On a droit à tout avec ce fichier : il serait trop compliqué, attentatoire, inefficace. On a même droit à l'argument du temps – cinq ans. C'est se moquer de nous ! Ne suffirait-il pas de rassembler les fichiers qui existent dans la quasi-totalité des banques et qu'elles s'échangent parfois, y compris sur le territoire national ? Ces fichiers, vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, existent en toute impunité, et personne ne cherche à mettre le nez dedans. Quand, en plus, ils servent à faire du scoring, pour reprendre le mot que vous avez utilisé, cela ne vous dérange pas.
Pourquoi les banques, que vous écoutez, vous disent qu'elles n'ont pas besoin de répertoire ? Parce que, disposant de fichiers assez complets, elles se trouvent aujourd'hui dans une situation de monopole très intéressante pour elles, contrairement aux nouveaux établissements bancaires. Ces derniers, qui n'ont pas d'antériorité en matière de fichiers, demandent le répertoire parce qu'ils y ont intérêt. Voilà la réalité ! On la comprend, d'ailleurs, tout de suite quand on entend l'Association française des banques. Vous avez mobilisé le ban et l'arrière-ban – la Banque de France depuis longtemps déjà, la CNIL, vos services, l'Association française des banques et d'autres – pour participer à la veillée funèbre qui a eu lieu ces jours derniers.
J'oubliais un autre argument : des fichiers, il n'y en aurait pas tant que cela. Sans revenir sur les chiffres qui ont été évoqués par les uns et par les autres, il est vrai que lorsque l'on a essayé d'élaguer tout ce que l'on peut, on ne trouve plus rien.
La réalité, en tout cas, c'est la cavalerie faite par les emprunteurs avec la bénédiction des établissements bancaires ou des établissements de crédit à la consommation. Je parle de « bénédiction », mais cela va parfois jusqu'à l'incitation, prendre un autre crédit étant alors présenté comme un moyen de pouvoir continuer encore un petit peu. Et même si on ne les y incite pas, les gens n'ont pas d'autre solution.
Pour reprendre un exemple que j'ai déjà cité à cette tribune, voici comment une dame en était arrivée à vingt-six crédits et pourquoi elle continuait : elle avait commencé à s'enfoncer en payant avec un crédit le permis de conduire de sa petite fille – ce qui n'était pas scandaleux. Ensuite, le mur était devenu trop haut : à chaque fois qu'il se rapprochait, elle prenait un nouveau crédit pour l'éloigner à nouveau, sachant que, de toute façon, elle ne pourrait jamais le sauter.