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Intervention de Catherine Vautrin

Réunion du 26 janvier 2012 à 9h30
Financement des comités d'entreprise — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Vautrin, présidente :

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de Nicolas Perruchot sur le financement des comités d'entreprise fait partie des textes que le Nouveau Centre a décidé de soumettre à notre examen dans le cadre de sa niche.

Dès le départ, notre groupe a déploré l'angle d'attaque étroitement idéologique choisi par nos collègues qui, sous couvert de faire oeuvre de transparence en matière de financement et de fonctionnement des comités d'entreprise, se livrent en réalité à une croisade contre ces institutions représentatives du personnel (Protestations sur les bancs des groupes UMP et NC), accusées injustement d'être des repères de fraudeurs.

M. Jean Mallot. Il n'a pas tort !

M. Roland Muzeau. Nous ne pouvons faire abstraction du contexte dans lequel ce texte précipité s'est inscrit, dans la foulée de la polémique entourant les travaux de la commission d'enquête sur le financement des acteurs du dialogue social. Ce faisant, vous avez décidé de prolonger l'histoire du désormais trop fameux rapport mort-né…

M. Richard Mallié. Ce n'est pas la même chose !

M. Roland Muzeau. …et d'alimenter ainsi le climat de suspicion sur le financement des organisations syndicales de salariés de préférence.

Comme l'ensemble des organisations syndicales et patronales auditionnées par la commission des affaires sociales, nous sommes favorables au principe de transparence financière (« Ah ! » sur les bancs du groupe NC)...

M. Jean Dionis du Séjour. Quelle conversion !

M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Vous votez donc le texte ?

M. Roland Muzeau. …et à la certification des comptes des plus gros comités d'entreprise. Toutefois, nous combattons cette proposition de loi pour des raisons de fond que je développerai après être revenu sur certains faits éclairant utilement vos intentions réelles et tentations constantes de remettre en cause le fait syndical, le droit pour les salariés de s'organiser, d'être représentés pour défendre leurs intérêts.

Les propositions pleuvent au sein de la majorité, là pour réduire le droit de grève dans les transports aériens, là encore pour limiter l'exercice du droit de retrait des salariés exposés à une situation dangereuse dans les services publics de transport.

M. Jean Dionis du Séjour. Amalgame !

M. Roland Muzeau. À l'inverse, vous ne faites preuve d'aucun volontarisme pour étendre la loi du 20 août 2008 aux PME et TPE afin d'assurer la représentativité effective des salariés.

Si l'on ajoute à cela les idées perverses développées par certaines parties patronales au sommet social de la semaine dernière comme la suppression des obligations des PME franchissant le seuil de cinquante salariés de constituer un comité d'entreprise, ou bien encore la limitation des expertises pouvant être exigées par le comité d'entreprise, il est permis de penser effectivement que, dans notre pays, les instances représentatives du personnel sont fragilisées. En jetant le discrédit sur les élus du personnel, les auteurs de cette proposition de loi participent à cette démarche.

Dès le départ, la demande du Nouveau Centre de créer une commission d'enquête sur le financement des syndicats, très mal perçue à la fois par le Gouvernement, l'UMP, l'opposition de gauche et les syndicats, relevait aussi de cette sordide opération. Les propos tenus en juin 2011 par le président Pierre Méhaignerie, plus que réservé vis-à-vis de cette initiative, confortaient nos réticences. « Qu'on le veuille ou non, » disiez-vous, monsieur le président, une telle création « sera perçue sur le plan de la méthode comme une marque de suspicion et de défiance. L'exposé des motifs nourrit d'ailleurs largement cette prévention. »

Mesurant la manipulation, les députés communistes, républicains, citoyens et du Parti de gauche n'ont pas souhaité s'associer à une telle démarche visant étroitement les seules organisations syndicales, inscrite en urgence, au mépris de deux négociations essentielles en cours entre les partenaires sociaux sur la modernisation du dialogue social et le paritarisme.

Nous n'avons donc pas participé aux travaux de cette commission d'enquête étrangère aux objectifs d'équilibre et de transparence, craignant qu'elle ne serve à instruire à charge uniquement le procès des syndicats de salariés pour mieux faire oublier certaines caisses noires patronales…

M. Richard Mallié. C'est faux !

M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Totalement faux !

Mme Martine Billard. C'est la vérité !

M. Roland Muzeau. …et qu'elle n'aboutisse in fine à délégitimer les partenaires du dialogue social. Les faits, depuis, nous ont malheureusement donné raison.

M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Justement, c'est l'inverse !

M. Roland Muzeau. Fin novembre, lors de l'examen et du vote des conclusions du rapport de M. Perruchot, le Nouveau Centre a été lâché par l'UMP qui s'est abstenu. En l'absence de majorité favorable à son adoption, le rapport de la commission d'enquête n'a pu être publié. Qu'à cela ne tienne, concomitamment, des fuites savamment orchestrées par le rapporteur lui-même sont venues alimenter des papiers de journalistes vengeurs.

M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Vous n'avez aucune preuve de ce que vous dites !

M. Roland Muzeau. Vous n'avez qu'à m'attaquer !

Le Figaro s'est tout particulièrement illustré avec un dossier racoleur et nauséabond publié sous le titre : « L'argent caché des syndicats », citant des chiffres « mis bout à bout pouvant surprendre par leur ampleur », selon les propos du rapporteur. Il a beaucoup été question des 4 milliards annuels affectés illégitimement par la collectivité au financement des organisations syndicales pour 8 % seulement de syndiqués, de subventions versées à gogo, de permanents par milliers…

M. Richard Mallié. Si nous revenions au texte ?

M. Roland Muzeau. Sur cet élément du financement, les organisations syndicales ont tenu depuis à préciser publiquement que les trois quarts de ce montant correspondaient en réalité aux heures de délégation dont bénéficient les délégués du personnel et les élus des comités d'entreprise, et aux moyens de fonctionnement de ces mêmes comités.

M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Et qui paie ?

Mme Martine Billard. C'est la loi, c'est comme ça !

M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Je ne dis pas le contraire, je demande qui paie !

M. Roland Muzeau. Après avoir fait cette mise au point lors de son audition par la commission des affaires sociales le 11 janvier dernier, et vous avoir dit comprendre que le rapport n'ait pas été adopté dans la mesure où il « remettait en cause la démocratie par délégation », M. Chérèque vous a interpellés : « Oserait-on dire, de la même façon, que les indemnités des députés, des sénateurs, des maires et des conseillers municipaux servent à financer les partis politiques ? De même que l'ensemble des mandats publics, les mandats des délégués du personnel et ceux des élus des CE sont de nature délégative. » Aucune réponse de votre part, et pour cause, vous êtes dans la manoeuvre politicienne.

M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Pas du tout ! Je suis dans la transparence !

M. Roland Muzeau. La majorité souhaitait que le grand public attache aux organisations syndicales de salariés le soupçon de fraudes et de gabegie. Elle a donc entretenu, fait monter la pression autour du contenu de ce rapport, laissant planer sur les organisations socioprofessionnelles des accusations dont elles ne pouvaient se défendre. Ces dernières ont tout naturellement demandé la publication de ce rapport ou, à défaut, la possibilité de pouvoir s'expliquer publiquement sur leurs principales sources de financement. Certaines ont d'ailleurs porté plainte contre la divulgation à la presse des meilleurs feuillets des travaux de la commission d'enquête.

Le rapporteur Nouveau Centre, s'estimant lui-même victime d'un tel déni de démocratie, a cru bon devoir lancer une pétition en ligne en faveur de la publicité de son travail, se plaçant pour le coup dans une situation qualifiée de délit pénal par le président de l'Assemblée nationale lui-même. (Exclamations sur les bancs du groupe NC.)

M. Jean Dionis du Séjour. Et puis quoi encore ? C'est ridicule !

M. Yvan Lachaud. Quelle honte !

M. Roland Muzeau. Dans une dépêche AFP au ton sévère du 20 décembre 2011, Bernard Accoyer rappelait que, « à partir du moment où le rapport n'a pas été accepté, il n'existe pas ».

M. Richard Mallié. C'est vrai !

M. Roland Muzeau. Il regrettait explicitement que le rapporteur se soit lui-même exprimé sur ce qu'il prétend être le contenu du rapport et promettait d'inscrire le cas du député Nouveau Centre à l'ordre du jour du bureau de l'Assemblée nationale.

M. Jean Dionis du Séjour. C'est dur d'être la courroie de transmission de la CGT !

M. Roland Muzeau. C'est dans le contexte pour le moins singulier que je viens de rappeler que cette proposition de loi a été annoncée, comme devant reprendre l'essentiel d'un rapport censé de ne pas exister, mais déposée en ne retenant en fait qu'un aspect seulement de la question, le financement des comités d'entreprise : exit donc notamment toute référence aux organisations syndicales d'employeurs alors que, a priori, les travaux de la commission d'enquête plaidaient en faveur du renforcement de l'encadrement du financement de la formation professionnelle ; zoom par contre sur les irrégularités financières, les dérives des comités d'entreprise ; généralisation de la situation de quelques gros comités d'entreprise sur les 50 000 qui existent, agitation de faits délictueux et d'affaires pendantes devant nos juridictions.

M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Faut-il les couvrir ?

M. Roland Muzeau. L'exposé des motifs de votre proposition de loi, à dessein orienté, s'appuie sur le rapport de la Cour des comptes…

M. Richard Mallié. Présidée par un socialiste !

M. Jean Mallot. La Cour des comptes est indépendante ! Personne n'a jamais mis en doute ses travaux sous la présidence de M. Séguin !

M. Roland Muzeau. …consacré à la gestion des activités sociales du comité d'entreprise de la RATP pour alimenter encore la campagne de dénigrement à l'encontre des organisations syndicales de salariés, cette « machine syndicale vivant aux crochets des autres ». Il accrédite l'idée selon laquelle les cas de fonctionnements délictueux de comités d'entreprises seraient majoritaires, alors que nous savons que les difficultés rencontrées par les comités d'entreprise sont liées principalement à des problèmes de mauvaise gestion.

Marie-Alice Medeuf-Andrieu, secrétaire confédérale de Force ouvrière, a tenu à le préciser lors de son audition : « On ne peut pas généraliser les dysfonctionnements qui entachent la gestion de quelques grands comités d'entreprise, alors que 71 % des comités d'entreprise concernent des entreprises de moins de 200 salariés et ont un budget de fonctionnement moyen de 7 600 euros par ans, et que ce texte concernerait à peine 2 % des entreprises. »

Je ne nie pas certains déficits de transparence financière et de contrôle. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Jean Dionis du Séjour, M. M. Dominique Tian etM. Richard Mallié. Ah, tout de même !

M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Il était temps !

M. Roland Muzeau. Je vous reproche en revanche de soutenir qu'en la matière nous serions dans un no man's land juridique.

M. Nicolas Perruchot, rapporteur. C'est bien le cas !

M. Roland Muzeau. Le budget des comités d'entreprise relève du contrôle des salariés, lesquels ont les moyens de sanctionner la gestion de leurs élus.

Pourquoi vous contenter de faire référence dans l'exposé sommaire au fait que les comités d'entreprise sont simplement tenus, aux termes de l'article R. 2323-37 du code du travail, d'établir un compte rendu annuel indiquant les ressources et les dépenses et omettre volontairement de mentionner le dernier alinéa de ce même article, qui stipule précisément que le bilan établi par le comité est approuvé par le commissaire aux comptes de l'entreprise ? Cette obligation, née de la recodification – hasardeuse, d'ailleurs – du code du travail, qui s'impose de fait à tous les comités d'entreprises, sans distinction de seuil de ressources, prévoit déjà la certification des comptes, comme cela a été fait par décret pour les organisations syndicales et professionnelles.

Ces dispositions existent et devaient être rappelées, aussi insatisfaisantes soient-elles, et ce d'autant que c'est l'existence de cet article du code du travail, les difficultés de son application aveugle à l'ensemble des comités d'entreprise qui ont justifié la saisine du ministre du travail par les partenaires sociaux en février 2011.

La démarche du Nouveau centre ignore superbement la concertation en cours.

M. Philippe Vigier. Oh !

M. Roland Muzeau. Pire encore, le rapporteur a avoué ne pas croire aux résultats de la négociation en avril, d'où son empressement à la torpiller sans attendre.

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