Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, élaborer une loi de finances est un exercice extrêmement délicat, périlleux à l'occasion. C'est probablement la raison pour laquelle l'opposition, quelle qu'elle soit, a toujours trouvé des raisons – parfois légitimes – de ne pas voter le projet de loi de finances initiale présenté par le Gouvernement.
À l'occasion de ce vote solennel et au nom du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, je vous indique d'ores et déjà et sans surprise que nous ne voterons pas le projet de budget qui nous est soumis. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Cette année est une année un peu particulière, et le ministre Éric Woerth a raison lorsqu'il parle d'un millésime original. Car, si le rejet du budget par l'opposition est une pratique habituelle, l'on est en droit de se demander cette fois-ci comment la majorité peut l'approuver.
Comment, en effet, voter pour un budget dont on sait que les principales hypothèses économiques qui le fondent – l'inflation, la croissance – sont erronées et que ceux-là mêmes qui nous demandent d'adopter cette loi de finances savent parfaitement que, sitôt votées, ses dispositions seront obsolètes ?
Comment voter pour un budget qui ne comporte aucune mesure permettant d'atténuer les effets de la crise économique et sociale qui nous touche et d'éviter que les conditions matérielles de nos concitoyens se dégradent encore davantage ?
Comment, alors que plus de 5 millions de nos concitoyens vivent en dessous du seuil de pauvreté, voter pour un budget comportant une disposition adoptée par une partie – une partie seulement – de nos collègues de l'UMP, le célèbre amendement Lefebvre, qui octroie à quelques centaines ou milliers de contribuables, parmi les plus aisés et dont je m'étonne qu'on veuille encore adoucir le sort, un nouvel avantage fiscal ?
Comment voter pour un budget qui ne fait aucun cas des conditions explosives qui, dans nos banlieues, sont réunies pour qu'éclatent de nouveau la colère et la violence ?
Comment voter pour un budget qui prive l'agence nationale de rénovation urbaine de ses financements et ne prévoit aucune mesure permettant la mise en oeuvre du plan Banlieue, lequel, de reports en ratés, n'est pas ajourné, mais tout simplement annulé ? Il faudrait que les plus hautes autorités de l'État nous servent autre chose que des déclarations aussi martiales que provocatrices, mais sans effet pour que la situation s'améliore !
Alors que les petites et moyennes entreprises sont exsangues et que leur capacité d'autofinancement est historiquement basse, comment voter pour un budget dans lequel rien ne garantit que les sommes considérables mobilisées par les pouvoirs publics pour le secteur financier leur bénéficieront, plutôt que de servir à restaurer les marges des banques, qui en sont réduites à détourner l'épargne populaire du livret A de son objet principal ?
Comment voter pour un budget qui n'apporte aucune solution aux questions urgentes en matière de logement ou d'emploi, alors que chacun sait que le chômage va s'accroître dans des proportions tout à fait préoccupantes, face auxquelles le rétablissement d'une part des emplois aidés que vous aviez massivement supprimés sera largement insuffisant ?
Au bout du compte, je ne vois sans doute qu'une raison, chers collègues de l'UMP, qui puisse vous inciter à voter ce budget, c'est qu'il prétend rétablir une certaine justice fiscale. L'expression même, dans la bouche des ministres ou des responsables de la majorité, est l'aveu que des mesures injustes avaient été votées : c'est un premier pas – et nous vous en félicitons –, mais il y a loin des propos aux actes. Non seulement, en effet, le plafonnement global des niches fiscales ne couvre en réalité pas toutes les niches, mais il ne rapportera que 200 millions d'euros quand le bouclier fiscal en coûte à lui seul 260 millions.
Dès lors, même cette concession ne suffit pas à ce que le groupe SRC vote pour ce budget, dont il ne comprend pas non plus, chers collègues de l'UMP, que vous puissiez l'adopter. Nous savons que vous n'avez pas la liberté de voter contre (Protestations sur les bancs du groupe UMP) ; nous espérons au moins que vous aurez la conscience de ne pas l'approuver. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)