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Séance en hémicycle du 17 décembre 2009 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales (nos 2060, 2138).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de sept heures dix-sept minutes pour le groupe UMP, deux heures trente-cinq pour le groupe SRC,…

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

…trois heures treize pour le groupe GDR, quatre heures une pour le groupe NC et vingt-cinq minutes pour les députés non inscrits.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Ce matin, l'Assemblée a continué d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Alain Vidalies.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Monsieur le ministre chargé de l'industrie, monsieur le rapporteur de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, pour justifier le changement de statut de La Poste d'établissement public en société anonyme, le Gouvernement et la majorité avancent essentiellement trois raisons : disposer des moyens d'affronter la libéralisation totale du marché du courrier en 2011 et respecter les règles européennes ; avoir les moyens de mobiliser 2,7 milliards d'euros pour financer la croissance sans solliciter les finances publiques ; disposer des moyens de nouer des alliances stratégiques et de pouvoir profiter des opportunités de croissance externe.

Ces arguments que vous avancez aujourd'hui, monsieur le ministre, sont exactement les mêmes que ceux qui ont toujours été utilisés pour un changement de statut, et l'expérience partagée nous montre que cette première phase n'a jamais été un aboutissement. C'est au contraire le début d'un processus qui se décline ensuite, dans la phase deux, par l'introduction de capitaux privés et se prolonge, dans la phase terminale, si j'ose dire, par la privatisation.

Les arguments qui seront avancés demain pour passer à la phase deux, nous les connaissons par avance, en termes de besoins de financement ou de participations croisées. À l'issue du processus, ce sera sous le sceau de l'évidence que l'on nous proposera un changement de nature qui s'achèvera par la privatisation.

Naturellement, au stade d'aujourd'hui, et comme d'habitude, le changement de statut s'accompagne de tous les engagements possibles sur le maintien exclusif de capitaux publics dans la nouvelle société anonyme. Après les engagements solennels à cette même tribune de Nicolas Sarkozy, cette fois vous avez recours à un barbarisme en déclarant La Poste « imprivatisable ».

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

C'est la 174e fois que je l'entends ! Je vais finir par demander des royalties !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Cet engagement a peut-être le mérite de la bonne foi – après tout, pourquoi pas ? –, mais il n'a strictement aucune valeur et n'offre aucune garantie.

D'ailleurs, l'intéressant, c'est l'intervention de M. Guaino, autrement dit la voix de son maître, le plus proche conseiller du Président, qui a tenu en plein débat à préciser publiquement que ce qu'une loi peut faire, une autre loi peut le défaire. Il est permis de s'interroger sur les raisons de l'intervention de M. Guaino. Elle n'a en fait qu'une seule explication possible : se prémunir par avance pour de futurs débats, au moment de l'introduction d'actionnaires privés.

Il existait pourtant une autre solution, monsieur le ministre, qui consistait à inscrire dans la Constitution le principe sur lequel nous sommes prétendument tous d'accord. C'était d'ailleurs l'un des objectifs du référendum auquel trois millions de Français ont participé. Non seulement vous avez écarté et, d'une certaine façon, méprisé ces Français qui ont fait l'effort de venir s'exprimer sur votre projet, mais vous nous dites aujourd'hui que la question était mal posée, la consultation biaisée.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Je n'ai rien dit ! Ne parlez pas à ma place !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Reprenez alors les cartes en main, monsieur le ministre ! Prenez votre texte de loi et allez consulter les Français, puisque vous nous dites que la consultation dont nous faisons état n'a aucune valeur. Allons consulter le peuple sur votre texte ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Au moins, la question sera bien posée, puisque ce sera le texte de loi, et nous verrons quelles réponses apporteront les Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Nous savons que les Français sont extrêmement attachés à La Poste, et nous partageons, je l'espère, le constat du rôle majeur joué par ce service public, notamment dans les territoires ruraux. Vous affirmez avec nous cet attachement, alors pourquoi prendre aujourd'hui ce risque de créer les conditions d'une privatisation pour demain ?

Sur la première raison avancée – la libéralisation totale du marché du courrier et le respect des règles européennes –, ni les directives ni les normes communautaires ne comportent d'obligations juridiques concernant le statut des opérateurs, et encore moins leur privatisation. Cette décision est de la seule responsabilité des États membres. C'est donc de votre seule responsabilité et sans contrainte juridique extérieure que vous décidez de transformer La Poste en société anonyme.

La deuxième raison que vous évoquez est la nécessité de créer les conditions pour pouvoir financer le développement de La Poste. Ainsi, il ne s'agirait au fond que de trouver 2,7 milliards d'euros, dont 1,5 milliard provenant de la Caisse des dépôts et consignations. Ces chiffres reprennent d'ailleurs les conclusion du rapport Ailleret. Je voudrais, monsieur le ministre, appeler votre attention sur le fait que ce rapport, dans une première version datant du 9 décembre 2008, exposait que les besoins d'investissement interne pour la période 2009-2012 étaient du même ordre que les capacités actuelles de financement de La Poste, soit environ 4,5 milliards d'euros, mais précisait aussi que la croissance externe pouvait nécessiter de 2,9 milliards à 4,5 milliards sur la même période.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Assez curieusement, si j'ose dire, cette précision sur l'objectif des 2,7 milliards a été édulcorée dans le rapport définitif. La comparaison entre les deux rédactions du rapport Ailleret éclaire la réalité de ce que vous nous demandez aujourd'hui.

Pour en revenir aux besoins de financement interne, chacun sait bien que la valorisation des délégations de service public, en termes de services à la presse, d'aménagement du territoire, d'accessibilité bancaire, aurait constitué une piste tout aussi efficace, sans nécessiter de changement de statut.

La troisième raison avancée, celle qui constitue à mes yeux le véritable objectif, tient à la nécessité de disposer des moyens de nouer des alliances stratégiques et de profiter des opportunités de croissance externe.

Nous connaissons bien cette argumentation, qui est au rendez-vous de tous les processus de changement de statut. Naturellement, nous connaissons bien aussi quelques aventures industrielles qui par la suite ont largement pénalisé la maison mère, par exemple dans le domaine de l'électricité.

Au stade où nous en sommes, nous nous interrogeons d'ailleurs sur l'opération que vous nous proposez, puisque la valorisation de La Poste n'apparaît nulle part. À quoi correspond le 1,5 milliard d'euros ? Nous n'en savons rien. Le défaut de précision dans la démarche est tout à fait édifiant.

S'agissant plus particulièrement de La Poste, l'idée d'un développement externe est-elle une idée juste ? Nous pensons au contraire qu'il s'agit d'une erreur stratégique qui ignore la spécificité des services postaux, ancrés dans les territoires, au service du public, près du terrain, dans la proximité. Cette activité implique une présence physique, des contacts humains réguliers et un maillage du territoire.

Cette fameuse croissance externe ne consiste en rien d'autre qu'à permettre demain aux dirigeants de La Poste de jouer au Monopoly de La Poste en Europe. Nous savons d'expérience que c'est un jeu dangereux qui ne répond à aucun objectif en termes de service public et dont les usagers aujourd'hui, les clients demain, risquent de payer la facture.

Le processus que vous engagez aujourd'hui n'était certainement pas inéluctable. Vous avez déjà privé La Poste d'un atout majeur par la banalisation du livret A. La transposition de la directive postale que vous avez effectuée n'a pas utilisé toutes les possibilités qui permettaient de garantir le statut et le financement de La Poste.

En effet, si nous regrettons l'abandon du secteur réservé pour assurer le financement du service universel, position défendue par les députés socialistes, nous pensons que la directive postale offrait d'autres possibilités que vous avez largement ignorées.

La seule question qui reste ouverte est celle du temps entre le changement de statut que vous nous proposez aujourd'hui et l'ouverture à des capitaux privés. Ce processus est inexorable, vous le savez parfaitement.

Nous savons tous que, demain, dans la deuxième phase, on nous expliquera qu'il est important pour La Poste de nouer des alliances stratégiques avec tel ou tel opérateur européen, mais, sur le plan juridique, comment se nouent des alliances stratégiques ? Voilà une bonne question à laquelle vous devriez répondre. On le fait par des échanges d'actions et, dans le cas de prises de participations croisées dans le capital, cela signifie que l'on retrouvera à un moment donné des capitaux privés. C'est par ce biais que l'on entrera dans la phase deux, avant que vous nous ameniez au constat qu'il est inéluctable de procéder à la privatisation définitive. Ce choix est un choix politique, de votre seule responsabilité ; j'allais dire : une sorte de choix idéologique.

Le plus extraordinaire est d'engager ce processus en pleine crise du capitalisme financier,…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

…alors même que partout l'action publique est réhabilitée sous la pression des événements.

Dans ce moment particulier, où vous nous invitez par ailleurs à débattre de l'identité nationale, vous aviez une chance historique d'affirmer une volonté politique forte par l'affirmation au coeur de notre contrat social du maintien d'un service public moderne et efficace. Ce projet de loi choisit une autre voie, celle du renoncement, et, au bout du chemin, c'est un peu de notre identité que nous aurons perdu. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, La Poste se trouve sous les feux de la rampe depuis plusieurs mois. J'ai cependant l'impression que le regard porté sur elle ne prend en compte que les aspects ruraux des mutations en cours. Si ceux-ci sont centraux, je n'en doute pas, ils ne doivent pas masquer les aspects urbains de cette problématique.

Ainsi, le 3 octobre dernier, plus de 102 460 Parisiens se sont déplacés lors de la grande votation citoyenne sur l'avenir de La Poste et plus de 96 % d'entre eux se sont prononcés contre la privatisation de cette grande entreprise publique. Dans les 11e et 20e arrondissements, que j'ai l'honneur de représenter dans cet hémicycle, la proportion de suffrages exprimés contre la privatisation atteint même 99 % !

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Face à cette mobilisation significative, le Gouvernement nous assène les réponses habituelles : mépris et déni.

Le mépris vise les modalités d'organisation de la votation citoyenne : elles seraient trop opaques pour que l'on puisse accorder le moindre crédit aux résultats enregistrés. Nous nous étonnons donc – Alain Vidalies vient de l'évoquer – que le Gouvernement n'organise pas lui-même une consultation sur le même objet ! Le résultat serait clair et sans ambiguïtés. Craindriez-vous par hasard le résultat ?

Le déni, quant à lui, concerne les risques de privatisation du groupe La Poste. Le Gouvernement réfute la possibilité même de cette privatisation et tâche d'oublier ses mensonges passés sur GDF. Vous êtes même allé, monsieur le ministre – cela a été maintes fois remarqué –, jusqu'à utiliser un néologisme : « imprivatisable ». Je ne connaissais pas le mot.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

C'est la 173ème fois que vous le dites !

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

C'est la cent soixante-treizième fois, mais nous le répéterons autant que nécessaire…

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

…parce que nous avons déjà entendu par le passé des mots signifiant la même chose à propos d'autres entreprises, et nous avons vu les résultats.

Vous inventez des mots, mais vous évitez les références aux postiers dans votre discours. Je les ai rencontrés, tout comme vous, monsieur le ministre, et je me suis longuement entretenu avec eux : leur perception des changements en cours dans leur entreprise m'a appris beaucoup de choses. Ils auraient donc pu vous aider à accepter la réalité.

Vous avez ainsi affirmé qu'une injection d'argent public allait permettre à La Poste d'améliorer le service rendu. Vous avez en outre précisé que les femmes et les hommes ne devaient pas être la variable d'ajustement de la performance de l'entreprise – je vous donne raison sur ce point. Mais relisant vos interventions au Sénat, j'en venais à comparer votre style à la novlangue dans 1984 de Georges Orwell.

La direction de La Poste semble avoir adopté la même attitude que vous. Par exemple, le plan « Bienvenue à la Poste », dont le cahier des charges rappelle la volonté de garantir la qualité du service public dans les zones urbaines sensibles, prévoyait le maintien ou l'accroissement des moyens humains. Or les postiers des bureaux de poste dans la circonscription dont je suis l'élue, bureaux implantés au milieu d'un quartier classé en zone urbaine sensible, sont venus m'informer de la suppression de quatre emplois sur deux bureaux. Il a fallu plusieurs jours de grève pour obtenir que la décision soit suspendue et reportée pour quelques mois. Nous n'en savons pas plus sur la décision finale, mais un tel exemple ne correspond pas à l'augmentation ou au maintien des moyens humains que vous évoquiez. Ces suppressions de postes, difficilement acceptables, pourraient être compensées par une réorganisation du travail visant à rassurer le public comme les employés. Mais les réformes en cours n'aboutiront qu'à la recherche obstinée de la rentabilité, tout en dégradant les conditions de travail.

La recherche de la rentabilité ne doit pas constituer un tabou. Elle ne doit pas non plus devenir un totem indépassable. Quand le public attend du service public postal fiabilité, disponibilité et information, La Poste répond en centrant ses priorités sur les seuls intérêts marchands. Je vous en livre ici une illustration éclairante : La Poste communique beaucoup sur l'ouverture tardive de ses bureaux, mais elle oublie de signaler que cette ouverture se limitera souvent... aux seules boutiques. Les anciens usagers devraient devenir des clients. Dans les faits, ils deviennent surtout des vaches à lait ! Autre exemple : on connaît la faible appétence des Français pour les files d'attente. La direction de La Poste aurait pu décider de prévenir la formation de celles-ci ; elle s'est contentée de casser le sentiment d'attente non seulement en morcelant les files entre des guichets aux missions distinctes, mais aussi – venez avec moi visiter quelques bureaux à Paris, vous pourrez le vérifier – en supprimant les pendules !

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

C'est la réalité : il n'y a plus de pendules dans certains bureaux de poste, donc les gens ne savent plus combien de temps ils attendent.

La dégradation des conditions de travail, quant à elle, prend des proportions telles que la comparaison avec France Télécom s'impose. Les postiers se plaignent de la monotonie des tâches auxquelles ils sont désormais affectés, conséquence directe de la suppression des guichets « toutes opérations ». Cette spécialisation entraîne non seulement une perte d'intérêt pour le travail, mais aussi une perte de compétences et, surtout, l'amoindrissement des relations aux usagers. Pour l'anecdote – elle est terrible ! – je signale que le mobilier est aujourd'hui le même que celui qui suivit le changement de statut de France Télécom, contraignant les agents à demeurer dans la position dite « assis-debout », qui entretient le corps dans une tension permanente. Peut-être la rentabilité en sera-t-elle meilleure, mais nous en reparlerons dans quelques mois, quand nous aurons le débat sur les retraites et que nous évoquerons la pénibilité. Assis-debout, cela veut dire être constamment en tension sur un simple tabouret sans dossier. Cela veut dire aussi que l'on n'est ni assis ni debout, que l'on a mal à la fois aux jambes et au dos.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

C'est peut-être très bien pour la rentabilité de La Poste, mais les collègues qui travaillent sur l'assurance-maladie savent que cela va creuser les déficits.

Le plan « Bienvenue à La Poste », dont je n'ai retenu ici que les éléments les plus frappants, s'apparente bel et bien à une privatisation rampante. Un syndicaliste me confiait ainsi son inquiétude : « C'est à croire que La Poste s'attaque à ce qu'elle est pour devenir autre chose ». En d'autres termes, il s'agit bien d'une mutation et d'une rupture. La Poste bénéficie encore de son prestige d'établissement public remplissant une mission de service public. Les Français y sont particulièrement attachés. Restructurée, et sans cloute privatisée dans son fonctionnement avant que de l'être dans les faits, elle jouira encore quelque temps de ce prestige, mais celui-ci servira à terme les intérêts de ses actionnaires, l'État ou les simples particuliers qui le remplaceront, non plus l'intérêt général. Et c'est bien regrettable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Monsieur le ministre, cela fait plus de treize heures que des députés se succèdent à la tribune, dont une cinquantaine de membres du groupe SRC qui entendent dénoncer tous les risques que ce projet de loi fait courir au service postal. À cet égard, tous les arguments ont été soulevés, toutes les démonstrations ont été développées, toujours avec talent et conviction par mes collègues. Si nous avons déployé une telle énergie, c'est parce que nous sommes convaincus que ce texte ne défend pas l'intérêt général.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

C'est aussi parce que nous sommes convaincus que, dans le pays, l'hostilité à ce projet de loi est majoritaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Ce sont les sondages – que la majorité et le Président de la République aiment tant – qui nous le disent, mais c'est aussi et surtout cette fameuse votation citoyenne à laquelle nous attachons beaucoup d'importance. Celle-ci a permis à plus de 2 millions de nos concitoyens, entre le 28 septembre et le 3 octobre, de se prononcer. Dans mon département du Finistère, nous étions 43 000 à dire non à la privatisation de La Poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Jamais, dans notre histoire politique récente, une telle initiative – le mot « votation » est d'ailleurs une nouveauté – n'avait été organisée, permettant à autant de citoyens de manifester spontanément, pacifiquement, leur point de vue sur un projet de loi. Souvent dans cet hémicycle, nous regrettons que nos travaux ne soient pas suffisamment écoutés et observés, aussi devrions-nous tous nous féliciter que les citoyens se soient emparés d'un texte et que celui-ci fasse aujourd'hui l'objet d'un débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

de la commission des affaires économiques. Monsieur Urvoas, vous n'avez pas lu le projet de loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Cette expérience de démocratie directe n'avait bien sûr aucune valeur juridique. Personne n'a prétendu le contraire. Mais elle a une forte dimension symbolique, et elle ne peut évidemment pas laisser les législateurs que nous sommes totalement silencieux au motif que cette consultation n'avait rien d'institutionnel ni même de contraignant. Bien des collègues ont expliqué avant moi pourquoi cette votation avait été organisée : elle a visé à combler un manque, un vide, que le Gouvernement a, consciemment ou non, créé du fait de son incapacité à organiser pour le moment un véritable référendum. Le fait que plus de 2 millions de personnes aient participé à cette consultation, l'ampleur d'une telle demande, devrait conduire le Gouvernement à déposer rapidement ce qui nous manque pour pouvoir enclencher la dynamique institutionnelle : un projet de loi organique qui rendrait applicable le référendum d'initiative partagée que la révision constitutionnelle a permis.

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a en effet ajouté à l'article 11 de notre loi fondamentale une nouvelle procédure référendaire. Mesdames, messieurs de la majorité, vous avez été les seuls à voter la révision constitutionnelle, mais cet ajout est le résultat d'amendements déposés par tous les groupes, et le principe en a été approuvé à la quasi-unanimité de l'Assemblée nationale. C'est de cette procédure que je veux vous parler de façon à nourrir, sinon les débats sur La Poste, à tout le moins ceux sur une loi organique qui créerait ce processus.

Il est notable que, dans une période compliquée pour la majorité, une unanimité se soit dégagée pour permettre aux électeurs de se prononcer sur un projet ou une proposition de loi. Malheureusement, il faut le rappeler, la procédure créée par le nouvel article 11 ne traduit pas un choix très clair. En dépit des suggestions du comité Balladur, mis en place par le Président de la République, en faveur d'un référendum d'initiative populaire – je rappelle que le rapport du comité Vedel, remis en 1993 au président Mitterrand, allait exactement dans le même sens –, en dépit des engagements de la quasi-totalité des candidats à l'élection présidentielle de 2007 en faveur du référendum d'initiative populaire, malgré une telle concordance suffisamment rare pour être soulignée, ce qui figure aujourd'hui dans l'article 11 de la Constitution n'est ni une procédure d'initiative populaire ni un référendum. Ce n'est pas une initiative populaire puisqu'il faut d'abord faire sauter un verrou : obtenir l'accord d'un cinquième de parlementaires.

Ce n'est pas non plus un référendum, parce que si l'initiative réussit, si un collectif, des associations ou un parti s'organisent pour obtenir la collecte de quatre millions de signatures, le référendum ne sera pas forcément organisé. À ce moment-là, le Parlement décidera de l'opportunité d'en discuter.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Pas exactement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Ce n'est que si le Parlement ne le fait pas que le chef de l'État pourra soumettre cette question au peuple.

Ce qui a été créé est donc, en réalité, une procédure de référendum que l'on pourrait appeler « d'initiative minoritaire indirecte ».

Minoritaire, car le déclenchement de la procédure n'est ouvert que si une fraction des membres du corps électoral et du Parlement le souhaite. Indirecte, car les électeurs, lorsqu'ils seront saisis de cette proposition, se prononceront sur un texte qui aura été soumis au Parlement, et dont ce dernier aura pu se saisir.

Au final, ce mécanisme référendaire n'est donc qu'une avancée timide : une procédure semi-directe, fortement limitée et encadrée qui, en réalité, est destinée à être déclenchée moins au service des gouvernés que dans l'intérêt des gouvernants.

Mais ce n'est pas le plus décevant. Passe encore – après tout c'est un fait –, que cette initiative constitutionnelle soit timorée. Le plus navrant est qu'elle soit encore virtuelle. Voilà pourquoi les opposants à la privatisation de La Poste, dont les députés socialistes, ont été contraints d'imaginer cette votation citoyenne. Ils n'ont fait que pallier une carence béante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

L'article 11 de la Constitution prévoit qu'une loi organique devra déterminer les conditions de présentation de l'initiative ainsi que les conditions dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôlera la proposition de loi. À défaut, le dispositif constitutionnel est inapplicable.

Que chacun le sache, cela veut dire que le projet de loi organique que nous attendons relève exclusivement du Premier ministre. Si des parlementaires déposaient une proposition de loi, elle tomberait sous le coup de l'article 40 de la Constitution qui fait obstacle à la recevabilité d'une telle initiative.

Rien ne se passera donc tant que le Gouvernement ne choisira pas de déposer sur le bureau de l'Assemblée nationale un projet de loi organique. En la matière, malheureusement, le Gouvernement joue l'attentisme, privant la nouvelle disposition constitutionnelle de produire ses effets. Sans excessive méchanceté, on peut dire que le Gouvernement pratique l'obstruction sur ce sujet, depuis un an et demi. D'ailleurs, jamais aucun membre du Gouvernement ne nous a expliqué la stratégie suivie. Personne ne nous a expliqué pourquoi ce point qui fait consensus au sein de l'Assemblée nationale et du Sénat n'a pas été concrétisé. Une disposition à ce point consensuelle aurait mérité de se concrétiser tout de suite. Or nous assistons à une course de lenteur. Monsieur le ministre, pourquoi priver cette disposition constitutionnelle que vous avez approuvée de toute effectivité ? Pourquoi ne pas répondre à une forte attente populaire ?

La vérité, c'est que le Gouvernement ne veut pas de cette procédure référendaire, même fortement amoindrie et sévèrement encadrée, parce qu'il craint l'expression populaire.

En refusant de permettre de consulter les citoyens, par exemple sur la privatisation de la Poste, le Gouvernement s'inscrit en porte-à-faux avec les déclarations du Président de la République. Nicolas Sarkozy avait affirmé – et j'imagine qu'il le redirait aujourd'hui – : « Le peuple français (..) ne veut pas que l'on décide à sa place, et (...) par-dessus tout ne veut plus que l'on pense à sa place. »

Justement, au sujet de La Poste, le meilleur moyen de ne pas penser à la place du peuple français, c'est de lui donner les moyens de s'exprimer par le biais de ce référendum.

On pourra me rétorquer qu'une révision constitutionnelle c'est compliqué, que cela nécessite du temps. Bien sûr, mais depuis son adoption en juillet 2008, plusieurs textes ont découlé de cette révision et sont venus la concrétiser.

Quelles ont été les priorités du Gouvernement ? Le premier texte portait sur le retour au Parlement des députés et des sénateurs quittant le Gouvernement. Vous nous avez aussi obligés à discuter dans l'urgence d'un texte sur le redécoupage électoral.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Nous nous réjouissons d'ailleurs d'avoir à en rediscuter mardi prochain à seize heures quinze en commission des lois, puis le 12 janvier lors de la reprise des débats à l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Nous aurons à nouveau l'occasion de démontrer le caractère totalement partial de ce redécoupage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Dans une étude qui vient d'être publiée, des chercheurs montrent que ce découpage appliqué aux élections de 2007 aurait produit une majorité numériquement supérieure à ce qu'elle est actuellement.

Vous nous avez aussi obligés à discuter d'un texte qui fait croire que les nominations du Président de la République sont dorénavant encadrées. Cette semaine, vous nous avez saisis de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature.

Je ne nie pas l'importance de ces textes, mais avaient-ils tous un caractère d'urgence ? Du seul point de vue démocratique, n'était-il pas plus urgent de créer le référendum d'initiative partagée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Nous ne l'avons pas voté, mais nous étions comme vous à l'initiative de ce texte et nous avons accepté la révision constitutionnelle sur ce point-là, vous le savez fort bien.

Même en vous prenant au mot, sur un plan purement tactique, mon cher collègue,…

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Nous ne connaissons pas la tactique, nous ne connaissons que l'intérêt général !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

…les promoteurs de la révision constitutionnelle n'avaient-ils pas intérêt à avancer d'abord sur les sujets qui font consensus ? Cela aurait permis à l'Assemblée nationale de travailler utilement.

C'est parce que vous ne faisiez rien que, le 15 octobre dernier, le groupe socialiste a déposé une proposition de résolution pour vous inciter à avancer. Naturellement, vous l'avez refusée, comme tous les textes que nous déposons.

Plus d'un an et demi après la révision de la Constitution, deux ans et demi après les engagements de Nicolas Sarkozy, aucun projet de loi organique de mise en oeuvre de l'article 11 n'est encore déposé.

Certes, Bernard Accoyer, le président de notre assemblée, nous a assurés que le texte serait examiné avant la fin juin 2010, autrement dit longtemps après que la loi autorisant le changement de statut de La Poste aura été promulguée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Car non content d'avoir souhaité encadrer fortement le nouveau mécanisme référendaire, vous avez prévu des verrous institutionnels.

Ainsi le nouvel article 11 prévoit-il qu'un référendum d'initiative partagée ne peut avoir pour objet l'abrogation de dispositions législatives adoptées depuis moins d'un an.

L'adoption du projet de loi sur La Poste, que nous examinons aujourd'hui, est en quelque sorte la garantie pour le Gouvernement de repousser la tenue potentielle d'un référendum sur cette question avant 2011.

Monsieur le ministre, n'en doutez pas, sur un texte aussi important que celui portant sur l'avenir du service postal, les parlementaires socialistes, sénateurs et députés, seront en 2011 au rendez-vous, pour permettre la tenue d'un référendum sur cette question. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Deguilhem

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes en pleine crise économique, la finance déraille…

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Deguilhem

Une crise sociale frappe chaque jour davantage nos concitoyens. Pourtant, sur la base d'arguments purement idéologiques –nous l'avons démontré tout au long de cette discussion générale –, vous choisissez de faire adopter en urgence ce texte de privatisation annoncée du premier grand service public de proximité.

Je me doute bien qu'au terme de ce débat nos arguments auront peut-être permis de dégager une majorité – si j'entends ce que certains parlementaires UMP disent en coulisse – pour repousser votre projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Ce n'est pas parce que les fêtent arrivent que vous devez rêver !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Deguilhem

Il y a longtemps que je ne rêve plus, mais je sais que l'opposition à ce projet néfaste pour la cohésion sociale et pour les territoires n'est pas celle de quelques agitateurs irresponsables, dépourvus du sens de l'intérêt général : 80 % de nos compatriotes sont hostiles à ce changement de statut.

Le mépris affiché par le Gouvernement à l'égard de la votation citoyenne nous paraît constituer une grave erreur d'appréciation, car La Poste française appartient à tous les citoyens, sans distinction d'appartenance politique, de qualité, de lieu de résidence.

Les citoyens ont le droit, sinon le devoir, de se prononcer sur ce qui est leur bien commun. En tant qu'élu d'un département rural, comme beaucoup d'entre vous, j'ai rencontré les gens qui se sont déplacés très nombreux sur les lieux de votation : beaucoup de personnes âgées, des jeunes, des élus locaux, des familles, des gens qui votent et d'autres qui ne votent plus. Connaissant la plupart d'entre eux, je crois pouvoir dire que toutes les inclinations politiques, tous les engagements étaient présents : gens de droite, de gauche ou sans opinion, des militants, de simples citoyens.

Il s'agissait de l'expression d'une simple exigence démocratique. Votre erreur a été de ne pas entendre cet appel à un référendum, comme vient de le démontrer excellemment notre collègue Urvoas.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Deguilhem

Vous avez préféré vous replier derrière l'argument de l'absence d'une loi organique d'application de l'article 11 révisé de la Constitution.

La belle affaire ! Vous aviez bien le temps de la faire adopter ! Puisqu'il en est ainsi, nous allons utiliser le temps qui nous reste pour redire, encore et encore, à vous comme aux 2,3 millions de participants à la votation et à tous les Français, que vos arguments sont faux et que, depuis des mois, vous préparez activement la privatisation future de La Poste avec la direction de l'entreprise publique.

Nous avons déjà largement débattu du premier de vos arguments : répondre à une obligation de mise en conformité européenne. Nous savons qu'il n'en est rien. Vous ne nous en avez pas apporté la preuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Deguilhem

Rien n'obligeait à changer le statut de La Poste.

La Poste ne disposerait pas de fonds suffisants. Soit. Si l'on parle de développement des missions de service public, de la protection de l'épargne des plus modestes, du maintien d'un service public efficace sur l'ensemble du territoire, alors c'est à l'État d'assurer le financement de La Poste. Le Gouvernement a bien choisi de le faire pour les banques. Que ne l'a-t-il pas fait pour La Poste, alors même que ses interventions sont considérées comme relevant de la compétence des États de l'Union européenne ?

La Poste a besoin du financement de l'État, non pas pour acheter d'autres opérateurs mais pour conforter les 17 000 points de contact, afin d'assurer le transport et la distribution de la presse, et pour maintenir la distribution du courrier six jours sur sept. Rien ne vous l'interdit si ce n'est votre enfermement idéologique. L'article 1er de votre projet de loi est très clair à ce sujet : La Poste doit être transformée en SA à 100 % publique pour assurer son avenir, sa pérennité, nous dites-vous. Nous savons bien qu'une SA à 100 % publique, cela n'existe pas. Chaque fois qu'un Gouvernement a fondé un projet de privatisation sur ce type d'argument, les capitaux privés n'ont pas tardé à affluer. Dernier en date, l'exemple d'EDF-GDF est éloquent à cet égard.

Vous assénez toujours la formule que nous vous avons rappelée 180 fois : La Poste est « imprivatisable ». Pardonnez-moi de vous le dire, monsieur le ministre, mais en martelant cette formule, vous vous exposez au ridicule d'une situation que vous aurez créée mais que vous ne maîtriserez pas. En effet, rien ne garantit qu'à l'avenir des capitaux privés n'entreront pas dans le capital de la SA La Poste.

Dans Les Liaisons Dangereuses, le vicomte de Valmont disait fort à propos : « Le ridicule qu'on a augmente toujours en proportion qu'on s'en défend. » N'en faites pas trop, monsieur le ministre ! C'est une loyale recommandation que je vous adresse.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Deguilhem

Pourquoi le changement de forme juridique aurait-il des conséquences néfastes sur les missions de service public que l'État lui confie ? Pourquoi une ouverture à venir du capital, même limitée, impacterait-elle celles-ci ?

Tout simplement parce que le capital privé ne vise qu'un seul et unique but : le rendement. Le laisser entrer dans le capital de La Poste imposera donc de se plier à sa volonté sinon il se retirera. Nous en avons fourni de nombreux exemples européens dont la transposition à notre joyau du service public nous inquiète grandement. Voilà la réalité.

Votre projet de loi va venir parachever ce que vous avez déjà largement entamé dans le cadre du statut actuel, avec la participation active de la direction de La Poste, et malgré la mobilisation des salariés, des élus, des citoyens et de nombreux élus locaux.

Disons-le avec force, malheureusement, les commissions de présence postales ne sont bien souvent que des parodies d'instances de dialogue où rien de ce qui relève du service au quotidien n'est évoqué : les horaires aberrants de levée et de distribution du courrier, les tournées à découvert, les horaires d'ouverture des guichets progressivement grignotés, les fermetures de centres de tri, les suppressions d'emplois de postiers.

Le maintien de 17 000 points de contact se fait au prix d'une transformation massive de bureaux de plein exercice en points de contact vendus aux élus locaux sous forme d'agences postales communales. J'y reviendrai.

Il est d'ailleurs à craindre, monsieur le ministre, que la contractualisation actuellement en vigueur pour les agences postales communales ne s'oppose à votre texte.

En quoi des fonctionnaires territoriaux pourraient-ils exercer demain des missions de service public pour le compte d'une société anonyme ? En quoi les missions de service public seront-elles obligatoirement confiées à des agences postales à la suite de l'appel d'offres qu'imposera le choix d'un prestataire pour exercer ces missions ? Pour ma part, j'ai toujours pensé que les transformations de bureaux de poste en agences postales n'étaient qu'une étape intermédiaire dans l'aggravation de l'inégalité d'accès aux services postaux. Qui, dans cette enceinte, pourra me citer un seul exemple – peut-être en existe-t-il tout de même quelques-uns – d'ouverture d'un bureau de poste, compte tenu de l'augmentation de la population, après la fermeture d'une agence postale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Deguilhem

Je n'en ai aucun exemple dans mon département : cela n'existe pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Deguilhem

En effet, monsieur le rapporteur ; mais, sur 17 000 points de contact, cela fait peu !

Votre projet de loi, monsieur le ministre – de même que les conclusions de la commission Ailleret – ne garantit ni la préservation ni la création d'un seul bureau de poste. Et je ne parle pas du financement des missions de service public, d'ailleurs insuffisamment assuré par le Fonds national de péréquation territoriale.

Un mot sur les conditions du maintien des 17 000 points de contact. Les transformations de bureaux de poste en agences postales communales ne sont rien moins que des ventes forcées qui, la plupart du temps, sont réalisées avec le plus grand cynisme par des cadres départementaux imprégnés de la doctrine et munis de livrets de recommandation présentés comme des gages de succès dans la relation avec les élus.

Avec un rythme de trois fermetures par jour, ce sont, depuis un peu plus d'un an, 1 000 bureaux de poste qui ont été fermés ; à ce jour il n'en reste plus que 10 000, avec, dans nombre d'entre eux, une présence très occasionnelle d'une partie des postiers. Comment ne pas penser que cette tendance engagée alors que l'entreprise est sous statut public ne sera pas aggravée lorsqu'elle aura le statut de société anonyme ?

Les bureaux ferment, et 50 000 emplois ont été supprimés depuis 2002. En outre, avec le nouveau statut et le basculement de La Poste dans le droit commun, l'emploi contractuel deviendra la règle. En l'absence de convention collective des activités postales, les salariés de La Poste, comme ceux, d'ailleurs, des opérateurs concurrents, seront soumis à la pratique du moins-disant social et exposés au licenciement économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Deguilhem

À ce sujet, le président Bailly a, lors de son audition par la commission des affaires économiques, contourné ma question relative au devenir des salariés de Phil@poste, notamment ceux de l'imprimerie de timbres de Périgueux et Boulazac : le navire amiral de la philatélie française, pourtant aux marges des missions de service public, est déjà gravement exposé aux torpilles du libéralisme et de la concurrence. Cette filiale, qui ne compte que 600 salariés – sur un total de 280 000 pour l'ensemble du groupe –, a donc tout à craindre de l'évolution du statut. J'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous donniez votre sentiment sur ce point, puisque vous avez déclaré que les postiers ne seraient pas la variable d'ajustement de la modernisation de La Poste – nous verrons bien.

Contrairement à ce que vous prétendez, il n'y a fantasmes ou chimères ni dans cet hémicycle, ni dans les centres de tri, ni dans les sacoches des facteurs. Notre opposition au changement de statut est justifiée par une vision d'avenir : l'impérieuse nécessité de garantir au plus près des populations, dans des conditions d'accueil et d'accès aux services satisfaisantes, un service public de qualité, lequel est déjà lourdement mis à mal aujourd'hui.

Au risque de vous décevoir, tous les territoires, contrairement à ce que vous dites, ne sont pas traités de manière égale. Beaucoup se sentent oubliés, ce qu'un certain nombre de collègues de la majorité pourront confirmer. Ces territoires oubliés ne sont pas archaïques : ils en ont assez d'être privés de téléphone pendant des semaines, voire des mois, et d'une réception convenable des chaînes de télévision classiques –d'ailleurs cela ne s'arrangera pas avec le passage au numérique – ; ils en ont assez d'attendre l'ADSL, d'être les derniers à être réalimentés par EDF lors des pannes d'électricité, comme ce fut le cas, il y a dix ans, avec la grande tempête à la suite de laquelle les campagnes sont restées privées d'électricité pendant un mois. Les habitants de ces territoires veulent voir le facteur leur apporter le journal tous les jours ouvrables ; ils veulent réaliser leurs opérations postales et bancaires sans être obligés de faire trente kilomètres pour récupérer leur courrier à Saint-Germain-des-Prés – dommage que le président de la commission, qui connaît bien ce problème, ne soit pas là.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Deguilhem

Au pays de Jacquou, dans mon département, la fête est finie ! Le mirage d'une poste à l'américaine, avec la distribution du courrier en hélicoptère, c'est terminé. Notre modernité à nous, c'est l'égal accès de tous à un service public de qualité : voilà ce que nous défendons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Monsieur le ministre, si ce projet de loi devait, hélas, être voté par notre assemblée et validé par le Conseil Constitutionnel, votre nom serait à jamais associé à une loi de régression qui ferait de vous le fossoyeur d'un grand service public, le service public postal, facteur essentiel de cohésion sociale, auquel les Français sont viscéralement attachés.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Ces derniers l'ont démontré lors de la consultation citoyenne du 3 octobre dernier en rejetant massivement votre projet : dans le seul département de la Loire, près de 33 000 votants, dans plus de 150 bureaux de vote, se sont prononcés à 97 % pour le « Non ». C'est du jamais vu.

Ce texte, s'il était voté, ferait de vous, monsieur le ministre, un « déménageur de territoire », un de plus dans le gouvernement Fillon, lequel, après avoir planifié les déserts kakis avec la carte militaire, les déserts noirs avec la carte judiciaire et les déserts blancs avec la carte hospitalière, organise à présent les déserts jaunes : les déserts postaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

La Poste est, avec l'école, le premier des services publics de proximité. Si elle est à ce titre garante de l'égalité territoriale et créatrice de liens sociaux, elle constitue aussi, souvent, la dernière présence de l'État dans certains territoires, notamment dans le monde rural et dans nos quartiers populaires.

Avec ce projet de loi, monsieur le ministre, vous allez apporter votre pierre personnelle à l'édifice de démantèlement méthodique du pacte social et républicain que le Président de la République, votre mentor, a engagé depuis son élection. Votre objectif est clair : affaiblir à tous les niveaux la capacité d'action de la puissance publique, ce qui se traduit par un désengagement massif des services de l'État sur les territoires et par la privatisation des services publics, comme c'est le cas aujourd'hui avec La Poste.

La feuille de route que vous a fixée le chef de l'État est simple. Première étape : vider les caisses de l'État – ce que vous avez admirablement fait – et assécher ses ressources financières par la baisse des impôts des plus riches et le bouclier fiscal.

Deuxième étape : organiser les déficits publics – pour le coup, vous êtes champions toutes catégories –, afin de faire subir à l'État une cure d'amaigrissement sans précédent, avec le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et la RGPP.

Troisième étape : asphyxier les collectivités locales en vous délestant sur elles de nouvelles compétences sans les compenser financièrement et en assurant leur financement par les impôts les plus injustes, touchant les catégories les plus modestes.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Votre projet de loi sur La Poste participe de ce mouvement d'ensemble qui non seulement fragilise un grand service public, mais conduit tout droit à un État résiduel, marginal, réduit à la portion congrue.

Ce projet de loi relève avant tout de l'idéologie, celle d'un gouvernement pour qui le funeste principe de la concurrence libre et non faussée prime sur les valeurs du service public.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Certes, le Gouvernement prend prétexte de la transposition de la troisième directive postale de la Commission européenne pour changer le statut de La Poste et la transformer en société anonyme. Mais cette directive n'exige en aucune manière d'ouvrir le capital de La Poste : elle demande seulement l'ouverture et l'abolition des frontières postales.

Vous avez cependant fait le choix, lors de la négociation de cette directive en 2008, de ne pas plaider en faveur du maintien d'un secteur réservé, contrairement à ce qu'avaient fait les gouvernements précédents, en particulier le gouvernement Jospin en 1997.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

En effet ! Il ne faut pas manquer de le rappeler !

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Je rappelle qu'une dizaine d'autres pays en Europe ont pour leur part défendu le secteur réservé, c'est-à-dire le monopole résiduel pour la levée, le tri et la distribution des lettres de moins de cinquante grammes, un tarif unique du timbre et un nombre égal de dessertes, toutes conditions qui s'appliquent sur l'ensemble de notre territoire, que l'on se trouve au fin fond du département de la Loire ou au coeur de Paris.

Le secteur réservé, ces pays l'ont préservé tout en renforçant le statut public de leur entreprise postale. C'est donc bien votre famille politique, monsieur le ministre, c'est-à-dire la droite, au pouvoir dans la plupart des États européens et à la Commission, qui est responsable du contenu libéral de cette directive de dérégulation.

Vous invoquez l'insuffisance des fonds propres de La Poste. Mais si l'État avait assumé ses obligations à l'égard de celle-ci au cours des dernières années, nous n'en serions pas là. En créant vous-même les difficultés financières du groupe et en laissant filer son endettement, vous avez réuni les conditions pour justifier aujourd'hui le projet d'ouverture du capital, et bientôt la privatisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Nous vous proposons une solution alternative pour l'avenir du service public de la poste : le maintien du statut d'EPIC – établissement public industriel et commercial –, avec un financement intégral des deux missions de service public pour lesquelles l'Union européenne laisse aux États membres toute latitude pour apporter un accompagnement financier, à savoir la présence postale, d'une part, et le transport et la distribution de la presse, de l'autre.

La transformation de La Poste en société anonyme constitue un transfert des droits de propriété d'un EPIC, établissement public qui est propriété collective de la nation, à une société dont le capital social peut-être fractionné en actions détenues par différents propriétaires, donc ultérieurement introduit en bourse. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Nous défendons le statut d'EPIC contre celui de société anonyme, parce que nous pensons que des actionnaires exigeront un retour sur investissement, comme c'est toujours le cas. Or, qui dit retour sur investissement dit rentabilité ; et, par souci de rentabilité, on fermera de plus en plus de bureaux de poste, ou l'on réduira les heures d'ouverture, comme c'est déjà le cas dans de nombreux quartiers populaires.

Vous nous dites, monsieur le ministre, que La Poste est « imprivatisable », mais au fond, que vaut votre parole ? Elle vaut ce que vaut la parole de ce gouvernement, c'est à dire pas grand-chose ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – « Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Pour ce qui concerne les futures conditions de travail des salariés de La Poste, nous voulons obtenir du Gouvernement des garanties solides. La Poste tend de plus en plus à imiter le modèle managérial de certaines entreprises publiques qui ont été privatisées, comme France Télécom : mobilité forcée, mise en concurrence des salariés, voire harcèlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Membre des missions d'information parlementaire sur la pénibilité au travail et les risques psychosociaux, je tiens à exprimer mon inquiétude quant aux conséquences de l'évolution du statut de l'entreprise sur la qualité de vie au travail des salariés de La Poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Lors des débats en commission, mes collègues ont demandé au Gouvernement de remettre un rapport sur l'évolution globale de l'emploi et des conditions de travail à La Poste, au plus tard le 30 juin 2010, puis tous les deux ans. Cette demande, vous l'avez refusée.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Mes collègues vous ont réclamé un comité paritaire sur l'amélioration des conditions de vie et de travail des personnels de La Poste et de ses filiales ; vous l'avez également refusé.

Vous avez en ligne de mire une privatisation à brève échéance : la rédaction du présent texte prépare le terrain à cette évolution néfaste.

François Brottes vous a proposé d'inscrire dans la Constitution le principe selon lequel La Poste serait chargée du service public postal : nouveau refus de votre part. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Votre projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales marque une rupture fondamentale dans l'histoire de notre service public. Il constitue une étape de plus dans la remise en cause de notre pacte social et républicain. C'est pourquoi nous ne voterons pas ce texte de régression.

Votre gouvernement doit tenir compte de la mobilisation sans précédent de nos concitoyens le 3 octobre dernier. Dans un ultime élan de lucidité, il est encore temps pour vous de retirer ce projet de changement de statut et d'organiser, sur la base de l'article 11 de la Constitution, comme nous l'avons demandé avec notre proposition de loi organique, un référendum d'initiative populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Faute de quoi ce sera le désert bleu aux élections !

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Un peu de courage, monsieur le ministre : laissez les Français décider par leur vote de l'avenir de leur poste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Pérat

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat qui s'ouvre aujourd'hui sur le projet de loi relatif à l'entreprise public La Poste et aux activités postales dépasse de très loin la dimension technique, voire technocratique, à laquelle beaucoup, dans les rangs de la majorité et du Gouvernement, tentent de le cantonner.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Pérat

Soyons clairs : avec ce texte, il ne s'agit pas de se plier à quelques diktats venus de Bruxelles, excuse souvent employée, y compris par le Gouvernement, pour justifier auprès de nos concitoyens les décisions les plus douloureuses. Rien dans les directives postales de l'Union européenne n'oblige à modifier le statut de La Poste.

Non, ne nous trompons pas. Avec ce texte, nous sommes réellement confrontés à un débat de société autour de la place et de l'avenir des services publics à la française dans notre pays, pierres angulaires de notre identité nationale, de notre cohésion sociale et de nos principes républicains.

Monsieur le ministre, les Français ne sont pas dupes. Malgré votre engagement mille fois répété sur tous les tons, devant tous les médias et toutes les assemblées, parfois une main sur le coeur, parfois une larme à l'oeil, que La Poste transformée en société anonyme resterait à jamais publique, et malgré votre créativité langagière lorsque vous déclarez « vouloir rendre La Poste imprivatisable »,...

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

C'est la 176ème fois que j'entends cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Pérat

..ils savent parfaitement que le projet de loi que nous examinons aujourd'hui n'est que le premier étage de la fusée devant propulser La Poste vers une privatisation, synonyme de profits maximum par la réduction des coûts, des effectifs et de la présence postale.

Les Français se souviennent des vibrants plaidoyers, certains déclamés ici même, pour justifier la fin du monopole d'EDF ou la privatisation de GDF. Ils se souviennent également du Président de la République, lorsqu'il était ministre de l'économie, qui affirmait mordicus : « c'est clair, c'est simple, c'est net, il n'y aura pas de privatisation de GDF ».

Mais surtout, nos concitoyens, et notamment ceux qui habitent dans les territoires ruraux, connaissent parfaitement votre manière d'opérer. Ils la vivent chaque jour, confrontés aux démantèlements successifs de leurs services publics. Ils savent qu'avec vous tous y sont passés, que ce soient les hôpitaux, les tribunaux, les gendarmeries, les perceptions, où qu'ils y passeront demain comme les CAF, les CPAM, les sous-préfectures, les centres de traitement du surendettement de la Banque de France. Et j'en passe.

Monsieur le ministre, le déménagement du territoire est tellement devenu la marque de fabrique de ce gouvernement que, même si d'aventure vous nous disiez cette fois la vérité, il serait impossible de vous croire. C'est ce que nous ont dit les Français à l'occasion de la votation citoyenne, et notamment dans ma circonscription de l'Avesnois.

Sous couvert de préparer l'ouverture du marché postal à la concurrence, la direction de La Poste a fermé, au cours des cinq dernières années, deux bureaux de poste par jour en moyenne. Elle a également supprimé des milliers d'emplois et précarisé des dizaines de milliers d'autres.

Au niveau de la distribution, que ce soit au travers du recours massif aux contrats à durée déterminée et aux emplois étudiants pour pourvoir aux remplacements, ou au travers de l'allongement et de la modification continuelle des tournées, les facteurs sont soumis de plus en plus à la précarité,...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Pérat

..à l'augmentation sans contrepartie de leur charge de travail, et au stress d'indices de performance de plus en plus contraignants. Ces changements, les usagers de La Poste les ressentent durement et ils les acceptent mal, car ils induisent une baisse de la qualité du service rendu et la perte de la relation forte qu'ils entretiennent souvent avec leur facteur. Cette relation devient impossible lorsque ce dernier change d'une semaine à l'autre ou qu'il ne peut plus, faute de temps, leur rendre les mêmes services qu'auparavant, comme leur apporter des espèces ou recevoir des mandats lorsqu'ils ne peuvent se déplacer.

Au niveau du guichet, le mot d'ordre est de plus en plus : vendre à tout prix. Le guichetier n'est plus un offreur de services ; il est un vendeur de produits à forte marge, comme les cartes de téléphonie mobile. Chaque agent est assujetti à des objectifs journaliers de vente qu'il doit respecter, sous peine d'être mal noté par sa hiérarchie lors de ses entretiens mensuels. Et, chaque année, ces objectifs sont revus à la hausse, au détriment des fonctions traditionnelles des bureaux de poste.

Quant à la proximité de La Poste, si chère à nos concitoyens, l'article 2 du projet de loi peut bien sanctuariser 17 000 points de présence postale sur le territoire, chacun sait qu'à terme ces 17 000 points seront composés dans leur très grande majorité d'agences postales communales et de relais poste.

Déjà, entre 1999 et 2008, le nombre de bureaux de plein exercice a chuté, passant de 14 000 à 11 400. Parallèlement, le nombre d'agences postales communales, en partie financées par les mairies, et de relais poste, en partenariat avec des commerçants, n'a fait qu'augmenter. D'ailleurs, cette logique est parfaitement assumée par la direction de La Poste, qui table sur la transformation de 500 bureaux de poste par an en agences communales ou en relais poste pour ramener le coût généré par sa mission d'aménagement du territoire à 260 millions d'euros en 2011. Or nous savons bien que toutes les opérations bancaires et postales ne sont pas possibles dans les relais postes ou les agences communales.

Quant au coût de ces structures, il est en grande partie transféré aux communes elles-mêmes. Lorsque l'on est maire d'une petite commune où la population est souvent vieillissante, où les liaisons routières sont souvent difficiles, où le commerce local se limite souvent à un café et à La Poste, il est impossible de laisser partir cette dernière. Ce désengagement actuel à la charge des collectivités locales préfigure le creusement des inégalités territoriales de demain.

Dans tous les autres pays d'Europe ayant couplé ouverture à la concurrence et changement de statut de leur opérateur postal historique, une dégradation du service en a découlé. En Suède, par exemple, ces mutations ont entraîné la suppression du tiers des personnels et des bureaux de poste, ainsi que l'augmentation de 40 % du prix du timbre pour les particuliers.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, quoi que vous fassiez pour cacher la vérité, pour la camoufler derrière de grandes déclarations de principe et d'illusoires sécurités légales ou institutionnelles, voilà le terrible enjeu du débat d'aujourd'hui et de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes rassemblés pour aborder un sujet important et éminemment passionnel. Les différents orateurs qui se sont succédé à cette tribune, quelles que soient leurs idées et leurs convictions, ont tous marqué leur profond attachement à La Poste car elle fait partie du patrimoine de notre pays. Tous nos concitoyens, où qu'ils se trouvent, en milieu rural ou urbain, dans les quartiers difficiles et sensibles, ont un lien privilégié avec cette institution et, au travers de celle-ci, avec les agents, les facteurs, ces hommes et ces femmes habillés en jaune et bleu.

C'est un moment important pour la représentation nationale que de réfléchir au devenir de cette institution avec laquelle chacune et chacun d'entre nous a un lien direct, parfois charnel et familial.

À ce stade de mon propos, j'aurai une pensée pour mon oncle Marcel qui était facteur au Lion-d'Angers, pour mon oncle Michel qui a commencé sa carrière dans cette institution à Paris avant de franchir le rubicond, comme nombre d'agents de La Poste, et de la poursuivre à France Télécom, pour mon cousin Henri qui est cadre à La Poste à Rodez ou encore pour mon cousin Pierre qui est préposé à Toulouse. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Ne plaisantez pas avec la famille ! C'est important !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Nous sommes une famille nombreuse qui a un grand attachement pour La Poste, ce qui est profondément respectable. Vous savez, à l'époque, on entrait à La Poste un peu comme on entrait en religion, avec, à certains égards, une volonté d'apporter sa pierre à l'édifice du service public postal, avec tout ce que cela représentait. Dans notre Sud-Ouest, monter à Paris pour trouver du travail à La Poste était particulièrement important et significatif.

En restant dans le registre passionnel, j'évoquerai ce que j'aime beaucoup et ce que j'aime un peu moins.

Tout d'abord, j'ai particulièrement apprécié le très bon discours emprunt de responsabilité prononcé hier par M. Dionis du Séjour. Il a dressé un portrait réaliste et pas du tout caricatural du projet de loi, contrairement à ce que nous avons pu entendre ces deux derniers jours. Je vous le dis monsieur le ministre, avec mes collègues du Nouveau Centre nous considérons que ce texte va dans le bon sens.

Il peut être tentant pour chacune et chacun d'entre nous de tenir des propos grandiloquents à cette tribune et différents dans nos circonscriptions. En ce qui me concerne, j'ai toujours essayé d'être cohérent entre mes prises de parole ici et la façon dont les choses sont vécues sur le terrain. Il me paraît normal et légitime que La Poste s'adapte eu égard à l'évolution des modes de vie, de communication et à la baisse importante et significative du trafic du courrier, au-delà des problématiques d'adaptation juridique pour faire face aux évolutions dictées par la législation européenne.

La question est de savoir si La Poste restera un service public ou si ce texte constitue le premier pas vers la privatisation. À cet égard, certains orateurs ont fait référence à ce qui a été dit ici même, il y a quelques années, s'agissant de la situation d'EDF-GDF. Jusqu'à preuve du contraire, EDF est une entreprise à majorité de capitaux publics. Pour ce qui concerne GDF, à l'époque j'avais fait partie des quelques députés à considérer qu'il était imprudent de dire que GDF avait vocation à rester ad vitam aeternam contrôlé par des capitaux publics. Autant certains services doivent être au coeur de l'action de la régulation de l'État, autant notre position peut être plus nuancée pour d'autres. C'est le cas pour ce qui concerne la distribution de gaz car, après tout, pourquoi la distribution de pétrole ne serait-elle pas contrôlée par le public, comme cela a été le cas il y a longtemps au travers de la société ELF, pour ne pas la nommer ? En fonction de ces éléments, j'estime donc que cet argument ne peut pas être transposé ici. Ce texte comporte suffisamment de garanties pour assurer la pérennité de la présence d'un service public postal dans notre pays. Bien entendu, 99 % de nos concitoyens sont contre la privatisation de La Poste, mais en tout état de cause, l'objet du présent projet de loi n'est assurément pas de privatiser ce service public. Il vise au contraire à lui donner les moyens de pouvoir faire face aux mutations à venir.

La Poste, disais-je, doit s'adapter et évoluer. Lundi prochain, je vais participer à l'inauguration des bureaux de poste rénovés d'Alban et de Lacaune, dans la montagne tarnaise. Il me paraît éminemment positif que le service public postal s'adapte pour que l'accueil du public soit de meilleure qualité. En tout état de cause, même si nous venons d'inaugurer le bureau urbain de Castres L'Albinque, les rénovations de bureaux ne doivent pas être réservées au seul secteur urbain, et nos campagnes doivent également pouvoir en profiter. Nos concitoyens du secteur rural ont effectivement droit à la même qualité d'accueil et de service que celle que l'on peut trouver en milieu urbain.

En ce qui concerne les problématiques du secteur rural, je voudrais dire deux ou trois choses qui me paraissent essentielles.

S'agissant, tout d'abord, de la transformation de bureaux de poste en agences postales communales, évoquée par de nombreux orateurs, il me paraît essentiel de faire preuve de pragmatisme. Les situations sont effectivement très différentes d'un secteur à l'autre, pour ne pas dire d'un village à l'autre, et une agence postale communale ouverte toute la journée est souvent préférable à un bureau de poste ouvert une paire d'heures dans la journée.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Bien sûr !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

La qualité du service aux usagers peut passer par une telle transformation, sans parler de la dimension de mutualisation.

Je songe, en l'occurrence, au projet de l'une des communes de ma circonscription, dont le bureau de poste sera bientôt transformé en agence postale communale. Ainsi, alors que son syndicat d'initiative n'était ouvert que deux mois dans l'année, cette commune pourra offrir un accueil touristique dans un lieu ouvert toute l'année, qui servira également d'agence postale communale. Il me paraît légitime et normal d'encourager de telles initiatives, pour le plus grand profit des usagers, qu'il s'agisse des usagers de La Poste ou, comme dans le cas évoqué, de touristes.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Plus généralement, et à la suite des précédentes transformations de La Poste, se pose la question de la lisibilité des différents métiers de cette institution et de leur segmentation. Pour nos concitoyens, pour les usagers de La Poste, la segmentation de l'activité entre la partie grand public, la banque postale et la partie réseau n'est pas toujours claire. Pour eux, La Poste est une seule et même entité, à laquelle ils sont attachés dans sa globalité.

Il me paraît essentiel de maintenir une vitrine commune, car pousser trop loin la segmentation pourrait entraîner des difficultés, d'autant qu'une solidarité doit exister entre les différents métiers. En effet, l'activité courrier a malheureusement vocation, nous le savons très bien, à devenir de plus en plus déficitaire, tandis que la banque postale a sans doute vocation à engranger bien davantage de bénéfices. Cela justifie un schéma d'adossement des différentes activités, entre lesquelles un principe de solidarité doit jouer. L'entreprise doit pouvoir s'appuyer sur ses points forts pour assurer la pérennité du service quels que soient ses points faibles.

À ce sujet, j'ai été très surpris par la façon dont l'article 40 de la Constitution a été opposé à un amendement que mon collègue Jean Dionis du Séjour et moi-même avions déposé. Toujours pour faire en sorte que La Poste reste un relais de proximité en secteur rural, cet amendement tendait à faire des bureaux de poste les relais locaux des maisons de services publics.

Prenons un exemple très concret. Une maison des services publics a été créée il y a quelques mois à Lacaune, dans le département du Tarn. Elle regroupe une vingtaine d'administrations ; certaines y sont présentes toute l'année, d'autres y tiennent régulièrement des permanences, d'autres encore assurent une présence par des systèmes de visio-guichet et un accueil commun. Cette maison des services publics rencontre un succès particulièrement notable, comme en témoigne la forte fréquentation du lieu. Située dans un territoire de montagne, type d'espace dont plusieurs orateurs ont souligné la spécificité, elle permet aux usagers de trouver les services dont ils ont besoin sur place sans avoir à se déplacer à Albi, Castres ou Mazamet. Tous y ont intérêt, mais particulièrement les plus modestes, les jeunes, qui rencontrent parfois des difficultés de déplacement, a fortiori dans des secteurs qui ne sont pas forcément les mieux desservis par les réseaux de transport public, ou encore les personnes âgées.

En outre, une telle maison permet le contact, essentiel, avec une personne que l'usager connaît, qu'il voit régulièrement et qui est toujours la même. Il peut ainsi exister un lien plus fort et moins froid que dans les grandes administrations de nos préfectures et sous-préfectures.

Ces maisons des services publics sont donc des succès. Celle de Lacaune permet de faire en sorte que des services publics soient présents sur une partie du territoire du département du Tarn où ils ne l'étaient pas auparavant. À l'heure où l'on parle du désengagement de l'État et des services publics, nous avons l'exemple d'un phénomène inverse. Je crois important, monsieur le ministre, de le souligner.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Je suis d'accord !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

L'amendement que Jean Dionis du Séjour et moi-même aurions voulu pouvoir défendre visait à permettre des mutualisations d'informations avec les bureaux de poste ou agences postales communales, telles celles de Murat-sur-Vèbre ou de Vianne, de manière à assurer un fonctionnement en symbiose de l'ensemble de ces services, services de l'État et services au public. Je ne vois pas quelle charge financière supplémentaire en aurait résulté. Je suis donc au regret de dénoncer – cela me paraît mon devoir – ce que je considère être une utilisation un peu abusive de l'article 40 de la Constitution. Que l'Assemblée nationale puisse, dans sa sagesse ou son absence de sagesse, rejeter cet amendement est une chose, mais le groupe Nouveau Centre ne juge pas d'un bon oeil le fait que l'amendement ait été écarté par le biais du filtre de l'article 40 de la Constitution.

S'agissant de la banque postale, il ne faut pas oublier qu'elle se trouve, dans nombre de nos secteurs ruraux, en situation, pour ainsi dire, de duopole. Bien souvent, les deux seules banques présentes sont la banque postale et le Crédit Agricole. Je déplore donc la rigidité et le manque de souplesse de La Poste, qui s'adapte moins facilement que le Crédit Agricole.

Je songe plus particulièrement à la question de l'installation des distributeurs automatiques de billets. De nombreuses campagnes françaises rencontrent effectivement un problème de circulation fiduciaire croissant. Les difficultés d'accès à la monnaie sont de plus en plus nombreuses. C'est sans doute cela qui doit, plus que toute autre considération, justifier le maintien de La Poste dans le giron du secteur public. Il s'agit de permettre une forme d'égal accès de nos concitoyens à la monnaie, aux billets et à toutes les espèces fiduciaires si indispensables à notre vie quotidienne. Peut-être n'aurons-nous un jour plus besoin de billets et de monnaie,…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

…mais ce n'est pas encore le cas aujourd'hui. Il me semble donc essentiel et fondamental de veiller à ce que cet accès à la monnaie soit possible.

J'en profite, monsieur le ministre, pour vous interpeller sur un problème spécifique qui a justifié le dépôt d'un amendement par mon collègue Jean Dionis du Séjour qui aura plaisir à le défendre ce soir ou demain matin. Cet amendement est inspiré par l'exemple de la commune de Vabre, chef-lieu de canton du Tarn, où, depuis cinq ans, nous nous battons avec les services de La Poste pour obtenir un distributeur automatique de billets. Dans un premier temps, il nous fut affirmé que l'installation de cette machine était impossible. Dans un second temps – c'était il y a trois ans –, on nous a dit qu'un fonds de péréquation permettrait de financer le distributeur demandé. Malheureusement, il n'y eut pas de lendemain.

Il me paraît donc essentiel de charger La Poste, grâce au texte de loi que nous examinons, d'une nouvelle mission, pour ainsi dire, de service universel. Il s'agit de lui imposer l'obligation, qui justifierait qu'elle demeure un établissement public, d'installer un distributeur automatique de billets dans tous les chefs-lieux de canton qui n'en comportent pas, et ce dans un délai à déterminer par décret.

Dans certains villages, dans certains chefs-lieux de canton, le Crédit Agricole est en mesure d'installer une telle machine en quelques jours ou, du moins, en quelques semaines. Dans cette situation de duopole, compte tenu de son insuffisante capacité de réaction immédiate, La Poste part avec un handicap certain. Or il nous paraît essentiel que La Poste puisse répondre aux demandes de nos concitoyens en la matière. Il y a là un souci majeur. Jean Dionis du Séjour défendra à cet égard un excellent amendement dont j'espère qu'il recevra un accueil très favorable sur tous les bancs de cette assemblée, en tout cas de la part de celles et ceux qui sont attachés à la ruralité. Je constate que, sur les bancs de gauche, on acquiesce, alors que sur ceux de droite, on ne dit rien…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

…ce qui laisse présager une issue positive.

Je ne peux que souligner la capacité d'adaptation de La Poste à innover et à mener des opérations pilotes au niveau national. En 1995, j'ai été à l'origine d'une première nationale : le portage de repas à domicile par le facteur. Nous avons fait d'une pierre deux coups. L'idée était non seulement de rendre un service à la population par l'intermédiaire d'une personne connue et reconnue par elle, mais aussi de rendre ce service dans une zone de moyenne montagne à faible densité de population – je pense à Vabre, à Saint-Pierre-de-Trivisy et à Viane, dans le département du Tarn.

Il s'agissait d'assurer, grâce à une convention avec l'ADMR, un système de portage de repas socialement performant et efficace, avec un coût de transport raisonnable. Ce service rendu au public fonctionne et permet d'additionner les compétences des uns et des autres, sans rien coûter à la collectivité en charges de fonctionnement. Cette initiative intéressante pour notre territoire méritait selon moi d'être soulignée. La convention est actuellement en cours de renégociation. Je ne doute pas que, d'ici à quelques jours, nous arrivions à concrétiser les éléments relatifs à la mise en place d'une nouvelle convention en la matière, et ce sera gagnant gagnant pour les collectivités et La Poste.

Pour conclure (« Non, pas encore ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR)…Mes chers collègues, je vous rassure, il me reste environ quatre heures de temps de parole. (Rires sur divers bancs.) Mais, à votre grand regret, je ne l'épuiserai pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Aujourd'hui, nous sommes à la croisée des chemins. Nous devons être capables de relever les défis à venir et permettre à La Poste d'asseoir un service public de qualité. Il nous faut aussi veiller à ce que la qualité de ce service soit encore meilleure, même si, aujourd'hui, le service rendu aux usagers est globalement bon. J'en profite pour souligner l'investissement personnel de la plupart des agents de La Poste.

Cela étant, nous avons parfois à faire face à des fermetures intempestives de bureaux, comme c'était le cas il y a quelques jours à Castres-Bisséous.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Le bureau a été fermé pendant une semaine, avec tous les désagréments que cela a entraîné pour les usagers.

Il faut poursuivre dans la voie de la modernisation de La Poste. Ma conclusion vous plaira peut-être un peu moins, mes chers collègues de l'opposition, mais elle amènera peut-être certains d'entre vous à réfléchir différemment et à ne pas caricaturer le texte. Votre attachement au service public postal n'est pas exclusif. Ce n'est pas parce que nous nous trouvons sur d'autres bancs que notre attachement à La Poste n'est pas tout aussi fort que le vôtre, comme je viens de le démontrer.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Monsieur le ministre, c'est avec intérêt que nous avons pris connaissance de votre projet de loi. Nous verrons le sort que vous ferez aux amendements positifs et constructifs que nous avons déposés.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Le nouveau Centre va voter contre, comme au Sénat !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Je souhaite que l'approbation raisonnée que nous manifestons à l'égard de votre texte devienne un peu plus enthousiaste au regard de l'accueil que vous réserverez à nos amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous commençons à peine l'examen du projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Je savais bien que je déclencherai l'enthousiasme avec mon introduction !

Ce projet de loi suscite beaucoup d'inquiétudes sur nombre de points.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Le risque de privatisation de La Poste, l'avenir du service public postal, son accessibilité et sa qualité sur l'ensemble du territoire, autant de sujets où vos propos, monsieur le ministre, que vous voulez rassurants, n'ont pas produit l'effet escompté. Le 3 octobre dernier, plus de 2,3 millions de personnes ont participé à la votation citoyenne sur l'avenir de La Poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Cette mobilisation fut sans précédent. Elle n'est pas seulement venue des départements ruraux, dont l'inquiétude est légitime de voir, dans votre projet de loi, les germes d'un démantèlement d'un service public oeuvrant au lien social et à l'égalité territoriale. Non, cette mobilisation en faveur de La Poste est également venue des départements denses, et notamment des quartiers populaires.

Dans ma circonscription, ce sont près de 4 700 citoyens qui se sont déplacés, à l'invitation des collectifs locaux d'Aubervilliers et de La Courneuve. À 98 %, ils se sont prononcés contre tout projet de privatisation de La Poste…

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

…et contre la méthode employée par le Gouvernement, le manque de concertation et d'écoute. Attachés au service public en général, tout comme au bureau de poste de leur quartier, de nombreux habitants ont souhaité ainsi s'exprimer, alors que vous leur refusez la parole.

À aucun moment, en effet, lors des échéances électorales passées, le Président de la République ou les candidats UMP et Nouveau Centre de votre majorité ne se sont présentés devant nos concitoyens pour leur dire : « Votez pour nous, nous allons changer le statut de La Poste pour la transformer en société anonyme » ! Et quand nous vous proposons de donner la parole aux citoyens, par voie référendaire, vous le refusez.

Malgré tout, il vous appartient aujourd'hui, chers collègues de la majorité, de tenir compte de ce message, qui s'est répété de manière analogue dans les milliers de points de consultation citoyenne qui se sont tenus dans le pays, durant la première semaine d'octobre : vous ne devez pas changer le statut de La Poste.

Le passage en force que vous organisez risque surtout de créer des désordres dans le pays, comme à chaque fois que vous avez voulu passer en force, que ce soit dans les universités, lors de la fusion ANPE-UNEDIC ou avec la loi Hôpital.

À chaque fois, vous nous avez dit, courant après le Président de la République : « Il faut réformer, réformer vite ». Maintenant, vous en venez même à articuler, le doigt tournant en l'air et bouche bée – en oubliant certes, dans votre allégresse, les droits d'auteur que vous vous engagiez à défendre lors du débat sur la loi Hadopi ! – « Il faut changer le monde », ce avec quoi nous pourrions d'ailleurs être d'accord si vous nous disiez dans quelle direction vous voulez aller ! Et, à chaque fois, vos réformes, mal préparées, divisent le pays plutôt que de le rassembler et ne répondent pas aux besoins concrets de nos concitoyens.

Aujourd'hui encore, cette mobilisation se poursuit, notamment par une campagne massive de pétition par cartes postales. Vous pourriez même, monsieur le ministre, en signer une, cela donnerait un peu plus de crédit à votre attachement au service public que représente La Poste dans le coeur de nombre de nos concitoyens. J'ai une carte pour vous, monsieur le ministre. J'ai commencé à la remplir avec votre nom et votre prénom : vous n'avez plus qu'à la signer. Je vous la donnerai tout à l'heure.

Monsieur le ministre, une telle mobilisation, qui prend appui tant dans les départements ruraux que dans les quartiers populaires, ne peut pas être anodine. Le service public est au coeur du message que vous adressent celles et ceux qui se sentent agressés par votre volonté de vous plier, une fois de plus, à la toute-puissance du marché, par votre volonté de vous en remettre, comme toujours, au culte de la rentabilité immédiate, la plus forte possible, en oubliant la crise qui va laisser un million de nos concitoyens chômeurs en fin de droits par la magie de l'économie casino que vous révérez et qui constitue le fondement de votre pensée politique et économique.

Ce message que vous ont délivré et vous délivrent encore nos concitoyens se fonde sur leur quotidien. Il peut se résumer ainsi : un prix garanti et égal pour tous et où que ce soit, un délai d'acheminement assuré sans avoir à se ruiner pour envoyer un pli ou un colis, un nombre de jours de distribution garanti, un accueil décent, pas seulement dans les bureaux des quartiers favorisés ou touristiques, avec un nombre suffisant de guichets ouverts, et donc de personnels et, enfin et surtout, une certaine conception du rapport à l'usager que l'on ne voit pas avant tout comme un client à qui il faudrait faire payer le plus cher possible.

C'est en effet parce que le souci premier du service public postal n'est pas la rentabilité que celui-ci a pu couvrir notre territoire d'une manière aussi large et dans des conditions d'égalité exemplaires. Et c'est bien cette disparition d'un service public de proximité qui inquiète, partout sur notre territoire ; c'est bien cette crainte que votre projet de loi nourrit.

Monsieur le ministre, au contraire de la volonté idéologique qui vous guide de construire l'Union européenne par la seule logique du marché et, dans le cas présent, par la création d'un marché privé du courrier, le jugement négatif porté sur votre projet de loi par cette mobilisation en faveur de La Poste vient du fond de notre pays, d'un large arc-en-ciel démocratique et citoyen qui dépasse largement les frontières politiques habituelles de nos débats.

Vous cherchiez un débat sur l'identité nationale : vous le tenez ici, et on voit comment, par votre projet de loi, vous la mettez à mal, cette identité nationale faite de services publics garantis à tous. Mais il est vrai que vous n'avez pas besoin de parler de La Poste pour montrer, les uns comme les autres au Gouvernement, ces derniers jours – vous n'avez pas été en reste, monsieur le ministre ! –, que vous ne maîtrisez plus ce débat vicié sur l'identité nationale, initié à des fins purement électorales.

Pour revenir au sujet qui nous oppose aujourd'hui, ce qui éclaire le jugement négatif des Français sur votre projet d'abandon du statut d'établissement public de La Poste, ce sont les répercussions concrètes et quotidiennes de votre politique continue de démantèlement du service public postal.

Car prenez garde, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, et veuillez excuser cette image, quand on vous entend, sur chaque sujet, et que l'on voit votre volonté de coller à des messages de communication calibrée, vous pourriez, par inadvertance, un soir de fatigue, mettre au grand jour la réalité de votre pensée en vous écriant, la main posée sur le front : « Il n'y a pas écrit service public ici » !

En effet, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui est la dernière touche à une politique que votre majorité conduit depuis 2002. Politique de suppression de postes : en sept ans, près de 50 000 emplois ont disparu à La Poste. Cette année, près de 11 500 emplois ont été supprimés. Cette politique est menée en ne remplaçant pas les départs de fonctionnaires à la retraite, ou en ne remplaçant pas à son poste d'origine la personne qui bénéficie d'une promotion.

Votre politique d'assujettissement absolu de La Poste en fonction du marché se manifeste également par la fermeture très régulièrement de plusieurs bureaux de poste par jour. Ces fermetures se font le plus souvent au détriment de territoires ruraux, mais aussi de quartiers populaires. Mais cette restructuration peut aussi s'opérer de manière plus insidieuse, sous le couvert des rénovations des bureaux de poste. Ces rénovations s'accompagnent, en effet, souvent d'une restructuration interne du bureau, qui voit les guichetiers disparaître au profit d'îlots. L'éclatement n'est d'ailleurs pas que symbolique et spatial. Les nouveaux îlots ont pour objet premier la vente de produits commerciaux aux usagers transformés ainsi en clients. Par là même, le métier de guichetier est lui-même transformé. La rénovation des bureaux de poste est donc l'un des moyens utilisés pour substituer subrepticement une logique de rentabilité à une logique de service public.

Les usagers ne sont pas dupes lorsqu'ils reviennent dans leur bureau habituel. Ils constatent bien que la rénovation des locaux n'est pas le seul changement apporté et qu'ils sont désormais considérés comme les clients d'un nouveau type de supermarché : le supermarché postal. Les usagers ne sont pas dupes non plus du type de rationalisation du travail à l'oeuvre, lorsqu'ils constatent les effets liés à la généralisation du dépôt des chèques dans une urne. L'éloignement de l'urne par rapport aux guichets empêche les agents d'aider les usagers à remplir leur bordereau. De surcroît, afin de s'assurer que le titulaire du compte dépose bien son chèque conformément à la procédure et non en allant voir un guichetier, ce type d'opération ne doit pas figurer parmi les pièces comptables des agents.

Ces exemples, monsieur le ministre, sont ceux d'une réalité tangible particulièrement sensible dans les quartiers populaires où la Banque postale est souvent, par habitude et surtout par obligation devant la baisse généralisée du pouvoir d'achat des salariés et des retraités, le lieu où les plus fragiles de notre société, les personnes âgées, les citoyens les plus défavorisés viennent plusieurs fois par semaine, parfois même tous les jours, retirer quelques euros de leurs économies pour faire leurs courses et subvenir à leurs besoins quotidiens.

Ce changement que vous avez accompagné leur est néfaste. Ces citoyens aux revenus modestes, souvent titulaires d'un livret A – que vous avez choisi de banaliser, fragilisant ainsi la Banque postale qui doit assumer seule les missions d'accessibilité pour tous – subissent donc l'ensemble des transformations qui les éloignent de ce que doit être un service public.

Ces usagers constatent également votre politique de démantèlement du service public postal au travers des dizaines de filiales que La Poste compte, parmi lesquelles Chronopost, Colipost – chargée de la distribution des Colissimo – ou encore Mediapost – chargée de la distribution des prospectus publicitaires. En interne, la création de ces filiales permet de d'instituer des statuts différents auxquels soumettre leurs salariés et, ainsi, de pratiquer un dumping social. Pour l'usager, cette filialisation à outrance désorganise le service public postal. La dilution de l'organisation du travail et des responsabilités crée alors des dysfonctionnements face auxquels la filialisation, qui en est à l'origine, prive l'usager d'interlocuteur unique. Les effets négatifs de ce démembrement du service public postal par la création de filiales dégradent la qualité du service rendu au public en contraignant les usagers à multiplier les démarches, et en augmentant les temps d'attente et les réclamations.

La création de la Banque postale par votre majorité est, bien sûr, un autre exemple concret de filialisation qui légitime, lui aussi, les craintes provoquées par votre projet de loi. Monsieur le ministre, vous répondez aujourd'hui que le changement de statut de La Poste d'établissement public en société anonyme sera sans répercussion sur sa filiale la Banque postale. Vous affirmez même que celle-ci restera une filiale de La Poste et que l'une comme l'autre demeureront publiques. Mais dans ce cas, pourquoi transformer la société mère La Poste, établissement public, en société anonyme ? Comment pouvez-vous affirmer que le rôle que vous faites jouer à la Caisse des dépôts ne sera pas d'être, à son corps défendant d'ailleurs sûrement, un cheval de Troie d'une future privatisation, en ce sens qu'elle pourra revendre plus tard les parts d'actions qu'elle aura acquises à votre demande ? Comment pouvez-vous donc assurer la représentation nationale que la participation de la Caisse des dépôts sera permanente ? Comme, manifestement vous ne le pouvez pas, votre néologisme, que je ne rappellerai pas,…

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

C'est dommage !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

…restera donc un néologisme. Non seulement il n'entrera pas dans les bonnes pratiques de la langue française, mais surtout il sera le symbole du paradigme du sarkozisme : « Le monde est tel que je le veux aujourd'hui. Ce qui se passera demain importe peu ! »

En fait, rien dans votre projet de loi ne confirme vos propos. Bien au contraire ! Il n'est pas précisé que le capital de La Poste doit rester, à terme, entièrement public. La seule garantie serait ce que nous avons proposé et que votre gouvernement et votre majorité ont rejeté, c'est-à-dire l'inscription dans la Constitution d'une charte des services publics !

C'est pourtant grâce à son statut public que la Banque postale a été épargnée par la crise financière. Les Britanniques ne s'y sont pas trompés, eux, qui ont « renationalisé » des établissements bancaires. Par ce statut, et parce que mise à l'abri des produits toxiques, la Banque postale a protégé sa société mère des répercussions financières de la crise. Voilà un exemple qu'il faudrait suivre aujourd'hui. Vous n'en tenez aucun compte dans votre projet de loi, puisque c'est précisément ce statut protecteur pour les usagers, comme pour les salariés, que vous voulez modifier.

Pour faire face à ses besoins en capitaux, La Poste, transformée en société anonyme, n'aura d'autre choix que de se conformer à la logique du marché et de la rentabilité. La filialisation lui permettra alors de se séparer aisément d'activités qu'elle estimera peu rentables. Votre projet de loi, monsieur le ministre, constitue donc la dernière pierre du chemin que vous tracez vers un démantèlement du service public et une privatisation de fait de La Poste.

Cela se répercutera de plusieurs manières sur les usagers, notamment de certains quartiers populaires. Le risque est grand que, par votre projet de loi, les bureaux de poste des quartiers populaires soient utilisés comme l'une des variables d'ajustement de La Poste société anonyme pour faire face au marché postal européen libéralisé que vous soutenez sans retenue.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Les bureaux de poste des quartiers populaires ne seront peut-être pas supprimés. On peut tout de même s'interroger sur le devenir des bureaux annexes.

La Poste, désormais mue par une logique de rentabilité à court terme, quelle garantie votre projet de loi apporte-t-il aux habitants dépendants d'un bureau de poste annexe que celui-ci continuera de délivrer l'ensemble des services actuels ? Aucune ! Quelle garantie votre projet de loi apporte-t-il à ces usagers que leur bureau de poste annexe restera ouvert avec l'amplitude horaire actuelle ? Aucune ! Déjà, certains bureaux de poste annexes sont fermés temporairement dans les quartiers populaires afin de pallier les manques d'effectif dans le bureau de poste principal.

Oui, monsieur le ministre, votre projet de loi favorise ce type de restructuration où les activités postales sont déterminées par les activités financières et bancaires. Dans le modèle économique que vous voulez imposer à La Poste société anonyme, la recherche de la rentabilité devient l'objectif premier. Or, à cette fin, la Banque postale constituera assurément une ressource importante pour sa maison mère, La Poste SA. Ainsi, les bureaux de poste des quartiers populaires pourront-ils également devenir des variables d'ajustement en raison des objectifs de rentabilité fixés par La Poste SA à sa filiale la Banque postale. Si l'activité financière au sein de ces bureaux y est jugée insuffisante, quelle garantie votre projet de loi apporte-t-il aux titulaires d'un compte qu'ils pourront toujours, dans leur bureau de poste habituel, faire leurs opérations bancaires ou être reçus par leur conseiller financier ? Aucune garantie, là non plus. Non seulement votre projet de loi n'empêche pas de concevoir les bureaux des quartiers populaires en variable d'ajustement de la privatisation du marché postal, mais il transforme ces bureaux en prestataires de services de la Banque postale. L'activité financière et bancaire de La Poste prime son activité postale au point de réorganiser la seconde en fonction de la première. Par votre projet de loi, c'est donc bien le démantèlement d'un service public que vous parachevez.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Vous nous répondez que rien de tout cela ne se produira. Vos réponses sont similaires – et cela a été dit – à celles que vous apportiez à nos questions par le passé sur l'avenir d'EDF ou de GDF, et chacun constate aujourd'hui qu'il n'en est rien.

Face à l'absence totale de confiance dans la libéralisation que vous avez organisée, vous avez, par exemple, dû installer précipitamment un médiateur de l'énergie. Dans ce domaine, comme dans celui du courrier et d'autres encore, le comportement des Français est clair, monsieur le ministre : ils restent attachés au service public.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Pourtant, vous continuez de répéter invariablement qu'il ne faudra pas craindre la concurrence, que la libéralisation que vous organisez n'affectera ni le budget postal des ménages ni la qualité du service et que ce marché sera contrôlé. Mais qu'en est-il réellement ? Je vous citerai l'exemple de mon département, monsieur le ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Alternative Post, entreprise privée d'origine lyonnaise, s'étant développée et installée notamment en Seine-Saint-Denis, a récemment défrayé la chronique. Cette société contournait la loi qui lui interdisait de distribuer du courrier dont le poids était inférieur à 50 grammes, en substituant aux coordonnées postales des destinataires celles de leur « géolocalisation », c'est-à-dire la latitude et la longitude de leur boîte aux lettres ! Monsieur le ministre, si cette société a cessé aujourd'hui son activité, ce n'est pas parce que l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes l'a sanctionnée. Pourtant, considérant la réglementation actuelle, peu importe la rédaction de l'adresse du destinataire, c'est le poids du courrier qu'il reçoit qui compte. Alternative Post a cessé toute activité parce qu'elle est aujourd'hui en liquidation judiciaire. Depuis plus d'un mois, ses salariés ne sont plus payés et, dans son centre de Seine-Saint-Denis, ce sont près de 50 000 courriers destinés à des particuliers qui restent en souffrance.

Monsieur le ministre, la libéralisation que vous organisez est trop faiblement encadrée par la législation. Vous ne donnez pas aux autorités administratives auxquelles vous confiez la charge de veiller au respect des règles, les moyens nécessaires au bon exercice de leur mission.

Nous avons donc des raisons de craindre les conséquences de votre projet de loi sur le service public postal et, par voie de conséquence, sur le quotidien des habitants de nos quartiers. Mais ils ne sont pas les seuls. Notre économie et nos entreprises, bénéficient aussi tous les jours de ce service public. En effet, c'est grâce à un tel réseau de service public qu'une économie de la vente à distance a pu se développer. C'est grâce à un tel réseau de service public que les entreprises ont pu correspondre entre elles dans des conditions fiables et sûres, d'un point à l'autre du territoire.

Ce rôle économique du service public postal ne relève pas du passé. La diminution du volume du courrier ne doit pas occulter les besoins récurrents des entreprises en la matière et, notamment, celui d'un service public postal. Les entreprises qui se créent, que ce soit en zone franche urbaine ou dans des incubateurs, les PME, les très petites entreprises et nombre d'artisans, y compris en milieu urbain, ont besoin que ces garanties offertes par le service public postal soient pérennes. Pour tous ces acteurs de l'économie, notamment implantés dans les quartiers populaires, le service public postal demeure une nécessité.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le début de notre débat, vous n'avez cessé de nous rétorquer que votre projet de loi accompagnerait La Poste dans une nouvelle ère. Oui, nous pensons que La Poste doit se moderniser. Je pourrais d'ailleurs vous parler des heures – l'équivalent de celles que j'ai attendues en tant qu'usager – des conditions d'accueil indigentes pour un service public dans le bureau de poste dit des « 4 Routes » à La Courneuve. En quoi votre projet de loi assure-t-il que la modernisation de La Poste se fera au service de tous ? En quoi le passage en société anonyme engagera-t-il La Poste à investir dans les nécessaires travaux du bureau de poste que je viens de citer, à y affecter du personnel qualifié en plus grand nombre, alors qu'il n'est pas le plus rentable du réseau ? C'est bien là le fond du débat qui nous oppose : vous êtes prêt à abandonner le statut d'établissement public pour celui d'une société anonyme dans une vision relativement thatchérienne du siècle dernier. Nous défendons, au contraire, le fait que le statut public est la modernité d'aujourd'hui, adaptée pour remplir les missions de service public dans le cadre d'une économie mondialisée.

Monsieur le ministre, votre projet de loi ne convainc pas parce qu'il plaque, sur une réalité bien plus complexe et riche, une idéologie libérale qui a montré son échec sur l'ensemble de la planète l'année passée.

Que votre gouvernement et votre majorité rencontrent des difficultés à appréhender correctement cette réalité, nous pouvons le comprendre et nous sommes même prêts à vous aider dans votre rédemption de la philosophie du « tout marché ». Mais cela nécessite une seule chose : que vous renonciez à modifier le statut de La Poste. C'est pour cela qu'aujourd'hui comme demain, et comme dans la suite du débat dans cet hémicycle, nous resterons, chers collègues, mobilisés ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion générale

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures quinze.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La séance est reprise.

La parole est à Mme Martine Pinville.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

Si, à mon tour, monsieur le ministre, je viens vous interpeller sur l'avenir de La Poste, c'est que le sujet est d'importance pour la majorité des Français.

Nous débattons sur l'avenir du plus vieux service public français, mais également sur ce qui est l'un des éléments de cohérence territoriale pour nombre de régions éloignées de tous les centres de développement économique ou de décision politique.

Le risque de l'évolution de ce projet de loi, parfaitement identifié par nos concitoyens, est la privatisation progressive de La Poste. La formule figurant à l'article 1er du projet de loi initial, selon laquelle le capital de la société est détenu par l'État ou d'autres personnes morales appartenant au secteur public, signifie clairement que l'État se réserve la possibilité de sortir du capital au profit de personnes morales exerçant des missions de service public au sens fonctionnel du terme, c'est-à-dire des personnes dont le capital peut ne pas être entièrement public. Toutefois, aucun plancher n'étant fixé, la participation de l'État pourrait se réduire avec l'objectif d'affecter le produit de la vente d'actions à la réduction de sa dette colossale.

En outre, les termes « autres personnes morales de droit public » visent essentiellement les collectivités territoriales et les entreprises publiques. Or, selon la loi du 2 juillet 1986, les entreprises du secteur public sont celles dont au moins 51 % du capital social est détenu par l'État, les administrations nationales, régionales ou locales.

La formule adoptée n'apporte donc pas la garantie que le capital des autres personnes morales actionnaires sera à 100 % public. Nous sommes clairement dans une logique qui consiste, devant les nombreuses réactions suscitées par ce texte, à proposer une solution intermédiaire en attendant de déposer ultérieurement un nouveau projet de loi qui ouvrira le capital de La Poste, comme cela fut le cas pour France Télécom et GDF.

Une telle décision politique s'appuiera alors sur le constat qu'il est nécessaire de renforcer à nouveau les fonds propres de La Poste. L'hypothèse est d'autant plus crédible que le mode de financement retenu pour le fonds de compensation du service universel postal est insuffisant. De plus, l'ouverture totale à la concurrence, qui ne s'exercera réellement que dans les secteurs d'activités les plus lucratifs, ce qui est logique de la part des opérateurs privés, risque d'amputer les résultats de La Poste.

Par ailleurs, certaines questions se posent. Dans le cadre contractuel avec les communes, les fonctionnaires territoriaux pourront-ils exercer des missions de service public pour le compte d'une société anonyme ? Les nouvelles conventions d'agence postale communale ne devront-elles pas être soumises à un appel d'offres ? Si tel est le cas, rien ne garantit que les communes seront systématiquement retenues pour exercer ces délégations. De telles questions méritent que des réponses précises soient apportées aux élus qui ne cessent de manifester leurs inquiétudes.

En fait, rien ne vous oblige à agir de la sorte. La Poste est déjà compétitive, elle fait des profits, et aucune législation européenne n'impose cette réforme. Ce projet de loi privera l'État d'un de ses outils essentiels d'aménagement du territoire, et il menacera ses missions de service public.

Les problèmes posés par la privatisation sont multiples car les missions de l'établissement postal sont d'intérêt général.

À l'avenir, qui pourra assurer aux Français que la péréquation tarifaire sera maintenue, autrement dit que le prix du timbre sera le même dans tout le pays ? Qui pourra garantir que le courrier sera toujours distribué partout et aux mêmes fréquences qu'aujourd'hui, si cette activité est peu rentable ? Qui pourra assurer aux foyers modestes un accès aux services bancaires ?

Aujourd'hui, La Poste est un vecteur d'égalité entre tous les Français ; elle doit le rester. C'est la notion même de service public qui est en jeu. Voilà pourquoi je pense qu'il serait préférable de surseoir à toute évolution hâtive et de procéder à une consultation de tous les Français pour connaître leurs véritables souhaits quant à l'avenir de La Poste. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Monsieur le ministre, je veux d'abord prendre acte de votre patience et de votre écoute tout au long de cette discussion générale.

Je ne résiste pas à l'envie de vous citer la une du Monde de cet après-midi, dont le thème n'est pas très éloigné du sujet dont nous débattons. Philippe Séguin – je pense que vous l'avez bien connu – vient de présenter un rapport au nom de la Cour des comptes affirmant que la politique de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, impulsée par le Président de la République, est « dictée par des considérations budgétaires de court terme ». Selon lui, elle résulte d'une « démarche purement quantitative, […] incapable d'analyser les besoins et de programmer les effectifs en conséquence ».

Je crains que cette analyse puisse également s'appliquer à la réforme de La Poste que vous nous proposez. En tout état de cause, nous ne devons pas perdre de vue cette réflexion pertinente venant d'un homme, ô combien respecté, qui, il y a quelques années, a même présidé cette assemblée.

Le Gouvernement a déjà reculé par trois fois devant le changement de statut de La Poste.

La première fois, le Président de la République a créé une commission, la commission Ailleret, parce que la mobilisation des postiers était aussi forte et intense que l'inquiétude était grande – elle l'est d'ailleurs toujours.

Vous avez reculé une deuxième fois, puisque nous devions examiner ce projet de loi au mois de juin. Vous vous êtes rendu compte que le moment n'était pas parfaitement opportun alors que la population était appelée à voter pour les élections au Parlement européen.

Le troisième recul est lié à la consultation citoyenne. Quoi que vous puissiez en dire, et quel que soit le mépris dans lequel on tient, sur les bancs de la majorité, les millions de personnes qui se sont déplacées pour dire leur refus de la privatisation de La Poste, cette consultation a eu pour effet de remettre en cause le calendrier de la réforme.

Je veux également rendre hommage aux sénateurs de gauche. Eux n'étaient pas contraints de s'exprimer dans un temps limité.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Les sénateurs, qu'ils soient de gauche ou de droite, ont eu raison de considérer que le débat parlementaire ne devait pas être victime d'un temps-guillotine,…

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

…comme cela ne manquera pas de se produire dans soixante minutes pour notre groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Le règlement en vigueur dans la Haute assemblée a donc permis aux sénateurs de mener un débat assez fructueux ponctué d'une série de questions qui, pour la plupart d'entre-elles, sont restées sans réponse. Quelques aménagements ont permis de lever les inquiétudes de certains sénateurs centristes, vous permettant au passage, monsieur le ministre, de réunir une majorité au Sénat.

En tout état de cause, il résulte de la consultation citoyenne et de la bataille politique menée au Sénat que le statut de La Poste ne changera pas le 1er janvier – il s'agit du troisième des reculs que j'évoquais – mais le 1er mars, si le projet de loi est adopté. La date est évidemment encore trop proche, il n'en demeure pas moins que ces trois reculs méritaient d'être signalés.

Je voudrais mettre fin au suspense, devenu insoutenable sur les bancs de la majorité, en ce qui concerne la motion référendaire.

Les soixante députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche qui se sont exprimés avant moi l'ont répété : puisque les Français sont les propriétaires de La Poste, puisque sa réforme est un enjeu national – elle touche l'un des derniers services publics emblématique, qui rend partout un service de proximité –, puisque cette évolution ne faisait pas partie des programmes présentés aux Français par la majorité lors des élections présidentielle et législatives, nous considérons qu'il faut consulter la population pour qu'elle tranche ce débat – en des termes qui vous conviendront peut-être mieux que ceux de la consultation citoyenne que vous contestiez tout à l'heure.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Je n'ai rien dit !

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Mes propos s'adressaient à la majorité puisque c'est elle, et pas le Gouvernement, qui pourra décider, si elle le souhaite, de consulter le peuple, au moment du vote de la motion référendaire.

Nous ne voulons pas faire un coup politique avec cette motion.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Nous aurions pu le faire. Je ne sais pas si vous étiez présent mardi dernier, mon cher collègue, mais, à cette même tribune, Henri Jibrayel a défendu en un temps record une motion visant à renvoyer le projet de loi en commission. Nous étions soixante-dix, et il n'y avait qu'une dizaine de députés sur les bancs de la majorité. Vous avez mis un peu plus d'une heure pour mobiliser vos troupes. Dès mardi, nous avons donc constaté que la majorité traînait un peu les pieds pour venir défendre ce projet de loi. Nous aurions pu déposer dans la foulée, une motion référendaire, mais nous sommes des gens sérieux.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Nous considérons que le débat n'est pas arrivé à son terme et que vous n'avez pas encore pu saisir toutes les occasions de remettre en cause le changement de statut. Nous préférons donc vous laisser cheminer jusqu'à la fin de cette lecture. Nous déposerons une motion référendaire le 12 janvier 2010, quand ce projet de loi fera l'objet d'un vote définitif. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Chacun aura alors le temps de mobiliser ses troupes. Pour notre part, nous ne doutons pas que certains députés de la majorité seront saisis de quelques remords : sur le terrain, ils se désespèrent du changement de statut, mais ils ont du mal à l'exprimer dans l'hémicycle autant que cela serait nécessaire.

Monsieur le ministre, vous avez inventé le mot « imprivatisable » ; il rentrera dans l'histoire. Toutefois, si vous permettez que nous contribuions à cette création et que nous partagions les droits d'auteurs, je proposerais d'en donner dans le dictionnaire la définition suivante : « S'entend d'une entreprise publique qui conserve le statut d'établissement public. »

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

En effet, selon nous, le meilleur rempart contre la privatisation, c'est bien de conserver le statut d'établissement public. Au moment où l'on devient une société de droit privé, il y a privatisation – quoi qu'on en dise ! La privatisation ne résulte pas de l'ouverture du capital, mais de la transformation en société anonyme.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Chère collègue, c'est du français ! La définition que je propose me semble donc bien la meilleure, mais il s'agit d'un point de vue, et j'imagine que vous ne le partagerez pas.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Puisque vous en parlez et que vous animez ce débat depuis la salle, je vais sans doute vous donner l'occasion de tenir encore quelques propos de comptoir. Vous allez sans doute me traiter de ringard, d'archaïque et de conservateur quand vous entendrez la suite de mon intervention – j'anticipe pour vous fournir du vocabulaire.

Le sujet dont nous traitons est grave, il touche à la cohésion nationale et à la cohésion sociale. À l'époque du Conseil national de la Résistance, nos prédécesseurs – c'était au siècle dernier, sans doute est-ce pour cela que c'est archaïque – ont considéré que, dans un pays comme le nôtre, différent des autres pays européens car comptant plus de villages, de hameaux et de montagne, il fallait veiller à ce que le droit à la santé, à l'éducation et aux services publics soit partagé par tous, à égalité.

S'inspirant de la devise « Liberté, Égalité, Fraternité », ils se sont prononcés pour l'égalité d'accès aux services publics. Il est bon de rappeler un certain nombre de principes qui en découlent et qui régissent le service public : la continuité et la qualité du service, le tarif unique et la péréquation des tarifs. Cela a permis à ceux qui étaient éloignés du poteau permettant un branchement sur le réseau téléphonique ou électrique de bénéficier du même tarif de raccordement que ceux qui en étaient proches : il n'était pas question de punir les habitants des campagnes.

Le prix unique du timbre est également une conséquence de l'égalité d'accès. Lors d'un précédent texte, nous avions souhaité qu'il figure dans la loi : M. Proriol, qui était déjà rapporteur, s'y était opposé. Je note que la majorité revient aujourd'hui à de meilleures intentions : on veut bien nous l'accorder pour mieux nous vendre le changement de statut. Ne m'en veuillez pas, monsieur le rapporteur, je vous accorde que je vous fais là un procès d'intention.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Il reste essentiel de rappeler que la République, qui est une et indivisible, assigne à l'État, quel que soit le Gouvernement, un rôle de protecteur des plus faibles, qu'assume aussi la loi. Il est indispensable de réaffirmer la notion de service public. Je crois que nous y sommes tous très attachés, sauf que nous sommes en train de le démanteler progressivement.

Certains disent que ce démantèlement a lieu avec la complicité de l'Europe. Mais l'Europe, c'est aussi nous. Ce fut nous à l'époque des gouvernements de gauche, c'est vous sous les gouvernements de droite. Aujourd'hui, c'est encore nous à vingt-sept États membres, avec un enjeu de fraternité et de cohésion, fondamental pour la paix dans le monde et la dignité des peuples. Toutefois, cette Europe ne peut se construire en faisant tous les sacrifices à la fois.

Le credo du marché unique, élément fondateur et constructeur de l'Europe, constitue souvent la seule et unique politique envisagée par certains de nos voisins. Il consiste à considérer que le marché permet de faire baisser les prix – nous avons vu que cela n'était pas vrai pour le téléphone ou l'énergie –, qu'il se régule seul et que tout le monde peut avoir accès à plusieurs services à la fois. Pourtant, les centristes, tenants de la dérégulation, nous parlaient tout à l'heure des duopoles, en venant presque à regretter leur existence – il ne serait pas bon que le Crédit agricole et La Poste se fassent concurrence sur un même territoire.

Chers collègues, il faudrait savoir ce que vous voulez ! On ne peut pas, d'un côté, faire appel au marché et, de l'autre, déplorer l'émergence d'un duopole. Je relève là une contradiction, et ce n'est pas la seule que l'on découvrira au cours de ce débat. Je ne dis pas que l'on n'en rencontrera pas du côté de l'opposition, mais j'essaierai de ne pas utiliser la langue de bois, et d'évoquer des sujets que nous avons eu besoin de revisiter. Je pense notamment à ce qui touche au rôle de l'État.

Au Parlement européen et à la Commission, le marché, se sentant un peu coupable, a inventé, au fil des années, le service universel. Cela lui a paru être moins un gros mot que l'expression « service public ». Ce service universel prévoit que, partout en Europe, les citoyens doivent avoir le droit d'accéder à un certain nombre de services. Seulement, on ne précise ni à quel prix – ce n'est plus le prix unique –, ni si une péréquation est possible, ni si les délais de fourniture des produits et services sont maintenus. Ainsi, le service universel, qui résulte d'un compromis, a rapidement neutralisé les fondements mêmes des règles du service public, instaurées par le Conseil national de la Résistance. La tornade libérale s'en est emparée, hélas ! pour mettre en oeuvre dérégulation et privatisation, le marché prenant le pas sur l'intérêt des usagers et des citoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Le mécanisme ne varie pas : on instaure la concurrence, en mettant des bâtons dans les roues de l'opérateur historique dont la part de marché est trop importante, et l'on crée un service universel sans grande ambition, que l'on réduit progressivement, au prétexte qu'il coûte trop cher.

Je prendrai un exemple pour illustrer mon propos. Il y a quelques années, notre pays comptait une cabine téléphonique pour 1 000 habitants et au moins une par village. On en a supprimé plus de la moitié, au motif que leur maintien n'était plus obligatoire – les opérateurs, qui financent le service universel par le biais du fonds de compensation, ont en effet jugé que cela coûtait trop cher – et que le développement de la téléphonie mobile rendrait ces cabines obsolètes. Sauf qu'on les a supprimées dans des territoires qui ne sont pas forcément couverts par les réseaux de téléphonie mobile et dont les habitants ne peuvent plus se payer des forfaits de téléphone mobile, tant ceux-ci sont chers et la précarité croissante dans notre pays. Aujourd'hui, nous commençons à payer cette régression très cher en termes de lien social.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Il y a toujours une cabine par commune, même en montagne !

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Chère collègue, vous savez aussi bien que moi que plus de la moitié des cabines téléphoniques ont été démantelées et, aujourd'hui, on le regrette.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

L'accessibilité est garantie dans toutes les petites communes !

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Lorsque les opérateurs qui abondent le fonds de compensation – lequel n'est, en principe, pas prévu pour le secteur postal – sont invités à cracher au bassinet – excusez cette expression triviale –, ils estiment tous que cela leur coûte très cher et qu'il faut réduire le périmètre du service universel afin de diminuer leur contribution. La mécanique implacable de la dérégulation amène ainsi progressivement chacun à envisager de se passer du service universel. Puisqu'il coûte trop cher, que les temps ont changé et qu'il ne faut pas être archaïque, on le réduit alors à la portion congrue.

Ainsi – et c'est la logique de la dérégulation – le marché finit par s'occuper de tout, tout seul. Certes, on invente les régulateurs chers à Jean Dionis du Séjour, mais on prévoit que, bientôt, ils ne serviront plus à rien, car le marché s'autorégulera. Je pourrais d'ailleurs vous citer une série d'exemples – mais le temps m'est compté – pour vous démontrer qu'en matière de télécommunications, le régulateur ne s'occupe déjà même plus de la régulation des marchés.

Cet ensemble de dispositions obéit à une logique inexorable, que vous tentez de masquer tout en avançant à grands pas vers la privatisation. On a ainsi créé un médiateur postal, que M. Proriol a supprimé – mais j'y reviendrai, car je constate que, dans le même temps, la même majorité a inventé un médiateur pour le secteur de l'énergie. Quoi qu'il en soit, il faut tout de même des personnes qui expliquent ce qui est en train de se passer. Comme les opérateurs ne peuvent pas le faire et comme les ministres ne veulent plus être en première ligne, il faut des médiateurs pour rassurer les citoyens. Pourquoi pas ? Mais c'est un pis-aller qui ne durera que l'espace d'un printemps. Cette dérégulation s'est également toujours accompagnée d'une diminution du service et de réductions d'emploi ; là encore, j'y reviendrai.

Pour que nos concitoyens comprennent bien la mécanique dans laquelle s'inscrit ce dispositif, j'évoquerai la manière dont on négocie les directives.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Nous allons avoir quelques difficultés à comprendre la mécanique !

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Si vous écoutez avec attention, je crois que vous y parviendrez.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Puisque notre collègue m'invite à être plus pédagogique, je vais recourir à la fable des trois petits cochons (Sourires)...

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

…dont chacun se souvient, car elle a bercé notre enfance.

Leur maman annonce à trois petits cochons qu'elle n'a plus les moyens de les garder chez elle et les invite à construire leur propre maison. Le premier rencontre une personne qui transporte de la paille et construit une maison en paille ; le deuxième croise quelqu'un qui transporte du bois et construit une maison en bois ; quant au troisième, il a un peu plus de chance : il rencontre quelqu'un qui transporte des briques et il se construit donc une maison en briques. Lorsque le loup libéral arrive devant la maison en paille, il lui suffit de souffler pour la détruire. La maison en bois résiste un peu plus longtemps, mais les trois petits cochons doivent, pour se protéger, se réfugier dans la maison en briques, qui, elle, tient debout. Le loup essaie alors de passer par la cheminée, mais ils allument un feu et il périt. J'espère que ma collègue a mieux compris que tout à l'heure ce que je tente d'expliquer.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Avec les données environnementales, je comprends beaucoup mieux !

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

En fait, monsieur le ministre, vous nous racontez la fable des trois petits cochons à l'envers. En effet, on passe de la maison en briques qu'est l'établissement public – qui est solide et peut résister à la libéralisation – à la maison en bois, qui correspond au statut d'EDF, dont l'État détient encore plus de 50 % – ce n'est déjà plus le cas de GDF ni de France Télécom –, puis à la maison en paille : l'État est absent, il n'a plus que ses yeux pour pleurer, la libéralisation a tout emporté, emplois et qualité du service. En somme, on a commencé par la journée des tuiles et on finit sur la paille ; c'est un peu ce que votre texte nous propose. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Ce qui est consternant, c'est la manière dont la majorité s'y est prise pour arriver au fétu de paille. Prenons l'exemple de France Télécom ; je vais faire un peu d'histoire en essayant d'être, comme d'habitude, tout à fait objectif. (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

En 1993, sous le gouvernement Balladur, le Conseil européen acte la libéralisation totale du marché des télécommunications, fixée au 1er janvier 1998, en faisant une concession, le service universel, que j'ai évoqué tout à l'heure. Ensuite, sous le gouvernement Juppé, François Fillon, ministre en charge de ces questions, fait voter la loi du 16 juillet 1996, qui transforme France Télécom en société anonyme. À l'époque, grâce à la mobilisation des salariés, l'État est tenu de conserver plus de la moitié du capital. Mais – et ce n'est pas neutre – à la même époque, l'État coupe le lien qui l'unit à l'entreprise, pour ce qui est des investissements de celle-ci à l'étranger. Or, que n'a-t-on pas entendu quand France Télécom s'est mise à acheter tout et n'importe quoi au moment de la bulle spéculative !

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

En effet, c'était un peu plus tard, mais, si ce lien n'avait pas été coupé, nous aurions peut-être pu entraver quelques initiatives malheureuses. Hélas ! le gouvernement de gauche n'avait plus les moyens d'intervenir.

Il est vrai – je sais que vous m'attendez au tournant, chers collègues de la majorité – que c'est sous le gouvernement Jospin et sous la présidence de Jacques Chirac que le capital de France Télécom a été ouvert. Nous ne l'avons jamais nié ; nous pensions, à l'époque, que l'économie mixte avait de beaux jours devant elle et que nous pouvions construire quelque chose d'intéressant sur des partenariats public-privé. J'étais alors rapporteur du budget des télécoms et de La Poste et je faisais partie de ceux qui croyaient que l'on pouvait parvenir à un équilibre intelligent, notamment dans le secteur des télécommunications, qui était extrêmement porteur – ce qui n'est pas le cas du courrier –, puisque l'on prévoyait, et l'on ne s'est pas trompé, une explosion de la téléphonie mobile. On achetait alors des parts de marché au prix fort, ce qui a alimenté une bulle spéculative autour des télécommunications.

Toutefois, si l'explication était valable, je crois que cela a été une erreur. Nous sommes en effet convaincus aujourd'hui que, lorsque cohabitent au sein d'une même entreprise publique des capitaux privés et des capitaux publics, de surcroît si la société est cotée en bourse, c'est le management privé et l'obsession du cours de l'action qui l'emporte. C'est un massacre : on réduit la recherche et la formation, on est obsédé par le marketing.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

En tout état de cause, on adopte des comportements loin d'être vertueux et pour les salariés et pour les clients. De cela, nous ne voulons plus, car nous avons tiré les leçons de cette expérience.

Puisque vous reconnaissez mon objectivité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

…je poursuis. Ensuite, nous avons assisté à une valse à trois temps – et nous craignons que cela ne se reproduise pour La Poste. Premier temps : le gouvernement Raffarin 2 met fin à l'obligation de détention directe du capital majoritaire par l'État. Deuxième temps : la loi du 31 décembre 2003 met fin au service public national des télécommunications en supprimant le monopole et en instaurant la possibilité de désigner un ou plusieurs opérateurs – là est l'astuce qui attend La Poste. Enfin, troisième temps : le gouvernement Raffarin 3 privatise complètement France Télécom, en réduisant le capital public à la portion congrue, soit 27 %.

Cette évolution, qui est le modèle du détricotage que j'évoquais tout à l'heure, a pour conséquence de rendre cette entreprise – je crée à mon tour un mot nouveau, monsieur le ministre – « désimprivatisable ». En trois temps trois mouvements, à doses homéopathiques, dans des textes consacrés à d'autres sujets, on a basculé vers une société complètement privée. Oui, c'est le procès d'intention que nous vous faisons. Nous avons cette crainte, car nous avons appris les leçons de l'histoire.

Je prends un autre exemple, toujours dans le secteur régulé des services d'intérêt économique général : Gaz de France. À l'époque, je vous avais fait entendre la déclaration suivante, que j'avais enregistrée sur mon téléphone – rassurez-vous, je ne vais pas recommencer : « Je l'affirme, parce que c'est un engagement du Gouvernement, EDF et Gaz de France ne seront pas privatisées. » Laure de la Raudière ne peut pas me reprocher d'inventer cette déclaration : ce sont, au mot près, les propos que Nicolas Sarkozy a prononcés,…

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

…certes avec plus de fermeté et de solennité que lorsque je le cite. Souvenez-vous : le Premier ministre d'alors, M. de Villepin, nous expliqua, sur le perron de Matignon, qu'il existait un danger d'OPA sur Suez et qu'il fallait trouver une solution. C'est ainsi que l'on a inventé l'idée de fusionner Gaz de France et Suez.

Pourtant, l'alinéa 9 du préambule de la Constitution de 1946, que M. Christian Estrosi a appris par coeur – « Tout bien ou toute entreprise dont l'exploitant a ou acquiert le caractère d'un service public national ou d'un monopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité » –, existait déjà à l'époque. Et Gaz de France était bien un service public, puisque, lorsque nous avons déposé un recours devant le Conseil constitutionnel, celui-ci a renvoyé à une échéance ultérieure, c'est-à-dire au moment où l'ensemble du secteur serait libéralisé, l'autorisation de privatiser Gaz de France. C'est donc bien la volonté de privatiser Gaz de France qui a entraîné la disparition du service public et des tarifs réglementés. Il était important de faire cette démonstration.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Par ailleurs, la gauche et la droite n'ont pas la même approche de la transposition des directives. Si M. Lenoir était là, il me dirait que tout s'est décidé à Barcelone, le 16 mars 2002. Pourtant, ce jour-là, Jacques Chirac s'est dit fier d'avoir réussi à freiner la dérégulation du marché de l'énergie en n'exposant pas les familles aux affres de son ouverture. Quant à Lionel Jospin, il a déclaré qu'il n'était pas acceptable d'aller plus loin, car, si cette ouverture se faisait pour les ménages, on pouvait craindre, pour les consommateurs, des hausses de prix considérables plutôt que des baisses. L'un et l'autre avaient raison, et ils avaient réussi, à Barcelone, à couper court à la dérégulation du secteur de l'énergie pour les ménages. Sur ce point, je vous renvoie à leurs déclarations respectives.

Et puis, par un beau soir de novembre 2002, peu de temps après l'échec de la gauche aux élections législatives, Mme Fontaine, de retour de Bruxelles, est venue nous expliquer dans cet hémicycle qu'elle était parvenue à obtenir que la France rentre dans le rang et libéralise la totalité du secteur de l'énergie. Le garde-fou avait été supprimé.

La suite immédiate, on la connaît : c'est la privatisation de Gaz de France et les tarifs qui augmentent. Mais cette affaire connaît encore des suites actuellement – et vous êtes bien placé pour le savoir, monsieur le ministre, puisqu'il me semble que vous êtes en partie chargé, avec M. Borloo, des questions relatives aux tarifs de l'énergie. Un contrat de service public est, en principe, conclu entre les entreprises chargées de missions de service public et l'État. Ce contrat, on oublie parfois de le signer – c'est le cas, par exemple, pour France Télécom, dont le contrat n'a toujours pas été signé. Pour Gaz de France, l'État avait oublié de le signer depuis trois ans, mais il s'apprête à le faire. Alors que GDF-Suez a une mission de service public, le contrat qui va être signé doit lui permettre de décider seul de l'augmentation des tarifs. Le Gouvernement ne s'en mêlera plus, le régulateur ne s'auto-saisira pas : seul l'opérateur GDF-Suez pourra demander de temps en temps au régulateur de procéder à une augmentation du prix du gaz. On ne parlera plus de stabilisation ni de baisse de prix : aussi étonnant que cela paraisse, seul l'opérateur privé pourra demander une augmentation des tarifs !

Si j'ai évoqué cette affaire, c'est que nous sommes en train d'accomplir le premier pas dans la même direction en ce qui concerne La Poste. Je dois m'excuser auprès de notre collègue Nicolas Dupont-Aignan de l'avoir contredit lorsqu'il a affirmé que la gauche avait transposé une directive fort peu convenable le 15 juin 1997. Il avait raison : à cette date, le gouvernement Jospin venait tout juste d'être mis en place, et il s'est trouvé dans l'obligation de finaliser un acte qui avait été négocié et même signé sous la forme d'un compromis, deux mois plus tôt, par le Conseil des ministres européen. Mais en réalité, comme je voulais le dire, c'est bien le gouvernement Juppé qui a mené les négociations et conclu l'accord en question ; le 15 juin n'est que la date à laquelle le Président de la République a honoré, dans le cadre de la cohabitation, l'engagement qu'il avait pris quelques semaines auparavant.

En revanche, le gouvernement Jospin a obtenu deux choses importantes lors des négociations de la directive 2002 – deux choses dont vous n'avez, pour votre part, tenu aucun compte lorsque vous avez négocié la dernière directive. Il s'agit, premièrement, de l'absence d'automaticité de l'ouverture totale du marché en 2009 ; deuxièmement, qu'une part du secteur réservé – notamment les envois de moins de 50 grammes – reste sous le monopole de La Poste, afin de pouvoir garantir la péréquation tarifaire, c'est-à-dire le tarif unique du timbre, dont j'ai déjà parlé. Cette négociation menée au niveau européen avait été difficile, le fait de prononcer le mot « État » pouvant alors, dans certains pays d'Europe de l'Est, susciter des réminiscences d'un temps où l'État exerçait une domination un peu excessive, donc réveiller des traumatismes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Dans notre pays, les gaullistes, bien qu'étant de droite, respectaient le volontarisme d'État et le service public national. Le mot « État » n'avait donc pas la même connotation en France – sur la plupart de nos bancs en tout cas. Malheureusement, à mesure qu'un mouvement de libéralisation outrancière progressait dans notre pays, ce mot est peu à peu devenu, chez nous aussi, un gros mot. Aujourd'hui, quand on prononce le mot « État », c'est seulement pour dire que celui-ci va dégraisser le nombre de ses fonctionnaires, et c'est bien dommage, alors qu'il est porteur de missions de cohésion sociale essentielles.

Quoi qu'il en soit, la négociation de 2002 a permis de doter les postiers et les usagers de La Poste de garanties très fortes. Quand, en février 2008, sous le gouvernement Villepin, François Fillon a achevé le marché intérieur, c'est la fin du secteur réservé, donc la libéralisation totale qui s'est trouvée validée pour 2011. C'est de cela que vous héritez, monsieur le ministre, alors que sur les vingt-sept pays européens, une dizaine étaient prêts à accepter que l'on se batte pour le maintien du secteur réservé, qui aurait constitué l'une des solutions permettant à La Poste de conserver une certaine sérénité quant à son chiffre d'affaires.

Pardonnez-moi de vous infliger ces rappels historiques qui, je l'espère, ne vous paraissent pas trop incongrus par rapport à l'objet de notre débat.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Il nous paraît indispensable de mettre en perspective les projets actuels avec ceux qui ont été mis en oeuvre par le passé, car on peut toujours commettre des erreurs en pensant bien faire. Je ne vous fais pas de procès d'intention et ne vous accuse pas a priori de vouloir mal faire – sans doute êtes-vous convaincus que l'étape que vous voulez nous faire franchir au sujet de La Poste est indispensable, alors que nous l'estimons néfaste.

En ce qui concerne les modalités de transposition des directives, je me souviens avoir dit un jour à M. Proriol qu'il faisait partie de ceux qui ont assassiné La Poste. Je reconnais avoir un peu exagéré et suis prêt à m'en excuser, car je sais que M. Proriol n'est pas un adepte de la violence, et qu'il ne ferait pas de mal à une mouche – ni même à un socialiste, c'est dire !

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Pour autant, notre rapporteur doit se souvenir du débat que nous avons eu lors de la transposition de la directive de 2002. Nous lui avons dit, à l'époque, qu'il n'était pas convenable de ne pas faire figurer dans la loi le prix unique du timbre, ni la garantie de la distribution du courrier au domicile de chacun, ni que la Banque postale était chargée d'une mission de service public dont devaient bénéficier les plus démunis, ce qui impliquait la création d'un service universel bancaire – toutes choses qu'il a refusées.

Nous lui avons également dit qu'il n'était pas convenable de permettre aux concurrents de La Poste d'écrémer et de ne conserver que les activités rentables, en laissant de côté les activités relevant de l'aménagement du territoire. Nous estimions nécessaire d'imposer certaines obligations en matière d'aménagement du territoire à ces concurrents, dans le cadre de la transposition de la directive. M. Proriol a estimé que tout cela était inutile et qu'il fallait laisser les opérateurs concurrents faire ce qu'ils voulaient, là où ils voulaient – on a même permis aux grands opérateurs, envoyant beaucoup de courrier, d'être leurs propres opérateurs postaux, ce qui n'a pas manqué d'enlever des clients à La Poste.

Après la transposition, je me souviens avoir dit que si la Banque postale n'avait pas un statut public garanti à 100 %, si elle n'avait pas à assumer une mission de service public consacrée par la loi, vous seriez obligés de banaliser le livret A, la Banque postale devenant une banque comme les autres : on m'a alors accusé de lancer des accusations sans fondement, bref, de faire un procès d'intention. Mais que s'est-il passé six mois plus tard ? Le Premier ministre a fait mine d'engager un recours contre la banalisation du livret A – un recours dont on n'a plus jamais entendu parler –, mais les choses ont bel et bien été acceptées et mises en place. De ce fait, une part des fonds gérés par La Poste lui a échappé pour partir vers ses concurrents – il s'agissait, le plus souvent, des plus gros livrets A. On a donc laissé à La Poste le soin de s'occuper des plus pauvres, tandis qu'on la privait de commissions sur lesquelles elle se rémunérait tant qu'elle avait le monopole de la distribution du livret A. Après cela, on vient pleurer parce qu'il manque des fonds à La Poste – tout en prélevant des dividendes, comme sur la SNCF, ce que la gauche n'avait jamais fait ! On explique qu'il faut trouver de l'argent à tout prix si l'on veut que La Poste s'en sorte, mais comment pourrait-elle s'en sortir, alors qu'on lui coupe les vivres, qu'on lui impose des concurrents qui lui taillent des croupières sur tous les marchés, et qu'on lui ponctionne des dividendes !

Je ne nie pas qu'il faille soutenir La Poste dans ses investissements, dans le cadre d'une mutation nécessaire pour son développement. C'est à l'État propriétaire de prendre ses responsabilités, et nul besoin pour cela de créer un nouveau statut ni de faire entrer le loup dans la bergerie. Or il va y avoir des actionnaires privés, les salariés, qui pourront évidemment revendre leurs actions, mais aussi la Caisse des dépôts. Celle-ci a-t-elle l'intention de faire du portage ou autre chose ? Je ne pense pas qu'elle soit présente par conviction, car son instance décisionnaire n'a pas exprimé le souhait, pour le moment, de prendre une part du capital de La Poste. Elle a, en revanche, fait savoir qu'elle n'avait pas l'intention de s'en tenir au rôle de sleeping partner, mais entendait bien poser des conditions. On ne sait rien de ces conditions, et je ne peux que regretter à nouveau que l'on discute d'un texte sans connaître le montant du capital de La Poste, sans savoir ce que la Caisse des dépôts vient y faire – bref, de nombreuses questions restent pour le moment sans réponse, et j'espère que nous obtiendrons des éclaircissements avant la fin des débats.

Quoi qu'il en soit, les conditions dans lesquelles la directive a été transposée ne nous paraissent pas satisfaisantes. J'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, monsieur le rapporteur, mais cela ne semble guère vous avoir ému. Il est vrai que vous êtes un homme plein de constance, un solide Auvergnat capable de courir le marathon, et que ce ne sont pas quelques réflexions de vos collègues socialistes qui sauraient ébranler vos convictions en matière de privatisation de La Poste.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Je veux tout de même vous faire un ultime reproche au sujet de la transposition de la directive : en matière d'aménagement du territoire, vous nous avez vendu des vessies pour des lanternes – s'il existait un championnat du monde de la discipline, nul doute que vous en détiendriez le titre ! Vous avez en effet réussi à faire passer pour une garantie l'amendement que vous avez déposé dans le texte de transposition, selon lequel 90 % de la population de chaque département devait avoir accès, non pas à un bureau de poste, mais, pour être précis, à un point de contact (Exclamations sur les bancs du groupe GDR)…

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

…situé à moins de cinq kilomètres et vingt minutes – vous êtes bien placé pour savoir qu'en montagne, on met parfois bien plus de vingt minutes pour parcourir cinq kilomètres. Que signifie finalement cette disposition ? Que 10 % de la population de chaque département français pourra ne pas disposer d'un bureau de poste à proximité ! Bien loin d'offrir une garantie, cette loi a exclu une partie de la population du service public !

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Vous avez réussi à vendre à l'Association des maires de France, qui s'est fait rouler dans la farine, ce qui n'est qu'une pirouette. L'AMF le regrettera, tout comme elle regrettera la création des agences postales territoriales.

Voilà comment cela se passe : on commence par restreindre les horaires d'ouverture des bureaux de poste, suscitant le mécontentement des populations et des maires ; on n'attend pas pour cela d'avoir intégralement mis en place les prêts à la consommation. Si je sais gré à votre gouvernement, monsieur le ministre, d'avoir fait ce que nous appelions de nos voeux depuis longtemps – car il est important, à nos yeux, que la Banque postale propose un service le plus complet possible à l'ensemble de nos concitoyens, notamment aux jeunes –, il nous semble que l'on aurait pu attendre que ces services nouveaux soient développés sur l'ensemble du réseau postal avant de commencer à fermer les bureaux de poste ! Vous savez très bien qu'une agence postale communale, un point de contact chez un commerçant ne pratiqueront pas les opérations relatives aux prêts à la consommation, réservées aux bureaux de poste de plein exercice. On a donc laissé croire aux maires qu'ils allaient bénéficier de quelques subsides – 800 ou 900 euros par mois, qui dureront moins que certains impôts –, tout en bénéficiant d'un meilleur service. Mais, d'une part, ce n'est pas le même périmètre de service, puisque la Banque postale n'est pas concernée ; d'autre part, avec une taxe professionnelle que plus personne ne veut payer, La Poste ne dispose plus de l'avantage concurrentiel qui était le sien sur ce point.

Les garanties du fonds de péréquation apportées par La Poste – car ce n'est pas le budget de l'État, mais celui de La Poste – n'ont donc pas la consistance qu'on leur a prêtée lors de la conclusion des accords avec les maires. Ils se retrouvent Gros-Jean comme devant, les maires ! Pour notre part, nous avons donné l'alerte, et si dans un an ou deux, il n'y a plus la capacité de financer les agences postales communales, il ne faudra pas venir se plaindre ! Par ailleurs, une fois que La Poste sera devenue société anonyme, certains de ses concurrents ne manqueront pas de lui faire un procès pour concurrence déloyale, et la Cour européenne de justice – qui met toujours, il est vrai, un certain temps à rendre ses décisions – considérera qu'il est extravagant qu'un seul opérateur postal puisse conclure des accords avec les communes. Ces accords finiront donc par être mis en concurrence, et comme La Poste ne répondra pas à tous, un certain nombre de collectivités se retrouveront sans partenaire pour faire fonctionner un bureau de poste.

J'ai bien entendu certains de nos collègues de droite proposer de transformer les fonctionnaires territoriaux en postiers. Ce serait une forme de renationalisation dont il conviendra peut-être d'étudier les conséquences lorsque le démantèlement sera devenu une réalité. Quoi qu'il en soit, tous ces éléments résultent des modalités que vous avez adoptées pour la transposition de la directive, entraînant une déréglementation totale.

Vous aurez noté que, pour le moment, j'exprime des choses qui, pour la plupart, ne l'avaient pas encore été par les orateurs qui m'ont précédé – ce qui montre bien qu'il n'était pas inutile d'entendre une soixantaine de nos collègues lors de la discussion générale. Sans vouloir faire durer inutilement mon propos, je veux tout de même évoquer la question de « l'imprivatisable » et l'alinéa 9 du préambule de la Constitution de 1946. Nous défendrons une motion référendaire le 12 janvier et, au lendemain du vote, déposerons un recours contre ce texte devant le Conseil constitutionnel, car nous sommes extrêmement préoccupés par les conséquences de ce texte sur le service postal national. En vertu de l'alinéa 9 du Préambule de 1946, « tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. » À en croire vos propos, monsieur le ministre, il suffit de préciser dans la loi que La Poste est bien un service public national pour la rendre imprivatisable. En disant cela, vous faites référence aux quatre grandes missions de service public que vous vous résignez enfin à inscrire dans la loi.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Personne ne l'avait fait avant !

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Nous avions déposé des amendements en ce sens qui ont été refusés par M. Proriol. Je vous sais gré de l'avoir fait, monsieur le ministre. Sous les gouvernements de votre sensibilité, vous êtes le premier à avoir accepté que cela soit pris en compte.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Je vous remercie de le souligner.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Nos amendements, qui employaient d'ailleurs les mêmes termes que les vôtres, avaient toujours été repoussés. Le problème, c'est que vous apportez ces précisions dans la loi après avoir changé le statut de La Poste. C'est d'ailleurs la raison essentielle de notre crispation sur le sujet, le fameux article 1er. Vous supprimeriez cet article, on pourrait peut-être trouver un accord sur la quasi-totalité du texte.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Ah !

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Le problème, c'est que vous avez franchi le pas du changement de statut. C'est le principal reproche que nous vous faisons.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Je ne désespère pas de vous convaincre !

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

J'en reviens à l'alinéa 9 du préambule de la Constitution de 1946. Le constitutionnaliste Gugliemi, spécialiste des services publics, précise d'abord que cette disposition a été conçue pour permettre une nationalisation, et non l'inverse. Ensuite, en 1993, le Conseil constitutionnel a refusé d'interpréter cette version de l'alinéa 9 comme interdisant les privatisations. Enfin, de l'eau a coulé sous les ponts depuis 1946. À cette époque, souligne le juriste en question, un service public national avait un sens organique mais, depuis plus de vingt ans, il est acquis qu'une entreprise nationale qui assure plusieurs activités, dont certaines sont concurrentielles, peut être privatisée tout en conservant de par la loi l'obligation d'assurer une activité de service public.

C'est vieux comme le monde : une entreprise privée peut assumer des missions de service public. Il en est ainsi dans le secteur de l'eau, notamment. Ce n'est donc pas parce que vous écrivez dans la loi que La Poste accomplit des missions de service public que vous ne la privatiserez pas. Cet argument n'est pas recevable.

C'est la raison pour laquelle je vous ai fait une proposition, que vous avez balayée d'un revers de manche, si ce n'est comme toujours au moins comme souvent. Elle tend à écrire dans la Constitution que La Poste est chargée du service public postal. Si vous acceptiez d'introduire cette précision, aucun procès ne pourra plus vous être fait. L'alinéa 9 sera alors dans sa pleine acception dans le texte qui nous sert de socle en matière de valeurs républicaines. Comme vous ne voulez pas le faire, je continue à vous faire un procès d'intention. Je sais que vous m'en voulez…

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Non, jamais !

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

…mais vous savez aussi que j'ai raison.

Il y a deux catégories de services publics. Il y a d'abord les services publics régaliens auxquels vous n'avez pas encore touché, encore que cela vous démange. Parmi ceux-ci, on compte la police – mais comme on supprime des postes, les polices privées vont peut-être prendre le relais –, la justice – mais on supprime des tribunaux et on voit ce que cela donne –, la défense et la diplomatie, encore que la réduction de la voilure au Quai d'Orsay nous laisse à penser que, demain, on sous-traitera peut-être à quelques consultants extérieurs le soin de faire la diplomatie française. Tout est possible ! Je vois François Loncle, qui a été président de la commission des affaires étrangères, acquiescer.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

En tout cas, monsieur le président Lequiller, vous n'avez pas contesté la manière dont j'ai décrit l'évolution des directives européennes.

C'est la loi du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public des télécoms et à France Télécom qui a fait disparaître le service public national des télécoms. On a laissé à France Télécom le soin d'assurer tout service public des télécoms mais on a donné la possibilité au ministre de désigner un ou plusieurs opérateurs pour le faire. Ce n'était donc plus un opérateur unique. La jurisprudence France Télécom défait tout votre argumentaire sur la protection du préambule de la Constitution de 1946 et les vertus de l'alinéa 9. Ce texte n'est pas protecteur parce que vous n'allez pas assez loin dans la précision.

Deuxième prétexte invoqué pour le changement de statut : c'est indispensable si l'on veut apporter à La Poste du financement public. Nos collègues en sont quasiment convaincus parce qu'ils n'ont pas entendu d'autre version.

Je vais opposer deux arguments à cette théorie. Premièrement, et je parle sous le contrôle du rapporteur, gardien du temple dans cette maison, l'État verse de l'argent à La Poste, établissement public, pour le soutien à la diffusion de la presse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Il existe une convention tripartite entre l'État, la presse et La Poste.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Cette convention permet bien à l'État de verser de l'argent à La Poste, établissement public.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

La question n'est pas celle du capital : on parle de financement public de l'État en direction de La Poste. On nous explique ensuite que ce sont les règles européennes qui l'interdisent. L'arrêt Altmark du 24 juillet 2003 de la Cour de justice européenne indique qu'une compensation versée à une entreprise chargée par une collectivité d'une mission de service, en matière de service d'intérêt économique général, ne constitue pas une aide de l'État si quatre critères cumulés sont remplis.

Premier critère, l'entreprise a été expressément chargée d'obligations de service public clairement définies. M. le ministre s'y emploie et il a raison : ce critère est donc rempli.

Deuxième critère, des paramètres objectifs de calcul de la compensation ont été établis avant son versement. Ce critère est également rempli : le régulateur est là en observateur attentif pour pouvoir le faire. On sait en effet mesurer ce que coûte la présence postale territoriale, la bancarisation des plus démunis, la présence des facteurs six jours sur sept sur l'ensemble du territoire. Il ne sera donc pas difficile d'établir objectivement le calcul de la compensation.

Troisième critère, la compensation ne doit pas occasionner de surcompensation. Il suffit de prévoir une transparence totale.

Quatrième critère, enfin, la mission de service public doit avoir été confiée à l'entreprise à l'issue d'une procédure de marché public. En l'absence d'une telle procédure – ce que je ne souhaite pas –, le niveau de la compensation repose sur une analyse des coûts que pourrait réaliser une entreprise moyenne bien gérée.

Nous pouvons remplir ces quatre critères. Dès lors, il n'est pas nécessaire de changer le statut de La Poste pour permettre à l'État d'assumer son rôle de propriétaire qui consiste, entre autres, à accompagner le développement, et l'évolution des services et missions de La Poste. Cette clarification était importante, car elle fait tomber les deux principaux arguments que vous utilisez pour changer le statut de La Poste.

J'avais encore énormément de choses à vous dire. Mais le temps nous est compté : la guillotine ne va d'ailleurs pas tarder à tomber pour le groupe socialiste.

Pour conclure, je répéterai que nous sommes convaincus que le changement de statut de La Poste est inutile. J'espère, monsieur le ministre, que vous aurez entendu nos arguments. Cette modification est idéologique – c'est un procès d'intention mais nous avons vu ce qu'il en était par le passé – et dangereuse, car nous allons inexorablement glisser vers la fin des missions de service public. Tous les arguments invoqués sont des prétextes que nous ne pouvons accepter. C'est la raison pour laquelle nous ne souhaitons pas que ce texte, et notamment l'article 1er, aboutisse. Si vous acceptez de renoncer à cet article, nous serons à vos côtés pour élaborer les articles suivants. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La discussion générale est close.

La parole est à M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Le ministre va nous dire qu'il a été convaincu !

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, le moment n'est pas évident pour moi après ces vingt heures de discussion pendant lesquelles je suis resté à ce banc, m'efforçant d'être attentif à l'intervention de chacun. Il n'est pas évident de répondre simplement sur le fond. J'ai peut-être tort de le penser, car j'ai, comme beaucoup ici, une certaine expérience de la vie publique, mais ce débat devrait, à mon sens, dépasser les clivages politiques. Je ne comprends pas, en effet, le clivage idéologique qui est nettement apparu.

L'essentiel de la discussion a porté sur la réalité du vécu en circonscription : en témoignent les nombreuses interventions de chacun et chacune d'entre vous faisant allusion à son village, son canton, son hameau, son quartier. Moi, qui ai siégé dans cette assemblée avec nombre d'entre vous dont les visages me sont familiers depuis si longtemps, je peux vous dire que ces expériences, je les ai partagées et je continue de les partager. Lorsque je rencontre untel ou untel dans la rue de mon village ou d'un quartier de ma ville, je n'ai pas le sentiment que cette personne pense à gauche ou à droite lorsqu'il s'agit de lui apporter le meilleur service au public. D'ailleurs, lorsque dans ces territoires nos concitoyens doivent se prononcer, ils le font beaucoup plus en se fondant sur la qualité de la relation qu'ils ont avec celui ou celle qui les représente au Parlement que sur un engagement idéologique.

Monsieur Brottes, permettez-moi de rappeler des propos qui m'avaient marqué en commission et qui ne m'avaient pas surpris de votre part. Je vous connais depuis si longtemps… Avec vous, Patrick Ollier et beaucoup d'autres au sein de l'Association nationale des élus de la montagne, nous avons mené des combats communs…

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

…sur des sujets qui paraissaient parfois dérisoires aux yeux d'une grande majorité de cet hémicycle. Ils étaient pour nous essentiels au regard de la place que nous donnions à l'homme, à la femme, à l'enfant au coeur de nos politiques publiques.

Voici ce que vous m'avez dit en commission : « Il est vrai que nous vous faisons un procès d'intention, non pas à vous, monsieur le ministre, qui avez repris le dossier en cours et dont les combats que vous avez menés sur le terrain empêchent de mettre l'honnêteté en doute, mais au Gouvernement. De fait, l'histoire et l'expérience nous empêchent d'accorder beaucoup de crédit aux arguments que vous avez développés. » Ces propos, qui figurent dans le rapport, me sont précieux, et je vous en remercie. Tout comme la relation que j'ai appris à entretenir avec vous et avec d'autres, sur tous ces bancs, reste pour moi fondamentale.

Plus d'une soixantaine d'orateurs sont intervenus. Les élus les plus récents ont souvent eu des paroles blessantes et humiliantes à mon égard. D'autres ont eu, au contraire, des propos plus dignes et plus respectueux. En tout état de cause, quand on a un peu d'expérience en politique, on dépasse tout cela. En tout cas, je ne répondrai pas sur ce terrain, car cela ne me paraît pas à la hauteur du débat que nous avons à conduire ensemble.

Moi qui me bats depuis très longtemps pour nos territoires, je regrette qu'à aucun moment il n'ait été question de l'outre-mer. Mme Massat a voulu faire un tour de France, mais son tour s'est limité à celui de la métropole. Moi, j'ai inauguré des bureaux de poste à Maripasoula, à la frontière du Surinam, ou encore à Camopi, à la frontière du Brésil, où le maire français amérindien vous reçoit avec son pagne et son écharpe tricolore, et dont les enfants amérindiens français chantent la Marseillaise ! Eh bien, ces gens, là-bas, à 20 000 kilomètres de Paris, peuvent avoir une vision du service public en général et de La Poste en particulier qui n'est pas forcément la même que celle qui existe en métropole, dans nos villages, dans nos quartiers ou dans nos zones urbaines sensibles.

On ne peut pas dire avec intransigeance que la loi, dans toute sa rigueur, doit être comme ceci ou comme cela et pas autrement, alors que la France possède une histoire si riche, que notre pays est si divers, si authentique, qu'il s'étend sur trois océans et que, lorsque nous délibérons ici, nous parlons en même temps à nos compatriotes d'outre-mer qui sont à 25 000 kilomètres. Je pense donc sincèrement que ce débat, aujourd'hui et pendant les heures qui se sont écoulées, méritait que nous sachions dépasser certains clivages qui existent entre nous.

Je vous le dis comme je le pense à cet instant, avec mon coeur. Philippe Folliot, tout à l'heure, parlait de sa famille, évoquant notamment son oncle facteur, ce qui en a fait sourire quelques-uns,…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Mais il n'a rien dit sur sa soeur ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

…mais beaucoup d'entre nous ont des origines modestes – moi-même, je suis fils d'immigrés – et ont eu le même rapport, notamment en milieu rural, mais cela vaut dans tous les quartiers, avec le facteur. Celui-ci fait partie du paysage national.

D'ailleurs, on ne compte plus les grands films français – même si l'on songe à un film en particulier, qui a rencontré l'an dernier un grand succès (Sourires) –, dont les metteurs en scène ont cherché à faire entrer La Poste, d'une façon ou d'une autre, dans le scénario. Cela veut bien dire quelque chose !

Pour autant, on ne peut pas dire que La Poste est, dans bien des endroits, le dernier service public. Beaucoup d'entre vous, sont, comme moi, des maires – du plus petit village jusqu'à la ville la plus importante. Vous savez très bien que le service public que l'on est sûr de trouver dans tous les villages de France, c'est quand même la mairie. Le reste peut être mutualisable.

Vous avez parlé de la durée des débats au Sénat. Mais enfin, monsieur Brottes, pourquoi n'avez-vous pas choisi d'utiliser la vingtaine d'heures qui vient de s'écouler pour essayer d'entrer dans le fond du dossier ?

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Je vous rappelle que les règlements des deux assemblées sont très différents, celui de l'Assemblée nationale – je le précise pour ceux qui, tout à l'heure, vont se plaindre du fait que le couperet tombe – étant beaucoup plus avantageux que celui du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Le travail, ce sont les amendements, pas la discussion générale !

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Et je l'affirme sous le contrôle de M. le président de la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

S'il y a eu soixante-douze heures de débat au Sénat, c'est parce que j'ai dit à tous les sénateurs que je souhaitais que le débat soit le plus long possible et que chacun puisse s'exprimer. En effet, mon rôle est de respecter tous les parlementaires, dans leur diversité, ce que j'ai fait au Sénat.

En ouverture de nos travaux en commission, j'ai indiqué que, dans le cadre du nouveau règlement de l'Assemblée nationale, c'est désormais là que les débats ont lieu : j'aurais accepté qu'ils durent huit, dix, voire quinze jours ! Vous pouvez certainement le confirmer, monsieur Ollier.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Or vous avez choisi qu'ils ne durent que vingt-quatre heures. Il est donc inexact de considérer que la guillotine entrera en action dans quelques instants. La réalité, c'est que vous n'avez pas souhaité que le débat ait lieu dans la durée que le règlement de l'Assemblée nationale vous offrait pour le conduire.

Plusieurs députés du groupe UMP. Non, c'est vrai !

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Vous n'avez pas utilisé cette possibilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Jibrayel

Le débat, c'est dans l'hémicycle qu'il a lieu !

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Tel a été votre choix. Vous avez fait un calcul politicien, pour obtenir un effet de tribune. Je ne vous le reprocherai pas, mais la vérité est là !

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Je vais simplement m'efforcer, après avoir écouté vos arguments, de vous convaincre. Je sais que je n'y arriverai pas forcément, mais laissez-moi essayer, monsieur Jibrayel !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Jibrayel

Cela fait dix minutes que vous réglez vos comptes avec untel ou untel ! Ça suffit !

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Le premier sujet que j'aborderai concerne la privatisation supposée de La Poste. Beaucoup d'entre vous se sont exprimés comme si une privatisation était encore envisageable. Je confirme le néologisme « imprivatisable » dont, d'une certaine façon, je suis fier.

En effet, monsieur Brottes, vous avez affirmé que certains gouvernements auraient reculé devant cette réforme. Pourquoi est-ce que, moi, je ne recule pas ? Parce que j'ai la conviction que cette réforme est une avancée considérable dans le service de proximité rendu aux Françaises et aux Français en raison des moyens que nous allons apporter. Voilà pourquoi je l'aborde avec toute la détermination nécessaire, car je suis convaincu que les moyens inscrits dans ce texte rendront La Poste « imprivatisable ». En ce qui me concerne, je ne fais des procès d'intention à personne, mais je suis surpris par le nombre d'orateurs de gauche qui ont fait, sans répit, comme si une privatisation était envisageable !

Or nous avons apporté toutes les garanties sur le caractère intégralement public de La Poste, et ceux qui ont lu le texte le savent bien ! Vous me permettrez simplement de vous dire, à propos du terme « imprivatisable », que je n'en demandais pas tant : vous l'avez cité cent soixante-dix fois ! Je vous en remercie ; c'est un bel hommage. (Sourires.)

Ce qui compte, c'est que le préambule de la Constitution de 1946 dispose : « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national […] doit devenir la propriété de la collectivité. » Or qu'est-ce qu'un service public à caractère national ? Cela consiste en une ou des missions de service public, définies et attribuées par la loi et exercées sur l'ensemble du territoire. La Poste est donc très clairement un service public à caractère national, car elle a non pas une mission attribuée par la loi et exercée sur l'ensemble du territoire, mais quatre !

Je veux rappeler une fois de plus ces missions : la distribution du courrier six jours sur sept sur l'ensemble du territoire ; la mission d'aménagement du territoire avec 17 000 points de contact ; l'accessibilité bancaire par le biais du livret A ; le transport et la distribution de la presse. Je vous remercie, monsieur Brottes, d'avoir rappelé que c'est la première fois qu'un gouvernement inscrit noir sur blanc dans la loi ces quatre missions de service public.

Curieusement, vous ne m'avez pas parlé d'EDF ! C'est Philippe Folliot qui l'a fait tout à l'heure. Il a rappelé que l'on avait réformé l'entreprise et que, pourtant, elle restait aujourd'hui très majoritairement publique. Mais que n'ai-je entendu sur GDF et sur France Télécom ! Vous les avez prises comme références pour laisser planer le doute sur la possibilité de voir se produire demain, après-demain ou dans un certain délai, et malgré toutes les mesures que nous prenons, une évolution de cette réforme conduisant La Poste à un sort identique, à partir du statut de société anonyme et de service public à caractère national.

Eh bien, je vais vous démontrer que cela n'a rien de comparable. D'abord, GDF a deux métiers : le transport de gaz et la fourniture de gaz aux particuliers. La première de ces activités connaît la concurrence depuis 1949 ! Dans de nombreuses villes, d'ailleurs, comme Strasbourg et Grenoble, ce n'est pas GDF qui assure le transport de gaz, mais d'autres opérateurs.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Il est donc clair que GDF remplit non pas un service public national, mais un ensemble de services publics locaux.

En ce qui concerne la seconde activité, c'est-à-dire la fourniture de gaz aux particuliers, GDF disposait d'une exclusivité jusqu'au 1er janvier 2007, qu'elle a perdue avec l'ouverture à la concurrence. Tous les concurrents ont alors été placés sur un pied d'égalité. Vous voyez donc que le cas de La Poste est différent.

Ensuite, si l'Union européenne impose bien l'ouverture à la concurrence de l'ensemble du secteur postal, le Gouvernement, contrairement à ce qui s'est passé pour GDF, a choisi de garantir par la loi – c'est l'article 14 de ce projet – que, malgré l'ouverture à la concurrence, La Poste allait rester le seul et unique prestataire du service postal pour une durée minimale de quinze ans. Rien à voir donc, là non plus, avec GDF !

En ce qui concerne France Télécom, là aussi, la situation est différente de celle de La Poste. En effet, France Télécom a été chargé de la mission de service universel de téléphonie par appel d'offres. Ce n'est donc pas la loi qui a chargé l'entreprise d'une mission de service universel, mais un appel d'offres réalisé entre France Télécom et tous ses concurrents.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Et si l'on voulait appliquer la « jurisprudence France Télécom » à La Poste, il faudrait ôter de la loi les quatre missions de service public et procéder par appel d'offres pour les attribuer à La Poste, ce qui n'aurait aucun sens !

Je le redis donc clairement une nouvelle fois : La Poste n'est pas privatisable, sauf à ôter de la loi ces quatre missions de service public. Ce ne sont ni ce gouvernement ni cette majorité qui le feront. Mieux encore, monsieur Brottes, je pourrais, de façon un peu politicienne, vous dire que, puisque ce ne sont ni ce gouvernement ni cette majorité qui le feront, ce ne pourrait être, demain, qu'une nouvelle majorité issue de vos bancs qui privatiserait La Poste.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Eh bien, moi, je ne vous ferai pas ce procès d'intention, parce que je suis convaincu que, si demain – dans le pire de mes cauchemars, bien évidemment – vous repreniez la majorité, vous ne le feriez en aucun cas.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Je pense que, au moins sur ce sujet, nous pouvons vous faire confiance.

J'aimerais vous répondre sur un deuxième sujet : pourquoi une modification statutaire ? En effet, c'est là la grande question ! Vous n'avez cessé de répéter en boucle que nous essayions de justifier cette modification statutaire en disant que c'était Bruxelles qui nous l'imposerait au 1er janvier 2011. Mais qui, sur les bancs de la majorité, a affirmé cela ne serait-ce qu'une seule fois ? Vous avez essayé de parler à la place de la majorité.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Ni le Gouvernement ni les parlementaires de la majorité ne l'ont affirmé un seul instant ! Non, ce n'est pas Bruxelles qui demande une modification statutaire.

En revanche, il existe une réalité : l'ouverture à la concurrence le 1er janvier 2011. Et, là aussi, je pourrais très aisément vous répondre que c'est par la première directive postale d'octobre 1997, sous le gouvernement de M. Jospin, que ce processus a été engagé. Mais essayons de regarder un peu plus loin.

D'abord, cette disposition aurait dû être mise en oeuvre en 2009. Nous avons réussi, dans nos négociations avec Bruxelles, à repousser le délai au 1er janvier 2011. À cette date, le couperet va tomber ; l'ouverture à la concurrence sera une réalité.

Si Bruxelles ne nous impose pas – je le confirme encore une fois – une modification statutaire, nous considérons que, pour donner à La Poste les moyens de faire face à la concurrence, il n'y a pas d'autre moyen pour nous que de passer par cette modification. Il suffit pour s'en convaincre de regarder toutes les réformes qui sont intervenues dans les grandes institutions postales des autres pays de l'Union européenne. D'ailleurs, nous savons que le seul moyen de fournir à La Poste, aussi bien par l'État que par la Caisse des dépôts et consignations, les 2,7 milliards de capitaux dont elle a besoin et qu'elle nous demande, est de bâtir une société anonyme à 100 % publique. C'est là que l'opposition a beau jeu de parler de Bruxelles, mais je n'y reviendrai pas.

Troisième sujet : l'aménagement du territoire. Vous me parlez de départements comme la Creuse en donnant dans le misérabilisme, mais j'ai tellement parcouru tous ces territoires de France ! Je les ai visités et servis ; dans d'autres responsabilités qui ont été les miennes, j'ai répondu à des sollicitations venant de tous les bancs de cet hémicycle. Or la réalité, dont témoignent les statistiques de l'INSEE, est que, après une longue période de déclin puis de stagnation entre 1982 et 1999, la population des espaces ruraux augmente désormais au même rythme – 0,7 % par an – que l'ensemble de la population française. Ce renouveau démographique de l'espace rural s'appuie sur une double dynamique : la réduction des zones de désertification, d'une part, et, d'autre part, l'extension de territoires dont la population croît rapidement.

C'est l'INSEE qui le confirme.

En matière de services publics, s'il y a eu avant 2002 cette volonté effrénée, d'essayer de fermer ici une gendarmerie, là un bureau de poste, ailleurs une trésorerie ou un centre administratif, ailleurs encore un centre d'entretien des routes, ce mouvement s'est inversé.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Jibrayel

Depuis 2002, il n'y aurait eu aucune fermeture, aucune suppression ?

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Le développement économique et social des zones rurales a repris, c'est une réalité. J'ai été consterné par les interventions de ceux qui laissent penser qu'il y aurait eu un recul en matière d'aménagement du territoire : quand j'ai entendu M. Michel Vergnier, député-maire de Guéret, s'exprimer à cette tribune en nous racontant l'histoire de Pierre, je me suis dit au fond de moi-même : « Celui-là, je ne le recruterai pas comme directeur de mon office du tourisme ! » (Murmures sur les bancs du groupe SRC.) Si c'est comme cela qu'il veut attirer du monde pour faire tourner l'économie de son département ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. — Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Jibrayel

Il fallait le lui dire hier, quand il était là !

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Comme vous le savez, ce projet de loi conforte la mission d'aménagement du territoire de La Poste. Nous avons inscrit dans le texte les 17 000 points de contact et sécurisé le financement de la mission par un mécanisme fondé sur l'évaluation préalable par l'ARCEP. C'est une première !

Jusqu'à présent, on nous disait que l'exonération de taxe professionnelle de La Poste rapportait en moyenne chaque année 137 millions d'euros, destinés à financer les missions de service public. Chaque année, un rapport de La Poste indiquait que la somme nécessaire serait plutôt de 250 à 251 millions d'euros. Je ne sais pas si La Poste dit vrai, mais la réalité, c'est qu'au Sénat, nous avons modifié le texte afin que ce soit l'ARCEP qui procède à une évaluation annuelle des dépenses. Ensuite, le Gouvernement s'engage, sur la base de cette évaluation, à apporter le financement nécessaire aux missions de service public. C'est également une grande première.

Monsieur Brottes, permettez-moi de vous dire que vous confondez les deux règles d'accessibilité : celle au titre de la mission de service universel postal – article R. 1-1 du code des postes – et celle au titre de la mission d'aménagement du territoire, prévue à l'article 6 de la loi de 1990, qui est plus exigeante encore, et qui conduit à l'existence des 17 000 points de contact. La première de ces règles, c'est le simple minimum demandé par les directives européennes ; la France va au-delà en prévoyant la seconde, qui est plébiscitée par nos concitoyens.

Je veux par ailleurs répondre de manière très précise aux interrogations formulées par MM. Jean Launay et Henri Nayrou, membres de l'Association nationale des élus de montagne : ils ne sont pas là, mais je me suis engagé à leur répondre.

Je confirme, en réponse à M. Nayrou, que le projet de loi maintient la distribution du courrier six jours sur sept, le prix unique du timbre, l'accessibilité aux points-poste ainsi que les conventions partenariales.

Sur le point précis, soulevé par M. Nayrou, des compétences des commissions départementales de présence postale territoriale, je partage son point de vue. Je donnerai d'ailleurs un avis favorable à un amendement prévoyant une compétence des CDPPT sur les expérimentations en matière d'horaires d'ouverture.

Je réponds ensuite aux questions très précises de M. Launay sur la validité des conventions signées par La Poste avec les agences postales communales et les relais commerçants.

Dès le mois d'octobre, j'ai reçu les représentants de l'ANEM, qui m'ont fait part de leurs préoccupations ; j'ai alors demandé aux services juridiques de Bercy d'expertiser la question. En fait, la situation est très claire.

D'abord, même après le changement de statut, La Poste pourra conclure des partenariats avec les mairies et les commerçants. Cependant, pour qu'il n'y ait aucun doute sur le sujet, j'ai accepté, en commission, un amendement indiquant explicitement que le changement de statut n'a aucune incidence sur les partenariats signés par La Poste, qu'ils soient en cours ou à venir.

Ensuite, il est tout aussi clair que les mairies pourront continuer à mettre à disposition de La Poste leurs agents communaux. La loi de 1984 sur la fonction publique territoriale prévoit cette possibilité dès lors que s'exerce une mission d'intérêt général, ce qui est évidemment le cas avec la mission d'intérêt général d'aménagement du territoire de La Poste.

Enfin, on me demande si La Poste devra mettre les commerçants en concurrence avant de contracter avec l'un d'eux plutôt qu'avec un autre. La réponse des services de Bercy est sans ambiguïté : une telle mise en concurrence ne sera nécessaire que si le marché signé est un marché public ou une délégation de service public. Or le contrat conclu avec les commerçants n'est pas un marché public – il n'y a pas de notion de bénéfice pour le commerçant – et ce n'est pas non plus une délégation de service public, mais une subdélégation. Il n'y aura donc pas lieu de mettre en concurrence les commerçants entre eux, et la question des aides d'État ne se posera pas non plus.

Pour vous rassurer sur ces points, et afin que ce soit inscrit au compte rendu, je répète donc que le changement de statut n'aura aucun impact sur le dispositif de partenariats locaux de La Poste. D'ailleurs, si cette question est posée par Jean Launay, avec une si grande exigence de précision, c'est bien que, sur les bancs socialistes aussi, il y a un certain attachement à la diversité des points-poste – bureaux de poste, agences postales communales, ou commerces – en fonction de la demande et des territoires.

Sur l'usine de timbres de Boulazac, en Dordogne, j'ai entendu les inquiétudes de Colette Langlade et de Pascal Deguilhem. Il me paraît primordial de la conserver, car c'est l'une des usines de timbres les plus performantes en Europe. De plus, il est primordial de conserver ces emplois. Le président Bailly m'a confirmé le maintien intégral de ce site de Boulazac ; je peux donc vous rassurer sur ce point.

Le sujet de l'emploi, notamment la politique de l'emploi à La Poste, a plusieurs fois été abordé, notamment par Mme Sandrine Mazetier et par MM. Jacques Desallangre et Kléber Mesquida.

Permettez-moi de vous rappeler quelques faits qui parlent d'eux-mêmes.

D'abord le nombre d'emplois à La Poste est stable ; depuis près de vingt ans, il est d'environ 300 000. Il est certes monté à 305 000, descendu à 291 000, voire à 286 000, mais quelle est l'entreprise de France qui a su ainsi conserver des effectifs aussi stables sur une période aussi longue ? La Poste a réalisé 8 000 embauches en 2008.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Quelle entreprise en France recrute autant ? Enfin, elle emploie également moins de 3 % de personnels en contrat à durée déterminée : qui fait aussi bien en France ?

Plusieurs orateurs ont évoqué le sujet de l'entrée de la Caisse des dépôts et consignations dans le capital de La Poste ; je pense notamment à Gérard Bapt, à Alain Muet et à Jean-Pierre Balligand, qui a posé des questions très précises. Permettez-moi de rappeler que la position officielle de la Caisse des dépôts est exprimée par son directeur général, M. Augustin de Romanet, et par le président de son conseil de surveillance, M. Michel Bouvard, qui a fait une brillante intervention hier soir.

Je peux donc répondre très précisément à M. Balligand.

Selon lui, l'investissement de la Caisse des dépôts dans La Poste serait contraire à son intérêt social. Cette première critique est fausse : tous ceux qui connaissent bien La Poste et la Caisse des dépôts le disent, il y a une culture commune forte et une proximité historique qui rend pertinent l'investissement de la CDC dans La Poste. Je reprends trois exemples que le président Bouvard a cités hier : qui centralise les encours des livrets A collectés par la Banque postale, lesquels représentent plusieurs dizaines de milliards d'euros par an ? C'est la Caisse des dépôts. Qui exerce pour le compte de la collectivité des délégations de service public qui sont proches des missions de service public de La Poste ? C'est la Caisse des dépôts. Enfin, la CNP – l'une des principales sociétés d'assurance-vie française – a pour actionnaires à la fois La Poste, qui détient 18 % du capital, et la CDC, qui en détient 40 %. Il existe donc de vraies raisons, objectives, qui légitiment l'investissement de la Caisse des dépôts dans le capital de La Poste ; je ne peux donc laisser dire que cet investissement serait contraire à l'intérêt social de la Caisse des dépôts.

Ensuite, selon M. Balligand, l'investissement de la Caisse des dépôts ne serait pas possible au regard du droit communautaire : ce ne serait pas un investissement avisé, car il ne serait pas rentable. Or La Poste est une société rentable, qui dégage des profits, et même si elle connaît des difficultés avec la diminution du volume du courrier, c'est une belle entreprise.

Par ailleurs, la Caisse des dépôts sera associée à la gouvernance du groupe, avec un nombre de sièges au conseil d'administration reflétant sa détention du capital ; elle pourra donc influer sur les grandes décisions stratégiques. La CDC aura également droit à un dividende, tout comme l'actionnaire actuel de La Poste, c'est-à-dire l'État, tout comme les salariés lorsque ceux-ci seront, dans quelque temps, actionnaires. Tout cela rend difficile de prétendre qu'il ne s'agirait pas là d'un investissement avisé.

Enfin, M. Balligand critique ce qui serait un « passage en force » de l'exécutif, qui contraindrait la CDC à investir dans La Poste.

Comme je vous l'ai indiqué, M. de Romanet comme le président Michel Bouvard ont publiquement défendu le principe d'un tel investissement. Il est vrai que toutes les procédures formelles ne sont pas achevées : la loi n'étant pas votée, il serait peu respectueux du Parlement d'approuver les détails d'un tel investissement. Pour reprendre les mots de M. Bouvard, on peut dire que, à ce stade, le Gouvernement a sollicité la Caisse des dépôts. Le président Bouvard a posé hier une série de conditions pour que la Caisse des dépôts entre au capital de La Poste ; toutes ces conditions étant prises en compte par le projet de loi, cette entrée au capital se fera donc l'année prochaine.

Monsieur Brottes, je vous réponds sur la valorisation de La Poste. À cet égard vous avez raison : les travaux de valorisation de La Poste n'ont pas commencé. Il était en effet nécessaire que La Poste élabore son budget pour 2010 ; c'est ce qu'elle fait, et son conseil d'administration doit adopter ce budget cet après-midi. Une fois le budget adopté et le changement de statut voté, les travaux de valorisation pourront débuter, et cela dès le mois de janvier 2010. Ils seront réalisés par l'État, assisté de ses conseils. Comme je l'ai souligné précédemment, la Caisse des dépôts y sera associée. Il n'y a donc pas de chiffre sur la valorisation, et tous ceux qui circulent sous le manteau sont donc totalement faux.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Ils ne circulent pas sous le manteau, ils sont tout à fait publics !

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Voilà en tout cas ce qui justifie aujourd'hui que nous injections 2,7 milliards d'euros d'argent public par le biais de cette procédure de modification statutaire que nous avons choisie.

Comme je l'ai dit à près de 300 cadres de La Poste, je répète très clairement que nous ne donnons pas un chèque en blanc à La Poste. J'ai d'ailleurs fixé trois règles.

La première exigence, c'est le respect des Français, des usagers. Vous ne pouvez pas intervenir, comme la plupart d'entre vous l'ont fait, en disant que tout allait mal à La Poste, et nous dire en même temps qu'il ne faut rien changer !

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Je crois, moi, que les Françaises et les Français attendent que, au moment où le Parlement décide d'apporter par cette réforme 2,7 milliards d'euros d'argent public à La Poste, les usagers soient mieux respectés. Le respect des usagers exige que les questions de files d'attente, de conditions d'accueil, de distribution, d'accomplissement des missions de service public, etc. doivent être résolues.

Je demande, d'ailleurs, à ceux qui nous soupçonnent encore de vouloir privatiser, s'ils connaissent un seul État au monde qui, avant de privatiser l'une de ses institutions, injecterait 2,7 milliards d'euros. Quand on veut privatiser, c'est à des organismes privés qu'on demande d'apporter les moyens dont l'institution a besoin.

La deuxième exigence est le respect des salariés. À cet égard il n'est pas question pour nous que les personnels, salariés, fonctionnaires, de La Poste deviennent la variable d'ajustement de la modernisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Cela sera comme à France Télécom, exactement pareil !

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

D'ailleurs, je mène un dialogue social permanent avec toutes les organisations syndicales.

Il y a un an, 27 % des personnels de La Poste étaient grévistes ; au mois de septembre dernier, ils étaient 22 % ; il y a trois semaines, c'était 14 % ; il y a quarante-huit heures, il n'y avait plus que 2,3 % de salariés en grève. Ils ont compris l'intérêt de ce que le Gouvernement et la majorité proposent : adhésion à l'IRCANTEC, préservation du régime de retraite, mutuelle de santé, possibilité de devenir actionnaire à titre gratuit de leur propre entreprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

On verra les résultats malheureux de l'opération !

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Quel est le salarié de La Poste qui, aujourd'hui encore, pourrait avoir envie de mener le combat dans lequel vous avez voulu les entraîner ?

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Enfin, la troisième exigence est le respect des élus.

Comme vous, j'ai vécu des situations où, en dépit de l'avis de la commission départementale, des décisions nous ont été imposées. À cet égard, j'ai l'intention d'accepter des amendements qui entendent faire respecter les avis des élus. Au moment où nous accordons des moyens pour que La Poste puisse se moderniser, cela me paraît une exigence envisageable.

Telles sont les trois règles que je veux imposer à La Poste dès lors que nous évoluons vers cette modernisation.

Quel constat puis-je dresser de ces vingt heures de débat ?

J'attendais des propositions, mais, si, d'un côté de l'hémicycle, j'ai entendu beaucoup de propositions, de l'autre, je n'ai pas vu grand-chose arriver. Je ne comprends pas que l'opposition n'ait pas saisi l'opportunité de ces vingt heures de débat. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Jibrayel

Et la commission, vous l'avez entendue ? Vous avez tout refusé.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

De ce côté, j'ai entendu par exemple Jean-Pierre Nicolas et Pierre Morel-À-L'Huissier dresser un constat posé et pertinent sur la situation de La Poste et demander que les services publics soient renforcés.

J'ai entendu Michel Diefenbacher et Philippe Folliot souligner l'utilité des points de contact partenariaux. Nous savons tous combien les agences postales communales et les relais Poste commerçants sont appréciés de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Michel Diefenbacher l'a rappelé à juste raison, au lieu de faire comme ceux qui font mine de critiquer publiquement ces dispositifs aujourd'hui alors qu'ils suppliaient La Poste d'ouvrir un point de contact il y a peu.

J'ai entendu une présentation d'une grande clarté de la part de Mme Laure de La Raudière, qui nous a montré à la fois sa parfaite connaissance du dossier et son grand attachement à La Poste et à ses postiers.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Quand Mme de La Raudière demande que le changement de statut ne se fasse pas au détriment des postiers, je souscris pleinement à ce souhait.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Je souscris également au souhait de Mme de la Raudière, qui est un pilier de la commission de faire évoluer l'accès internet par le biais de La Poste.

J'ai entendu Dominique Souchet nous parler de la résolution du problème des files d'attente, problème qui préoccupe les Français.

J'ai entendu Yannick Favennec nous parler de l'importance de la qualité des services et de la question des horaires des bureaux de poste.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

J'ai entendu Jean Dionis du Séjour évoquer les nombreux amendements qu'il a déposés sur le texte, notamment ceux qui visent à faire en sorte que la Banque postale lutte contre le surendettement.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

J'ai entendu Lionnel Luca aborder la situation des personnels reclassés de La Poste. À ce propos je vous indique que, conformément à mes engagements, le décret relançant la promotion interne de ces fonctionnaires, décret qui était attendu depuis tant d'années, est paru au Journal officiel le mardi 15 décembre, c'est-à-dire avant même que nous arrivions au terme de ce débat.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

J'ai entendu Philippe Folliot faire, dans une intervention pertinente, des propositions pour que les bureaux de poste soient des relais des maisons de service public, grâce à la mise à disposition de brochures sur ces maisons de service public. Certes, cette proposition est tombée sous le coup de l'article 40 de la Constitution, mais je m'engage à ce que le Gouvernement fasse en sorte que la convention tripartite précise ce point.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

De l'autre côté, j'ai eu des propositions incongrues.

Mme Lebranchu veut que le financement se fasse, non par l'apport de la Caisse des dépôts et consignations, mais en fonds propres, en augmentant les impôts des Français.

J'ai entendu Danièle Hoffman-Rispal proposer de remettre des pendules dans les bureaux de poste parisiens.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Certes, cela est important, mais je constate que, sur la cinquantaine d'interventions que nous avons entendues, aucune proposition ambitieuse ne nous a été faite alors qu'il s'agit de la modernisation de La Poste.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Si : j'ai entendu Philippe Duron suggérer de créer une fondation pour la conservation du patrimoine de La Poste. Je soutiendrai cette démarche à laquelle je souscris pleinement. J'ai entendu également Michel Issindou proposer de développer les cyber-services. Bien évidemment, je souscris à cette idée.

À ces quelques exceptions près, je n'ai rien entendu d'autre, si ce n'est la volonté d'organiser un référendum, avec la question suivante : pour ou contre la privatisation ? Quelle question formidable !

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Si la question du référendum est « pour ou contre la privatisation », tout le monde répondra contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Vous avez raison de ne pas accepter le référendum parce que, quand il y en a un, vous n'acceptez pas le résultat !

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Le fait d'avoir un vote contre la privatisation nous aurait-il empêché de débattre de ce texte, qui en aucun cas ne propose de privatiser La Poste ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Ce serait dépenser de l'argent public pour rien que d'organiser un référendum qui, de toute façon, n'empêcherait pas cette réforme puisque celle-ci ne propose pas la privatisation de La Poste !

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Bien évidemment, vous avez parlé de la « votation citoyenne ».

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

J'ai entendu ce tour de la métropole, pas ce tour de France, qu'a fait Mme Frédérique Massat. Elle a annoncé le chiffre de 2 300 000 votants. Je connais quelqu'un qui a émargé douze fois « Louis de Funès » dans des bureaux de poste parisiens. Donc, s'il y a forcément des gens qui ont voté par conviction, leur nombre n'est certainement pas celui-là. Sans compter qu'il est permis de douter d'un résultat à 99 %.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Quand, en plus, la question a été posée par M. Besancenot et que les urnes ont été dépouillées par le parti socialiste, on peut se poser des questions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Vous parlez de motion référendaire, mais la question de la motion référendaire a été débattue au Sénat, monsieur Brottes. Toutes les explications ont été apportées, elles figurent au compte rendu.

Il est curieux que vous ne vous considériez pas, vous les représentants du peuple, comme suffisamment légitimes pour pouvoir débattre au nom du peuple français d'une telle réforme. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Franchement, qui est plus légitimes que ceux qui ont été élus par le peuple français pour pouvoir débattre au nom du peuple dans cette assemblée ? Je ne comprends pas que vous puissiez douter de vous-mêmes à ce point et de la légitimité qui vous a été accordée par le peuple français.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Bien sûr ! Mitterrand, reviens ! Le coup d'État permanent, rappelez-vous, camarades !

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

La réforme de la Constitution a été adoptée. Pendant des années, vous en avez rêvé, vous en avez parlé.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

C'est le Président de la République, Nicolas Sarkozy, c'est ce Gouvernement qui a introduit dans la réforme constitutionnelle la possibilité d'avoir, dans notre pays, un référendum d'initiative parlementaire et d'initiative populaire.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Je vous informe que début janvier…

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

…le Gouvernement déposera un texte de loi organique pour rendre applicable la réforme de la Constitution. Personne ne recule ni ne se dérobe. Comme l'a expliqué un député socialiste, un cinquième des parlementaires, soutenu par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales, pourra demander un référendum. Mais, attention, le référendum d'initiative parlementaire et populaire soit devra proposer un texte de loi, soit devra demander, un an après son vote, l'abrogation d'une loi.

Si vous respectez cette réforme qui permet désormais au Parlement comme au peuple français de s'autosaisir lui-même, je propose qu'on fasse le bilan de cette loi dans un an.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Nous verrons bien alors si vous trouvez quatre millions de Français pour se plaindre des moyens que nous aurons donnés à La Poste et pour revenir en arrière.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Je vous le dis : plus jamais personne ne voudra revenir en arrière. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Hier soir, j'ai profité de la suspension de séance pour aller remettre les trophées du magazine Usine nouvelle. Ces trophées s'adressent à tous ces jeunes chercheurs, ces jeunes ingénieurs, ces jeunes scientifiques…

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

… qui, dans les domaines de l'innovation, de la recherche et du développement, sont en train de montrer que la France est une grande puissance industrielle capable d'innover, d'entrer sur le terrain de la concurrence, là où nous avons besoin de lutter contre les délocalisations où nous avons besoin de rentrer dans une concurrence qui fera de la France une grande puissance industrielle, mais aussi une grande puissance autour d'un grand pacte économique et social.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

À cet instant précis et après des heures et des heures de débat dans cette assemblée, je me disais, mon Dieu, ne réalisent-ils pas, ces députés, que nous sommes en train de changer de monde ? (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Ne réalisent-ils pas qu'il faut donner les moyens nécessaires à La Poste pour pouvoir affronter cette concurrence, en faire un grand projet industriel autour de grandes plateformes logistiques de courriers électroniques pour pouvoir demain gagner ces parts de marché ?

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Jibrayel

Et les licenciements, et les fermetures de bureaux, qu'en faites-vous ?

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Oui, ce que je vous propose, c'est tout simplement un grand projet industriel autour d'un grand pacte économique et social,…

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

…une poste dont je confirme qu'elle demeurera, grâce à la volonté du Gouvernement et de la majorité parlementaire, imprivatisable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. Jean Proriol, rapporteur de la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux réagir, en quelques mots, au débat que nous venons d'avoir.

Je rappelle d'abord que, sur les 36 000 communes que compte la France, 22 000 n'ont jamais vu un bureau de poste, un point de contact ou encore une APC. Pourtant notre maillage territorial est le meilleur. Si l'on divise la population par le nombre de points de contact, on obtient un peu plus de 3 700 habitants par point de contact. On peut toujours mieux faire, c'est vrai.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

S'agissant de l'accusation de privatisation à plus ou moins long terme, je réaffirme que nous avons mis tous les verrous possibles d'antiprivatisation, ainsi que nous le verrons en discutant l'article 1er.

Enfin, le ministre l'a sous-entendu, nous voulons maintenir l'unité du groupe La Poste. La Banque postale est indispensable ; il ne peut pas y avoir de poste sans sa banque postale, mais il ne peut pas y avoir de Banque postale autonome, c'est-à-dire hors les murs de La Poste.

Voilà les trois points que je voulais évoquer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Tout à l'heure, M. Brottes m'a fait beaucoup d'honneur, en me citant à diverses reprises.

La première fois c'était pour me rappeler que j'aurais, sans doute à l'insu de mon plein gré, « trucidé » le médiateur du service universel. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Je ne savais pas que j'avais commis ce crime, je ne m'en étais pas aperçu.

D'ailleurs, en commission des affaires économiques, il m'avait déjà agressé en disant : « C'est Proriol qui a plus ou moins tué La Poste ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Il s'agissait sans doute d'un propos d'alpin, un peu excité, qui a dépassé sa pensée. Heureusement, il est revenu dessus ensuite ; je lui en donne acte.

Toutefois je veux faire une petite mise au point sur l'histoire qu'il nous a racontée à propos de France Télécom et, surtout, de La Poste. Il s'agissait d'une histoire racontée non pas à des enfants, comme il l'a dit l'autre jour, mais à des petits enfants. Aller chercher Les trois petits cochons, Nif-Nif, Naf-Naf et Nouf-Nouf pour nous convaincre ne me paraît pas tout à fait à la hauteur des enjeux.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

C'est pour que vous compreniez, monsieur le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Sur la valse à trois temps, chacun en pensera ce qu'il veut, car si certains aiment la valse à trois temps, d'autres préfèrent les valses plus entraînantes.

Tout le monde n'a pas, un jour, dansé à Vienne.

Nous avons tout de même eu droit au cours de ces débats à un morceau d'anthologie parlementaire. Je suis donc sûr que notre ami Henri Jibrayel va rester dans les annales de cette assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Il le mérite étant donné la brièveté de son parcours et de son ascension à la tribune – c'était, paraît-il, la première fois qu'il y montait car il y est resté à peine une minute.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Défendre une motion de renvoi en commission en une minute et ensuite, se carapater, cela mérite…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Je pourrais citer un autre morceau d'anthologie : la prestation haute en couleurs et en tonalité de notre ami Roy, mais je lui laisse le soin de s'applaudir tout seul. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Pour ce qui concerne l'histoire, François Brottes a raison : c'est une loi proposée par Alain Juppé, alors Premier ministre, en date du 26 juillet 1996, qui a fait de France Télécom une société anonyme. Cela n'a pas soulevé de débats de cette ampleur à l'époque, ni au Sénat ni à l'Assemblée Nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

En revanche, la directive du 15 décembre 1997 a bien été signée par Lionel Jospin. La gauche, le parti socialiste en particulier, a toujours éprouvé des difficultés pour transposer les directives. Il ne devait pas y avoir de majorité pour le faire entre 1997 et 2002.

Nombre de stratagèmes ont alors été utilisés. Un projet de loi, rapporté par François Brottes, a bien existé, mais il n'a jamais pu faire le parcours de la table de rédaction jusqu'au bureau de l'Assemblée nationale. Deux propositions de résolutions ont alors été soumises afin de se mettre en règle avec la directive, toutes deux rapportées par François Brottes, décidément intarissable sur le sujet. La première, du 10 décembre 2000, demandait aux instances européennes de reculer la date de transposition de la directive au 31 décembre 2004.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

La demande n'a pas prospéré, et une autre résolution, en date du 26 octobre 2001, n'a pas eu plus de résultat que la première.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

La France a ensuite fait l'objet de deux recours devant la Cour de justice des communautés européennes.

Enfin – et je vais m'accorder quelque mérite – c'est la loi de 2005 que j'ai rapportée qui a éteint ces recours qui menaçaient la France de paiement sous astreinte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Cette fois encore, les deux résolutions ont été signées par un président de l'Assemblée nationale que nous avons beaucoup apprécié : Raymond Forni. Aujourd'hui l'incident est clos, mais il convient de reconnaître à la majorité d'avoir eu le courage d'effectuer ces transpositions.

Nous sommes maintenant près du but ; encore quelques heures et nous aurons transposé la directive de 2008. De plus, nous ferons bénéficier La Poste d'un certain nombre d'améliorations qui figurent dans le texte, notamment concernant les ouvertures au public, grâce à un amendement proposé conjointement par le président Ollier et moi-même auquel M. Brottes s'est joint. Il n'est donc pas totalement absent : lorsqu'il voit que la charrette est bonne, il monte dedans. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) J'espère qu'ainsi il va continuer à nous aider à transposer cette directive et finalement accepter, rassuré par toutes les garanties et les garde-fous qu'a rappelés le ministre, que nous donnions à La Poste les moyens de se battre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. Didier Migaud, qui a souhaité dire quelques mots en qualité de président de la commission des finances, ayant été cité dans les débats.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Ça n'est pas la charrette, c'est le coup de pied de l'âne !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Je ne sais pas si dans votre esprit je suis l'âne…

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Avant que ne s'engage le débat sur les articles je souhaite répondre à l'interpellation de notre collègue, et de mon ami François Brottes, afin de préciser brièvement les conditions dans lesquelles j'ai appliqué l'article 40 de la Constitution aux amendements déposés sur ce projet de loi.

Seuls quatorze amendements ont été frappés d'irrecevabilité, soit à peine 3% du total des amendements déposés sur ce texte. En application d'une jurisprudence constante, La Poste peut se voir appliquer l'article 40, en dépit de son statut d'établissement public à caractère industriel et commercial, et, malgré que nous soyons un certain nombre à le regretter, de future société anonyme. Cette application est la conséquence d'une part de deux de ses missions de service public, et d'autre part du statut applicable à une partie de son personnel.

La Poste bénéficie en effet d'une subvention de l'État pour l'application de sa mission de transport et de distribution de la presse.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Par ailleurs, la mission d'aménagement du territoire est financée par un fonds national de péréquation, abondé par un allégement de fiscalité locale. Or, comme vous le savez, cette fiscalité locale relève de l'article 40.

Enfin, La Poste emploie des fonctionnaires dont le régime de retraite relève également de l'article 40, tout comme leur droit à orientation ou à réintégration au sein de la fonction publique d'État.

J'ai cherché à faire une application souple de l'irrecevabilité financière afin de favoriser le débat, en n'écartant que les charges à la fois directes et certaines. J'ai donc déclaré recevable des amendements prévoyant divers aménagements du maillage territorial postal dans la limite des 17 000 points de contact posée à l'article 2 bis. J'ai également estimé que des amendements imposant le maintien du capital public de La Poste ne conduisaient pas directement à une mobilisation de moyens financiers supplémentaires.

En revanche, j'ai dû constater l'irrecevabilité d'un amendement portant à 17 091 le nombre des points de contact dans la mesure où le texte adopté par le Sénat s'en tenait à 17 000.

S'agissant de la procédure elle-même, je rappelle que, en application du nouveau règlement de notre assemblée, il appartient au président de la commission saisie au fond d'exercer le contrôle de la recevabilité financière des amendements. C'est ce qui a conduit le président Ollier à déclarer plusieurs amendements irrecevables avant leur examen en commission. Le règlement ouvre également la faculté au président de la commission saisie au fond de consulter le président de la commission des finances ; j'ai été saisi, dans ce cadre, de deux amendements, que j'ai déclaré recevables.

En conclusion, je vous rappelle que j'étais l'auteur, avec le président Jean Arthuis, d'une proposition de suppression de l'article 40 de la Constitution. Cependant faute d'avoir pu vous convaincre de supprimer cet article l'an dernier, mon intention est de continuer à faire preuve d'une certaine souplesse dans l'application cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Je souhaite ainsi admettre plus systématiquement la recevabilité des charges dites « de gestion » qui peuvent être assurées au sein des administrations concernées par un redéploiement approprié des moyens.

J'envisage également, et je soumettrai une proposition dans ce sens à la commission des finances, de limiter les rigueurs de l'article 40 aux seuls amendements ayant pour conséquence directe et immédiate la création ou l'aggravation d'une charge publique.

J'espère que ces éléments répondront à vos questions, et je veux vous répéter que cet article 40 existant, il faut l'appliquer. Nous nous efforçons de le faire avec la souplesse nécessaire pour ne pas brider l'initiative parlementaire mais ces règles s'imposent à nous s'agissant d'un texte constitutionnel. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Mes chers collègues, nous allons maintenant aborder la discussion des amendements. Il y a 439 amendements à discuter. Toutefois, le groupe socialiste, qui a déposé 313 amendements ne dispose plus que de 19 minutes et 28 secondes pour les défendre.

Tel n'est pas le cas des autres groupes qui ont encore suffisamment de temps pour débattre de leurs amendements pendant plus de six heures. Il n'est donc pas possible de ne pas tenir une séance de nuit, sauf si chacun fait de grands efforts de concision.

Je vous propose d'apprécier vers 20 heures si les conditions d'une séance prolongée sont vraiment réunies.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

J'appelle maintenant dans le texte de la commission les articles du projet de loi.

Je suis d'abord saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels avant l'article 1er.

La parole est à M. François Brottes, pour défendre l'amendement n° 18 . Comme l'on dit dans les cabinets anglo-saxons : The clock is on ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

C'est une menace, monsieur le président, mais je ne la prends pas comme telle.

Tous les amendements avant l'article 1er, ainsi que tous les amendements sur l'article 1er, ont été défendus par mes soixante collègues et moi-même lors de la discussion générale.

(L'amendement n° 18 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 19 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. Daniel Paul pour soutenir l'amendement n° 96 .

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Par cet amendement, qui se contente de reprendre les statuts actuels de l'EPIC, nous souhaitons réaffirmer les missions de service public essentielles qui échoient à La Poste. Le changement de statut étant censé n'avoir aucun impact sur la qualité des services rendus à nos concitoyens par le fleuron des services publics à la française, nous proposons de réintroduire ces missions à l'identique dans le texte du projet de loi.

La Poste exerce quatre missions de service public essentielles. La première est le service postal proprement dit. Il garantit à chaque citoyen de recevoir son courrier six jours sur sept à un tarif acceptable, permettant l'accès de tous à ce service. L'un des dangers majeurs de l'ouverture du capital et de la mise en concurrence de La Poste, est l'abandon du principe essentiel de continuité territoriale de ce service postal. Oserai-je rappeler à cet égard que la France est le pays le plus étendu d'Europe ? Il fait deux fois la superficie de la Grande-Bretagne pour la même population ; les Pays-Bas ou la Belgique, très différents sur cet aspect, ne peuvent pas plus servir de comparaison.

Cette question de la continuité territoriale est essentielle. Les territoires les moins accessibles risquent de ne plus être rattachés à un réseau postal à des tarifs abordables, ce qui constituerait une grave rupture d'égalité.

La deuxième de ces missions essentielles de La Poste est le service public de la presse. Il doit permettre aux éditeurs de presse de bénéficier de tarifs privilégiés pour une prestation de service postal dont la qualité est définie et contrôlée, et à chaque lecteur de recevoir à son domicile sur le territoire national les journaux auxquels il s'est abonné.

Troisième mission : le service public d'accessibilité bancaire qui doit être rempli par la Banque postale, au profit des catégories populaires, des habitants des territoires en difficulté économique, ou isolés. Le changement de statut peut ici faire craindre une réelle détérioration de l'accès au service bancaire pour tous, avec des frais minimums. Domiciliation des revenus, retrait d'argent liquide et émission des titres de paiement sont des prestations qui doivent être fournies à tous. Il est d'autant plus impérieux de le rappeler ici que la Banque postale se voit autorisée par ce projet de loi à commercialiser tout type de produit financier et assurantiel, y compris le crédit revolving. Certes des restrictions pourraient être apportées par des amendements ultérieurs au cours de cette discussion, mais, pour l'instant, le texte le permet en dépit des risques de surendettement que ce crédit comporte.

Enfin, la mission d'aménagement du territoire et de maillage territorial doit être réinscrite ; elle constitue la force des services publics à la française. L'entreprise a beaucoup communiqué sur le lien social fort qu'elle créé dans les territoires, mais le changement de statut risque de mettre en péril les solidarités et la présence de services publics dans les zones rurales en difficulté économique ou dans les petites communes.

L'adoption de cet amendement essentiel pour l'avenir de La Poste rassurerait quelque peu ceux que ce texte inquiète tant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

L'amendement est largement satisfait par l'article 2. Avis défavorable.

(L'amendement n° 96 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(Les amendements nos 12 et 16 , repoussés par la commission et le Gouvernement, et successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. Daniel Paul pour défendre l'amendement n° 104 .

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Cet amendement dispose que les principes qui guident l'activité du secteur public de la poste sont l'universalité, l'égalité, la neutralité, la confidentialité, la continuité et l'adaptabilité.

Dans votre réponse à la motion de procédure que j'ai défendue, vous m'avez reproché de ne pas avoir mentionné parmi les principes qui régissent le service public le principe de mutabilité, qui est l'un des quatre définis par les lois de Rolland au début du siècle avec ceux d'égalité, de neutralité et de continuité. Cette leçon de droit public manquait toutefois de précision. Certes, les services publics ne sont pas immuables. Même si, à vos yeux ils paraissent quelquefois inutiles, ils satisfont l'intérêt général, qui n'est pas immuable, mais évolue avec les progrès technologiques et la demande sociale. Le principe de mutabilité, ou d'adaptabilité, permet cette évolution. S'il autorise l'administration à agir unilatéralement, parfois au détriment de l'usager, c'est toujours au nom d'un intérêt général supérieur. Néanmoins l'usager possède tout de même un certain nombre de droits qu'il peut faire respecter.

Après tout, l'objectif de l'adaptation reste la satisfaction des usagers. Le principe de mutabilité garantit à ces derniers un droit au fonctionnement normal du service public qui se traduit au minimum par un accès normal à ce service. Or ouvrir des bureaux de poste quelques heures par jour ou quelques jours par semaine, ce n'est pas tout à fait ce qu'on peut appeler la normale.

En pratiquant ainsi, vous vous opposez aussi aux principes de continuité et d'égalité d'accès au service public. Les principes de neutralité, d'égalité, de continuité et de mutabilité sont complémentaires et forment un tout.

Vous invoquez le principe de mutabilité. C'est peut-être le seul que vous pouvez invoquer, en effet, à l'appui de ce projet de loi ; encore le feriez-vous à mauvais escient car aux mutations que vous imposez, il n'y a pas de contrepartie pour l'usager.

En revanche, vous oubliez sciemment la signification du principe de neutralité. Souvent cantonné au champ de la liberté d'expression, ce principe dispose que le service public doit être guidé par l'intérêt général sans être influencé par les intérêts privés.

Vous rompez le principe d'égalité en réservant aux communautés les plus isolées et à leurs habitants le « privilège » de récupérer leur courrier en même temps que leur baguette de pain. Au fond, vous faites économiser du temps aux gens : simple rationalisation. Vous ferez aussi gagner de l'argent aux actionnaires en réduisant les coûts de fonctionnement : simple question de rentabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Sur votre motion, monsieur Paul, j'ai répondu de façon lapidaire. Cependant puisque vous me donnez l'occasion de développer ma réponse, je le fais rapidement.

D'abord, la neutralité, la continuité et l'égalité ont été reconnus comme des principes à valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel ; c'est le cas, par exemple, pour le principe de neutralité, dans une décision du 18 septembre 1986. Quant à l'universalité du service postal, elle a été garantie par les directives européennes – dont tout le monde ici ne vote pas la transcription en droit français – qui ont une autorité supérieure à celle de nos lois. Ce principe est transcrit notamment dans l'article L.1 du code des postes et des télécommunications électroniques.

La confidentialité en matière postale est protégée par la répression de la violation du secret des correspondances.

Enfin la mutabilité est un principe général du droit reconnu par la jurisprudence administrative et s'applique même sans texte. Un arrêt du Conseil d'État prévoit qu'il n'existe pas un système de droits acquis universel dans ce domaine, et qu'on suit les évolutions de la société. L'histoire humaine est un fleuve qui traverse des paysages qui ne sont jamais les mêmes. Avis défavorable.

(L'amendement n° 104 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 17 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. Marc Dolez pour soutenir l'amendement n° 111 .

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Le but de cet amendement est de défendre la mission de cohésion sociale de La Poste.

Historiquement, un modèle de service public en réseau s'est progressivement imposé en France. Ce maillage traitait à égalité les régions dont l'isolement ou l'enclavement géographique n'autorisait pas une couverture suffisante des coûts, permettant ainsi d'assurer l'égal accès à ces services et le désenclavement des territoires les plus reculés.

La particularité des services en réseau justifie la présence d'un monopole public sur ces activités, qui permet seul d'assurer la continuité et l'harmonisation de l'accès aux services qu'ils procurent. Or votre projet de loi et les expériences étrangères en la matière n'augurent rien de bon.

Dans leur grande majorité les opérations financières ne pourront être effectuées dans les « points poste », qui sont pourtant censés offrir le même niveau de service que les bureaux de poste, par exemple les versements sur des comptes, l'envoi de mandats internationaux, les retraits par chèque à l'ordre d'un tiers ou les opérations de gestion de compte comme le changement d'adresse.

La réduction du nombre de bureaux de plein exercice est le résultat d'une restriction, par La Poste elle-même, des horaires dans ses bureaux de proximité. Dans les zones qu'elle a jugées trop peu rentables, elle a en effet transformé des bureaux de plein exercice en bureaux de proximité, limitant leur activité à une demi-journée, parfois à quelques heures par semaine, pour pouvoir ensuite mieux arguer de leur faible fréquentation afin de changer leur statut.

Ce que vous proposez à certaines catégories de la population, ce sont des services postaux au rabais, rompant ainsi l'égalité de traitement entre les usagers, bien qu'elle ait valeur constitutionnelle, ce qui rendra la vie des populations de zones peu peuplées plus difficile.

Nous ne pouvons plus accepter l'inégalité entre les territoires, donc entre nos concitoyens. Aujourd'hui, un tiers de notre territoire est en situation de repli, perd des habitants, des emplois, des activités, publiques comme privées.

Ce projet, prélude à la privatisation de La Poste est, à ce titre, un nouveau message, extrêmement négatif, adressé aux habitants de ces régions, et il est par conséquent nécessaire de le contrebalancer en réaffirmant les valeurs que se doit de défendre un vrai service public.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Cet amendement a une simple valeur déclarative, qui relève plutôt de la discussion générale, mais n'a pas d'effet juridique. Défavorable.

(L'amendement n° 111 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(Les amendement nos 20 et 11 , repoussés par la commission et le Gouvernement,et successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. Daniel Paul pour défendre l'amendement n° 106 .

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Cet amendement dispose que « La Poste s'engage à demander la réalisation d'un audit, dans la maison mère comme dans ses filiales, dressant un bilan des conditions de travail des salariés et de la multiplication des formes d'emploi précaire. Ce bilan tiendra également compte de la répercussion de cette politique du personnel sur les salariés comme sur la qualité du service rendu aux usagers. »

Je ne veux pas utiliser une actualité malheureuse, mais c'est quand même parce qu'elle est éclairante que nous demandons cet audit.

Monsieur le ministre, vous en êtes à la troisième étape de la libéralisation. Il en reste encore trois pour que La Poste devienne une entreprise privée. D'abord, vous ouvrirez le capital à des actionnaires privés, mais l'État restera majoritaire. Ensuite, l'État se contentera de 34 % du capital, ce qui lui laissera la possibilité de bloquer des décisions malheureuses ou dangereuses. Finalement viendra la troisième étape : vous ne serez plus ministre peut-être…

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Sûrement !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

…mais des gens comme vous, partageant les mêmes principes, faisant valoir que la baisse du volume de courrier, inéluctable certes, confieront l'opérateur public à des managers qui « sauront faire » et rétabliront la situation.

Avant que ce processus ne se poursuive, nous souhaitons qu'un document établisse combien vaut La Poste – on nous le dira sans doute – mais aussi ce qu'elle représente dans sa relation aux usagers. Au fond, nous suivons Alfred Stieglitz qui a dû dire au Président de la République que ce n'est pas seulement le PIB qui compte, mais aussi tout le reste. C'est un audit de cette nature que nous souhaitons sur un grand service public que vous êtes en train de dégrader.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Je peux vous répondre de façon assez précise sur les emplois précaires. La Poste n'emploie que 3,3 % de ses effectifs en CDD et 12 % des CDI sont à temps partiel. Dans ce domaine, La Poste est donc plutôt exemplaire et il n'y a pas de raison de demander un audit. Nous veillerons au reste et l'État s'en occupera.

(L'amendement n° 106 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

L'amendement n° 103 de M. Daniel Paul et de ses collègues est défendu.

(L'amendement n° 103 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir l'amendement n° 101 .

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Monsieur le ministre, vous allez dire que nous faisons du psittacisme. Il est vrai que nous répétons en permanence la même chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

En l'occurrence, nous demandons encore un rapport. Il s'agit à présent d'une étude approfondie sur les conséquences sociales de l'ouverture à la concurrence du secteur postal, rapport qui serait présenté au Parlement avant la promulgation de la loi.

Comme vous avez eu la sagesse – vous y avez tout de même été un peu contraint – de reporter cette opération au 1er mars, au lieu du 1er janvier, cela vous laisse deux mois et demi pour nous présenter ce rapport.

Je ne reviendrai pas sur tout ce que nous avons déjà dit, hier et avant-hier, sur la façon dont les choses se sont passées dans d'autres pays. Vous vous êtes réjoui que j'aie pris l'exemple de la Suède, parce que c'était l'exemple même, selon vous, de ce qu'il ne fallait pas faire, aucun garde-fou n'ayant été pris. À croire que les Suédois, finalement…

Debut de section - PermalienPhoto de François Loncle

Non, c'est maintenant un gouvernement de droite !

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Les faits remontent à 1993 !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

En tout cas, la façon dont les choses se passent là-bas est particulièrement malheureuse, mais il n'y a pas que la Suède.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Il y a aussi Cuba ! (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Mardi soir, j'ai cité les Pays-Bas ; la situation n'y est pas terrible non plus. Je pourrais également citer la Grande-Bretagne, où je me rends assez régulièrement, pas uniquement pour du courrier, mais aussi et surtout pour des raisons familiales. Ce n'est guère mieux dans ce pays.

Il ne serait donc pas mal, avant de franchir le Rubicon de la transformation de La Poste en société anonyme, de dresser un bilan le plus exhaustif possible de ce qui a été fait, de ce que cela a donné, des espoirs, éventuellement, qui étaient nés, parce que nous pouvons admettre que certains, fermant les yeux, se bouchant les oreilles, ont pu croire que des entreprises de réseaux, dont La Poste, pouvaient trouver leur bonheur dans la libéralisation. On voit aujourd'hui ce que cela donne. Je pense que, pour notre pays, qui a une très forte tradition dans ce domaine, il serait bon que ce bilan soit réalisé, de façon à éclairer, avant qu'il soit trop tard.

J'ai bien noté ce qu'a dit Marc Dolez hier soir, à la dernière phrase de son intervention : lorsque la gauche reviendra au gouvernement, elle aura comme mission essentielle de rétablir La Poste comme service public.

(L'amendement n° 101 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 24 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir l'amendement n° 109 .

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Il est défendu.

(L'amendement n° 109 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 15 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi de quatre amendements, nos 21 , 22 , 200 et 23 , pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 22 et 200 sont identiques.

Les amendements nos 21 , 22 et 23 sont défendus.

La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir l'amendement n° 200 .

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Nous proposons que, dans les six mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les possibilités de constitutionnalisation du service public national de La Poste.

Comme nous le savons tous, le texte de loi ne garantit absolument pas, malgré, monsieur le ministre, votre permanent exercice d'équilibriste, le caractère non privatisable de La Poste, et ce n'est pas le fait d'inventer un néologisme barbare qui pourrait y changer quelque chose.

Dans l'article 1er du projet de loi figure en effet noir sur blanc que le capital de La Poste est détenu dans sa totalité par l'État à la date de ses statuts initiaux. Cependant qu'en sera-t-il lorsque les statuts du groupe seront modifiés ? Conformément à la jurisprudence « GDF » du Conseil constitutionnel, en faisant perdre à l'entreprise publique son monopole, la présente loi permet la privatisation de La Poste.

La Poste mise en concurrence, ses activités ne relèvent déjà plus, juridiquement et de fait, d'un service public national au sens du préambule de la Constitution de 1946. Il existe aujourd'hui un consensus pour affirmer que la seule façon de rendre l'entreprise publique « imprivatisable », pour reprendre votre vocabulaire, c'est d'inscrire son caractère public inaliénable dans la Constitution.

Notre amendement n'a d'autre but que de promouvoir ce processus, et nous sommes surpris, puisque vous paraissez si sûr de vous, que vous n'acceptiez pas que ce soit inscrit dans la Constitution. Cela rassurerait les députés de l'opposition ainsi que certaines personnes qui, depuis les gradins, écoutent avec attention notre débat, particulièrement sur ce point.

(L'amendement n° 21 , les amendements identiques nos 22 et 200 et l'amendement n° 23 , repoussés par la commission et le Gouvernement, et successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(Les amendements nos 23 , 13 , 14 , repoussés par la commission et le Gouvernement, et successivement mis aux voix ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. Roland Muzeau, pour soutenir l'amendement n° 95 .

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Nous estimons que l'intitulé actuel de ce titre Ier tend à faire croire à l'ensemble des Français qu'il ne s'agit là que d'un simple toilettage de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom, bref d'une petite réforme, en somme, ne changeant quasiment rien à la situation de La Poste.

Or c'est bel et bien d'une transformation profonde qu'il s'agit et, derrière une formulation technique et d'apparence anodine, se cache en réalité un projet politique on ne peut plus clair : préparer les conditions juridiques d'une future privatisation de La Poste. J'en veux pour preuve l'irrecevabilité en commission de notre amendement au titre de l'article 40 qui visait simplement à rappeler les quatre missions de service public qui étaient jusque-là celles de La Poste.

Rien, si ce n'est la volonté de permettre à terme la privatisation de La Poste, ne justifie que l'on change le statut juridique de cette entreprise publique. La transformation de La Poste en société anonyme n'est aujourd'hui nullement justifiée sur les plans économique, structurel ou juridique. En effet, la forme actuelle de l'EPIC permettrait déjà de trouver un équilibre entre le service rendu à tous les Français et la rentabilité de l'établissement nécessaire à sa pérennité. Pour garantir un véritable service public de qualité assurant des missions de cohésion sociale primordiales, nous souhaitons donc que le titre Ier de ce projet de loi qui ouvre la voie à une privatisation inacceptable soit supprimé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Défavorable. La commission Ailleret s'est accordée sur la nécessité de trouver 2,7 milliards de financements complémentaires pour La Poste. L'État ne peut, sans prendre le risque d'une incompatibilité avec le droit communautaire, apporter seul de l'argent au capital de celle-ci. Ces financements pourraient faire l'objet d'accusations de favoritisme ou d'aides trop importantes de l'État. La transformation de La Poste en société anonyme était donc nécessaire pour prévenir ce risque.

(L'amendement n° 95 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Sur l'article 1er, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Patrick Roy.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

La guillotine est activée. J'ai donc quinze secondes pour sauver le service public de La Poste. (Sourires.)

Monsieur le ministre, je vous demande grâce : supprimez l'article 1er.

Damned ! Trop tard, je suis guillotiné ! (Rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Jibrayel

Nous avons passé pratiquement tout notre temps à essayer de convaincre le ministre et le Gouvernement de revenir sur cette volonté de changement de statut, exprimant, en dépit de l'invention du mot « imprivatisable », notre inquiétude quant aux fermetures de bureaux de poste et aux suppressions d'emplois.

Je considère que M. Proriol a été très peu élégant à mon égard, mais j'en comprends la raison. Lorsque j'ai demandé le renvoi du texte en commission, il s'est retrouvé bien seul pour essayer d'empêcher ce vote, et il lui a fallu presque une heure pour rapatrier des parlementaires de l'UMP. Je comprends donc qu'il soit vexé.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi des amendements identiques, nos 112 et 207 à 410 .

La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir l'amendement n° 112 .

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Cet article sonne tristement pour l'avenir de La Poste. Hier, dans leurs interventions, que nous serons tous d'accord pour qualifier de brillantes, M. Jean-Pierre Balligand et M. Michel Bouvard, ce dernier d'ailleurs président du comité de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, ont exprimé des opinions convergentes, même si certaines nuances n'en étaient pas absentes : plus d'inquiétude et de réticence chez l'un, une approbation prudente chez l'autre.

Vous en tirez sans doute, monsieur le ministre, la conclusion que M. Bouvard est un partisan acharné de la participation de la Caisse des dépôts au capital de La Poste. Il a posé des questions et rappelé un certain nombre de réalités. Il a en particulier laissé entendre que cela se passait sous le regard de Bruxelles et que l'investisseur que devenait la Caisse des dépôts devait être un « investisseur avisé ». Cela signifie tout simplement –M. Balligand n'a pas dit autre chose – qu'il faut que cela rapporte.

Cependant si, à un certain moment, il y a suspicion de sa part que l'investissement ne rapporterait pas suffisamment, Bruxelles serait amené à s'interroger sur le rôle d'un opérateur tel que la Caisse des dépôts dans le capital de La Poste. Les concurrents, eux aussi, pourraient s'interroger. Je ne parle pas des petites entreprises susceptibles de se positionner sur un marché de niche, mais des plus gros, qui pourraient se dire que la Caisse des dépôts ne joue pas son rôle d'investisseur avisé parce que le milliard et demi investi ne rapporte pas suffisamment et que le critère fixé par la directive européenne n'est pas respecté.

Par ailleurs, selon vous, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, l'État ne pourrait pas apporter 1,5 milliard au capital de La Poste. Mais si, au-delà de la convention qui le lie à La Poste s'agissant du service universel, l'État commençait déjà à prendre à sa charge ce qui relève intégralement de lui, de sa responsabilité, sans laisser à l'établissement public le soin de couvrir le déficit de certaines opérations, il en irait autrement. Il est une opération tout à fait symbolique à cet égard : la diffusion de la presse. Je suis complètement d'accord pour que l'opérateur public soit l'outil de l'État en ce domaine, mais c'est une responsabilité qui relève de l'État, pas de La Poste ; il devrait donc prendre en charge ce que cela coûte encore à La Poste malgré la convention. Ainsi, on apporterait à l'établissement public des ressources supplémentaires que la commission Ailleret a évalué à un milliard, et ce tous les ans. C'est une somme non négligeable ! L'État va donner 1,2 milliard – nous sommes donc quasiment dans les mêmes eaux –, mais pas tous les ans. De plus, aussi bien l'Europe qu'un autre opérateur ne pourrait trouver à y redire quoi que ce soit.

Il y a donc d'autres solutions. Il est vrai cependant qu'elles obligeraient l'État à ne pas laisser à La Poste le soin de payer ce qu'il devrait payer.

(Les amendements identiques nos 112 et 207 à 410 , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

(Les amendements nos 25 , 54 , 29 , 54 , 29 , 53 , repoussés par la commission et le Gouvernement, et successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. le rapporteur pour défendre l'amendement n° 6 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Cet amendement, déposé à titre personnel, n'a pas été examiné par la commission. En raison des retards pris lors de l'élaboration du projet de loi, l'amendement vise, pour des motifs de sécurité juridique, à reporter du 1er janvier au 1er mars 2010 la date de transformation de La Poste en société anonyme. À cet effet, à la première phrase de l'alinéa 2, le mot : « mars » est substitué au mot : « janvier ».

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

C'est déjà un recul ! (Sourires sur divers bancs.)

(L'amendement n° 6 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. Daniel Paul pour soutenir l'amendement n° 126 .

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Cet amendement vise à rendre inaliénable le capital de La Poste, qui demeurerait donc ainsi intégralement propriété de l'État. Je propose d'introduire dans cet alinéa le qualificatif « inaliénable » car je n'ai pas osé, de peur de choquer l'Académie française, reprendre le terme que vous avez utilisé, monsieur le ministre : « inprivatisable ».

De plus, je pense que, constitutionnellement, il n'y avait rien derrière, alors que l'inaliénabilité a un sens au regard du droit constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Défavorable. Ce petit amendement, bien rédigé, bien troussé, aurait pour effet s'il était adopté de faire obstacle à l'entrée de la Caisse des dépôts et consignations dans le capital de La Poste, ce qui créerait une grande incohérence dans le texte que nous proposons.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Je pensais que vous n'aviez pas remarqué, monsieur le rapporteur ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Je partage l'avis de la commission si bien expliqué par M. le rapporteur.

(L'amendement n° 126 n'est pas adopté.)

(Les amendements nos 27 et 28 , repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 26 et 201 .

La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l'amendement n° 201 .

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Cet amendement vise à réaffirmer que le capital de La Poste doit être entièrement et exclusivement détenu par l'État. En effet, aux termes de l'alinéa 3, c'est seulement à la date de publication de ses statuts initiaux que son capital est public. Nous proposons de ne pas limiter aussi étroitement dans le temps la détention par l'État de son capital car la moindre modification de ses statuts autoriserait implicitement l'ouverture du capital au privé. Il est impératif de mentionner que : « Le capital de La Poste est, dans sa totalité, détenu par l'Etat », sans restreindre cette disposition à une quelconque période.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Très bien !

(Les amendements identiques nos 26 et 201 , repoussés par la commission et par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Défendu !

(L'amendement n° 114 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. Daniel Paul pour défendre l'amendement n° 116 .

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Je rappelle que l'alinéa 3 de l'article 1er dispose : « À la date de la publication de ses statuts initiaux, le capital de La Poste est, dans sa totalité, détenu par l'État. ». Cela veut dire que ce ne sera plus le cas après, ce qui ouvre la boîte de Pandore. C'est pourquoi l'amendement vise à substituer au mot : « est », le mot : « demeurera ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

La gauche républicaine et citoyenne a décidément de la suite dans les idées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Avis défavorable.

(L'amendement n° 116 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 76 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 1er, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma