Alternative Post, entreprise privée d'origine lyonnaise, s'étant développée et installée notamment en Seine-Saint-Denis, a récemment défrayé la chronique. Cette société contournait la loi qui lui interdisait de distribuer du courrier dont le poids était inférieur à 50 grammes, en substituant aux coordonnées postales des destinataires celles de leur « géolocalisation », c'est-à-dire la latitude et la longitude de leur boîte aux lettres ! Monsieur le ministre, si cette société a cessé aujourd'hui son activité, ce n'est pas parce que l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes l'a sanctionnée. Pourtant, considérant la réglementation actuelle, peu importe la rédaction de l'adresse du destinataire, c'est le poids du courrier qu'il reçoit qui compte. Alternative Post a cessé toute activité parce qu'elle est aujourd'hui en liquidation judiciaire. Depuis plus d'un mois, ses salariés ne sont plus payés et, dans son centre de Seine-Saint-Denis, ce sont près de 50 000 courriers destinés à des particuliers qui restent en souffrance.
Monsieur le ministre, la libéralisation que vous organisez est trop faiblement encadrée par la législation. Vous ne donnez pas aux autorités administratives auxquelles vous confiez la charge de veiller au respect des règles, les moyens nécessaires au bon exercice de leur mission.
Nous avons donc des raisons de craindre les conséquences de votre projet de loi sur le service public postal et, par voie de conséquence, sur le quotidien des habitants de nos quartiers. Mais ils ne sont pas les seuls. Notre économie et nos entreprises, bénéficient aussi tous les jours de ce service public. En effet, c'est grâce à un tel réseau de service public qu'une économie de la vente à distance a pu se développer. C'est grâce à un tel réseau de service public que les entreprises ont pu correspondre entre elles dans des conditions fiables et sûres, d'un point à l'autre du territoire.
Ce rôle économique du service public postal ne relève pas du passé. La diminution du volume du courrier ne doit pas occulter les besoins récurrents des entreprises en la matière et, notamment, celui d'un service public postal. Les entreprises qui se créent, que ce soit en zone franche urbaine ou dans des incubateurs, les PME, les très petites entreprises et nombre d'artisans, y compris en milieu urbain, ont besoin que ces garanties offertes par le service public postal soient pérennes. Pour tous ces acteurs de l'économie, notamment implantés dans les quartiers populaires, le service public postal demeure une nécessité.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le début de notre débat, vous n'avez cessé de nous rétorquer que votre projet de loi accompagnerait La Poste dans une nouvelle ère. Oui, nous pensons que La Poste doit se moderniser. Je pourrais d'ailleurs vous parler des heures – l'équivalent de celles que j'ai attendues en tant qu'usager – des conditions d'accueil indigentes pour un service public dans le bureau de poste dit des « 4 Routes » à La Courneuve. En quoi votre projet de loi assure-t-il que la modernisation de La Poste se fera au service de tous ? En quoi le passage en société anonyme engagera-t-il La Poste à investir dans les nécessaires travaux du bureau de poste que je viens de citer, à y affecter du personnel qualifié en plus grand nombre, alors qu'il n'est pas le plus rentable du réseau ? C'est bien là le fond du débat qui nous oppose : vous êtes prêt à abandonner le statut d'établissement public pour celui d'une société anonyme dans une vision relativement thatchérienne du siècle dernier. Nous défendons, au contraire, le fait que le statut public est la modernité d'aujourd'hui, adaptée pour remplir les missions de service public dans le cadre d'une économie mondialisée.
Monsieur le ministre, votre projet de loi ne convainc pas parce qu'il plaque, sur une réalité bien plus complexe et riche, une idéologie libérale qui a montré son échec sur l'ensemble de la planète l'année passée.
Que votre gouvernement et votre majorité rencontrent des difficultés à appréhender correctement cette réalité, nous pouvons le comprendre et nous sommes même prêts à vous aider dans votre rédemption de la philosophie du « tout marché ». Mais cela nécessite une seule chose : que vous renonciez à modifier le statut de La Poste. C'est pour cela qu'aujourd'hui comme demain, et comme dans la suite du débat dans cet hémicycle, nous resterons, chers collègues, mobilisés ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)