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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 26 janvier 2012 à 9h30
Prévention du surendettement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi soumise à notre examen par nos collègues du Nouveau Centre aborde une question délicate et douloureuse : le surendettement, qui affecte un nombre sans cesse croissant de nos concitoyens.

Comme le souligne notre rapporteur, le nombre de dossiers déposés auprès des secrétariats des commissions de surendettement n'a cessé de progresser ces dernières années, passant de 180 000 en 2004 à 200 000 en 2009, pour atteindre 230 000 en 2011. Ces chiffres soulignent les carences manifestes des dispositifs mis en oeuvre en matière de prévention du surendettement, lesquels se sont, pour l'essentiel, attachés à garantir une meilleure information des organismes prêteurs sur la solvabilité des emprunteurs.

Le texte qui nous est proposé aujourd'hui s'inscrit dans la continuité de cette démarche. Les parlementaires centristes nous font, en effet, depuis plusieurs années les mêmes propositions : d'une part, la sanction des établissements de crédits qui manqueraient à leurs obligations de vérification de la solvabilité du souscripteur, d'autre part, la création d'un registre national des crédits aux particuliers.

Ces propositions ne nous satisfont pas.

Si nous ne pouvons, bien sûr, que nous réjouir que leurs auteurs aient à coeur de renforcer les moyens de prévention existants, les mesures proposées sont notoirement insuffisantes. Nous estimons qu'elles détournent, en réalité, l'attention des problèmes réels, faute de poser le bon diagnostic.

Si l'on peut estimer à un million le nombre de ménages surendettés en France, il faut d'abord constater que les ménages qui sont conduits à déposer un dossier ont souscrit en moyenne trois prêts classiques et cinq à six crédits à la consommation pour un montant moyen à rembourser de 41 000 euros – ce sont les chiffres de 2010. La plupart ont souscrit un crédit, voire plusieurs, à des taux qui avoisinent celui de l'usure, qui s'élève aujourd'hui, pour les prêts d'un montant inférieur ou égal à 1 524 euros, à 20,65 %, à 19,15 % pour les découverts en compte, les crédits renouvelables, les financements d'achats ou de ventes à tempérament d'un montant compris entre 1 524 et 3 000 euros et à 17,69 % entre 3 000 et 6 000 euros.

Les offres de crédits à la consommation de ce type prolifèrent depuis quinze ans. Elles jouent un rôle déterminant, nous le savons, dans 80 % des cas de surendettement.

La loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, dite loi Lagarde, a prévu de simples aménagements à la détermination du taux de l'usure. Ces aménagements visaient, d'ailleurs, avant tout à ménager les acteurs du marché, sans remettre en cause les dispositions du code de la consommation qui autorisent les établissements de crédit à proposer un taux effectif global excédant de près du tiers le taux effectif moyen.

Pourquoi n'avez-vous jamais, pour ne prendre que cet exemple, accepté notre proposition d'abaisser le seuil de taux d'usure à 10 % de plus que le taux légal, au lieu des 33 % actuels ? C'est, au fond, que vous jugez probablement légitime qu'existe dans notre pays un système de crédit à deux vitesses : des crédits à taux usuraire pour les plus démunis et des crédits à taux préférentiel pour ceux qui en ont les moyens. De la loi du marché résulte peut-être l'adage selon lequel « on ne prête qu'aux riches », mais ce n'est assurément pas ce que dicte l'intérêt général, et nous estimons qu'en matière de lutte contre le surendettement, le législateur a vocation à faire mentir cet adage.

Si tant de nos concitoyens sont aujourd'hui amenés à souscrire des crédits renouvelables en se tournant vers des organismes qui appliquent des taux d'intérêts scandaleux, c'est qu'il n'existe pas, dans notre législation, de droit au compte ni de véritable droit d'accès au crédit bancaire. Les personnes les plus fragilisées, celles qui font face à des accidents de la vie ou ne parviennent tout simplement plus à joindre les deux bouts, deviennent ainsi les proies des organismes prêteurs. Nombreuses aussi sont les victimes du surendettement parmi les 8 millions de travailleurs pauvres que compte notre pays, cortège qui n'a cessé de grossir sous l'effet de votre politique économique.

Nous sommes, pour notre part, favorables à la reconnaissance d'un droit au crédit, qui permettrait aux personnes en difficulté de bénéficier, au contraire de la situation actuelle, de crédits à taux réduit. Nous estimons que les établissements de crédit ne peuvent s'exonérer des responsabilités qui sont les leurs en qualité de dépositaires de fonds constitués majoritairement du fruit du travail des salariés. Cette responsabilité devrait les engager à assumer certaines missions d'intérêt général : l'octroi de crédits à taux préférentiel aux personnes les plus fragilisées en est une.

Nous nous prononçons également, cela ne vous surprendra pas, en faveur de l'interdiction pure et simple des crédits renouvelables, qui jouent un rôle déterminant dans l'entretien et l'aggravation des situations de surendettement et sont pourtant souvent, en pratique, les seuls crédits proposés aux personnes qui rencontrent des difficultés financières récurrentes. Le recours de plus en plus fréquent à ce type de crédit est d'ailleurs l'un des symptômes des difficultés croissantes que rencontrent nos concitoyens, sous l'effet des politiques que vous avez conduites ou, à tout le moins, soutenues.

Vous nous dites vouloir responsabiliser les organismes prêteurs, mais l'architecture et la philosophie de votre proposition de loi se fondent, en réalité, sur l'idée que s'il faut responsabiliser les organismes prêteurs, c'est que le souscripteur est lui-même bien souvent une personne irresponsable, dont il convient de vérifier les dires tant son appétit de consommateur pourrait le conduire à des situations inextricables.

Nous nous inscrivons en faux contre cette approche. Sans nier les effets des formes d'imposition d'un standard de vie, véhiculé notamment par la publicité, l'idée que l'essentiel des personnes surendettées seraient d'abord les victimes de leur appétit, de leur propre irresponsabilité et de leur fièvre consumériste ne correspond pas à la réalité.

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