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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 19 novembre 2008 à 15h00
Revenus du travail — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

…a lui-même suggéré au Gouvernement de « réajuster la politique salariale – du moins en ce qui concerne le secteur public, qui relève du Gouvernement ».

L'idée que vous défendez souvent, selon laquelle la compétitivité impose la rigueur salariale, ne s'appuie en effet sur aucun argument économique sérieux. Alors qu'aujourd'hui nous assistons, avec le recul du prix des matières premières, à une résorption rapide de l'inflation, la question centrale est en effet de savoir si l'occasion n'est pas offerte d'engager une véritable politique de relance économique et de rattrapage du pouvoir d'achat de nos concitoyens. Des considérations de justice imposent un tel rattrapage, compte tenu du recul de la part des salaires dans le PIB, mais aussi des considérations économiques visant le retour de la croissance, d'une croissance saine et durable. Échanger un gel global des salaires contre une redistribution individualisée, donc sélective, de dividendes, n'est pas de bonne politique.

En effet, la participation et l'épargne salariale vont de pair avec le creusement des inégalités de revenus. Elles s'inscrivent dans une logique qui a fait faillite : celle de l'adaptation pure et simple de notre économie aux exigences et aux contraintes du business model des entreprises et des grands groupes, dont l'essentiel de l'activité est orientée vers la création de ce que vous appelez abusivement la « valeur » pour l'actionnaire. Vous restez ainsi fidèle à l'idée qu'il faut accentuer la concurrence sur le marché des biens, réduire à due proportion la fiscalité des entreprises, maintenir la pression sur les salaires et stimuler la consommation par le recours au crédit ou le déblocage de l'épargne ; tout cela, au fond, pour satisfaire aux exigences des actionnaires et du système bancaire, au détriment des salariés et des équilibres économiques.

Le résultat est que notre économie est aujourd'hui exsangue, que la récession se profile à l'horizon : une récession qui, si vous ne changez pas d'orientation politique, se nourrira d'elle-même par interaction entre la baisse des revenus et l'endettement, avec son cortège de désastres sociaux ; une récession qui aggravera les conséquences de votre politique économique et de la crise à laquelle elle nous a conduits. En plus, vous ne proposez d'évidence aucune mesure visant à pallier les pertes d'emploi actuelles et futures, ni la multiplication des emplois précaires dont vous favorisez, au contraire, le développement par l'intermédiaire de prétendues mesures sociales, tel le RSA.

S'agissant de votre réforme du SMIC, nous partageons, là aussi, les réticences exprimées par nombre d'organisations syndicales de salariés. Elles avaient à juste titre souligné le risque que cette réforme conduise à l'annualisation du SMIC réclamée de longue date par le patronat, chacun le sait, pour mieux y intégrer les primes. C'est bien le sens qu'il faut donner à votre volonté de revaloriser le SMIC le 1er janvier plutôt que le 1er juillet, selon des modalités proprement techniques. La nécessité s'impose pourtant, dans une stratégie de relance, de le revaloriser dès à présent en lui donnant un coup de pouce significatif.

Nous ne pouvons donc que déplorer l'absence chez vous de toute politique salariale digne de ce nom, mais aussi de toute politique sociale de nature à garantir la pérennité et la meilleure qualité de l'emploi de nos concitoyens.

De fait, vous pensiez en réalité que la question du chômage allait se régler toute seule, à la faveur du départ en retraite des baby-boomers, en conséquence de quoi vous vous êtes essentiellement attachés à garantir aux entreprises la fluidité du marché de l'emploi. Vous avez donc multiplié les textes visant à casser le droit du travail et à dénaturer les droits des demandeurs d'emplois. Tout cela s'est traduit et continuera de se traduire par une précarité accrue, la fragilisation des contrats de travail, la multiplication des contrats à temps partiel, la persistance des inégalités de salaires entre hommes et femmes, toutes choses dont vous conviendrez sans doute, nonobstant le cynisme dont le Gouvernement fait preuve, qu'elles ne sont pas de nature à soutenir le pouvoir d'achat de nos concitoyens.

Les deux derniers articles de votre projet de loi visant, paraît-il, à relancer la négociation, qu'il s'agisse des grilles salariales ou des négociations annuelles obligatoires, n'ont d'autre vocation, eux aussi, que de faire croire aux Français que vous avez à coeur d'apporter des réponses à leurs attentes en termes d'amélioration de leurs conditions de travail et de rémunération. Pourtant, ces articles conduisent en fin de compte à légitimer l'existence de grilles comportant des minima inférieurs au SMIC.

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