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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 26 janvier 2012 à 9h30
Prévention du surendettement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Oui, je sais ce qu'est la détresse.

À tout le moins, il s'agit d'un phénomène marginal, car le surendettement, et vous le savez, affecte aujourd'hui massivement les personnes victimes d'un accident de la vie – le chômage, le divorce –, les travailleurs pauvres, dont le pouvoir d'achat ne suffit pas à couvrir les dépenses courantes, et les retraités, dont la part ne cesse d'ailleurs d'augmenter dans les dossiers traités.

On ne pourra donc lutter efficacement contre le surendettement sans s'interroger sur le niveau des salaires, des minima sociaux et des pensions. Les situations de surendettement ne se seraient pas multipliées ces dernières années si vous n'aviez conduit une politique fondée exclusivement sur l'offre, et qui comptait précisément sur l'endettement des ménages pour soutenir la consommation. L'amputation du pouvoir d'achat des ménages, qui est de votre responsabilité, est un facteur bien évidemment essentiel du phénomène de masse que nous évoquons aujourd'hui.

N'ayant nulle envie de tirer les enseignements de l'échec de votre politique, vous cherchez, nous le comprenons bien, à déplacer la question afin de mettre l'accent sur la responsabilité individuelle, jusqu'à en appeler à la création d'un fichier central des souscripteurs, pour appeler les choses par leur nom.

Nous ne vous suivrons pourtant pas dans cette voie. Soyons clairs : si 70 % des surendettés le sont à la suite d'un accident de la vie, ce n'est pas un fichage qui leur redonnera les moyens financiers qu'ils ont perdus par la perte d'emploi, leur divorce ou la maladie.

La situation des ménages, de plus en plus nombreux, qui vivent dans la précarité constitue une formidable aubaine pour les organismes de crédit peu scrupuleux. L'existence d'un fichier ne changera rien : l'organisme prêteur ne s'appuiera pas davantage sur la consistance des revenus du ménage mais se donnera simplement bonne conscience en constatant uniquement l'absence d'inscription au fichier pour ouvrir un crédit à la consommation.

Le fichier positif ne créera aucun droit supplémentaire, et vous le savez, mais il empêchera plusieurs milliers de familles de passer un cap difficile de leur vie avec l'aide d'un crédit octroyé, à un taux raisonnable, bien évidemment.

Le fichier positif est, pour nous, le type même de la fausse bonne idée. Les expériences de fichier conduites à l'étranger, notamment en Belgique, n'ont en rien permis d'endiguer le phénomène de surendettement. Il représente, en revanche, quoiqu'on en dise, comme tout fichier centralisé de cette nature, une menace pour le respect des libertés publiques.

Au terme de notre intervention, vous aurez compris que si nous ne remettons pas en cause la bonne volonté de certain signataire de cette proposition, nous ne pouvons malgré tout nous défendre d'y voir un faux-semblant. Si elle devait être adoptée, cette proposition de loi n'emporterait pas davantage d'effet que la précédente. On ne peut, en effet, résoudre la douloureuse question du surendettement sans, d'une part, responsabiliser les banques en les recentrant sur les missions d'intérêt général et en leur interdisant les pratiques prédatrices, et sans, d'autre part, faire de la réduction des inégalités, du relèvement du niveau des salaires, des aides sociales et des pensions un objectif prioritaire.

Nous voterons, par conséquent, contre votre proposition, chers collègues.

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