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Intervention de Catherine Vautrin

Réunion du 26 janvier 2012 à 9h30
Financement des comités d'entreprise — Ouverture de la discussion

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Vautrin, présidente :

La parole est à M. Nicolas Perruchot, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Nicolas Perruchot, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, mes chers collègues, j'ai cru un instant que M. Mallot allait nous expliquer qu'il y avait peut-être trop de gens employés dans les grands comités d'entreprise… Nous aurions pu en débattre et cela aurait relié ses propos à notre texte ! (Sourires.)

M. Richard Mallié. Et pan !

M. Philippe Vigier. Excellent !

M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Mais puisque cela ne semble pas être le cas, je vais tenter de recentrer l'attention de l'hémicycle sur le sujet qui nous intéresse ce matin.

La reconnaissance du rôle éminent joué par ce que l'on appelle parfois la « démocratie sociale » a été l'une des avancées majeures des cinq dernières années, traduite dans plusieurs grandes lois : la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social, la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique. Ces lois ont garanti le rôle des partenaires sociaux dans l'élaboration des grandes réformes sociales et engagé un processus de refondation de la légitimité des organisations syndicales. C'est un élément majeur du bilan de notre majorité.

Dans le cadre de la loi du 20 août 2008, ont été introduites pour la première fois des obligations de transparence comptable des organisations de salariés et d'employeurs, et ce à l'initiative des intéressés eux-mêmes. Comment en effet n'aurait-on pas étendu à la démocratie sociale ce qui vaut depuis deux décennies au moins pour la démocratie politique ?

Cependant, la loi de 2008 a omis de traiter d'une institution sociale très importante, le comité d'entreprise.

Créés à la Libération, animés par plus de 400 000 élus des salariés, les comités d'entreprise bénéficient de moyens considérables…

M. Roland Muzeau. Non !

M. Nicolas Perruchot, rapporteur. …sans doute près de 600 millions d'euros pour toute la France au titre des budgets de fonctionnement, qui financent leurs missions d'information et de consultation sur la vie de l'entreprise et ses grandes décisions ; plusieurs milliards d'euros probablement au titre des activités sociales et culturelles qu'ils gèrent. À cela s'ajoute le coût pour les employeurs des heures de délégation de ces élus, qu'on peut estimer à environ 1,4 milliard d'euros.

Mais force est de constater que, depuis quelques années, les comités d'entreprise n'ont pas bonne réputation. Bien au contraire, la revue de presse à leur propos est souvent très négative : à l'occasion de contrôles de la Cour des comptes, de plaintes au pénal déposées quand une nouvelle majorité syndicale s'impose dans une institution, de procès aux prud'hommes consécutifs au licenciement brutal de cadres salariés des comités, ou encore de procédures de redressement judiciaire, on découvre une situation souvent très difficile. Et cela concerne nombre de grands comités d'entreprise ou institutions assimilées, qui brassent chacun des dizaines, voire des centaines de millions d'euros.

Qu'y constate-t-on ? Des coûts de gestion non maîtrisés ; des procédures internes pour les achats et la comptabilité, qui sont faibles et contournées, parfois systématiquement comme c'était le cas au comité d'entreprise de la RATP ; des gaspillages massifs, des surfacturations, des doubles paiements ; des investissements hasardeux ; des manquements à l'hygiène et à la sécurité dans les restaurants et les centres de vacances ; parfois une quasi-faillite comme pour le comité central d'entreprise d'Air France, placé en procédure de redressement, mais aussi la caisse centrale d'activités sociales des industries électriques et gazières.

On voit aussi apparaître un certain nombre d'affaires d'escroquerie et de détournement, généralement imputées à l'initiative individuelle d'élus ou de salariés indélicats, mais pas toujours. Sur ce point, il convient de méditer les conclusions de la Cour des comptes sur le comité d'entreprise de la RATP à l'aune de ce que l'on sait de la prudence de la Cour et de son souci de ne pas empiéter sur les compétences du juge pénal : « le comité d'entreprise a mis en place un système dans lequel les prix qu'il paye sont manifestement surévalués », ou encore, plus loin : « le caractère systématique des errements, quel que soit le secteur d'activités analysé, conduit à penser qu'ils ne sont la conséquence ni de hasards malheureux, ni de défaillances humaines. C'est un système de “fuite” des fonds qui apparaît ».

Ce comité est peut-être une exception et nous nous devons de saluer l'engagement et le dévouement de plusieurs dizaines de milliers de salariés…

M. Roland Muzeau. Ah, quand même !

M. Nicolas Perruchot, rapporteur. …qui, en devenant secrétaire ou trésorier de leur CE, acceptent de prendre d'importantes responsabilités, alors même qu'ils ne sont pas nécessairement formés pour cela. D'autant que leur rétribution se limite au seul salaire qu'ils touchaient à l'origine dans l'entreprise, généralement bien loin, quand ils gèrent de très grandes organisations, de ce que seraient les rémunérations de dirigeants d'entreprises de taille équivalente.

Pour autant, le bénévolat et l'absence de formation spécifique à la gestion ne peuvent pas tout excuser. Les élus des plus gros comités d'entreprise, qui emploient des centaines de salariés, ont évidemment les moyens de s'entourer de cadres salariés de haut niveau pour les assister dans leurs tâches de gestion, et ils y ont intérêt. Quand on constate, comme l'a fait la Cour des comptes au CE de la RATP que, suite à de nombreuses démissions et licenciements, il n'y avait, début 2011, ni directeur général, ni directeur des ressources humaines, ni directeur des restaurants, ni directeur des services techniques ni chef comptable, ni responsable des achats,…

M. Roland Muzeau. C'est la RGPP !

M. Nicolas Perruchot, rapporteur. …quand on se rappelle que la situation a été à peu près la même il y a quelques années au comité central d'entreprise de la SNCF, on ne peut que s'interroger.

Dans le même temps, les dispositifs légaux et réglementaires de transparence financière et de contrôle des comités sont manifestement très insuffisants. On trouve seulement dans le code du travail quelques dispositions réglementaires demandant que l'on affiche dans l'entreprise un compte rendu de gestion informel : ces dispositions sont sans doute adaptées au cas des nombreux comités d'entreprise qui gèrent quelques milliers ou dizaines de milliers d'euros, mais évidemment pas aux plus importants d'entre eux.

Ces affaires, ces rapports de la Cour des comptes, ces procédures, cette faiblesse des règles actuelles de transparence constituent la réalité, n'en déplaise à l'opposition, non une sorte de complot pour discréditer les institutions sociales.

M. Roland Muzeau. Bien sûr que si ! Assumez !

M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Si discrédit il y a, c'est celui, parfaitement injuste, que risquent de subir des milliers de comités d'entreprise bien gérés si un minimum de règles et de transparence ne s'imposent pas, comme d'ailleurs pour toutes les autres institutions que sont les collectivités publiques, les entreprises, les associations, les partis politiques, les syndicats.

C'est pourquoi je crois qu'il est réellement urgent d'adopter les mesures de la proposition de loi que j'ai présentée et que la commission des affaires sociales a adoptée et enrichie. Les mesures qu'elle comporte, je le rappelle, sont d'abord d'ordre comptable : il s'agit d'obtenir l'établissement de comptes normalisés et, le cas échéant, pour les plus gros comités, consolidés, de publier et de certifier ces comptes. L'article 4, qui évoluera sans doute au cours de notre séance – nous venons de le modifier en commission dans le cadre de l'article 88 – pose des exigences sur les procédures d'achats, compte tenu de l'importance structurelle des budgets d'achats des grands comités d'entreprise et des constats de la Cour des comptes.

Enfin, les articles 5 à 7, insérés en commission, visent respectivement à assurer l'information immédiate de l'employeur quand le comité d'entreprise est l'objet de contrôles administratifs qui se terminent par un procès-verbal d'infraction ou une mise en demeure, à affirmer la stricte inscription de l'action du CE dans le cadre défini par la loi et à étendre les prescriptions de la proposition de loi aux institutions sociales des industries électriques et gazières. Je rappelle que le plus gros comité d'entreprise est en fait une institution sociale : il s'agit, chacun l'avait compris, de la caisse centrale d'activités sociales du personnel des industries électriques et gazières, principalement d'EDF et GDF.

En ayant fini avec le fond, je dirai un mot de la méthode, de la démarche que nous suivons avec cette proposition de loi, car elle a été critiquée au nom de la démocratie sociale.

Du point de vue du strict respect des règles, je souhaite rappeler que l'article L. 1 du code du travail sur la concertation préalable, évoqué par ces critiques, ne s'applique qu'aux seuls projets de réforme du Gouvernement, pas aux initiatives parlementaires.

M. Roland Muzeau. C'est bien dommage !

M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Pour les propositions de loi, c'est le protocole adopté le 16 février 2010 par la conférence des présidents de l'Assemblée nationale qui s'applique. De fait, le président Pierre Méhaignerie, que je salue, a, conformément à ce protocole, saisi en décembre dernier les partenaires sociaux du texte de cette proposition de loi.

La commission a, de plus, organisé trois tables rondes. On ne peut donc pas dire que les partenaires sociaux n'auront pas été écoutés.

Au-delà de l'application des règles, j'ai entendu dire que la proposition de loi empiéterait sur une négociation en cours des partenaires sociaux.

M. Jean-Patrick Gille. Tout à fait !

M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Mais de quelle proposition ou de quelle négociation parlons-nous ?

M. Jean Mallot. Vous devriez le savoir !

M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Il y a bien, depuis près de trois ans, une négociation sur les institutions représentatives du personnel.

M. Jean Mallot. Eh oui !

M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Mais, outre que ses chances d'aboutir paraissent limitées, du moins à court terme,…

M. Jean Mallot. Procès d'intention !

M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Rappelons que cela dure depuis juin 2009, mon cher collègue.

M. Jean Mallot. Et le Nouveau Centre, qu'a-t-il fait en cinq ans ? Rien !

M. Nicolas Perruchot, rapporteur. …elle ne porte pas sur la transparence des comités d'entreprise, mais essentiellement sur leurs attributions en matière d'information sur le partage de la valeur dans l'entreprise. Il ne s'agit donc pas du financement des principaux comités d'entreprise dont on parle.

Quant au groupe de travail de la Direction générale du travail mis en place depuis deux mois, ce n'est en aucun cas une négociation des partenaires sociaux susceptible de déboucher sur un accord national interprofessionnel, puis éventuellement une transposition législative. C'est un groupe de travail administratif, certes utile et intéressant, réuni sous l'autorité d'une direction d'administration pour débattre des problèmes d'application d'une disposition réglementaire et d'une éventuelle modification en conséquence d'un article réglementaire du code du travail.

M. Roland Muzeau. Qui a déjà été modifié !

M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Ce travail est nécessaire et estimable et je remercie le Gouvernement de l'avoir engagé. Pour autant, il me semble que c'est ici que se fait la loi, et qu'habituellement les décrets suivent. Ce serait, par conséquent, une très curieuse conception de la souveraineté parlementaire que de renoncer à légiférer au motif qu'un groupe de travail administratif existe pour discuter d'un décret ! Je pense que nous sommes tout à fait dans notre rôle. C'est évidemment un droit du Parlement ; c'est aussi, je le pense, un devoir pour les parlementaires.

M. Jean Mallot. C'est vrai.

M. Nicolas Perruchot, rapporteur. Je voudrais remercier le président du groupe Nouveau Centre, Yvan Lachaud, et mes collègues présents ce matin…

M. Roland Muzeau. C'est normal, c'est leur niche !

M. Nicolas Perruchot, rapporteur. …d'avoir permis l'inscription dans cette niche de la discussion de cette proposition de loi de faire en sorte que nous puissions l'adopter, conformément à ce qui a été précisé – et de nombreuses choses ont été dites sur ce sujet – afin de faire de ce texte une avancée importante vers la transparence nécessaire aujourd'hui qui sied à la gestion de ces gros comités d'entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. Richard Mallié. Très bien !

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