La parole est à M. Richard Mallié.
M. Jean Mallot. Ah ! Voilà le travail du dimanche à Plan-de-Campagne !
M. Richard Mallié. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre nous propose ce matin un texte relatif au financement des comités d'entreprise.
Je tiens tout d'abord à remercier le rapporteur et auteur du texte, Nicolas Perruchot, pour son excellent travail.
M. Philippe Vigier. Très bien !
M. Jean Mallot. C'est pour mieux le poignarder à la fin, entre les omoplates !
M. Richard Mallié. Nous avons d'ailleurs travaillé six mois ensemble dans le cadre de la commission d'enquête sur les mécanismes de financement des organisations syndicales, lui en qualité de rapporteur et moi en tant que président.
Cette commission d'enquête n'a jamais eu pour objet de traiter la question des comités d'entreprise. Si vous y aviez désigné vos représentants, monsieur Muzeau, vous le sauriez ! Cela vous aurait évité de dire n'importe quoi, comme je viens de l'entendre.
M. Jean Dionis du Séjour. Excellent !
M. Richard Mallié. L'amélioration de la démocratie sociale a été l'une des avancées majeures de ces cinq dernières années,…
M. Jean Mallot. La démocratie sociale façon Mallié, c'est quelque chose ! Vive le travail le dimanche !
M. Richard Mallié. …qui s'est notamment traduite, monsieur le ministre, par les lois du 20 août 2008 sur la rénovation de la démocratie sociale et du 5 juillet 2010 sur le dialogue social dans la fonction publique.
Ces lois ont engagé un processus durable de refondation de la légitimité des organisations syndicales. La transparence comptable a même été la pierre angulaire de la loi de 2008. Pour la première fois, des obligations de transparence comptable ont été introduites pour les organisations de salariés et d'employeurs.
Cependant, la loi de 2008 a omis de traiter d'une institution sociale tout aussi importante : les comités d'entreprise.
Créés à la Libération, les comités d'entreprise ont pour rôle de gérer les activités sociales des grandes entreprises et d'associer les salariés de ces entreprises à leurs grandes décisions de gestion. Pour cela, ils bénéficient d'une subvention de l'employeur au titre des activités sociales et culturelles…
M. Roland Muzeau. Elle n'est pas obligatoire !
M. Richard Mallié. …qui peut représenter plus de 3 % de la masse salariale.
Mais force est de constater que, depuis quelques années, certains CE ont défrayé la chronique. Malgré des budgets qui peuvent se compter en dizaines, voire en centaines de millions d'euros, les obligations comptables des CE sont peu développées.
Dernièrement, un rapport de la Cour des comptes – eh oui ! – est venu apporter un éclairage accablant sur la gestion du CE de la RATP. Plus généralement, la Cour relève plusieurs anomalies dans la gestion de certains CE : absence de contrôle et d'obligations comptables, maintien du choix de certains fournisseurs en dépit de factures anormalement élevées, manque d'ambition des activités sociales, mise en danger des utilisateurs dans des centres de vacances dont les travaux ont été mal gérés, etc.
Il est pourtant rare que cette juridiction accumule suffisamment de constats graves pour conclure que, je la cite, « le caractère systématique des errements, quel que soit le secteur d'activité analysé, conduit à penser qu'ils ne sont la conséquence ni de hasards malheureux, ni de défaillances humaines ».
M. Jean Mallot. C'est le cas dans un seul comité d'entreprise !
M. Richard Mallié. J'ai cité le rapport de la Cour des comptes, monsieur Mallot.
Sans jeter l'opprobre sur l'ensemble des CE en France, il est nécessaire de mettre un minimum de transparence dans un domaine qui en manque cruellement.
M. Jean Mallot. Pour un comité d'entreprise sur 40 000 !
M. Richard Mallié. Il ne s'agit pas que d'un comité d'entreprise et vous le savez !
M. Jean Mallot. Saisissez la justice ! Et si elle est saisie, laissez-la travailler !
M. Richard Mallié. Comme l'a très bien rappelé Nicolas Perruchot dans son rapport : « On ne parle que des trains qui déraillent, pas de ceux qui arrivent à l'heure, et la gestion de la grande majorité des comités d'entreprise n'est pas en cause.
M. Jean Mallot. Ah, quand même !
M. Richard Mallié. Cependant, la multiplication des difficultés rapportées amène nécessairement à s'interroger. »
Dans un tel contexte, c'est la légitimité même des comités d'entreprise qui pourrait être mise en cause. C'est pourquoi il est dans l'intérêt des salariés mais aussi de ceux qui gèrent ces instances – beaucoup sont d'ailleurs demandeurs, comme l'a souligné le ministre – d'assujettir les CE à un minimum d'obligations de transparence, et ce d'autant plus qu'aujourd'hui pratiquement toutes les institutions, collectivités publiques, sociétés, partis politiques et syndicats, y sont contraintes.
Cette proposition de loi a donc pour objet d'améliorer la gestion des comités d'entreprise en fixant deux objectifs.
M. Muzeau nous dit que les comptes sont sous le contrôle des salariés. Soit, mais si les comptes de la nation sont décidés par les représentants de la nation et contrôlés par eux, ils sont également contrôlés par la Cour des comptes et les électeurs. Le salarié exerce peut-être un contrôle – ce n'est même pas sûr, compte tenu du brouillard qui prévaut dans la présentation des comptes –…
M. Jean Mallot. C'est vous qui parlez de brouillard ?
M. Richard Mallié. …mais il existe aussi des organes compétents, comme la Cour des comptes pour le budget de la nation. Pourquoi ne voulez-vous pas que les comités d'entreprise soient contrôlés ?
M. Roland Muzeau. Je n'ai jamais dit ça !
M. Richard Mallié. Cette proposition de loi poursuit donc deux objectifs.
Tout d'abord, les trois premiers articles édictent l'obligation pour les comités d'entreprise de publier leurs comptes et d'en assurer la publicité.
M. Pascal Brindeau. C'est le minimum !
M. Richard Mallié. L'article 1er fixait initialement l'obligation pour les comités d'entreprise dont les ressources sont supérieures à 230 000 euros à la clôture d'un exercice d'établir des comptes annuels. Un légitime travail a été conduit en commission et, du fait de l'adoption d'un amendement du rapporteur, il est désormais fait obligation à tous les CE d'établir des comptes annuels comprenant un bilan, un compte de résultats et une annexe. La référence au seuil de ressources de 230 000 euros disparaît donc.
De plus, des modalités simplifiées sont prévues pour les comités dont les ressources n'excèdent pas un certain seuil fixé par décret. Les plus petits comités, également définis d'après un seuil fixé par décret, se limiteront au simple enregistrement des entrées et sorties de fonds.
Je ne peux que me féliciter de ces avancées qui permettront, j'en suis convaincu, de continuer à gravir le chemin de la crédibilité.
Dans un second temps, ce texte encadre les procédures d'appel d'offres pour les CE importants. En effet, l'obligation de consolidation des comptes entraîne des coûts supplémentaires. Il ne s'agit donc en aucun cas de généraliser, mais d'encadrer les dérives constatées dans certains comités et de limiter les risques liés à certains types d'investissements. Vous m'accorderez, chers collègues, que l'acquisition de sociétés civiles immobilières, voire d'entreprises, a pu entraîner une certaine confusion.
L'article 3 fixe l'obligation pour les CE dont les ressources dépassent 230 000 euros d'assurer la publicité de leurs comptes. Cette disposition a été enrichie par une mesure qui prévoit l'obligation pour les CE dépassant un certain seuil de recourir à la certification d'un commissaire aux comptes, comme c'est le cas pour les organisations syndicales. Le commissaire aux comptes pourra notamment exercer un droit d'alerte s'il constate que la situation devient, entre guillemets, difficile.
L'article 4 prévoit de fixer un seuil de ressources annuelles à partir duquel le comité d'entreprise contrôlant plusieurs personnes morales est tenu d'établir des comptes consolidés.
Cet article entend mettre en place une procédure d'appel à concurrence pour les CE dont les ressources dépassent 230 000 euros et qui entendent procéder à des travaux pour une somme supérieure à 15 000 euros ou à des achats de prestation supérieurs à 7 200 euros. Je comprends cette volonté du rapporteur ; toutefois, je ne peux y souscrire. En effet, la procédure d'appel à la concurrence inspirée du code des marchés publics n'est pas appropriée aux CE,…
M. Jean Mallot. Ah ! Il serait temps de le dire !
M. Richard Mallié. …qui n'exercent pas de mission d'intérêt général et ne peuvent donc être considérés comme des autorités adjudicatrices.
Pour autant, il est important que les marchés passés par les comités d'entreprise soient soumis au principe de transparence. C'est pourquoi j'avais déposé un amendement proposant que les CE soient tenus de se conformer, dans le cadre de leurs marchés, à une procédure qui respecte ce principe. Toutefois, ayant constaté que le rapporteur avait également prévu des avancées sur le sujet, qui me satisfont entièrement, j'ai souhaité retirer mon amendement.
M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Très bien !
M. Richard Mallié. En conclusion, ce texte répond à trois nécessités importantes.
Il entend tout d'abord combler un vide juridique. Contrairement aux syndicats et aux partis politiques, les comités d'entreprise ne sont actuellement pas tenus de publier des comptes annuels ni de les faire certifier par un commissaire aux comptes. Ils sont simplement tenus d'établir un « compte rendu » – qu'est-ce qu'un compte rendu ? – annuel indiquant leurs ressources ainsi que leurs dépenses, et de les porter à la connaissance des salariés. Il est donc normal que les CE qui gèrent des sommes conséquentes soient soumis aux mêmes obligations que les syndicats et les partis politiques.
Ensuite, ce texte répond à la nécessité d'une plus grande transparence. En effet, cela permettra de poursuivre le processus de refondation de la légitimité des organisations syndicales.
Enfin, le rapport de la Cour des comptes sur la gestion des comités d'entreprise que j'ai cité précédemment appelle une réaction nécessaire de la part du législateur.
Par conséquent, le groupe UMP est favorable à cette proposition de loi, qu'il votera avec force et conviction. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)