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Intervention de Catherine Vautrin

Réunion du 26 janvier 2012 à 9h30
Financement des comités d'entreprise — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Vautrin, présidente :

Seul M. Mallot a la parole !

M. Jean Mallot. Nous en avons conclu qu'il nous était impossible de voter l'adoption d'un tel rapport. Tout le monde l'a d'ailleurs bien compris, que ce soient les organisations syndicales, le public, ou nos collègues de bonne foi.

Plus surprenante a été l'attitude des députés UMP de la commission d'enquête, qui ont manoeuvré, manifestement sur instruction de leur président de groupe, pour que le rapport soit rejeté. Ce n'est pas M. Perruchot qui me contredira ; il a dit lui-même que leur abstention, injustifiée, avait abouti à ce rejet et donc à l'impossibilité juridique de publier le rapport – conséquence que les députés UMP ne pouvaient ignorer.

J'espère que le président Mallié me donnera acte que je lui avais fait préciser, avant le vote, que nous votions bien sur le rapport et non sur sa publication. Que chacun assume ses responsabilités !

Toujours est-il que, de même que son rapport s'intéressait surtout au financement des organisations syndicales de salariés, la présente démarche du rapporteur porte, de façon partiale, sur les comités d'entreprise en s'appuyant sur quelques cas isolés, mais fortement médiatisés. D'où cette proposition de loi sur le financement des comités d'entreprise.

La proposition initiale comportait quatre articles : les trois premiers visaient à établir l'obligation pour les comités d'entreprise de certifier et de publier leurs comptes annuels lorsque leurs ressources sont supérieures à 230 000 euros, et le quatrième à mettre en place une procédure d'appel à la concurrence lorsque le comité d'entreprise a besoin de réaliser des travaux ou d'acheter des fournitures au-delà d'un certain montant.

M. Pascal Brindeau. C'est le bon sens !

M. Richard Mallié. Certes, tout le monde en conviendra, la mise en concurrence est une méthode courante pour obtenir des fournitures ou des prestations au meilleur prix.

M. Jean Dionis du Séjour. Ah !

M. Jean Mallot. Pour autant, comme M. Mallié l'a dit lui-même, l'obligation pour des organismes privés de recourir systématiquement à des procédures d'appel à la concurrence qui rappellent celles relatives aux marchés publics n'est pas à justifier juridiquement – c'est d'ailleurs impossible.

Cette proposition de loi a été largement réécrite en commission. Elle comporte désormais huit articles, et les modifications apportées nous amènent à reconsidérer notre position sur ce texte. En effet, comme nous l'avons exprimé à plusieurs reprises – tous les partenaires sociaux concordent d'ailleurs sur ce point –, nous sommes favorables à la certification et à la publication des comptes annuels des comités d'entreprise d'une certaine importance, mais la réécriture de la proposition de loi a amené des dispositions très contestables.

Comme je l'ai dit, l'objectif annoncé de cette proposition était de créer une obligation de certification des comptes des comités d'entreprise.

Dans le droit positif, les organisations syndicales ont l'obligation de publier leurs comptes annuels et de les faire certifier par un commissaire aux comptes, conformément aux dispositions des articles L. 2135-1 et D. 2135-1 du code du travail.

En revanche, les comités d'entreprise sont seulement tenus d'établir un compte rendu annuel détaillé de leur gestion financière, indiquant le montant des ressources, des dépenses de fonctionnement ainsi que des dépenses affectées aux activités sociales et culturelles. La loi prévoit que ce compte rendu est porté à la connaissance des salariés par voie d'affichage.

L'ancien article R. 432-4 du code du travail précisait que les comptes des comités d'entreprise devaient être éventuellement approuvés par le commissaire aux comptes de l'entreprise. Lors des travaux de recodification du code du travail, le mot « éventuellement » a disparu, si bien que, dans le droit positif, l'article R. 2323-37 précise que « le bilan établi par le comité est approuvé par le commissaire aux comptes mentionné à l'article L. 2323-8 », c'est-à-dire le commissaire aux comptes de l'employeur.

L'indicatif vaut impératif, et cette obligation est au surplus prévue dans la partie réglementaire du code du travail. Mais il est rapidement apparu que l'obligation d'approbation par le commissaire aux comptes de l'entreprise était, par son caractère général, totalement inappropriée à la diversité des comités d'entreprise, notamment en termes de taille et de volet financier de leur bilan.

C'est ainsi que dès le 7 février 2011, par une démarche commune auprès du ministre du travail, les syndicats CGT, CFDT, CFTC et CGC alertaient les pouvoirs publics sur cette difficulté et demandaient l'organisation d'une rencontre pour y remédier. Dans leur lettre, les organisations syndicales soulevaient les problèmes posés par la nouvelle rédaction de l'article R. 2323-37 : premièrement, un précédent avait été créé en imposant un commissaire aux comptes à une personnalité civile qui devrait avoir le libre choix de son commissaire ; deuxièmement, l'extrême diversité des comités d'entreprise – dont une grande majorité ne gère que quelques milliers d'euros – privait de tout sens le recours à un commissaire aux comptes ; troisièmement, il y avait nécessité de préciser l'organe dirigeant chargé d'arrêter les comptes.

La réponse du ministre du travail à cette question, pourtant urgente, n'est intervenue que le 22 novembre 2011, soit plus de neuf mois après la démarche. Le courrier est très lent… Dans sa réponse, qu'il pourra nous confirmer, le ministre écrit : « Nous partageons tous le constat que les dispositions actuelles du code du travail ne peuvent être convenablement appliquées, notamment en ce qui concerne le rôle du commissaire aux comptes. C'est pourquoi j'ai demandé au directeur général du travail de mettre en place un groupe de travail sur ce sujet afin d'aboutir à une modification de la réglementation applicable dans les meilleurs délais. » Ce groupe de travail a effectivement été constitué et rassemble, autour de l'administration, les partenaires sociaux et les représentants nationaux des commissaires aux comptes. Une nouvelle réunion de travail est intervenue pas plus tard que ce mardi.

C'est dans ce contexte que vous avez inscrit la présente proposition de loi à notre ordre du jour. Cette initiative, chers collègues du Nouveau Centre, pose à l'évidence un problème d'opportunité dès lors que l'adoption de ce texte aboutirait à court-circuiter les partenaires sociaux et, au surplus, à modifier par voie législative une disposition réglementaire du code du travail.

Le président de la commission des affaires sociales a organisé des auditions des partenaires sociaux, conformément au protocole spécifique qui régit nos travaux : chacun a pu mesurer alors la surprise, pour ne pas dire plus, de tous les responsables entendus qui, à l'unisson, organisations patronales et de salariés, ont évoqué le travail en cours pour s'étonner de cette démarche législative. Nous nous associons totalement à leur protestation. Il existe manifestement un consensus pour aboutir à une solution commune à l'issue de la concertation en cours. L'objectif est partagé et la concertation présente l'avantage de rechercher de manière pragmatique des solutions adaptées à la diversité, notamment par leur taille, des comités d'entreprise.

Le passage en force législatif d'aujourd'hui ne peut être regardé que comme une marque de défiance vis-à-vis des partenaires sociaux, pourtant pleinement engagés dans ce travail. Si l'objectif était bien de parvenir à une obligation de certification des comptes, la sagesse aurait été alors de retirer cette proposition de loi et de laisser la concertation aller à son terme. Mais, chers collègues du Nouveau Centre et de l'UMP, vous en avez décidé autrement et, à la lecture du texte issu des travaux en commission, on comprend pourquoi, et là est le coeur du débat : l'objectif n'est manifestement plus uniquement la certification des comptes mais bien, au-delà de cela, de marquer une suspicion vis-à-vis des comités d'entreprise.

Ainsi, à l'article 1er, vous décidez que les comptes seront arrêtés par le secrétaire du comité d'entreprise et par son président, c'est-à-dire l'employeur. Vous dépassez ainsi l'objectif de transparence et de publicité des comptes en modifiant les équilibres de pouvoir prévus par la loi au risque de changer la nature même des comités d'entreprise et de remettre en cause leur indépendance. Rechercher la transparence est une chose ; modifier les pouvoirs en est une autre. L'arrêté des comptes ne doit rester que de la responsabilité du trésorier et du secrétaire, et certainement pas de l'employeur. J'observe que les organisations patronales ne sont en rien demandeuses d'une telle évolution, qui résulte uniquement de votre méfiance manifeste à l'égard des organisations syndicales de salariés.

La suspicion se manifeste encore dans votre article 4, qui oblige le comité d'entreprise à recourir à une procédure d'appel à concurrence pour les marchés de travaux supérieurs à 15 000 euros et pour les achats supérieurs à 7 200 euros. Faut-il rappeler que les comités d'entreprise sont des personnes morales de droit privé, gérées par un organe délibérant et soumises aux mêmes contrôles juridictionnels que les sociétés ou les associations ? Cette procédure d'appel à concurrence n'existant pas à l'heure actuelle, vous contournez l'obstacle en renvoyant sa définition à un décret.

La suspicion se révèle à nouveau dans l'article 5, lequel impose la communication sans délai à l'employeur de toute observation de l'autorité administrative.

Le bouquet final, pourrait-on dire, est à l'article 6, qui précise que : « Le comité d'entreprise exerce exclusivement les attributions qu'il tient de la loi. » Ou bien c'est une évidence, auquel cas cet article n'a rien à faire dans la proposition de loi, ou bien vous avez des idées derrière la tête et il serait bon de les expliciter. L'inscription dans le code du travail d'une telle précision serait une énigme, sauf si on constate que sa seule utilité serait de pouvoir remettre en cause l'état de la jurisprudence qui, au fil des décennies, a précisé le domaine d'intervention des comités d'entreprise.

J'observe que toutes ces innovations qui affectent les comités d'entreprise sont proposées sans même que les partenaires sociaux n'aient été consultés sur leur contenu puisque ceux-ci sont intervenus après les consultations en commission – monsieur le président Méhaignerie, vous vous en souvenez. Prenant connaissance de ces nouvelles dispositions, la CGT, la CFDT et la CGC ont protesté dans un communiqué commun, le 25 janvier 2012.

Nous sommes ainsi partis d'un objectif partagé, celui de la certification et de la transparence, pour arriver à une proposition de loi qui bafoue la démocratie sociale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et impose un texte totalement déséquilibré. Nous sommes favorables à la certification des comptes et à la transparence financière,…

M. Jean-Luc Préel. Bravo ! C'est déjà ça !

M. Jean Mallot. … nous respectons les partenaires sociaux : le consensus était possible. Mais nous ne pouvons aujourd'hui que constater les dégâts de votre démarche,…

M. Jean-Luc Préel. Il est urgent de ne rien faire !

M. Roland Muzeau. C'est l'hôpital qui se fout de la charité !

M. Jean Mallot. …et notre désaccord à la fois sur la forme et sur le fond.

En conséquence, sous réserve de ce qui résultera de la discussion des amendements, nous voterons contre cette proposition de loi dans le texte issu des travaux de la commission des affaires sociales.

M. Jean Dionis du Séjour. Un coup à droite, un coup à gauche !

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