La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
La parole est à M. Jean Mallot.
M. Jean Mallot. Madame la présidente, je sais que nous allons entamer l'examen d'une proposition de loi sur le financement des comités d'entreprise, mais, à l'ouverture de cette séance, je ne peux m'empêcher de profiter de la présence de M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, pour évoquer la statistique tombée hier soir sur les chiffres du chômage.
En un an, 152 000 demandeurs d'emploi supplémentaires se sont inscrits à Pôle emploi, soit une augmentation de 5,6 %. Au début de l'année dernière, le Président de la République nous avait annoncé une décrue du chômage.
M. Richard Mallié. Ce n'est pas un rappel au règlement !
M. Jean Mallot. Nous sommes dans le sujet…
M. Richard Mallié. Non, ce n'est pas le sujet !
M. Jean Mallot. Au total, on dénombre plus de 4,5 millions de chômeurs inscrits à Pôle emploi. C'est une situation extrêmement difficile…
Monsieur le président Mallot, vous savez mieux que quiconque que ce ne peut être le sujet…
M. Jean Mallot. Nous sommes sur le sujet, madame la présidente, vous l'avez bien compris…
Vous savez comme moi qu'un rappel au règlement ne peut porter que sur le déroulement de la séance.
M. Jean Mallot. Le ministre ne manquera pas de commenter ces chiffres et d'indiquer la politique qu'il compte conduire pour abaisser le niveau du chômage.
La parole est à M. Nicolas Perruchot, rapporteur de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas Perruchot, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, mes chers collègues, j'ai cru un instant que M. Mallot allait nous expliquer qu'il y avait peut-être trop de gens employés dans les grands comités d'entreprise… Nous aurions pu en débattre et cela aurait relié ses propos à notre texte ! (Sourires.)
M. Richard Mallié. Et pan !
M. Philippe Vigier. Excellent !
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Mais puisque cela ne semble pas être le cas, je vais tenter de recentrer l'attention de l'hémicycle sur le sujet qui nous intéresse ce matin.
La reconnaissance du rôle éminent joué par ce que l'on appelle parfois la « démocratie sociale » a été l'une des avancées majeures des cinq dernières années, traduite dans plusieurs grandes lois : la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social, la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique. Ces lois ont garanti le rôle des partenaires sociaux dans l'élaboration des grandes réformes sociales et engagé un processus de refondation de la légitimité des organisations syndicales. C'est un élément majeur du bilan de notre majorité.
Dans le cadre de la loi du 20 août 2008, ont été introduites pour la première fois des obligations de transparence comptable des organisations de salariés et d'employeurs, et ce à l'initiative des intéressés eux-mêmes. Comment en effet n'aurait-on pas étendu à la démocratie sociale ce qui vaut depuis deux décennies au moins pour la démocratie politique ?
Cependant, la loi de 2008 a omis de traiter d'une institution sociale très importante, le comité d'entreprise.
Créés à la Libération, animés par plus de 400 000 élus des salariés, les comités d'entreprise bénéficient de moyens considérables…
M. Roland Muzeau. Non !
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. …sans doute près de 600 millions d'euros pour toute la France au titre des budgets de fonctionnement, qui financent leurs missions d'information et de consultation sur la vie de l'entreprise et ses grandes décisions ; plusieurs milliards d'euros probablement au titre des activités sociales et culturelles qu'ils gèrent. À cela s'ajoute le coût pour les employeurs des heures de délégation de ces élus, qu'on peut estimer à environ 1,4 milliard d'euros.
Mais force est de constater que, depuis quelques années, les comités d'entreprise n'ont pas bonne réputation. Bien au contraire, la revue de presse à leur propos est souvent très négative : à l'occasion de contrôles de la Cour des comptes, de plaintes au pénal déposées quand une nouvelle majorité syndicale s'impose dans une institution, de procès aux prud'hommes consécutifs au licenciement brutal de cadres salariés des comités, ou encore de procédures de redressement judiciaire, on découvre une situation souvent très difficile. Et cela concerne nombre de grands comités d'entreprise ou institutions assimilées, qui brassent chacun des dizaines, voire des centaines de millions d'euros.
Qu'y constate-t-on ? Des coûts de gestion non maîtrisés ; des procédures internes pour les achats et la comptabilité, qui sont faibles et contournées, parfois systématiquement comme c'était le cas au comité d'entreprise de la RATP ; des gaspillages massifs, des surfacturations, des doubles paiements ; des investissements hasardeux ; des manquements à l'hygiène et à la sécurité dans les restaurants et les centres de vacances ; parfois une quasi-faillite comme pour le comité central d'entreprise d'Air France, placé en procédure de redressement, mais aussi la caisse centrale d'activités sociales des industries électriques et gazières.
On voit aussi apparaître un certain nombre d'affaires d'escroquerie et de détournement, généralement imputées à l'initiative individuelle d'élus ou de salariés indélicats, mais pas toujours. Sur ce point, il convient de méditer les conclusions de la Cour des comptes sur le comité d'entreprise de la RATP à l'aune de ce que l'on sait de la prudence de la Cour et de son souci de ne pas empiéter sur les compétences du juge pénal : « le comité d'entreprise a mis en place un système dans lequel les prix qu'il paye sont manifestement surévalués », ou encore, plus loin : « le caractère systématique des errements, quel que soit le secteur d'activités analysé, conduit à penser qu'ils ne sont la conséquence ni de hasards malheureux, ni de défaillances humaines. C'est un système de “fuite” des fonds qui apparaît ».
Ce comité est peut-être une exception et nous nous devons de saluer l'engagement et le dévouement de plusieurs dizaines de milliers de salariés…
M. Roland Muzeau. Ah, quand même !
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. …qui, en devenant secrétaire ou trésorier de leur CE, acceptent de prendre d'importantes responsabilités, alors même qu'ils ne sont pas nécessairement formés pour cela. D'autant que leur rétribution se limite au seul salaire qu'ils touchaient à l'origine dans l'entreprise, généralement bien loin, quand ils gèrent de très grandes organisations, de ce que seraient les rémunérations de dirigeants d'entreprises de taille équivalente.
Pour autant, le bénévolat et l'absence de formation spécifique à la gestion ne peuvent pas tout excuser. Les élus des plus gros comités d'entreprise, qui emploient des centaines de salariés, ont évidemment les moyens de s'entourer de cadres salariés de haut niveau pour les assister dans leurs tâches de gestion, et ils y ont intérêt. Quand on constate, comme l'a fait la Cour des comptes au CE de la RATP que, suite à de nombreuses démissions et licenciements, il n'y avait, début 2011, ni directeur général, ni directeur des ressources humaines, ni directeur des restaurants, ni directeur des services techniques ni chef comptable, ni responsable des achats,…
M. Roland Muzeau. C'est la RGPP !
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. …quand on se rappelle que la situation a été à peu près la même il y a quelques années au comité central d'entreprise de la SNCF, on ne peut que s'interroger.
Dans le même temps, les dispositifs légaux et réglementaires de transparence financière et de contrôle des comités sont manifestement très insuffisants. On trouve seulement dans le code du travail quelques dispositions réglementaires demandant que l'on affiche dans l'entreprise un compte rendu de gestion informel : ces dispositions sont sans doute adaptées au cas des nombreux comités d'entreprise qui gèrent quelques milliers ou dizaines de milliers d'euros, mais évidemment pas aux plus importants d'entre eux.
Ces affaires, ces rapports de la Cour des comptes, ces procédures, cette faiblesse des règles actuelles de transparence constituent la réalité, n'en déplaise à l'opposition, non une sorte de complot pour discréditer les institutions sociales.
M. Roland Muzeau. Bien sûr que si ! Assumez !
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Si discrédit il y a, c'est celui, parfaitement injuste, que risquent de subir des milliers de comités d'entreprise bien gérés si un minimum de règles et de transparence ne s'imposent pas, comme d'ailleurs pour toutes les autres institutions que sont les collectivités publiques, les entreprises, les associations, les partis politiques, les syndicats.
C'est pourquoi je crois qu'il est réellement urgent d'adopter les mesures de la proposition de loi que j'ai présentée et que la commission des affaires sociales a adoptée et enrichie. Les mesures qu'elle comporte, je le rappelle, sont d'abord d'ordre comptable : il s'agit d'obtenir l'établissement de comptes normalisés et, le cas échéant, pour les plus gros comités, consolidés, de publier et de certifier ces comptes. L'article 4, qui évoluera sans doute au cours de notre séance – nous venons de le modifier en commission dans le cadre de l'article 88 – pose des exigences sur les procédures d'achats, compte tenu de l'importance structurelle des budgets d'achats des grands comités d'entreprise et des constats de la Cour des comptes.
Enfin, les articles 5 à 7, insérés en commission, visent respectivement à assurer l'information immédiate de l'employeur quand le comité d'entreprise est l'objet de contrôles administratifs qui se terminent par un procès-verbal d'infraction ou une mise en demeure, à affirmer la stricte inscription de l'action du CE dans le cadre défini par la loi et à étendre les prescriptions de la proposition de loi aux institutions sociales des industries électriques et gazières. Je rappelle que le plus gros comité d'entreprise est en fait une institution sociale : il s'agit, chacun l'avait compris, de la caisse centrale d'activités sociales du personnel des industries électriques et gazières, principalement d'EDF et GDF.
En ayant fini avec le fond, je dirai un mot de la méthode, de la démarche que nous suivons avec cette proposition de loi, car elle a été critiquée au nom de la démocratie sociale.
Du point de vue du strict respect des règles, je souhaite rappeler que l'article L. 1 du code du travail sur la concertation préalable, évoqué par ces critiques, ne s'applique qu'aux seuls projets de réforme du Gouvernement, pas aux initiatives parlementaires.
M. Roland Muzeau. C'est bien dommage !
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Pour les propositions de loi, c'est le protocole adopté le 16 février 2010 par la conférence des présidents de l'Assemblée nationale qui s'applique. De fait, le président Pierre Méhaignerie, que je salue, a, conformément à ce protocole, saisi en décembre dernier les partenaires sociaux du texte de cette proposition de loi.
La commission a, de plus, organisé trois tables rondes. On ne peut donc pas dire que les partenaires sociaux n'auront pas été écoutés.
Au-delà de l'application des règles, j'ai entendu dire que la proposition de loi empiéterait sur une négociation en cours des partenaires sociaux.
M. Jean-Patrick Gille. Tout à fait !
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Mais de quelle proposition ou de quelle négociation parlons-nous ?
M. Jean Mallot. Vous devriez le savoir !
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Il y a bien, depuis près de trois ans, une négociation sur les institutions représentatives du personnel.
M. Jean Mallot. Eh oui !
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Mais, outre que ses chances d'aboutir paraissent limitées, du moins à court terme,…
M. Jean Mallot. Procès d'intention !
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Rappelons que cela dure depuis juin 2009, mon cher collègue.
M. Jean Mallot. Et le Nouveau Centre, qu'a-t-il fait en cinq ans ? Rien !
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. …elle ne porte pas sur la transparence des comités d'entreprise, mais essentiellement sur leurs attributions en matière d'information sur le partage de la valeur dans l'entreprise. Il ne s'agit donc pas du financement des principaux comités d'entreprise dont on parle.
Quant au groupe de travail de la Direction générale du travail mis en place depuis deux mois, ce n'est en aucun cas une négociation des partenaires sociaux susceptible de déboucher sur un accord national interprofessionnel, puis éventuellement une transposition législative. C'est un groupe de travail administratif, certes utile et intéressant, réuni sous l'autorité d'une direction d'administration pour débattre des problèmes d'application d'une disposition réglementaire et d'une éventuelle modification en conséquence d'un article réglementaire du code du travail.
M. Roland Muzeau. Qui a déjà été modifié !
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Ce travail est nécessaire et estimable et je remercie le Gouvernement de l'avoir engagé. Pour autant, il me semble que c'est ici que se fait la loi, et qu'habituellement les décrets suivent. Ce serait, par conséquent, une très curieuse conception de la souveraineté parlementaire que de renoncer à légiférer au motif qu'un groupe de travail administratif existe pour discuter d'un décret ! Je pense que nous sommes tout à fait dans notre rôle. C'est évidemment un droit du Parlement ; c'est aussi, je le pense, un devoir pour les parlementaires.
M. Jean Mallot. C'est vrai.
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Je voudrais remercier le président du groupe Nouveau Centre, Yvan Lachaud, et mes collègues présents ce matin…
M. Roland Muzeau. C'est normal, c'est leur niche !
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. …d'avoir permis l'inscription dans cette niche de la discussion de cette proposition de loi de faire en sorte que nous puissions l'adopter, conformément à ce qui a été précisé – et de nombreuses choses ont été dites sur ce sujet – afin de faire de ce texte une avancée importante vers la transparence nécessaire aujourd'hui qui sied à la gestion de ces gros comités d'entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
M. Richard Mallié. Très bien !
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mon cher Pierre, monsieur le rapporteur, cher Nicolas,…
M. Roland Muzeau. Merci, Xavier !
mesdames, messieurs les députés, la proposition de loi de MM. Perruchot et Lachaud…
M. Jean Dionis du Séjour. Et du groupe Nouveau Centre !
…et cosignataires a un objectif clair : rendre le fonctionnement des comités d'entreprise plus transparent.
M. Roland Muzeau. Ah bon ?
Cet objectif, je peux le dire,…
M. Jean Mallot. Vous pouvez le dire, vous n'êtes pas obligé d'y croire !
M. Roland Muzeau. Vous avez le droit de dire n'importe quoi !
…nous le partageons tous La transparence est essentielle au bon fonctionnement de notre démocratie sociale. Je suis intimement convaincu que la transparence est le premier moteur de la confiance.
M. Roland Muzeau. C'est vrai.
Je ne reviendrai pas sur un constat que vous connaissez : la réglementation actuelle sur les comptes des comités d'entreprise est loin d'être claire, certains la jugent même opaque. Cette opacité est un risque : elle peut favoriser des comportements inacceptables. De récents rapports, comme celui de la Cour des comptes sur la RATP, en ont dressé un constat accablant. Je préfère que l'on parle des comités d'entreprise à la rubrique sociale, pour les actions qu'ils ont développées, plutôt que dans la rubrique des faits divers.
M. Richard Mallié. Très bien !
Bien entendu, comme l'a rappelé le rapporteur, de tels cas sont exceptionnels : sur ce point également, chacun pourra s'accorder pour le reconnaître.
M. Roland Muzeau. Autrement dit, on nous demande de faire une loi pour des cas exceptionnels…
Nous ne pouvons oublier le rôle important que jouent les comités d'entreprise pour les salariés. Il ne s'agit donc pas de stigmatiser ces instances essentielles pour le lien social dans l'entreprise, mais tout simplement de prévenir des dérives éventuelles.
En tant que ministre du travail, j'ai engagé des discussions avec les partenaires sociaux sur ce sujet dès cet automne.
M. Roland Muzeau. C'est vrai.
Ils ont convenu de la nécessité d'adopter pour les comités d'entreprise la même logique que celle que nous avons adoptée pour le financement des organisations syndicales.
M. Jean Mallot. Ils n'ont pas convenu, ils ont demandé !
Les vocations et les esprits se sont rencontrés et certains ont été très moteurs en termes d'idées sur ce sujet ! Depuis la loi du 20 août 2008 que j'ai eu l'honneur de porter, les organisations syndicales sont soumises à des règles de transparence et de certification des comptes. Ces règles ont montré leur utilité : de l'avis unanime, elles ont renforcé la transparence sur le sujet.
M. Roland Muzeau. Absolument !
Nous avons donc engagé, avec les partenaires sociaux, un travail de fond. J'ai mis en place avec le Directeur général du travail un groupe de travail pour aboutir rapidement sur le sujet. Celui-ci s'est réuni à deux reprises depuis début janvier. Il travaille de manière très constructive avec l'objectif d'aboutir, dans les prochains mois, à une réglementation claire et très exhaustive.
Monsieur le rapporteur, le Gouvernement partage pleinement votre intention d'inscrire dans la loi des principes de transparence essentiels.
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Très bien !
Chaque comité d'entreprise, dès lors qu'il atteint un certain seuil de ressources, doit avoir l'obligation de tenir des comptes, l'obligation de les faire certifier par un commissaire aux comptes et l'obligation de les publier. Tous les partenaires sociaux en conviennent et soutiennent ces principes. Pour autant, nous devons veiller à la bonne articulation de ce texte avec le travail des partenaires sociaux…
M. Jean Mallot. Ah, tout de même !
Si nous avons leur soutien jusqu'au bout, cela donnera encore plus de force pas seulement pour l'adoption de ce texte, mais pour l'application de l'esprit de ce texte.
Cela étant,…
M. Jean Mallot. Ah, c'est un discours en deux parties ! C'est du double langage ! Gare au virage !
M. Roland Muzeau. Au tête-à-queue !
…un texte législatif aurait l'avantage de s'en tenir à ces grands principes et nous avons bien évidemment en tête que le reste pourrait relever, et j'insiste, du groupe de travail piloté par le Directeur général du travail. Vous connaissez la qualité du travail de la DGT. Vous connaissez aussi l'autorité et la légitimité du Directeur général du travail, Jean-Denis Combrexelle. Ce dernier pourra ainsi entrer dans le détail et préparer rapidement les dispositions réglementaires qui permettront de détailler les mesures que vous aurez adoptées.
M. Jean Mallot. Il n'y a pas besoin d'une loi pour cela !
Je tiens d'ailleurs à saluer les évolutions du texte et, à cet égard, du véritable dialogue qui s'est instauré avec le rapporteur.
M. Roland Muzeau. Pas avec les partenaires sociaux !
Nous sommes parvenus, je le pense, à un équilibre satisfaisant, exigeant et de bon sens, même si quelques points de réserve subsistent – et nous en reparlerons – sur les articles 1er et 4.
Sur l'article 1er, nous sommes d'accord avec l'idée que le chef d'entreprise ne dot pas être totalement absent des comités d'entreprise.
M. Jean Mallot. C'est sûr ! Il en est le président !
La question est de savoir si c'est via l'arrêté des comptes qu'ils doivent être présents. Nous ne le pensons pas forcément, et c'est pourquoi nous soutenons l'amendement de Dominique Tian.
L'article 4 instaurait un appel à concurrence pour les achats des comités d'entreprise. Cette procédure en elle-même est réservée à la commande publique et serait certainement dérogatoire pour une entité privée.
M. Roland Muzeau. Eh oui !
La remplacer par une obligation pour les comités d'entreprise de prévoir dans leur règlement intérieur des règles conditionnant les procédures d'achat va, à mon avis, dans la bonne direction et l'amendement de Nicolas Perruchot permettra d'aboutir à un compromis acceptable et nous évitera de nous retrouver dans une totale incertitude. Il faut un règlement intérieur ; il faut aussi des règles. Nous comptons donc sur le débat qui va suivre pour affiner cet équilibre et rapprocher les différents points de vue.
Je suis convaincu, je l'ai dit et je le répète, que c'est la transparence qui permet la confiance. Nous le voyons dans de très nombreux domaines. J'ai d'ailleurs porté dans le même esprit de transparence, vous le savez, nombre de réformes en tant que ministre de la santé. Mais, là, c'est bel et bien le ministre du travail qui parle : nous avons instauré des règles pour le bon fonctionnement de notre démocratie politique ; je pense qu'il est bon de faire de même pour la sérénité de notre démocratie sociale.
Sous réserve de ces quelques ajustements, le Gouvernement est prêt à soutenir cette proposition de loi qui, je le répète, va dans le bon sens. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Francis Vercamer, premier inscrit dans la discussion générale.
M. Francis Vercamer. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, chers collègues, le texte que le groupe Nouveau Centre soumet à l'examen de notre assemblée ce matin, contribue, avec des mesures simples, à renforcer la légitimité et, ce faisant, le rôle des institutions représentatives du personnel au sein de l'entreprise.
Il vise, en effet, à établir l'obligation pour certains comités d'entreprise, de certifier leurs comptes et de les publier. Il institue, concernant les comités d'entreprise, un principe de transparence qui ne peut que servir les missions de ces derniers et leur conférer, au sein de l'entreprise, davantage d'autorité.
M. Jean Mallot. Pourquoi Hervé Morin n'est-il pas là ?
M. Yvan Lachaud. Hollante n'est pas là non plus !
M. Jean Mallot. Mais c'est la niche du Nouveau Centre !
Je vous en prie, mes chers collègues ! Écoutons l'orateur.
M. Francis Vercamer. Notre groupe est en effet convaincu de l'importance du dialogue social tant au niveau interprofessionnel, qu'à l'échelle des branches et finalement au sein de l'entreprise.
Avec ce texte, nous souhaitons éloigner des comités d'entreprise, le climat de suspicion que suscitent régulièrement, à leur égard, de mauvais exemples mis en lumière par l'actualité. Aujourd'hui, 50 000 comités d'entreprise fonctionnent dans notre pays. Ils témoignent, au quotidien, de l'implication des salariés dans le fonctionnement des entreprises ou plus largement des structures employant plus de cinquante salariés. Ces comités d'entreprise sont gestionnaires d'activités sociales et culturelles destinées aux salariés de l'entreprise et à leur famille. Ils participent ainsi au bien-être des salariés et de leurs proches, en lien avec la vie de l'entreprise. Ils sont également l'instance de consultation et d'information des salariés et de leurs représentants sur les décisions d'ordre économique et social impactant la vie de l'entreprise. Ils sont l'instance permettant d'associer les salariés à la prise de décision au sein de l'entreprise. Ils constituent des organes de participation des salariés aux orientations de l'entreprise.
Nous savons évidemment tous que cette fonction de participation est imparfaite. On voit bien trop souvent, lors de la mise en oeuvre de plan de sauvegarde de l'emploi, combien l'avis du comité d'entreprise aurait pu être mieux pris en compte pour éviter des prises de décisions stratégiques relevant plus de logiques financières que strictement industrielles.
S'agissant de la participation des salariés aux décisions stratégiques concernant l'entreprise, vous permettrez d'ailleurs au parlementaire ayant conduit une mission sur le développement de l'économie sociale et solidaire, d'ouvrir une rapide parenthèse pour insister sur le modèle des coopératives. S'il ne s'agit évidemment pas de généraliser ce modèle, force est de constater que les coopératives ont, jusqu'ici, bien résisté à la crise, bien qu'évoluant souvent dans des secteurs très concurrentiels. Peut-être faut-il voir dans le principe démocratique des prises de décisions, dans la participation des salariés associés un début de réponse. Souhaitons en tout cas que l'année 2012, consacrée année internationale des coopératives, permette d'explorer plus précisément ce modèle et que celui-ci inspire des initiatives nouvelles en matière de participation des salariés à la décision au sein de l'entreprise.
Revenons au coeur même de notre sujet. On peut aussi espérer que les négociations en cours sur les institutions représentatives du personnel permettent également d'avancer enfin des propositions afin de mieux associer les comités d'entreprise à la prise de décision. De fait, nous ne pouvons que regretter que ces négociations, engagées depuis 2009 n'aient pas encore pu aboutir à des conclusions susceptibles de faire évoluer notre législation. En tout état de cause, 50 000 comités d'entreprise jouent chaque jour dans notre pays un rôle d'interface essentiel et constructif au sein des entreprises entre salariés et direction. C'est la raison pour laquelle il ne serait pas raisonnable de tolérer plus longtemps que certains cas isolés, néanmoins retentissants, viennent entacher le travail effectué avec rigueur et dévouement dans la très grande majorité des situations.
Le rapporteur Nicolas Perruchot a souligné les cas de dérives et leurs origines : la faiblesse des procédures internes de gestion comptable ; des exemples de gaspillage entraînés par une mauvaise gestion ; des choix d'investissement discutables pointés par la Cour des comptes ; certaines situations de quasi-faillite, voire des cas proches du détournement Autant de faits qui auraient sans doute pu être évités si des règles comptables claires et strictes avaient obligé à une gestion transparente des sommes gérées par les comités d'entreprise concernés.
Il s'agit dès lors, avec cette proposition de loi, de mettre les obligations comptables et procédurales des plus grands comités d'entreprise à la hauteur de l'importance des fonds qui y sont gérés. Tout un débat s'est engagé en commission à propos du calendrier d'examen de cette proposition de loi et son articulation avec les travaux engagés par les partenaires sociaux jusqu'au mois d'avril prochain, sur proposition du Gouvernement, au sein d'un groupe ad hoc sur le fonctionnement des comités d'entreprise et leur financement.
Toujours est-il qu'il nous semble paradoxal de prendre régulièrement appui sur la négociation en cours avec les partenaires sociaux pour toujours, en réalité, reculer le moment d'adopter des dispositions nouvelles visant justement à renforcer le dialogue social. Au jeu du « ce n'est jamais le moment », tout le monde perd, les partenaires sociaux comme les parlementaires.
Cela étant, notre groupe comprend parfaitement le souhait exprimé par les partenaires sociaux de voir le rythme de leurs travaux respecté. De fait, ce texte a été examiné en application du protocole relatif à la consultation des partenaires sociaux sur les propositions de loi portant sur les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi et la formation professionnelle et relevant du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle. Trois séances d'audition ont permis d'entendre les réactions des syndicats de salariés et organisations patronales sur le texte. Si les échanges ont été francs et ont permis d'exposer les griefs des uns et des autres sur les intentions, réelles ou supposées, poursuivies par le législateur, ces auditions n'ont pas remis sérieusement en cause l'objectif de transparence recherché par les différents articles de cette proposition de loi. Au contraire, une forme de consensus s'est rapidement dessinée sur celui-ci. À l'issue de ces auditions, notre brillant rapporteur a ainsi formulé un certain nombre d'amendements permettant de mieux prendre en compte les remarques des partenaires sociaux et qui aboutissent au texte que nous examinons aujourd'hui.
En tout état de cause, il n'en reste pas moins vrai à mon sens que les dispositions des articles L. 1 et suivants du code du travail ne suffisent pas à articuler de façon harmonieuse les initiatives du Gouvernement, les travaux des partenaires sociaux et les initiatives des parlementaires concernant la législation du travail.
Peut-être faudrait-il prévoir un point d'étape régulier des négociations collectives, ouvert aux parlementaires, au minimum deux fois par semestre, de manière que chacun ait une vision plus précise de l'état d'avancement des débats.
Cela pourrait être l'un des rôles du conseil permanent du dialogue social dont j'ai proposé la création afin de rassembler les différents lieux du dialogue social existants, de mieux en coordonner les travaux et de développer les rapports entre les partenaires sociaux, le Gouvernement et la représentation nationale.
Ce sont des échanges permanents qu'il faut en effet faciliter, dans le respect des différents acteurs : ils apprendront ainsi à mieux se connaître ainsi qu'à se faire davantage confiance.
En conclusion, c'est en saluant le travail de notre collègue Nicolas Perruchot pour renforcer, grâce à plus de transparence, le dialogue social et la légitimité des comités d'entreprise, que le groupe Nouveau Centre votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
M. Jean Mallot. Incroyable ! Le groupe Nouveau Centre vote sa proposition de loi ! Quelle audace !
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de Nicolas Perruchot sur le financement des comités d'entreprise fait partie des textes que le Nouveau Centre a décidé de soumettre à notre examen dans le cadre de sa niche.
Dès le départ, notre groupe a déploré l'angle d'attaque étroitement idéologique choisi par nos collègues qui, sous couvert de faire oeuvre de transparence en matière de financement et de fonctionnement des comités d'entreprise, se livrent en réalité à une croisade contre ces institutions représentatives du personnel (Protestations sur les bancs des groupes UMP et NC), accusées injustement d'être des repères de fraudeurs.
M. Jean Mallot. Il n'a pas tort !
M. Roland Muzeau. Nous ne pouvons faire abstraction du contexte dans lequel ce texte précipité s'est inscrit, dans la foulée de la polémique entourant les travaux de la commission d'enquête sur le financement des acteurs du dialogue social. Ce faisant, vous avez décidé de prolonger l'histoire du désormais trop fameux rapport mort-né…
M. Richard Mallié. Ce n'est pas la même chose !
M. Roland Muzeau. …et d'alimenter ainsi le climat de suspicion sur le financement des organisations syndicales de salariés de préférence.
Comme l'ensemble des organisations syndicales et patronales auditionnées par la commission des affaires sociales, nous sommes favorables au principe de transparence financière (« Ah ! » sur les bancs du groupe NC)...
M. Jean Dionis du Séjour. Quelle conversion !
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Vous votez donc le texte ?
M. Roland Muzeau. …et à la certification des comptes des plus gros comités d'entreprise. Toutefois, nous combattons cette proposition de loi pour des raisons de fond que je développerai après être revenu sur certains faits éclairant utilement vos intentions réelles et tentations constantes de remettre en cause le fait syndical, le droit pour les salariés de s'organiser, d'être représentés pour défendre leurs intérêts.
Les propositions pleuvent au sein de la majorité, là pour réduire le droit de grève dans les transports aériens, là encore pour limiter l'exercice du droit de retrait des salariés exposés à une situation dangereuse dans les services publics de transport.
M. Jean Dionis du Séjour. Amalgame !
M. Roland Muzeau. À l'inverse, vous ne faites preuve d'aucun volontarisme pour étendre la loi du 20 août 2008 aux PME et TPE afin d'assurer la représentativité effective des salariés.
Si l'on ajoute à cela les idées perverses développées par certaines parties patronales au sommet social de la semaine dernière comme la suppression des obligations des PME franchissant le seuil de cinquante salariés de constituer un comité d'entreprise, ou bien encore la limitation des expertises pouvant être exigées par le comité d'entreprise, il est permis de penser effectivement que, dans notre pays, les instances représentatives du personnel sont fragilisées. En jetant le discrédit sur les élus du personnel, les auteurs de cette proposition de loi participent à cette démarche.
Dès le départ, la demande du Nouveau Centre de créer une commission d'enquête sur le financement des syndicats, très mal perçue à la fois par le Gouvernement, l'UMP, l'opposition de gauche et les syndicats, relevait aussi de cette sordide opération. Les propos tenus en juin 2011 par le président Pierre Méhaignerie, plus que réservé vis-à-vis de cette initiative, confortaient nos réticences. « Qu'on le veuille ou non, » disiez-vous, monsieur le président, une telle création « sera perçue sur le plan de la méthode comme une marque de suspicion et de défiance. L'exposé des motifs nourrit d'ailleurs largement cette prévention. »
Mesurant la manipulation, les députés communistes, républicains, citoyens et du Parti de gauche n'ont pas souhaité s'associer à une telle démarche visant étroitement les seules organisations syndicales, inscrite en urgence, au mépris de deux négociations essentielles en cours entre les partenaires sociaux sur la modernisation du dialogue social et le paritarisme.
Nous n'avons donc pas participé aux travaux de cette commission d'enquête étrangère aux objectifs d'équilibre et de transparence, craignant qu'elle ne serve à instruire à charge uniquement le procès des syndicats de salariés pour mieux faire oublier certaines caisses noires patronales…
M. Richard Mallié. C'est faux !
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Totalement faux !
Mme Martine Billard. C'est la vérité !
M. Roland Muzeau. …et qu'elle n'aboutisse in fine à délégitimer les partenaires du dialogue social. Les faits, depuis, nous ont malheureusement donné raison.
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Justement, c'est l'inverse !
M. Roland Muzeau. Fin novembre, lors de l'examen et du vote des conclusions du rapport de M. Perruchot, le Nouveau Centre a été lâché par l'UMP qui s'est abstenu. En l'absence de majorité favorable à son adoption, le rapport de la commission d'enquête n'a pu être publié. Qu'à cela ne tienne, concomitamment, des fuites savamment orchestrées par le rapporteur lui-même sont venues alimenter des papiers de journalistes vengeurs.
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Vous n'avez aucune preuve de ce que vous dites !
M. Roland Muzeau. Vous n'avez qu'à m'attaquer !
Le Figaro s'est tout particulièrement illustré avec un dossier racoleur et nauséabond publié sous le titre : « L'argent caché des syndicats », citant des chiffres « mis bout à bout pouvant surprendre par leur ampleur », selon les propos du rapporteur. Il a beaucoup été question des 4 milliards annuels affectés illégitimement par la collectivité au financement des organisations syndicales pour 8 % seulement de syndiqués, de subventions versées à gogo, de permanents par milliers…
M. Richard Mallié. Si nous revenions au texte ?
M. Roland Muzeau. Sur cet élément du financement, les organisations syndicales ont tenu depuis à préciser publiquement que les trois quarts de ce montant correspondaient en réalité aux heures de délégation dont bénéficient les délégués du personnel et les élus des comités d'entreprise, et aux moyens de fonctionnement de ces mêmes comités.
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Et qui paie ?
Mme Martine Billard. C'est la loi, c'est comme ça !
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Je ne dis pas le contraire, je demande qui paie !
M. Roland Muzeau. Après avoir fait cette mise au point lors de son audition par la commission des affaires sociales le 11 janvier dernier, et vous avoir dit comprendre que le rapport n'ait pas été adopté dans la mesure où il « remettait en cause la démocratie par délégation », M. Chérèque vous a interpellés : « Oserait-on dire, de la même façon, que les indemnités des députés, des sénateurs, des maires et des conseillers municipaux servent à financer les partis politiques ? De même que l'ensemble des mandats publics, les mandats des délégués du personnel et ceux des élus des CE sont de nature délégative. » Aucune réponse de votre part, et pour cause, vous êtes dans la manoeuvre politicienne.
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Pas du tout ! Je suis dans la transparence !
M. Roland Muzeau. La majorité souhaitait que le grand public attache aux organisations syndicales de salariés le soupçon de fraudes et de gabegie. Elle a donc entretenu, fait monter la pression autour du contenu de ce rapport, laissant planer sur les organisations socioprofessionnelles des accusations dont elles ne pouvaient se défendre. Ces dernières ont tout naturellement demandé la publication de ce rapport ou, à défaut, la possibilité de pouvoir s'expliquer publiquement sur leurs principales sources de financement. Certaines ont d'ailleurs porté plainte contre la divulgation à la presse des meilleurs feuillets des travaux de la commission d'enquête.
Le rapporteur Nouveau Centre, s'estimant lui-même victime d'un tel déni de démocratie, a cru bon devoir lancer une pétition en ligne en faveur de la publicité de son travail, se plaçant pour le coup dans une situation qualifiée de délit pénal par le président de l'Assemblée nationale lui-même. (Exclamations sur les bancs du groupe NC.)
M. Jean Dionis du Séjour. Et puis quoi encore ? C'est ridicule !
M. Yvan Lachaud. Quelle honte !
M. Roland Muzeau. Dans une dépêche AFP au ton sévère du 20 décembre 2011, Bernard Accoyer rappelait que, « à partir du moment où le rapport n'a pas été accepté, il n'existe pas ».
M. Richard Mallié. C'est vrai !
M. Roland Muzeau. Il regrettait explicitement que le rapporteur se soit lui-même exprimé sur ce qu'il prétend être le contenu du rapport et promettait d'inscrire le cas du député Nouveau Centre à l'ordre du jour du bureau de l'Assemblée nationale.
M. Jean Dionis du Séjour. C'est dur d'être la courroie de transmission de la CGT !
M. Roland Muzeau. C'est dans le contexte pour le moins singulier que je viens de rappeler que cette proposition de loi a été annoncée, comme devant reprendre l'essentiel d'un rapport censé de ne pas exister, mais déposée en ne retenant en fait qu'un aspect seulement de la question, le financement des comités d'entreprise : exit donc notamment toute référence aux organisations syndicales d'employeurs alors que, a priori, les travaux de la commission d'enquête plaidaient en faveur du renforcement de l'encadrement du financement de la formation professionnelle ; zoom par contre sur les irrégularités financières, les dérives des comités d'entreprise ; généralisation de la situation de quelques gros comités d'entreprise sur les 50 000 qui existent, agitation de faits délictueux et d'affaires pendantes devant nos juridictions.
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Faut-il les couvrir ?
M. Roland Muzeau. L'exposé des motifs de votre proposition de loi, à dessein orienté, s'appuie sur le rapport de la Cour des comptes…
M. Richard Mallié. Présidée par un socialiste !
M. Jean Mallot. La Cour des comptes est indépendante ! Personne n'a jamais mis en doute ses travaux sous la présidence de M. Séguin !
M. Roland Muzeau. …consacré à la gestion des activités sociales du comité d'entreprise de la RATP pour alimenter encore la campagne de dénigrement à l'encontre des organisations syndicales de salariés, cette « machine syndicale vivant aux crochets des autres ». Il accrédite l'idée selon laquelle les cas de fonctionnements délictueux de comités d'entreprises seraient majoritaires, alors que nous savons que les difficultés rencontrées par les comités d'entreprise sont liées principalement à des problèmes de mauvaise gestion.
Marie-Alice Medeuf-Andrieu, secrétaire confédérale de Force ouvrière, a tenu à le préciser lors de son audition : « On ne peut pas généraliser les dysfonctionnements qui entachent la gestion de quelques grands comités d'entreprise, alors que 71 % des comités d'entreprise concernent des entreprises de moins de 200 salariés et ont un budget de fonctionnement moyen de 7 600 euros par ans, et que ce texte concernerait à peine 2 % des entreprises. »
Je ne nie pas certains déficits de transparence financière et de contrôle. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. Jean Dionis du Séjour, M. M. Dominique Tian etM. Richard Mallié. Ah, tout de même !
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Il était temps !
M. Roland Muzeau. Je vous reproche en revanche de soutenir qu'en la matière nous serions dans un no man's land juridique.
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. C'est bien le cas !
M. Roland Muzeau. Le budget des comités d'entreprise relève du contrôle des salariés, lesquels ont les moyens de sanctionner la gestion de leurs élus.
Pourquoi vous contenter de faire référence dans l'exposé sommaire au fait que les comités d'entreprise sont simplement tenus, aux termes de l'article R. 2323-37 du code du travail, d'établir un compte rendu annuel indiquant les ressources et les dépenses et omettre volontairement de mentionner le dernier alinéa de ce même article, qui stipule précisément que le bilan établi par le comité est approuvé par le commissaire aux comptes de l'entreprise ? Cette obligation, née de la recodification – hasardeuse, d'ailleurs – du code du travail, qui s'impose de fait à tous les comités d'entreprises, sans distinction de seuil de ressources, prévoit déjà la certification des comptes, comme cela a été fait par décret pour les organisations syndicales et professionnelles.
Ces dispositions existent et devaient être rappelées, aussi insatisfaisantes soient-elles, et ce d'autant que c'est l'existence de cet article du code du travail, les difficultés de son application aveugle à l'ensemble des comités d'entreprise qui ont justifié la saisine du ministre du travail par les partenaires sociaux en février 2011.
La démarche du Nouveau centre ignore superbement la concertation en cours.
M. Philippe Vigier. Oh !
M. Roland Muzeau. Pire encore, le rapporteur a avoué ne pas croire aux résultats de la négociation en avril, d'où son empressement à la torpiller sans attendre.
Je vous prie de conclure, monsieur Muzeau.
M. Roland Muzeau. J'ai bientôt terminé.
Sur les bancs de l'UMP, Dominique Dord regrette que le moment choisi puisse laisser penser qu'il s'agit d'un texte d'opportunité.
À l'issue des tables rondes organisées par la commission des affaires sociales, un compromis semblait pouvoir se dégager en faveur d'un texte revu et corrigé, se contentant de fixer les grands principes de transparence nous réunissant tous, laissant aux partenaires sociaux la charge de décliner ces obligations légales de tenue de comptes. Vous n'en avez pas voulu.
Il y a deux jours, dans un communiqué de presse conjoint, la CFDT, la CGC et la CGT ont réagi à ces dispositions dangereuses,…
M. Jean Dionis du Séjour. C'est dur d'être la courroie de transmission de la CGT !
M. Jean Mallot. On peut être celle de l'Opus Dei !
M. Roland Muzeau. …qui « remettent en cause l'indépendance du comité d'entreprise vis-à-vis de l'employeur et risquent d'instaurer des contentieux juridiques à l'encontre de l'action des comités d'entreprise. »
Nous devons avoir un débat, il faut sortir du secret, dites-vous, monsieur Perruchot. Nous sommes tout à fait d'accord pour avoir un tel débat (Exclamations sur les bancs du groupe NC)…
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Votez le texte !
M. Roland Muzeau. …mais pas selon les termes posés. De quel secret parlez-vous ? Vous savez pertinemment qu'il n'y en a pas, sauf peut-être celui qui vous a conduit à cette commande politicienne. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. Richard Mallié.
M. Jean Mallot. Ah ! Voilà le travail du dimanche à Plan-de-Campagne !
M. Richard Mallié. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre nous propose ce matin un texte relatif au financement des comités d'entreprise.
Je tiens tout d'abord à remercier le rapporteur et auteur du texte, Nicolas Perruchot, pour son excellent travail.
M. Philippe Vigier. Très bien !
M. Jean Mallot. C'est pour mieux le poignarder à la fin, entre les omoplates !
M. Richard Mallié. Nous avons d'ailleurs travaillé six mois ensemble dans le cadre de la commission d'enquête sur les mécanismes de financement des organisations syndicales, lui en qualité de rapporteur et moi en tant que président.
Cette commission d'enquête n'a jamais eu pour objet de traiter la question des comités d'entreprise. Si vous y aviez désigné vos représentants, monsieur Muzeau, vous le sauriez ! Cela vous aurait évité de dire n'importe quoi, comme je viens de l'entendre.
M. Jean Dionis du Séjour. Excellent !
M. Richard Mallié. L'amélioration de la démocratie sociale a été l'une des avancées majeures de ces cinq dernières années,…
M. Jean Mallot. La démocratie sociale façon Mallié, c'est quelque chose ! Vive le travail le dimanche !
M. Richard Mallié. …qui s'est notamment traduite, monsieur le ministre, par les lois du 20 août 2008 sur la rénovation de la démocratie sociale et du 5 juillet 2010 sur le dialogue social dans la fonction publique.
Ces lois ont engagé un processus durable de refondation de la légitimité des organisations syndicales. La transparence comptable a même été la pierre angulaire de la loi de 2008. Pour la première fois, des obligations de transparence comptable ont été introduites pour les organisations de salariés et d'employeurs.
Cependant, la loi de 2008 a omis de traiter d'une institution sociale tout aussi importante : les comités d'entreprise.
Créés à la Libération, les comités d'entreprise ont pour rôle de gérer les activités sociales des grandes entreprises et d'associer les salariés de ces entreprises à leurs grandes décisions de gestion. Pour cela, ils bénéficient d'une subvention de l'employeur au titre des activités sociales et culturelles…
M. Roland Muzeau. Elle n'est pas obligatoire !
M. Richard Mallié. …qui peut représenter plus de 3 % de la masse salariale.
Mais force est de constater que, depuis quelques années, certains CE ont défrayé la chronique. Malgré des budgets qui peuvent se compter en dizaines, voire en centaines de millions d'euros, les obligations comptables des CE sont peu développées.
Dernièrement, un rapport de la Cour des comptes – eh oui ! – est venu apporter un éclairage accablant sur la gestion du CE de la RATP. Plus généralement, la Cour relève plusieurs anomalies dans la gestion de certains CE : absence de contrôle et d'obligations comptables, maintien du choix de certains fournisseurs en dépit de factures anormalement élevées, manque d'ambition des activités sociales, mise en danger des utilisateurs dans des centres de vacances dont les travaux ont été mal gérés, etc.
Il est pourtant rare que cette juridiction accumule suffisamment de constats graves pour conclure que, je la cite, « le caractère systématique des errements, quel que soit le secteur d'activité analysé, conduit à penser qu'ils ne sont la conséquence ni de hasards malheureux, ni de défaillances humaines ».
M. Jean Mallot. C'est le cas dans un seul comité d'entreprise !
M. Richard Mallié. J'ai cité le rapport de la Cour des comptes, monsieur Mallot.
Sans jeter l'opprobre sur l'ensemble des CE en France, il est nécessaire de mettre un minimum de transparence dans un domaine qui en manque cruellement.
M. Jean Mallot. Pour un comité d'entreprise sur 40 000 !
M. Richard Mallié. Il ne s'agit pas que d'un comité d'entreprise et vous le savez !
M. Jean Mallot. Saisissez la justice ! Et si elle est saisie, laissez-la travailler !
M. Richard Mallié. Comme l'a très bien rappelé Nicolas Perruchot dans son rapport : « On ne parle que des trains qui déraillent, pas de ceux qui arrivent à l'heure, et la gestion de la grande majorité des comités d'entreprise n'est pas en cause.
M. Jean Mallot. Ah, quand même !
M. Richard Mallié. Cependant, la multiplication des difficultés rapportées amène nécessairement à s'interroger. »
Dans un tel contexte, c'est la légitimité même des comités d'entreprise qui pourrait être mise en cause. C'est pourquoi il est dans l'intérêt des salariés mais aussi de ceux qui gèrent ces instances – beaucoup sont d'ailleurs demandeurs, comme l'a souligné le ministre – d'assujettir les CE à un minimum d'obligations de transparence, et ce d'autant plus qu'aujourd'hui pratiquement toutes les institutions, collectivités publiques, sociétés, partis politiques et syndicats, y sont contraintes.
Cette proposition de loi a donc pour objet d'améliorer la gestion des comités d'entreprise en fixant deux objectifs.
M. Muzeau nous dit que les comptes sont sous le contrôle des salariés. Soit, mais si les comptes de la nation sont décidés par les représentants de la nation et contrôlés par eux, ils sont également contrôlés par la Cour des comptes et les électeurs. Le salarié exerce peut-être un contrôle – ce n'est même pas sûr, compte tenu du brouillard qui prévaut dans la présentation des comptes –…
M. Jean Mallot. C'est vous qui parlez de brouillard ?
M. Richard Mallié. …mais il existe aussi des organes compétents, comme la Cour des comptes pour le budget de la nation. Pourquoi ne voulez-vous pas que les comités d'entreprise soient contrôlés ?
M. Roland Muzeau. Je n'ai jamais dit ça !
M. Richard Mallié. Cette proposition de loi poursuit donc deux objectifs.
Tout d'abord, les trois premiers articles édictent l'obligation pour les comités d'entreprise de publier leurs comptes et d'en assurer la publicité.
M. Pascal Brindeau. C'est le minimum !
M. Richard Mallié. L'article 1er fixait initialement l'obligation pour les comités d'entreprise dont les ressources sont supérieures à 230 000 euros à la clôture d'un exercice d'établir des comptes annuels. Un légitime travail a été conduit en commission et, du fait de l'adoption d'un amendement du rapporteur, il est désormais fait obligation à tous les CE d'établir des comptes annuels comprenant un bilan, un compte de résultats et une annexe. La référence au seuil de ressources de 230 000 euros disparaît donc.
De plus, des modalités simplifiées sont prévues pour les comités dont les ressources n'excèdent pas un certain seuil fixé par décret. Les plus petits comités, également définis d'après un seuil fixé par décret, se limiteront au simple enregistrement des entrées et sorties de fonds.
Je ne peux que me féliciter de ces avancées qui permettront, j'en suis convaincu, de continuer à gravir le chemin de la crédibilité.
Dans un second temps, ce texte encadre les procédures d'appel d'offres pour les CE importants. En effet, l'obligation de consolidation des comptes entraîne des coûts supplémentaires. Il ne s'agit donc en aucun cas de généraliser, mais d'encadrer les dérives constatées dans certains comités et de limiter les risques liés à certains types d'investissements. Vous m'accorderez, chers collègues, que l'acquisition de sociétés civiles immobilières, voire d'entreprises, a pu entraîner une certaine confusion.
L'article 3 fixe l'obligation pour les CE dont les ressources dépassent 230 000 euros d'assurer la publicité de leurs comptes. Cette disposition a été enrichie par une mesure qui prévoit l'obligation pour les CE dépassant un certain seuil de recourir à la certification d'un commissaire aux comptes, comme c'est le cas pour les organisations syndicales. Le commissaire aux comptes pourra notamment exercer un droit d'alerte s'il constate que la situation devient, entre guillemets, difficile.
L'article 4 prévoit de fixer un seuil de ressources annuelles à partir duquel le comité d'entreprise contrôlant plusieurs personnes morales est tenu d'établir des comptes consolidés.
Cet article entend mettre en place une procédure d'appel à concurrence pour les CE dont les ressources dépassent 230 000 euros et qui entendent procéder à des travaux pour une somme supérieure à 15 000 euros ou à des achats de prestation supérieurs à 7 200 euros. Je comprends cette volonté du rapporteur ; toutefois, je ne peux y souscrire. En effet, la procédure d'appel à la concurrence inspirée du code des marchés publics n'est pas appropriée aux CE,…
M. Jean Mallot. Ah ! Il serait temps de le dire !
M. Richard Mallié. …qui n'exercent pas de mission d'intérêt général et ne peuvent donc être considérés comme des autorités adjudicatrices.
Pour autant, il est important que les marchés passés par les comités d'entreprise soient soumis au principe de transparence. C'est pourquoi j'avais déposé un amendement proposant que les CE soient tenus de se conformer, dans le cadre de leurs marchés, à une procédure qui respecte ce principe. Toutefois, ayant constaté que le rapporteur avait également prévu des avancées sur le sujet, qui me satisfont entièrement, j'ai souhaité retirer mon amendement.
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Très bien !
M. Richard Mallié. En conclusion, ce texte répond à trois nécessités importantes.
Il entend tout d'abord combler un vide juridique. Contrairement aux syndicats et aux partis politiques, les comités d'entreprise ne sont actuellement pas tenus de publier des comptes annuels ni de les faire certifier par un commissaire aux comptes. Ils sont simplement tenus d'établir un « compte rendu » – qu'est-ce qu'un compte rendu ? – annuel indiquant leurs ressources ainsi que leurs dépenses, et de les porter à la connaissance des salariés. Il est donc normal que les CE qui gèrent des sommes conséquentes soient soumis aux mêmes obligations que les syndicats et les partis politiques.
Ensuite, ce texte répond à la nécessité d'une plus grande transparence. En effet, cela permettra de poursuivre le processus de refondation de la légitimité des organisations syndicales.
Enfin, le rapport de la Cour des comptes sur la gestion des comités d'entreprise que j'ai cité précédemment appelle une réaction nécessaire de la part du législateur.
Par conséquent, le groupe UMP est favorable à cette proposition de loi, qu'il votera avec force et conviction. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Jean Mallot, qui bénéficie d'un temps de parole de quinze minutes.
M. André Santini. Autant que ça ? Quel organe ! (Sourires.)
M. Yvan Lachaud. Pitié !
M. Roland Muzeau. Jamais Santini n'est resté aussi longtemps en séance !
M. Jean Mallot. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons ce matin, sur le financement des comités d'entreprise, est en quelque sorte la porte de sortie, supposée honorable, sur laquelle l'UMP et le Nouveau Centre semblent s'être mis d'accord pour s'extraire du guêpier dans lequel ils se sont mis il y a quelques mois en constituant une commission d'enquête sur le financement du dialogue social.
M. André Santini. Quel poète ! (Rires sur les bancs du groupe NC.)
M. Jean Mallot. Les travaux de cette commission d'enquête, alors qu'une mission d'information aurait été plus adaptée, se sont déroulés à huis clos, sur décision de son bureau, exclusivement composé de membres de l'UMP et du Nouveau Centre,…
M. Richard Mallié. Et pour cause : vous avez refusé d'y participer !
M. Jean Mallot. …ce qui ne pouvait qu'ajouter à l'ambiance de suspicion enveloppant la démarche depuis l'origine.
Il suffit, pour percevoir cette ambiance, de relire l'exposé des motifs de la résolution visant à créer la commission d'enquête. L'objet était devenu, sous l'impulsion de M. Vercamer, qui avait un peu recadré les choses au Nouveau Centre, d'étudier « les mécanismes de financement des organisations syndicales d'employeurs et de salariés ».
Le rapporteur, M. Perruchot, ayant présenté ses analyses, conclusions et préconisations, les membres de la commission d'enquête appartenant au groupe SRC, dont je faisais partie, ont constaté que ce projet de rapport était déséquilibré : il s'intéressait surtout aux modalités de financement des organisations syndicales de salariés et aurait mérité un travail complémentaire sur les organisations d'employeurs.
M. Richard Mallié. Vous ne l'avez même pas lu !
M. Jean Mallot. De fait, sur les vingt-neuf propositions formulées, une seule s'intéressait vraiment aux organisations d'employeurs.
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. C'est faux !
M. Jean Mallot. Une seule : la vingt-neuvième.
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Et les sept premières ?
Seul M. Mallot a la parole !
M. Jean Mallot. Nous en avons conclu qu'il nous était impossible de voter l'adoption d'un tel rapport. Tout le monde l'a d'ailleurs bien compris, que ce soient les organisations syndicales, le public, ou nos collègues de bonne foi.
Plus surprenante a été l'attitude des députés UMP de la commission d'enquête, qui ont manoeuvré, manifestement sur instruction de leur président de groupe, pour que le rapport soit rejeté. Ce n'est pas M. Perruchot qui me contredira ; il a dit lui-même que leur abstention, injustifiée, avait abouti à ce rejet et donc à l'impossibilité juridique de publier le rapport – conséquence que les députés UMP ne pouvaient ignorer.
J'espère que le président Mallié me donnera acte que je lui avais fait préciser, avant le vote, que nous votions bien sur le rapport et non sur sa publication. Que chacun assume ses responsabilités !
Toujours est-il que, de même que son rapport s'intéressait surtout au financement des organisations syndicales de salariés, la présente démarche du rapporteur porte, de façon partiale, sur les comités d'entreprise en s'appuyant sur quelques cas isolés, mais fortement médiatisés. D'où cette proposition de loi sur le financement des comités d'entreprise.
La proposition initiale comportait quatre articles : les trois premiers visaient à établir l'obligation pour les comités d'entreprise de certifier et de publier leurs comptes annuels lorsque leurs ressources sont supérieures à 230 000 euros, et le quatrième à mettre en place une procédure d'appel à la concurrence lorsque le comité d'entreprise a besoin de réaliser des travaux ou d'acheter des fournitures au-delà d'un certain montant.
M. Pascal Brindeau. C'est le bon sens !
M. Richard Mallié. Certes, tout le monde en conviendra, la mise en concurrence est une méthode courante pour obtenir des fournitures ou des prestations au meilleur prix.
M. Jean Dionis du Séjour. Ah !
M. Jean Mallot. Pour autant, comme M. Mallié l'a dit lui-même, l'obligation pour des organismes privés de recourir systématiquement à des procédures d'appel à la concurrence qui rappellent celles relatives aux marchés publics n'est pas à justifier juridiquement – c'est d'ailleurs impossible.
Cette proposition de loi a été largement réécrite en commission. Elle comporte désormais huit articles, et les modifications apportées nous amènent à reconsidérer notre position sur ce texte. En effet, comme nous l'avons exprimé à plusieurs reprises – tous les partenaires sociaux concordent d'ailleurs sur ce point –, nous sommes favorables à la certification et à la publication des comptes annuels des comités d'entreprise d'une certaine importance, mais la réécriture de la proposition de loi a amené des dispositions très contestables.
Comme je l'ai dit, l'objectif annoncé de cette proposition était de créer une obligation de certification des comptes des comités d'entreprise.
Dans le droit positif, les organisations syndicales ont l'obligation de publier leurs comptes annuels et de les faire certifier par un commissaire aux comptes, conformément aux dispositions des articles L. 2135-1 et D. 2135-1 du code du travail.
En revanche, les comités d'entreprise sont seulement tenus d'établir un compte rendu annuel détaillé de leur gestion financière, indiquant le montant des ressources, des dépenses de fonctionnement ainsi que des dépenses affectées aux activités sociales et culturelles. La loi prévoit que ce compte rendu est porté à la connaissance des salariés par voie d'affichage.
L'ancien article R. 432-4 du code du travail précisait que les comptes des comités d'entreprise devaient être éventuellement approuvés par le commissaire aux comptes de l'entreprise. Lors des travaux de recodification du code du travail, le mot « éventuellement » a disparu, si bien que, dans le droit positif, l'article R. 2323-37 précise que « le bilan établi par le comité est approuvé par le commissaire aux comptes mentionné à l'article L. 2323-8 », c'est-à-dire le commissaire aux comptes de l'employeur.
L'indicatif vaut impératif, et cette obligation est au surplus prévue dans la partie réglementaire du code du travail. Mais il est rapidement apparu que l'obligation d'approbation par le commissaire aux comptes de l'entreprise était, par son caractère général, totalement inappropriée à la diversité des comités d'entreprise, notamment en termes de taille et de volet financier de leur bilan.
C'est ainsi que dès le 7 février 2011, par une démarche commune auprès du ministre du travail, les syndicats CGT, CFDT, CFTC et CGC alertaient les pouvoirs publics sur cette difficulté et demandaient l'organisation d'une rencontre pour y remédier. Dans leur lettre, les organisations syndicales soulevaient les problèmes posés par la nouvelle rédaction de l'article R. 2323-37 : premièrement, un précédent avait été créé en imposant un commissaire aux comptes à une personnalité civile qui devrait avoir le libre choix de son commissaire ; deuxièmement, l'extrême diversité des comités d'entreprise – dont une grande majorité ne gère que quelques milliers d'euros – privait de tout sens le recours à un commissaire aux comptes ; troisièmement, il y avait nécessité de préciser l'organe dirigeant chargé d'arrêter les comptes.
La réponse du ministre du travail à cette question, pourtant urgente, n'est intervenue que le 22 novembre 2011, soit plus de neuf mois après la démarche. Le courrier est très lent… Dans sa réponse, qu'il pourra nous confirmer, le ministre écrit : « Nous partageons tous le constat que les dispositions actuelles du code du travail ne peuvent être convenablement appliquées, notamment en ce qui concerne le rôle du commissaire aux comptes. C'est pourquoi j'ai demandé au directeur général du travail de mettre en place un groupe de travail sur ce sujet afin d'aboutir à une modification de la réglementation applicable dans les meilleurs délais. » Ce groupe de travail a effectivement été constitué et rassemble, autour de l'administration, les partenaires sociaux et les représentants nationaux des commissaires aux comptes. Une nouvelle réunion de travail est intervenue pas plus tard que ce mardi.
C'est dans ce contexte que vous avez inscrit la présente proposition de loi à notre ordre du jour. Cette initiative, chers collègues du Nouveau Centre, pose à l'évidence un problème d'opportunité dès lors que l'adoption de ce texte aboutirait à court-circuiter les partenaires sociaux et, au surplus, à modifier par voie législative une disposition réglementaire du code du travail.
Le président de la commission des affaires sociales a organisé des auditions des partenaires sociaux, conformément au protocole spécifique qui régit nos travaux : chacun a pu mesurer alors la surprise, pour ne pas dire plus, de tous les responsables entendus qui, à l'unisson, organisations patronales et de salariés, ont évoqué le travail en cours pour s'étonner de cette démarche législative. Nous nous associons totalement à leur protestation. Il existe manifestement un consensus pour aboutir à une solution commune à l'issue de la concertation en cours. L'objectif est partagé et la concertation présente l'avantage de rechercher de manière pragmatique des solutions adaptées à la diversité, notamment par leur taille, des comités d'entreprise.
Le passage en force législatif d'aujourd'hui ne peut être regardé que comme une marque de défiance vis-à-vis des partenaires sociaux, pourtant pleinement engagés dans ce travail. Si l'objectif était bien de parvenir à une obligation de certification des comptes, la sagesse aurait été alors de retirer cette proposition de loi et de laisser la concertation aller à son terme. Mais, chers collègues du Nouveau Centre et de l'UMP, vous en avez décidé autrement et, à la lecture du texte issu des travaux en commission, on comprend pourquoi, et là est le coeur du débat : l'objectif n'est manifestement plus uniquement la certification des comptes mais bien, au-delà de cela, de marquer une suspicion vis-à-vis des comités d'entreprise.
Ainsi, à l'article 1er, vous décidez que les comptes seront arrêtés par le secrétaire du comité d'entreprise et par son président, c'est-à-dire l'employeur. Vous dépassez ainsi l'objectif de transparence et de publicité des comptes en modifiant les équilibres de pouvoir prévus par la loi au risque de changer la nature même des comités d'entreprise et de remettre en cause leur indépendance. Rechercher la transparence est une chose ; modifier les pouvoirs en est une autre. L'arrêté des comptes ne doit rester que de la responsabilité du trésorier et du secrétaire, et certainement pas de l'employeur. J'observe que les organisations patronales ne sont en rien demandeuses d'une telle évolution, qui résulte uniquement de votre méfiance manifeste à l'égard des organisations syndicales de salariés.
La suspicion se manifeste encore dans votre article 4, qui oblige le comité d'entreprise à recourir à une procédure d'appel à concurrence pour les marchés de travaux supérieurs à 15 000 euros et pour les achats supérieurs à 7 200 euros. Faut-il rappeler que les comités d'entreprise sont des personnes morales de droit privé, gérées par un organe délibérant et soumises aux mêmes contrôles juridictionnels que les sociétés ou les associations ? Cette procédure d'appel à concurrence n'existant pas à l'heure actuelle, vous contournez l'obstacle en renvoyant sa définition à un décret.
La suspicion se révèle à nouveau dans l'article 5, lequel impose la communication sans délai à l'employeur de toute observation de l'autorité administrative.
Le bouquet final, pourrait-on dire, est à l'article 6, qui précise que : « Le comité d'entreprise exerce exclusivement les attributions qu'il tient de la loi. » Ou bien c'est une évidence, auquel cas cet article n'a rien à faire dans la proposition de loi, ou bien vous avez des idées derrière la tête et il serait bon de les expliciter. L'inscription dans le code du travail d'une telle précision serait une énigme, sauf si on constate que sa seule utilité serait de pouvoir remettre en cause l'état de la jurisprudence qui, au fil des décennies, a précisé le domaine d'intervention des comités d'entreprise.
J'observe que toutes ces innovations qui affectent les comités d'entreprise sont proposées sans même que les partenaires sociaux n'aient été consultés sur leur contenu puisque ceux-ci sont intervenus après les consultations en commission – monsieur le président Méhaignerie, vous vous en souvenez. Prenant connaissance de ces nouvelles dispositions, la CGT, la CFDT et la CGC ont protesté dans un communiqué commun, le 25 janvier 2012.
Nous sommes ainsi partis d'un objectif partagé, celui de la certification et de la transparence, pour arriver à une proposition de loi qui bafoue la démocratie sociale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et impose un texte totalement déséquilibré. Nous sommes favorables à la certification des comptes et à la transparence financière,…
M. Jean-Luc Préel. Bravo ! C'est déjà ça !
M. Jean Mallot. … nous respectons les partenaires sociaux : le consensus était possible. Mais nous ne pouvons aujourd'hui que constater les dégâts de votre démarche,…
M. Jean-Luc Préel. Il est urgent de ne rien faire !
M. Roland Muzeau. C'est l'hôpital qui se fout de la charité !
M. Jean Mallot. …et notre désaccord à la fois sur la forme et sur le fond.
En conséquence, sous réserve de ce qui résultera de la discussion des amendements, nous voterons contre cette proposition de loi dans le texte issu des travaux de la commission des affaires sociales.
M. Jean Dionis du Séjour. Un coup à droite, un coup à gauche !
Plusieurs députés des groupes NC et UMP. C'est tout Hollande !
Du calme !
M. Jean Mallot. Il est vrai que le rapporteur, M. Perruchot, a exprimé clairement le peu d'estime qu'il accorde au dialogue social dans une interview qu'il a accordé au Figaro mardi, à propos des discussions en cours : « On sait très bien qu'il ne se passera pas grand-chose dans le cadre de simples concertations à l'abri des regards indiscrets ». Et d'évoquer ensuite des « dérives qui sont manifestes ». Ce matin encore, à la radio, il parlait de « malversations financières ».
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Ce n'est pas moi qui le dis, mais la Cour des comptes !
M. Jean Mallot. Cher collègue, si vous avez connaissance de dérives, ce n'est pas le Parlement qu'il faut saisir, c'est la justice ! Et si elle est déjà saisie, laissez-la faire son travail. Relisez votre rapport, monsieur Perruchot : il s'ouvre sur un hymne à la démocratie sociale, mais votre démarche la foule au pied ! Vous voulez passer en force avec un texte qui, saisissant l'occasion, en profite pour dénaturer une des institutions majeures de notre vie sociale, les comités d'entreprise, en remettant en cause leur indépendance vis-à-vis de l'employeur. Voilà pourquoi nous ne pouvons pas le voter en l'état. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Dominique Tian, dernier orateur inscrit.
M. Éric Berdoati. Ça va être mieux !
M. Dominique Tian. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, je tiens d'abord à féliciter et à remercier Nicolas Perruchot pour son travail et pour sa proposition de loi tout à fait intéressante et courageuse. (Approbations sur les bancs du groupe NC.)
J'ai regretté personnellement que la commission d'enquête parlementaire sur le financement des organisations syndicales n'aboutisse pas ; j'aurais aimé que l'on puisse vérifier l'application de la loi du 20 août 2008 sur la transparence. Que les syndicats soient patronaux ou ouvriers, dans les deux cas la transparence de leur financement s'impose. Nous, UMP et Nouveau Centre, avons choisi de sanctuariser la démocratie sociale…
M. Jean Mallot. Bravo ! C'est réussi !
M. Dominique Tian. …en créant une obligation quasi-constitutionnelle, il est donc normal que la représentation nationale s'intéresse au financement des organisations syndicales. Nicolas Perruchot a brisé un tabou en parlant de l'argent des syndicats à l'Assemblée nationale.
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Eh oui !
Mme Martine Billard etMme Marylise Lebranchu. Et si on parlait de l'argent du MEDEF ?
M. Dominique Tian. Jusqu'ici il était tabou d'en parler ici – ainsi qu'au Sénat d'ailleurs –, ce qui était particulièrement choquant pour un certain nombre de raisons (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), notamment parce que les syndicats sont financés par l'argent public. Il était donc normal que la transparence s'applique, et c'est pourquoi j'ai trouvé dommage que le rapport de la commission d'enquête n'ait pas été publié.
Aujourd'hui, je ne sais pas si Nicolas Perruchot tente une séance de rattrapage, mais peu importe : nous répondons à un souci de transparence. Je regrette que M. Muzeau et que M. Mallot ne soient pas dans le même état d'esprit.
M. Roland Muzeau. On n'est pas contre la transparence, mais contre la manipulation !
M. Dominique Tian. Les parlementaires n'ayant pas fait leur travail, la justice s'est emparée des dérives de certains gros comités d'entreprise. Il suffit de regarder l'actualité récente : cinq comités d'entreprise sont dans l'oeil du cyclone judiciaire – EDF pour ses oeuvres sociales, France Télécom, Air France, la RATP et la SNCF. Si ce n'est pas un motif suffisant pour que la représentation nationale s'occupe de cette question, je ne sais pas quand elle devrait le faire. Il s'agit tout de même de sommes considérables et d'une situation particulièrement choquante puisque les rapports de la Cour des comptes eux-mêmes ne sont pas pris en considération – ainsi son rapport de 2007 concernant EDF-GDF, qui dénonçait un manque de transparence « accablant », et dont les recommandations sont restées lettre morte depuis, ce qui est tout à fait inacceptable dans une démocratie. Rappelons que le déficit de la caisse centrale des activités sociales d'EDF s'élève à plusieurs dizaines millions d'euros, que le trou d'Air France atteint 20 millions d'euros Dans les deux cas, la gestion de leur comité d'entreprise est mise en cause : on parle de facturations abusives, de manque de transparence et même de faits délictueux dont la justice va se saisir.
Nous ne stigmatisons pas pour autant les comités d'entreprise : je rappelle que seuls 2 000 CE sont concernés par le texte sur les 50 000 que compte notre pays, ce qui représente une proportion plutôt faible. Je pense que la plupart des CE font bien leur travail. Il s'agit simplement de s'occuper de ceux qui dérivent…
Mme Martine Billard. C'est l'affaire de la justice !
M. Roland Muzeau. Laissez la justice faire son travail !
M. Dominique Tian. …par des mesures de bon sens : plus de transparence et obligation de mise en concurrence dans le cas de prestations de marché. Cela relève de la logique. Je félicite le Gouvernement, en la personne de Xavier Bertrand, d'apporter son appui à ce texte et, bien sûr, je remercie à nouveau Nicolas Perruchot pour son courage et son opiniâtreté qui trouvent aujourd'hui un aboutissement logique. L'Assemblée nationale est exactement dans son rôle, et je m'en félicite. Je voterai bien évidemment la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Je suis saisie d'un amendement, n° 6 , tendant à supprimer l'article 1er.
La parole est à M. Jean Mallot.
M. Jean Mallot. J'ai expliqué dans mon intervention ce que nous pensions de cet article. S'agissant de la certification des comptes, nous sommes évidemment d'accord (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), mais cette nouvelle rédaction de l'article 1er conduit à un changement de nature des comités d'entreprise : on instaure un véritable droit d'intervention de l'employeur dans la gestion du comité d'entreprise en le faisant participer à l'arrêté des comptes annuels. Les partenaires sociaux n'ont absolument pas été saisis des modifications intervenues en commission et de ce changement de nature. Nous regrettons que vous n'ayez pas laissé la négociation sociale se dérouler.
Je relève également que M. Tian semble partager ce point de vue puisque dans l'exposé sommaire de ses deux amendements, il explique que le président du comité d'entreprise étant l'employeur, ce dernier ne peut pas participer au vote sur l'utilisation de la subvention de fonctionnement ; et de conclure qu'il n'est donc pas possible de prévoir qu'il arrête les comptes… Il y a donc une contradiction chez vous. Le plus simple est de supprimer l'article 1er.
Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?
M. Nicolas Perruchot, rapporteur de la commission des affaires sociales. Je ne sais pas s'il y a une contradiction chez nous, cher collègue, mais vous venez de dire à l'instant, dans la discussion générale, que vous étiez favorables à la transparence, à la certification et à la publication des comptes… Or c'est justement l'objet principal de l'article 1er !
M. Jean Mallot. Mais nous ne sommes pas favorables au changement de nature du comité d'entreprise !
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Les amendements de Dominique Tian proposeront une évolution qui vous permettra, je l'espère, de le voter.
Pour ce qui est des spécificités des CE, je rappelle que l'article prévoit qu'un décret les prenne en compte. Il ne s'agit donc pas de calquer leur comptabilité sur celle des sociétés commerciales, mais bien de respecter leurs spécificités.
L'avis est donc défavorable.
Même avis.
La parole est à M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer. L'ambiguïté permanente entretenue par les collègues du parti socialiste me surprend : ils se disent d'accord sur la certification des comptes mais défendent un amendement de suppression de l'article 1er, celui qui impose cette certification…
M. Jean Mallot. Parce qu'il est plombé !
M. Francis Vercamer. …sous prétexte que l'employeur en est partie prenante. Ils pouvaient très bien déposer un amendement modifiant l'article sans le supprimer.
J'y vois une nouvelle manifestation de cette duplicité du parti socialiste (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) que l'on constate régulièrement à la télévision : on nous dit blanc et on fait noir.
Ça, c'est vrai !
Mme Marylise Lebranchu. Allons, monsieur le ministre ! Vous nous interpellez du banc du Gouvernement ?
M. Francis Vercamer. Dans le cas présent, ils cherchent à supprimer la certification au motif qu'un mot ne leur convient pas. Mais après tout, je ne suis qu'à moitié étonné : on sait socialistes sont assez coutumiers du fait. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jean-Patrick Gille. Pas vous, pas ça !
M. Francis Vercamer. Monsieur Mallot, l'article 1er vise à donner plus de transparence aux comptes des comités d'entreprise. Ce n'est pas en supprimant la certification que vous allez rendre les comptes plus transparents, bien au contraire. Vous faites donc l'inverse de ce que vous avez dit.
M. Jean Mallot. Et vous, vous tournez en rond, sans réussir à finir votre intervention !
M. Francis Vercamer. Bien évidemment, le groupe Nouveau Centre ne votera pas pour cet amendement.
La parole est à M. Jean Mallot.
M. Jean Mallot. Je remercie M. le rapporteur d'avoir justifié mon amendement en expliquant qu'il faut attendre les amendements suivants pour que l'article 1er devienne acceptable.
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Sur un point !
M. Jean Mallot. À ce stade, l'article 1er n'est donc pas acceptable : votez pour sa suppression !
La parole est à M. Richard Mallié.
M. Richard Mallié. L'incohérence des propos de nos collègues socialistes m'étonne parfois ; dans le cas présent, nous en avons l'essence même.
Notre collègue a passé la moitié de son quart d'heure d'intervention en discussion générale à nous avouer qu'il votera pour ce texte revu par la commission…
Mme Marylise Lebranchu. Ce n'est pas un aveu !
M. Jean Mallot. On vote contre ce qui a été modifié en commission !
M. Richard Mallié. …et il commence le débat sur les amendements en demandant la suppression du premier article, celui-là même qui garantit la transparence. J'avoue que je suis extrêmement surpris.
Monsieur Mallot, vous pouvez constater que l'un de nos collègues a déposé un amendement qui permettra d'arrondir un peu les choses.
Mme Marylise Lebranchu. Eh bien voilà !
M. Richard Mallié. Alors, retirez votre amendement parce que je crois que vous allez finalement voter pour l'article 1er. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ne demandez pas sa suppression si vous ne voulez pas être en pleine incohérence !
(L'amendement n° 6 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir les amendements nos 10 et 11 qui, s'il en est d'accord, peuvent faire l'objet d'une présentation commune.
M. Dominique Tian. Tout à fait, madame la présidente.
L'article 1er, tel qu'il est issu des travaux de la commission, dispose : « Le comité d'entreprise est tenu d'établir des comptes annuels comprenant un bilan, un compte de résultat et une annexe, dans des conditions fixées par décret et selon les prescriptions d'un règlement de l'Autorité des normes comptables. Ses comptes annuels sont arrêtés par son secrétaire et par son président ou le représentant de ce dernier, puis approuvés par ses membres. »
Malheureusement, je ne crois pas que ce soit possible : le président du comité d'entreprise, autrement dit l'employeur, le chef d'entreprise, ne peut, me semble-t-il, participer au vote sur l'utilisation de la subvention de fonctionnement et sur la gestion des activités sociales et culturelles. Il ne saurait donc arrêter les comptes.
Mme Marylise Lebranchu. Parfaitement !
M. Jean Mallot. Merci de justifier mon amendement précédent !
M. Dominique Tian. C'est pourquoi j'ai déposé ces amendements nos 10 et 11 . Je remercie la gauche de m'applaudir pour la première fois depuis cinq ans, c'est toujours agréable. (Sourires.)
M. Jean Mallot. Depuis dix ans !
M. Dominique Tian. Depuis dix ans, même !
Il n'est jamais trop tard, monsieur Tian (Sourires.)
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. La commission a adopté ces amendements.
M. Roland Muzeau. Ce matin !
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. En dehors des aménagements rédactionnels qu'ils prévoient, ils ont pour objet de renvoyer au règlement intérieur du CE la désignation des personnes chargée d'arrêter les comptes.
M. Roland Muzeau. C'est ce qu'on vous demande depuis le début !
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Notre long débat sur ce sujet arrive maintenant à son terme et j'espère qu'il permettra une évolution de la position de nos collègues de gauche qui réclament, effectivement, de lever cette difficulté depuis le départ.
Cela étant, je propose à Dominique Tian d'apporter deux rectifications de forme à l'amendement n° 11 , en replaçant les mots « de ces dispositions » par les mots « du présent article », à mon avis plus précis, et en substituant au mot « selon » le mot « par », là aussi par souci de précision et de cohérence.
Monsieur Tian, êtes-vous d'accord avec les rectifications suggérées par le rapporteur ?
M. Dominique Tian. Tout à fait.
Favorable.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Nous avons été plusieurs à dénoncer tout à l'heure cette opération politicienne assez nauséabonde (Protestations sur les bancs du groupe NC) qui visait les organisations syndicales de salariés en leur prêtant des activités et des actions qui sont à des années-lumière de ce qu'est leur quotidien.
Nous avions dénoncé également l'écriture, sur un coin de table, d'une proposition de loi purement politicienne. Avec ces amendements, nous en sommes à la quatrième réécriture – et il s'agit d'une proposition de loi ! – tendant à en rajuster plusieurs éléments, dont celui-ci n'est pas le moindre.
La semaine dernière, la commission avait adopté, à l'unanimité des membres de la majorité, l'opposition ayant voté contre, une disposition qui faisait du président du comité d'établissement, c'est-à-dire du chef d'entreprise, l'élément décisionnaire de l'arrêté des comptes.
Ce matin, voilà qu'on nous propose une quatrième mouture, supprimant une disposition que nous avions combattue la semaine dernière mais que la majorité présidentielle avait tenu à défendre. C'est dire la cohérence de cette opération politicienne que vous avez eu bien du mal à monter, monsieur Perruchot, quand bien même vous avez reçu le soutien de certaines forces…
M. Richard Mallié. Les forces obscures !
M. Roland Muzeau. …en permanence hostiles aux élus, à commencer par ceux de la nation et les représentants du personnel dans les entreprises. On en voit le résultat : votre recul d'aujourd'hui, pour ne pas dire un véritable Waterloo. (Exclamations et rires sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. Dominique Tian. Il est anglais !
La parole est à M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer. Le groupe Nouveau Centre votera pour ces amendements, mais je voulais réagir aux propos de M. Muzeau.
Si nous en sommes à la quatrième réécriture, cela veut dire que le Parlement travaille.
M. Roland Muzeau. Cela veut surtout dire que vous faites n'importe quoi !
M. Francis Vercamer. Le Nouveau Centre n'est pas opposé à ce que des amendements viennent améliorer ses propositions de loi, contrairement au parti communiste qui n'accepte pas la moindre modification sur les siennes et qui reste accroché à son dogme. Nous, nous sommes ouverts aux modifications que l'on nous propose.
Quant au groupe socialiste, j'espère qu'il votera pour l'article puisque nous modifions la disposition contre laquelle il s'élevait. C'est le moment de vérité, chers collègues : allez-vous voter pour l'article 1er dès lors qu'il ne pose plus le problème de l'employeur ?
Eh oui !
La parole est à M. Richard Mallié.
M. Richard Mallié. M. Vercamer a dit exactement ce que je voulais dire. Monsieur Muzeau, on ne peut pas taper sur le Parlement en disant qu'il n'a aucun pouvoir, et continuer à lui taper dessus quand il travaille et montre qu'il sert à quelque chose !
M. Roland Muzeau. À votre avis, qu'est-ce que je fais là ?
M. Richard Mallié. Après les socialistes, c'est maintenant au tour des communistes de faire montre d'une totale incohérence. Où va-t-on, mes chers collègues ? (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Un peu de calme, mes chers collègues !
La parole est à M. Jean Mallot.
M. Jean Mallot. Je vous remercie, madame la présidente, de m'aider à ramener le calme dans cette assemblée. (Rires sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. André Santini. Provocateur, avec ça !
M. Éric Berdoati. Il est habité par la sagesse !
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Il est connu pour ça !
Allons ! Seul M. Mallot a la parole.
M. Jean Mallot. Je voulais simplement exprimer la position de mon groupe, puisque j'y suis appelé.
Invité !
M. Jean Mallot. Invité en effet, madame la présidente.
L'amendement de M. Tian va dans le bon sens en contredisant les démarches du rapporteur, de la commission, du Nouveau Centre et de l'UMP : il n'est pas possible que l'employeur arrête les comptes.
Mais je lis également la première phrase de l'amendement n° 10 : « Le comité d'entreprise est soumis aux obligations comptables définies à l'article L. 123-12 du code de commerce. »
Vous le savez comme moi, dans les discussions engagées entre État, les employeurs et salariés figure justement la définition des obligations comptables auxquels seront soumis les comités d'entreprise. Vous anticipez sur ces négociations en soumettant les comités d'entreprise aux mêmes obligations comptables que toutes les sociétés commerciales classiques. Ce qui, reconnaissez-le, n'est pas convenable : vous seriez forcément amené à revenir sur cette mesure une fois les discussions tripartites menées à leur terme. Par conséquent, nous prenons acte de l'avancée, nous notons le manque de progrès pour ce qui est de cette référence au code du commerce. Nous nous abstiendrons…
M. Philippe Vigier. Quel courage !
Plusieurs députés du groupe NC. Ce sont des Hollandais !
M. Jean Mallot. …puisque nous ne souhaitons pas nous opposer à cet amendement à ce stade du travail législatif. Reste qu'il pose encore un problème réel, et ce n'est pas le ministre qui dira le contraire.
(L'amendement n° 10 est adopté.)
Je vous rappelle que l'amendement n° 11 a été ainsi rectifié : « Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret et par un règlement de l'Autorité des normes comptables. »
La parole est à M. Jean Mallot.
M. Jean Mallot. L'existence même de cet amendement, qui renvoie à un règlement de l'Autorité des normes comptables, fait droit à l'objection que je viens de formuler sur la soumission aux obligations comptables définies par le code du commerce.
Il faudrait savoir : ou bien nous prenons les obligations comptables du code du commerce telles qu'elles existent, ou bien nous en définissons de nouvelles. Nous ne pouvons pas voter en permanence sur des amendements qui se contredisent les uns les autres. Il faut être cohérent ! Voilà pourquoi nous nous abstiendrons également sur l'amendement n° 11 rectifié..
La parole est à M. Perruchot.
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Je voudrais rappeler à notre collègue Mallot, le contenu de l'article L. 123-12. Il dit tout simplement que la structure est soumise à la présentation d'un bilan comptable et de comptes annuels, rien de plus.
Vous nous reprochez d'introduire des dispositions à vos yeux très dangereuses pour les comités d'entreprises, alors que nous reprenons simplement celles de l'article L. 123-12. Relisez-le : il est très simple. L'adoption de cet amendement ne pose donc aucune difficulté.
M. Francis Vercamer. Mais ce sont des Hollandais !
(L'amendement n° 11 rectifié est adopté.)
(L'article 1er, amendé, est adopté.)
Nous en venons à l'article 3. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 1
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. L'amendement n° 1 reprend un amendement rejeté en commission des affaires sociales, alors même qu'en dehors d'aménagements rédactionnels, il n'avait pour objet que de satisfaire une demande des partenaires sociaux : il est proposé de ne pas fixer dans la loi le seuil au-delà duquel les comités d'entreprise devront publier leurs comptes, mais de le renvoyer à un décret. C'est une simple mise en cohérence avec les deux premiers articles.
(L'amendement n° 1 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 3, amendé, est adopté.)
M. Jean Mallot. Nous votons pour la transparence !
M. Richard Mallié. C'est cela : rattrapez-vous aux branches !
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 2 .
M. Nicolas Perruchot. Pour des raisons déontologiques et au regard de l'indépendance des comités d'entreprise, leurs commissaires aux comptes doivent être distincts de ceux de l'entreprise. C'est la précision importante qu'apporte cet amendement.
(L'amendement n° 2 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 3 .
M. Nicolas Perruchot. Dans la lignée, il est proposé d'adapter et de renvoyer à un décret les modalités d'application de la procédure d'alerte, afin de tenir compte des spécificités des comités d'entreprise dont nous avons déjà parlé.
La parole est à M. Jean Mallot.
M. Jean Mallot. Nous ne nous opposerons pas à cet amendement n° 3 , mais je relève que dans son exposé des motifs, le rapporteur souligne la spécificité des comités d'entreprise : nous n'avons pas dit autre chose depuis le début…
(L'amendement n° 3 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 3 bis, amendé, est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 4 rectifié .
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. L'article 4 initial a suscité un débat sur lequel certains orateurs sont revenus lors de la discussion générale. Il reprenait la procédure d'appel d'offre issue de la commande publique qui s'impose dans les collectivités locales qui, elles aussi, peuvent gérer des budgets très importants. Ces contraintes me paraissaient adaptées à la situation des comités d'entreprise.
À l'issue des discussions et des tables rondes avec les partenaires sociaux, des débats en commission et de nos échanges avec le cabinet du ministre – que je remercie –, nous vous proposons un nouveau dispositif qui lui aussi répond à la nécessité de mettre en place un contrôle, mais qui paraît mieux adapté. Il prévoit notamment que le comité d'entreprise dont les ressources totales sont supérieures à un seuil fixé par décret détermine, dans son règlement intérieur, les procédures relatives à l'engagement et au paiement de ses travaux et achats de biens et de services.
Certains grands comités d'entreprise se sont déjà dotés de ce type de règlement, mais il est important qu'il en soit de même pour tous ceux qui sont visés par le texte.
Qui plus est, pour l'avoir lu dans les différents rapports de la Cour des comptes, je sais aussi que, bien souvent, même s'il y a un règlement intérieur, ces procédures ne sont pas respectées pour autant. Je propose donc, dans un deuxième alinéa, qu'un rapport annexé aux comptes annuels rende compte de l'application des procédures mentionnées au premier alinéa.
Nous aurons ainsi un contrôle renforcé des politiques d'achat dans ces grands comités d'entreprises, mais également, et cela mérite d'être rappelé, un contrôle effectué par une tierce personne. Compte tenu de ce que l'on a pu dire ou écrire sur les dérives parfois constatées – qui sont peut-être contestées mais qui ne sont plus contestables pour certains grands comités d'entreprise – cette procédure renforcée grâce au contrôle externe me paraît de nature à protéger les membres des CE responsables des procédures d'achat.
Favorable.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Il faudrait que notre rapporteur nous explique ce qui se cache derrière cette nouvelle rédaction, surtout au regard de l'exposé sommaire de son amendement : on y fait référence à une annexe aux comptes qui serait signée par le secrétaire et le président du comité, autrement dit l'employeur, et certifiée par le commissaire aux comptes. Si ce dernier point ne nous pose pas de problème, nous sommes résolument hostiles à l'idée de soumettre à l'employeur les activités et les oeuvres sociales et culturelles des comités d'établissement.
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Ce ne sera pas le cas.
M. Roland Muzeau. Je lis ce qui figure dans l'exposé des motifs. Le fait de porter des jugements sur la gestion de leurs activités sociales et culturelles relève de la responsabilité de celles et ceux que les salariés ont élus représentants du personnel et non, fût-ce par le biais d'une annexe, de celle du chef d'entreprise.
La parole est à M. Jean Mallot.
M. Jean Mallot. Une fois de plus, notre rapporteur ne sait plus comment se sortir de la mauvaise passe dans laquelle il s'est mis.
M. André Santini. Heureusement qu'on a Mallot !
M. Jean Mallot. Mais je vais vous aider, mon cher collègue : écoutez bien, vous progresser !
Nous sommes d'accord pour considérer que la mise en concurrence est un moyen d'obtenir de meilleurs tarifs pour des travaux ou des prestations. Partant de là, le rapporteur a tenté dans un premier temps d'imposer le code des marchés publics. Puis il s'est rendu compte qu'il n'avait pas affaire à des personnes publiques, et que cela ne marchait donc pas. Tout à l'heure il nous a expliqué qu'il fallait appliquer les règles du code du commerce. Mais son amendement est en contradiction avec les dispositions du code du commerce, puisqu'il renvoie à un règlement intérieur le soin de déterminer les dispositions et les procédures de mise en concurrence. Et quelle sera la sanction et que se passera-t-il si le comité d'entreprise ne fait rien figurer à ce titre dans son règlement intérieur ? Rien !
Cet amendement est donc, au mieux, vide de portée, au pire, en contradiction avec les dispositions du code du commerce. Vous êtes dans l'incohérence et nous ne pouvons soutenir une telle façon de légiférer. Cette disposition est tout simplement inapplicable.
La parole est à M. Nicolas Perruchot, rapporteur.
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Je veux rassurer notre collègue Muzeau. À partir du moment où l'on a modifié l'article 1er, il est cohérent d'adopter une nouvelle rédaction de l'article 4.
Par ailleurs, les gens qui seront désignés par le règlement intérieur ne seront évidemment pas les employeurs. En tout cas ce n'est pas comme cela que nous entendons les choses.
M. Roland Muzeau. Moi, je lis l'exposé des motifs…
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Oui, mais les choses ont évolué depuis.
(L'amendement n° 4 rectifié est adopté.)
(L'article 4, amendé, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 7 , tendant à supprimer l'article 5.
La parole est à M. Jean Mallot pour le présenter.
M. Jean Mallot. Pour le présenter et pour le faire adopter, je n'en doute pas.
Nous verrons après !
M. Jean Mallot. Lisez-le : aux termes de l'article 5, « Toute communication adressée par l'autorité administrative au comité et comportant la mention d'un manquement à la réglementation ou une mise en demeure est transmise sans délai à l'employeur. » Cet article instaure donc une tutelle de l'employeur sur le comité d'entreprise, dont on change la nature. Là encore, monsieur le rapporteur, vous êtes dans l'incohérence.
Certes, vous avez commencé à nettoyer un peu les choses à l'article 1er, mais vous n'êtes pas allé au bout et cela se voit avec les articles suivants. Ici, vous instaurez une disposition étrange en droit et qui ne passera pas : à coup sûr, le Conseil constitutionnel devrait y mettre bon ordre.
Mme Marylise Lebranchu. Cela ne passera pas.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Je vais essayer d'expliquer très simplement les choses à M. Mallot.
L'intention est assez simple. L'amendement qui a abouti à la rédaction de cet article nous a été inspiré par certains constats qui ont été faits dans le rapport de la Cour des comptes sur la RATP. Peut-être sommes-nous passés trop rapidement sur ce passage ; je vais donc vous le relire. Il s'agit principalement des manquements aux règles d'hygiène. Ces manquements « sont observés de manière récurrente au restaurant de Bercy, où sont servis environ 1 200 repas par jour en pleine activité La présence de nuisibles, cafards et souris, y a été détectée depuis 2007,… »
M. Roland Muzeau. On frise le ridicule !
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. « …sans qu'une solution satisfaisante n'ait été mise en oeuvre pour assurer la sécurité alimentaire des usagers. Des dysfonctionnements mettant en danger la sécurité des employés – risques électriques, température à 40° dans le local de plonge, niveau sonore excessif – n'ont pas non plus été résolus. »
M. Roland Muzeau. Devons-nous légiférer sur cela ? Il n'y a qu'à fermer le restaurant !
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. « Le 2 août 2010, les services compétents de l'État, relevant de nombreuses non-conformités, ont adressé une mise en demeure au comité central d'entreprise en sa qualité de gestionnaires du site et d'exploitant. Ce dernier a mis plus de quatre mois à en informer la RATP, propriétaire des locaux, de sorte que les interventions de celle-ci sur le bâti et les équipements n'avaient pu être menés à la fin 2010. »
Il aura donc fallu plus de trois ans et des interpellations successives pour le faire !
Mme Marylise Lebranchu etM. Jean Mallot. Cela ne relève pas de la loi !
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Je vous entends, mais avec vous on n'a besoin de rien dans la loi : vous ne voulez aucune évolution !
M. Roland Muzeau. On ferme des restaurants tous les jours pour de tels manquements !
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Cela arrive en effet dans des communes et, lorsque les services vétérinaires sont saisis, cela est suivi d'effet. Là, pourquoi n'est-ce jamais le cas ?
M. Roland Muzeau. Parce que les services vétérinaires n'ont pas fait leur boulot !
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Le but est de disposer d'une procédure qui permette d'agir. Ces constats sont quand même assez accablants pour les gestionnaires ; ils ne font rien ! Il faut donc, malheureusement, en passer par un texte.
M. Raymond Durand. Voilà !
M. Jean Mallot. Le réglementaire suffit !
Avis défavorable à l'amendement de M. Mallot.
Mme Marylise Lebranchu. Il faudrait vous expliquer davantage…
La parole est à M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer. Je suis obligé d'intervenir, monsieur Mallot. Je peux comprendre que l'employeur ne doive pas certifier les comptes ; mais là, c'est tout de même de la réputation de l'entreprise, dont le comité d'entreprise est un des éléments, qui est en jeu. Face à de tels manquements à la réglementation et aux mises en demeure de l'autorité administrative, on est tout de même en droit de se poser des questions. Cela peut avoir un impact sur l'entreprise, sur les salariés, y compris sur ceux qui ne font pas partie du comité d'entreprise.
M. Jean Mallot. Nous disons seulement qu'il n'y a pas besoin de loi pour cela.
M. Francis Vercamer. Ne faites donc pas preuve d'angélisme !
Mme Marylise Lebranchu. Ce n'est pas le cas !
M. Francis Vercamer. Quand on court un tel risque, si l'autorité administrative rappelle à l'ordre le comité d'entreprise, il me paraît normal que l'employeur soit lui aussi informé afin qu'il puisse essayer de régler les problèmes.
M. Jean Mallot. Mais on n'a pas besoin d'une loi pour cela !
M. Francis Vercamer. Le rapporteur vient de faire état de problèmes d'hygiène, de sécurité des salariés, mais cela ne fait rien : on va prévenir le comité d'entreprise et, même si cela dépend de l'employeur, on ne va rien lui dire. Comme ça, si cela s'écroule, ce ne sera pas la faute du comité d'entreprise… On rêve ! Je veux bien que le chef d'entreprise n'intervienne pas dans la gestion du CE, mais qu'il soit au courant lorsqu'il y a danger me paraît quand même la moindre des choses !
Bien évidemment, le groupe Nouveau Centre ne votera pas cet amendement.
La parole est à Mme Marylise Lebranchu.
Mme Marylise Lebranchu. Il eût été intéressant que le ministre s'exprimât sur le fond de cet article car cela aurait aidé à l'interprétation ultérieure de cette loi, même si elle est d'origine parlementaire.
Souvent, lorsque l'on dépose un amendement, on s'entend répondre que cela existe déjà. Mais tel est bien le cas en l'espèce : le comité d'entreprise est responsable puisque toute personne physique ou morale exploitant un restaurant ouvert au public doit répondre aux normes.
C'est un sujet que nous abordons souvent avec Richard Mallié et Philippe Briand à propos de l'Assemblée nationale : toute autorité est responsable en cas de mise en danger de la vie d'autrui, quelle que soit la nature de cette mise en danger. Mais seriez-vous prêts, au motif qu'il faut un responsable, à adopter un amendement afin de mettre le Président de l'Assemblée nationale en demeure, dans les quarante-huit heures qui viennent, de supprimer les quelques souris qui infestent l'hôtel de la questure ?
M. Dominique Tian. Le comité d'entreprise n'a pas eu quarante-huit heures, mais trois ans !
Mme Marylise Lebranchu. À l'évidence, vous ne le ferez pas. Pourquoi ? Parce que l'autorité en charge des locaux est responsable, et va prendre toutes les mesures nécessaires.
Je ne comprends pas l'utilité de cet article compte tenu de tout ce qui existe en droit français à propos de la sécurité et de la mise en danger d'autrui. Je demande donc qu'on me l'explique.
La parole est à M. Richard Mallié.
M. Richard Mallié. Nous avons en effet souvent l'occasion d'aborder ces questions avec Marylise Lebranchu, Mais là, il s'agit simplement de prévenir la personne responsable de l'entreprise que, dans ses locaux et pour ses salariés, il y a un problème.
Mme Marylise Lebranchu. C'est déjà le cas !
M. Richard Mallié. L'exemple qu'a cité Nicolas Perruchot illustre fort bien une telle situation et je ne vois pas comment on peut s'opposer à cela dès lors que la responsabilité du chef d'entreprise, au regard de ses salariés présents dans ses locaux, peut-être engagée.
Mme Marylise Lebranchu etM. Jean Mallot. Non !
M. Richard Mallié. Attendez ! Pour l'avoir vécue avec un chef d'entreprises qui m'est proche, je puis vous dire ce que peut être l'interprétation de la justice. Alors que cette personne se trouvait à des milliers de kilomètres, un de ses salariés s'est trouvé à un endroit où il ne devait pas être, après avoir franchi un certain nombre de barrières, et il s'est tué. Eh bien, ce chef d'entreprise a été condamné par la justice !
Mme Marylise Lebranchu. Il ne s'agit pas du comité d'entreprise !
M. Richard Mallié. Très souvent les juges – je pèse mes mots – font porter la responsabilité sur le chef d'entreprise, quand bien même il n'est pas là.
Parce que l'on ne sait jamais ce qui peut arriver, il faut que les choses soient claires et je souscris donc à la rédaction qui nous est proposée. Il est important que le responsable de l'entreprise soit informé de tels faits et gestes ; sinon, c'est lui qui portera le chapeau et ce n'est pas normal.
Mme Marylise Lebranchu. C'est le contraire : là, il portera le chapeau dans tous les cas !
M. Richard Mallié. Sans oublier, dans l'exemple cité par Nicolas Perruchot, qu'il en va aussi de la sécurité des salariés eux-mêmes.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas cet amendement.
(L'amendement n° 7 n'est pas adopté.)
(L'article 5 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 8 , de suppression de l'article 6.
La parole est à M. Jean Mallot.
M. Jean Mallot. Curieusement, le rapporteur a fait adopter en commission cet article 6 nouveau aux termes desquels – tenez-vous bien ! – « Le comité d'entreprise exerce exclusivement les attributions qu'il tient de la loi. » Ça, il fallait quand même l'écrire !
Ou bien c'est une évidence, et l'on pouvait s'en dispenser,…
M. Jean-Christophe Lagarde. C'est la loi, claire et concise !
M. Jean Mallot. C'est surtout la loi inutile ! Vous forcez votre talent, monsieur Lagarde. Il est vrai que ce talent est grand, ce n'est pas M. Morin qui dira le contraire… (Exclamations sur les bancs du groupe NC.)
M. Jean-Christophe Lagarde. Fait personnel ! (Sourires.)
M. André Santini. Mallot est mauvais joueur !
Monsieur Mallot, venez-en au fond de l'amendement.
M. Jean Mallot. À moins que l'auteur de ce nouvel article n'ait une idée derrière la tête : auquel cas, il serait bon qu'il nous dise laquelle.
À plusieurs reprises, il nous a dit avoir constaté ou lu quelque part qu'il y avait des dérives dans certains comités d'entreprise – il cite du reste toujours le même, car cela n'en concerne pas des milliers… Ce matin encore, à la radio, il a parlé de « malversations financières ». Si tel est bien le cas, mon cher collègue, il n'est pas besoin de faire figurer la disposition que vous proposez dans la loi : saisissez la justice ! Et si elle a déjà été saisie, laissez-la travailler… Mais n'écrivez pas des choses aussi étranges, qui resteront dans l'histoire !
Mais n'est-ce pas là l'explication ? Peut-être voulez-vous rester dans l'histoire comme celui qui a fait voter la disposition la plus étrange… Dont acte !
Monsieur Mallot, la formulation peut vous paraître étrange, mais certains comportements, dans les comités d'entreprise que vous avez cités, le sont tout autant. C'est pourquoi nous en arrivons, hélas ! à une telle extrémité.
L'article 6 ne me paraît pas superfétatoire, car certains comités d'entreprise outrepassent les missions que leur confère le code du travail, sans que cela soit explicite. Je rappelle, en effet, qu'aux termes de la loi, les CE remplissent deux missions. La première consiste à gérer les activités sociales et culturelles de l'entreprise au bénéfice, en priorité – et j'insiste sur ce mot –, des salariés et de leurs familles, ce qui n'est pas exclusivement le cas, malheureusement, le code du travail autorisant, dans la limite de 1 % du budget, l'affectation des reliquats financiers à des actions locales ou régionales de lutte contre l'exclusion ou de réinsertion sociale. Les textes actuels sont donc précis. Le drame, c'est qu'ils ne sont pas respectés. Dès lors, le législateur est fondé à tenter de les améliorer.
Par ailleurs, les CE remplissent une mission de consultation et d'information des salariés qu'ils représentent sur la situation économique et sociale de l'entreprise et sur les grandes décisions qui y sont prises. Bien entendu, l'article 6 ne vise pas cette seconde mission.
En tout état de cause, les missions des comités d'entreprise ne comprennent pas la participation, même symbolique, à des actions de nature politique…
…ou revendicative, même s'il s'agit de défendre les intérêts des salariés. La défense des intérêts des salariés relève des syndicats.
Je suis heureux que Mme Lebranchu m'approuve sur ce point ; sans doute votera-t-elle le texte. (Sourires.)
Ainsi, on ne saurait considérer qu'une dénonciation virulente des actions de la direction de l'entreprise relève de l'information ou de la consultation des salariés, a fortiori quand cette dénonciation est effectuée à destination non pas desdits salariés, mais du grand public, dans le cadre de campagnes publicitaires. Ces dérives posent de réelles difficultés. Si les syndicats sont dans leur rôle lorsqu'ils émettent des critiques, y compris de nature politique, ce n'est pas le cas des comités d'entreprise, et je pense que vous pouvez être d'accord avec nous sur ce point.
Or on a constaté, par exemple, que le comité d'établissement de la SNCF de la région PACA avait apporté une contribution financière à l'opération « Un bateau pour Gaza ».
Une telle action n'est en rien conforme aux textes.
De même, en février 2011, le comité central d'entreprise de la SNCF et son comité d'établissement fret ont financé, pour un budget de 300 000 euros, une campagne de publicité très violente contre la politique du Gouvernement et de l'entreprise en matière de fret. Chacun se souvient de ces panneaux ; l'achat d'espace était facturé, en principe, 1,5 million d'euros. Les partis politiques n'ont plus le droit de mener ce type de campagne, et c'est tant mieux ; en revanche, les comités d'entreprise s'autorisent des actions qui ne sont pas licites.
Enfin, la loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, dite « loi NOME », a fait l'objet, elle aussi, d'une campagne d'affichage hostile, d'un coût de 300 000 euros, de la part du comité central d'EDF, et de manifestations soutenues financièrement par la CCAS des IEG.
Monsieur Mallot, ces trois exemples – il y en a sans doute d'autres – démontrent à quel point certains CE ont complètement outrepassé leurs missions, en considérant que les actions politiques doivent être financées par l'argent qui revient en principe aux salariés pour les aider à partir en vacances. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.) Cet article vous fait beaucoup sourire, chers collègues de l'opposition, mais il a uniquement pour objet de rappeler que les comités d'entreprise ne peuvent sortir de leur rôle. (« Excellent ! » sur plusieurs bancs des groupes NC et UMP.)
Je suis au regret d'être défavorable à cet amendement.
M. Mallot s'est demandé ce que le rapporteur de la proposition de loi avait derrière la tête lorsqu'il a fait adopter l'article 6. La recherche n'est pas aisée, mais, au fil des réécritures du texte – nous en sommes à la quatrième ! – et grâce à la lecture attentive du Figaro et de quelques autres journaux on ne peut plus réactionnaires (Sourires et exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC), nous avons pu nous faire une idée. Du reste, M. Perruchot lui-même nous y a aidés en citant, à l'instant, quelques exemples pour justifier l'existence de cet article.
Lorsque le CE de la SNCF a lancé une campagne d'information citoyenne – qu'il préfère, quant à lui, qualifier de publicitaire –…
…sur les conséquences sur l'environnement et l'emploi d'une suppression du fret en France, j'estime qu'il était dans son rôle. Il s'agissait, en effet, de défendre l'emploi à la SNCF en protestant contre la perspective de suppression de milliers de postes. (Protestations sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Vous pouvez ne pas être d'accord, cela ne m'empêchera pas de dormir.
Quant au CE des IEG, il a pris, en effet, la décision de mener une campagne d'information auprès de nos concitoyens sur les dangers que représentait la loi NOME, et il a eu raison. (« Non ! » sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Pour conclure, je souhaiterais faire une dernière remarque à l'attention de notre rapporteur, afin de l'aider à exprimer l'idée qu'il a derrière la tête : ça lui fera du bien, et à nous aussi. Il est curieux qu'à aucun moment, M. Perruchot n'ait songé à interdire aux banques, comme il tente de l'interdire aux comités d'entreprise, de mener des campagnes de propagande en achetant des pages entières de journaux pour vanter la manière dont elles gèrent notre argent et enrichissent notre pays. On connaît pourtant la triste réalité en la matière !
Il est tout de même étrange de demander à l'Assemblée nationale, qui fait la loi, d'adopter un article précisant qu'il faut respecter la loi.
Je n'ai jamais vu cela – il est vrai que je n'ai pas lu tous les textes législatifs. Néanmoins, une telle disposition est inutile : en droit, cela ne veut rien dire. Toute personne qui vit en France est tenue de respecter la loi…
…et toute personne qui constate qu'elle n'est pas respectée doit ester en justice.
L'article que M. Perruchot veut nous faire adopter n'est en fait qu'un tract qui vise à dénoncer le fait que les comités d'entreprise font de la politique avec l'argent des salariés. Autant il a le droit de le penser, de le dire, de l'écrire, de rédiger des tracts et de mener une campagne politique sur ce sujet ou d'ester en justice contre un comité d'entreprise – c'est son droit, voire son obligation, s'il estime que la loi n'est pas respectée –, autant il ne peut nous proposer un article de loi qui ne tient pas la route. Nous avions vu beaucoup de choses, mais cela, jamais !
Ma chère collègue Marylise Lebranchu, encore une fois, je ne serai pas d'accord avec vous. Il n'est pas écrit, dans ce texte, qu'on interdit quoi que ce soit,…
…mais que les comités d'entreprise doivent rester dans les limites de leurs missions.
Pas du tout ! M. Muzeau estime que nous posons une interdiction. Oui, nous voulons interdire qu'un comité d'établissement puisse contribuer à hauteur de 70 000 euros à une opération comme « Un bateau pour Gaza ».
Quand j'ai interrogé le chef de l'entreprise concernée, il m'a répondu qu'en prenant une telle décision, le comité d'entreprise était, certes, en dehors de sa mission, mais qu'il ne pouvait rien faire. Peut-être ce comité d'établissement avait-il l'intention d'implanter un centre de vacances à Gaza ? J'en doute, et je ne souhaite pas qu'il envoie les salariés dans ce territoire tant que celui-ci est en guerre.
En dépit du caractère désobligeant de ses dernières réflexions pour M. Perruchot, je souhaite remercier M. Muzeau, car il a démontré combien il était utile de rappeler la vocation d'un comité d'entreprise.
Nous sommes un certain nombre, ici, à diriger des collectivités. Celles-ci ont une forme de comité d'entreprise : les comités d'activités sociales et culturelles, dits CASC. Les syndicats nous expliquent régulièrement qu'il convient de porter la contribution de la collectivité à 2 %, 3 % ou 4 %, pour permettre à des salariés modestes – et Dieu sait s'il peut y en avoir à la SNCF ou à EDF – de partir en vacances et de pratiquer des activités culturelles. Pourtant, M. Muzeau vient de nous expliquer que le rôle du CE était de faire le travail des syndicats, quitte à y consacrer des sommes – 1,5 million d'euros pour défendre le fret, nous a-t-on dit – au détriment de l'aide aux salariés pour partir en vacances ou avoir accès aux loisirs. C'est la démonstration de l'omerta qui existe dans notre pays sur le financement de l'activité syndicale.
Il n'est pas normal, comme cela s'est produit par le passé pour les activités politiques, que l'activité syndicale, nécessaire à la démocratie sociale de notre pays, soit financée par des détournements. Car prendre l'argent qu'une entreprise destine à ses salariés pour leur permettre de partir en vacances et d'avoir accès aux loisirs ou à la culture afin de financer des actions qui relèvent des syndicats n'est rien d'autre qu'un détournement. Là est le coeur du problème soulevé par la commission d'enquête. Cette omerta doit être brisée.
Que vous soyez étonné qu'un article rappelle que la loi doit être respectée, je le conçois, au plan juridique.
Mais c'est un moyen de dénoncer l'omerta qui règne dans ce secteur.
Enfin, monsieur Mallot, je me demande ce que vous, vous avez derrière la tête lorsque vous vous satisfaites de cette situation, estimant ainsi que les syndicats peuvent continuer à se financer de façon illégale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
(L'amendement n° 8 n'est pas adopté.)
(L'article 6 est adopté.)
Sur l'article 7, je suis saisie d'un amendement n° 5 .
La parole est à M. le rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de clarification rédactionnelle, qui précise également que les conditions d'application du texte seront déterminées par décret. Il s'agit d'éviter que, dans le cas d'une entreprise à établissements multiples, tous les comités et le comité central soient dans l'obligation de désigner chacun un commissaire aux comptes et d'envisager la possibilité de seuils spécifiques adaptés aux comités d'établissement et au comité central. Ces dispositions correspondent à des remarques qui avaient été formulées lors des tables rondes avec les partenaires sociaux et il convient de les intégrer dans le texte.
(L'amendement n° 5 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 7, amendé, est adopté.)
Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean Mallot, pour le groupe SRC.
Nous sommes favorables à la certification annuelle des comptes des comités d'entreprise et à la publication de ces comptes ; il n'y a aucun doute sur ce point. Une négociation est en cours dans le cadre d'une discussion tripartite réunissant l'État, les représentants des organisations de salariés et des organisations d'employeurs, qui a pour objet de définir et de mettre en oeuvre les modalités de cette certification et de cette publication. Nous soutenons cette négociation et souhaitons qu'elle se poursuive.
D'un autre côté, nous avons vu que la commission des affaires sociales, dans ses travaux, avait introduit – et a conservé – un certain nombre de dispositions que nous estimons inacceptables, dans la mesure où elles dénaturent les comités d'entreprise en modifiant notamment leurs relations au chef d'entreprise, président du comité, et le rôle de ce patron.
Les dispositions de l'article 4, qui sortent du code des marchés publics, instaurent cependant des dispositions que nous considérons inapplicables et ne résolvent pas la contradiction entre code de commerce et code du travail.
L'article 5 instaure de fait, comme nous l'avons vu tout à l'heure, une tutelle de l'employeur sur le comité d'entreprise. Que dire, enfin, de l'article 6, dont M. Lagarde a reconnu qu'il n'avait aucune portée juridique ?
Nous soutenons les négociations sociales en cours, qui doivent se poursuivre, et ne souhaitons pas trancher le débat avant que les partenaires sociaux aient eux-mêmes défini les modalités de la certification et de la publication des comptes, que nous approuvons.
Nous voterons contre l'ensemble de cette proposition de loi, souhaitant que le Sénat, qui va prochainement l'examiner, poursuive le travail de nettoyage du texte dans un délai tel que les partenaires sociaux aient le temps d'aboutir dans leurs négociations avant que nous ayons, le cas échéant, à nous prononcer politiquement. La démocratie sociale, que nous respectons, doit suivre son cours.
Nos débats permettront à ceux qui les suivent de mesurer l'ampleur de l'opération politicienne menée par le Nouveau Centre dans le cadre de cette séance d'initiative parlementaire, une opération politicienne visant exclusivement les organisations syndicales de salariés et unanimement condamnée par celles-ci.
Vous avez reçu, monsieur le ministre, le 10 février 2011, une lettre par laquelle tous les syndicats vous demandaient d'ouvrir des négociations sur les questions de transparence et de clarification du code du travail dans sa partie recodifiée, qui comportait une anomalie pouvant amener à une jurisprudence extrêmement complexe. Dix mois plus tard, vous avez répondu positivement à cette demande. Vous nous avez indiqué tout à l'heure que deux réunions s'étaient déjà tenues – la première en date du 6 janvier dernier – et que vous étiez confiant en l'aboutissement de ce processus, dans lequel vous avez fait intervenir l'un de nos plus hauts fonctionnaires, grand spécialiste des questions du travail, à savoir M. Combrexel.
Après avoir fait connaître la position de mon groupe, il m'importe de rappeler également la position des organisations syndicales. À cet effet, je vous cite un extrait d'un communiqué du 24 janvier dernier rédigé conjointement par la CFDT, la CGC et la CGT : « Nous nous sommes clairement prononcés pour que le principe de transparence financière des CE se traduise par des obligations légales de tenue des comptes, de publication et de certification au-delà d'un seuil de ressources à déterminer. L'objectif de transparence des comptes des CE doit être mis en oeuvre de manière intangible pour le droit à l'information des salariés sur ceux-ci.
« Le groupe de travail mis en place par le ministre du travail doit permettre de définir des modalités adaptées à la diversité des situations des CE. »
Ce communiqué commun, signé par les plus grandes centrales syndicales françaises, montre combien l'opération politicienne qui nous occupe ce matin est dénuée de tout fondement.
Je rappelle que le groupe Nouveau Centre essaie, depuis un certain temps, de moraliser ou, du moins, de rendre plus transparent le financement syndical.
Il a commencé par une résolution visant à obtenir une commission d'enquête sur le financement syndical. Malheureusement, on sait ce qu'il est advenu du rapport : le groupe socialiste ayant voté contre, il n'a jamais été publié,…
…ce qui a réduit à néant notre première tentative en faveur d'une plus grande transparence.
Je remercie Nicolas Perruchot d'avoir rebondi en présentant une proposition de loi visant à avancer en matière de transparence du financement des comités d'entreprise – des organisations qui, sans doute pour des raisons historiques, ne sont pas soumises, en France, aux mêmes obligations de transparence que les entreprises ou les associations, et ne sont pas tenues de respecter les mêmes règles comptables.
La proposition de loi de Nicolas Perruchot vise à rendre plus transparent et à organiser le financement des comités d'entreprise, à instaurer un certain nombre de règles, non pas dans le but de jeter la suspicion, mais bien, au contraire, pour mettre fin au climat de suspicion que certains événements, survenus au sein de comités d'entreprise, n'ont pas manqué de susciter. Cette suspicion affecte non seulement les comités d'entreprise, mais aussi, par extension, tout le dialogue social, en rejaillissant sur les syndicats, victimes d'un amalgame injustifié. Comme Jean-Christophe Lagarde l'a dit tout à l'heure, à force de tout mélanger, plus personne ne comprend rien, et l'opprobre finit par entacher l'ensemble du dialogue social.
Nos collègues de gauche ont insisté sur le fait que les négociations en cours ne devaient pas être télescopées par notre initiative parlementaire. Mais s'il fallait s'abstenir de toute démarche législative à chaque fois qu'une négociation est en cours, on ne pourrait jamais légiférer ! Il faut également tenir compte de la démocratie politique.
Estimant que, compte tenu de l'actualité, il y avait urgence à légiférer sur la question de la transparence des comités d'entreprise, le groupe Nouveau Centre a pris ses responsabilités en déposant cette proposition de loi. Alors que, sur le fond, notre texte semble être assez bien accepté au sein de cette assemblée, le groupe socialiste vient d'indiquer qu'il voterait contre, comme il avait voté contre le rapport sur la transparence, ce qui confirme sa duplicité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
« Duplicité », un mot qui sonne étrangement dans la bouche d'un centriste !
Le groupe Nouveau Centre votera, évidemment, cette proposition de loi, qui doit constituer une première étape dans l'amélioration de la transparence du financement des syndicats, des comités d'entreprise et de leurs satellites, si je puis dire. Nous espérons que cette démarche s'étendra ensuite aux autres structures syndicales, afin de rendre plus transparent l'ensemble du dialogue social en France.
Ai-je le droit de m'exprimer, monsieur Mallot ?
M. Muzeau nous a lu, tout à l'heure, un extrait d'un communiqué des syndicats du 24 janvier dernier…
Pour ma part, j'ai compris que les syndicats voulaient de la transparence,…
…ce qui est l'objectif du texte que nous examinons. Vous estimez que le texte va trop loin ; nous pensons, pour notre part, qu'il faut laisser libre cours au dialogue, à la démocratie sociale.
Laissons les choses se faire : notre excellent ministre du travail et de la santé prendra, je n'en doute pas, les décrets nécessaires à l'issue des discussions, mais ce qui nous occupe aujourd'hui, c'est le volet législatif, qui doit exister.
Le groupe UMP votera donc cet excellent texte, n'en déplaise à M. Muzeau et M. Mallot. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, mes chers collègues, Georges Clemenceau, le père de la nation (Exclamations sur les bancs du groupe NC)…
…qui en avait vu d'autres, a déclaré dans ce même hémicycle : « Quand je veux enterrer un dossier, je crée une commission. » (Sourires.) Lors des débats sur le projet de loi de protection des consommateurs, le Gouvernement et le Sénat ont usé de cette bonne vieille recette radicale – c'est un fils du Sud-Ouest qui vous parle – en créant un énième groupe de travail sur le répertoire national du crédit aux particuliers. Malgré la bonne volonté de M. le secrétaire d'État, ainsi que de toutes les parties prenantes, il y avait, avant-hier, quelque chose de pathétique et de ridicule dans la première réunion de ce groupe de travail sur le sujet.
Emmanuel Constans, inspecteur général des finances, mandaté par Mme la ministre Christine Lagarde, avait mobilisé pendant un an toutes les parties prenantes de ce chantier, suivant en cela les décisions de notre parlement lors des débats sur la loi réformant le crédit à la consommation. Pour ma part, et quel que soit mon respect pour les membres du groupe de travail, j'ai voulu marquer, en faisant le groupe de travail buissonnier lors de cette réunion, ma désapprobation à l'égard de ce qui m'apparaît comme un simulacre de volonté d'agir.
Pourquoi tourner le dos au bon sens ? La connaissance par le prêteur de l'intégralité de la dette à la charge d'un emprunteur est précieuse pour éviter un surendettement représentant un danger, et d'abord pour l'emprunteur et sa famille. Pourquoi, une nouvelle fois, choisir de maintenir l'isolement de la France dans ce domaine socialement sensible ?
Errare humanum est, perseverare diabolicum, disait le sage Sénèque. Monsieur le secrétaire d'État, vous devriez méditer cette maxime et, sachant que la très grande majorité de nos partenaires européens ont adopté un dispositif voisin – depuis 1927 pour l'Allemagne –, en sont satisfaits et n'ont aucune envie de le remettre en cause, vous poser humblement une question simple : Et s'ils avaient raison ? Vous devriez également vous demander quelles sont les raisons profondes et cachées de ce statu quo, de cet immobilisme français.
La création de ce répertoire que nous, centristes, appelons de nos voeux, ne constitue certes pas un remède miracle au fléau du surendettement, mais il s'agit, à l'évidence, d'un outil précieux, complémentaire des dispositifs existants, permettant une meilleure connaissance de la situation financière des emprunteurs et, par là même, de responsabiliser les établissements de crédits et leurs filiales spécialisées dans le crédit à la consommation.
Je tiens, tout d'abord, à rappeler un certain nombre d'éléments nécessaires à la bonne compréhension du texte que Jean-Christophe Lagarde et moi-même, ainsi que les membres du groupe Nouveau Centre, vous présentons aujourd'hui. Je ne vous assommerai pas de chiffres et de statistiques que vous connaissez déjà, tout comme vous connaissez la réalité de la situation en recevant nos concitoyens dans vos permanences. Je me contenterai d'indiquer, pour souligner la dynamique inquiétante de ce phénomène, que le rythme annuel de dépôt des dossiers auprès des commissions de surendettement est passé de 180 000 en 2004 à 230 000 aujourd'hui, ce qui représente une augmentation de 27 %, révélatrice de la forte progression des situations de détresse avec l'installation de la crise économique dans notre pays.
Nous verrons, en tout cas, comment vous allez voter tout à l'heure.
Retenons que plus de 700 000 ménages français font actuellement l'objet d'une procédure en matière de surendettement. Retenons également le cri d'alarme de Jean-Paul Delevoye, nouveau président du Conseil économique, social et environnemental, qui a récemment déclaré que plus 12 millions de ménages français ont des difficultés, à 50 euros près tous les mois, pour équilibrer leur budget familial.
J'insiste sur un point précis : lorsque nous avons discuté, en 2010, du projet de loi présenté par Mme Christine Lagarde réformant le crédit à la consommation – le président Poignant s'en souvient certainement –, le sujet du répertoire national du crédit avait connu une avancée marquante et, pensions-nous, décisive, lorsque la ministre avait déclaré clos le débat sur l'opportunité de la pertinence d'un tel dispositif. Oui, la ministre avait déclaré ici même qu'il était opportun de créer un répertoire national du crédit, et avait fait inscrire dans la loi la création d'un comité de préfiguration chargé d'en fixer les modalités de mise en oeuvre !
Malheureusement, les préconisations exposées dans le rapport du comité n'ont pas été suivies d'effet, puisque le Gouvernement a choisi de s'abriter derrière un avis de la CNIL pour enterrer le dossier. Cette décision, prise à la fin de l'été 2011, condamne à nouveau notre pays au statu quo et à l'immobilisme dans ce domaine. Nous verrons qu'il y aura un prix élevé à cette décision malheureuse et funeste. Il est temps, et c'est le sens de l'initiative du groupe Nouveau Centre, de relancer le processus en s'appuyant sur le très bon travail du comité présidé par M. Emmanuel Constans.
Quels sont donc les objectifs poursuivis par la création d'un répertoire national des crédits aux particuliers ? On peut distinguer un objectif principal, la prévention du surendettement, et un objectif second, l'accès d'un plus grand nombre de personnes à un crédit raisonné. Savez-vous que la France, avec 40 % de nos concitoyens exclus du crédit bancaire, tient en la matière un triste record ?
En ce qui concerne la prévention du surendettement, les statistiques émanant de la Banque de France montrent que les personnes ayant recours aux commissions de surendettement ont très souvent de nombreux crédits à la consommation : en moyenne – tenez-vous bien – près de cinq, ce qui est déjà un nombre conséquent. Plus remarquable encore, une étude réalisée par l'association CRESUS, que je me permets de saluer, sur les 47 000 dossiers qu'elle a eu à connaître en 2010 et 2011, montre que les ménages surendettés sont liés par plus de huit crédits dans 80 % des cas. Et l'on dit qu'il n'est pas nécessaire de connaître l'intégralité de l'endettement des ménages !
Il est donc clairement nécessaire de responsabiliser davantage les établissements de crédit au moment de l'octroi d'un prêt supplémentaire. Il s'agit là, je le répète, d'une mesure de bon sens ; je sais que nous sommes nombreux à partager cet avis sur les différents bancs de cette assemblée. À cet égard, l'amendement de nos collègues socialistes visant à réserver la consultation du répertoire national aux seuls emprunteurs, même si j'en comprends les motivations en termes de protection des libertés publiques, ne permet pas cette responsabilisation.
Pourquoi ce blocage ? Pourquoi cet isolement français sur cette question ? Tous nos partenaires européens, à l'exception du Danemark et de la Finlande, disposent d'un répertoire national du crédit aux particuliers. Certains, comme l'Allemagne, l'ont adopté depuis 1927 ! Aucun d'entre eux n'envisage de revenir en arrière.
Pour comprendre les raisons du retard et de l'isolement français, j'en arrive aux objections qui ont été avancées à l'encontre du répertoire national du crédit par ses détracteurs, au premier rang desquels se trouvent les deux banques françaises BNP Paribas et Crédit agricole. Quelles sont-elles ?
Tout d'abord, la distinction entre surendettement actif et surendettement passif. Cette objection a été réfutée par la Cour des comptes, qui a estimé, dans son rapport de 2010, que la distinction n'était pas opérante.
La Banque de France a d'ailleurs acté son abandon.
Ensuite, nous voulons répondre à l'objection de la CNIL, qui porte sur le risque d'atteinte aux libertés individuelles. Il s'agit, d'une part, de ses réserves sur l'utilisation du numéro de sécurité sociale pour le numéro d'inscription au répertoire et, d'autre part, des risques d'utilisation dévoyée du fichier à des fins de prospection commerciale.
En ce qui concerne le premier point, je pense, tout d'abord, que le choix de l'identifiant relève du pouvoir réglementaire, plus précisément d'un décret en Conseil d'État, comme le prévoit l'article 27 de la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978. Je crois également que l'atteinte potentielle à la protection des données est considérablement diminuée par les procédures de hachage et de cryptage du NIR.
Je considère, au final, que la création d'un répertoire national est beaucoup moins intrusive que les technologies permettant la traçabilité et la géolocalisation des individus, que ce soit par les réseaux sociaux sur internet, les smartphones, les cartes de crédit ou les cartes de transport.
Quant aux risques de détournement de l'usage du répertoire, il convient de souligner l'existence de nombreuses garanties dans notre proposition. La centralisation des données serait confiée à la Banque de France, ce qui constitue une garantie forte d'indépendance. Sous réserve d'investigations plus poussées complémentaires, la CNIL, saisie par votre serviteur et par Jean-Christophe Lagarde, n'a d'ailleurs pas signalé d'incidents graves dans ce domaine.
Cela doit nous permettre de ramener ce risque à sa juste proportion, qui est très faible.
Enfin, la troisième objection porte sur le coût et la lourdeur disproportionnés de ce fichier. S'agissant de la faisabilité d'un tel fichier – 25 millions de personnes et 100 millions de lignes –, ce ne serait en rien une première technologique. Il existe déjà des répertoires de ce genre. Un délai de dix-huit mois est d'ailleurs prévu dans ce texte.
Le coût de constitution et de fonctionnement a fait l'objet d'estimations précises dans le rapport de préfiguration. Il convient de ne pas perdre de vue qu'il s'agit d'un investissement dont le coût, amorti en cinq ans, serait d'ailleurs équilibré avec un coût de consultation de l'ordre de cinquante centimes d'euros.
Sur la proportionnalité du répertoire en regard des objectifs poursuivis, il faut bien garder à l'esprit que la situation du surendettement ne fait que s'aggraver dans notre pays.
Il apparaît donc légitime de se mobiliser et d'utiliser tous les outils pour prévenir ces situations bien souvent dramatiques. La constitution d'un répertoire consultable selon des modalités bien définies, qui viendrait compléter le service public, nous semble, par ailleurs, préférable à la multiplication d'organismes privés dans chaque établissement.
Je vous propose donc, mes chers collègues, d'arrêter le principe de la création d'un répertoire national des crédits aux particuliers, qui viendra en soutien des ménages en difficulté. Cela est d'autant plus urgent en cette période de crise économique.
Encore une fois, il est temps pour la France de faire preuve d'humilité et d'efficacité en se demandant : et si les vingt-quatre partenaires européens qui ont un fichier positif avaient raison ? Il faut également oser prendre la distance nécessaire par rapport à certains intérêts particuliers, notamment – je veux parler clairement – ceux des deux plus grands groupes bancaires de notre pays : BNP Paribas et Crédit agricole. Bref, il est temps de retrouver le sens de l'intérêt général, qui nous commande de compléter le service public de prévention du surendettement.
Ce débat, dont nous avons souhaité, au groupe Nouveau Centre, qu'il donne lieu à un scrutin public, va obliger chacun d'entre nous à trancher la question suivante : oui ou non, voulons-nous agir contre les ravages du surendettement ?
Permettez-moi, enfin – cela fait partie de mon travail de rapporteur –, de signaler que notre commission s'est prononcée majoritairement contre ce texte, suivant en cela l'inclination gouvernementale, conformément à la méthode de Clemenceau. Je rêve d'un vote libre de notre Parlement.
Je me permets, mes chers collègues, de vous appeler à un tel vote. Mais peut-être le réalisme me laisse-t-il présager un nouveau refus de décider d'agir. Si tel était le cas, les centristes feraient leur le mot de MacArthur : sur le répertoire national du crédit, nous reviendrons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, j'ai écouté avec beaucoup d'attention le propos introductif du rapporteur sur cette proposition de loi, défendue également par Jean-Christophe Lagarde, Thierry Benoit, Philippe Folliot et l'ensemble des membres du groupe Nouveau Centre. Ce texte répond à un objectif clair, que nous partageons évidemment, à savoir prévenir le surendettement en introduisant davantage de transparence et de rationalité dans l'octroi de crédits aux particuliers. Vous proposez pour cela la création d'un répertoire national des crédits aux particuliers. Sur cet objectif, nous nous rejoignons.
Avant de détailler les raisons pour lesquelles le Gouvernement souhaite que l'on continue de travailler sur cette question, je voudrais m'inscrire en faux par rapport à quelques-uns des arguments que vous venez de développer, cher Jean Dionis du Séjour.
Vous avez dit, tout en signalant les deux États n'ayant aucun dispositif en la matière, que la quasi-totalité des pays européens disposait d'un répertoire national. Cela ne correspond pas à la réalité. Il s'agit, en fait, d'outils de scoring qui, pour la plupart, sont détenus par des entreprises privées. Ces outils fonctionnent parfois à l'échelle nationale et sont parfois de portée plus limitée. Il arrive même que l'on trouve plusieurs outils dans le même pays. L'objectif de ces systèmes est clair : il s'agit non pas de prévenir le surendettement, mais de vendre du crédit.
Je veux donc, cher Jean Dionis du Séjour, que l'on fasse bien la différence entre ces situations et le projet que vous présentez, qui se défend d'ailleurs parfaitement : c'est l'idée d'un répertoire national public, ce qui ne serait pas une première, puisque la Belgique possède un dispositif assez proche. Mais, de grâce, ne dites pas que la France est en retard par rapport au reste de l'Europe : dans la plupart des pays, ces dispositifs ne sont pas de même nature.
J'ajoute que vous-même, monsieur le rapporteur, avec la proposition de loi que vous défendez, vous nous invitez à continuer à travailler.
Dans votre texte, vous n'arrêtez pas de décision sur l'un des points qui ont fait discussion – je parle sous le contrôle du président Poignant – à l'occasion de la première réunion du groupe de travail, en l'occurrence la question du choix de l'identifiant.
Certes, monsieur Lagarde, mais pourquoi y a-t-il des hésitations et des discussions sur ce sujet ? Parce que c'est une question de liberté publique. Or ce n'est pas vous, qui êtes si attaché à la question des libertés publiques et aux droits du Parlement,…
…qui allez dire que, sur une question aussi importante, le Parlement ne doit pas se prononcer et que l'exécutif doit choisir seul.
C'est la raison pour laquelle, disais-je, dans la proposition de loi que vous avez déposée, vous n'avez pas voulu trancher.
Je souhaite que vous puissiez participer, les uns et les autres, au groupe de travail que nous avions décidé de mettre en place lors de la discussion du projet de loi sur la consommation. Vous n'avez pas pu, cher Jean Dionis du Séjour, sans doute pour des raisons d'agenda, être présent à sa première réunion.
Vous avez fait référence au rapport Constans ; vous avez eu raison.
Tout à fait.
M. Constans assistait d'ailleurs à la réunion du groupe de travail. Les discussions que nous avons eues avec la CNIL et avec le Trésor, qui étaient également représentés, étaient très intéressantes. Un certain nombre d'élus, membres des différents groupes de l'Assemblée, étaient eux aussi présents.
Nous nous sommes aperçus que certains points importants restaient en suspens. Cela demande que nous continuions à travailler. Chacun a considéré – aussi bien M. Constans que la CNIL – qu'il fallait que la représentation nationale prenne ses responsabilités.
Vous avez évoqué la question du coût. C'est évidemment un aspect important, vu la situation économique actuelle de notre pays. Cela fait partie des éléments sur lesquels nous avons posé des questions dans le groupe de travail afin d'obtenir des évaluations très précises ; des réponses doivent nous être fournies lors de la prochaine réunion. Mais je ne m'attarderai pas sur ce sujet.
Une deuxième question a été soulevée dans le groupe de travail – de mémoire, c'était par un de vos collègues de la commission des lois – sur le délai de mise en place du dispositif à partir du moment où nous déciderions de son instauration. Il faudrait cinq ans pour qu'il soit opérationnel.
Monsieur Lagarde, je vous invite, pour en juger, à venir dans le groupe de travail.
Jean Dionis du Séjour, lui, l'était.
Je vous invite, en effet, si les présidents de la commission des lois et de la commission des affaires économiques en sont d'accord. Le principe était que siègent dans ce groupe des parlementaires membres de ces deux commissions, mais je serais tout à fait ouvert, pour ma part, à ce que l'on puisse l'élargir à un certain nombre d'autres parlementaires qui souhaiteraient y participer.
Je prends la responsabilité de dire que vous serez le bienvenu à la prochaine réunion de ce groupe de travail.
Ensuite, plusieurs questions juridiques ont été évoquées. C'est là un point extrêmement important, sur lequel je vous demande à tous de réfléchir, car ces questions avaient déjà été soulevées dans un courrier de la CNIL, adressé, comme vous le savez, par son président de l'époque à François Baroin – c'était, si je me souviens bien, le 14 septembre, c'est-à-dire un peu avant l'examen du projet de loi sur la consommation.
Nous n'avons pas encore obtenu toutes les réponses – je parle, une fois encore, sous le contrôle du président Poignant –, notamment sur le fait que ce serait la première fois que l'on ficherait autant de personnes – 25 millions si l'on retient le dispositif du numéro d'identifiant de sécurité sociale – et des gens qui n'auraient pas commis des fautes. Nous avons demandé à la CNIL de nous apporter des éclairages sur ce point précis.
Mais il est une question beaucoup plus importante soulevée par la CNIL dans ce courrier, celle de la proportionnalité.
D'un côté, nous avons un outil qui a pour effet de ficher 25 millions de nos compatriotes, de l'autre côté, nous avons un objectif déclaré, et soutenu par le Nouveau Centre et tous ceux qui défendent ce dispositif du fichier positif, qui est d'empêcher le surendettement et donc de cibler les personnes qui se mettent dans une situation de surendettement à cause d'un crédit.
Nous avons demandé et obtenu de la Banque de France, pour que chacun des membres du groupe de travail puisse vraiment mesurer l'état des choses sur un territoire qu'il connaît, qu'il puisse avoir connaissance de la proportion des personnes concernées. J'ai moi-même accompli cette démarche avant le débat au Sénat, débat qui a finalement débouché sur la création d'un groupe de travail. Les sénateurs du groupe socialiste, qui avaient, un temps, pensé voter en faveur du principe du fichier positif proposé par le groupe Union centriste, après avoir consulté les associations de défense de consommateurs et prenant acte que l'UFC-Que choisir et d'autres émettaient de fortes réserves sur le dispositif, ont finalement décidé de conduire eux-mêmes une réflexion à travers un groupe de travail.
Je me suis rendu à la commission de surendettement de Paris, qui examine tous les quinze jours à peu près 300 dossiers. J'ai constaté que, sur ces 300 dossiers, seuls trois, quatre ou cinq, suivant les sessions, étaient dans la cible visée par le dispositif du fichier positif, c'est-à-dire concernaient des personnes qui auraient pu être empêchées d'entrer dans le surendettement parce qu'en situation d'insolvabilité par rapport à un crédit.
On observe, en effet, une évolution depuis le moment où le débat sur cette question est né dans notre pays.
D'abord, de nombreux outils ont été développés, notamment dans la loi Lagarde, à laquelle le groupe Nouveau Centre a beaucoup participé. La majorité a voté toute une série de dispositifs qui s'appliquent réellement depuis six mois, dispositifs qui concernent notamment, nous y reviendrons à l'occasion de l'examen des articles, la sanction contre un organisme de crédit qui n'aurait pas vérifié la situation de l'emprunteur.
Nous allons, dans les mois qui viennent, disposer d'éléments précis sur l'impact de cette loi. Mais les commissions de surendettement sont prêtes à vous accueillir, chacun dans vos départements, pour que vous puissiez prendre connaissance précisément du nombre de personnes pour lesquelles le dispositif que vous proposez pourrait avoir un effet de prévention efficace. Cette question de proportionnalité est une des difficultés qu'a évoquées la CNIL et que reconnaît, d'ailleurs, M. Constans lui-même – il l'a dit au groupe de travail.
D'un côté, on fiche 25 millions de personnes, de l'autre côté, suivant les départements – même si cela demande à être affiné car nous ne disposons pas, pour le moment, de chiffres précis –, entre 1 % et 10 % simplement des gens pourraient être concernés par le dispositif du fichier positif.
La plupart des personnes en situation de surendettement y entrent non pas au moment où elles contractent le crédit, et où donc le fichier positif pourrait être utile, mais après un accident de la vie, un divorce, un handicap, une perte d'emploi.
Le nombre des dossiers de surendettement augmente notamment parce qu'un certain nombre de nos compatriotes sont directement impactés par la crise.
Je veux que vous puissiez, si vous participez, chers Jean-Christophe Lagarde et Jean Dionis du Séjour, au groupe de travail, avoir une connaissance précise de la situation. Il est indispensable de mettre toutes les cartes sur la table pour voir si cet outil qui est en débat aujourd'hui dans cet hémicycle est adapté ou non à la cible que nous visons.
Tels sont les éléments que je voulais porter à votre attention, en soulignant l'intérêt du groupe de travail, auquel je souhaite que vous puissiez participer les uns et les autres, et le travail concret qui a déjà été accompli. Vous avez rendu hommage, cher Jean Dionis du Séjour, au rapport Constans.
Il est vrai qu'un travail considérable a été réalisé depuis plusieurs mois.
Il reste cependant des points en suspens, sur lesquels nous avons besoin de travailler, que ce soit en termes de liberté publique ou d'efficacité, je pense notamment au choix de l'identifiant sur lequel vous ne tranchez pas.
Donc, si le Gouvernement ne peut pas être favorable à la proposition de loi que vous défendez, il souhaite que, dans les semaines et les mois qui viennent, nous puissions continuer de travailler. Je vous donne d'ailleurs rendez-vous lors de la deuxième lecture de la discussion du projet de loi visant à renforcer les droits des consommateurs pour lequel le rapporteur de la commission des affaires économiques procède aux auditions. On s'en préoccupe même outre-atlantique puisque le FMI a exprimé, hier, l'intérêt qui était le sien et son regret de voir que ce projet de loi avait pris du retard. Dans une période où la crise mondiale impacte notre pays, où notre objectif commun, au Gouvernement comme aux parlementaires, est de retrouver le chemin de la croissance, il est de notre devoir, en effet, de solidifier la consommation. Pour cela, il faut restaurer la confiance, protéger les consommateurs, veiller à leur donner la possibilité de reprendre le dessus sur les dépenses contraintes. La consommation est l'un des principaux moteurs de la croissance dans notre pays.
Je crois vraiment que nos intentions se rejoignent. Vous aurez, dans les semaines ou les mois qui viennent, rendez-vous avec nous pour continuer de parler de ce sujet. Je souhaite que le groupe de travail puisse travailler efficacement. Vous y êtes invités.
En attendant, je ne peux qu'appeler les députés à se prononcer contre cette proposition de loi, à moins que, compte tenu des arguments que j'ai pu développer, le groupe Nouveau Centre décide de la retirer pour participer aux réunions de ce groupe de travail...
…et à la prochaine discussion du projet de loi visant à renforcer les droits des consommateurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
Monsieur le secrétaire d'État, en premier lieu, vous observerez que le groupe Nouveau Centre est d'une constance absolue, et je fais mienne la conclusion de mon collègue Jean Dionis du Séjour : si nos collègues n'adoptent pas cette proposition de loi aujourd'hui, nous reviendrons !
J'ai déposé cette proposition de loi en 2003. Elle a été débattue en 2005, en 2006 – elle avait d'ailleurs été votée par l'ensemble des groupes de cette assemblée, à l'exception de l'UMP – et nous l'avons redéposée en 2007. Nous la remettons en débat aujourd'hui. Entre-temps, des amendements, notamment portés par Jean Dionis du Séjour et les membres de notre groupe, ont été adoptés lors du débat sur le projet de loi portant réforme du crédit à la consommation. Un engagement avait alors été pris de créer un groupe de travail, un de plus, sur ce sujet – cela fait tellement longtemps qu'on travaille qu'on se demande pourquoi les choses ne peuvent pas avancer sans qu'un énième groupe de travail se réunisse. Toutes les données sont connues.
J'avoue ne pas avoir entendu dans votre intervention d'éléments nouveaux. Surtout, outre l'engagement sur le groupe de travail, il y avait eu, c'est ce qui m'a énormément déçu dans votre intervention, une reconnaissance par Mme Lagarde, à l'époque ministre de l'économie, de la nécessité, de l'opportunité de la création de ce répertoire national du crédit. Ce débat était tranché. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Je trouve ce retour en arrière extrêmement regrettable.
On aurait pu nous dire que ce n'était pas prêt, que notre texte n'était pas adapté, qu'il fallait le modifier de telle ou telle façon – vous pouviez le faire à travers des amendements.
On parle d'être opérationnel.
Mais venir nous resservir, je prends à témoin le rapporteur, l'argument de la CNIL, d'un courrier vieux de longtemps…
Du 14 septembre !
…alors que nous avons nous-mêmes été auditionnés par la CNIL, que nous avons donc pu échanger, pour conclure qu'il n'est pas opportun de créer ce répertoire, constitue un vrai retour en arrière.
Pourtant, le sujet est grave et il ne fait que s'aggraver. La première fois que nous avons débattu dans cet hémicycle de cette proposition de loi, environ 200 000 personnes entraient en surendettement chaque année. Six ans après, elles sont 230 000 chaque année. Pendant toute cette période, plus d'1,2 million de familles sont entrées dans le surendettement. Et on nous dit qu'il faut encore attendre, réfléchir, trouver ? Il faut toujours réfléchir avant d'agir, mais à trop réfléchir, nous finissons par ne pas agir alors qu'il s'agit d'un drame social et économique majeur dans notre pays, que nous connaissons tous sur les bancs de cet hémicycle à travers nos permanences parlementaires ou d'élus locaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Concernant les dispositifs en Europe, vous avez raison, monsieur le secrétaire d'État, tous les fichiers ne se valent pas, tous n'ont pas le même but, tous ne sont pas des fichiers de credit scoring. Il se trouve simplement que ceux qui ont mis en place de tels dispositifs démontrent leur utilité – je ne parle pas d'efficacité, je ne dis pas qu'il n'y a pas eu de travers. Alors qu'en France, le surendettement moyen de quelqu'un qui passe devant la commission de surendettement – et vous me permettrez de faire observer qu'il y a tous ceux qui ne se déclarent pas en surendettement et qui donc ne sont pas pris en compte dans les 230 000 – s'élève à 45 000 euros par famille, contre 18 000 à 22 000 euros dans le reste de l'Union européenne, c'est-à-dire moitié moins.
C'est l'un des principaux désaccords que j'ai avec ce que vous venez de dire : l'argument qui nous est servi en permanence sur l'accident de la vie qui crée le surendettement – en clair, au moment où l'on contracte le crédit, il n'y a pas de problème, mais c'est le deuil, le divorce, le chômage qui fait qu'on n'arrive plus à rembourser le crédit –, cet argument est faux. Bien sûr, l'accident de la vie y est pour quelque chose, mais on constate aussi que, même après un deuil, un divorce, le chômage, des familles contractent des crédits et que les prêteurs prêtent sans même rien savoir de la situation.
Je vais vous donner un exemple. Il y a de cela un an et demi, ma femme et moi avons contracté un crédit gratuit, remboursable en trois fois sans frais, pour acheter des meubles. Nous avons donné notre situation professionnelle, familiale, financière et on nous a ouvert une ligne de crédit de 2 000 euros. Depuis dix-huit mois, je n'ai contracté aucun crédit, je n'ai rien sollicité, on n'a jamais vérifié ma situation. Le 9 janvier dernier, mon épouse reçoit une lettre de la société Finaref : « Chère madame Lagarde, aujourd'hui, grâce à votre carte, vous avez à votre disposition jusqu'à 2000 euros, à utiliser en toute liberté – c'est souligné. Votre demande sera traitée sous quarante-huit heures. Un achat coup de coeur, quelques travaux à réaliser, c'est l'occasion idéale pour vous de vous faire plaisir ou pour réaliser enfin vos projets. Très cordialement. »
Puisqu'on nous dit, dans les textes de loi, que c'est toujours l'information qui fait défaut, une toute petite ligne en bas de la lettre indique que le crédit engage et doit être remboursé, qu'il faut vérifier vos capacités de remboursement – qu'il vous faut vérifier, vous, consommateur – avant de vous engager. Est-ce sérieux ?
Est-ce que la famille qui reçoit cette lettre ne peut pas avoir connu entre-temps de nouvelles difficultés, un licenciement par exemple ? Est-ce que la femme qui reçoit cette lettre ne peut pas avoir divorcé et se retrouver sans revenus, avec un besoin urgent d'argent ? Et on lui dit que, sous quarante-huit heures, on va lui donner 2 000 euros sans rien savoir de sa situation !
C'est ce contre quoi la création du répertoire national du crédit entend lutter, afin de permettre au prêteur de vérifier la solvabilité de la personne à qui il prête de l'argent. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.) C'est tellement évident que je ne sais même pas pourquoi, dans cet hémicycle, nous ne sommes pas unanimes pour accepter ce principe !
Cette proposition de loi comprend deux articles et deux principes.
L'article 1er pose le principe de la coresponsabilité dans l'emprunt. Il est normal que quelqu'un qui prête de l'argent ait la responsabilité de vérifier la solvabilité de l'emprunteur ; celui-ci ne peut pas être le seul responsable. Monsieur le secrétaire d'État, imaginons que je veuille vous emprunter 10 000 euros : si vous en disposez, je suis certain qu'avant de me les prêter, vous vérifierez que je suis capable de vous rembourser. Pourquoi un organisme de crédit ne serait-il pas dans la même situation ?
L'article 1er inscrit donc dans la loi, plutôt que de le laisser à la jurisprudence, le principe de la coresponsabilité du prêteur et de l'emprunteur. Sous la précédente législature, cet article avait d'ailleurs déjà été adopté par notre assemblée.
Nous n'avons pas voulu, monsieur le secrétaire d'État, fixer de seuil d'endettement maximal, car nous pensons que puisqu'il y a coresponsabilité, il appartient au prêteur de vérifier les capacités de remboursement de la personne concernée, de prendre une décision, et d'en assumer les risques. Fixer un seuil arbitraire ne correspondrait à rien.
Je voudrais, enfin, faire observer, pour répondre à un argument qu'on nous oppose souvent, qu'à côté du coût social que j'évoquais, il y a un coût économique. Le Président de la République Jacques Chirac l'avait expliqué : 40 % des Français ne peuvent pas avoir accès au crédit, car au lieu d'examiner leur situation, on utilise des techniques de credit scoring, c'est-à-dire que l'on ne s'intéresse pas au dossier individuel de la personne mais uniquement à la catégorie statistique à laquelle elle appartient. On prive ainsi quatre Français sur dix d'un crédit, alors que 20 % d'entre eux au moins pourraient y accéder, et cela aboutit à la situation que je décrivais tout à l'heure, quand surviennent les drames sociaux que l'on connaît.
À l'article 2, nous nous donnons les moyens de l'application du principe de la coresponsabilité : les moyens, c'est le répertoire national du crédit.
Vous disiez, monsieur le secrétaire d'État, qu'en Europe, certains fichiers posent problème. Je le conçois volontiers, je le reconnais même, et c'est ce qui nous a permis, en travaillant, d'améliorer notre proposition. Nous évitons ainsi les écueils rencontrés par les autres pays européens.
Comme Jean Dionis du Séjour l'a rappelé tout à l'heure, ce que nous proposons, c'est un fichier public, géré par la Banque de France, et non pas un fichier privé. Il ne pourra donc pas servir à faire de la prospection commerciale, puisque ça n'est évidemment pas souhaitable. Il n'est consultable qu'à la demande de l'emprunteur : les sociétés de crédit ne peuvent pas s'en servir pour connaître l'endettement de quelqu'un qui n'a rien demandé, qui ne sollicite pas un crédit. Le consommateur se voit donc protégé contre toute intrusion dans sa vie privée. Enfin, les données numérisées recueillies ne peuvent pas être conservées : il faut seulement que le prêteur conserve une trace papier de sa consultation pour pouvoir, en cas de défaut de paiement, démontrer sa bonne foi devant le juge.
Il n'y a pas de coût pour les dépenses publiques, comme l'a montré notre rapporteur, puisque c'est l'utilisateur qui paiera sa consultation. J'observe, d'ailleurs, que cela lui coûterait moins cher qu'aujourd'hui, puisque les techniques de credit scoring sont plus chères que les cinquante centimes par dossier mentionnés par notre collègue Jean Dionis du Séjour.
Monsieur le secrétaire d'État, vous disiez qu'aucun fichier aussi important n'a été créé dans notre pays. Pardon, mais les 44 millions d'électeurs sont recensés dans un fichier : cela passe par l'INSEE, quand il y a des inscriptions et des radiations. Ce fichier existe, tout comme celui de la sécurité sociale. Je me souviens qu'en d'autres temps, dans d'autres fonctions, monsieur le secrétaire d'État, vous et moi étions d'accord pour créer un fichier des cartes nationales d'identité, ce qui aurait été très utile à bien des égards.
Voilà la réalité, et c'est une évidence pour tous les praticiens du crédit – et de plus en plus d'organismes de crédit approuvent notre proposition. C'est d'ailleurs ainsi qu'ils agissent à l'étranger, dans les autres pays européens ! Pourquoi ne le feraient-ils pas en France ?
En fait, deux acteurs importants, majeurs, du crédit en France – le Crédit agricole, à travers sa filiale Sofinco notamment, et la BNP, à travers Cetelem – refusent ce dispositif…
…parce qu'ils pensent que c'est, pour eux, un avantage commercial que de mieux connaître leurs clients que les autres.
Ce n'est pas là, je crois, un argument valable pour refuser cette protection. Certes, elle ne sera pas parfaite, mais elle pourrait être mise en oeuvre de façon beaucoup plus rapide que ce que vous affirmez, et elle permettrait de faire baisser d'un tiers environ les 230 000 entrées annuelles en surendettement : non pas 1 % ou 10 %, mais un tiers – les emprunteurs compulsifs, ceux qui empruntent après un accident de la vie. Et cela permettrait de réduire le volume de surendettement des personnes concernées.
Allez voir la commission de surendettement, elle vous dira quelle est la réalité.
Ce fichier est nécessaire, et le groupe Nouveau Centre vous propose de le créer. Il pourrait être rapidement mis en place, puisqu'un identifiant existe déjà, monsieur le secrétaire d'État : le fichier FICOBA est utilisé par toutes les banques et pourrait servir immédiatement.
Tout le monde le rejette ! Il n'est pas fiable !
Ce fichier est nécessaire, il est urgent, et pourtant on le repousse depuis déjà huit ans. Chaque Français jugera du vote des parlementaires aujourd'hui, et je le dis avec une certaine solennité : on peut nous dire qu'on verra dans trois mois, dans six mois, dans huit mois. Mais les Français choisiront dans trois mois, et ils savent très bien qu'un dispositif est nécessaire pour qu'une personne qui consomme et qui emprunte trop vite, se mettant ainsi elle-même en danger, soit empêchée de le faire, car elle risque ensuite de connaître un drame social majeur, ce qui coûte très cher à la société. Car on n'a jamais évalué le coût social que ces drames représentent. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi soumise à notre examen par nos collègues du Nouveau Centre aborde une question délicate et douloureuse : le surendettement, qui affecte un nombre sans cesse croissant de nos concitoyens.
Comme le souligne notre rapporteur, le nombre de dossiers déposés auprès des secrétariats des commissions de surendettement n'a cessé de progresser ces dernières années, passant de 180 000 en 2004 à 200 000 en 2009, pour atteindre 230 000 en 2011. Ces chiffres soulignent les carences manifestes des dispositifs mis en oeuvre en matière de prévention du surendettement, lesquels se sont, pour l'essentiel, attachés à garantir une meilleure information des organismes prêteurs sur la solvabilité des emprunteurs.
Le texte qui nous est proposé aujourd'hui s'inscrit dans la continuité de cette démarche. Les parlementaires centristes nous font, en effet, depuis plusieurs années les mêmes propositions : d'une part, la sanction des établissements de crédits qui manqueraient à leurs obligations de vérification de la solvabilité du souscripteur, d'autre part, la création d'un registre national des crédits aux particuliers.
Ces propositions ne nous satisfont pas.
Si nous ne pouvons, bien sûr, que nous réjouir que leurs auteurs aient à coeur de renforcer les moyens de prévention existants, les mesures proposées sont notoirement insuffisantes. Nous estimons qu'elles détournent, en réalité, l'attention des problèmes réels, faute de poser le bon diagnostic.
Si l'on peut estimer à un million le nombre de ménages surendettés en France, il faut d'abord constater que les ménages qui sont conduits à déposer un dossier ont souscrit en moyenne trois prêts classiques et cinq à six crédits à la consommation pour un montant moyen à rembourser de 41 000 euros – ce sont les chiffres de 2010. La plupart ont souscrit un crédit, voire plusieurs, à des taux qui avoisinent celui de l'usure, qui s'élève aujourd'hui, pour les prêts d'un montant inférieur ou égal à 1 524 euros, à 20,65 %, à 19,15 % pour les découverts en compte, les crédits renouvelables, les financements d'achats ou de ventes à tempérament d'un montant compris entre 1 524 et 3 000 euros et à 17,69 % entre 3 000 et 6 000 euros.
Les offres de crédits à la consommation de ce type prolifèrent depuis quinze ans. Elles jouent un rôle déterminant, nous le savons, dans 80 % des cas de surendettement.
La loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, dite loi Lagarde, a prévu de simples aménagements à la détermination du taux de l'usure. Ces aménagements visaient, d'ailleurs, avant tout à ménager les acteurs du marché, sans remettre en cause les dispositions du code de la consommation qui autorisent les établissements de crédit à proposer un taux effectif global excédant de près du tiers le taux effectif moyen.
Pourquoi n'avez-vous jamais, pour ne prendre que cet exemple, accepté notre proposition d'abaisser le seuil de taux d'usure à 10 % de plus que le taux légal, au lieu des 33 % actuels ? C'est, au fond, que vous jugez probablement légitime qu'existe dans notre pays un système de crédit à deux vitesses : des crédits à taux usuraire pour les plus démunis et des crédits à taux préférentiel pour ceux qui en ont les moyens. De la loi du marché résulte peut-être l'adage selon lequel « on ne prête qu'aux riches », mais ce n'est assurément pas ce que dicte l'intérêt général, et nous estimons qu'en matière de lutte contre le surendettement, le législateur a vocation à faire mentir cet adage.
Si tant de nos concitoyens sont aujourd'hui amenés à souscrire des crédits renouvelables en se tournant vers des organismes qui appliquent des taux d'intérêts scandaleux, c'est qu'il n'existe pas, dans notre législation, de droit au compte ni de véritable droit d'accès au crédit bancaire. Les personnes les plus fragilisées, celles qui font face à des accidents de la vie ou ne parviennent tout simplement plus à joindre les deux bouts, deviennent ainsi les proies des organismes prêteurs. Nombreuses aussi sont les victimes du surendettement parmi les 8 millions de travailleurs pauvres que compte notre pays, cortège qui n'a cessé de grossir sous l'effet de votre politique économique.
Nous sommes, pour notre part, favorables à la reconnaissance d'un droit au crédit, qui permettrait aux personnes en difficulté de bénéficier, au contraire de la situation actuelle, de crédits à taux réduit. Nous estimons que les établissements de crédit ne peuvent s'exonérer des responsabilités qui sont les leurs en qualité de dépositaires de fonds constitués majoritairement du fruit du travail des salariés. Cette responsabilité devrait les engager à assumer certaines missions d'intérêt général : l'octroi de crédits à taux préférentiel aux personnes les plus fragilisées en est une.
Nous nous prononçons également, cela ne vous surprendra pas, en faveur de l'interdiction pure et simple des crédits renouvelables, qui jouent un rôle déterminant dans l'entretien et l'aggravation des situations de surendettement et sont pourtant souvent, en pratique, les seuls crédits proposés aux personnes qui rencontrent des difficultés financières récurrentes. Le recours de plus en plus fréquent à ce type de crédit est d'ailleurs l'un des symptômes des difficultés croissantes que rencontrent nos concitoyens, sous l'effet des politiques que vous avez conduites ou, à tout le moins, soutenues.
Vous nous dites vouloir responsabiliser les organismes prêteurs, mais l'architecture et la philosophie de votre proposition de loi se fondent, en réalité, sur l'idée que s'il faut responsabiliser les organismes prêteurs, c'est que le souscripteur est lui-même bien souvent une personne irresponsable, dont il convient de vérifier les dires tant son appétit de consommateur pourrait le conduire à des situations inextricables.
Nous nous inscrivons en faux contre cette approche. Sans nier les effets des formes d'imposition d'un standard de vie, véhiculé notamment par la publicité, l'idée que l'essentiel des personnes surendettées seraient d'abord les victimes de leur appétit, de leur propre irresponsabilité et de leur fièvre consumériste ne correspond pas à la réalité.
Oui, je sais ce qu'est la détresse.
À tout le moins, il s'agit d'un phénomène marginal, car le surendettement, et vous le savez, affecte aujourd'hui massivement les personnes victimes d'un accident de la vie – le chômage, le divorce –, les travailleurs pauvres, dont le pouvoir d'achat ne suffit pas à couvrir les dépenses courantes, et les retraités, dont la part ne cesse d'ailleurs d'augmenter dans les dossiers traités.
On ne pourra donc lutter efficacement contre le surendettement sans s'interroger sur le niveau des salaires, des minima sociaux et des pensions. Les situations de surendettement ne se seraient pas multipliées ces dernières années si vous n'aviez conduit une politique fondée exclusivement sur l'offre, et qui comptait précisément sur l'endettement des ménages pour soutenir la consommation. L'amputation du pouvoir d'achat des ménages, qui est de votre responsabilité, est un facteur bien évidemment essentiel du phénomène de masse que nous évoquons aujourd'hui.
N'ayant nulle envie de tirer les enseignements de l'échec de votre politique, vous cherchez, nous le comprenons bien, à déplacer la question afin de mettre l'accent sur la responsabilité individuelle, jusqu'à en appeler à la création d'un fichier central des souscripteurs, pour appeler les choses par leur nom.
Nous ne vous suivrons pourtant pas dans cette voie. Soyons clairs : si 70 % des surendettés le sont à la suite d'un accident de la vie, ce n'est pas un fichage qui leur redonnera les moyens financiers qu'ils ont perdus par la perte d'emploi, leur divorce ou la maladie.
La situation des ménages, de plus en plus nombreux, qui vivent dans la précarité constitue une formidable aubaine pour les organismes de crédit peu scrupuleux. L'existence d'un fichier ne changera rien : l'organisme prêteur ne s'appuiera pas davantage sur la consistance des revenus du ménage mais se donnera simplement bonne conscience en constatant uniquement l'absence d'inscription au fichier pour ouvrir un crédit à la consommation.
Le fichier positif ne créera aucun droit supplémentaire, et vous le savez, mais il empêchera plusieurs milliers de familles de passer un cap difficile de leur vie avec l'aide d'un crédit octroyé, à un taux raisonnable, bien évidemment.
Le fichier positif est, pour nous, le type même de la fausse bonne idée. Les expériences de fichier conduites à l'étranger, notamment en Belgique, n'ont en rien permis d'endiguer le phénomène de surendettement. Il représente, en revanche, quoiqu'on en dise, comme tout fichier centralisé de cette nature, une menace pour le respect des libertés publiques.
Au terme de notre intervention, vous aurez compris que si nous ne remettons pas en cause la bonne volonté de certain signataire de cette proposition, nous ne pouvons malgré tout nous défendre d'y voir un faux-semblant. Si elle devait être adoptée, cette proposition de loi n'emporterait pas davantage d'effet que la précédente. On ne peut, en effet, résoudre la douloureuse question du surendettement sans, d'une part, responsabiliser les banques en les recentrant sur les missions d'intérêt général et en leur interdisant les pratiques prédatrices, et sans, d'autre part, faire de la réduction des inégalités, du relèvement du niveau des salaires, des aides sociales et des pensions un objectif prioritaire.
Nous voterons, par conséquent, contre votre proposition, chers collègues.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi de vous lire le discours d'un collègue que je remplace.
Le groupe Nouveau Centre a inscrit à l'ordre du jour de sa journée d'initiative parlementaire une proposition de loi tendant à prévenir le surendettement. Si la protection des consommateurs et la lutte contre le surendettement sont des objectifs que nous partageons tous sur les bancs de cette assemblée, le groupe UMP, je l'annonce d'emblée, ne votera pas cette proposition de loi, car elle ne nous paraît pas appropriée.
Votre texte, cher Jean Dionis du Séjour, vise à créer un répertoire national des crédits aux particuliers pour des besoins non professionnels, ce qui est communément appelé un « fichier positif ». Or, avant de mettre en oeuvre une telle mesure, il faut donner à la loi portant réforme du crédit à la consommation du 1er juillet 2010, dite « loi Lagarde », le temps de produire ses effets.
Cette loi vise à responsabiliser les prêteurs, améliorer l'information des emprunteurs et renforcer l'accompagnement des ménages surendettés. Nous avons ainsi amélioré la vérification de la solvabilité des emprunteurs par les prêteurs. Il est désormais imposé, pour le crédit renouvelable, de vérifier la solvabilité des emprunteurs tout au long de l'exécution du contrat. Le Fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers doit être obligatoirement consulté avant toute reconduction du contrat et, tous les trois ans, une vérification complète de la solvabilité doit s'effectuer dans les mêmes conditions que lors de la souscription du crédit.
L'information du consommateur a été renforcée à tous les stades de la relation avec les établissements de crédit : publicitaire, précontractuel, contractuel.
Nous avons permis une sortie plus rapide du crédit puisque le consommateur peut souscrire un crédit amortissable à la place d'un crédit renouvelable dès lors que le montant dépasse 1 000 euros. En parallèle, chaque échéance du crédit renouvelable doit inclure un amortissement minimal du capital emprunté.
Bien entendu, le non-respect de ces dispositions par le prêteur est sanctionné.
Nous entendons, ici ou là, des critiques sur le fonctionnement du FICP. Elles étaient fondées, c'est vrai, avant la loi du 1er juillet 2010 qui l'a amélioré en mettant en oeuvre de nouvelles modalités techniques de fonctionnement et de consultation afin notamment de permettre de consulter le fichier en temps réel et de le mettre à jour très rapidement.
Nous avons adopté, au cours de cette législature, des mesures pour lutter concrètement contre le surendettement. Il est faux de prétendre que rien n'a été fait. J'ai évoqué quelques mesures pour encadrer l'octroi du crédit et augmenter la transparence et l'information des consommateurs. Il y en a bien d'autres pour sortir les ménages des situations de surendettement, notamment avec une amélioration des commissions de surendettement ou encore un raccourcissement des délais de procédure.
Je crois sincèrement qu'il faut laisser ces mesures produire leurs effets. La loi Lagarde n'existe que depuis un an et demi et certaines de ses dispositions ne s'appliquent malheureusement que depuis quelques mois. Un retour sur l'application de cette loi permettra de déterminer ce qui fonctionne et ce qui continue de poser des difficultés. Nous pourrons alors envisager d'aller plus loin.
Par ailleurs, les modalités de mise en oeuvre du fichier positif ne sont pas sans susciter quelques interrogations.
Vous avez fait allusion au comité de préfiguration créé par la loi du 1er juillet 2010 et à son rapport rendu l'été dernier à François Baroin, dit rapport Constans. Précisons que ce comité ne s'est pas prononcé sur l'opportunité d'un fichier positif en France mais a décrit de manière opérationnelle les caractéristiques que présenterait un tel fichier.
Le fichier positif concernerait ainsi 25 millions de personnes, c'est-à-dire tous les ménages qui bénéficient d'un crédit sans aucune difficulté de remboursement, alors que le FICP, qui concerne uniquement les ménages ayant des difficultés de remboursement, recense moins de 220 000 personnes.
Ficher 25 millions de personnes peut soulever des réserves au regard des libertés publiques, même si l'on peut aujourd'hui se poser des questions sur l'utilisation d'internet et le piratage informatique. Je ne suis pas le seul à avoir cette crainte, les associations de consommateurs, en particulier l'UFC-Que choisir, la partagent également. Le fichier positif serait donc une fausse bonne idée.
Du fait de toutes ces interrogations qui demeurent, nous ne pouvons pas, mes chers collègues, adopter un fichier positif aujourd'hui.
Lors de l'examen du projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs, le groupe Nouveau Centre avait déjà proposé de créer un fichier positif. Reconnaissons qu'ils ont de la suite dans les idées ! (Sourires.)
Il a alors été décidé de mettre en place un groupe de travail réunissant des membres de la commission des affaires économiques et de la commission des lois afin de poursuivre la concertation avec les acteurs concernés.
Tout à fait.
Mes chers collègues, ce que le Parlement a décidé fin 2011, nous ne pouvons revenir dessus début 2012.
Bien qu'avec nos collègues centristes, nous nous rejoignions sur beaucoup de sujets – mais pas le dimanche, monsieur Dionis du Séjour –,u comme celui de ce matin et d'autres à venir cet après-midi, nous croyons sincèrement que ce débat est prématuré et que le fichier positif n'est peut-être pas la solution miracle pour éviter que des ménages ne soient pris dans la spirale infernale du surendettement.
Le groupe UMP ne peut, par conséquent, pas adopter la proposition de loi qui crée un fichier positif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, parlementaires de gauche comme de droite, issus de territoires ruraux ou urbains, nous sommes unanimes pour constater l'évolution dramatique du nombre de nos concitoyens confrontés au surendettement.
Concernant l'Ariège, les chiffres sont parlants. Fin 2008, nous recensions 360 dossiers de surendettement ; trois ans plus tard, fin 2011, alors que la loi Lagarde aurait dû faire diminuer ce chiffre, nous en étions à 491, soit une augmentation de 26 % sur le seul département de l'Ariège. La sociologie des surendettés a, elle aussi, évolué puisque de plus en plus de dossiers concernent des retraités et des salariés.
S'ils sont alarmants, ces chiffres ne nous surprennent pas réellement. Lors des débats sur la loi Lagarde, nous avions dénoncé la faiblesse des dispositifs mis en oeuvre. Dix-huit mois après son entrée en vigueur, elle se révèle nettement insuffisante et nous le dénonçons à nouveau. Contrairement à ce que la majorité a pu affirmer en commission, ce texte n'a pas apporté aux consommateurs la protection nécessaire contre les abus en tous genres pratiqués par les établissements de crédits.
Loin de vouloir faire porter uniquement la responsabilité sur ces établissements, nous considérons qu'elle doit être relativisée. S'il ne s'agit pas de déresponsabiliser entièrement le consommateur, il faut toutefois avoir à l'esprit que le futur emprunteur et l'organisme de crédit ne sont pas dans une relation d'égal à égal. Trop nombreux sont les témoignages à travers lesquels on nous relate la façon dont certains établissements ont profité de la détresse des consommateurs pour leur faire accepter des crédits à n'importe quel taux, avec pour conséquence l'aggravation de leur situation financière. C'est la spirale infernale du surendettement : le bonheur n'est pas forcément dans le prêt ! (Sourires.)
Le consommateur n'est pas toujours à même d'évaluer la situation d'endettement qui est la sienne. C'est pourquoi il doit pouvoir, s'il en fait la demande, prendre la mesure de sa propre situation. C'est ainsi en toute connaissance de cause que les deux parties peuvent s'engager en ayant, l'une comme l'autre, conscience des risques encourus.
Si nous approuvons la création d'un répertoire national recensant les crédits aux particuliers, nous ne sommes néanmoins pas d'accord avec le mécanisme proposé par ce texte qui permet aux établissements d'obtenir directement des informations sur le consommateur. Autoriser la circulation de ces données personnelles sans que l'emprunteur en ait connaissance peut s'avérer très dangereux. L'emprunteur, et lui seul, est habilité à demander ces informations. Au nom du respect des libertés individuelles, nous avons déposé deux amendements allant dans ce sens, sur lesquels vous avez émis, monsieur le rapporteur, un avis défavorable lors de leur examen en commission dans le cadre de l'article 88 de notre règlement. J'espère que vous leur réserverez un autre sort tout à l'heure.
Par ailleurs, mes chers collègues, je souhaiterais rappeler qu'aux termes de l'article 49 de la loi portant réforme du crédit à la consommation, la création d'un registre national des crédits aux particuliers a fait l'objet d'un rapport remis au Gouvernement et au Parlement, élaboré par un comité chargé de préfigurer cette création. Ce rapport existe – on peut le trouver sur internet – mais n'a pas été remis aux Parlementaires. Il est dommage de constater que, soit les rapports ont été écrits mais ne sont pas diffusés, soit ils ne sont pas établis alors que la loi les prévoit.
Je vous ai interrogé en commission, monsieur le rapporteur, sur l'absence de création d'un comité de gouvernance auquel le rapport Constans faisait référence dans ses propositions. Vous m'avez suggéré de déposer un amendement, ce que je me suis empressée de faire. J'espère que vous y réserverez un accueil favorable.
Je terminerai par la question de l'encadrement des crédits renouvelables. On ne peut pas traiter efficacement le surendettement sans évoquer cet aspect. Selon la Cour des Comptes, dans le cas des dossiers de surendettement, 70 % des crédits non remboursés sont du type « crédit renouvelable ». Si, pendant longtemps, ces crédits étaient assimilés à des pratiques purement consuméristes, la réalité est toute autre. Dans la mesure où les banques sont de plus en plus réticentes à octroyer des prêts dits traditionnels, de nombreux concitoyens, pour faire face à des conditions de vie de plus en plus difficiles, n'ont d'autre solution que de se tourner vers des organismes de crédit renouvelable.
Dans ce domaine également, la loi Lagarde n'a pas fait la preuve de son efficacité. L'encadrement de ces organismes n'est pas assez strict, notamment en matière de publicité et de démarchage. On ne peut pas, d'un côté, vouloir lutter contre le surendettement et, de l'autre, laisser des établissements de crédit continuer à démarcher, voire à harceler par téléphone.
En conclusion, comme c'était le cas avec la loi Lagarde, ce texte part d'une intention louable mais, une nouvelle fois, les moyens pour y parvenir se révèlent nettement insuffisants et ne vont pas dans le bon sens.
En tout cas, ce n'est pas la meilleure façon de nous rallier à vos positions.
Comme vous, monsieur le rapporteur, nous sommes soucieux de protéger les consommateurs, notamment les plus démunis, face au surendettement. Dans cette optique, nous avons déposé des amendements pour améliorer ce texte, notamment pour préserver le respect des libertés individuelles, ce qui, pour nous, est primordial. Malheureusement, vous les avez repoussés.
Ce refus, s'il était confirmé, nous obligera à voter contre ce texte. Tout est entre vos mains, monsieur le rapporteur. Pour préserver la liberté individuelle, nous souhaitons que l'accès au répertoire soit limité au seul particulier emprunteur et non pas étendu à tous les établissements de crédit. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi visant à mettre en place un répertoire national des crédits aux particuliers pour des besoins non professionnels est particulièrement importante pour la bonne raison qu'elle contribue de façon décisive à la maîtrise du surendettement et à l'amélioration de l'accès au crédit dans des conditions économiquement et socialement saines.
Quelle est la situation de l'endettement des ménages en France ? En 2010, 58,6 % des foyers étaient endettés au titre d'un crédit immobilier ou à la consommation. C'est ainsi que l'endettement en crédit à la consommation était de 2 200 euros par habitant, soit 18 000 euros par ménage utilisateur puisque 8,1 millions d'entre eux remboursaient fin 2010 un tel crédit. Quant à l'endettement en crédit immobilier, il atteignait 97 000 euros par ménage utilisateur, sachant que l'endettement des ménages est en forte progression en raison de l'augmentation des encours de crédits immobiliers.
Dans ce contexte, le surendettement a atteint la cote d'alerte...
..avec 218 042 dossiers déposés sur douze mois, soit 600 dossiers déposés par jour ou un dossier toutes les trois minutes.
Dans cette situation, l'absence en France de fichier positif est une source d'exclusion sociale et économique. Elle constitue, d'ailleurs, un cas particulier en Europe : alors que l'endettement par habitant y est un des plus faibles, le montant moyen des dossiers de surendettement est le plus élevé, soit 34 500 euros. Un tel état de fait signifie qu'à ce stade de surendettement de plus en plus de situations sont irrémédiablement compromises, car comment se relever d'une telle charge, d'un tel fardeau ?
Le reste à vivre pour les ménages est marginal, et c'est à la marge que ces ménages sont réduits par les plans d'apurement ou par les périodes d'observation.
Les 47 590 ménages déclarés en surendettement entre le second semestre 2010 et le second semestre 2011 totalisaient 2 372 889 673 euros d'encours de crédits ; et si 22 % des dossiers se situaient entre des strates de 9 823 à 26 944 euros pour les crédits contractés, 78 % des dossiers se plaçaient entre des strates de 33 983 et 105 549 euros. Je vous laisse mesurer l'ampleur de l'endettement !
L'essentiel des dossiers consistait en une accumulation de dix à quatorze dossiers de crédits pour 33 % d'entre eux, de quinze à dix-neuf dossiers pour 17 % et de huit à neuf dossiers pour 15 %, soit 65 % de dossiers dépassant quasiment la dizaine de crédits contractés.
Pour dix dettes en moyenne par dossier de surendettement, on comptait six dettes bancaires et on relevait, pour 10 000 euros de dettes, 8 300 euros de dettes bancaires, 900 euros d'arriérés de charges et 800 euros de dettes diverses.
C'est donc bien une situation accablante qui est vécue en France du fait de ce surendettement, de ce mal-endettement, sachant que ce que l'on appelle les accidents de la vie n'en sont pas la cause déterminante. C'est une véritable exclusion de masse qui est liée à ce surendettement puisque celui-ci touche près de 750 000 familles, soit plus de 2 millions de personnes. C'est ainsi que près de 40 % de la population française sont exclus de l'accès au crédit contre 15 % dans les autres pays de l'Union européenne.
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, lutter contre les paradis fiscaux, c'est bien, mais c'est loin ; lutter contre les abus de la finance internationale, c'est bien, mais c'est loin ; lutter contre le surendettement, contre le mal-endettement, c'est bien et ce n'est pas loin. C'est bien ici, en France, que nous pouvons agir rapidement et efficacement au service de nos compatriotes qui sont en difficulté. Il faut réfuter les discours alarmistes qui y lient une baisse de la consommation, car une meilleure lisibilité de l'endettement se traduit par des crédits adaptés, moins restrictifs, plus accessibles et plus pérennes.
Plus qu'une action publique, c'est un service public qui sera rendu à nos compatriotes pour leur faciliter l'accès au crédit et pour les empêcher de sombrer de façon irrémédiable dans le surendettement. Vous l'aurez compris, je suis favorable à la proposition de loi.
Vous devriez d'autant plus vous dispenser d'une telle observation, monsieur le rapporteur, qu'ici, j'ose l'espérer, tous les partis sont libres, et pas simplement le nôtre !
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, puisque je suis l'avant-dernier orateur et que beaucoup a déjà été dit sur le sujet, je ferai simplement quelques observations.
D'abord, pour bien fixer les choses, personne ne conteste la nécessité du crédit à la consommation ni son bienfait. Il est clair que personne, que ce soit pour l'achat de petits équipements voire pour des dépenses non récurrentes, ne dira que c'est une mauvaise chose. En revanche, là où la situation se complique, c'est quand le crédit à la consommation est utilisé – ce qui est de plus en plus vrai – pour les dépenses courantes, par exemple pour les courses de la semaine, que vous paierez dans un ou deux mois ou, malheureusement, jamais. C'est encore beaucoup plus vrai avec le fameux crédit renouvelable qui, ce matin encore, a été stigmatisé par de nombreux collègues sur tous les bancs, en particulier par le rapporteur.
Non seulement nous partageons cet avis, mais nous avons même voulu non pas réformer, mais interdire un tel crédit. Bien évidemment, nous n'avons pas été suivis, que ce soit à l'occasion de la loi Lagarde ou à l'occasion de la loi Lefebvre. J'entends encore Mme Lagarde me répondre, alors que je soumettais ma proposition, que je voulais casser l'économie. Je constate, monsieur le secrétaire d'État, qu'il n'y en n'a pas eu besoin pour casser l'économie ! Vous l'avez cassée avec bien d'autres mesures, et vous le savez bien puisque la situation que nous vivons aujourd'hui est celle que vous avez créée depuis cinq ans ! (Murmures sur les bancs des groupes NC et UMP.)
D'ailleurs, chers collègues du Nouveau Centre, vous qui ne manquez pas d'arguments, si François Hollande vous paraît tout compte fait trop prudent, n'est-ce pas simplement parce qu'il a conscience qu'il va falloir réparer ce qui a été cassé avec votre complicité depuis cinq ans ? (Exclamations sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Pour en revenir à notre sujet, Mme Lagarde et M. Lefebvre ont proposé des encadrements, mais, ainsi que l'a illustré Jean-Christophe Lagarde, les publicités que nous recevons encore montrent bien que l'on n'a pas changé grand-chose. Même si l'on écrivait en gros ce que notre collègue a lu et qui est imprimé en petit, cela ne changerait d'ailleurs pas non plus grand-chose : il n'est que de voir le succès du « Fumer tue » inscrit sur les paquets de cigarettes, qui n'a jamais empêché nos concitoyens de continuer à fumer.
Quand les gens, malheureusement, sont dans cette situation d'endettement, il faut sans doute des mesures plus draconiennes...
..que celles que vous avez préconisées. Non seulement le problème demeure, mais il s'accroît, le tout avec la complicité du secteur bancaire.
La semaine dernière encore, je discutais avec une jeune femme qui me disait avoir démissionné d'un établissement bancaire parce qu'elle ne pouvait se résoudre à faire du crédit à la consommation pour permettre à des gens de rembourser leur crédit à la construction. Alors que ceux-ci avaient des difficultés parce qu'ils étaient au chômage, son directeur d'agence ne trouvait rien de mieux que de l'inciter à leur vendre un crédit à la consommation, concluant par un « On verra plus tard » ! Voilà, avec l'impunité qui règne, le type de proposition que l'on fait aux gens qui sont en difficulté.
J'en viens justement à l'équilibre des responsabilités en la matière. Bien sûr, l'emprunteur est responsabilisé. Bien sûr, il est harcelé pour rembourser ce qu'il a emprunté dans la situation de catastrophe qui a été décrite par d'autres collègues. Mais la banque, elle, a aujourd'hui encore tous les moyens de dire qu'elle n'a pas de responsabilité, au simple prétexte qu'on l'a mal renseignée. C'est parce qu'il faut que la banque puisse assumer ses responsabilités qu'elle doit pouvoir être informée de la situation.
Le fameux répertoire, on en parle depuis des années. Vous nous avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État, qu'une réunion avait eu lieu mardi à ce sujet. Mais aux dires de ma collègue Annick Le Loch qui y a participé, si ce n'était pas un enterrement, cela ressemblait sacrément à une veillée funèbre, dans la mesure où l'on préparait les obsèques – lesquelles viendront avant ou après les élections, si tant est que vous êtes encore en situation de les gagner ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
On a droit à tout avec ce fichier : il serait trop compliqué, attentatoire, inefficace. On a même droit à l'argument du temps – cinq ans. C'est se moquer de nous ! Ne suffirait-il pas de rassembler les fichiers qui existent dans la quasi-totalité des banques et qu'elles s'échangent parfois, y compris sur le territoire national ? Ces fichiers, vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, existent en toute impunité, et personne ne cherche à mettre le nez dedans. Quand, en plus, ils servent à faire du scoring, pour reprendre le mot que vous avez utilisé, cela ne vous dérange pas.
Pourquoi les banques, que vous écoutez, vous disent qu'elles n'ont pas besoin de répertoire ? Parce que, disposant de fichiers assez complets, elles se trouvent aujourd'hui dans une situation de monopole très intéressante pour elles, contrairement aux nouveaux établissements bancaires. Ces derniers, qui n'ont pas d'antériorité en matière de fichiers, demandent le répertoire parce qu'ils y ont intérêt. Voilà la réalité ! On la comprend, d'ailleurs, tout de suite quand on entend l'Association française des banques. Vous avez mobilisé le ban et l'arrière-ban – la Banque de France depuis longtemps déjà, la CNIL, vos services, l'Association française des banques et d'autres – pour participer à la veillée funèbre qui a eu lieu ces jours derniers.
J'oubliais un autre argument : des fichiers, il n'y en aurait pas tant que cela. Sans revenir sur les chiffres qui ont été évoqués par les uns et par les autres, il est vrai que lorsque l'on a essayé d'élaguer tout ce que l'on peut, on ne trouve plus rien.
La réalité, en tout cas, c'est la cavalerie faite par les emprunteurs avec la bénédiction des établissements bancaires ou des établissements de crédit à la consommation. Je parle de « bénédiction », mais cela va parfois jusqu'à l'incitation, prendre un autre crédit étant alors présenté comme un moyen de pouvoir continuer encore un petit peu. Et même si on ne les y incite pas, les gens n'ont pas d'autre solution.
Pour reprendre un exemple que j'ai déjà cité à cette tribune, voici comment une dame en était arrivée à vingt-six crédits et pourquoi elle continuait : elle avait commencé à s'enfoncer en payant avec un crédit le permis de conduire de sa petite fille – ce qui n'était pas scandaleux. Ensuite, le mur était devenu trop haut : à chaque fois qu'il se rapprochait, elle prenait un nouveau crédit pour l'éloigner à nouveau, sachant que, de toute façon, elle ne pourrait jamais le sauter.
Exactement, mais comme déjà elle ne peut plus le sauter, ce n'est finalement pas très grave : au moins, elle s'en éloigne. Voilà, en tout cas, le type de situation que l'on rencontre et qui est inacceptable.
Certes, les établissements nous disent ne pas avoir trop d'impayés. Évidemment ! Avec le système de harcèlement qu'ils ont mis en place, les impayés apparaissent ailleurs. Quand les gens sont réveillés la nuit par des centres d'appel leur demandant quand ils pensent payer, ils finissent par le faire soit en prenant un autre crédit pour ne plus être en défaut par rapport à l'établissement en question, soit en « oubliant » de payer d'autres dépenses, telles que la restauration scolaire – situation que les maires connaissent bien – ou encore les factures du garagiste ou d'autres professionnels du quartier. Voilà où se fait le report des dépenses qu'ils omettent de payer.
Je ne développerai pas plus avant mes arguments sur ce point, car je tiens à revenir, en les confirmant, sur les propos de ma collègue Frédérique Massat.
Ce qui nous sépare, monsieur le rapporteur, c'est que nous, nous ne faisons pas fi de ce que dit la CNIL. Nous considérons qu'il existe un vrai risque en matière d'accès au fichier. Sachant ce que nous savons des établissements bancaires, nous ne croyons pas qu'ils seront vertueux, pour reprendre un adjectif qui a souvent été utilisée dans l'hémicycle. Si ce sont eux qui peuvent les demander, nous savons qu'ils se serviront des informations qu'ils obtiendront. Il faut donc trouver un autre moyen.
Ce n'est tout de même pas compliqué, bon sang ! Nous avons bien le même système pour la consultation du casier judiciaire. Il suffit de copier ce qui existe déjà en ne permettant l'accès aux données personnelles qu'à la seule personne concernée. Libre à elle, si elle le souhaite, de les exhiber aux établissements de crédit. En allant plus loin, elle pourrait même télécharger ces informations sur la puce de sa carte bancaire.
Si notre amendement est adopté, nous voterons la proposition de loi ; dans le cas contraire, nous ne pourrons pas le faire, car le risque de dérive est bien réel. Sur ce point, nous sommes en accord avec le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la crise que notre pays traverse comporte son lot d'épreuves auxquelles il faut plus que jamais apporter des réponses.
Au quotidien, des millions de familles parmi les plus modestes font face à des situations souvent préoccupantes. À ce jour, 1,7 million de personnes sont interdites bancaires et 2,5 millions sont inscrites au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers. Le nombre de familles surendettées ne cesse d'augmenter : aujourd'hui, près de 900 000 ménages sont concernés par le surendettement.
Les causes de ce phénomène sont multiples, à la fois conjoncturelles et structurelles. Il faut citer comme cause majeure la perte d'emploi, avec un taux de chômage en augmentation de plus de 5,6 % en 2011, qui touche des familles où deux salaires sont indispensables pour assurer les dépenses quotidiennes. S'y ajoutent les séparations, de plus en plus nombreuses, « démutualisant », si j'ose dire, les moyens des ménages, à l'origine desquelles se trouvent bien souvent, et paradoxalement, des difficultés budgétaires. Parmi les causes du surendettement, il y a aussi les crédits sans fin qui se superposent et s'accumulent pour faire face aux nécessités de la vie, le prix des logements, la maladie, le chômage partiel… En fait, la mauvaise gestion de son budget est l'une des causes les plus minoritaires de surendettement.
Les Français ont besoin d'être protégés. Nous avons adopté, il y a quelques mois, une législation mieux adaptée pour prévenir les abus des crédits renouvelables. Les consommateurs sont aujourd'hui mieux informés, mieux responsabilisés. Mais, face à la détresse de certaines situations, il faut aujourd'hui aller plus loin. La fragilité financière de certains ménages nécessite de responsabiliser également les prêteurs, ceux qui accordent les crédits.
Cette exigence, à la fois légale et morale, doit permettre à chaque Français d'être toujours mieux conseillé, toujours mieux protégé, pour éviter de tomber dans une spirale financière sans fin, dont les conséquences sur la solidité des couples, l'équilibre des enfants et la capacité à faire face aux difficultés de la vie peuvent être particulièrement importantes. Il faut prévenir l'engrenage d'une superposition de crédits accordés par les prêteurs.
Chaque année, 217 000 dossiers de surendettement sont constitués et examinés. Ce chiffre est en augmentation de 45 % par rapport à 2006, notamment en raison d'une bonne information sur les aides aux consommateurs potentiellement en situation de surendettement. Pour autant, ce chiffre n'est pas révélateur de l'état du surendettement des foyers français. Ce qui est surtout inquiétant, c'est le nombre de plus en plus important de dossiers déclarés recevables et donc réellement surendettés : 184 000 en 2010, soit 85 % des dossiers. Nous étions loin de ce chiffre il y a encore quelques années, avec un taux plus proche de 60 ou 65 %.
Un autre facteur doit nous préoccuper : le montant moyen d'endettement, soit 45 000 euros, qui est largement supérieur à la moyenne européenne, de l'ordre du double de celle-ci.
Enfin, une nouveauté est constatée sur le terrain : l'absence de profil type. Aujourd'hui, tout le monde est touché par le phénomène, à commencer par les retraités qui constituent un public nouveau.
Le surendettement est un fléau qui ravage des milliers de familles. S'il est nécessaire que la représentation nationale prenne les dispositions qui s'imposent aujourd'hui pour libérer la croissance et créer des emplois, elle ne doit pas faire l'impasse sur ces familles en grande difficulté. Elle doit, au contraire, être à leurs côtés en les soutenant et en les aidant à rebondir et à traverser au mieux les épreuves qu'elles rencontrent.
Lors des débats sur la loi du 1er juillet portant réforme du crédit à la consommation, Christine Lagarde, ministre de la République, avait tranché : après dix ans de discussions, un accord avait été trouvé sur l'opportunité de créer un fichier positif.
Aujourd'hui, quoi que l'on puisse en penser sur le fond, nous assistons à un retour en arrière qui est tout de même un peu humiliant pour notre parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Monsieur le secrétaire d'État, votre argumentation tenait en trois points clés sur lesquels vous me permettrez de vous porter la contradiction.
Selon vous, au regard du nombre de cas traités par la commission de surendettement, le pourcentage de personnes potentiellement concernées par le fichier que nous voulons mettre en place serait faible. Sur ce point, les chiffres le plus souvent cités par la Banque de France montrent que la part de l'endettement actif est de 25 % et celle de l'endettement passif, lié aux accidents de la vie, est de 75 %.
Je veux saluer le travail effectué par l'association CRESUS qui a examiné 47 000 dossiers de personnes entrant en commission de surendettement. En moyenne, ces dernières disposaient de cinq lignes de crédits. Ne croyez-vous pas qu'il aurait été utile de connaître tous les éléments relatifs à leur endettement avant l'attribution d'un troisième, d'un quatrième ou d'un cinquième crédit ? La même étude montre aussi que, dans 78 % des cas, ces ménages sont liés par plus de huit crédits.
Dans ces conditions, comment pouvez-vous croire que le dispositif que nous proposons ne serait pas opérant ? Fiez-vous à ceux qui se sont exprimés, comme Philippe Maurer que je veux saluer tout particulièrement, car l'Alsace mène une politique exemplaire et innovante pour accompagner les personnes touchées par le surendettement.
Bref, monsieur le secrétaire d'État, votre premier argument n'est pas recevable.
Pour enfoncer le clou, je vous donne lecture du rapport de la Cour des comptes de 2010, consacré au surendettement des particuliers : « Enfin, la distinction établie par la Banque de France entre “l'endettement actif” et “l'endettement passif” n'est pas opérante.
« Le surendettement est qualifié de passif – 75 % des dossiers – quand des événements graves et imprévus sont censés être intervenus entre le moment où l'intéressé a contracté une dette et celui où il dépose un dossier de surendettement. En revanche, le “surendettement actif” – 25 % des dossiers – résulterait d'un comportement de consommation imprudent de l'intéressé. Les chiffres fournis par la Banque de France, comme l'examen des dossiers par les rapporteurs de la Cour ne confirment ni la pertinence de cette distinction entre deux natures de surendettement ni le ratio de 75 % contre 25 %, qui résulte de statistiques mal renseignées. Une majorité de dossiers comporte, en effet, une situation où des “accidents de la vie”, plus ou moins prévisibles, se cumulent avec des comportements de consommation imprudents – nombreuses cartes de crédit renouvelable, par exemple, qui rendaient le surendettement inévitable au moindre “accident”. »
Arrêtez donc d'utiliser cet argument ! Après étude, il est désormais établi qu'on ne peut pas dire qu'un tout petit nombre de dossiers serait concerné par le dispositif. C'est faux ! On peut être contre ou pour le fichier positif, on peut soutenir la position des banques, mais on ne peut pas dire que ce dispositif ne serait pas socialement efficace.
Enfin, monsieur le secrétaire d'État, vous parlez du danger que représente pour les libertés publiques la constitution d'un gros fichier. Mes chers collègues, vous savez que nous sommes tous fichés. Que votre compte bancaire soit au Crédit agricole, à la BNP ou à la Société générale, vous êtes tous fichés !
Non seulement vous êtes fichés, mais vos dossiers de surendettement sont consolidés et votre profil est examiné par des progiciels propriétaires privés qui analysent votre scoring et votre capacité d'endettement.
Selon vous, qu'est-ce qui est le plus intrusif en matière de libertés publiques : le développement de ces fichiers propriétaires privés ou le développement d'un service public du surendettement qui compléterait l'action de nos commissions de surendettement grâce à un dispositif organisé autour de la Banque de France ? Telle est la question simple que je vous pose. Il est clair qu'au regard de la protection des libertés publiques, une solution centralisée et contrôlée par la Banque de France est bien préférable. L'argument des libertés publiques tombe aussi.
Je veux maintenant m'adresser à nos amis du groupe UMP. Le vote de cette proposition de loi dépend d'eux ; je les appelle à un vote libre.
On compte je ne sais combien d'initiative de votre groupe parlementaire en faveur du répertoire national du crédit. Je salue à nouveau Philippe Maurer et également Véronique Besse.
L'argument développé par Richard Mallié, au nom du groupe UMP, a consisté à nous demander d'attendre les effets de la loi Lagarde.
Mais la loi Lagarde, que nous sommes fiers d'avoir voté avec vous, est efficace sur d'autres points que celui dont nous débattons. Sur le problème qui nous préoccupe, elle ne produira aucune avancée, car elle prévoit seulement que la personne qui emprunte doit remplir une fiche décrivant son endettement.
Comme nous, vous avez reçu des personnes en situation de surendettement dans vos permanences. Vous savez que, dans une situation de détresse, on peut dire n'importe quoi. En conséquence, cette procédure déclarative ne peut pas être efficace, vous le savez très bien. Je vous invite donc à vous rallier à la position de Philippe Maurer et de Véronique Besse et à nous rejoindre.
Venons-en à la position de nos collègues du groupe socialiste. Nos analyses ne sont pas très éloignées, et j'ai apprécié vos interventions. Il reste cependant un point de désaccord dont nous débattrons lorsque nous examinerons l'amendement concerné. Vous souhaitez que le répertoire national du crédit ne soit consultable que par l'emprunteur qui pourra, sous sa seule responsabilité, fournir des informations le concernant au prêteur. Vous touchez là une question qui nous est sensible : nous considérons comme impératif de responsabiliser le prêteur. Sur cette base, les procédures de recouvrement pourront être déclarées nulles, car si le prêteur a disposé d'informations, il aura, de fait, pratiqué un financement en soutien abusif.
Vous ne faites pas confiance aux établissements bancaires et vous craignez les dérives. Jean-Christophe Lagarde et moi-même avons beaucoup travaillé sur ce point précis avec la CNIL.
J'ai transmis au secrétaire d'État le courrier de trois pages, daté du 25 janvier 2012, dans lequel Mme Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la CNIL, nous apporte des précisions. Nous avions souhaité qu'elle interroge les autorités jouant un rôle semblable à celui de la CNIL dans les pays européens pour savoir si les fichiers positifs en vigueur avaient donné lieu à de nombreuses dérives ou à des utilisations illégales par les tiers. Afin de comparer ce qui est comparable, la CNIL s'est intéressée au cas belge, qui se rapproche de ce que nous proposons. Elle constate que s'il y a eu quelques dérives, elles ont été rares. Un vote sur une question aussi importante ne peut donc se fonder sur quelques cas exceptionnels. Je tiens la lettre de la CNIL à votre disposition.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la proposition de loi tendant à prévenir le surendettement ;
Discussion sur le rapport de la commission mixte paritaire de la proposition de loi relative aux recherches impliquant la personne humaine ;
Proposition de loi portant réforme de la biologie médicale ;
Proposition de loi visant à garantir un accès aux soins égal sur l'ensemble du territoire.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures quinze.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron