagé entre deux circonscriptions. Or il y a eu des exceptions.
Dans ma propre circonscription, la commune du Mesnil-Saint-Denis, de près de 7 000 habitants, a été remplacée par celle de Viroflay, d'environ 16 000 habitants, pour respecter les règles de poids démographique que je viens d'évoquer. Pourtant, la commune du Mesnil-Saint-Denis appartient depuis sa création au canton de Chevreuse. Elle fait partie du parc naturel régional de la vallée de Chevreuse et n'a vraiment aucune affinité avec la communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines, à laquelle elle a toute chance de se retrouver rattachée selon la rédaction actuelle.
S'il s'agissait d'un exemple isolé, cet amendement n'aurait pas lieu d'être, mais tel n'est pas le cas, et la réaction des commissaires, en commission des lois, me l'a d'ailleurs confirmé.
Cet amendement de bon sens reprend une disposition sénatoriale en offrant des garanties supplémentaires qui devraient satisfaire le Conseil constitutionnel, pour éviter que le redécoupage cantonal ait pour effet de perturber le bon fonctionnement des collectivités et afin de préserver leur unité fonctionnelle.
Monsieur le ministre, j'ai été cosignataire d'une proposition de loi tendant à créer les conseillers territoriaux. C'est dire si je suis favorable à cette réforme. Mais je ne voudrais pas qu'elle soit corsetée de manière absurde. C'est pourquoi je vous invite – mais à vous voir sourire, je devine votre réponse –…
Ça dépend !
…à soutenir cet amendement, que j'ai co-signé avec onze de mes collègues, ou bien à vous en remettre à la sagesse de l'Assemblée.
La commission a émis un avis défavorable. Certes, le redécoupage peut avoir des effets perturbants pendant un temps en raison des habitudes d'appartenance d'une commune à tel ou tel canton. Mais il nous est apparu important d'établir la cohérence par cantons entiers au sein des circonscriptions législatives.
En outre, prévoir une exception pouvant concerner 10 % de la population alors que la moyenne des circonscriptions atteint 125 000 habitants, cela signifierait ouvrir très largement les portes à des dérogations possibles, selon des critères relativement imprécis et flous : le précédent historique ou l'usage prêteront toujours à débat. Si l'on veut préserver les conditions des futurs redécoupages cantonaux, ce serait prendre un risque d'autoriser des exceptions à un tel niveau.
On pourrait considérer que mettre un peu de souplesse dans des règles est toujours une bonne chose. Mais nous nous trouvons dans un domaine qui relève de la loi et surtout de la Constitution car il ne s'agit pas seulement des cantons, mais d'abord du découpage des circonscriptions législatives. À deux reprises, le Conseil constitutionnel a rappelé que le non-respect des limites des cantons de plus de 40 000 habitants dans le redécoupage des circonscriptions devait rester exceptionnel afin d'éviter tout arbitraire dans leur délimitation.
Je comprends très bien votre souci, monsieur le député, mais je veux aussi rappeler que, dans la hiérarchie des normes juridiques, un établissement public de coopération intercommunale est créé par arrêté préfectoral et qu'en outre ce projet de loi invite les préfets à revoir les limites des EPCI dans le cadre de l'achèvement de la rationalisation de l'intercommunalité. Dès lors on ne peut pas, compte tenu de surcroît de la position du Conseil constitutionnel, instiller trop d'incertitude dans le découpage des circonscriptions législatives et des cantons. C'est pourquoi le Gouvernement ne peut que donner un avis défavorable.
Monsieur Vandewalle, nous devrions faire le contraire de ce que vous proposez. Si vous étiez cohérent, au lieu de proposer des exceptions aux règles générales de redécoupage des circonscriptions, vous demanderiez de redécouper les circonscriptions.
Votre amendement soulève deux problèmes.
S'agissant du premier, M. le ministre est resté silencieux, mais Marleix, lui, était plus clair : il nous avait dit que le redécoupage des cantons – lié à la création du conseiller territorial – se ferait dans les secrets des couloirs du ministère de l'intérieur,…
…avec une paire de ciseaux bien aiguisés, sans doute dans les locaux de l'UMP plutôt que dans la transparence démocratique. On le connaît, M. Marleix : il est orfèvre en la matière. Mais cela n'est ni transparent ni démocratique et ne suscite donc pas la confiance, ce qui amène au dépôt de ce genre d'amendements. Vous l'avez dit vous-même, mon cher collègue, il s'agit de régler des cas particuliers. Alors qu'il faudrait des règles claires. Et j'aimerais que le Gouvernement s'exprime clairement sur la façon dont le redécoupage des cantons va être réalisé.
Et puis un tel amendement montre, monsieur le ministre, que vous avez mis la charrue avant les boeufs, comme le disait M. Folliot à propos d'autres aspects du projet de loi. Le Gouvernement s'est précipité : pourquoi était-il si urgent de procéder à un nouveau redécoupage législatif ? Cela m'étonnerait qu'il y ait eu des intentions de dissoudre l'Assemblée, vu les précédents pas très heureux. On pouvait donc très bien attendre d'avoir mené à bien le redécoupage cantonal, et délimiter ensuite les circonscriptions avec des cantons cohérents. M. Vandewalle a raison sur un point : cela va être très compliqué de faire entrer les conseillers territoriaux dans les cantons des circonscriptions existantes sans provoquer de trop fortes distorsions. C'est la porte ouverte à beaucoup de manipulations à visée électorale.
Cet amendement aborde un vrai problème. Monsieur le ministre, la commission prévue à l'article 25 de la Constitution sera-t-elle saisie des éléments relatifs au redécoupage des cantons ? Y aura-t-il saisine pour avis du Conseil d'État ?
Je me demande si les travers auxquels nous avons assisté au moins dans deux départements, le Tarn et la Moselle, ne vont pas se renouveler : lors des redécoupages de ces circonscriptions législatives, les avis du préfet, de la commission de l'article 25 et du Conseil d'État allaient dans le même sens, le Conseil constitutionnel avait même émis des réserves, et, malgré tout, au mépris de toute logique territoriale, historique et démographique, ces redécoupages ont été votés. Au-delà de sa problématique, cet amendement pose la question de la transparence. C'est un problème de fond.
Le redécoupage des cantons a déjà donné lieu à de longs débats en première lecture. J'avais alors rappelé que celui-ci n'était pas le premier et que la procédure obéissait à des règles juridiques extrêmement précises : il s'agit de décrets en Conseil d'État, précédés par la consultation de l'ensemble des collectivités territoriales intéressées. Comme la réforme va toucher tous les départements, tous les conseils généraux seront consultés, et comme les nouveaux cantons ne ressembleront pas aux anciens, toutes les communes le seront aussi. Par conséquent, il n'y aura pas d'opacité. Ce sera au contraire la plus grande transparence.
C'est un conte pour enfants ! Le Gouvernement a passé outre aux conclusions de la commission Guéna !
Dernier point : l'avis du Conseil d'État n'est pas un avis conforme. Mais s'il y a un contentieux, le juge en sera le Conseil d'État. Si le Gouvernement ne tenait pas compte de son avis, on voit comment cela se terminerait. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Le droit est donc vraiment appliqué dans le dispositif proposé par le projet de loi.
(L'amendement n° 2 n'est pas adopté.)
(L'article 1er C est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 106 .
La parole est à Mme Françoise Branget.
Marie-Jo Zimmermann l'a dit tout à l'heure : la gouvernance doit être mixte, quelle que soit la collectivité, et bien évidemment à l'image de la société. La place laissée aux femmes dans ce scrutin uninominal nous fait un peu peur. C'est pouirquoi je souhaite, monsieur le ministre, qu'à tout le moins vous nous précisiez que la parité entre titulaire et suppléant sera respectée pour le conseiller territorial. Un article 1er quinquies posait ce principe, mais il a été supprimé par les sénateurs et la suppression a été maintenue par la commission. Mon amendement vise à le réintroduire.
Avis défavorable pour des raisons techniques, mais pas du tout sur le fond. Notre objectif est bien celui que vous recherchez, ma chère collègue.
En effet, l'article 1erA dispose que « les conseillers territoriaux sont élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours selon les modalités prévues au titre III du livre Ier du code électoral. » Il renvoie ainsi au mode d'élection du conseiller général et de son remplaçant, qui doit être du sexe opposé. De plus, l'article 1er D prévoit que le remplaçant du sexe opposé supplée le titulaire quel que soit le motif de cessation du mandat.
Votre amendement est donc satisfait. Je vous demande de le retirer.
Je suis saisi d'un amendement n° 26 , tendant à la suppression de l'article.
Défendu !
(L'amendement n° 26 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 15 .
La parole est à Mme Françoise Branget.
Le présent amendement vise à garantir une représentation minimale des territoires de montagne au sein des départements concernés, qui ont souvent une faible densité démographique et un territoire de grande superficie. À l'exception de la Haute-Corse et de la Corse-du-Sud, dans les quarante-six départements métropolitains comportant des zones de montagne, les conseillers généraux « montagne » représentent en moyenne 37 % de l'ensemble des conseillers généraux : 758 sur un total de 2 063.
Il est essentiel que les territoires ruraux et de montagne continuent de pouvoir s'appuyer sur des élus en nombre suffisant, véritables relais de proximité entre le département et le canton, faisant ainsi le lien entre le niveau départemental et régional, afin de traduire les besoins et les attentes des citoyens.
Je rappelle que la loi prévoit quinze conseillers municipaux dans les communes de moins de 500 habitants, dix-neuf dans celles dont la population est comprise entre 1 500 et 2 500 habitants et vingt-trois élus au-delà.
Avis défavorable. Ma chère collègue, pour l'établissement du tableau de répartition des conseillers territoriaux, la règle qui s'applique est simple : il ne faut pas d'écart supérieur à 20 % en plus ou en moins d'un département à l'autre pour le nombre de conseillers territoriaux au sein d'une même région. Si l'on introduisait d'autres critères de calcul, on aboutirait à des impossibilités pratiques et on prendrait un risque constitutionnel.
La commission propose de conserver sur ce point la position qui a été continûment celle de l'Assemblée en première lecture : rester dans le tunnel de plus ou moins 20 % pour qu'il n'y ait pas de difficultés avec le Conseil constitutionnel et que celui-ci n'ajoute pas de conditions spécifiques. Toute mesure qui introduirait d'autres critères d'établissement du nombre de conseillers territoriaux par département – en dehors bien sûr de l'exception des départements qui n'en comportent que quinze – reviendrait donc à prendre un risque inconsidéré.
Même avis.
(L'amendement n° 15 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 82 rectifié .
La parole est à Mme Brigitte Barèges.
Mon amendement concerne le tableau annexe à la loi qui détaille la répartition du nombre des élus et des conseillers territoriaux par département et par région. Il porte plus particulièrement, vous me le pardonnerez, sur ma région Midi-Pyrénées.
J'avais compris que cette réforme visait à simplifier les choses et surtout à diminuer le nombre d'élus. Lorsque nous avons abordé ce sujet en commission des lois, j'ai fait observer que le nombre d'élus n'est pas forcément le gage d'une démocratie bien exercée, en établissant un parallèle : le Sénat américain compte à peine 102 sénateurs alors que c'est l'un des plus grands exécutifs du monde ; à l'inverse, le Parlement chinois n'est pas particulièrement efficace malgré ses milliers de membres.
Dans le même esprit, je propose de réduire sensiblement le nombre des conseillers territoriaux de la région Midi-Pyrénées, pour le faire passer de 250 à 198.
Pour les huit départements, je demande aussi une réduction sensible – je ne vais pas vous infliger la lecture des chiffres – sur la base d'un dénominateur commun, le nombre d'habitants par conseiller, en prenant une moyenne de 14 000.
Cette moyenne nous place déjà dans un ordre de grandeur supérieur à d'autres régions de France. En effet, on s'aperçoit avec stupéfaction que chaque région est dotée d'un nombre d'élus très variable.
Ainsi, la région Midi-Pyrénées se classe huitième région française pour la population et troisième en nombre d'élus. C'est assez incompréhensible.
En moyenne, nous arriverions à un élu pour 11 000 habitants dans les huit départements, alors que deux autres régions comptant aussi huit départements – Rhône-Alpes et Ile-de-France – auraient respectivement un élu pour 20 000 habitants et pour 38 000 habitants. D'autres régions ayant une population équivalente à celle de Midi-Pyrénées, telles que le Centre et le Languedoc-Roussillon, auraient respectivement un élu pour 13 000 habitants et un élu pour 15 000 habitants.
Ce tableau reflète une certaine incohérence. Mon amendement vise à rétablir un peu de cohérence au sein de ma région, mais on pourrait l'étendre à toutes les régions de France et c'est l'objet des amendements qui suivent.
La commission a émis un avis défavorable à cette modification du tableau qui conduirait, ma chère collègue, à une réduction drastique du nombre des conseillers généraux dans certains départements de votre région.
Madame Barèges, je comprends parfaitement votre souci de ne pas constituer des assemblées trop nombreuses, mais des règles constitutionnelles s'imposent à nous, de même qu'il existe des règles que le Gouvernement s'impose à lui-même.
Lors de la première lecture, le président Warsmann nous a remarquablement expliqué que la règle constitutionnelle était très simple : il faut rester dans un tunnel ; entre les départements d'une même région, le nombre d'élus ne peut varier de plus de 20 %.
Or, si l'on vous suit, au moins deux départements – la Haute-Garonne et l'Ariège – vont sortir du tunnel, avec le risque d'inconstitutionnalité que cela comporte.
En outre, les effectifs de conseillers généraux diminueraient de plus de 50 % dans quatre départements : l'Aveyron, le Gers, le Lot, les Hautes-Pyrénées, et de 46 % dans le Tarn-et-Garonne. C'est probablement un peu excessif.
Tout en comprenant votre souci, je pense que les règles constitutionnelles m'obligent à vous demander de bien vouloir retirer votre amendement.
Alors le Gouvernement émet un avis défavorable.
Juste pour dire à ma collègue et amie Brigitte Barèges que je ne peux pas soutenir son amendement pour une bonne et simple raison : dans notre région Midi-Pyrénées, très diverse, son application mécanique aboutirait à priver une bonne partie de la ruralité de représentation.
Dans le Tarn, qu'elle connaît très bien puisqu'il s'agit de son département d'origine, tout le secteur des Monts de Lacaune, qui représente 25 % de la superficie, n'aurait plus que deux conseillers territoriaux si on appliquait le barème proposé par cet amendement. C'est excessif.
La proposition du Gouvernement sur le nombre d'élus me semble équilibrée même si, in fine, elle produit une assemblée régionale nombreuse, pour ne pas dire pléthorique. Compte tenu de l'importance de l'agglomération toulousaine, si l'on veut que les territoires ruraux soient représentés,…
L'amendement de Mme Barèges me donne l'occasion de présenter deux observations.
Sur la forme, je salue l'authentique centrisme du ministre siégeant ce soir au banc du Gouvernement. Il commence toujours par dire qu'il partage la préoccupation de l'auteur de l'amendement…
… avant d'ajouter qu'il ne faut surtout pas adopter ledit amendement. C'est une méthode bien connue pour essayer de nous endormir !
Sur le fond, Mme Barèges a soulevé un problème intéressant. Pour ma part, je voudrais dénoncer – à cette heure tardive, il faut bien se réveiller un peu – l'arnaque de M. Sarkozy, une de plus, à propos de cette histoire de conseiller territorial.
En bon républicain, j'assiste aux voeux du Président de la République. À plusieurs reprises, il a dit en substance : « Foi de Nicolas Sarkozy, je ne reculerai pas devant la réforme des collectivités territoriales. Je vais diviser le nombre d'élus par deux parce que ça coûte trop cher ! »
Tout le monde a compris qu'il y aurait deux fois moins d'élus, et que cela coûterait donc deux fois moins cher. Or, à la lecture du tableau établi par son ami M. Marleix, exécuteur fidèle des basses oeuvres électorales, on découvre que cela va coûter deux fois : voire trois fois plus cher : Mme Barèges a raison !
En fait, vous allez payer à peu près autant de conseillers généraux, leur nombre variant peu parce qu'on ne voulait pas trop leur déplaire.
À quelques unités près, ils sont autant, parfois un peu plus nombreux.
En revanche, il y a deux fois plus – quand ce n'est pas trois fois – de conseillers régionaux !
Seulement le conseiller territorial ne va pas être payé qu'une fois, mais deux fois : 2 000 euros par mois, par exemple, comme conseiller général, et la même chose comme conseiller régional.
Mme Barèges a raison : chacun prend la région qu'il connaît le mieux. Dans le cas des Pays-de-la-Loire, je me suis trompé au cours de la discussion générale, ce n'est pas 170 mais 175 conseillers régionaux que comptera la région contre 93 actuellement. Il va donc falloir ajouter 82 bureaux, 82 sièges dans l'hémicycle, et verser 82 indemnités supplémentaires.
C'est vraiment une arnaque sur toute la ligne. Mme Barèges a eu bien raison de le pointer, même si sa démonstration ne tient que pour sa région et qu'elle n'est peut-être pas dénuée d'arrière-pensées concernant certains départements – je n'en sais rien, mais les propos de M. Folliot le laissent entendre.
Toujours est-il que cet amendement offre l'occasion de dénoncer une belle arnaque. Désolé, mais il faut le dire franchement.
(L'amendement n° 82 rectifié n'est pas adopté.)
J'imagine que M. le ministre aura à coeur de défendre son collègue du Gouvernement car, lorsque le sous-amendement n° 599 avait été examiné ici même, M. Marleix avait estimé qu'il était tout à fait justifié de proposer six conseillers territoriaux en plus pour la région Picardie.
En outre, en première lecture, le Sénat – dont on vante souvent la sagesse – avait fixé un nombre de conseillers territoriaux pour la Picardie supérieur de six à celui du tableau qui nous est proposé.
Pour ces deux raisons, monsieur le ministre, j'imagine qu'au-delà de l'élégance de votre début de propos, vous aurez celle de conclure positivement.
(L'amendement n° 280 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 1er bis B est adopté.)
La question du cumul des mandats est infiniment plus vaste et ne peut pas être traitée au détour d'un tel article.
En première lecture, j'ai eu l'occasion de dire que cette pratique est typique du système français parce qu'il est centralisé. La question ne se pose pas dans la plupart des pays qui nous entourent pour une bonne raison : on n'a pas besoin de cumul en Rhénanie-Westphalie ou en Écosse, en Andalousie ou en Catalogne, en Lombardie ou en Vénitie parce qu'on y légifère. Dans un pays comme le nôtre, qui reste encore extrêmement centralisé, y compris du point de vue réglementaire, le cumul est quasiment généré par le système.
Vouloir introduire un article sur le cumul au détour d'un texte qui ne vise pas à revisiter l'ensemble de la gouvernance nationale, cela ne paraît pas raisonnable, c'est aborder un vaste sujet par une toute petite porte qui ne permettrait pas de bien le traiter.
Tel est l'objet de cet amendement.
(L'amendement n° 300 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 200 .
La parole est à M. François de Rugy.
Avant de défendre cet amendement, je salue la grande avancée démocratique due au talent oratoire de notre collègue Michel Piron qui a permis à beaucoup de cumulards de ne pas avoir à s'exprimer sur leurs propres raisons de cumuler les mandats. Les choses peuvent continuer comme avant !
Cet amendement propose l'élection au suffrage universel direct des membres des conseils des communautés urbaines, d'agglomération ou de communes.
D'abord, je voudrais dénoncer un abus de langage dans le texte de loi du Gouvernement, où il est question de suffrage universel direct alors qu'il reste fondamentalement indirect.
Le fléchage sur les listes ne change rien à l'affaire. D'ailleurs, pourquoi ne pas flécher aussi le conseiller territorial, tant que nous y sommes, supprimer une élection de plus et renouveler quatre collectivités d'un coup ? Ce n'est pas sérieux !
Les conseils, les exécutifs, les présidents des intercommunalités gèrent des budgets de plus en plus importants et ont des compétences de plus en plus étendues. Si l'on veut que ces conseils soient légitimes, il faut les élire au suffrage universel direct.
La loi Chevènement a représenté une très grande avancée ; elle a permis de mettre sur pieds une vraie coopération intercommunale dotée de réelles compétences. Cependant, elle souffre d'une faiblesse : l'absence de légitimité démocratique directe.
Une autre faiblesse apparaîtra si ce texte voit le jour. Actuellement, aux élections municipales, nos concitoyens votent pour un projet communal et non pas intercommunal, ce qui est normal. On ne peut pas avoir deux débats en un, cela ne fonctionne pas dans la réalité. Le système n'est pas clair.
Le mode de scrutin que nous proposons pour l'élection des intercommunalités – celui des municipales, tout simplement – permettrait la juste représentation des courants d'opinion, la stabilité de l'exécutif, la parité hommes-femmes qui fait défaut actuellement.
Surtout, et c'est un remède à cette autre faiblesse, il permettrait la transparence du choix de l'électeur. Actuellement, plusieurs élections municipales peuvent déboucher sur une élection intercommunale aux résultats un peu étonnants. M. Mercier et M. Perben me comprennent sûrement très bien puisque les résultats d'une élection récente à la communauté urbaine de Lyon ont produit un président qui n'était pas forcément celui qui était attendu. De même, à la communauté urbaine de Marseille, un de nos collègues a été un peu déçu du résultat alors que tout semblait clair après les élections municipales.
Outre le manque de transparence, il y a une hypocrisie, comme nombre de collègues le savent. Pour être moi-même élu municipal…
Non, je ne cumule pas de postes exécutifs. Je suis conseiller municipal et conseiller communautaire, strictement, sans aucune délégation.
Combien d'élus municipaux disent : ce n'est pas de ma compétence, mais du ressort de la communauté urbaine, d'agglomération ou de communes, oubliant de dire qu'ils y siègent, qu'ils y ont des responsabilités…
L'élection au suffrage universel direct des membres des conseils communautaires, non seulement lèverait l'hypocrisie du système actuel en permettant d'avoir un vrai débat sur l'avenir des communautés en question, mais encore conférerait à celles-ci de nouvelles compétences et une vraie légitimité. En effet, des communautés d'agglomération et des communautés urbaines perçoivent actuellement la taxe d'enlèvement des ordures ménagères et fixent le prix de l'eau et des transports sans légitimité démocratique directe.
Les communes sont allées progressivement vers l'intercommunalité, sans brusquer les choses. Procéder à l'élection des conseillers communautaires le même jour que les conseillers municipaux au suffrage universel direct ne leur enlèverait rien. Ce serait au contraire un enrichissement pour tout le monde. Ce texte nous donne l'occasion de faire ce pas en avant sur le plan de la démocratie.
(L'amendement n° 200 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n°72 .
La parole est à Mme Brigitte Barèges.
Le propre d'une loi est sans doute de se tenir sur une ligne médiane, car ma position est totalement opposée à celle qui vient d'être défendue par M. de Rugy. Je demande, pour ma part, la suppression pure et simple de l'alinéa 3 de l'article 2, qui prévoit, si la loi est votée et agréée par le Conseil constitutionnel, le fléchage, lors de la constitution des listes aux élections municipales, des futurs délégués communautaires : ceux-ci seraient ainsi automatiquement élus à l'intercommunalité par application de la règle régissant la répartition des sièges dans les communes, à savoir celle de la prime à la liste arrivée en tête, ce qui risque de laisser « monter » à l'intercommunalité des élus d'opposition.
Les maires qui, jusqu'à présent, avaient la faculté de désigner, au sein de leur commune, les conseillers qui siégeraient à l'intercommunalité,…
…seront, avec cette loi, dépossédés de cette prérogative : ils auront certes désigné sur leur liste les futurs délégués communautaires mais ils « subiront » l'arrivée d'élus de l'opposition par le jeu automatique de la représentation proportionnelle.
C'est une façon de voir les choses.
Dans mon intercommunalité, qui comporte huit communes rurales –pas forcément de mon bord politique – autour de la ville centre, Montauban, laquelle représente, à elle seule, 90 % de la population et de la richesse, toutes les décisions sont prises à l'unanimité, sans aucune difficulté, parce qu'il n'y a pas de politisation.
Lorsque je siégeais au bureau de l'Association des maires de France, je me souviens que les maires ne souhaitaient pas que les conseillers communautaires soient élus au suffrage universel afin d'éviter l'introduction de la politique au sein des intercommunalités, avec tous les défauts et dérives que cela peut comporter.
Que faites-vous dans votre intercommunalité ? Un travail de fonctionnaire ?
Un conseiller du ministre, à qui j'avais fait part de mes craintes de voir arriver des élus de l'opposition dans les conseils communautaires du fait de l'alinéa 3 de l'article 2, m'a répondu qu'on parviendrait à trouver un équilibre parce que, même si des élus de l'opposition « montaient » à ce niveau dans ma commune, il en « monterait » de l'autre bord dans les autres communes. C'est oublier que, dans les communes rurales, il y a, bien souvent, une liste unique composée de plusieurs élus, ce qui, contrairement à ce qu'on peut penser dans les cabinets ministériels, ne permet pas de compensation.
Si je m'insurge avec force contre cette disposition, c'est parce que c'est en toute confiance que les maires ont, petit à petit, transféré leurs compétences et leur richesse aux intercommunalités, où se situe maintenant le pouvoir économique. C'est à ce niveau qu'est perçue, par exemple, la nouvelle taxe qui a remplacé la taxe professionnelle. Le fait que je puisse avoir demain, comme président de mon intercommunalité, mon adversaire politique aux élections municipales de Montauban, paraît grave au maire que je suis, non seulement pour l'avenir de ma commune, mais également pour la gestion de l'ensemble de l'intercommunalité, car celle-ci sera devenue le lieu de conflits politiques.
La commission a émis un avis défavorable. La disposition figurant à l'alinéa 3 de l'article 2 est un point important du texte. Il s'agit de savoir si l'on veut ou non désigner au suffrage universel les délégués aux intercommunalités. Si l'on répond par l'affirmative à cette question, on ne peut le faire, pour éviter les contradictions de légitimité, qu'à travers le mode de scrutin municipal. La proposition de M. de Rugy présentait un risque de ce point de vue.
Le système que nous avons adopté en première lecture, à savoir le fléchage sur les listes à la proportionnelle, permet une vraie désignation. Avant l'élection du conseil municipal, le candidat à la mairie a effectivement le pouvoir de choisir, lorsqu'il constitue sa liste, les femmes et les hommes appelés à devenir délégués communautaires.
L'intercommunalité levant maintenant l'impôt, elle doit avoir une légitimité démocratique réelle.
Les oppositions seront, bien évidemment, représentées, mais, chère collègue, elles le seront dans toutes les communes. Lorsque nous examinerons le projet de loi sur l'abaissement du seuil de population pour le scrutin de liste aux élections municipales, nous devrons veiller à ce que l'ouverture des conseils communautaires aux oppositions issues des communes soit équilibrée : les élus d'opposition d'une commune seront compensés par les élus d'opposition des autres communes.
Nous avons fait un choix de démocratisation, que nous vous demandons de confirmer.
Au contraire. c'est du réalisme. Un jour ou l'autre, la constitutionnalité des impôts votés sera contestée : un contribuable ira devant le Conseil constitutionnel et posera la question de la légitimité du vote démocratique de l'impôt. Nous devons être attentifs à ce risque.
Le Gouvernement fait la même analyse que la commission et émet donc le même avis.
Je suis assez effrayé par les propos de Mme Barèges. A l'entendre, c'est le maire qui désigne la personne qui représente la commune au conseil communautaire – ce qui revient, en quelque sorte, à s'auto-désigner – afin d'en empêcher l'accès à l'opposition.
Je lui fais cependant remarquer que, compte tenu du mode de scrutin municipal, les élus d'opposition représentent en général plus d'habitants que les élus de la majorité. Dans ma commune, sur les trente-cinq élus, il y en a huit de l'opposition et vingt-sept de la majorité. Comme les résultats aux élections étaient proches du 5050, je vous laisse faire le calcul, qui consiste en une simple règle de trois.
Ce qui est plus grave, madame Barèges, et vous l'avez même écrit dans l'exposé des motifs de votre amendement, c'est que vous craignez une « politisation » des structures intercommunales. Que souhaitez-vous faire, en réalité ? De la politique ou un travail de fonctionnaire ? Si vous voulez être fonctionnaire, il ne faut pas vous présenter aux élections, mais passer un concours. À moins que ce ne soit un club d'amis ou une association que vous vouliez animer. Libre à vous, mais, si vous entendez faire de la politique, il ne faut pas avoir peur de la politisation.
Dans ma circonscription, les gens qui viennent me voir pour me demander de les aider à trouver un logement me disent souvent qu'ils ne font pas de politique. Et moi je leur conseille justement d'en faire, car le logement, que ce soit au niveau local, départemental ou national, est un sujet politique relevant de choix politiques.
Dans un cadre démocratique, on ne doit pas craindre la politisation. Que signifie ce mot dans votre esprit ? Qu'a-t-il de négatif pour vous ?
Enfin, je veux attirer l'attention de l'ensemble de mes collègues sur le risque de rupture de l'égalité des citoyens devant le suffrage que comporte ce projet de loi. Si j'ai bien lu entre les lignes, un certain nombre d'électeurs ne seront pas représentés tandis que d'autres le seront deux ou trois fois, au motif que chaque commune doit avoir un représentant. Avec ce raisonnement, une grosse commune ne devra pas avoir plus de représentants qu'une petite. Je vous laisse imaginer le schéma. Cela va entraîner de grosses distorsions qui ne seront pas sans conséquences – M. Perben en a parlé à mots couverts – sur les décisions politiques, notamment en matière d'impôts et de dépenses.
Donc, si la politique vous gêne, madame Barèges, ne vous présentez plus aux élections. Cela étant, j'ai bien vu votre stratagème : on se met d'accord entre quelques-uns, on n'en parle pas et on n'en rend pas compte à la population.
C'est un sujet qui réclame un débat de fond et je vous remercie de l'avoir posé à travers votre amendement. Il me permet de voir le petit progrès proposé dans le projet de loi, même s'il reste pour moi trop petit par rapport à une vraie élection au suffrage universel direct.
Je trouve très intéressant le débat qui a lieu autour de l'élection des conseillers communautaires. L'intercommunalité jouant un rôle de plus en plus important et prenant maintenant des décisions qui ont des répercussions sur la vie de nos concitoyens, il me semble que deux légitimités doivent se conjuguer la concernant : celle du citoyen et celle des communes qui la composent. Or une élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires risque de condamner l'existence de ces dernières. Il nous faut donc trouver un système qui conjugue ces deux légitimités.
Comme M. de Rugy, je considère qu'en tant que parlementaires, nous ne devons pas avoir peur de l'introduction de la politique dans les enceintes que nous animons. Les intercommunalités sont en train de passer de la mutualisation des moyens à la définition de projets. Or les projets ont, par définition, une dimension politique.
C'est pourquoi je me félicite avec le rapporteur du pas en avant que constitue la disposition que nous examinons : elle permet la représentation des habitants dans l'intercommunalité tout en y introduisant un peu d'opposition.
Si quelqu'un veut faire de la politique et a peur de l'opposition, il est mal barré !
Je rappelle que le mot « politique » vient du grec polis qui signifie cité. Donc, en son sens étymologique de gestion de la cité, la politique ne me fait pas peur.
Vous comprenez tous, par contre, ce que j'entends par politisation. Je fais d'ailleurs remarquer que, contrairement à ce que vous avez dit tout à l'heure, toutes les personnes qui siègent à l'intercommunalité, qu'elles soient maires de grandes ou de petites communes ou conseillers municipaux, ont toutes été élues au suffrage universel. Elles ont donc une vraie légitimité démocratique.
Ce que je constate – mais il est vrai que, élue depuis seulement 2001, je n'ai pas une grande pratique – c'est que, dans l'intercommunalité, il n'y a pas de conflits de personnes ni de querelles politiques ou de batailles idéologiques comme nous en connaissons dans cette assemblée. Tout en venant d'horizons politiques très différents, nous arrivons à nous entendre parce que nous avons une vision commune de la bonne gestion de nos territoires.
Par contre, dans mon conseil municipal, où j'ai une opposition très forte et très marquée – ce qui, je n'en disconviens pas, représente une diversité enrichissante – nous perdons beaucoup de temps en querelles politiciennes : tout le monde s'écoute parler, brandit son drapeau, assène ses idées, avec, d'ailleurs beaucoup d'hypocrisie, car on ne pense pas toujours ce que l'on dit, ce qui est bien dommage. Résultat : là où je passe deux heures en intercommunalité, je passe quatre heures dans mon conseil municipal, la moitié étant du temps perdu.
Défendu.
(L'amendement n° 74 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Amendement rédactionnel.
(L'amendement n° 107 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 1 rectifié .
La parole est à M. Émile Blessig.
Le présent amendement a pour objet de proposer une représentation juste et équilibrée des communes associées, issues d'une fusion sur la base de la loi Marcellin, au sein d'une communauté de communes. Cette loi n'ayant pas rencontré un grand succès, ces fusions ne sont pas nombreuses. L'amendement pose le principe d'une représentation obligatoire lorsque la population de la commune associée représente au moins la moitié de la population de la commune la plus importante.
Par ailleurs, il distingue le cas de figure où la section électorale de la commune associée désigne ses représentants par scrutin de liste – lorsque la population est supérieure à 500 habitants – et celui où les représentants de la commune associée sont désignés de manière uninominale – en cas de population inférieure à 500 habitants.
Si la représentation des communes associées au sein des intercommunalités n'est pas organisée, nous risquons, étant donné l'importance des communautés de communes et le sentiment qu'ont les communes associées de n'être pas représentées, de connaître un certain nombre de difficultés, voire de défusions. Cet amendement avait déjà été adopté par la commission en première lecture, mais pas en séance publique, en raison d'une légère modification du texte : c'est pourquoi je le présente à nouveau aujourd'hui.
La commission a repoussé cet amendement. Je comprends la suggestion de M. Blessig, mais sa complexité me fait un peu peur. Cette disposition ne serait-elle pas trop contraignante pour la composition du conseil communautaire ?
L'avis du Gouvernement est très proche de celui du rapporteur. Par suite de l'adoption d'un amendement du Sénat et d'un amendement de M. Blessig en première lecture, la rédaction actuelle de l'article 2 prévoit une représentation des communes associées et des communes déléguées dans les conseils des syndicats de communes. Le présent amendement tend, lui, à la représentation des communes associées au sein du conseil de la communauté de communes, ce qui pose divers problèmes. Dès lors que nous avons décidé l'élection au suffrage universel des délégués des communautés de communes, il est très difficile de mettre en place un délégué des communes associées. Dans certains cas, il serait en effet désigné au suffrage universel sur la liste municipale, alors que pour d'autres communes, il serait élu par le conseil municipal. De plus, ce dispositif imposerait la représentation des communes associées, qui ne sont plus des collectivités locales, au sein de la représentation communale, et cela n'est pas compatible avec l'égalité de suffrage qui doit être reconnue à chaque électeur au sein de la même commune. Cela compliquerait à l'excès la composition des conseils communautaires, qui est encadrée par l'article 3 du présent projet de loi, voté en termes identiques par l'Assemblée et le Sénat.
Compte tenu de ces remarques, et à moins que vous ne parveniez à nous convaincre, monsieur Blessig, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, auquel, à défaut, je serais défavorable.
Je n'entends pas retirer l'amendement, qui avait été adopté par la commission en première lecture. J'ai appris que les amendements de précision sont une arme redoutable : ils sont, en général, adoptés sans discussion, même s'ils peuvent apporter au texte des modifications radicales. C'est un amendement de précision qui, en séance, a fait rejeter mon amendement.
Le principe de mon amendement est le suivant : lorsque l'une des communes associées dépasse en nombre d'habitants la moitié de la population de la commune principale, elle est représentée de plein droit par un délégué au sein du conseil de la communauté de communes auquel appartient la commune fusionnée, lorsque cette dernière dispose de plusieurs sièges. La précision consistait à sortir les communautés de communes de cet amendement pour réserver le système aux syndicats de communes. Ce qui convient pour les syndicats de communes convient a fortiori pour les communautés de communes, qui sont même beaucoup plus importante pour la vie quotidienne des citoyens. Si la commune compte moins de 500 habitants – en cas de fusion de deux petites communes –, la règle est la même : c'est le conseil municipal qui décide. Écarter purement et simplement, par principe, par souci d'éviter la complexité, la représentation des communes associées dans une intercommunalité ne me paraît pas très heureux.
(L'amendement n° 1 rectifié n'est pas adopté.)
Prochaine séance, ce matin, à neuf heures trente :
Suite de la discussion, en seconde lecture, du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.
La séance est levée.
(La séance est levée, le jeudi 16 septembre 2010, à zéro heure cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma