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Intervention de François Brottes

Réunion du 17 décembre 2009 à 15h00
La poste et les activités postales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Brottes :

Pour autant, notre rapporteur doit se souvenir du débat que nous avons eu lors de la transposition de la directive de 2002. Nous lui avons dit, à l'époque, qu'il n'était pas convenable de ne pas faire figurer dans la loi le prix unique du timbre, ni la garantie de la distribution du courrier au domicile de chacun, ni que la Banque postale était chargée d'une mission de service public dont devaient bénéficier les plus démunis, ce qui impliquait la création d'un service universel bancaire – toutes choses qu'il a refusées.

Nous lui avons également dit qu'il n'était pas convenable de permettre aux concurrents de La Poste d'écrémer et de ne conserver que les activités rentables, en laissant de côté les activités relevant de l'aménagement du territoire. Nous estimions nécessaire d'imposer certaines obligations en matière d'aménagement du territoire à ces concurrents, dans le cadre de la transposition de la directive. M. Proriol a estimé que tout cela était inutile et qu'il fallait laisser les opérateurs concurrents faire ce qu'ils voulaient, là où ils voulaient – on a même permis aux grands opérateurs, envoyant beaucoup de courrier, d'être leurs propres opérateurs postaux, ce qui n'a pas manqué d'enlever des clients à La Poste.

Après la transposition, je me souviens avoir dit que si la Banque postale n'avait pas un statut public garanti à 100 %, si elle n'avait pas à assumer une mission de service public consacrée par la loi, vous seriez obligés de banaliser le livret A, la Banque postale devenant une banque comme les autres : on m'a alors accusé de lancer des accusations sans fondement, bref, de faire un procès d'intention. Mais que s'est-il passé six mois plus tard ? Le Premier ministre a fait mine d'engager un recours contre la banalisation du livret A – un recours dont on n'a plus jamais entendu parler –, mais les choses ont bel et bien été acceptées et mises en place. De ce fait, une part des fonds gérés par La Poste lui a échappé pour partir vers ses concurrents – il s'agissait, le plus souvent, des plus gros livrets A. On a donc laissé à La Poste le soin de s'occuper des plus pauvres, tandis qu'on la privait de commissions sur lesquelles elle se rémunérait tant qu'elle avait le monopole de la distribution du livret A. Après cela, on vient pleurer parce qu'il manque des fonds à La Poste – tout en prélevant des dividendes, comme sur la SNCF, ce que la gauche n'avait jamais fait ! On explique qu'il faut trouver de l'argent à tout prix si l'on veut que La Poste s'en sorte, mais comment pourrait-elle s'en sortir, alors qu'on lui coupe les vivres, qu'on lui impose des concurrents qui lui taillent des croupières sur tous les marchés, et qu'on lui ponctionne des dividendes !

Je ne nie pas qu'il faille soutenir La Poste dans ses investissements, dans le cadre d'une mutation nécessaire pour son développement. C'est à l'État propriétaire de prendre ses responsabilités, et nul besoin pour cela de créer un nouveau statut ni de faire entrer le loup dans la bergerie. Or il va y avoir des actionnaires privés, les salariés, qui pourront évidemment revendre leurs actions, mais aussi la Caisse des dépôts. Celle-ci a-t-elle l'intention de faire du portage ou autre chose ? Je ne pense pas qu'elle soit présente par conviction, car son instance décisionnaire n'a pas exprimé le souhait, pour le moment, de prendre une part du capital de La Poste. Elle a, en revanche, fait savoir qu'elle n'avait pas l'intention de s'en tenir au rôle de sleeping partner, mais entendait bien poser des conditions. On ne sait rien de ces conditions, et je ne peux que regretter à nouveau que l'on discute d'un texte sans connaître le montant du capital de La Poste, sans savoir ce que la Caisse des dépôts vient y faire – bref, de nombreuses questions restent pour le moment sans réponse, et j'espère que nous obtiendrons des éclaircissements avant la fin des débats.

Quoi qu'il en soit, les conditions dans lesquelles la directive a été transposée ne nous paraissent pas satisfaisantes. J'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, monsieur le rapporteur, mais cela ne semble guère vous avoir ému. Il est vrai que vous êtes un homme plein de constance, un solide Auvergnat capable de courir le marathon, et que ce ne sont pas quelques réflexions de vos collègues socialistes qui sauraient ébranler vos convictions en matière de privatisation de La Poste.

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