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Intervention de Frédérique Massat

Réunion du 26 janvier 2012 à 9h30
Prévention du surendettement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédérique Massat :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, parlementaires de gauche comme de droite, issus de territoires ruraux ou urbains, nous sommes unanimes pour constater l'évolution dramatique du nombre de nos concitoyens confrontés au surendettement.

Concernant l'Ariège, les chiffres sont parlants. Fin 2008, nous recensions 360 dossiers de surendettement ; trois ans plus tard, fin 2011, alors que la loi Lagarde aurait dû faire diminuer ce chiffre, nous en étions à 491, soit une augmentation de 26 % sur le seul département de l'Ariège. La sociologie des surendettés a, elle aussi, évolué puisque de plus en plus de dossiers concernent des retraités et des salariés.

S'ils sont alarmants, ces chiffres ne nous surprennent pas réellement. Lors des débats sur la loi Lagarde, nous avions dénoncé la faiblesse des dispositifs mis en oeuvre. Dix-huit mois après son entrée en vigueur, elle se révèle nettement insuffisante et nous le dénonçons à nouveau. Contrairement à ce que la majorité a pu affirmer en commission, ce texte n'a pas apporté aux consommateurs la protection nécessaire contre les abus en tous genres pratiqués par les établissements de crédits.

Loin de vouloir faire porter uniquement la responsabilité sur ces établissements, nous considérons qu'elle doit être relativisée. S'il ne s'agit pas de déresponsabiliser entièrement le consommateur, il faut toutefois avoir à l'esprit que le futur emprunteur et l'organisme de crédit ne sont pas dans une relation d'égal à égal. Trop nombreux sont les témoignages à travers lesquels on nous relate la façon dont certains établissements ont profité de la détresse des consommateurs pour leur faire accepter des crédits à n'importe quel taux, avec pour conséquence l'aggravation de leur situation financière. C'est la spirale infernale du surendettement : le bonheur n'est pas forcément dans le prêt ! (Sourires.)

Le consommateur n'est pas toujours à même d'évaluer la situation d'endettement qui est la sienne. C'est pourquoi il doit pouvoir, s'il en fait la demande, prendre la mesure de sa propre situation. C'est ainsi en toute connaissance de cause que les deux parties peuvent s'engager en ayant, l'une comme l'autre, conscience des risques encourus.

Si nous approuvons la création d'un répertoire national recensant les crédits aux particuliers, nous ne sommes néanmoins pas d'accord avec le mécanisme proposé par ce texte qui permet aux établissements d'obtenir directement des informations sur le consommateur. Autoriser la circulation de ces données personnelles sans que l'emprunteur en ait connaissance peut s'avérer très dangereux. L'emprunteur, et lui seul, est habilité à demander ces informations. Au nom du respect des libertés individuelles, nous avons déposé deux amendements allant dans ce sens, sur lesquels vous avez émis, monsieur le rapporteur, un avis défavorable lors de leur examen en commission dans le cadre de l'article 88 de notre règlement. J'espère que vous leur réserverez un autre sort tout à l'heure.

Par ailleurs, mes chers collègues, je souhaiterais rappeler qu'aux termes de l'article 49 de la loi portant réforme du crédit à la consommation, la création d'un registre national des crédits aux particuliers a fait l'objet d'un rapport remis au Gouvernement et au Parlement, élaboré par un comité chargé de préfigurer cette création. Ce rapport existe – on peut le trouver sur internet – mais n'a pas été remis aux Parlementaires. Il est dommage de constater que, soit les rapports ont été écrits mais ne sont pas diffusés, soit ils ne sont pas établis alors que la loi les prévoit.

Je vous ai interrogé en commission, monsieur le rapporteur, sur l'absence de création d'un comité de gouvernance auquel le rapport Constans faisait référence dans ses propositions. Vous m'avez suggéré de déposer un amendement, ce que je me suis empressée de faire. J'espère que vous y réserverez un accueil favorable.

Je terminerai par la question de l'encadrement des crédits renouvelables. On ne peut pas traiter efficacement le surendettement sans évoquer cet aspect. Selon la Cour des Comptes, dans le cas des dossiers de surendettement, 70 % des crédits non remboursés sont du type « crédit renouvelable ». Si, pendant longtemps, ces crédits étaient assimilés à des pratiques purement consuméristes, la réalité est toute autre. Dans la mesure où les banques sont de plus en plus réticentes à octroyer des prêts dits traditionnels, de nombreux concitoyens, pour faire face à des conditions de vie de plus en plus difficiles, n'ont d'autre solution que de se tourner vers des organismes de crédit renouvelable.

Dans ce domaine également, la loi Lagarde n'a pas fait la preuve de son efficacité. L'encadrement de ces organismes n'est pas assez strict, notamment en matière de publicité et de démarchage. On ne peut pas, d'un côté, vouloir lutter contre le surendettement et, de l'autre, laisser des établissements de crédit continuer à démarcher, voire à harceler par téléphone.

En conclusion, comme c'était le cas avec la loi Lagarde, ce texte part d'une intention louable mais, une nouvelle fois, les moyens pour y parvenir se révèlent nettement insuffisants et ne vont pas dans le bon sens.

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