La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Je signale à l'Assemblée la présence dans les tribunes, d'une part, d'une délégation du Parlement de la République du Monténégro, conduite par son président, M. Ranko Krivokapic (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent) et, d'autre part, d'une délégation du Conseil de la Nation de la République slovaque, conduite par le président du groupe d'amitié République slovaque-France, M. Alexander Slafkovsky. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement applaudissent de nouveau.)
Je suis heureux de leur souhaiter la bienvenue en votre nom.
La parole est à M. Jean-Pierre Balligand, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie et des finances.
La crise financière fait apparaître chaque jour davantage les risques de placement.
Nous avons la chance en France d'avoir su garder un outil quasi unique qui assure la transformation de l'épargne populaire en investissement à long terme dans nos villes et dans nos territoires. C'est ainsi que la Caisse des dépôts prête à long terme pour financer le logement social, la politique de la ville, les tramways, les métros de nos cités. Pour ce faire, 100 % des livrets A collectés étaient jusqu'à présent centralisés à la Caisse des dépôts.
Dans la loi LME du 4 août, vous avez décidé de laisser 30 % de cet argent collecté aux banques.
Nous vous avions averti non seulement les membres du groupe socialiste mais également une partie non négligeable de nos collègues de l'UMP, et le président de la commission de surveillance en particulier, M. Bouvard, que les pressions que les banques exerceraient pour disposer de plus en plus de liquidités provenant du livret A seraient constantes.
Dans le projet de décret qui est soumis à la Caisse des dépôts ce soir, vous accélérez le mouvement et vous remettez en question l'engagement pris de ne pas descendre sous les 70 %. Pour 2009, 68 % seulement de l'argent collecté sera à la Caisse des dépôts, soit un cadeau de 5,5 milliards laissé aux banques. En 2010, 2,5 milliards d'euros seront de nouveau donnés, même chose en 2011, et 58 % de l'argent seulement sera centralisé.
Nous voulons vous poser deux questions sur cette affaire, qui relève du Parlement d'ailleurs puisque nous sommes les gardiens de cette épargne administrée.
La première porte sur les missions d'intérêt général. Ne pensez-vous pas qu'elles ne sont plus sauvegardées à l'échelle de 2010-2011, que le logement social, la politique de la ville et les transports en site propre sont en question ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La seconde porte sur les risques. Alors que n'est réellement utilisé, vous l'avez reconnu, que 52 % de l'argent collecté dans le LDD, le livret de développement durable, l'ancien CODEVI, qui doit servir les PME-PMI, le reste allant au bilan des banques, qu'en sera-t-il dans le dispositif que vous êtes en train de mettre en place ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur le député, la loi de modernisation de l'économie du 4 août visait trois objectifs : élargir le livret A à l'ensemble des établissements bancaires pour que tous nos concitoyens puissent se servir auprès de l'établissement de leur choix, favoriser l'accessibilité bancaire et financer le logement social et la politique de la ville.
Aujourd'hui, plus de 160 milliards d'euros sont centralisés auprès de la Caisse des dépôts et consignations, que vous connaissez bien. C'est une augmentation trois fois supérieure à la moyenne des augmentations constatées au cours des dix dernières années. Nous pouvons nous en réjouir. C'est le signe que nos concitoyens font confiance à ce bon instrument d'épargne.
J'avais pris deux engagements lors de nos débats, que 70 % de l'épargne collectée sur le livret A et sur le LDD soit bien consolidée auprès de la Caisse des dépôts et consignations, et que les sommes centralisées auprès de la Caisse permettent le financement de la politique de la ville et du logement social.
Lorsque l'on regarde les sommes qui seront ainsi centralisées, on atteint l'objectif des 70 % dès lors que l'on agrège livret A et LDD. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Premier engagement tenu.
Second engagement, j'avais dit que nous financerions la politique de la ville et du logement social. Aujourd'hui, les besoins de financement du logement social représentent 92 milliards d'euros. Avec 160 milliards d'euros, accordez-le moi, on finance. Nous avions pris ensemble une précaution supplémentaire, nous avions décidé de financer à 125 %. Avec 160 milliards d'euros, on finance au-delà des 112 milliards d'euros que constituent les 125 %.
Nous avons tenu les trois objectifs et les deux engagements, pour le respect de l'épargne des Français et de la politique de la ville. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, mesdames et messieurs les ministres, je vous invite à respecter la durée qui vous est impartie pour vos questions et vos réponses, afin que tous puissent bénéficier de la retransmission. Je serai particulièrement vigilant sur ce point.
J'appelle également ceux qui troublent nos travaux par des cris intempestifs à bien vouloir se maîtriser. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Pierre Gosnat, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, vous avez été interrogé hier par l'un de nos collègues et, une nouvelle fois, vous n'avez pas répondu à la question. Comme d'habitude, vous vous êtes fâché tout rouge, au point qu'il commence à se dire, dans les cours d'école, que vous êtes le Père fouettard de l'éducation ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Quand nous évoquons le profond malaise et le mécontentement qui traversent le monde de l'école, vous nous nous renvoyez sans cesse à « ces familles, à ces parents, à ces élèves » qui, si j'ai bien compris, encourageraient votre politique, que vous appelez abusivement « la réforme ». Parlons-en !
Tout d'abord, il est évident que cette attitude vise délibérément à diviser notre peuple sur cette question essentielle de l'école, alors qu'il serait de votre responsabilité que l'école soit la base d'acquisition des connaissances et de la culture pour tous, un facteur déterminant de réduction des inégalités sociales. C'est précisément ce que vous ne voulez pas qu'elle soit, pas plus que votre gouvernement, parce que vous êtes du côté des privilégiés. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.) Les privilèges, ce n'est pas uniquement la fortune, mais aussi le savoir.
Non, monsieur Darcos, vous ne voulez pas de réforme. Tout, dans votre politique, va dans le sens du conservatisme, d'un retour en arrière, où il n'est plus question que l'éducation soit une priorité de la nation – cela se vérifie dans votre budget 2009. C'est une politique supprimant des milliers de postes d'enseignants et de personnels administratifs, techniques et de santé, où l'élève n'est plus au coeur de l'éducation : quand il vient à perdre pied, il n'a plus comme avant un réseau éducatif à ses côtés pour l'aider à refaire surface.
Pour une fois, monsieur le ministre, écoutez ce qui vient de la rue et d'ailleurs, car le mouvement s'amplifie. Ce n'est pas simplement un mouvement de protestation ; il porte en lui des revendications, des idées, la réforme vraie !
Vous ne pouvez pas vous contenter d'illusoires concertations comme celle de la réforme du lycée, qui n'a été qu'un rendez-vous manqué. Vous ne pouvez pas non plus continuer à user de la menace et du bâton pour mettre en cause le droit de grève.
Ma question est simple. À vingt-quatre heures d'un mouvement de très grande ampleur dans l'enseignement, seriez-vous d'accord pour dire aujourd'hui et maintenant : « J'entends ce qui se dit dans cette assemblée et dans le pays, j'ouvre le débat et la négociation » ?
Merci, monsieur le ministre de l'éducation et des couches-culottes ! (Vives protestations sur les bancs des groupes UMP et NC. – Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC. )
Monsieur le député, la chute de votre question est à l'image de votre imprécation. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Plutôt que de toujours répéter les mêmes formules, pourrait-on regarder les défis auxquels est aujourd'hui confrontée l'éducation nationale ? Ces défis sont clairs.
Ce sont 15 à 20 % des élèves qui sortent de l'école primaire avec des lacunes, et ces élèves n'appartiennent pas aux couches sociales les plus favorisées.
Ce sont des collégiens qui ne bénéficiaient pas jusqu'à présent des moyens aujourd'hui offerts par l'accompagnement éducatif pour lutter contre les discriminants sociaux qui pèsent sur eux.
C'est un lycéen sur deux qui, après le baccalauréat, n'aura aucun diplôme de l'enseignement supérieur au bout de trois ans.
Il ne suffit pas de demander des moratoires et des moyens supplémentaires, parce que s'il ne s'agissait que de cela, nous ne connaîtrions pas la situation dans laquelle nous sommes aujourd'hui. Oui, nous réformons : pour les élèves, pour les familles, pour les professeurs que vous essayez en vain d'opposer à ma politique.
Nous travaillons pour les élèves en apportant du soutien scolaire à tous ceux qui en ont besoin…
…à savoir deux heures pour les élèves de l'école primaire, l'accompagnement éducatif au collège, la réforme du lycée – laquelle, contrairement à ce que vous venez de dire, a été menée dans une parfaite concertation, puisque nous avons signé un accord avec toutes les organisations syndicales sur les principes qui la sous-tendent.
Nous travaillons pour les familles. C'est ce que nous ferons demain, parce que les travailleurs, que vous prétendez défendre, veulent travailler, et ils souhaitent que l'on s'occupe de leurs enfants.
Nous travaillons également pour les professeurs. Ne cherchez pas à m'opposer à eux : je l'ai été moi-même ! Nous consacrerons 410 millions d'euros en 2009 à l'amélioration de leur condition.
Je vous en prie, ne parlez pas de défis d'une manière formelle. Vous êtes du côté de la réaction, du refus, de la négation ; nous, du côté du progrès ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Nouveau Centre.
Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Vendredi dernier, Laurent Lafon, maire de Vincennes, a été agressé dans son bureau, par quelqu'un qu'il recevait comme nous recevons tous régulièrement des administrés. Il a été roué de coups de poing au visage, jeté au sol et roué de coups de pied par un individu à qui il avait eu le front de refuser un passe-droit pour une place en crèche. L'agresseur a été interpellé et traduit devant un juge : celui-ci a estimé judicieux de ne pas lui infliger de comparution immédiate et de le remettre en liberté (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe NC), et ceau prétexte que l'agresseur est un ingénieur qui gagne plus de 7 000 euros par mois et qu'il ne représenterait pas un danger pour la société. Quelques jours avant, un sans domicile fixe, interpellé alors qu'il volait dans une consigne de gare, avait été immédiatement traduit en comparution immédiate et condamné à quatre mois de prison ferme !
Madame la garde des sceaux, les élus Nouveau Centre, comme j'en suis sûr tous mes autres collègues, sont évidemment indignés, non seulement par l'agression, mais aussi par l'absence de réaction de la justice. La Fontaine est toujours d'actualité : « Selon que vous serez puissant ou misérable, la justice n'est pas la même », écrirait-il aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC, SRC et GDR.) On lit ici et là que des magistrats se plaignent d'être maltraités. Que devraient dire les élus de la République ? On n'ose imaginer la réaction des magistrats si c'était un juge qui avait été roué de coups ! (« Absolument » sur de nombreux bancs des groupes NC et UMP.) Gagner 7 000 euros par mois doit-il valoir autorisation de prendre son maire pour un punching ball ?
Comme tous mes collègues, vous-même, qui êtes maire d'arrondissement, savez que les élus sont très exposés. La justice se doit de les protéger. Je vous demande donc, au nom des élus Nouveau Centre, ce que vous pensez de cette affaire et quelles instructions vous allez donner au parquet qui, lui, a essayé de soutenir l'élu victime. Comment sensibiliser les cours au nécessaire respect des officiers de police judiciaire que sont les maires et, plus globalement, au respect des élus de la République que nous sommes ? (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
La parole est à Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur Lagarde, je partage votre réaction tout à fait indignée contre cette agression inadmissible, totalement lâche et inacceptable. Agresser un élu, c'est agresser toute la République.
L'agresseur a été interpellé et déféré devant le parquet. Le procureur avait demandé son placement en détention provisoire. Le juge de la détention et des libertés, en toute indépendance, a décidé de ne pas le placer en détention. (« Scandaleux ! » sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)
Ce n'est pas aux magistrats qu'il faut s'en prendre, mais à la ministre de la justice ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
L'agresseur a été placé sous contrôle judiciaire en attendant sa prochaine comparution. L'audience aura lieu le 19 janvier. Je vous prie de croire que j'ai donné des instructions extrêmement strictes : le procureur prendra des réquisitions strictes et exemplaires s'agissant de cette agression.
Je rappelle que la justice à une mission : protéger les Français, en particulier ceux qui sont tous les jours au service des autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC .)
La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Les Français, plus que jamais attentifs au sort de la planète et désireux de participer aux actions visant à relever le défi climatique, se sont retrouvés dans la démarche puis les conclusions annoncées du Grenelle de l'environnement. L'Assemblée nationale ne s'y est pas trompée : elle a adopté à la quasi-unanimité le premier projet de loi qui lui a été soumis et qui reprenait l'essentiel de ces orientations. Le Gouvernement, conformément à la feuille de route fixée par le Président de la République, a aussitôt demandé à des experts de travailler dans le cadre de comités opérationnels, afin de décliner de façon très pragmatique les orientations du Grenelle de l'environnement.
Ce fut le temps des propositions. Le comité opérationnel « Énergies renouvelables », dont M. le ministre d'État Jean-Louis Borloo m'avait confié la présidence, a retenu des mesures pratiques et précises. Sans les détailler ici, j'en rappellerai les principaux objectifs : faire de la France le leader européen pour la part consacrée aux énergies renouvelables ; faire entrer le Grenelle de l'environnement dans chaque foyer français ; pousser au développement de toutes les filières accessibles ; soutenir la recherche ; favoriser la croissance grâce aux emplois verts ; simplifier les démarches administratives pour ceux qui veulent implanter des filières d'énergies renouvelables que ce soit sur le plan individuel ou collectif.
Aujourd'hui vient le temps de l'action. En cette semaine largement consacrée aux énergies renouvelables, vous avez annoncé, monsieur le ministre d'État, toute une série de mesures. Je souhaiterais que vous présentiez à la représentation nationale l'essentiel de celles que vous envisagez de prendre et de nous soumettre dès l'année prochaine, afin que nous soyons au rendez-vous de la révolution écologique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Monsieur Lenoir, permettez-moi d'abord de vous remercier d'avoir présidé le comité opérationnel « Énergies renouvelables » qui regroupait tous les professionnels, afin que la France qui se trouve dans une situation paradoxale – avec des énergies renouvelables importantes mais presque uniquement hydroélectriques – double ses capacités globales et les multiplie même par quinze dans le secteur des énergies renouvelables dites traditionnelles.
Un changement d'échelle de cette nature repose sur une somme de décisions : simplifications administratives, formation professionnelle, aide budgétaire, création d'un fonds chaleur, soutiens fiscaux, modifications de statut fiscal : par exemple, une personne recourant à l'énergie photovoltaïque passait sous statut professionnel avec paiement d'une taxe à la clef. Bref, un ensemble de mesures va nous permettre d'atteindre les objectifs fixés dans des délais extrêmement courts.
Le programme représentera 25 milliards d'euros d'investissements par an dans les années à venir, et 120 000 emplois par an dans les deux ans.
J'attire aussi votre attention sur un point essentiel : les énergies renouvelables font l'objet d'une bataille mondiale prioritaire. Tous les pays du monde s'y engagent. Nous avions et nous possédons encore des technologies exceptionnelles : nous avons inventé les centrales solaires, l'hydroélectricité, les usines marémotrices, la géothermie municipale. Dans le domaine maritime, avec l'IFREMER, nous sommes les meilleurs au monde. C'est une source d'emplois pour la France. C'est aussi une technologie qui peut nous permettre de nous positionner comme un leader mondial dans les grandes branches professionnelles indispensables pour alimenter la planète en énergie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, depuis le début de la législature, vous réécrivez le code du travail, détricotant d'abord, détruisant ensuite, matraquant enfin, jour après jour, les droits acquis par les salariés au fil du temps.
Déplafonnement des heures supplémentaires, fin des RTT, disparition du repos compensateur, explosion des forfaits jours, retraite à soixante-dix ans… Et tout cela au nom de la liberté un jour, de la modernisation le lendemain, de la compétitivité, voire du progrès le surlendemain. Quel cynisme !
Face à la crise, vous amplifiez votre politique de suppression progressive du droit des salariés, en vous attaquant désormais au repos dominical par la généralisation du travail le dimanche. Ce faisant, vous commettez une triple erreur. Une erreur économique, d'abord, puisque vous dites en attendre de la croissance. Comment les gens pourraient-ils dépenser le dimanche l'argent qui leur manque pendant la semaine ? Pensez plutôt à revaloriser les salaires pour leur donner du pouvoir d'achat !
Une erreur sociale, ensuite. Regardez fleurir les positions des syndicats de salariés, des petits commerçants, des organisations socioprofessionnelles. Vous dites faire appel au volontariat des salariés, comme si, notamment en période de crise, le lien de subordination entre salarié et employeur n'existait pas !
La femme élevant seule ses enfants, le chômeur qui ne peut refuser plus de deux propositions d'embauche, l'étudiant dont la famille ne peut plus payer les études sont-ils libres devant l'employeur, quand celui-ci leur demande insidieusement : êtes-vous volontaires pour travailler le dimanche ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Une erreur sociétale, enfin et surtout. La course à la surconsommation est votre priorité, au détriment du Grenelle de l'environnement – et au profit de qui ?
Généraliser le travail dominical en ouvrant les centres commerciaux, les crèches et les services se fera au détriment de la vie familiale, de la vie associative, du sport, de la culture et de la détente.
Monsieur le Premier ministre, confirmez-vous votre intention de répondre à la crise économique, à celles du pouvoir d'achat et des centres urbains en autorisant les infractions au principe du repos dominical ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
L'erreur politique la plus grave, monsieur Eckert, est de ne pas entendre les Français et leurs inquiétudes (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) : c'est celle du parti socialiste depuis des années.
Que répondez-vous à ces Français qui, aujourd'hui, travaillent le dimanche dans des enseignes lasses de payer des astreintes à cause d'une réglementation dépassée ? Rien.
Que répondez-vous aux étudiants ayant fait le choix de travailler le dimanche plutôt que tous les soirs de la semaine, et qui peuvent ainsi toucher un revenu conséquent ? Rien non plus.
Que répondez-vous, enfin, à ces enseignes situées dans des zones touristiques, enseignes qui attendent une modernisation de la législation afin de rester ouvertes le dimanche ? Encore rien. Ne trouvez-vous pas aberrant, monsieur Eckert, qu'un magasin où l'on trouve des lunettes de soleil puisse ouvrir ce jour-là, contrairement à son voisin, qui vend des lunettes de vue ? Que répondez-vous au salarié qui travaille dans le premier ? Toujours rien.
Notre réglementation est à bout de souffle : 180 dérogations ont été accordées ; plus personne ne s'y retrouve.
Nous avons donc décidé de clarifier les choses, et de permettre l'ouverture dominicale dans les zones touristiques et celles de plus d'un million d'habitants, d'une grande attractivité commerciale : tel est le sens de la proposition de loi de Richard Mallié, lequel a rencontré, à de nombreuses reprises, les acteurs et les partenaires sociaux.
Ce texte vise à autoriser l'ouverture dominicale dans les zones que j'indiquais, moyennant un doublement de la rémunération : le jeu doit en valoir la chandelle pour les salariés et reposer sur le volontariat ; un volontariat non seulement inscrit dans la loi, monsieur Eckert, mais aussi précisé dans les entreprises via le dialogue social.
Telle est la réalité du texte. Nous voulons protéger les Français directement concernés, quand vous refusez de les entendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Michel Raison, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.
Le 16 juillet dernier, nous avons voté la loi instaurant le droit d'accueil de tous les enfants scolarisés dans les écoles primaires en cas de grève des personnels de l'éducation nationale.
Cette loi était très attendue par les familles françaises. Depuis longtemps, les enseignants sont libres de choisir de s'exprimer en exerçant leur droit de grève – un droit qui leur est acquis et n'est ni contestable, ni contesté,…
…comme d'ailleurs le droit de ne pas faire grève.
Le service minimum d'accueil est un nouveau droit que nous instaurons en faveur des parents d'élèves – un droit tout aussi légitime que celui des enseignants. Grâce à lui, les parents sans solution de garde pour leurs enfants peuvent tout de même aller travailler les jours de grève.
Travailler les jours de grève, travailler le dimanche, et puis travailler le 1er janvier et les autres jours fériés…
Le rôle des élus est de faire respecter le droit de chacun : celui des enseignants, mais aussi celui des parents d'élèves. Les maires doivent appliquer les lois de la République, qu'elles satisfassent leurs opinions ou non.
Il y va de l'honneur des maires républicains !
À la veille d'une grève à l'éducation nationale, nous sommes nombreux à regretter, et surtout à dénoncer l'attitude de certains maires, qui refuseraient d'appliquer la loi. Ils entendent condamner le Gouvernement, mais ce sont les parents qu'ils pénalisent en leur enlevant un droit légitime ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Que diraient ces mêmes élus si le droit de grève était bafoué comme l'est dans leurs villes le droit d'accueil des enfants scolarisés ?
De nombreux maires – à commencer par celui de Luxeuil-les-bains – ont mis en place le service minimum d'accueil, souvent avec le concours consciencieux de l'éducation nationale et, dans les plus petites communes, de bénévoles.
Quel premier bilan dressez-vous, monsieur le ministre, du fonctionnement de ce nouveau service minimum d'accueil ? Que ferez-vous vis-à-vis de ceux qui refuseraient de l'appliquer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Vous avez raison de rappeler, monsieur le député, qu'il s'agit d'une loi et que, comme toutes les lois, elle s'impose aux élus. Il va de soi que j'ai demandé aux préfets d'être extrêmement vigilants quant à son application. (Protestations sur les bancs du groupe GDR ; exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Cette loi, votée par le Parlement, rend service aux familles.
J'entends ressasser les mêmes objections. Est-ce aux maires, nous dit-on, d'assurer la mise en oeuvre de ce service ? C'est pourtant eux qui se chargent de l'accueil des élèves tôt le matin, en fin de journée, les mercredis ou encore dans les cantines. Pourquoi ne feraient-ils pas les jours de grève ce qu'ils font le reste de l'année ? (Protestations sur les bancs du groupe GDR.) Qu'en sera-t-il de la sécurité, nous dit-on encore ? Mais se pose-t-on la question pour l'accueil des enfants le matin ou pendant les activités d'éveil ? Et je rappelle que cette sécurité est garantie par l'État !
On nous dit enfin que les volontaires seront trop peu nombreux : je ne le crois pas. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) L'État remboursera chaque heure de service de garde à hauteur de 18 euros : les volontaires ne manqueront pas d'y trouver un intérêt économique.
Au fond, l'enjeu n'est pas là. Pourquoi le service minimum d'accueil fonctionne-t-il à Marseille, à Nice ou à Toulon, et pas à Toulouse ou dans d'autres villes socialistes ?
Ce n'est pas parce que l'application de la loi fait débat, mais parce que le parti socialiste est divisé. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous refusons que les Français soient les otages du Parti socialiste ! Songez que certains élus, comme le maire de Paris, qui avaient d'abord consenti à appliquer la loi, ont finalement changé d'avis pour des raisons purement tactiques ! Nous, nous défendons l'intérêt des familles ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Martine Aurillac, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme.
Demain, 20 novembre, sera fêté le dix-neuvième anniversaire de la signature de la Convention des droits de l'enfant, que la France a été la première à ratifier, dès le 7 août 1990.
En effet, l'enfant est une personne. Ce principe fondateur de cette convention internationale n'est malheureusement pas encore suffisamment connu ni appliqué. Les maltraitances physiques, les violences morales tout aussi destructrices, en famille, à l'école, sur Internet, ont été maintes fois dénoncées. Et les images cruelles qui nous viennent quotidiennement du monde entier disent assez la détresse de millions d'enfants, affamés, parfois blessés, souvent exploités, sur notre terre.
Or une société peut se juger à l'aune de l'accueil qu'elle fait à ses enfants. Si la générosité des associations constitue une aide particulièrement précieuse, voire indispensable, l'État y a une responsabilité éminente dont il ne saurait s'affranchir. Vous le savez, madame la secrétaire d'État, vous qui, dès votre arrivée, vous êtes attachée avec pugnacité, conformément aux souhaits du Président de la République, à donner ses lettres de noblesse aux droits de l'homme.
Mais, au moment où le périmètre de l'Europe compte désormais vingt-sept membres, la protection des droits de l'enfant ne peut se réaliser dans un cadre purement national. Il y faut aussi une véritable coopération.
Alors, en cet anniversaire du 20 novembre, institué journée mondiale des droits de l'enfant, pouvez-vous nous dire les efforts que vous mettez en oeuvre dans ce combat au quotidien, pour une cause que nous voulons tous défendre, et comment vous comptez, dans un domaine où notre pays a donné l'exemple, faire encore mieux entendre la voix de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme.
Madame la députée, vous avez raison de souligner l'importance de la journée internationale des droits de l'enfant.
Comme vous le savez, les droits de l'enfant sont ma priorité. Dans les sociétés en crise ou en guerre, dans les sociétés traditionnelles, les enfants sont souvent les premières victimes, comme les femmes victimes de la maltraitance, de la pauvreté, des conflits armés et de l'exploitation sexuelle.
La France est en première ligne sur cette question et a pris de nombreuses initiatives en la matière. Financières, d'abord, puisque nous sommes l'un des quinze premiers contributeurs de l'Unicef, avec 14 millions d'euros. Ensuite, nous avons ratifié les principaux instruments de protection de l'enfance, la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant et les deux protocoles facultatifs, notamment sur la vente d'enfants, la prostitution enfantine et la pédo-pornographie.
Par ailleurs, nous avons activement soutenu l'adoption par l'Union européenne des lignes directrices sur les droits de l'enfant en 2003, puis en 2007, ce qui nous permet, d'abord, de définir une doctrine, ensuite, de lancer un plan d'action et, enfin, de mettre en place des mesures concrètes pour financer sur le terrain des actions en faveur des enfants.
Enfin, nous avons pris à bras-le-corps le fléau des enfants soldats. Ils sont 250 000 dans le monde, de la Birmanie – pays qui en compte le plus grand nombre – au Sri Lanka, en passant par la République démocratique du Congo. Nous sommes à l'origine de la création d'un groupe de travail au Conseil de sécurité des Nations unies, qui nous permet de promouvoir des mesures de protection de l'enfance.
En 2007, nous avons également été le pays qui a hébergé la conférence « Libérons les enfants de la guerre », sur les enfants soldats. Depuis, j'ai mené une campagne sur le plan universel pour rallier dix-sept nouveaux États aux engagements pris à Paris, qui sont, en fait, des mesures de réinsertion des enfants soldats.
Nous avons également relevé notre contribution financière, créé des attachés de coopération, notamment en Afrique, pour lutter contre ce phénomène.
Je terminerai en disant que la protection des droits de l'enfant passe aussi par la protection des enfants privés de famille et, en ce sens, je voudrais citer la réforme de l'adoption internationale, initiée par le Président de la République. Dans cette réforme, il y a un point important : la création d'un fonds de coopération pour la protection de l'enfant, qui a été doté de 3 millions d'euros, et que je suis en train de lancer.
Enfin, à titre expérimental, le réseau des volontaires de l'adoption a été créé.
Vous avez raison, madame la députée, de souligner l'importance de cette journée internationale. Je suis à vos côtés pour faire en sorte que ce sujet reste une priorité pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à le M. le ministre de l'éducation nationale et concerne l'avenir de l'éducation populaire et du réseau associatif qui l'assure à travers tout le pays, alors que, demain, le monde enseignant sera dans la rue.
Monsieur le ministre, vous avez décidé unilatéralement, donc une fois de plus sans concertation, de désengager l'État du financement des associations qui, à côté de l'école, participent à la diffusion et à la démocratisation de la connaissance, dans le respect du principe de laïcité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Votre charge récente contre l'éducation populaire s'est organisée en deux temps. Premièrement, vous venez de supprimer, pour 2008, année déjà bien entamée, 25 % du financement des actions conventionnées par votre ministère. Parce que cette décision intervient à un moment où toutes les actions de l'année sont très largement engagées, elle met volontairement en péril l'équilibre financier des associations. Deuxièmement, vous avez annoncé qu'à partir de la rentrée de septembre 2009, votre ministère ne reconduirait pas le soutien apporté aux associations par la voie d'emplois d'enseignants détachés.
Cette seconde décision revient à réduire de près de 70 % leur financement.
En imposant à l'éducation populaire ces nouvelles règles du jeu, vous n'ignorez pas, monsieur le ministre, que les associations devront abandonner la plupart de leurs activités et laisser tomber de nombreux projets éducatifs au détriment des enfants les plus défavorisés. Ce n'est bien évidemment pas le secteur marchand qui s'occupera d'eux. Vous allez donc accroître encore davantage les inégalités au sein de notre système éducatif.
En effet, de telles décisions n'ont rien à voir avec de simples restrictions budgétaires, compréhensibles dans une période de crise économique majeure comme celle que nous connaissons en ce moment. Non, de telles décisions traduisent en fait la volonté politique de programmer la disparition du mouvement associatif d'éducation populaire et l'affaiblissement des valeurs qu'il porte et diffuse auprès des jeunes de notre pays : la liberté, la solidarité, l'égalité et la laïcité.
Sous couvert d'économies budgétaires drastiques, c'est bien un combat, une croisade idéologique que vous menez. Décidément, monsieur le ministre, nous n'avons pas les mêmes valeurs ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Pourquoi n'assumez-vous pas votre choix politique d'affaiblir les réseaux d'éducation populaire ? Pourquoi promouvoir un système éducatif à plusieurs vitesses en abandonnant des structures citoyennes qui soutiennent les élèves les plus en difficulté ? Enfin, quand accepterez-vous de recevoir ces associations pour trouver, avec elles, les solutions qui s'imposent afin de sortir d'une situation budgétaire devenue intenable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la députée, je voudrais vous rappeler comment les choses se présentent. L'éducation nationale a pour partenaires des associations qu'elle respecte et avec qui elle entretient des relations soutenues et très anciennes : je citerai, entre autres, la Ligue de l'enseignement, les Francs et franches camarades, les Éclaireurs, la Jeunesse au plein air. Il n'est pas question d'interrompre ces collaborations.
Ainsi, chaque année, une subvention leur est versée, assortie d'un certain nombre de mises à disposition. J'ai simplement souhaité que leurs programmes qui intéressent l'éducation nationale et correspondent à la politique qu'elle veut conduire soient négociés avec ces associations. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous ne subventionnons pas à l'aveugle des organismes et des permanents (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), mais nous négocions régulièrement avec ces associations ce que nous considérons comme des projets prioritaires.
Et si vous acceptez de faire l'effort de lire les cahiers budgétaires, vous aurez bien du mal à démontrer que nous avons diminué les subventions des associations complémentaires du service public ! Nous avons en effet inscrit, à ce titre, 74 millions d'euros en 2008 et 115 millions en 2009 parce qu'elles participeront à l'accompagnement éducatif. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Au lieu de répéter des choses inexactes, constatez la cohérence de la politique éducative ! Nous avons des projets. Nous les négocions avec nos partenaires, que nous subventionnons lorsqu'ils concourent à la politique éducative de la nation. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Jacques Pélissard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre de l'intérieur, l'article 89 de la loi du 13 août 2004, vous le savez, pose le principe du financement par les communes de résidence de la scolarisation d'enfants dans les écoles élémentaires privées extérieures au territoire communal.
Cet article a suscité de vives réactions de la part des maires, qui craignaient une déstabilisation de leur école publique. Voilà pourquoi, depuis la publication de la loi, l'association des maires de France a demandé que l'article 89 soit appliqué dans le respect du principe de parité entre enseignement privé et public, posé par la loi du 31 décembre 1959 et qui n'apparaît pas clairement dans la circulaire d'application. En mai 2006, l'AMF a pris part à un accord entre État et enseignement catholique, qui a permis un compromis équilibré sur cette question sensible.
Or ce compromis a été mis à mal par un jugement du tribunal administratif de Dijon du 28 février 2008. Au cours de l'été, j'ai obtenu votre accord, madame la ministre, ainsi que celui du ministre de l'éducation nationale et du secrétaire d'État aux collectivités locales, également disposés à accueillir favorablement une modification législative de ce texte.
Cette modification pourrait soustraire les communes de résidence à l'obligation de participer aux dépenses de fonctionnement liées à la scolarisation d'un enfant dans une école privée extérieure, comme pour l'enseignement public – à condition, naturellement, qu'elles puissent l'accueillir dans leur propre école publique, et abstraction faite des cas dérogatoires prévus par l'article L.212-8 du code de l'éducation nationale.
Dans ce cas, l'article 89 serait purement et simplement abrogé. Cette question est importante pour tous les maires de France.
Madame la ministre, quelle suite législative entendez-vous donner à cette demande collective ? (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP, SRC et GDR.)
Monsieur Pélissard, la loi de 2004 visait en effet à réaffirmer le principe de parité entre l'enseignement public et l'enseignement privé sous contrat. L'article 89 tendait quant à lui à fixer les modalités concrètes du financement d'un fonctionnement conforme à ce principe.
De toute évidence, un problème de rédaction a provoqué des réactions que je qualifierai de diverses, et, par conséquent, plusieurs difficultés.
Le Gouvernement, en concertation avec l'AMF, que vous présidez, monsieur Pélissard, et avec les représentants de l'enseignement privé, a travaillé à la rédaction d'un nouveau texte, et une proposition de loi en ce sens est actuellement devant le Sénat. Elle tend à abroger l'article et définit précisément les situations dans lesquelles le financement par les communes de résidence sera obligatoire. Les conditions de ce financement sont exactement les mêmes que celles qui s'appliquent à l'enseignement public.
La parité est donc strictement respectée, conformément aux souhaits qui s'étaient exprimés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe NC.)
Avec Xavier Darcos, nous souhaitons vivement que ce texte, fruit d'un large consensus et d'un travail pédagogique dans lequel vous vous êtes beaucoup impliqué, monsieur Pélissard, puisse être appliqué dans les meilleurs délais, ce qui mettra fin à des polémiques locales totalement inutiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe SRC et du groupe GDR.)
La parole est à M. Olivier Carré, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services, vous exercez la tutelle du réseau des chambres de commerce et d'industrie, dont l'objectif premier est le service aux entreprises.
Les CCI sont des établissements publics administratifs, leur organisation est donc directement concernée par la révision générale des politiques publiques qui a été engagée par le Gouvernement. Elles contribuent, ne l'oublions pas, aux politiques de développement des bassins économiques. À ce titre, elles ne pourront pas rester insensibles aux réflexions qui s'engagent aujourd'hui sur l'organisation territoriale de notre pays. Bref, les chambres de commerce ont un rôle important à jouer dans la modernisation de notre économie, dont je sais à quel point elle vous tient à coeur.
Pour toutes ces raisons, vous avez lancé, dès l'été dernier, une vaste concertation avec le réseau des CCI. Un débat s'est engagé au sein de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie afin d'aboutir à une réforme ambitieuse visant à la fois à une meilleure lisibilité de leur action et à une plus grande efficacité au service des entreprises.
Pourriez-vous nous préciser, monsieur le secrétaire d'État, comment vous envisagez de conduire à son terme le processus de modernisation des chambres de commerce ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.
chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Monsieur le député, vous posez une question intéressante parce que le réseau des chambres de commerce et d'industrie joue, comme vous l'avez souligné avec raison, un rôle essentiel dans le développement économique, dans l'accompagnement des entreprises, dans la création-reprise, et je profite de l'occasion pour leur rendre hommage.
Dès 2004, ce réseau s'est engagé dans une politique de rationalisation de ses structures. N'oublions pas en effet que le prélèvement qui pèse sur les entreprises pour financer les organismes consulaires est important, puisqu'il s'élève à 1,2 milliard d'euros. Cette réforme lancée dès 2004 a abouti à de réels résultats, notamment la rationalisation de la couverture territoriale, mais elle est passée un peu à côté de ce qui aurait dû en être le fond, à savoir le renforcement de l'échelon régional.
Très naturellement, comme vous l'avez indiqué, le réseau des chambres de commerce et d'industrie s'est coulé dans les décisions portées par le Président de la République et le Premier ministre et prises par le conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril, qui demandent une réforme ambitieuse.
Les chambres de commerce et d'industrie se sont mises au travail. De grands débats se sont engagés, qui ne sont pas médiocres puisqu'il s'agit d'assurer à la fois une couverture de services de proximité aux entreprises et un renforcement de l'échelon régional.
Le 25 novembre prochain, l'Assemblée générale des chambres de commerce et d'industrie se réunira et un projet, j'en suis convaincu, sortira de ses délibérations. À ce moment et à ce moment seulement, le Gouvernement prendra ses responsabilités et traduira devant la représentation nationale les orientations qui auront été retenues.
L'ambition du Gouvernement est bien sûr de moderniser le réseau, de diminuer le prélèvement qui pèse sur les entreprises et d'améliorer le service qui leur est rendu par les organismes consulaires. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'intérieur.
Nous commencerons dans quelques heures à étudier le texte permettant «un découpage électoral ». C'est un texte d'actualité, important et nécessaire, compte tenu des évolutions démographiques, qui doit permettre à chaque citoyen de voir respecter son droit de suffrage, fondement de notre démocratie.
Or nous sommes, et avec nous tous ceux qui observent cette procédure, particulièrement inquiets sur la méthode utilisée par le Gouvernement, dont je veux donner trois exemples.
Il n'a été procédé à aucune concertation préalable des différents partis politiques, particulièrement de ceux de l'opposition, pour participer à l'élaboration des textes de loi.
Bien que la commission figure dans notre Constitution, elle se voit, par sa composition et par le rôle que vous lui donnez, réduite à une chambre d'enregistrement, alibi de transparence plus que garantie d'impartialité.
Enfin, les propositions permettant de garantir la transparence, la neutralité et l'équité de ce travail qui, par nature, devrait être débarrassé de tout caractère partisan, n'ont aucunement été prises en compte.
Notre inquiétude augmente encore quand nos collègues de la majorité, de retour dans leur circonscription, font savoir à la presse que les choses sont décidées avant même que les textes aient été discutés, ou quand l'un d'eux, après avoir rencontré un membre du Gouvernement, affirme dans la presse locale – je tiens sa déclaration à votre disposition – : « Alors, le tripatouillage, c'est dans l'intérêt de nos administrés... Certes, si on peut faire basculer le conseil général à droite à travers ce redécoupage, au moins, on ne prendra personne en traître ». (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Cela n'est pas admissible, madame la ministre, et nous nous opposerons à ce qu'au charcutage de M. Pasqua succède le « tripatouillage », pour reprendre l'expression de votre ami, de Mme Alliot-Marie. (« C'est scandaleux ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Elle est essentielle pour notre démocratie : allez-vous donner à nos concitoyens, car c'est de l'expression de leur vote qu'il s'agit ici, des garanties de transparence, de neutralité et d'équité qui ne figurent pas à ce jour dans la méthode choisie par le Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR.)
La parole est à M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.
à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le député, les textes qui composent ce que l'on nomme le « paquet électoral » visent à corriger une carte électorale basée sur un recensement vieux de vingt-six ans, à prendre en compte les écarts de population les plus importants et tout simplement à respecter l'article 3 de la Constitution relatif à l'égalité des citoyens devant le suffrage universel. Il répond ainsi à une demande expresse du Conseil constitutionnel.
Sans agressivité, je me permets de vous rappeler que ce projet de réajustement de la carte électorale aurait dû, aux termes de la loi, intervenir en 1999. Mais les gouvernements qui se sont succédé se sont bien gardé d'y procéder.
Des garanties entourent ce réajustement, qui impactera une quarantaine de départements, soit moins de la moitié d'entre eux, soit par création soit par suppression soit par remodelage interne de circonscription, conformément à la règle des 20% relative aux disparités internes aux départements. Il sera mené de manière loyale, transparente et républicaine. Je l'affirme depuis que je rencontre les parlementaires venus au ministère de l'intérieur s'informer de notre méthode, et je le répète aujourd'hui devant la représentation nationale.
Les garanties sont de trois ordres. La première est l'encadrement juridique traditionnel par le Conseil d'État, qui a déjà examiné, décortiqué et amendé nos deux textes.
La seconde – très forte, vous en conviendrez – émane du Conseil constitutionnel, qui a validé les principes de répartition des sièges de 1985, sous le gouvernement de Laurent Fabius, M. Joxe étant ministre de l'intérieur, puis ceux de délimitation de 1986, que nous appliquons fidèlement dans nos ordonnances.
La troisième garantie est l'innovation juridique constitutionnelle – découlant de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 – liée à la création d'une commission indépendante composée pour moitié de magistrats et pour moitié de personnalités qualifiées. La nomination de ces personnalités sera soumise, si nos textes sont adoptés, au nouveau droit de veto des parlementaires sur les nominations les plus importantes. Cette commission pérenne devra, vous le savez, émettre un avis sur tous les choix relatifs à la répartition et à la délimitation des circonscriptions électorales.
Je précise enfin que notre loi constitutionnelle ne prévoyait pas, jusqu'ici, d'équivalent à cette commission.
Je développerai ces éléments à l'occasion du débat sur nos textes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Brigitte Barèges, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. Bernard Laporte, secrétaire d'Etat chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative. Elle porte sur la survie des clubs sportifs professionnels dans les villes de taille moyenne.
Ces clubs sont menacés par les conséquences du professionnalisme. Certains d'entre eux connaissent de sérieuses difficultés financières, faute d'un tissu économique local suffisant.
Par exemple, en football, celui de Sochaux est en position de relégable au classement de la ligue 1 ; en basket, Pau-Orthez est dernier de la ligue Pro A et Limoges, club mythique pour ce sport, joue actuellement en ligue Pro B.
L'histoire du rugby en France est aussi celle de ces villes moyennes, Lourdes, Agen, Bègles, Mont-de-Marsan, Dax, ou Toulon qui l'ont marquée mais qui aujourd'hui – Hubert Falco me pardonnera – ne jouent plus les premiers rôles.
Dans ma région de Midi-Pyrénées, berceau de « l'ovalie », Albi et Auch n'ont pu se maintenir dans l'élite, faute de moyens financiers. Quant à Montauban, le stade de la cuvette de Sapiac a du mal à remplir ses caisses alors que notre équipe tient bien sa place dans le « top 14 ».
Dans ces villes moyennes, les clubs de rugby sont des acteurs essentiels de la vie locale : ils y engendrent une importante activité économique et contribuent à en renforcer l'identité et le rayonnement. Les rugbymen du Rugby club toulonnais sont aussi célèbres que la rade de Toulon. Et peut-on imaginer Agen sans le rendez-vous dominical au stade Armandie ?
Ma question est la suivante : comment assurer aux clubs des villes moyennes le développement économique qu'ils méritent et leur permettre de disposer de budgets qui leur permettent de mieux résister aux clubs des grandes villes ? Peut-on, par exemple, envisager de reverser des droits télévisés supérieurs aux villes moyennes afin de rétablir une certaine équité ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative.
Madame Barèges, je veux d'abord vous féliciter pour le soutien que vous avez apporté depuis six mois au club de ligue professionnelle de votre ville, et sans lequel il aurait probablement été rétrogradé en juin ou en juillet. Les joueurs vous le rendent bien puisqu'ils font une saison extraordinaire. Si l'on rapportait les performances au budget des clubs, celui de Montauban serait, comme L'Aviron bayonnais cher à M. Grenet, parmi les trois meilleurs au plan national.
Mais pour répondre à votre question : non, on ne peut pas redistribuer la manne financière que constituent les droits télévisés en fonction de l'importance des villes où existent des clubs professionnels. Les grands clubs sont dans de grandes villes, ils possèdent les meilleurs joueurs, et c'est cela aussi qui fait la valeur des droits de retransmission.
Mais Eric Besson a remis un rapport sur la compétitivité des clubs de football au niveau européen. Ce rapport contient beaucoup d'idées intéressantes dont je m'inspirerai dans le projet de réforme du sport professionnel que je présenterai en mars 2009. J'en cite trois.
Il s'agit, en premier lieu, de reconnaître le caractère d'intérêt général des enceintes sportives, ce qui procurera de nouvelles recettes. Ainsi en 2006, lorsque les stades allemands ont été rénovés, les clubs qui y jouent ont enregistré 30 % de recettes supplémentaires : les spectateurs y viennent maintenant deux heures avant et y restent deux heures après le match.
Les stades rénovés sont des centres de vie et aussi de profit.
Ensuite, la mesure la plus importante sera de réformer les statuts des sociétés sportives et d'examiner la question du numéro d'affiliation à la fédération, sans couper le cordon ombilical avec le sport amateur. Il s'agit surtout d'attirer les investisseurs en leur assurant une certaine sécurité.
Enfin, la direction nationale d'aide et de contrôle de gestion devra aussi jouer un rôle de conseil. Si elle avait joué ce rôle pour Montauban en mars, vous n'auriez pas connu les difficultés qui ont suivi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est avec une grande tristesse et beaucoup d'émotion que nous avons appris la mort, le 18 septembre dernier, de notre collègue Jean Marsaudon.
Cet homme de soixante-deux ans, qui fut des nôtres pendant quinze ans, nous a quittés trop tôt. Né à Paris en 1946, Jean Marsaudon fut d'abord ingénieur. De sa vie professionnelle d'avant son entrée en politique, il avait gardé le sens du travail et des réalités concrètes. Le responsable public qu'il devint n'oublia jamais qu'il était de ceux qui avaient un métier. Il y trouvait un fondement supplémentaire à la liberté d'esprit et de ton qui était sienne.
Si Jean Marsaudon eut un métier, il eut aussi un destin : la vie publique et la politique. Gaulliste ardent, la politique était pour lui un combat et un engagement de tout son être, une passion. Pendant vingt-cinq ans, ce fut sa vie.
En 1983, à trente-sept ans, Jean Marsaudon est élu pour la première fois et entre en politique pour ne plus la quitter. Il devient alors maire de Savigny-sur-Orge et conseiller général de l'Essonne. Il servira si bien sa ville, à laquelle il était profondément attaché, que les Savigniens reconduiront son mandat à chaque échéance, jusqu'à sa brillante réélection aux dernières municipales.
En un quart de siècle de mandat municipal, Jean Marsaudon a transformé Savigny. Crèches, écoles, équipements en tout genre : c'est à sa détermination et à son engagement obstiné que Savigny doit d'être ce qu'elle est aujourd'hui. Son conseil municipal et ses collaborateurs à la mairie se souviendront toujours du maire exemplaire et de l'homme attentif et attachant que fut Jean Marsaudon.
En 1993, Jean Marsaudon entre à l'Assemblée nationale. Élu député de la 7e circonscription de l'Essonne, il sera réélu à chaque échéance. Jean Marsaudon, ancien auditeur à l'Institut des hautes études de la défense nationale, fut un membre éminent de la commission de la défense. Ses combats furent nombreux. Il se battra contre l'insécurité et le terrorisme ; il défendra l'environnement ou les personnes handicapées, et il s'opposera vigoureusement à la chasse à courre ou aux corridas. À l'Assemblée nationale, dans l'hémicycle comme à la commission de la défense, il défendait ses convictions avec force et courage.
Car, au-delà de ses réalisations, Jean Marsaudon, c'était un style, un ton. Et ce n'est pas sans raison qu'on surnommait l'homme de terrain et d'action qu'il était, le « taureau de Savigny ».
Grand patriote et grand admirateur de Napoléon, Jean Marsaudon aimait la France avec passion.
Il était de ceux pour qui la politique n'est pas séparable d'une ferveur chaleureuse et puissante, faite de courage, de souci de l'autre et de désir d'agir. Il était de ceux pour qui la politique vient du coeur. Il était de ceux pour qui la politique est le courage de l'action au service des plus ardentes convictions.
Fidèle à ses idéaux, Jean Marsaudon a loyalement servi ses concitoyens et son pays. Il était un homme de passion, un homme d'engagement. Il nous manquera.
À son épouse, à sa famille, à ses proches, à ses amis du groupe UMP, je renouvelle, au nom de notre assemblée, l'expression de notre peine et de notre profonde sympathie.
(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent quelques instants de silence.)
La parole est à M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
Madame, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, Jean Marsaudon nous a quittés trop vite.
Longtemps, Jean Marsaudon a incarné, dans sa ville de Savigny qu'il adorait, dans l'Essonne, et dans tout le pays, les valeurs gaullistes, foncièrement républicaines et démocratiques. Il était, avant tout, attaché à sa terre d'élection et soucieux de ce qu'il pouvait faire pour son pays.
Jean Marsaudon, ingénieur, élu maire de Savigny en 1983, gérera jour après jour et transformera pendant vingt-cinq ans une commune à laquelle il finira par s'identifier. Je me souviens que, lors de visites de la ville en sa compagnie, il me parlait de la couleur des dalles de la station de RER, ou de celle des réverbères. Sur les chantiers, il appelait chacun par son prénom : il connaissait tout le monde à Savigny, et tout le monde savait qui était le maire de Savigny.
Féru d'histoire et admirateur de Napoléon ainsi que du maréchal Davout – son lointain prédécesseur à la mairie, dont un buste occupe toujours le hall de l'hôtel de ville –, il a incarné avec vigueur les valeurs qui font encore la force du tissu politique de notre République. Par ses engagements, à Savigny, au conseil général de l'Essonne puis à l'Assemblée nationale à partir de 1993, il incarnait de nombreux combats : contre la chasse à cour, pour la défense de l'agriculture et celle d'un certain nombre de valeurs dans un profond respect pour l'armée, La Marseillaise ou le drapeau, qui n'était pas motivé par le nationalisme, mais par son attachement viscéral à la République.
Il s'est battu sur les questions liées à l'international et à la défense au sein de la commission de la défense comme il se battait sur le plan politique pour défendre l'héritage des valeurs léguées à la France par le général de Gaulle.
Savigny, le général de Gaulle, Davout et, finalement, la France : plusieurs passions animaient Jean Marsaudon, parlementaire d'exception qui a mené son combat jusqu'au bout. Á ses obsèques, était présents, non seulement, tout Savigny, mais aussi, tous ceux qui, au-delà des clivages politiques, se reconnaissaient dans ce républicain et ce patriote exemplaire.
Je présente les condoléances du Gouvernement à son épouse, à sa famille, à tout Savigny, à la commission de la défense, au groupe UMP et à l'ensemble des députés.
(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent quelques instants de silence.)
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq.)
L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2009 (nos 1127, 1198 à 1203).
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Monsieur le président, madame la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, mesdames et messieurs les députés, nous voici parvenus au terme du long débat sur le projet de loi de finances pour 2009.
Ce millésime est bon, mais il ne fut pas ordinaire. J'avais souhaité – et vous partagiez mon souhait – inscrire ce budget dans une perspective de moyen terme, en vous proposant d'examiner et de voter au préalable un projet de loi de programmation pluriannuelle sur l'ensemble des finances publiques, en application de la révision constitutionnelle.
Le sort a voulu que ce débat soit éclipsé par les turbulences de l'actualité immédiate, puisque les quelques semaines qu'a duré notre discussion auront finalement été davantage marquées par le contexte de crise financière. Cette discussion aura, en effet, été ponctuée, d'une part, par l'adoption d'un projet de loi de finances rectificative destiné à assurer le financement de l'économie, en accordant un certain nombre de garanties de l'État au fonctionnement du secteur bancaire, et, d'autre part, par la révision du cadre macroéconomique et des recettes budgétaires que l'évolution de la conjoncture impose.
Si le vote des amendements correctifs aura lieu au Sénat c'est parce que le règlement de votre assemblée ne nous permettait pas de voter la révision des recettes en seconde partie. Cependant, le président Migaud a souhaité, à juste titre et fort opportunément, qu'un débat soit organisé en début de semaine sur cette révision. Nous avons donc pu échanger en toute transparence à propos du contexte dans lequel s'inscrit la loi de finances.
De fait, l'évolution prévisionnelle des recettes a beaucoup retenu notre attention et a concentré les commentaires. Pour autant, elle ne doit pas occulter l'essentiel des dispositions que vous avez votées au cours des dernières semaines et que vous allez, je l'espère, confirmer cet après-midi.
Le budget n'est pas le concours Lépine des experts en conjoncture.
Pour l'essentiel, il consiste à voter, non pas une prévision, mais des autorisations, notamment de dépense. Un budget traduit d'abord des orientations politiques claires. Ces orientations – qui relèvent, non pas de la prévision, mais de l'action – n'ont pas changé au cours de nos débats, car elles s'imposent à court terme, pour amortir la crise ; à moyen terme, pour préparer l'avenir et tirer au mieux parti de la reprise lorsqu'elle viendra – et elle viendra – ; à long terme, enfin, pour conserver le contrôle de nos finances publiques.
Permettez-moi de revenir quelques instants sur nos orientations en matière de maîtrise et d'efficacité de la dépense, ainsi qu'en matière d'amélioration de la fiscalité et de stratégie budgétaire face aux aléas de la croissance.
L'efficacité de la dépense se traduit par une évolution du montant global de crédit qui suit celle de l'inflation, en dépit de la dynamique des charges d'intérêt et des pensions. Même si beaucoup d'amendements ont été adoptés, vous n'avez pas souhaité modifier significativement ce montant global, et je vous en remercie. Cette nuit, par exemple, nous avons gagé par des économies sur toutes les missions le surcroît de crédits destinés à faire face à la crise sur le front de l'emploi et du soutien aux petites et moyennes entreprises.
Vous avez eu raison de suivre le Gouvernement sur cette maîtrise raisonnée de la dépense. Toutes les économies que nous proposons ont été documentées au cours de la révision générale des politiques publiques. Elles ne nuisent en rien à la qualité des services publics et à la conduite des politiques publiques.
Dans un certain nombre de cas, au cours de ce débat, nous nous sommes adaptés, de manière raisonnée et responsable, au contexte économique, notamment en matière de politique de l'emploi, que ce soit pour ajuster le volant d'emplois aidés ou pour remettre en cause une économie sur les cotisations des salariés à domicile qui était, il est vrai, mal venue dans la conjoncture présente. Vous avez également apporté votre pierre à l'édifice, l'initiative la plus symbolique étant celle du président Accoyer, qui a souhaité geler en euros courants les crédits de votre assemblée.
L'amélioration de la fiscalité est très notable dans ce projet de loi de finances – je pense notamment à l'imposition forfaitaire annuelle des sociétés. La conjoncture nous conduit en effet plutôt à sécuriser les recettes, pour reprendre l'excellente expression de votre rapporteur général, qu'à précipiter la baisse des impôts.
Cette amélioration de la fiscalité est très significative dans le domaine environnemental, avec par exemple le prêt à taux zéro pour rénovations thermiques. Elle l'est tout autant au regard du courage et de l'opiniâtreté politique dont nous avons fait preuve dans la lutte contre la prolifération des niches fiscales et le recours abusif aux niches qui n'étaient pas plafonnées.
Nous avons trouvé, me semble-t-il, un équilibre juste et judicieux, avec, d'un côté, le bouclier fiscal qui empêche la taxation abusive et, de l'autre, des mesures destinées à limiter le recours abusif à des dispositifs permettant de s'exonérer de l'impôt. Je salue particulièrement le travail accompli par Gilles Carrez avec les élus des départements d'outre-mer. En matière de niches fiscales, nous sommes parvenus ensemble à mettre en oeuvre des dispositifs efficaces et adaptés.
L'orientation politique, c'est aussi d'indiquer en toute sincérité comment le Gouvernement compte réagir dans le cas où les évolutions conjoncturelles offriraient de nouvelles surprises – qu'elles soient bonnes ou mauvaises. Il n'est pas question de réagir à la crise et aux moins-values de recettes en augmentant les impôts et en aggravant les difficultés de l'économie – telle est notre position : sécurisation des recettes, mais pas de hausse des impôts. C'est d'ailleurs pour cette raison que je me suis opposé hier à un amendement, certes très bien intentionné, qui aurait autorisé les collectivités à réagir au ralentissement des transactions immobilières par une hausse des droits de mutation. Nous devons absolument éviter, dans la période que nous traversons, des décisions de ce type qui peuvent jouer le rôle d'amplificateurs de la crise.
En ce qui concerne les comptes de l'État, cette stratégie de bon sens nous conduit malheureusement à afficher pour l'an prochain des déficits plus élevés : 52,2 milliards d'euros ont été votés hier soir et, compte tenu des rectificatifs macroéconomiques, nous devons situer le déficit de 2009 à 57,6 milliards d'euros.
Je crois que cette stratégie n'est, de fait, pas réellement critiquée dans cet hémicycle, même si nos divergences persistent sur telle ou telle priorité budgétaire, sur tel ou tel élément constitutif de notre politique fiscale. Quoi qu'il en soit, nous avons apprécié tout au long des débats la qualité de nos échanges – des échanges fructueux qui nous ont parfois permis d'évoluer les uns vers les autres –, l'excellent climat qui a prévalu de jour comme de nuit, le travail remarquable de la commission des finances, de son rapporteur général et de son président, et de l'ensemble des députés des différents groupes. Je ne veux pas oublier de remercier également les services de l'Assemblée et des ministères pour nous avoir permis d'effectuer ce travail utile, efficace et porteur d'avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur le président, monsieur le ministre du budget, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, je tiens tout d'abord à vous remercier pour la qualité des débats autour de ce projet de loi de finances pour 2009, d'autant plus appréciable que l'urgence et la gravité de la situation actuelle nous interdisaient la moindre fausse note et imposaient un débat productif. Le rapporteur général et le président de la commission des finances ont fait tout leur possible pour que cette discussion soit efficace et productive, et je les en remercie.
Comme l'a dit M. le ministre du budget, ce projet de loi de finances pour 2009 n'est pas un projet de loi de finances ordinaire : c'est ce que j'appelle un projet de loi de finances de crise, ce qui explique que les prévisions de croissance sur lesquelles il est construit – de même que les prévisions d'inflation, de change ou de prix des matières premières – aient pu évoluer au fil de la présentation de ce projet de loi de finances…
…tout simplement pour être conformes à la réalité actuelle, mais aussi à ce que nous pensons être la réalité des mois qui viennent.
J'aimerais vous dire quelques mots du sommet qui s'est tenu à Washington le week-end dernier, sommet qui a rassemblé 80 % du produit intérieur brut mondial et 90 % des échanges, à savoir le G20. Je veux vous en parler d'une part parce que M. le ministre du budget a largement évoqué l'ensemble des sujets, d'autre part parce qu'il me semble que les résolutions qui ont été prises par les partenaires du G20 auront une incidence certaine sur la manière dont nous allons conduire nos économies et exécuter les budgets qui seront votés.
Curieusement, les pays du G20 se sont mis d'accord sur la nécessité impérative d'une relance globale. C'est essentiel dans le contexte économique actuel, et cela nous amènera évidemment à travailler en étroite relation avec nos partenaires européens, afin d'examiner dans quelles conditions la relance doit être envisagée sur le plan mondial – puisque l'ensemble des membres du G20 sont d'accord – et sur un plan régional, à savoir au niveau européen.
À cet effet, nous devons utiliser tous les instruments à notre disposition, à commencer par la politique monétaire. En la matière, la politique française et l'expression du Président de la République auprès de la Banque centrale européenne ont produit leurs effets, puisque le taux d'intérêt fixé par la BCE passe de 4,25 % à 3,25 % ; nous avons par ailleurs de bonnes raisons de penser que ce taux devrait à nouveau baisser au mois de décembre, ce qui favorisera évidemment les conditions d'emprunt des entreprises et des acteurs économiques. Aujourd'hui, la priorité n'est plus l'inflation, mais le soutien à l'économie.
Le deuxième instrument est celui de la politique budgétaire, un domaine dans lequel il faut utiliser toutes les marges de manoeuvre disponibles. Nous aurons sans doute un débat à ce sujet avec notre partenaire allemand, dont la situation budgétaire en équilibre s'explique en partie par le fait que le gouvernement allemand est largement enclin à utiliser ses marges de manoeuvre, avec le Fonds monétaire international, mais aussi avec un certain nombre d'autres gouvernements de l'Union européenne : je pense notamment à l'Espagne, qui injectera durant l'année 2009 plus de 1,5 % de son produit intérieur brut dans l'économie ; la Suède fera de même ; l'Autriche, quant à elle, injectera plus de 1,6 % de son PIB dans l'économie sous forme de relance budgétaire.
En France, nous l'avons fait en quelque sorte par anticipation, même si ce n'était pas vraiment le but initialement recherché. En effet, le dispositif prévu par la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, en injectant en 2008 près de 8 milliards d'euros dans l'économie française, a permis de procéder à une forme de relance qui, si elle n'était pas voulue, a du moins été bien accueillie par ceux de nos concitoyens qui peuvent en bénéficier.
Le troisième instrument est l'investissement, que nous souhaitons encourager par différents moyens : l'exonération de taxe professionnelle qui s'appliquera du 23 octobre 2008 au 31 décembre 2009 ; le soutien à la politique de recherche et de développement des entreprises ; le maintien du crédit d'impôt recherche, simplifié et assorti d'un vrai rescrit fiscal ; l'investissement dans les 30 000 logements dont l'État se portera acquéreur.
Enfin, le quatrième instrument de relance de nos économies est le plan de soutien à la Hongrie, auquel l'Union européenne a participé, aux côtés du Fonds monétaire international, en injectant sur fonds européens plus de 6 milliards d'euros dans un plan collectif impliquant le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et l'Union européenne. Je ne serais pas particulièrement surprise de voir d'autres pays, y compris au sein de l'Union européenne, être amenés à recourir à ce type de soutien.
D'autres mesures ont été décidées par les participants au G20 – des mesures qui auront un impact sur la sphère financière, tellement nécessaire à nos économies : les agences de notation doivent être enregistrées et suivies ; tous les acteurs financiers doivent être régulés ou surveillés ; il convient de lutter contre les « trous noirs » du système financier international, ce qui implique de lutter contre tous les paradis fiscaux, où qu'ils se trouvent dans le monde, et de veiller à un meilleur partage des connaissances que certains ont tendance à conserver par-devers eux.
Dans le cadre de cette nouvelle exigence de transparence et de responsabilité, les systèmes de rémunération et de bonus pratiqués dans l'ensemble des établissements financiers ne doivent pas encourager la prise de risque excessive qui pourrait constituer un facteur d'aggravation de la crise.
Enfin, d'autres principes ont été retenus, sur lesquels je ne m'étendrai pas. Il s'agit d'une meilleure gouvernance mondiale, permettant une meilleure représentation des pays émergents, une meilleure répartition des rôles entre le Fonds monétaire international et le Forum de stabilité financière, et l'évocation des questions de parité monétaire et du rôle des différentes monnaies entre elles pour le financement de nos économies et de nos réserves centrales, un facteur absolument déterminant dans les équilibres et les prévisions macroéconomiques qui alimentent les réflexions budgétaires.
Je reviens rapidement sur quelques modifications évoquées dans le cadre de la discussion sur le projet de loi de finances. Nous avons assisté à de nombreuses avancées dans le domaine de la fiscalité verte, signe que l'Assemblée nationale est particulièrement sensible à la défense de l'environnement. Grâce à M. Le Fur, nous avons posé le principe de la familialisation du malus automobile, afin que les familles nombreuses ne soient pas désavantagées par le bonus-malus. La commission a utilement pris en compte, pour le calcul du malus, le bénéfice environnemental des véhicules flex-fuel. J'en remercie en particulier le député Charles-Amédée de Courson, qui a également contribué à définir le régime fiscal du futur biocarburant E10.
Enfin, nous sommes parvenus à un compromis sur le niveau de défiscalisation atteint en 2011 pour les biocarburants de première génération. Le Gouvernement a fait un effort important en renonçant à statuer dès maintenant sur la disparition de la défiscalisation en 2012…
…et vous avez également fait un pas en avant en tenant compte du fait que nous n'avons plus besoin, dans les conditions de marché actuelles, d'atteindre de tels niveaux de défiscalisation. Les producteurs bénéficient donc désormais d'un cadre pluriannuel sécurisé.
La deuxième partie des débats, à laquelle a fait référence mon collègue Éric Woerth, a été davantage consacrée à la question d'une plus grande équité fiscale, avec trois avancées majeures. La première d'entre elles, déjà évoqué dans un rapport du Gouvernement puis dans un rapport de la commission, est le plafonnement dit « analytique » des niches fiscales qui n'étaient pas encore limitées, afin qu'aucun contribuable ne puisse plus, à la faveur de dispositifs dérogatoires, échapper totalement à l'impôt. Dans un souci partagé d'équité, ce principe a fait l'objet d'un consensus. Nous avons pu, dès lors, discuter des modalités techniques du plafonnement du régime dit « Malraux », du régime des Monuments historiques, des réductions d'impôt pour investissement outre-mer et, enfin, du régime du loueur en meublé professionnel, afin de parvenir à trouver le meilleur équilibre pour chacun de ces dispositifs.
Je voudrais ensuite remercier la commission d'avoir posé le principe de la transformation de certains dispositifs de réduction d'assiette en réduction d'impôt. Cette mesure importante me semble aller dans le sens d'une plus grande équité pour trois raisons : d'abord, les réductions d'assiette, en faisant mécaniquement baisser le revenu imposable, apportent un avantage fiscal plus important aux contribuables imposés à la tranche marginale ; ensuite, contrairement aux réductions d'assiette, les réductions d'impôt ne jouent pas sur le revenu pris en compte dans le calcul du bouclier fiscal ; enfin, le mécanisme du plafonnement global des niches en sera considérablement simplifié, puisque le contribuable pourra plus facilement en anticiper les effets. Il s'agit d'ailleurs là de la troisième avancée de ce PLF en matière de justice fiscale.
L'introduction d'un plafonnement global qui soit à la fois opérationnel et simple à comprendre pour les contribuables est le résultat de l'excellent travail de la commission des finances, qui répond parfaitement aux objectifs du groupe de la majorité consistant à mettre en oeuvre un dispositif de plafonnement dans les meilleures conditions. C'est la première fois que l'on met en place un tel plafonnement en droit fiscal, qui vient en complément du plafonnement individuel. Je remercie M. le rapporteur général d'avoir proposé un dispositif qui va également dans le sens d'une meilleure justice fiscale, puisque les avantages fiscaux ayant pour objet la contrepartie d'une situation subie par le contribuable ou la poursuite d'un intérêt général seront, eux, exclus du champ d'application du plafonnement global.
Je me félicite que les débats de cette deuxième partie du PLF aient été aussi riches et animés par le souci très largement partagé de faire progresser les objectifs du Gouvernement et de la majorité en matière de justice fiscale. Mesdames et messieurs les députés, comme tous les ans, vous allez répondre au voeu des rédacteurs de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui précise dans son article 14 que « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, et de la consentir librement ». Je vous souhaite – à vous, les représentants des citoyens – un excellent vote (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Cette citation de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen n'est qu'un alibi !
La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.
Le président de la commission des finances, Didier Migaud, et moi-même souhaitons exprimer des remerciements à vous tout d'abord, madame, monsieur les ministres, pour votre écoute et votre totale disponibilité. Depuis le 26 septembre, jour où vous nous avez présenté ce projet de loi de finances, et alors que les événements se sont précipités, vous avez toujours manifesté un souci de sincérité et de transparence pour nous entretenir des différentes évolutions qui s'imposaient. Vous avez également accepté de très nombreux amendements d'origine parlementaire. Comme vous l'avez indiqué, nous avons travaillé conjointement et progressé dans la mise en oeuvre d'une plus grande justice fiscale dans le domaine du plafonnement des avantages dérogatoires. Je remercie aussi l'ensemble de vos collaborateurs avec lesquels nous avons travaillé dans un climat de grande confiance.
Je tiens également à remercier tous nos collègues députés, qui ont été très présents, très actifs et constructifs tout au long des jours et des nuits que nous avons passés ensemble. C'était encore le cas, ce matin, à deux heures, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
Merci aussi aux différents présidents de séance qui ont grandement facilité le bon déroulement des débats. Chacun a pu ainsi s'exprimer.
Je veux enfin remercier les collaborateurs et le personnel de l'Assemblée nationale, qui nous ont apporté leur aide tout au long des débats.
Je terminerai en remerciant la presse, qui a rendu compte fidèlement de l'ensemble de nos débats.
Mesdames, messieurs, nous pouvons être fiers du travail qui a été accompli. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Dans les explications de vote, la parole est à M. François de Rugy, pour le groupe GDR.
Madame, messieurs les ministres, alors que les Français subissent une crise d'une gravité sans précédent, votre projet de budget est placé sous le double signe de l'impuissance et de l'injustice.
Alors que la crise de l'immobilier s'est déclenchée aux États-Unis dès l'été 2007 – nous l'avions évoquée à l'occasion de l'examen du fameux paquet fiscal –, que la crise du prix du pétrole et des matières premières a explosé dès le début de cette année, vous êtes restés passifs et arc-boutés sur le choix aussi injuste qu'inefficace du paquet fiscal. Certes, le déclenchement de la crise financière vous a fait réagir avec l'adoption du plan de sauvetage des banques. Mais, pour le reste du budget, vous semblez attendre, impuissants, la fin de la tempête.
Face à une situation économique et sociale de plus en plus difficile pour nos concitoyens – et cela risque de durer –, vous nous avez proposé un budget dans la continuité de celui de 2008. Pire, vous avez même décidé de réduire certaines dépenses qui relèvent pourtant de l'urgence.
Comment expliquer que les budgets des ministères de l'emploi, du logement ou de l'écologie soient en baisse ?
Comment expliquer les retards de paiement de l'État pour des politiques aussi urgentes que celles de la rénovation des villes ou des maisons de l'emploi ?
Comment expliquer que vous décidiez de supprimer les postes d'enseignants spécialisés dans le soutien scolaire, les réseaux d'aide et de soutien aux élèves en difficulté, qui avaient pourtant fait la preuve de leur efficacité ?
Par ailleurs, alors qu'il faudrait engager avec force et détermination la transition écologique de l'économie, vous continuez à appliquer les mêmes vieilles recettes du passé, qui non seulement ne marchent pas mais sont même à l'origine de la crise !
Enfin – et c'est sans doute le plus grave – votre projet de budget est placé sous le signe de l'injustice. Alors que des efforts importants vont être demandés aux Français, notamment aux classes moyennes, les plus hauts revenus et les plus gros patrimoines restent tranquillement à l'abri du bouclier fiscal.
Dans le même temps où vous protégez les plus riches de l'effort de solidarité, vous multipliez les prélèvements nouveaux sur les classes moyennes. Vous avez dit, monsieur le ministre, que le budget ne devait pas être le concours Lépine des experts en conjoncture : vous en avez fait le concours Lépine des inventeurs de nouvelles taxes ! Des franchises médicales au nouveau prélèvement sur les cotisations de mutuelles en passant par la nouvelle taxe sur l'épargne populaire ou la future taxe sur les abonnements de téléphone mobile et à l'internet, votre imagination fiscale est sans limite !
Pour toutes ces raisons, les députés Verts, les députés communistes et républicains, et nos deux collègues de l'outre-mer du groupe GDR voteront contre ce projet de loi de finances qui consacre votre politique impuissante et injuste.
Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, avant toute chose, le groupe Nouveau Centre tient à saluer le choix du Gouvernement de réajuster ses prévisions de croissance en tenant compte de la situation économique internationale. En effet, c'est la première fois depuis quinze ans qu'un gouvernement réajuste, en cours de discussion du projet de loi de finances, ses prévisions macroéconomiques, puisque le dernier grand réajustement a eu lieu en 1993.
En révisant dans une fourchette comprise entre 0,2 % et 0,5 %, au lieu de 1 %, la prévision de croissance et en ramenant à 1,5 %, au lieu de 2 %, l'évolution des prix pour 2009, le Gouvernement tente de tirer les conséquences de la crise financière sur notre économie. Dans un contexte de crise économique, il a donc fait preuve de vérité dans la présentation budgétaire, notamment sur le volet « dépenses ».
Néanmoins, cette crise est, hélas, loin d'être terminée. Comme 64 % des Français, le groupe Nouveau Centre partage le diagnostic selon lequel nous sommes face à une crise structurelle qui va durer. Et, comme 59 % d'entre eux, nous sommes inquiets des conséquences de cette crise sur le pouvoir d'achat, le niveau du déficit public et le poids de la dette publique, dont l'accroissement continu réduit d'année en année les marges de manoeuvre du Gouvernement.
Globalement, le Gouvernement a fait preuve d'esprit de responsabilité – cela doit être souligné –, mais aussi d'ouverture et de dialogue à l'égard de la représentation nationale, ce qui n'est pas si fréquent.
Du côté des dépenses, la norme « 0 volume » pour la croissance des dépenses de l'État est respectée et cet effort de maîtrise de la dépense se prolonge de manière inédite, jusqu'en 2011, dans le cadre de la nouvelle loi de programmation budgétaire pluriannuelle créée grâce, notamment, au combat mené par le groupe Nouveau Centre.
Du côté des recettes, les prévisions sont beaucoup plus incertaines, notamment pour des impôts sensibles à la conjoncture économique, tels l'impôt sur les sociétés ou, dans une moindre mesure, la TVA. Face à une telle incertitude, le groupe Nouveau Centre rappelle l'importance de ne pas relâcher les efforts sur la dépense, afin de ne pas creuser davantage encore notre niveau de déficit public.
Afin d'améliorer ce projet de budget, le groupe Nouveau Centre a fait des propositions dans quatre domaines et a été entendu dans trois d'entre eux.
En premier lieu, le Nouveau Centre se félicite d'avoir fait évoluer le Gouvernement en matière de justice fiscale dans trois directions. Tout d'abord, grâce à la volonté constante du Nouveau Centre, l'Assemblée nationale a adopté un amendement – qui était au fond soutenu par tous les groupes – visant à instaurer un mécanisme de plafonnement global des niches fiscales.
Il est dommage que la gauche ne l'ait voté.
Par ailleurs, un amendement Nouveau Centre a été adopté hier afin de limiter le régime de la demi-part supplémentaire aux contribuables ayant élevé seuls leurs enfants pendant au moins cinq ans. Le vote a été acquis à l'unanimité.
Enfin, un amendement du groupe Nouveau Centre adopté grâce au soutien à la fois de la gauche et du groupe UMP rend imposable, au-delà de six fois le plafond de la sécurité sociale pour un même attributaire, les indemnités perçues au titre du préjudice moral sur décision de justice. Nous regrettons cependant que la commission des finances du Sénat l'ait repoussé. Mais nous espérons bénéficier du soutien du Gouvernement lors de son examen en séance.
En deuxième lieu, nous nous réjouissons de l'adoption de nos amendements en faveur des PME : le premier visant à soutenir le développement à l'étranger des entreprises françaises, en instaurant un mécanisme optionnel de déduction temporaire des pertes des filiales détenues à plus de 95 % ; le second tendant à permettre aux entrepreneurs individuels non-adhérents à un organisme agréé, et faisant appel à un expert-comptable autorisé par l'administration fiscale, de ne pas se voir appliquer la majoration de 25 % de leurs revenus
En troisième lieu, enfin, le groupe Nouveau Centre a contribué à modifier substantiellement la position du Gouvernement sur le niveau de défiscalisation des biocarburants – vous l'avez rappelé, madame la ministre. Nous sommes parvenus à une position équilibrée qui préserve l'avenir de la filière tout en tenant compte des impératifs budgétaires.
En dépit de ces avancées, le groupe Nouveau Centre regrette de ne pas avoir été suffisamment entendu sur ses propositions en faveur des collectivités territoriales, notamment celle qui, par souci de transparence, proposait de sortir le FCTVA du périmètre global des dotations.
En conclusion, le groupe Nouveau Centre votera en faveur de ce budget, sérieux, responsable et qui, grâce à l'adoption de certains de nos amendements, présente des améliorations significatives sur le plan de la justice fiscale, de la politique de soutien en faveur des PME et de l'environnement. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Avant de donner la parole à l'orateur suivant, je vais dès à présent annoncer le scrutin public sur le vote de l'ensemble du projet de loi de finances pour 2009.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe UMP.
Après Gilles Carrez, je veux souligner l'excellent climat dans lequel a été conduit l'examen de la seconde partie de la loi de finances. Les prises de position exprimées de part et d'autre de l'hémicycle étaient certes conformes aux convictions de chacun. Mais elles reflétaient de l'intérêt pour un budget sincère et véritable.
Nous avons souvent débattu des perspectives de croissance et des données économiques sur lesquelles repose ce budget. À chaque fois, M. Woerth et Mme Lagarde ont veillé à communiquer à la représentation nationale les chiffres les plus fidèles possibles pour que ce budget soit sincère et véritable.
Véritable, il l'est aussi dans les dépenses prévues. Il tient en effet la promesse faite à l'occasion de l'élection présidentielle en respectant la norme « 0 volume » pour la croissance des dépenses de l'État. Mais il prend également en compte la situation de crise économique et financière que nous connaissons actuellement. Je ne citerai qu'un exemple : l'action conduite par le Gouvernement pour soutenir financièrement les PME, à court ou moyen termes à travers OSEO Garantie notamment.
Cela montre que le Gouvernement et la majorité sont mobilisés en cette période difficile pour le pays et nos concitoyens. Le Gouvernement est à la manoeuvre et veille à ce que les meilleures décisions soient prises le plus rapidement possible. Ce qui s'est passé la nuit dernière en est la preuve : le secrétaire d'État chargé de l'emploi, Laurent Wauquiez, est venu dans l'hémicycle présenter l'amendement visant à instituer les contrats de transition professionnelle. Grâce à ceux-ci, la période entre la perte d'un emploi et la reprise d'une nouvelle activité sera la plus courte possible.
Voilà donc, mes chers collègues, un budget véritable, sincère et proche des attentes des Français. C'est aussi un budget auquel les parlementaires ont apporté leur contribution. Je terminerai par deux exemples très révélateurs, à cet égard.
Le premier concerne le travail accompli à propos des dépenses fiscales et du fameux plafonnement. Il s'agit simplement de faire en sorte que l'évasion fiscale ne soit plus un sport national et que chaque foyer fiscal contribue légitimement aux dépenses de l'État. Tel est l'objectif de cette mesure, extrêmement habile, qui permettra néanmoins de maintenir l'investissement dans les DOM-TOM et dans les dépenses productives pour la croissance.
Je citerai en second lieu le travail accompli par Jean-Luc Warsmann. Il s'agit ici d'entrer dans le détail de la dépense publique pour faire en sorte qu'elle soit plus proche, plus rationnelle et, surtout, plus efficace, en coûtant moins cher. Jean-Luc Warsmann s'est attaqué aux régulateurs pour vérifier si les dépenses sollicitées étaient justifiées.
Ici et là, il a proposé des réductions, certes très modestes, mais qui, mises bout à bout, permettent d'économiser plus de 1 million d'euros. Et 1 million de dépenses publiques en moins, c'est 1 million d'euros d'impôts en moins pour les Français.
Voilà comment les parlementaires travaillent à la réduction de la dépense publique, en s'investissant dans l'examen d'un projet de loi de finances qui propose un budget sincère, efficace et qui coûte moins cher aux Français. Un tel budget, vous n'en serez pas surpris, a le soutien total du groupe UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, élaborer une loi de finances est un exercice extrêmement délicat, périlleux à l'occasion. C'est probablement la raison pour laquelle l'opposition, quelle qu'elle soit, a toujours trouvé des raisons – parfois légitimes – de ne pas voter le projet de loi de finances initiale présenté par le Gouvernement.
À l'occasion de ce vote solennel et au nom du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, je vous indique d'ores et déjà et sans surprise que nous ne voterons pas le projet de budget qui nous est soumis. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Cette année est une année un peu particulière, et le ministre Éric Woerth a raison lorsqu'il parle d'un millésime original. Car, si le rejet du budget par l'opposition est une pratique habituelle, l'on est en droit de se demander cette fois-ci comment la majorité peut l'approuver.
Comment, en effet, voter pour un budget dont on sait que les principales hypothèses économiques qui le fondent – l'inflation, la croissance – sont erronées et que ceux-là mêmes qui nous demandent d'adopter cette loi de finances savent parfaitement que, sitôt votées, ses dispositions seront obsolètes ?
Comment voter pour un budget qui ne comporte aucune mesure permettant d'atténuer les effets de la crise économique et sociale qui nous touche et d'éviter que les conditions matérielles de nos concitoyens se dégradent encore davantage ?
Comment, alors que plus de 5 millions de nos concitoyens vivent en dessous du seuil de pauvreté, voter pour un budget comportant une disposition adoptée par une partie – une partie seulement – de nos collègues de l'UMP, le célèbre amendement Lefebvre, qui octroie à quelques centaines ou milliers de contribuables, parmi les plus aisés et dont je m'étonne qu'on veuille encore adoucir le sort, un nouvel avantage fiscal ?
Comment voter pour un budget qui ne fait aucun cas des conditions explosives qui, dans nos banlieues, sont réunies pour qu'éclatent de nouveau la colère et la violence ?
Comment voter pour un budget qui prive l'agence nationale de rénovation urbaine de ses financements et ne prévoit aucune mesure permettant la mise en oeuvre du plan Banlieue, lequel, de reports en ratés, n'est pas ajourné, mais tout simplement annulé ? Il faudrait que les plus hautes autorités de l'État nous servent autre chose que des déclarations aussi martiales que provocatrices, mais sans effet pour que la situation s'améliore !
Alors que les petites et moyennes entreprises sont exsangues et que leur capacité d'autofinancement est historiquement basse, comment voter pour un budget dans lequel rien ne garantit que les sommes considérables mobilisées par les pouvoirs publics pour le secteur financier leur bénéficieront, plutôt que de servir à restaurer les marges des banques, qui en sont réduites à détourner l'épargne populaire du livret A de son objet principal ?
Comment voter pour un budget qui n'apporte aucune solution aux questions urgentes en matière de logement ou d'emploi, alors que chacun sait que le chômage va s'accroître dans des proportions tout à fait préoccupantes, face auxquelles le rétablissement d'une part des emplois aidés que vous aviez massivement supprimés sera largement insuffisant ?
Au bout du compte, je ne vois sans doute qu'une raison, chers collègues de l'UMP, qui puisse vous inciter à voter ce budget, c'est qu'il prétend rétablir une certaine justice fiscale. L'expression même, dans la bouche des ministres ou des responsables de la majorité, est l'aveu que des mesures injustes avaient été votées : c'est un premier pas – et nous vous en félicitons –, mais il y a loin des propos aux actes. Non seulement, en effet, le plafonnement global des niches fiscales ne couvre en réalité pas toutes les niches, mais il ne rapportera que 200 millions d'euros quand le bouclier fiscal en coûte à lui seul 260 millions.
Dès lors, même cette concession ne suffit pas à ce que le groupe SRC vote pour ce budget, dont il ne comprend pas non plus, chers collègues de l'UMP, que vous puissiez l'adopter. Nous savons que vous n'avez pas la liberté de voter contre (Protestations sur les bancs du groupe UMP) ; nous espérons au moins que vous aurez la conscience de ne pas l'approuver. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2009.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 546
Nombre de suffrages exprimés 545
Majorité absolue 273
Pour l'adoption 335
Contre 210
(Le projet de loi de finances pour 2009 est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Explications de vote et vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures vingt, sous la présidence de M. Marc Laffineur.)
L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi en faveur des revenus du travail.
La parole est à M. Gérard Cherpion, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi en faveur des revenus du travail.
Nous avons tous à l'esprit les principales mesures de ce texte : instituer un crédit d'impôt au profit des entreprises, notamment les plus petites, concluant un accord d'intéressement et favoriser le versement d'une prime exceptionnelle d'intéressement, afin de mettre fin aux inégalités qui subsistent entre petites et grandes entreprises dans ce domaine ; poser le principe du libre choix du salarié entre versement immédiat et blocage des sommes issues de la participation, afin de favoriser sa responsabilisation ; moderniser les mécanismes de fixation du salaire minimum, avec l'avancée au 1er janvier de la date de sa fixation et la substitution, à mon initiative, à l'intervention d'une commission de celle d'un groupe d'experts rattaché à une structure existante – pourquoi pas le CERC ? –, chargé de se prononcer chaque année sur l'évolution du salaire minimum de croissance ; relancer la négociation dans les entreprises et dans les branches au moyen d'une incitation liée au bénéfice de certaines exonérations de cotisations sociales.
La lecture à l'Assemblée nationale avait donné lieu à de nombreux enrichissements du texte proposé, sur des sujets multiples : codification de la notion de dividende du travail ; adoption d'un dispositif d'intéressement au niveau de la branche ainsi qu'au profit des groupements d'employeurs ; ouverture de la possibilité de renouvellement d'un accord d'intéressement par tacite reconduction ; précision quant au champ d'application de la participation dans le secteur public ; extension du bénéfice de la participation ainsi que de l'intéressement aux chefs d'entreprise ; ouverture de la possibilité pour l'entreprise de verser un abondement lorsque le salarié affecte sa participation sur un plan d'épargne salariale ; simplification des modalités de conclusion de certains avenants à un plan d'épargne interentreprises ; possibilité d'adhésion par défaut à un plan d'épargne pour la retraite collectif ; durcissement de la conditionnalité en cas de non-respect de l'obligation annuelle d'ouvrir une négociation sur les salaires dans l'entreprise.
Le Sénat a adopté huit des quinze articles du projet de loi sans modification et en a ajouté treize nouveaux.
Les principales modifications que le Sénat a apportées au projet de loi sont les suivantes.
Sur le premier volet du texte, consacré à l'intéressement, à la participation et à l'épargne salariale, sur un sujet particulier, la question de la durée d'immobilisation des sommes versées au titre de la participation en cas d'application du régime dit d'autorité, le Sénat n'a pas souhaité, contrairement à l'Assemblée nationale, mettre fin à la dérogation selon laquelle prévaut alors une durée plus longue que celle du droit commun, huit ans et non cinq ans. Il m'avait pourtant semblé plus lisible d'harmoniser les deux durées, mais de nombreuses craintes se sont exprimées lors de la lecture au Sénat, face au risque que ne soient plus à l'avenir conclus d'accords de participation. Ce n'était naturellement pas le but recherché et j'ai donc accepté, en commission mixte paritaire, la solution retenue au Sénat, de manière que cette mesure ne puisse être comprise comme entravant le développement du dialogue social.
Le Sénat a ensuite tenu compte du cas particulier des coopératives dont les fonds propres sont constitués en grande partie des sommes issues de la participation. Dans ces sociétés, l'accord de participation pourra donc maintenir le principe du blocage de la participation.
Plusieurs mesures ont aussi été adoptées en vue d'encourager l'épargne longue. Ainsi, l'employeur a été autorisé à mettre en place unilatéralement un plan d'épargne pour la retraite collectif, le PERCO, en cas d'échec de la négociation.
En outre, les entreprises ont été autorisées à verser à leurs salariés un abondement de « fidélisation » lorsqu'ils décident de bloquer les sommes qu'ils détiennent dans le plan d'épargne d'entreprise, le PEE, pendant au moins cinq ans à l'expiration du délai d'indisponibilité prévu par la loi.
Le Sénat a également souhaité remplacer le conseil supérieur de la participation par une nouvelle instance aux compétences plus larges, le conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat salarié.
Enfin, à l'initiative du Gouvernement, le Sénat a conditionné l'attribution de stock-options aux mandataires sociaux soit à la distribution de stock-options ou d'actions gratuites à l'ensemble des salariés de l'entreprise, soit à la mise en oeuvre d'un accord d'intéressement, d'un accord de participation dérogatoire ou d'un accord de participation volontaire.
Sur le deuxième volet du texte, consacré à la politique salariale, c'est surtout l'article 5 qui a retenu l'attention des sénateurs. Cet article prévoit de réduire les allégements de charges dont bénéficient les entreprises si elles dépendent d'une branche dont les minima salariaux sont inférieurs au SMIC. Après réflexion, le Sénat a décidé que l'on pourrait ne pas faire application de ce dispositif dans l'hypothèse où, d'ici à la fin de l'année 2010, la moitié des branches concernées parviendraient à porter leurs minima à un niveau au moins égal au SMIC.
Cette solution est destinée à donner toutes ses chances à la négociation et pourrait éviter que des entreprises vertueuses en matière salariale ne soient pénalisées en raison de l'échec de la négociation de branche.
Je souhaite faire trois remarques sur ces apports du Sénat.
Première remarque, il me semble nécessaire de veiller à ne pas rendre excessivement complexes les dispositifs que nous adoptons. Ainsi, la modification proposée concernant les sociétés coopératives est peut-être légitime. Encore faut-il se rappeler que, par définition, les salariés de ce type de sociétés sont incités à investir dans leur propre entreprise.
De même, la nouvelle rédaction de l'article 5 relatif au dispositif de conditionnalité de la réduction générale de cotisations patronales de sécurité sociale à l'alignement du salaire minimum conventionnel sur le SMIC ne brille pas par sa simplicité.
Deuxième remarque, une bonne législation me paraît devoir être véritablement normative. Je ne suis pas persuadé que cela soit le cas, par exemple, de la notion de « gestion participative » introduite dans le nouvel article 2 bis B.
Troisième remarque : l'article 3 bis nouveau donne un fondement juridique à une pratique existante, à savoir l'attribution à des associations caritatives de dons sous forme de titres-restaurant. On peut certes comprendre un tel souci de sécurisation juridique, mais le législateur ne consacre-t-il pas aussi par ce biais une utilisation détournée des titres-restaurant ?
Au total, l'ensemble de ces mesures me semble cependant aller dans le bon sens. La commission mixte paritaire a porté la même appréciation et n'a retenu que quelques modifications, que je rappellerai pour terminer mon propos.
À l'article 2 septies relatif à la possibilité pour l'entreprise de verser un abondement lorsque le salarié place sa participation sur un plan d'épargne salariale, elle a, à mon initiative, accepté de revenir au texte adopté par l'Assemblée en supprimant la mesure d'abondement complémentaire ajoutée au Sénat. L'abondement de « fidélisation » proposé par le Sénat pour les plans d'épargne entreprise – PEE – était d'une certaine manière redondant au regard du régime d'abondement déjà existant.
En outre, le dispositif proposé serait revenu à concurrencer le plan d'épargne pour la retraite collectif – PERCO –, qu'il faut au contraire développer.
À l'article 2 duodecies relatif à la création du Conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat salarié, la CMP a adopté une modification tendant à permettre à l'ensemble des commissions compétentes de chaque assemblée parlementaire de saisir le COPIESAS. En effet, plusieurs commissions permanentes peuvent être compétentes au sein de chaque assemblée sur les sujets dont sera amené à connaître ce Conseil.
La CMP a en outre supprimé l'article 2 quaterdecies établissant un régime de déclaration auprès de l'Autorité des marchés financiers des fonds communs de placement d'entreprise d'actionnariat salarié. Cet article introduit par le Sénat n'imposait plus l'agrément de l'AMF sur ces FCPE dès lors qu'ils étaient émis par une entreprise employant moins de cinq cents salariés. Ces produits auraient ainsi été soumis à une simple déclaration dans le mois suivant leur réalisation. Or l'absence d'agrément, donc de contrôle, pouvait être préjudiciable à la protection des actionnaires salariés. En outre, l'AMF vient d'adopter une procédure d'agrément simplifié pour les FCPE, aux termes de laquelle un agrément pourrait être accordé dans un délai de huit à quinze jours. L'article 2 quaterdecies n'avait donc pas véritablement de raison d'être.
S'agissant de l'article 2 quindecies relatif à la subordination de l'attribution de stock-options aux mandataires sociaux à la distribution de stock-options ou d'actions gratuites à l'ensemble des salariés de l'entreprise ou à la mise en oeuvre d'un dispositif d'intéressement ou de participation volontaire ou dérogatoire, la CMP a adopté un amendement visant à préciser – pour prendre en compte la configuration des groupes de sociétés, et couvrir non seulement le personnel de la maison-mère mais aussi celui des filiales dont le siège social est situé en France – que les salariés de la maison-mère et au moins 90 % des salariés des filiales françaises doivent bénéficier d'un ou de plusieurs des dispositifs mentionnés à cet article pour que des stock-options ou des actions gratuites puissent être attribuées aux mandataires sociaux.
Au final, ce texte me semble équilibré et satisfaisant, et je vous invite donc, mes chers collègues, à l'adopter.
Je conclurai cette intervention de la manière dont j'avais entamé mon propos liminaire à cette tribune, en première lecture : « Les mesures proposées constituent des leviers potentiellement puissants…
…pour dynamiser les revenus du travail, mais rien ne se fera sans un effort de pédagogie. […] Les mesures figurant dans les articles du projet de loi ne pourront trouver une pleine application, une fois définitives, sans un effort quotidien d'explication sur le terrain. Car les attentes sont grandes sur les différents volets du texte. » Il importe de ne pas décevoir ces attentes.
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, vous le savez, les réformes que nous avons engagées depuis un an et demi en matière économique et sociale ont permis de donner une place centrale à la valeur travail.
Par ce texte, préparé avec Christine Lagarde et Laurent Wauquiez, nous voulons donner au travail la juste part des richesses qu'il contribue à produire, et ce dans le cadre du dialogue social. Ce texte est porteur d'un projet de société. Les actionnaires ne sont pas les seuls à devoir percevoir des dividendes ; les salariés aussi doivent toucher les dividendes de leur travail.
Alors que nous traversons une situation économique difficile, il faut maintenir le cap du changement et des réformes, de la cohésion et de la promotion sociales.
Ce texte apporte davantage de possibilités pour augmenter ses revenus et davantage de souplesse dans les entreprises, comme nous avions déjà commencé à le faire avec la réforme du temps de travail. C'est la raison pour laquelle son adoption est indispensable.
Je voudrais, au moment où nous concluons nos travaux, souligner tout particulièrement la contribution des débats parlementaires.
Vous avez, tout d'abord, introduit des dispositions importantes qui encourageront la diffusion de l'intéressement, notamment dans les PME.
Il en est ainsi de la possibilité d'accords-cadres d'intéressement au niveau des branches, de la possibilité de reconduction tacite, ou encore de l'élargissement de ces dispositifs à de nouveaux bénéficiaires : membres des groupements d'employeurs, agents généraux d'assurance et agents commerciaux, chefs d'entreprise de PME de moins de 250 salariés.
Avec le crédit d'impôt de 20 %, les bénéficiaires seront plus nombreux. Ce texte assure une plus grande simplicité et davantage de versements.
S'agissant de la participation, vous avez conforté et complété la liberté de choix que nous voulons laisser aux salariés par plusieurs dispositions importantes. Je pense à la possibilité d'abonder la participation bloquée, comme pour l'intéressement ; à la possibilité de bloquer par accord collectif la partie de la participation qui excède l'application de la formule légale ; ou encore à la clarification du régime de la participation dans les entreprises publiques.
Ce texte a aussi permis d'apporter des compléments en matière d'épargne salariale, qui est le prolongement de l'intéressement et de la participation. L'Assemblée nationale et le Sénat l'ont enrichi de plusieurs mesures qui répondent aux attentes des entreprises et des salariés, en facilitant le développement du plan d'épargne pour la retraite collectif, du plan d'épargne entreprise et des plans d'épargne interentreprises.
Enfin, pour la promotion et l'évaluation de ces mesures, un Conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat salarié succédera au Conseil supérieur de la participation au début de l'année 2009.
Nous avons en outre introduit une disposition forte pour moraliser la rémunération des dirigeants et encourager un capitalisme d'entrepreneurs, comme l'engagement en avait été pris devant l'Assemblée. Dans ce domaine, le MEDEF et l'AFEP ont fait des recommandations ambitieuses, que les entreprises doivent à présent respecter. Une recommandation du MEDEF, c'est bien ; la décision d'un conseil d'administration, c'est mieux.
Une fois encore, monsieur Muzeau, vous serez exaucé par le Gouvernement et la majorité, car un amendement a été adopté au Sénat, comme je m'y étais engagé.
Il va beaucoup plus loin que l'amendement de M. Balligand.
Dans les entreprises où des stock-options ou des actions gratuites sont distribuées aux dirigeants, il y aura désormais un dispositif comparable pour les salariés : soit des actions gratuites ou des stock-options pour tous, soit de l'intéressement ou de la participation dans la société et ses filiales.
Ce texte comporte également deux mesures essentielles concernant les salaires.
Il s'agit, tout d'abord, de la modernisation du mode de fixation du SMIC. La date de revalorisation annuelle sera avancée au 1er janvier à partir de 2010, pour articuler le calendrier de fixation du SMIC avec le rythme des négociations salariales.
En outre, si les déterminants du SMIC restent inchangés, le Gouvernement s'appuiera désormais sur un groupe d'experts qui se prononcera, en toute indépendance, sur l'évolution souhaitable du salaire minimum.
Monsieur le président Méhaignerie, le Gouvernement a bien reçu votre message : ce groupe n'est pas une commission de plus et sera rattaché sans création de moyens supplémentaires. Je tiens à vous dire que le Gouvernement sera tenu de se justifier s'il ne suit pas les recommandations des experts. Toutes ces préoccupations exprimées par l'Assemblée ont été pleinement entendues et prises en considération.
Il s'agit, ensuite, de la conditionnalité des allégements de cotisations patronales, car nous voulons privilégier les négociations salariales.
Au niveau de l'entreprise, les allégements seront réduits les deux premières années pour les entreprises qui n'auront pas respecté l'obligation de négocier.
À votre initiative, ils seront même supprimés à partir de la troisième année, car il n'est pas acceptable qu'une entreprise ignore une obligation légale. De même, vous avez voté une disposition interdisant tout minimum de branche inférieur au SMIC.
Les parlementaires ont ainsi pleinement contribué à l'enrichissement de ce texte. Je tiens à remercier la commission, le rapporteur, ainsi que tous les élus qui se sont investis dans ce dossier : MM. Giscard d'Estaing, Ollier, Poisson.
Vous l'avez compris, ce texte joue sur l'ensemble des leviers en vue de créer un cadre favorable aux revenus du travail ; c'est son originalité et sa cohérence. Nous devons à présent en assurer le « service après-vote », en lien avec tous ceux qui, au plus près du terrain, le feront entrer dans la réalité des entreprises.
Je garde en mémoire les propos des salariés d'une entreprise de l'Est de la France où je me suis rendu accompagné de plusieurs de vos collègues. Ils nous ont dit que cette loi leur permettrait de gagner davantage et qu'ils y étaient sensibles. Le message a même été reçu par ceux de vos collègues qui m'accompagnaient. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Nous en venons à la discussion générale.
La parole est à M. Roland Muzeau.
…nous parvenons au terme de la discussion de ce projet de loi avec le sentiment que le Gouvernement peine à sortir des impasses dans lesquelles il s'est lui-même engagé au sujet de la revalorisation du pouvoir d'achat. Il s'agit en effet du troisième texte consacré à ce thème depuis le début de la législature, sans que les Français ne voient leur situation s'améliorer, et pour cause, puisqu'il s'agit uniquement d'affichage politique !
Prenons un exemple pour mieux nous faire comprendre : celui des salariés de l'entreprise Dalloyau, dont 40 % gagnent moins de 1 200 euros par mois. Non seulement il n'y a eu dans cette société aucune augmentation générale des salaires depuis 1999, les négociations annuelles obligatoires échouant, mais en outre de nombreux salariés peinent à faire respecter les dispositions de la loi TEPA relatives au paiement des heures supplémentaires.
J'ai reçu, dans ma circonscription, le délégué syndical CFDT de l'entreprise…
…, qui m'a remis une pétition signée de l'ensemble des chauffeurs et rippeurs qui, alors qu'ils sont largement mis à contribution, ne reçoivent aucune compensation financière pour le surcoût de travail accompli et encore moins un treizième mois, contrairement aux autres salariés de l'entreprise. Et ils représentent tout de même la moitié des effectifs.
La pauvreté au travail, voilà ce que c'est, dans la vraie vie ! Dans ces conditions, le « travailler plus pour gagner plus » du locataire de l'Élysée se révèle être une devise bien irréelle, vous en conviendrez.
Vous prétendez que votre texte a l'ambition de mettre en place « un cadre plus favorable à la dynamisation des revenus du travail ». Il ne s'agit en réalité que de conforter votre politique de rigueur salariale et de baisse du coût du travail – qui trouve un puissant appui auprès de la BCE – en détournant l'attention de nos concitoyens des épineuses questions de la hausse des salaires et de la hausse du chômage. Deux questions distinctes, mais qui sont au coeur du débat.
Votre loi ne produira pas les effets attendus en termes de stimulation du pouvoir d'achat des ménages, en particulier les plus modestes, parce qu'elle recourt aux recettes éculées qui consistent à favoriser le déblocage de l'épargne et à fragiliser le salaire par rapport aux autres éléments de rémunération, au risque de détériorer les comptes sociaux et de conduire à la disparition progressive des garanties salariales.
Afin d'inciter les entreprises, en particulier celles de moins de cinquante salariés, à mettre en place ou à développer l'intéressement, vous nous proposez ainsi d'instituer dans un premier temps un nouveau crédit d'impôt sur les sociétés au bénéfice des entreprises qui concluront un accord d'intéressement. Cette réforme de l'intéressement a été vivement critiquée par les organisations syndicales, qui ont unanimement dénoncé une logique d'aggravation des inégalités ainsi que le caractère pour le moins aléatoire de ces substituts de salaires que sont les primes d'intéressement.
C'est faux !
Non, c'est la vérité.
Vous n'avez cure de ces préventions, malgré les nombreux effets pervers de ce type de dispositifs : réduction de la part fixe des salaires et manque à gagner pour les comptes sociaux, de même que pour les salariés eux-mêmes, puisque ces primes ne sont pas intégrées dans le calcul de leurs retraites.
Votre objectif, il est vrai, n'est pas tant d'améliorer le pouvoir d'achat de nos concitoyens que d'offrir aux entreprises un nouveau cadeau fiscal. Une dépense fiscale de plus, que votre gouvernement n'a d'ailleurs même pas pris la peine de chiffrer, en dépit de la grave conjoncture économique et budgétaire, encore aggravée par la confusion entretenue en matière de comptabilité publique et l'insincérité manifeste de vos PLF et PLFSS.
Mais reconnaissons que vous ne vous montrez jamais avares d'avantages fiscaux dès lors qu'ils bénéficient aux entreprises ou aux ménages les plus aisés. L'amendement scandaleux adopté hier soir à l'initiative de M. Lefebvre, avec l'assentiment de la ministre des finances, et qui relève le plafond de réduction d'impôt de 12 000 à 15 000 euros de dépenses annuelles pour les emplois à domicile en est une parfaite illustration. Qui, en effet, est en mesure de consacrer 1 200 euros par mois à des emplois à domicile, sinon une frange de ménages particulièrement aisés ?
La mise en oeuvre du prétendu impôt minimal n'est, on le voit, comme le modeste plafonnement des niches fiscales, qu'un leurre destiné à étouffer la colère de nos concitoyens.
Concernant le déblocage permanent de la participation, qui constitue le second volet de votre réforme, nous sommes là dans la droite ligne de la législature précédente, qui a multiplié ce type de mesures, avec l'efficacité que l'on sait et constate chaque jour. Vous nous aviez encore fait le coup en février dernier : vous prétendiez alors « remettre du carburant dans la croissance française et du pouvoir d'achat ». Le moins que l'on puisse dire est que le résultat n'a pas été à la mesure de vos espérances puisque, au lieu des 12 milliards d'euros que vous pensiez pouvoir injecter dans l'économie par ce procédé, les Français n'ont débloqué leur épargne que pour un montant de 3,9 milliards. Voilà un résultat qui témoigne bien de la limite de l'exercice qui consiste à stimuler artificiellement le pouvoir d'achat en incitant les salariés à puiser dans leur épargne.
Dans le contexte de crise que nous traversons, il apparaît désormais évident que votre texte restera sans effet.
Vous persistez néanmoins, contre toute logique économique, dans la voie que vous vous êtes tracée. On ne peut mieux souligner votre aveuglement. Il y a deux jours, lors du débat qui a suivi l'annonce de la révision de vos prévisions de croissance, notre collègue, M. de Courson, qui n'est pourtant pas communiste – à ce jour en tout cas (Sourires) –…
…a lui-même suggéré au Gouvernement de « réajuster la politique salariale – du moins en ce qui concerne le secteur public, qui relève du Gouvernement ».
L'idée que vous défendez souvent, selon laquelle la compétitivité impose la rigueur salariale, ne s'appuie en effet sur aucun argument économique sérieux. Alors qu'aujourd'hui nous assistons, avec le recul du prix des matières premières, à une résorption rapide de l'inflation, la question centrale est en effet de savoir si l'occasion n'est pas offerte d'engager une véritable politique de relance économique et de rattrapage du pouvoir d'achat de nos concitoyens. Des considérations de justice imposent un tel rattrapage, compte tenu du recul de la part des salaires dans le PIB, mais aussi des considérations économiques visant le retour de la croissance, d'une croissance saine et durable. Échanger un gel global des salaires contre une redistribution individualisée, donc sélective, de dividendes, n'est pas de bonne politique.
En effet, la participation et l'épargne salariale vont de pair avec le creusement des inégalités de revenus. Elles s'inscrivent dans une logique qui a fait faillite : celle de l'adaptation pure et simple de notre économie aux exigences et aux contraintes du business model des entreprises et des grands groupes, dont l'essentiel de l'activité est orientée vers la création de ce que vous appelez abusivement la « valeur » pour l'actionnaire. Vous restez ainsi fidèle à l'idée qu'il faut accentuer la concurrence sur le marché des biens, réduire à due proportion la fiscalité des entreprises, maintenir la pression sur les salaires et stimuler la consommation par le recours au crédit ou le déblocage de l'épargne ; tout cela, au fond, pour satisfaire aux exigences des actionnaires et du système bancaire, au détriment des salariés et des équilibres économiques.
Le résultat est que notre économie est aujourd'hui exsangue, que la récession se profile à l'horizon : une récession qui, si vous ne changez pas d'orientation politique, se nourrira d'elle-même par interaction entre la baisse des revenus et l'endettement, avec son cortège de désastres sociaux ; une récession qui aggravera les conséquences de votre politique économique et de la crise à laquelle elle nous a conduits. En plus, vous ne proposez d'évidence aucune mesure visant à pallier les pertes d'emploi actuelles et futures, ni la multiplication des emplois précaires dont vous favorisez, au contraire, le développement par l'intermédiaire de prétendues mesures sociales, tel le RSA.
S'agissant de votre réforme du SMIC, nous partageons, là aussi, les réticences exprimées par nombre d'organisations syndicales de salariés. Elles avaient à juste titre souligné le risque que cette réforme conduise à l'annualisation du SMIC réclamée de longue date par le patronat, chacun le sait, pour mieux y intégrer les primes. C'est bien le sens qu'il faut donner à votre volonté de revaloriser le SMIC le 1er janvier plutôt que le 1er juillet, selon des modalités proprement techniques. La nécessité s'impose pourtant, dans une stratégie de relance, de le revaloriser dès à présent en lui donnant un coup de pouce significatif.
Nous ne pouvons donc que déplorer l'absence chez vous de toute politique salariale digne de ce nom, mais aussi de toute politique sociale de nature à garantir la pérennité et la meilleure qualité de l'emploi de nos concitoyens.
De fait, vous pensiez en réalité que la question du chômage allait se régler toute seule, à la faveur du départ en retraite des baby-boomers, en conséquence de quoi vous vous êtes essentiellement attachés à garantir aux entreprises la fluidité du marché de l'emploi. Vous avez donc multiplié les textes visant à casser le droit du travail et à dénaturer les droits des demandeurs d'emplois. Tout cela s'est traduit et continuera de se traduire par une précarité accrue, la fragilisation des contrats de travail, la multiplication des contrats à temps partiel, la persistance des inégalités de salaires entre hommes et femmes, toutes choses dont vous conviendrez sans doute, nonobstant le cynisme dont le Gouvernement fait preuve, qu'elles ne sont pas de nature à soutenir le pouvoir d'achat de nos concitoyens.
Les deux derniers articles de votre projet de loi visant, paraît-il, à relancer la négociation, qu'il s'agisse des grilles salariales ou des négociations annuelles obligatoires, n'ont d'autre vocation, eux aussi, que de faire croire aux Français que vous avez à coeur d'apporter des réponses à leurs attentes en termes d'amélioration de leurs conditions de travail et de rémunération. Pourtant, ces articles conduisent en fin de compte à légitimer l'existence de grilles comportant des minima inférieurs au SMIC.
C'est dommage ! (Sourires.)
Je rappelle, monsieur Xavier Bertrand, que vous n'avez pas fait mystère de votre volonté de remettre en cause le SMIC.
Oui, j'assume.
C'est dire que nous ne voyons dans ce texte qu'un témoignage de votre obstination à conduire une politique dont l'unique objectif est d'euthanasier les salaires et les droits qui y sont attachés. Quant à nous, notre visée est bien différente : Elle consiste, sur le plan économique, et pour reprendre le mot de Keynes, à « euthanasier les rentiers ». Nous voterons donc bien évidemment contre votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme de l'examen du projet de loi en faveur des revenus du travail, qui a vu son contenu se renforcer et se perfectionner au fil des navettes entre nos deux assemblées. Le texte contient aujourd'hui vingt-huit articles contre cinq dans le projet de loi initial.
Je tiens donc, monsieur le ministre, à saluer l'attitude attentive et constructive dont vous avez fait preuve tout au long des débats.
Le projet de loi se situe à la confluence de deux préoccupations majeures pour les salariés français : la revalorisation de leur pouvoir d'achat et la réhabilitation du dialogue social.
Tous les travailleurs français doivent pouvoir bénéficier du partage des profits de leur entreprise, dont ils sont la source.
Il est essentiel de les impliquer davantage dans la vie de leur lieu de travail afin qu'ils ne soient pas seulement des salariés, mais de véritables associés. C'est toute l'ambition de la première partie de votre projet de loi relative à la participation et à l'intéressement : trop de Français sont encore dépourvus de ces instruments de justice sociale, notamment dans les PME, où le travail et l'effort ne sont pas suffisamment récompensés.
C'est pourquoi la solution retenue par le Gouvernement pour accélérer la diffusion de l'intéressement nous semble aller dans le bon sens : grâce au crédit d'impôt de 20 %, les chefs d'entreprise sont fortement incités à mettre en place des accords d'intéressement ou à renégocier des accords existants afin qu'ils soient plus favorables aux salariés.
…quant à l'objectif du Gouvernement de doubler en quatre ans les montants distribués au titre de l'intéressement, nous sommes convaincus de l'efficacité de ce dispositif d'incitation fiscale pour relever le défi.
En outre, lors de l'examen du texte en première lecture, le groupe Nouveau Centre avait émis certaines craintes quant au déblocage anticipé de la participation, qui risquait de fragiliser les fonds propres des entreprises et de compromettre la constitution d'une épargne pour le salarié en vue de sa retraite. Ces craintes se sont heureusement dissipées grâce à l'introduction de plusieurs amendements qui sont venus sécuriser le dispositif : je pense notamment au maintien du blocage de la participation dérogatoire, à l'adhésion automatique des salariés aux plans d'épargne retraite collectifs – PERCO. Le groupe Nouveau Centre se félicite également de l'adoption d'amendements visant à moraliser le fonctionnement de nos entreprises : dorénavant, l'attribution de stocks-options ou d'actions gratuites aux mandataires sociaux sera liée soit à l'attribution de stock-options ou d'actions gratuites à tous les salariés, soit à l'existence d'un accord d'intéressement, de participation dérogatoire ou volontaire au sein de l'entreprise. Ainsi, le dispositif qui entrera en vigueur permettra de concilier la liberté de choix du salarié avec la sécurisation de son épargne.
Quelle liberté de choix pour le salarié ? La même liberté de choix que pour la retraite à soixante-dix ans ?
Le deuxième volet du projet de loi modernise les règles de fixation du SMIC, qui sera désormais revalorisé au 1er janvier, suite aux recommandations d'un groupe d'experts. Nous nous félicitons de cette disposition, car il est important que la fixation du SMIC se fonde davantage sur la réalité économique de notre marché du travail, même si le dernier mot doit rester à l'initiative du politique.
La dernière partie du texte en faveur des revenus du travail se concentre tout particulièrement sur le problème des bas salaires, que le Gouvernement entend revaloriser de la façon la plus légitime : par la relance des négociations salariales, au niveau de l'entreprise et de la branche. Il est en effet anormal que plus d'un quart des entreprises qui sont tenues d'ouvrir des négociations salariales s'affranchissent de cette obligation légale tout en continuant à bénéficier des avantages que leur accorde l'État par le biais des allégements de charges. Désormais, une entreprise qui n'engage pas de négociation annuelle sur les salaires pendant trois années consécutives se verra totalement supprimer le bénéfice des exonérations de cotisations patronales. Dans le même esprit, les sept branches qui refusent toujours d'augmenter leurs grilles de salaires seront incitées à les porter à un niveau au moins égal au SMIC.
Mes chers collègues, à l'issue de l'examen de ce projet de loi, une seule question a déterminé le vote des députés du Nouveau Centre : le texte va-t-il dans le bon sens, celui de la valorisation du pouvoir d'achat des salariés ? La réponse à cette question étant positive, c'est donc tout naturellement que le groupe Nouveau Centre votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nombre d'aspects de ce texte ayant déjà été rappelés en ouverture de ce débat, je reviendrai brièvement sur ses trois principaux thèmes : la participation et l'intéressement, le SMIC, la conditionnalité des allégements de charges.
Je tiens au préalable à rappeler que l'objectif du projet de loi s'inscrit dans un contexte de rééquilibrage entre la part de la loi et celle du contrat dans la vie sociale et dans la négociation sociale. Les textes que nous avons récemment adoptés, en particulier au cours de l'année 2008, vont dans le sens de ce rééquilibrage. Je vais montrer que le présent projet y contribue également.
En matière de participation, il affiche trois objectifs principaux.
Il s'agit d'abord de généraliser à l'ensemble des salariés du pays un régime dont à peine 60 % d'entre eux bénéficient aujourd'hui. Je rappelle que 6 millions de salariés ne sont pas encore éligibles à des systèmes de participation ou d'intéressement aux bénéfices. Il convient qu'un tel chiffre soit réduit très largement, voire réduit à zéro. Ce texte poursuit donc un objectif de justice, et j'ai du mal à comprendre que les organisations syndicales s'y opposent par principe.
Il s'agit aussi de faciliter la mise en place et la passation des accords relatifs à la participation et à l'intéressement. Au cours des débats parlementaires, comme nos collègues du Sénat, nous avons apporté divers ajouts qui permettent davantage de souplesse (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), notamment en ce qui concerne la part dérogatoire des dispositifs d'intéressement. Désormais, ceux-ci seront souples, faciles d'installation et de maniement, ce qui devrait favoriser la réalisation du troisième objectif : l'incitation.
En effet, souplesse et facilité d'usage – avec la conditionnalité des allégements de charges, mais j'y reviendrai – constituent des facteurs d'incitation à la participation.
Deuxièmement, un autre dispositif très important de ce texte porte également sur le SMIC, dont il modernise et transforme profondément les modalités de fixation, ce qui était tout à fait nécessaire. Entre 1999 et 2008, le SMIC a augmenté de 36 %, et entre 2002 et 2006, l'augmentation du SMIC horaire en termes de pouvoir d'achat net est supérieure à 20 %....
… mais les difficultés d'application des lois Aubry I et II avaient produit dans les entreprises un mécanisme absolument aberrant pour ne pas dire ubuesque de compensation avec les garanties mensuelles de rémunération, et conduit à rendre le SMIC illisible. Comme prévu par le texte et voté ici en première lecture, une commission spéciale sera chargée d'en fixer le niveau…
… et d'effectuer un rattrapage rendu notamment nécessaire par l'écrasement de la rémunération minimale résultant des 35 heures. Les députés de la majorité ont accueilli très favorablement la révision de la procédure de fixation du SMIC et la consultation d'un groupe d'experts.
Troisièmement, s'agissant de la conditionnalité des allègements de charges, la volonté politique s'inscrit entre deux bornes : rechercher l'efficacité – c'est bien le moins qu'un texte de loi vise à s'appliquer – tout en se gardant de sortir de son champ de compétence en évitant d'entrer indûment dans la matière des contrats qui relient les salariés à leurs employeurs. Le texte préfère l'incitation à la contrainte. Comme je le soulignais dans mon introduction, les lois que nous votons laissent de plus en plus de place à la négociation entre l'employeur et le salarié ; elles fixent un cadre dans lequel le contrat peut s'exercer.
Le thème de la conditionnalité de l'allègement de charges était assez largement partagé pendant la campagne pour les élections présidentielles, il y a un an et demi. Je ne crois pas qu'il en aille différemment aujourd'hui. Les mesures proposées devraient inciter les entreprises encore hésitantes à mettre en place des accords de participation et d'intéressement.
Enfin, il conviendra de veiller à deux choses. D'abord, et conformément aux souhaits exprimés tant en commission qu'en séance, il faut accompagner la mise en place de ce dispositif par un travail de communication, sinon de conseil de terrain.
En effet, on se rend compte que ces régimes sont assez peu pratiqués, même dans les entreprises éligibles ; un travail spécifique devrait permettre de remédier à cette méconnaissance. Ensuite, et comme je l'avais indiqué lors de la discussion générale en première lecture, il va vraiment falloir s'interroger sur l'élargissement de la participation à autre chose que les bénéfices. Nos collègues Gérard Cherpion et Colette Le Moal l'ont d'ailleurs rappelé tout à l'heure à cette tribune. Au sein de l'entreprise, la participation accrue des salariés pourrait ainsi concerner les grandes orientations stratégiques, la prévention et la santé au travail – un domaine où existe actuellement un déficit de dialogue –…
… et aussi la prévention de la pénibilité, thème qui nous est cher à M. Muzeau, M. Mallot et moi-même.
Monsieur le ministre, voilà quelques-unes des raisons – il y en a bien d'autres – pour lesquelles le groupe UMP votera avec enthousiasme ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, votre texte a été présenté en urgence, fin août, et le titre nous avait donné plein d'espoir : une fois en faveur des revenus du travail ; une autre fois pour les dynamiser. L'espoir était né ; nous avons été déçus.
Nous avions abordé le débat avec la volonté de donner du sens au titre, et pied à pied nous avons cherché à apporter du contenu au texte, qui était malheureusement bien pauvre. Rien n'y a fait et vous avez repoussé toutes nos propositions, heure après heure, amendement après amendement. Pire encore, votre loi a démontré la fracture entre votre politique, votre conception sociale, et les réalités économiques et sociales pour ne pas dire sociétales.
Nous souhaitons que notre beau pays conserve certains piliers de l'équilibre social, toujours difficile à tenir. J'en citerai sept. Tout d'abord, le salaire doit être la première et principale contrepartie naturelle au travail.
Deuxièmement, la répartition capitalsalarié doit être proportionnée et juste. Troisièmement, les contributions sociales doivent être réparties justement et les exonérations doivent être au service de l'emploi pour tous. Quatrièmement, les exonérations fiscales ne doivent pas être faites pour profiter aux plus habiles et donner lieu à des transferts. Cinquièmement, à notre avis, madame Le Moal, le SMIC doit être le minimum décent pour vivre, se nourrir, se loger, se soigner et s'éduquer. Sixièmement, le code du travail doit conduire au dialogue social et l'encadrer, et ceux qui ne le respectent pas doivent être sanctionnés de façon dissuasive. Enfin, l'épargne salariale doit être source de partage des fruits de la croissance et le mot participation doit avoir un sens.
Votre texte fragilise ces sept piliers fondamentaux et en foudroie même certains. J'en donnerai quelques exemples. Ainsi, vous substituez au salaire mensuel des revenus complémentaires, aléatoires, flous et non garantis.
Intéressement et participation – que votre texte assimile à tort – ne sont que des compléments de revenus, et vous incitez – bien sûr fiscalement – à remplacer du salaire négocié et garanti par de l'intéressement non garanti. Votre texte élargit aussi le nombre de bénéficiaires de ces régimes, incluant les présidents des sociétés, les membres du directoire…
…les conjoints des chefs d'entreprises. Est-ce là une meilleure répartition entre capital et salarié ? Ensuite, votre texte crée une commission nouvelle – pardon, un groupe d'experts, il faudra m'expliquer la nuance –, chargé de considérer le SMIC non plus comme un minimum pour vivre décemment, mais comme une variable d'ajustement de la politique économique. Au profit de qui ?
N'a-t-on pas eu un long débat sur les critères à prendre en compte par le groupe d'experts ? Y compris au Sénat, on a joué sur la virgule pour savoir si on devait se caler sur les autres pays européens, tenir compte de l'inflation, etc. À notre avis, les règles de fixations du SMIC relèvent exclusivement du Gouvernement – contrairement à ce que vous avez affirmé tout à l'heure –, et doivent prendre en compte, comme c'est le cas actuellement, le niveau de l'inflation et le salaire moyen ouvrier.
Autre exemple : votre texte constate que le non-respect de la négociation annuelle obligatoire – non sanctionné actuellement par l'administration –, serait sans obligation d'aboutir, sanctionnée par une pénalisation trop faible dont l'échappatoire sera facile à trouver en organisant une négociation bidon. Ce texte banalise aussi la participation en autorisant son déblocage, vidant de sa substance le principe de l'épargne salariale à long terme, et donnant le prétexte au blocage des salaires.
Pourtant monsieur le ministre, ce texte inscrit en urgence aurait pu vous donner l'occasion de répondre aux questions sur le pouvoir d'achat, la consommation et les salaires. Vous avez repoussé nos propositions en remettant à plus tard la moralisation, la limitation et l'assujettissement à contribution sociale des stocks options, des retraites chapeaux, des parachutes dorés ou des primes de bienvenue dites goldens hello.
L'amendement voté au Sénat et présenté comme une révolution est mièvre et facile à contourner. La charte patronale du MEDEF, simple guide de bonne conduite au bon vouloir des capitaines d'industrie en déroute, a été préférée à la loi. Nous évaluerons votre choix, et je vous renvoie à la lecture de La Tribune de ce jour, par exemple. Nous avions déposé des amendements que vous auriez pu retenir ; c'est votre responsabilité que de laisser faire.
Quant à votre idée du « service après vote », laissez-moi rire ! Un expert-comptable ou conseiller fiscal serait minable s'il n'incitait pas son client à verser intéressement ou participation à la place d'augmentations de salaire, ou s'il ne l'orientait pas vers l'exonération des heures supplémentaires ou le rachat des RTT.
Monsieur le ministre, ne vous fatiguez pas inutilement, même si votre déplacement lorrain vous a paraît-il ravi ! Je vous invite à revenir en Lorraine où je vous ferai rencontrer, par exemple, des mineurs souffrant de sidérose pour lesquels nous attendons toujours la réponse à nos interventions. Les entreprises comprennent vite comment échapper à l'impôt et comment réduire leurs contributions sociales.
Ceux qui pouvaient encore avoir des doutes auront mesuré que la crise financière et économique réduit à néant la portée de votre texte. Dès 2008 et encore plus en 2009, intéressement et participation seront réduits comme peau de chagrin. Ceux qui auront pensé compléter des salaires figés par un partage des bénéfices seront dépités. Voilà le résultat ! Des prétendues petites avancées que votre texte vantait, il ne reste que les dangers : annualisation et fragilisation du SMIC ; fin de l'épargne salariale de long terme ; possibilité d'éviter la négociation annuelle obligatoire sans véritable sanction ; incitation bien trop molle à revoir les minima de branche inférieurs au SMIC ; absence de moralisation des scandaleux avantages patronaux.
En résumé, monsieur le ministre, j'avais commencé mon intervention par les sept piliers que nous souhaitions préserver. Je vous ai ensuite montré sept erreurs dans votre texte. J'espère pour les salariés et pour notre pays qu'elles ne se transformeront pas en sept péchés capitaux.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de la discussion en première lecture, nous avions mis en avant l'inadéquation du texte à la question posée, à savoir le pouvoir d'achat.
Depuis dix-huit mois, le Gouvernement a fait voter de multiples lois pour améliorer le pouvoir d'achat. Toutes ont échoué, alors que, selon les chiffres donnés fin septembre, le pouvoir d'achat des salariés français avait baissé de 0,4 %. Comme les précédents, ce texte a trois défauts majeurs : il ne prévoit pas d'augmentation des salaires, d'où provient pourtant le revenu du travail pour l'immense majorité de nos concitoyens ; il n'est pas à la hauteur des besoins ; enfin, il n'intéresse qu'une partie des travailleurs, à savoir les salariés, et encore, seulement ceux des entreprises privées d'une certaine taille qui engrangent des bénéfices. Rien pour les chômeurs, les fonctionnaires, les salariés des petites et très petites entreprises, et rien pour les retraités.
Mais il y a pis : selon le rapport du sénateur Serge Dassault – que je peux bien citer une fois dans ma vie –, « s'il est impossible d'augmenter le SMIC, il faut en revanche développer la participation qui n'alourdit pas les coûts des entreprises ». Voilà bien la démonstration que votre texte vise à ne donner aux salariés que ce qu'ils ont déjà, notamment par le déblocage anticipé des droits de participation. D'ailleurs, vous inventez pour l'occasion ce que l'on peut appeler une anti-niche fiscale, puisque les salariés concernés auront le bonheur de voir imposé, au titre de l'IR, le revenu débloqué par anticipation.
Quant au subventionnement par la puissance publique, qui vous est si cher depuis la loi TEPA et les dispositions relatives aux heures supplémentaires, on le retrouve à l'article 1er, lequel institue un crédit d'impôt destiné aux entreprises ayant conclu un accord d'intéressement après la publication de la loi, ainsi qu'une exonération de cotisations sociales pour la prime exceptionnelle.
Ce texte n'était déjà pas à la hauteur à la fin du mois de septembre ; il l'est encore moins aujourd'hui, compte tenu de la crise financière, économique et sociale presque sans précédent où est plongé notre pays. Vous prévoyez 360 milliards d'euros pour les banques, moins de 1 milliard pour l'emploi, et rien pour les salaires ni pour relancer l'économie, malgré l'urgence.
Alors que notre économie entre en récession, la politique que vous menez depuis plus de six ans ne fait qu'ajouter de la crise à la crise. Et ce ne sont pas les mesures administratives annoncées par M. Sarkozy et M. Wauquiez qui répondront au problème du chômage, reparti à la hausse. Pour embaucher, les entreprises ont besoin de remplir leurs carnets de commandes. Voilà pourquoi il convient d'améliorer le pouvoir d'achat des consommateurs. Nous sommes en désaccord sur ce point : nous combattons un texte, mais surtout une politique, et faisons des propositions. Hélas, vous avez rejeté tous nos amendements.
Vous déclarez vouloir augmenter le pouvoir d'achat, monsieur Poisson : que n'approuviez-vous nos propositions de ramener le taux de TVA de 19,6 % à 19 %, de supprimer les franchises médicales, d'augmenter la prime pour l'emploi, de supprimer le bouclier fiscal – lequel reporte la charge fiscale sur les petites revenus – ou d'instaurer la prime de transport ! Sur ce dernier point, vous vous souvenez sans doute que vous avez repoussé notre amendement au motif qu'il serait pris en compte dans le PLFSS. Mais, lorsque nous avons examiné ce texte, M. Méhaignerie et la majorité n'ont rien trouvé de mieux que supprimer ladite prime en commission. Comprenne qui pourra ! On se souvient du vibrant plaidoyer de M. Méhaignerie en faveur du salaire direct : …
Avant de conclure, je souhaite évoquer l'article 2 nonies A, instauré par le Sénat. Il permet à l'employeur, dans certains cas, de mettre en place unilatéralement un PERCO, un plan d'épargne pour la retraite collectif, alors que celui-ci doit être négocié entre les partenaires sociaux. C'est là une brèche dans le droit existant – Alain Vidalies l'a souligné lors de la réunion de la CMP –, laquelle s'est faite de façon discrète, pour ne pas dire clandestine, par voie d'amendement, alors que le PERCO est un sujet de négociation collective dans l'entreprise, au même titre que les questions salariales, l'épargne salariale ou l'intéressement.
Je termine, monsieur le président.
C'est là encore, monsieur le ministre, une entorse importante à la règle que vous avez vous-même fixée par la loi, selon laquelle toute modification législative dans le domaine social doit être préalablement négociée entre les partenaires sociaux. Si vous ne respectez pas les règles que vous fixez vous-mêmes, il y a un problème.
Je m'en tiens là, compte tenu du temps de parole qui m'est imparti, même si l'on pourrait développer bien d'autres arguments. Comme vous l'avez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne voterons pas ce projet de loi.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
(L'ensemble du projet de loi est adopté.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.)
L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi organique portant application de l'article 25 de la Constitution (nos 1110, 1146) et du projet de loi relatif à la création de la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et à l'élection des députés (nos 1111, 1146).
La Conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.
La parole est à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, une démocratie plus représentative, plus transparente dans sa pratique et plus efficace : tels sont les objectifs fixés par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 pour rénover nos institutions.
Les deux textes aujourd'hui soumis à votre examen correspondent à cette volonté. Ils visent en premier lieu à rendre notre démocratie plus représentative. Le rééquilibrage démographique des circonscriptions était demandé depuis de nombreuses années par la Conseil constitutionnel. La refonte des circonscriptions législatives de 1986 reposait en effet sur le recensement général de 1982. Depuis, malgré les recensements de 1990 et 1999, il n'y a pas eu d'ajustement des circonscriptions, d'où des différences parfois très sensibles entre elles, et les demandes de plus en plus pressantes du Conseil constitutionnel pour un rééquilibrage.
Plus représentative, notre démocratie doit aussi l'être en représentant l'ensemble des Français. Aujourd'hui, 1,4 million d'entre eux vivent à l'étranger, où ils défendent les intérêts et les valeurs de la France.
S'ils sont représentés de façon limitée au Sénat, monsieur le député, ils ne le sont pas du tout à l'Assemblée nationale, où s'élabore au fond la politique de la nation, puisque c'est elle qui a le dernier mot en cas de désaccord. Je n'imagine guère que des représentants de la nation contestent le droit de certains Français à être représentés à l'Assemblée nationale. En outre, il s'agissait d'un engagement pris par le Président de la République lors de la campagne électorale,…
…engagement avalisé par le vote des Français. C'est donc pour obéir à leur choix que l'article 25 de la Constitution prévoit une telle représentation, et qu'il nous faut créer les sièges nécessaires.
Personne sur ces bancs, j'en suis sûre, ne prétendra qu'il ne faut pas respecter la Constitution. Cette mesure s'inscrira enfin dans le cadre de la fixation à 577 du nombre maximal de députés, comme l'a souhaité l'Assemblée elle-même.
La deuxième objectif pour la rénovation de nos institutions est la transparence. Je suis pleinement engagée sur ce point, car celles-ci constituent la base du contrat de vie en commun au sein de la République : elles doivent donc être au-dessus de toute forme de suspicion ou de faux-semblant et reposer sur une totale transparence, notamment s'agissant de la mise en oeuvre des obligations constitutionnelles. C'est bien avec cette finalité que le nouvel article 25 prévoit la création d'une commission indépendante chargée de donner un avis public sur tout projet de texte ayant pour objet une nouvelle délimitation des circonscriptions législatives ou une modification de la répartition des sièges de sénateurs.
Troisième objectif : l'efficacité, au nom de laquelle a été décidée la mesure relative aux parlementaires nommés au Gouvernement. Ceux-ci sont aujourd'hui remplacés par leur suppléant. Selon les constitutions, ils l'étaient temporairement ou définitivement. Dans ce dernier cas, ils doivent se soumettre à une nouvelle élection pour retrouver leur siège. Or, j'en ai fait l'expérience comme d'autres sur ces bancs, ces élections partielles connaissent des taux d'abstention record, lesquels rendent impossible tout résultat au premier tour, même si le candidat arrivé en tête a obtenu la majorité absolue des suffrages. L'un des deux textes prévoit donc que les parlementaires nommés au Gouvernement puissent, à la fin de leur mission, retrouver leur siège sans repasser par l'élection. D'ailleurs, les Français croient souvent que les choses se passent ainsi, ce qui explique en partie l'abstention.
Cela permet également d'assurer au Gouvernement et à son chef une certaine souplesse, et de faire preuve de réalisme, étant donné ce taux d'abstention.
Voilà les nouvelles dispositions et les principes qui les animent. Elles exigent naturellement l'adaptation de notre législation et déboucheront de manière logique sur la révision de la délimitation des circonscriptions législatives.
Le débat que vous vous apprêtez à engager portera d'abord sur le projet de loi organique, puis sur le projet de loi ordinaire, conformément à la hiérarchie des normes. Je vous présenterai brièvement les principes de chacun de ces deux textes, ainsi que les convictions qui sont les miennes et les principes que l'application de ces textes devra à mes yeux respecter. Alain Marleix, qui a beaucoup travaillé sur ces textes et sur leur application, ce dont je le remercie,…
… en détaillera plus avant le contenu.
Tout d'abord, le projet de loi organique tend à mettre en oeuvre les dispositions constitutionnelles relatives au nombre des députés, au remplacement temporaire des membres du Gouvernement et à la commission indépendante. Je vous l'ai rappelé, l'article 24 de la Constitution, comme le souhaitait l'Assemblée nationale, fixe le nombre maximal de députés – 577 – et de sénateurs – 348 –, et renvoie à la loi organique le soin de fixer le nombre de membres de chaque assemblée dans les limites de ce plafond.
En outre, le code électoral est aujourd'hui quelque peu en décalage avec ces dispositions, puisqu'il attribue 579 sièges à l'Assemblée nationale. L'article 1er du projet de loi tend donc à le rendre conforme à la Constitution, en fixant à 577 le nombre total de députés.
D'autre part, les dispositions qui définissent actuellement le nombre de députés élus dans les départements et dans les collectivités d'outre-mer sont abrogées ; il ne s'agit là que de technique législative. La loi ordinaire, désormais compétente en la matière, précisera donc le nombre de députés élus dans les départements, dans les collectivités d'outre-mer, enfin le nombre de députés représentant les Français établis hors de France.
Deuxièmement, l'article 23 de la Constitution rappelle la règle fondamentale de l'incompatibilité entre la fonction de membre du Gouvernement et l'exercice de tout mandat parlementaire, tradition de la Ve République. Les parlementaires nommés au Gouvernement sont donc remplacés par leur suppléant. Conformément à la logique pragmatique que j'évoquais, le présent projet de loi organique dispose que le remplacement temporaire prend fin au terme d'un délai d'un mois après la cessation des fonctions ministérielles.
Enfin, deux dispositions de la loi organique concernent la commission indépendante prévue à l'article 25. L'une précise les modalités de désignation de son président par le Président de la République, conformément à l'article 13 de la Constitution. Cette désignation est néanmoins subordonnée à l'aval des deux commissions permanentes compétentes du Parlement. La seconde prévoit l'incompatibilité entre l'exercice des fonctions de membre de la commission et l'exercice d'un mandat parlementaire, conformément à l'objectif de transparence, d'objectivité et d'équilibre qui caractérise le texte.
Quant au projet de loi ordinaire, il comporte également deux parties distinctes. La première concerne la commission indépendante, les détails de sa création, de ses tâches et de sa mise en oeuvre. L'article 1er en fixe la composition à des fins d'équilibre : en feront partie trois magistrats et trois personnalités qualifiées, désignées respectivement par le Président de la République, par le président de l'Assemblée nationale et par celui du Sénat. On retrouve là une formule déjà en vigueur dans d'autres domaines. En revanche, chose nouvelle, les commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat seront obligatoirement consultées sur ces nominations.
La commission sera composée de membres nommés pour six ans et renouvelable par moitié tous les trois ans, ce qui permettra à la fois d'assurer une jurisprudence suivie et de renouveler les commissaires. Le texte définit clairement ses règles de fonctionnement et les obligations qui incombent à ses membres, notamment leur devoir de confidentialité. Quant à ses conditions de travail, elle disposera de deux mois pour rendre un avis sur le texte qui lui aura été soumis, ce qui lui assure le temps de la réflexion tout en évitant que son travail ne souffre de ralentissements.
Deuxièmement, les articles 2 et 3 contiennent les dispositions d'habilitation relatives à l'élection des députés et à la révision de la délimitation des circonscriptions électorales. Je ne doute pas que cela intéresse l'Assemblée. Nous avons tout simplement repris la méthode employée en 1986…
… qui était manifestement acceptée par tous, puisque – je vous le rappelle, monsieur le député – elle n'a jamais été remise en cause depuis lors, malgré quatre alternances !
Si elle vous avait tant déçus, je ne doute pas que les majorités auxquelles vous avez appartenu auraient modifié le système !
Nous reprenons donc une méthode qui a suscité le consensus : délimitation des circonscriptions par voie d'ordonnance ; respect des limites cantonales, sauf pour les cantons peuplés de plus de 40 000 habitants ou dont le territoire est enclavé ou discontinu ; méthode dite de la tranche, qui donne droit à un siège pour 125 000 habitants environ ;…
La tranche n'est pas dans votre projet de loi, mais dans un amendement !
…règle du maintien de deux sièges au moins par département. Ce dernier point, je ne le cache pas, a fait l'objet d'hésitations. Après réflexion, et puisque les départements peu peuplés couvrent souvent des distances considérables, voire souffrent de grandes difficultés de circulation lorsqu'ils incluent une zone montagneuse importante, il a été décidé de maintenir deux sièges par département pour garantir une véritable représentation, même quand la limite moyenne de 125 000 habitants n'est pas tout à fait atteinte.
Enfin, le dernier article de la loi ordinaire concerne les membres du Parlement européen nommés au Gouvernement, auxquels il est logique d'appliquer le même régime qu'aux membres du Gouvernement issus de l'Assemblée nationale.
Mesdames, messieurs les députés, le texte qui vous est présenté aujourd'hui se propose de respecter scrupuleusement certains principes et de fixer des règles claires et transparentes, afin d'éviter les polémiques et les soupçons que l'on essaie toujours, je le sais bien, d'alimenter, surtout en période préélectorale.
S'agissant de règles ouvertes, connues, que vous avez vous-mêmes, je l'ai dit, implicitement approuvées en vous abstenant de les modifier au cours des dernières années,…
… c'est dans le respect de la Constitution, sous le contrôle du Parlement et à la lumière du travail de la nouvelle commission indépendante que le Gouvernement entend moderniser nos institutions, en toute transparence, à des fins d'équité démographique et d'objectivité politique.
Je savais que ce ne serait pas là l'objectif de tout le monde ; soyez assurés que c'est le mien, et celui de la majorité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Les quatre députés socialistes présents représentent-ils tous les courants du PS ?
La parole est à M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.
à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement vous invite aujourd'hui à franchir la première étape menant à l'ajustement de la carte des circonscriptions législatives.
Pourquoi ce redécoupage est-il indispensable ? Lorsque le Parlement a voté en 1985, à la fin de la septième législature, la loi instituant le mode de scrutin proportionnel pour l'élection des députés, il a adopté un tableau de répartition des sièges entre les départements fondé sur le recensement général de population intervenu en 1982. Il était alors prévu de revoir ce tableau après le recensement général de population suivant.
Lors du rétablissement du scrutin majoritaire en 1986, il avait été décidé, aux termes de l'article L. 125 du code électoral, qu'il serait « procédé à la révision des limites des circonscriptions, en fonction de l'évolution démographique, après le deuxième recensement général de la population suivant la dernière délimitation ».
Or, depuis la délimitation arrêtée en 1986 sur le fondement du même recensement de 1982, et qui constitue la délimitation actuelle de vos circonscriptions d'élection, deux recensements généraux de la population ont eu lieu…
La répartition des sièges et la délimitation des circonscriptions auraient donc dû être actualisées depuis près de dix ans. Or vous n'avez été saisis d'aucun projet de loi en ce sens,...
…ni par le gouvernement de la gauche plurielle dirigé par Lionel Jospin jusqu'en 2002, ni, du reste, par les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin puis de Dominique de Villepin, entre 2002 et 2007.
Fidèle à la politique de réformes conduite depuis l'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, en mai 2007, le Gouvernement de François Fillon vous propose aujourd'hui de procéder à cette actualisation.
Cette réforme est d'autant plus nécessaire que les deux recensements de 1990 et de 1999 ont fait apparaître des écarts démographiques importants, qui devraient être accrus par les résultats du recensement glissant effectué depuis 2004, résultats que nous devrions connaître à la fin de l'année.
Ainsi, selon le découpage effectué en 1986, la population de vingt-huit des 574 nouvelles circonscriptions était éloignée de plus de 15 % de la moyenne départementale ; deux seulement s'en écartaient de plus de 18 %. Aujourd'hui, et sur le seul fondement du recensement de 1999, quatre-vingt-cinq circonscriptions ont une population éloignée de la moyenne départementale de plus de 15 %, dont cinquante-trois où l'écart dépasse 18 %. Plus grave, la population de trente-six de nos circonscriptions s'écarte de plus de 20 % de la moyenne départementale, ce qui est illégal au regard des critères fixés en 1986. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Parmi ces circonscriptions, citons la deuxième du Val-d'Oise, qui, avec plus de 188 000 habitants, dépasse de 53 % la moyenne de ce département ; la sixième du Var, plus de 180 000 habitants et un écart de 40 % ; la cinquième de la Haute-Garonne, près de 175 000 habitants et un écart de 33 % ; la douzième des Bouches-du-Rhône plus de 150 000 habitants et un écart de 32 %.
Si j'ajoute que les circonscriptions des départements comptaient en moyenne, lors de ce même recensement de 1999, environ 105 000 habitants, vous voyez que ce qui est en cause, c'est le principe de l'égalité du suffrage universel, inscrit à l'article 3 de notre Constitution.
Pour tout vous dire, jamais les gouvernements qui se sont succédé depuis lors n'auraient dû laisser se perpétuer des écarts aussi considérables.
Si nous ne le faisions pas aujourd'hui, mesdames, messieurs les députés, que répondrait-on au Conseil constitutionnel qui, dans ses observations du 15 mai 2003 sur les élections législatives de 2002, affirmait déjà : « Il incombe au législateur de modifier le découpage » ?
Que répondrait-on au Conseil constitutionnel qui, dans sa décision du 7 juillet 2005, vous rappelait cette obligation, en faisant observer : « Si cela n'est pas fait avant les prochaines élections législatives, ce qui serait regrettable, cela devra être entrepris au lendemain de celles-ci » ? Que répondrait-on au Conseil constitutionnel qui, dans ses observations du 29 mai dernier sur les dernières élections législatives, soulignait : « Il est désormais impératif de procéder à ce découpage » ?
Si nous ne le faisions pas aujourd'hui,…
…que répondrait-on aux citoyens qui fondent de plus en plus souvent leur recours contre l'élection d'un député sur les disparités démographiques affectant les circonscriptions législatives ? Le Conseil constitutionnel, en statuant le 3 mai 2007 sur l'une de ces requêtes, a laissé entendre que le décret de convocation des électeurs pour une élection sur la base du découpage de 1986 était de nature à compromettre gravement l'efficacité de son contrôle et à vicier le déroulement général des opérations électorales. Il est même allé jusqu'à affirmer que l'absence de modification du tableau des limites des circonscriptions législatives constituait une « carence du législateur ». Nous ne pouvons prendre le risque qu'il annule un jour – pourquoi ne le ferait-il pas ? – une élection législative partielle si rien n'était fait pour remédier aux écarts qu'il a dénoncés à plusieurs reprises.
Non, mesdames, messieurs les députés, nous ne pouvons pas, près de dix ans après le dernier recensement, alors même que les résultats d'un nouveau recensement sont sur le point d'être publiés, reporter une nouvelle fois cette réforme, en dépit de sa complexité un peu redoutable. Ce que les gouvernements précédents n'ont pas osé faire, nous devons le lancer sans plus attendre, pour répondre aux exigences du Conseil constitutionnel : c'est la mission qui nous a été confiée par le Président de la République et par le Premier ministre.
Mais attention : il ne s'agit nullement de tout remettre à plat et d'élaborer une nouvelle carte électorale. Il s'agit de ne faire que ce qui est nécessaire, c'est-à-dire de l'ajuster pour remédier aux écarts de population les plus importants et, pour tout dire, les plus choquants, soit les écarts qui se sont creusés dans la répartition des sièges entre les départements et les collectivités, ce qui pourra conduire à un véritable redécoupage dans une quarantaine de départements, et ceux qui se sont accentués entre les circonscriptions d'un même département, et qui exigeront un simple remodelage. Nous devons respecter la loi fondamentale qu'est la Constitution, toute la loi, mais rien que la loi.
Comment allons-nous procéder à ce double ajustement ?
La procédure va comporter cinq étapes, que Mme la ministre a évoquées.
Il nous faut en premier lieu mettre en place la commission indépendante, dont nous avons prévu la création à l'article 25 de la Constitution. Elle fait l'objet de l'article 1er du projet de loi. Conformément au texte que la majorité du Congrès a adopté en juillet dernier, cette commission doit donner son avis, avant que le Conseil d'État ne se prononce à son tour, sur la nouvelle répartition des sièges et sur la nouvelle délimitation des circonscriptions. Je dis bien un avis, parce que le rôle de cette commission est uniquement consultatif et qu'il ne lui appartient pas de décider à la place du Gouvernement ou à votre place ; autrement dit, si elle doit se prononcer, le moment venu, sur les textes qui lui seront présentés, ce n'est pas à elle de faire le travail de double ajustement que j'évoquais il y un instant.
Mais, et c'est la raison pour laquelle le Gouvernement n'a inscrit dans les projets qu'il vous soumet ni le mode de calcul de la répartition des sièges, ni les critères du découpage, la Constitution nous impose qu'une fois la commission mise en place, elle donne son avis sur ces deux points. Et ce serait évidemment priver sa consultation de toute portée utile de tout décider avant même qu'elle ne soit installée : le Conseil d'État a pris très nettement position sur ce point, et nous ne pouvons prendre le moindre risque juridique.
Vous prenez des précautions constitutionnelles que Mme la ministre n'a pas prises !
C'est donc bien vous, représentants de la nation, qui déciderez en dernière analyse, mais vous ne pourrez le faire qu'après avoir consulté la commission, prévue, je le répète, dans la Constitution.
Cette commission, comme l'a souligné Mme Alliot-Marie, aura une composition équilibrée. En feront d'abord partie trois magistrats, issus du Conseil d'État, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes, élus par leurs pairs en assemblée générale : ce sont les trois juridictions dont des représentants siègent déjà dans des commissions intervenant dans le domaine électoral et qui avaient chacune désigné deux de leurs membres dans la commission mise en place lors du découpage de 1986. S'y ajouteront trois personnalités, désignées respectivement par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat, et qui seront choisies du fait de leurs connaissances dans les domaines de la démographie, de la géographie et de la sociologie.
Nous avons également voulu que cette commission ait un caractère pluraliste. Une solution aurait consisté à demander aux groupes de votre assemblée d'en désigner certains des membres ; mais l'indépendance de la commission, prévue par l'article 25 de la Constitution, interdit que ses membres soient liés à des partis politiques. Nous avons donc prévu que les trois personnalités ne puissent pas être nommées si elles suscitent l'opposition des trois cinquièmes des parlementaires membres des commissions des lois de l'Assemblée et du Sénat : plus exactement, les deux commissions réunies pour le membre désigné par le Président de la République, qui sera président de la commission, comme nous l'a demandé le Conseil d'État, et la commission de l'assemblée concernée pour les deux autres membres.
Il y aura ainsi une possibilité de veto de quarante-huit d'entre vous sur le membre nommé par le président de votre assemblée ou de vingt-neuf sénateurs pour celui nommé par le président du Sénat – ou des deux réunis pour le président de la commission –, ce qui devrait entourer ces nominations d'un certain consensus.
La commission sera nommée pour six ans et renouvelée par moitié tous les trois ans. Elle obéira aux règles classiques de fonctionnement des autorités administratives indépendantes, renforcées suite à l'avis émis par le Conseil d'État. J'y reviendrai si vous le souhaitez.
Afin de satisfaire aux exigences constitutionnelles, la disposition encadrant la nomination du président de la commission par le Président de la République et celle édictant une incompatibilité entre les fonctions de membre de la commission et le mandat de député ont été insérées dans le projet de loi organique, aux articles 5 et 6.
Deuxièmement, nous allons réviser la délimitation des circonscriptions. Comme en 1986, le Gouvernement vous propose de l'habiliter à procéder par voie d'ordonnances, car chacun comprend bien qu'il est difficilement envisageable de délibérer en commission, puis en séance publique, de cette question : la demande d'habilitation, c'est l'article 2 du projet de loi, qui porte à la fois sur la répartition des sièges et sur la révision de la carte, en métropole et outre-mer, opérations successives pour lesquelles nous annonçons dès à présent les critères sur lesquels nous nous appuierons, et qui sont ceux retenus en 1986. J'y reviendrai dans un instant.
Troisièmement, il nous faudra créer des sièges de députés pour l'élection des représentants des Français de l'étranger : maintenant prévue dans la Constitution, elle interviendra à partir du prochain renouvellement de l'Assemblée nationale.
Cette élection se fera au scrutin majoritaire à deux tours, comme pour les autres députés : en effet, il n'était pas admissible de retenir deux modes de scrutin différents, susceptibles de dévaloriser ces nouveaux députés par rapport à leurs collègues.
En outre, le mode de scrutin proportionnel ne permettrait pas d'atteindre l'objectif de représenter nos compatriotes établis hors de France par un député qui leur soit véritablement attaché, en qui ils puissent se reconnaître et à qui ils puissent s'adresser.
Le nombre de ces nouveaux représentants sera fixé en tenant compte du nombre de nos compatriotes immatriculés à l'étranger. La difficulté est que nous ne disposons pas d'un recensement exhaustif de cette population, analogue à ceux effectués en métropole ou outre-mer, mais de la seule donnée fournie par les immatriculations dans les consulats. L'immatriculation résulte d'une démarche volontaire, mais elle se différencie de l'inscription sur une liste électorale, critère qui ne peut être retenu pour des représentants de la nation, puisque les mineurs et les personnes privées de droits civiques y figurent également.
Cette donnée devra toutefois être corrigée à la baisse par le nombre de personnes qui restent inscrites en France pour les élections présidentielles et législatives : les articles L. 12 et L. 14 du code électoral leur donnent en effet cinq possibilités de choix d'une commune d'inscription, sans compter les deux possibilités offertes à tout citoyen. En choisissant l'une d'entre elles, nos compatriotes ne manifestent pas vraiment une volonté d'établissement durable hors de France. Ils sont d'ailleurs très attachés à ces possibilités, à ces libertés qui leur permettent de garder un lien avec notre pays et le contact avec ses habitants. Nous ne voulons pas les en priver.
Au vu des chiffres provisoires dont nous disposons, les Français immatriculés à l'étranger, au nombre de 1,4 million à la date du 1er juillet 2008, devraient être représentés dans la future Assemblée nationale, non pas par une vingtaine de députés comme on l'a parfois dit lors de la discussion de la révision constitutionnelle, ni même par douze, comme on l'a souvent entendu, mais plutôt par huit ou neuf députés.
Quatrièmement, il nous faudra alors arrêter une nouvelle répartition des sièges de députés entre les départements et les collectivités d'outre-mer. Là encore, le Gouvernement vous demande une habilitation à le faire par voie d'ordonnance, puisque nous ne pouvons y procéder qu'une fois connus et publiés les chiffres définitifs du recensement, attendus pour la fin du mois de décembre. Mais je peux d'ores et déjà vous annoncer que cette répartition ne sera pas bouleversée, puisque nous proposons de reprendre les critères traditionnels de notre République : ces critères remontent en effet au début de la IIIe République et ils ont été validés il y a vingt-deux ans par le Conseil constitutionnel.
Il s'agit d'abord de la règle assurant à tout département un minimum de deux députés, parce qu'elle autorise une représentation diversifiée à chaque territoire départemental et qu'elle est la plus adaptée au scrutin uninominal. Apparue avec la loi du 16 juillet 1885, qui prévoyait même un minimum de trois députés par département, elle a été maintenue par le gouvernement de M. Fabius lui-même…
…lors du passage au scrutin proportionnel en 1985, et approuvée par tous les groupes politiques. Comme vous pouvez le constater, j'ai de bonnes références !
Elle a alors joué en faveur de quatre départements insuffisamment peuplés – la Guyane, la Lozère, les Hautes-Alpes et la Corse-du-Sud –, exceptions qui ont été admises par le Conseil constitutionnel à plusieurs reprises. Elle devrait jouer aujourd'hui pour le département de la Lozère et, d'extrême justesse, pour celui de la Creuse.
La règle d'au minimum un député par collectivité d'outre-mer n'a pas la même ancienneté et il est vrai qu'elle amplifie, dans certains cas, les écarts de population. Le Gouvernement l'a toutefois retenue pour respecter les décisions prises par votre assemblée lors de l'examen des statuts particuliers de ces collectivités. Quatre d'entre elles seraient aujourd'hui concernées par cette exception : Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Wallis-et-Futuna, ainsi que les deux collectivités plus récentes de Saint-Barthélémy et de Saint-Martin.
Quant au deuxième critère que le Gouvernement a l'intention de conserver, c'est l'attribution automatique d'un siège supplémentaire par tranche de population. J'ai bien dit «population », et non pas « électeurs inscrits », parce que chaque député représente la nation, les adultes comme les mineurs, et que le recensement ne distingue pas les nationaux et les personnes étrangères, qu'elles soient en situation régulière ou non.
Deux départements ayant le même nombre d'électeurs inscrits peuvent donc avoir un nombre de députés sensiblement différent, mais ce sont les limites du critère démographique.
La méthode de répartition retenue, dite « de la tranche », date de la loi électorale du 16 juin 1885, où la tranche était alors de 75 000 habitants.
Portée à 93 000 habitants en 1958, elle a été fixée à 108 000 habitants lors du changement de mode de scrutin en 1985. Elle était alors présentée comme « le mode de répartition le plus simple et le plus compréhensible » par le ministre de l'intérieur de l'époque, M. Pierre Joxe.
Oui, les bonnes références continuent ! (Sourires.)
Cette méthode, également validée par le Conseil constitutionnel, et qui régit de surcroît la répartition actuelle des sénateurs entre les départements, devrait donner, au vu des chiffres provisoires de population, un député de plus pour 125 000 habitants supplémentaires. C'est la méthode qui impacte le plus faible nombre de départements, compte tenu des tendances qui se dessinent au vu des indications intégrant la dernière enquête de recensement : quarante départements sur cent un, dont vingt-cinq qui perdent un ou plusieurs sièges, et quinze qui en gagnent, avec deux départements seulement à « rattraper » pour avoir deux sièges, la Lozère et la Creuse, comme je le disais à l'instant.
Naturellement, il serait possible de disserter à 1'infini sur le choix d'une autre méthode qui permettrait une répartition différente, supposée plus équitable ; les revues scientifiques sont d'ailleurs remplies d'articles exposant les mérites comparés des méthodes d'Adams, de Jefferson, d'Hamilton ou de Sainte-Laguë, que votre rapporteur a décrites, exemples à l'appui.
Mais nous ne sommes pas à la recherche du meilleur système de répartition (« Bravo ! » et rires sur les bancs du groupe SRC)…
…dès lors que notre intention n'est pas de tout remettre à plat – et demandez à votre groupe, messieurs les socialistes, si c'est ce qu'il veut ! – mais de procéder aux ajustements exigés par l'évolution démographique ; notre devoir est bien de réduire les écarts les plus importants et non pas de les faire disparaître totalement, ce qui ne pourrait d'ailleurs être obtenu qu'avec un découpage en blocs d'égal poids démographique, comme le font les Américains, sans tenir compte des réalités géographiques et administratives. Je suppose que tel n'est pas non plus le but recherché sur les bancs de cet hémicycle.
Nous voulons atteindre cet objectif sans bouleverser une carte électorale dont la dernière délimitation date de vint-deux ans, qui a connu depuis lors cinq scrutins et dont les fondements ont aujourd'hui exactement cinquante ans.
C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas fait le choix de la répartition des sièges proportionnellement à la population des départements, qui donnerait cinquante départements touchés avec le système du plus fort reste – trente-trois qui perdent et dix-sept qui gagnent – et soixante départements touchés avec le système de la plus forte moyenne – trente-neuf qui perdent et vingt et un qui gagnent. Dans ce dernier cas, le nombre de départements à rattraper pour avoir deux sièges serait de quatorze – partagés entre la majorité et l'opposition, qui y ont chacune quatorze députés, preuve, s'il en était besoin, que la démographie n'a pas de couleur politique ; et il n'est pas certain que le Conseil constitutionnel validerait le grand nombre de départements ainsi rattrapés.
Enfin, cinquième orientation, nous voulons réviser la délimitation des circonscriptions dans deux cas de figure : lorsque le nombre de sièges varie et lorsque les écarts de population à l'intérieur d'un même département excèdent les limites autorisées par le Conseil constitutionnel, soit un écart de plus ou moins 20 % par rapport à la moyenne départementale, écart dont on ne se rapproche que dans des cas tout à fait exceptionnels.
Faute de connaître, à l'heure actuelle, les chiffres définitifs du recensement, nous ne pouvons vous donner aujourd'hui le nombre de circonscriptions ainsi concernées. Il devrait être, en théorie, de l'ordre de la moitié des circonscriptions si l'on fait la somme de celles qui se situent dans l'une de ces deux hypothèses ; mais il devrait être, en réalité, bien inférieur – de l'ordre du quart – si l'objectif est de ne modifier que le strict nécessaire, ce qui concernerait huit à dix départements au maximum.
Pour cette révision des circonscriptions, j'ai proposé également de reprendre purement et simplement les critères retenus pour le découpage de 1986 : territoire continu, respect des limites cantonales, sauf exceptions justifiées, notamment par des raisons démographiques, c'est-à-dire écarts de population limités à 20 % de la population moyenne des circonscriptions. Si ces critères ne figurent pas tous dans le projet de loi ordinaire qui vous est soumis, c'est uniquement parce que nous avons le souci, comme je vous le disais il y a quelques instants, de les soumettre le moment venu à la commission ; mais, dans un souci de transparence, nous avons souhaité vous en faire part dès à présent, en vous assurant qu'ils seront respectés.
Des critères voisins seront retenus pour la délimitation des nouvelles circonscriptions destinées à élire les députés représentant les Français de l'étranger : celles-ci devront respecter les limites des circonscriptions existant aujourd'hui pour l'élection des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger. Elles seront aussi équilibrées démographiquement que possible, tant sur le continent européen que dans le reste du monde.
L'élection de ces nouveaux députés exigera d'ailleurs l'adaptation de certaines règles électorales, relatives par exemple aux listes électorales, aux déclarations de candidature, à la propagande électorale, aux dépenses électorales, aux opérations de vote et au vote par procuration. Une habilitation à faire ces adaptations par voie d'ordonnances vous est demandée dans l'article 3 du projet de loi ordinaire.
J'indique enfin que les projets d'ordonnance, qui seront soumis à la commission indépendante puis au Conseil d'État, devront être adoptés dans un délai d'un an à compter de la publication de la loi d'habilitation ; le projet de loi de ratification sera déposé dans les trois mois qui suivront et la ratification devra intervenir de manière expresse, comme le prévoient les nouvelles dispositions constitutionnelles.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, ce dossier complexe est loin d'être bouclé. Contrairement à ce que je lis ici ou là, le découpage n'est pas commencé puisqu'il nous manque les données essentielles que sont les chiffres de population des différentes circonscriptions, chiffres dont nous ne disposerons pas avant le mois de janvier.
Conformément à la volonté exprimée par le Premier ministre lorsqu'il a reçu, le 16 septembre dernier, les responsables des groupes et des formations politiques représentés dans votre assemblée et au Sénat, les opérations auxquelles il nous faudra procéder se feront dans la plus grande transparence.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Nous voilà rassurés !…
Vous pourrez accéder – et je vous y accueillerai personnellement avec le plus grand plaisir – aux locaux du ministère de l'intérieur…
…où seront à disposition les cartes et les chiffres du recensement. Ces locaux, situés au 14, rue de Miromesnil, seront ouverts dès que la loi d'habilitation sera votée et publiée au Journal officiel.
La commission indépendante sera installée le plus rapidement possible après le vote de la loi régissant sa composition, son organisation et son fonctionnement, pour qu'elle puisse travailler dès que les projets de délimitation seront prêts.
J'en viens maintenant au second texte qui vous est soumis. Le projet de loi organique constitue, avec le projet de loi ordinaire dont je viens de vous exposer les grandes lignes, l'un des deux premiers textes d'application de l'importante réforme des institutions opérée par la loi constitutionnelle du 23 juillet dernier. Il concerne, pour l'essentiel, la fixation du nombre des députés et le remplacement temporaire des parlementaires devenus ministres, aujourd'hui prévu par l'article 25 de la Constitution. Vous en avez déjà longuement débattu au printemps dernier.
L'article 1er du projet de loi organique fixe le nombre des députés. La Constitution a prévu un plafond égal à celui retenu depuis 1985, soit 577. Il vous faut maintenant fixer les effectifs exacts de votre assemblée par une disposition de nature organique, en application de l'article 25 de la Constitution. Le Gouvernement vous propose de retenir le chiffre plafond de 577 et de l'inscrire à l'article L.O. 119 du code électoral.
L'article 7 abroge, par voie de conséquence, les articles organiques qui fixaient jusqu'à présent les nombres des députés élus en Nouvelle-Calédonie et dans les collectivités d'outre-mer. Il n'y a aucune justification juridique à ce que ces différents contingents, ainsi que celui des députés représentant les Français de l'étranger, soient maintenus dans la partie organique du code. Si le Conseil constitutionnel l'a admis jusqu'à présent, c'est parce qu'aucun article ne fixait le nombre total des députés. Maintenir ces dispositions préjugerait des décisions à prendre au vu de la population de ces différentes collectivités, décisions qui devront être soumises pour avis à la commission, et empêcherait, en outre, leur modification sans l'intervention d'une nouvelle loi organique.
Les articles 2, 3 et 4 du projet mettent en oeuvre le remplacement temporaire des parlementaires nommés au Gouvernement, décidé en juillet dernier, en réécrivant les articles L.O. 176, L.O. 319 et L.O. 320 du code électoral. Un député ou un sénateur, devenu ministre, sera remplacé provisoirement par son suppléant, pour un député ou un sénateur élu au scrutin majoritaire, ou son suivant de liste, pour un sénateur élu au scrutin proportionnel. Il retrouvera automatiquement son siège au plus tard un mois après la cessation de ses fonctions gouvernementales. S'il renonce à le récupérer pendant ce délai, son remplacement à l'Assemblée nationale ou au Sénat deviendra définitif, jusqu'au prochain renouvellement de l'Assemblée dans laquelle il avait été élu. Il n'y a rien de changé dans cette hypothèse. Nous avons maintenu la situation que nous connaissons aujourd'hui. Au cas où plusieurs remplacements seraient intervenus sur une même liste, hypothèse qui ne peut concerner que les sénateurs, c'est le dernier arrivé qui devra céder son siège, solution logique et de bon sens. Comme l'a prévu la réforme constitutionnelle, le nouveau système est applicable aux membres actuels du Gouvernement.
Le projet de loi ordinaire contient une disposition technique semblable pour les députés européens qui deviennent membres du Gouvernement, disposition applicable après le prochain renouvellement du Parlement européen.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, la discussion générale et l'examen des articles des deux projets de loi vont nous donner l'occasion, après avoir entendu l'excellent exposé du rapporteur de la commission des lois, d'examiner les questions que posent leurs dispositions. Vous pouvez être assurés de ma disponibilité pour discuter des ajouts ou modifications que vous souhaiterez leur apporter, dès lors naturellement qu'ils s'inscrivent dans l'objet des deux projets de loi et qu'ils ne dénaturent évidemment pas l'essentiel de leur contenu.
Pour moi, un découpage équitable et républicain…
…doit permettre à une majorité de voix d'obtenir une majorité de sièges : c'est le fondement de la démocratie.
Je sais, par expérience, qu'un découpage ne saurait museler l'expression d'un courant politique et qu'un découpage savamment préparé a pu parfois donner des résultats contraires à ceux qu'en espéraient ses auteurs parce que l'opinion publique avait évolué entre-temps.
Souvenez-vous, messieurs, de certains découpages cantonaux de la fin de l'année 1981 et des résultats des élections cantonales de mars 1982 ! Mais je ne veux pas être plus cruel, je n'en rajouterai donc pas !
Le découpage si décrié de 1986 n'a empêché l'alternance ni en 1988, ni en 1997. Les observateurs les plus attentifs ont pu noter qu'au second tour des élections législatives de 2007, par exemple, il y avait eu une identité parfaite entre les résultats obtenus par chaque coalition en voix et leur nombre de sièges, l'écart s'étant fait au premier tour.
Aucune nouvelle répartition des sièges, aucun nouveau découpage n'empêcheront la victoire de la majorité ou de l'opposition actuelles, si elles sont majoritaires dans le pays.
Ce n'est pas parce qu'une circonscription disparaîtra, du fait d'une évolution démographique défavorable, que les électeurs auront eux-mêmes disparu, qu'il s'agisse d'électeurs de droite ou d'électeurs de gauche !
Soyez donc assurés, mesdames et messieurs les députés,…
…que les opérations d'ajustement auxquelles nous allons nous livrer seront faites au grand jour ; je l'ai personnellement souhaité, comme je crois en avoir administré la preuve, et j'y veillerai attentivement. Je n'en attends pas plus que l'objectif poursuivi : mettre fin aux écarts démographiques les plus choquants que connaissent certaines de vos circonscriptions actuelles et répondre ainsi aux injonctions justifiées, répétées et légitimes du Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, le sujet que nous abordons aujourd'hui – la carte électorale – est, sans aucun doute, au coeur des préoccupations de tous les députés.
Pas de tous, il ne faut pas exagérer ! Mais il y en a qui s'inquiètent pour d'autres…
Cependant, il doit être possible de le traiter de façon équitable, objective et transparente. C'est le but que vous poursuivez, monsieur le secrétaire d'État, et auquel adhère la commission des lois.
Les deux projets de loi ont pour objectif de mettre en application la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, principalement l'article 25 de la Constitution. Leur contenu vient d'être précisément décrit par les ministres. Il me suffira donc de rappeler que nous examinons, premièrement, un projet de loi organique qui fixe à 577 le nombre de députés à l'Assemblée nationale et définit les conditions dans lesquelles les parlementaires nommés au Gouvernement pourront retrouver leur mandat à l'issue de leurs fonctions gouvernementales ; deuxièmement, un projet de loi ordinaire qui fixe la composition et les modalités de fonctionnement de la commission prévue à l'article 25 nouveau de la Constitution, ainsi que le mode d'élection des députés représentant les Français établis hors de France. En outre et surtout, ce projet de loi ordinaire, en son article 2, habilite le Gouvernement à fixer par ordonnance le nombre et la répartition des sièges de député et à délimiter, selon la même procédure, les circonscriptions législatives.
S'agissant du projet de loi ordinaire, c'est à cet article 2 que je consacrerai l'essentiel de mes commentaires.
Je crois pouvoir dire que la commission des lois a été unanime à reconnaître que la réforme de la carte électorale est indispensable.
En effet, la répartition des sièges de député entre les départements a été opérée par la loi Joxe du 10 juillet 1985 et le découpage des circonscriptions résulte de la loi Pasqua du 24 novembre 1986. Plus de vingt ans après, l'évolution démographique a creusé des inégalités de représentation si profondes que le Conseil constitutionnel a estimé à plusieurs reprises qu'il convenait de les corriger en modifiant le découpage.
Il s'agit donc bien d'une correction, et non d'une refonte globale de la carte électorale : la distinction est fondamentale.
L'habilitation que vous allez donner au Gouvernement ne lui permettra pas de dessiner une nouvelle carte électorale, mais seulement de lui apporter les adaptations nécessaires à la correction des disparités démographiques – créations ou suppressions de sièges et nouvelle délimitation des circonscriptions dans les départements qu'elles affectent, ainsi que dans ceux où les circonscriptions s'écartent de plus de 20 % de la moyenne départementale.
Il n'est pas non plus question de changer de méthode : la répartition des sièges entre les départements et les collectivités obéira comme en 1985 au système de la « tranche ».
Le principe du recours aux ordonnances – je parle bien du principe et non de leur contenu – n'a pas fait débat au sein de la commission. C'est cette même procédure qui avait été retenue d'emblée en 1986 et validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 86-208 DC des 1er et 2 juillet de la même année.
Cela étant, l'habilitation que nous demande le Gouvernement est large.
En effet, elle porte non seulement sur le découpage des circonscriptions mais aussi, en amont, sur la répartition des sièges entre les départements, les collectivités d'outre-mer et la nouvelle catégorie que constituent les députés représentant les Français établis hors de France.
Jusqu'à présent, le nombre total des députés élus dans les départements et celui de chacune des collectivités d'outre-mer étaient fixés par la loi organique aux articles L.O. 119, L.O. 393-1, L.O. 455 et L.O. 533 du code électoral. Dès lors, le nombre total de 577 députés, qui ne figure nulle part, n'est que la somme de ces catégories.
Le dispositif qui vous est proposé aujourd'hui est inverse : c'est seulement le nombre total de députés – toujours 577 – qui sera fixé par la loi organique, tandis que la répartition des sièges entre les différentes catégories et au sein de chacune d'entre elles donnera lieu à la publication d'ordonnances. Cette méthode permettra de respecter les articles 24, 25 et 38 de la Constitution, mais elle implique un strict encadrement des pouvoirs étendus ainsi conférés au Gouvernement.
La première garantie consiste à prévoir une consultation obligatoire de la commission créée par l'article 25 de la Constitution. L'article 1er du projet de loi ordinaire et l'article 5 du projet de loi organique pourvoient à son indépendance en prévoyant, d'une part, que la moitié de ses membres – trois sur six – seront des hauts magistrats désignés par leurs pairs et, d'autre part, que le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat ne pourront nommer les trois autres membres qu'à la condition que les personnalités pressenties n'aient pas suscité l'opposition d'une majorité qualifiée au sein des commissions des lois de l'Assemblée et du Sénat.
Toutefois, n'étant pas encore constituée, la commission indépendante n'a pas été saisie des deux projets que nous examinons aujourd'hui – et elle n'avait d'ailleurs pas à l'être.
En effet, le dernier alinéa de l'article 25 de la Constitution, qui crée la commission, n'est pas encore applicable puisque l'article 46 de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a laissé au législateur le soin d'en fixer les conditions d'application, notamment la date d'entrée en vigueur.
La commission n'interviendra donc pour cette fois qu'au stade des ordonnances, ainsi qu'à celui de la loi de ratification si elle modifie lesdites ordonnances.
J'ajoute que ni la Constitution, ni le présent projet de loi ordinaire ne confèrent à la commission indépendante un pouvoir normatif. C'est au législateur qu'il revient de fixer dès aujourd'hui, à la lumière des principes énoncés par le Conseil constitutionnel, les règles de forme et de fond auxquelles devra obéir le remodelage de la carte électorale. L'intervention du Parlement ne constitue-t-elle pas la meilleure garantie de la transparence, de l'équité et de l'objectivité que nous recherchons tous ?
Voilà pourquoi le projet de loi ordinaire comporte plusieurs dispositions qui encadrent l'habilitation donnée au Gouvernement. Ainsi, les modifications devront se fonder sur des bases essentiellement démographiques, sous réserve d'adaptations justifiées par des motifs d'intérêt général. L'amendement n° 55 nous permettra de préciser ce point. De même, il revient au législateur d'indiquer les circonscriptions administratives qui constitueront les unités de base des circonscriptions législatives – l'amendement n° 56 tend à retenir les cantons. Quant aux députés représentant les Français de l'étranger, ils seront élus, comme les autres, au scrutin majoritaire uninominal, dans de vastes circonscriptions regroupant les 51 circonscriptions d'élection des représentants à l'Assemblée des Français de l'étranger.
J'en viens au projet de loi organique. L'article 1er fixe à 577 le nombre de députés, reprenant le maximum autorisé par l'article 24 nouveau de la Constitution.
Les articles 2, 3 et 4 mettent en oeuvre l'article 25 nouveau de la Constitution, qui confère un caractère temporaire au remplacement des députés et sénateurs nommés au Gouvernement.
Les articles 5 et 6 portent sur la commission créée par l'article 25 de la Constitution. Enfin, l'article 7 abroge les articles de loi organique qui fixaient le nombre des députés des collectivités d'outre-mer.
Je conclurai en soulignant la qualité de ces deux textes, qui sera encore améliorée si vous adoptez les amendements de la commission des lois.
Certes, les soupçons, les procès d'intention, les craintes plus ou moins sincères ne manqueront pas : ce sont les ingrédients d'une posture politicienne inévitable dans tout débat sur le redécoupage électoral. La meilleure façon d'y répondre est encore de fixer des règles et des principes clairs, objectifs et équitables.
C'est pourquoi j'invite l'Assemblée à voter en faveur de ces deux projets de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement, et portant sur le projet de loi organique.
La parole est à M. Michel Vaxès.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce projet de loi organique est le premier texte d'application de la loi constitutionnelle du 23 juillet dernier, que les députés communistes et républicains, tout comme l'ensemble des membres du groupe GDR, ont fermement rejeté par leur vote, et ce pour plusieurs raisons, la principale étant que cette réforme ne crée pas les conditions d'une République réellement démocratique et solidaire, et surtout respectueuse de la souveraineté nationale. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) Le Parlement réuni en Congrès l'a cependant adoptée – quoique sans grande conviction – et nous sommes aujourd'hui appelés à nous prononcer sur la mise en application de son nouvel article 25.
Le présent projet de loi organique, fixant le nombre de députés à 577, précarise le statut du parlementaire suppléant dont le titulaire est devenu ministre et, a contrario, assure l'avenir de ce dernier dès lors qu'il quitte ses fonctions ministérielles, que ce soit sous la contrainte ou par opportunisme. En d'autres termes, le souci premier du Gouvernement est de garantir à ceux de ses membres qui en avaient pourtant démissionné la récupération de leur siège de parlementaire.
Douze lois organiques seront nécessaires à la mise en oeuvre de la nouvelle loi constitutionnelle, dans les domaines suivants, tous essentiels : l'organisation du référendum abrogatif, la liste des emplois pour lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République est soumis à un avis préalable, l'organisation de la délibération des projets de loi, du droit d'amendement et de l'exception d'inconstitutionnalité, la pétition permettant de saisir le conseil économique, social et environnemental, ou encore les compétences du défenseur des droits des citoyens. Autant de mesures qui auraient dû, dans une démocratie soucieuse du bien commun, être examinées en priorité. Mais non ! Vous privilégiez une réforme destinée à assurer le confort des professionnels de la politique, et vous en hâtez la mise en oeuvre de sorte qu'elle soit effective dès avant le prochain remaniement ministériel.
Voilà qui illustre bien les vraies motivations du Gouvernement, qui devra en assumer la responsabilité devant l'opinion publique.
Qu'apporte ce nouvel aménagement au fonctionnement de notre démocratie ? Rien ; pire, elle l'affaiblit.
Lors de la discussion du projet de loi constitutionnelle, vous avez ressassé à l'envi l'argument selon lequel le texte visait à renforcer le pouvoir du Parlement. Quel lien y a-t-il entre cet objectif, louable en soi, et le retour automatique à l'Assemblée Nationale ou au Sénat, sans passer par l'élection, de vos ministres démis ou démissionnaires ?
Je ne doute pas que vous pourrez nous expliquer ce lien lors de la discussion.
Au contraire, comme l'ont souligné de nombreux députés de tous bords, cette réforme marque un retour aux plus graves insuffisances de la IVe République…
Un député du groupe GDR qui défend la Ve République : on aura tout vu !
… mais aussi une nouvelle atteinte au principe de la souveraineté populaire.
Le général de Gaulle…
… avait souhaité mettre un terme aux lacunes de la IVe République en assurant une meilleure stabilité de l'exécutif par le renforcement de l'unité gouvernementale. Certes, le chef de l'État se situait alors au-dessus des partis et ne se confondait pas avec le chef du Gouvernement, le premier fixant les orientations de long terme qui déterminent le destin de la nation, et le second élaborant les moyens de gestion de la société en conséquence.
Ce n'est plus le cas aujourd'hui : les fonctions de chef de l'État se confondent désormais avec celles de Premier ministre et, du même coup, avec celles de leader de la majorité parlementaire. Rien d'étonnant, dès lors, à ce que le chef de l'État devenu chef de parti soit si préoccupé du sort des siens. La dénaturation de l'esprit des institutions de la Ve République, tel que le consacrait la Constitution de 1958 jusqu'en juillet dernier, est consommée.
De surcroît, le courage a manqué au Gouvernement pour reconnaître que la loi constitutionnelle adoptée en juillet dernier est d'une tout autre nature que celle qui a fécondé la Ve République.
Mais ce n'est pas un motif suffisant pour justifier notre exception d'irrecevabilité. En réalité, nous sommes convaincus que ce projet de loi organique porte atteinte à la souveraineté populaire et, par voie de conséquence, à la démocratie.
Lors de la discussion de l'article 10 du projet de loi constitutionnelle, Mme la garde des sceaux affirmait le contraire, qualifiant même ce dispositif d'avancée démocratique importante.
Selon elle, lorsqu'un ministre parlementaire à l'origine cesse d'appartenir au Gouvernement, ses électeurs ne comprennent pas pourquoi ils doivent de nouveau voter alors qu'ils l'ont déjà élu pour cinq ans.
Ce que Mme la garde des sceaux omet de dire, c'est qu'ils ont été élus d'abord pour être députés ou sénateurs, et même si les majorités qui les ont portés au Parlement peuvent se réjouir de les voir devenir ministres, il n'en reste pas moins qu'en tant que tels ils portent un bilan et qu'il n'appartient pas à la loi organique de se substituer aux électeurs pour décider à leur place si ce bilan mérite qu'ils leur renouvellent, ou non, leur confiance. Notre collègue Bernard Debré en sait quelque chose et, comme il l'a dit lui-même, il n'y a aucune honte à être déjugé. Il y a, au contraire, quelque vertu, d'honnêteté et de courage, à accepter que la souveraineté populaire soit seule à juger du bilan des hommes politiques exerçant des responsabilités gouvernementales dès lors qu'ils les quittent pour retrouver des responsabilités électives.
Votre proposition conduit, que vous le reconnaissiez ou non, à un affaiblissement des pouvoirs des citoyens, à un amoindrissement de leur souveraineté.
Sans doute, me direz-vous, cet affaiblissement a été entamé bien avant la réforme constitutionnelle. En germe dans la Constitution de 1958, il s'est particulièrement accéléré lorsqu'a été décidé le quinquennat assorti de l'inversion du calendrier électoral destinée à faire précéder les élections législatives par l'élection présidentielle. Les députés communistes avaient alors dénoncé les risques de dérive vers une personnalisation accrue de l'exercice du pouvoir et un affaiblissement de la démocratie. Nous ne nous sommes pas trompés. Ni en 1958, ni en 2000.
L'élection du Président de la République est devenue un scrutin hégémonique au détriment de l'élection législative, devenue une consultation subalterne. La démocratie et le pluralisme politique, constitutifs de l'identité française, s'en sont trouvés gravement compromis. La loi constitutionnelle et les deux projets de loi que vous nous demandez d'adopter aujourd'hui poursuivent ce travail. Désormais – pardonnez-moi, chers collègues, mais la vérité est toujours bonne à dire – notre assemblée devient le simple auxiliaire d'un exécutif doté de l'essentiel des pouvoirs, eux-mêmes concentrés entre les mains d'un seul. Nous voilà retournés bien avant la IVe République, au temps où l'oeuvre de Victor Hugo s'enrichissait de l'un des plus remarquables pamphlets politiques que notre littérature ait connus, Napoléon le Petit. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Lisez-le, ou relisez-le, et vous y trouverez de telles similitudes avec la situation que nous vivons que vous serez plus modestes dans vos apartés.
Monsieur le secrétaire d'État, vous vous précipitez lorsqu'il s'agit de garantir l'avenir de vingt-trois ministres ou secrétaires d'État qui n'auront plus à affronter, avec leur bilan, le verdict du suffrage universel, mais votre Gouvernement freine des quatre fers lorsqu'il s'agit de permettre à l'ensemble des élus nationaux et locaux d'assurer sereinement et librement leur mandat.
La réforme du statut de l'élu est en effet toujours repoussée. Les élus communistes n'ont de cesse de vous rappeler leurs propositions à ce sujet, vous les rejetez avec constance. Pourtant, ou plutôt parce que, ce serait sans doute le moyen le plus efficace de faire que la représentation nationale soit le plus juste reflet du pluralisme sociologique de la nation. N'étant pas assurés de retrouver leur emploi au terme de l'exercice d'un mandat électif, les citoyens, notamment les salariés du secteur privé, sont de fait empêchés de participer activement à la vie politique de nos institutions.
Ces préoccupations ne sont sans doute pas celles du Gouvernement, pas plus du reste que ne l'est le statut des suppléants devenus députés ou sénateurs, que vous nous proposez de transformer en parlementaires de second rang, intermittents de l'Assemblée nationale et du Sénat, réduits à occuper temporairement un siège qui, au bout du compte, ne sera plus véritablement le leur.
Et cette médiocre construction n'est pas prévue seulement pour les députés ou les sénateurs qui deviendront ministres après le vote de la loi organique, comme le proposait le comité Balladur. Non ! L'application est immédiate puisque votre proposition concernant les suppléants devenus parlementaires bénéficie d'une application avec effet rétroactif, quelle que soit par ailleurs la volonté de ces derniers. Ces parlementaires sont arrivés sous le régime d'une règle les concernant, mais cette règle sera changée en cours de législature. Il faudra nous expliquer l'orthodoxie de ce type de pratique du point de vue juridique, mais surtout du point de vue moral.
Dans l'hypothèse où votre loi organique viendrait à être adoptée, les quelques remarques précédentes devraient logiquement nous conduire à nous interroger sur la compatibilité des articles 23 et 25 nouveau de la Constitution.
En effet, l'article 23 de la Constitution prévoit : « Les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle. Une loi organique fixe les conditions dans lesquelles il est pourvu au remplacement des titulaires de tels mandats, fonctions ou emplois. »
Vous aurez observé qu'il n'est nullement question ici d'un remplacement temporaire. Les modifications apportées par la loi constitutionnelle du 23 juillet dernier prévoient certes, dans le nouvel article 25, ce remplacement temporaire, et c'est d'ailleurs tout l'objet de cette loi organique. Cependant, il nous faut constater que ces deux articles sont en contradiction.
Certains parlementaires avaient d'ailleurs attiré l'attention du Gouvernement sur ce point. En effet, si le remplacement par le titulaire est temporaire, cela ne revient-il pas à dire que le ministre reste titulaire de son siège de parlementaire ? À l'évidence oui, même si ce ministre conserve son siège par personne interposée.
Les articles 23 et 25 sont donc bien contradictoires. Cette unique raison justifierait à elle seule que cette exception d'irrecevabilité soit adoptée. Mais je voudrais, avant de conclure, soulever deux autres questions.
La première est relative au cumul des mandats. Nous avions déposé un amendement à ce sujet lors de la discussion de la loi constitutionnelle. Nous l'avons d'ailleurs déposé à nouveau, puisque lors de cette discussion, on nous avait répondu qu'il n'était pas du domaine de la loi constitutionnelle mais de la loi organique. Dont acte. Nous y sommes.
Aujourd'hui, 85 % des députés cumulent plusieurs mandats. L'absentéisme ou la relative indisponibilité qui en découle nuit au bon fonctionnement et au sérieux de notre institution, sans qu'il puisse d'ailleurs être reproché à quiconque de ne pas consacrer l'essentiel de son temps et de son énergie à l'exercice des multiples mandats que le suffrage universel lui a confiés. C'est pourquoi nous proposons que le mandat de député soit incompatible avec l'exercice de tout mandat de maire d'une commune de plus de 20 000 habitants, de fonction de président de conseil général ou régional, de président d'un établissement public de coopération intercommunale ou d'un syndicat intercommunal.
Nous y reviendrons au cours de la discussion.
La seconde question que je voulais aborder est relative à la disposition de la loi organique qui prévoit l'incompatibilité de l'exercice des fonctions de membre de la commission avec un mandat parlementaire. Cette commission dite « indépendante » sera chargée de donner un avis public avant toute nouvelle délimitation ou toute modification de la répartition des sièges de députés ou de sénateurs.
La loi ordinaire que nous discuterons tout à l'heure fixe sa composition et ses règles d'organisation et de fonctionnement. Nous souhaiterions, pour notre part, que cette commission compte, dans sa composition, un membre désigné par chacun des groupes parlementaires. Le pluralisme de cette représentation est de nature à répondre à l'objection que certains ont formulée en se contentant d'arguer que l'on ne peut pas être à la fois juge et partie. Argument dérisoire lorsqu'il nous est proposé de constituer cette commission, pour moitié, de membres désignés par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat. Dans la configuration actuelle, cela signifie que la moitié des membres choisis et désignés le seront par une seule force politique : l'UMP. De surcroît, puisque le président de la commission a une voix prépondérante en cas d'égalité de partage des voix, c'est toujours cette fraction-là qui donnera son avis. Ce n'est qu'un avis, me direz-vous, mais il vaut mieux que l'avis aille dans un certain sens… En matière d'indépendance, je reste convaincu qu'il n'est pas difficile de faire beaucoup mieux.
Mes chers collègues, en adoptant cette motion d'irrecevabilité, la représentation nationale s'honorerait de manifester son indéfectible attachement aux principes de la souveraineté populaire et donc de la démocratie.
L'exception d'irrecevabilité déposée par M. Vaxès et le groupe de la Gauche démocrate et républicaine soutient que le texte n'est pas conforme à la Constitution.
Pourtant, l'article 25 de la Constitution prévoit, depuis la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, que le remplacement des parlementaires devenus ministres par leur suppléant ou leur suivant de liste au Sénat est maintenant temporaire. Le projet de loi organique ne fait que mettre cette règle en oeuvre et si ce texte n'était pas adopté, nous serions dans l'inconstitutionnalité la plus complète.
Par ailleurs, c'est l'article 24 de la Constitution qui renvoie à une loi organique le soin de fixer le nombre des membres de l'Assemblée nationale dans la limite du nouveau plafond qu'il fixe à 577. Le chiffre de 579 qui figure actuellement dans le code électoral n'est pas conforme à la réalité, il est illégal. L'article 1er du projet de loi organique corrige cette illégalité en retenant le chiffre plafond de 577.
C'est encore la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui a prévu, dans son article 46, que le caractère temporaire du remplacement des parlementaires devenus ministres s'appliquait « aux députés et sénateurs ayant accepté de telles fonctions antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi organique prévue à cet article si, à cette même date, ils exercent encore ces fonctions et que le mandat parlementaire pour lequel ils avaient été élus n'est pas encore expiré ». Le projet de loi n'a même pas besoin d'en préciser la portée : cette disposition se suffit à elle-même.
C'est enfin l'article 13 de la Constitution, dans sa rédaction issue de la même réforme constitutionnelle, qui exige une loi organique pour encadrer le pouvoir de nomination du Président de la République par un avis des commissions parlementaires. C'est ce que nous faisons à l'article 5, pour la personnalité qu'il nommera comme président de la commission indépendante qui sera consultée sur les projets de découpage.
Sur tous ces points, nous ne faisons que mettre en oeuvre la loi fondamentale telle qu'elle a été modifiée par la révision constitutionnelle. Le débat a eu lieu lors de l'examen de cette révision et les questions posées ont été tranchées à ce moment-là. Il ne s'agit pas de refaire le match aujourd'hui.
Nous avons en outre l'obligation de modifier la loi organique dont les articles sur les effectifs de l'Assemblée nationale et sur le remplacement des députés et des sénateurs qui entrent au Gouvernement ne sont plus conformes à notre Constitution.
Vous avez regretté, monsieur Vaxès, la précarité des suppléants, dont je salue au passage le travail et l'action. Mais la précarité n'est-elle pas le lot de tous les députés, titulaires ou non ? Reconnaissez que le contraire serait inquiétant pour la démocratie : on n'a pas encore inventé les députés à vie !
Vos références au général de Gaulle et à la Constitution de la Ve République m'ont fait d'autant plus plaisir que, d'après Claudel, les vocations tardives sont les plus belles. Un séminaire leur est dédié, près de vous, à Marseille. Je vous engage à vous y rendre. (Sourires.)
Dans les explications de vote, la parole est àM. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe SRC.
Sur quoi porte vraiment l'exception d'irrecevabilité ? Pas sur la Constitution elle-même, puisque sa réforme a été votée – de justesse il est vrai –, mais sur l'extension des pouvoirs du Parlement, si souvent évoquée par le Gouvernement et la majorité.
Or l'article 25 de la Constitution vise au contraire à étendre ceux du Président de la République. Le fait du prince s'imposera plus que jamais, dès lors que le Président pourra, selon son bon plaisir, procéder à des remaniements sans faire trop de victimes collatérales, les ministres parlementaires étant assurés de rejoindre automatiquement leur assemblée.
Telle est la véritable raison de cette première loi organique visant à mettre en application la réforme de la Constitution, qui n'appelait pas tant de hâte. En effet, monsieur le secrétaire d'État, à travers les échanges que nous pouvons avoir, j'ai compris que le Gouvernement était débordé par le chantier parlementaire. Notre programme de travail est très lourd, et si vous avez voulu faire passer cette loi avant les autres, l'explication n'est pas difficile à trouver.
En défendant l'exception d'irrecevabilité, M. Vaxès n'a pas développé un point qui me paraît important. L'article 25 de la Constitution prévoit qu'une « commission indépendante, dont la loi fixe la composition et les règles d'organisation et de fonctionnement, se prononce par un avis public sur les projets de texte et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l'élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs. » Ces lignes pourraient fonder une contestation devant le Conseil constitutionnel car, si le Gouvernement voulait oeuvrer au redécoupage des circonscriptions, il lui fallait procéder en deux temps. Il lui appartenait d'abord de nous faire délibérer pour créer une commission, puis, celle-ci installée, de lui présenter le projet de texte délimitant les circonscriptions pour qu'elle donne son avis avant que le Parlement ne délibère à nouveau. Sur ce point, n'a-t-il pas confondu vitesse et précipitation ?
Pour ces raisons, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche votera la motion qui vient d'être défendue par M. Vaxès. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Pour leur part, les députés du Nouveau Centre voteront contre l'exception d'irrecevabilité.
M. Ayrault a prétendu que ce texte était la première loi organique que nous examinions depuis la révision constitutionnelle, tandis M. Vaxès a dénoncé un affaiblissement du rôle du Parlement. Tous deux se trompent. Il s'agit de notre deuxième rendez-vous depuis la réforme de la Constitution votée en juillet, laquelle n'a en rien diminué les pouvoirs du Parlement. En effet, aux termes des nouvelles dispositions constitutionnelles, nous nous sommes réunis en session extraordinaire, la troisième semaine de septembre, pour nous prononcer sur la présence des troupes françaises en Afghanistan. N'est-ce pas la preuve que le souci du Président de la République et du Gouvernement est justement de revaloriser le Parlement ? Comment arguer, pour défendre l'exception d'irrecevabilité, que le projet de loi l'a affaibli, alors que c'est le contraire qui s'est produit ? (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe UMP.)
M. le ministre a fourni toutes les garanties concernant la révision de la carte électorale, qui ne vise qu'à répondre, dans un souci de justice, aux injonctions du Conseil constitutionnel. Certaines circonscriptions rassemblent 180 000 habitants, quand d'autres n'en comptent que 70 000. Le redécoupage est donc nécessaire, comme le Conseil constitutionnel l'a rappelé à deux reprises, après que deux recensements consécutifs l'ont mis en évidence. Mme la ministre de l'intérieur et vous-même, monsieur le secrétaire d'État, nous avez assuré de l'indépendance de la commission qui sera mise en place. Autant d'arguments qui incitent le groupe Nouveau Centre à voter contre l'exception d'irrecevabilité.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
La parole est à M. Alain Gest, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Comme beaucoup de mes collègues, j'ai constaté avec surprise, en consultant notre programme de travail, que nous aurions droit sur le même sujet à six motions de procédure !
Certes, il ne s'agit pas d'une entorse au règlement mais, puisque nous discutons ces deux textes simultanément, j'ai le sentiment que l'on aurait peut-être pu se dispenser, par respect pour le débat, de déployer autant d'artifices de procédure.
En outre, sans douter un instant de la créativité de M. Vaxès, je me suis dit, en découvrant qu'il s'était inscrit pour une intervention d'un quart d'heure lors de la discussion générale, qu'il devrait accomplir une véritable performance s'il ne voulait pas se répéter.
Je vous propose donc de ne présenter d'explications de vote que sur une motion. Cela nous évitera d'avoir à développer des trésors d'ingéniosité pour nous renouveler. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Si vous prétendez réduire les droits de l'opposition, on peut vraiment faire de l'obstruction ! Vous allez être servi !
Vous ne parviendrez pas à me couper la parole. Je connais vos méthodes, qui ne m'ont jamais perturbé !
Sur le fond, je relève que M. Ayrault n'a repris aucun des arguments de M. Vaxès. Il a dû en imaginer un autre pour justifier son vote en faveur de l'exception d'irrecevabilité. En revanche, ni l'un ni l'autre n'ont manqué de rappeler que la réforme de la Constitution avait été votée de justesse. Certes, il s'en est fallu de deux voix. Mais une majorité de plus de 60 % est un score dont se réjouiraient bien des députés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Vous avez évoqué trois points, monsieur Vaxès.
Le premier est le prétendu confort des ministres, qui retrouveront facilement leur poste de parlementaire en quittant le Gouvernement. Faut-il rappeler le contexte dans lequel s'est bâti la Ve République, au sortir de la IVe, où, c'est vrai,…
Voilà une répartie assez conforme à vos prestations habituelles, monsieur Mallot !
Au sortir de la IVe République, les parlementaires jouant volontiers de leur liberté de soutenir ou non le Gouvernement, de mauvaise habitudes avaient été prises. C'est pourquoi, à l'époque, il fallait éviter que les ministres qui venaient de quitter un gouvernement ne retournent à leur banc perturber la vie démocratique, ce qui s'était quelquefois produit. Aujourd'hui, de telles craintes n'ont plus lieu d'être, et que se passe-t-il dans la pratique depuis bien des années ? C'est le règne de l'hypocrisie.
Ce n'est pas non plus sans hypocrisie que l'opposition dénonce une volonté d'omniprésence du Président de la République, là où il ne fait qu'assumer au grand jour ce que tous ses prédécesseurs de la Ve République ont fait avant lui, et qui tient à son rôle de responsable de l'exécutif.
Mais la principale hypocrisie, c'est d'empêcher des parlementaires démocratiquement élus de retrouver leur siège et de les contraindre à attendre que leur suppléant démissionne pour qu'ils puissent se représenter. D'autant que les partielles, auxquelles la participation est extrêmement réduite, frisent la parodie et ne constituent peut-être pas une forme d'expression particulièrement démocratique.
Nous perdons du temps à vous écouter, monsieur Gest. Ce discours fleuve serait-il une manoeuvre d'obstruction ?
La seconde question que vous avez évoquée, monsieur Vaxès, le cumul des mandats, est sans grand rapport avec la loi actuelle.
Quant à la troisième, l'absentéisme des députés, pourquoi ne pas l'imputer à l'organisation des débats et au dépôt de trop nombreuses motions de procédure ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je conclus, monsieur le président, mais vous conviendrez que j'ai été souvent interrompu.
Si nous réformons le règlement des assemblées, ce qui est essentiel pour garantir la présence des parlementaires dans l'hémicycle, et que nous réduisons leur temps de parole au sein du débat démocratique,…
…nous aurons moins à nous plaindre de leur absentéisme.
Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe UMP ne votera pas l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
(L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de l'ordre du jour de la présente séance.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma