La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (nos 1210 rectifié, 1441, 1435).
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'article 17.
Mon intervention se fonde sur l'article 58, alinéa 1, du règlement et concerne le déroulement de nos travaux.
En fin d'après-midi, sous la présidence de notre collègue Rudy Salles, l'amendement n° 1258 , déposé par le groupe SRC, et dont la première cosignataire est Mme Lemorton, n'a pas été appelé. Cet amendement visait à ajouter un alinéa à l'article 16. Or avant d'arriver à l'examen de cet amendement, l'Assemblée a adopté un autre amendement supprimant l'alinéa 8.
Bien entendu, l'alinéa 8 disparaissant, tout amendement subséquent ou visant à modifier cet alinéa est tombé. Cependant, notre amendement n° 1258 ne visait pas à modifier l'alinéa 8, mais à insérer un alinéa additionnel, dont rien n'empêchait la discussion puisqu'il venait s'ajouter aux différents alinéas de cet article, afin de le compléter.
Nous considérons donc qu'il a été écarté de nos débats par une interprétation abusive de notre règlement. Nous demandons qu'il soit mis en discussion, de façon que le sujet extrêmement important qu'il traite soit tranché par notre assemblée, dans des conditions régulières au regard de l'application du règlement. Les projets de loi dont nous discutons ne doivent pas être entachés d'irrégularité lors de leur examen. Cela rejaillirait sur le texte qui, le moment venu, sera peut-être soumis au Conseil constitutionnel, avec les risques qu'une telle démarche comporte.
Mon cher collègue, votre remarque figurera au compte rendu. Cela étant, ayant une grande expérience des travaux de notre assemblée, vous savez fort bien que si un amendement a fait tomber les alinéas 8 à 10 d'un article, un amendement insérant un alinéa nouveau après l'alinéa 8 n'a plus d'objet.
L'article 17 concerne la coopération entre les professionnels de santé.
Nous avons déjà abordé, dans les articles précédents, le problème de la démographie médicale et je souhaite que soit prise en compte, plus que le nombre de professionnels, la référence au temps médical disponible. Le mode d'exercice, l'évolution des mentalités, la féminisation de la profession font qu'aujourd'hui le médecin généraliste consacre moins de temps qu'autrefois à sa pratique. Le critère majeur est donc, selon moi, celui du temps médical disponible.
Comment dès lors rendre du temps médical ? En libérant le médecin d'un certain nombre de tâches et en lui permettant de se consacrer au diagnostic et au traitement. De nombreux pays nous en fournissent des exemples intéressants. C'est le cas, par exemple, des infirmières cliniciennes qui peuvent, dans ces pays, suivre des malades présentant une affection chronique telle que l'asthme, l'obésité ou l'hypertension. Les exemples fournis par ces pays démontrent qu'elles apportent un plus au suivi de ces patients et qu'elles peuvent même être plus performantes que les médecins eux-mêmes.
En France, nous sommes très en retard, malgré les rapports déjà anciens de M. Berland et de M. Matillon. La polémique récente entretenue par certains syndicats de médecins à propos de l'autorisation accordée aux infirmières d'effectuer les revaccinations contre la grippe sont d'ailleurs inquiétantes et témoignent d'un corporatisme que j'estime regrettable.
Beaucoup de professions et de syndicats s'arc-boutent à tort sur leur territoire, ne prenant pas en compte l'intérêt des malades. Nous devons évoluer et nous engager avec volontarisme vers ce que le texte dénomme les « coopérations ». Toutes les professions sont concernées et peuvent avoir accès à un vrai rôle de partenaire : infirmières, sages-femmes, mais aussi pharmaciens, diététiciens, kinésithérapeutes etc.
Il convient de s'assurer d'une compétence réelle, et donc de proposer la formation adaptée – ce qui ouvrira des perspectives de promotion professionnelle, notamment aux infirmières –, de veiller à la couverture juridique et à l'évaluation des pratiques.
Le texte prévoit des protocoles de coopération, validés par la Haute autorité de santé, protocoles à caractère régional, avec autorisation délivrée par l'agence régionale de santé, une procédure d'adhésion des professionnels.
Cet article va dans le bon sens. J'espère qu'il permettra de faire sauter les freins corporatistes et que notre pays s'engagera dans cette voie prometteuse pour la promotion des professions, pour rendre du temps médical et pour un meilleur suivi des patients dans un cadre coordonné, professionnel et évalué.
J'évoquerai à peu près les mêmes thèmes que Jean-Luc Préel.
L'exercice libéral isolé de la médecine générale ne répond plus aux attentes des professions de santé ni aux besoins des patients qui souhaitent une prise en charge mieux coordonnée.
J'axerai aussi mon intervention sur le temps médical, qu'il est indispensable de dégager, car il est souvent gaspillé en tâches administratives. Or de nombreux actes peuvent être effectués par des personnels formés spécifiquement. Actuellement, 30 à 40 % du travail des généralistes est consacré à des tâches administratives : je pense notamment aux dossiers relatifs aux ALD, à la correspondance avec les caisses d'assurance maladie ou simplement à l'usage de la carte Vitale.
Il faut promouvoir de nouvelles formes de coopération entre les professionnels de santé – l'exercice en maison de santé pluridisciplinaire en est l'exemple – afin d'accroître l'efficience et la fluidité des parcours de soins.
Le terme de « coopération » est mieux accepté que les expressions « délégation de tâches » ou « transfert de compétences », qui peuvent être sources de confusion. La définition juridique n'est d'ailleurs pas assez précise, comme l'a développé la HAS lors des auditions.
En tout état de cause, il faut redéfinir les missions de chaque profession de santé, favoriser les coopérations entre les professions de santé, en leur offrant des formations communes et des rémunérations attractives. Je suis persuadé que les différents enjeux du développement de nouvelles formes de coopération permettront d'améliorer la qualité des soins, grâce au développement de certaines activités de prévention, d'éducation ou de suivi des maladies chroniques, et d'enrichir l'activité des professions non médicales en permettant aux médecins de se concentrer sur leur coeur de métier.
Un peu avant la fin de la séance de cet après-midi, j'ai abordé la question de la permanence des soins, en montrant à quel point elle devait reposer sur une pratique médicale collective et, si possible, pluridisciplinaire. L'article 17 répond à cette orientation, absolument nécessaire si l'on veut favoriser des pôles de santé pour la médecine ambulatoire. Nous sommes donc en accord avec cet article.
Nous pensons en effet que, sous l'autorité – contrôlée par l'ARS – d'un médecin, certains actes peuvent être délégués à des infirmières ou à d'autres professionnels de santé, lesquels peuvent agir sous le contrôle du médecin. Là est l'avenir de la pratique médicale ambulatoire, car c'est de cette façon que nous pourrons répondre à nombre de questions auxquelles nous n'arrivons pas à répondre aujourd'hui, parce que nous sommes trop arc-boutés sur la médecine libérale, sur le médecin tout seul ou l'infirmière toute seule. Produire enfin du collectif dans l'environnement de la santé est certainement la voie de l'avenir, et je tenais à le souligner.
L'article 17 prévoit que les professionnels de santé peuvent s'engager dans une démarche de coopération ayant pour objet d'opérer entre eux des transferts d'activités ou d'actes de soins ou de réorganiser leurs modes d'intervention auprès du patient.
Les dérogations aux règles qui définissent actuellement les compétences seront donc possibles dans le cadre de protocoles nationaux élaborés par la Haute autorité de santé et approuvés par arrêtés ministériels ou dans le cadre de protocoles régionaux validés par la HAS et approuvés par arrêté du directeur de l'ARS.
Confier de nouvelles tâches aux infirmiers et infirmières expérimentés, par exemple, offrirait à ces personnes des possibilités d'évolution de carrière. Car nombre d'entre eux cessent d'exercer leur métier après une quinzaine d'années, faute de possibilité d'évolution professionnelle en seconde partie de carrière.
Toujours pour illustrer le processus, il serait possible d'éviter les consultations de renouvellement d'ordonnance. Les pharmaciens pourraient être chargés d'adapter la posologie d'un traitement prescrit par le médecin au vu des résultats d'analyses biologiques, ou de renouveler certaines ordonnances en l'absence de complications cliniques.
Enfin, les sages-femmes souhaiteraient être autorisées à prescrire des contraceptifs hormonaux aux femmes en bonne santé et à réaliser l'examen de suivi gynécologique de prévention.
Nous aurons l'occasion d'évoquer d'autres exemples lors de nos débats.
Permettez-moi de faire trois observations.
Premièrement, pour qu'il y ait une coopération entre les professionnels de santé sur un territoire, encore faut-il qu'il y ait des professionnels sur ce territoire. Nous avons vu, tout au long de cet après-midi, que la difficulté est réelle dans certains territoires. Il ne faudrait pas que l'instauration de modalités de coopération entre eux vienne recouvrir d'un voile pudique les insuffisances en effectifs sur un territoire et que cette mise en coopération serve d'alibi pour ne pas prendre de mesures destinées à lutter contre les déserts médicaux.
Deuxièmement, il y a un lien entre ces possibilités de coopération – avec, je le rappelle, des transferts d'activités ou d'actes de soins – et la formation, initiale ou continue, que reçoivent les professionnels de santé. Il faudra en tirer des conclusions, en prenant en compte ces deux aspects.
Troisièmement, le dispositif proposé consent un rôle important à la Haute autorité de santé, qui doit donner son accord à tout ce qui sera envisagé, soit d'une façon spécifique, soit d'une façon plus générale, par des dispositions cadres. Il donne également un rôle, qu'il faudra préciser, au directeur de l'ARS.
Nous avons déposé un amendement qui permet de définir plus précisément comment les choses fonctionnent entre la Haute autorité de santé, l'ARS et les établissements de santé agréés, pour procéder à la mise en place de ce genre de dispositif.
L'idée est attrayante. Elle ne doit toutefois pas être utilisée à tort pour écarter les acteurs de la vraie nature des problèmes, mais, si elle l'est à bon escient, elle doit ouvrir des possibilités extrêmement importantes et intéressantes pour la carrière des professionnels de santé et l'exercice de leur métier.
Je ne reviendrai pas sur les arguments développés par notre collègue Jean Mallot quant au fait que l'amendement n° 1258 , à l'article 16, soit tombé. L'objet de l'article 17 me fait d'autant plus regretter que l'on n'ait pas pu discuter de cet amendement. Aux termes de cet article intitulé « Coopération entre les professionnels de santé », « Les professionnels de santé peuvent s'engager dans une démarche de coopération ayant pour objet d'opérer entre eux des transferts d'activités ou d'actes de soins ou de réorganiser leurs modes d'intervention auprès du patient. » Cet amendement se situait tout à fait dans ce cadre.
En effet, si on peut déplorer le manque d'engagement de certains médecins libéraux dans la permanence des soins, on ne peut pas en dire autant des pharmaciens qui, depuis septembre 2006, doivent assurer la permanence des soins. Je ne reprendrai pas les exemples que j'ai donnés tout à l'heure, s'agissant d'épidémies. Vingt-trois mille officines sont réparties sur le territoire. Ne pas donner la possibilité aux pharmaciens d'officine, sur demande du médecin régulateur, selon un « protocole HAS » déterminé, de délivrer des médicaments dans le cadre de pathologies bénignes, c'est encore courir le risque de surcharger la régulation et notamment les urgences dans les zones où il existe un SAMU ou un CHU. Cela éviterait, de plus, le paiement de consultations. On sait que, lorsque des patients se rendent dans un service d'urgences pour une simple gastro-entérite ou une simple rhinite, cela coûte cher à la collectivité. Il est, je le pense, possible de recourir à d'autres moyens pour que cela pèse moins sur les comptes publics.
Je regrette donc, madame Bachelot, que l'on n'ait pas pu examiner cet amendement. Je propose que le Gouvernement le reprenne à son compte.
Nous en venons à l'examen des amendements à l'article 17.
Je suis saisi d'un amendement n° 2030 .
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin,ministre de la santé et des sports.
Cet amendement a pour objet d'étendre le dispositif de coopération entre professionnels de santé aux conseillers en génétique, lesquels exercent leur activité professionnelle auprès de médecins généticiens.
En sus de cette disposition, il convient de prévoir la possibilité pour la Haute autorité de santé de généraliser l'application des protocoles proposés par les professionnels de santé à partir du moment où ils auront fait la preuve de leur efficacité et du respect de la sécurité des soins. Ces professionnels doivent se doter d'outils de suivi élaborés par la Haute autorité de santé. Enfin, l'agence régionale de santé pourra mettre fin à l'application d'un protocole par des professionnels de santé si cela compromet la qualité et la sécurité des soins.
Tels sont l'objet et les modalités de cet amendement.
Madame la ministre, que faut-il suivre comme formation pour être conseiller en génétique ? Vous dites que les conseillers en génétique exercent leur activité professionnelle auprès de médecins généticiens dont nous connaissons la complexité de l'activité professionnelle. Je ne parle pas tant de l'aspect recherche, mais de l'aspect relations avec le public, s'agissant, par exemple, des maladies génétiques, du diagnostic préimplantatoire, sujets assez difficiles et complexes. Quel est le profil professionnel de ces conseillers en génétique et quelle sera leur marge de coopération auprès des médecins généticiens ?
Ces professionnels seront titulaires d'un master – donc niveau bac plus cinq – délivré pour l'instant dans une seule université : l'Université de Provence à Marseille. Mais, lorsque l'on connaît les besoins, on peut imaginer que ce diplôme puisse être délivré par d'autres universités.
(L'amendement n° 2030 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 1274 .
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
Compte tenu du statut de salarié des professionnels exerçant dans des centres de santé gérés, par exemple, par des communes, des mutuelles ou des associations, ils ne peuvent pas s'engager dans des protocoles à titre individuel. Ils doivent en effet obtenir l'accord de leur gestionnaire qui doit lui-même signer le protocole de coopération.
Ces salariés nous ont fait part de leur souhait de s'associer à ces coopérations.
Nous proposons donc que cette possibilité soit mentionnée dans la loi en ajoutant, après le mot « santé », les mots « dont ceux exerçant en centre de santé ».
Nous avions également souhaité que l'autorisation délivrée par l'ARS pour ces protocoles de coopération donne droit à un financement, mais notre amendement est tombé sous le couperet de l'article 40. Je tenais à préciser ce point essentiel, puisque l'on a beaucoup parlé des difficultés financières des centres de santé.
Ces médecins, qui manifestent la volonté de participer à toutes les formes de travail et de coopération, méritent d'être entendus.
Je vous propose en conséquence d'adopter cet amendement qui, en tout état de cause, ne nuit pas.
La commission a repoussé cet amendement, car rien n'interdit aux médecins des centres de santé de participer aux coopérations prévues par l'article 17. Peut-être conviendrait-il de préciser qu'il serait préférable qu'ils le fassent en accord avec leurs employeurs, en raison notamment de la répartition des responsabilités.
Vous avez pu constater, tout au long des discussions que nous avons eues, que j'étais extrêmement attachée aux centres de santé et que je tenais à ce qu'ils soient reconnus.
Une chose est très importante dans la philosophie des centres de santé : ce qui fait justement leur richesse, c'est que, non seulement, ils portent le projet professionnel individuel des salariés qui y exercent leur activité en toute indépendance, mais portent aussi un projet collectif qui est celui du centre de santé. Cette notion de projet collectif a d'ailleurs été en quelque sorte sacralisée, si vous me permettez ce mot peut-être excessif, dans le projet de loi que nous examinons.
En conséquence, la notion de coopération qui ne relèverait que de la simple démarche personnelle me paraît assez antinomique avec ce projet collectif du centre de santé.
Votre amendement mériterait au moins d'être rectifié, afin qu'il soit précisé que les pratiques de coopération doivent s'intégrer dans le projet du centre de santé car, tel qu'il a été rédigé, il me paraît nuire à ce qui fait la philosophie fondatrice d'un centre de santé.
Si des coopérations étaient signées, cela ne pourrait être, en tout état de cause, qu'avec l'accord du gestionnaire, qui devra entrer dans ces coopérations. Il est impossible d'agir autrement. Le médecin, comme je vous l'ai dit, dans la mesure où il est salarié d'un centre de santé, n'a absolument pas la possibilité de s'engager individuellement dans une coopération quelconque.
Permettez-moi de vous dire, madame la députée, que, si l'on ajoute « avec l'accord du gestionnaire », votre amendement devient sans objet, puisque, par définition, les professionnels du centre de santé peuvent avoir accès aux coopérations.
Cela me rassure ! Je retire donc mon amendement, monsieur le président.
(L'amendement n° 1274 est retiré.)
Je suis saisi d'un amendement n° 2031 .
La parole est à Mme la ministre.
Cet amendement vise à garantir l'encadrement et la traçabilité des coopérations. Il prévoit que les protocoles, qui sont à l'initiative des professionnels de santé, sont soumis à l'agence régionale de santé. Il s'agit de s'assurer que les protocoles de coopération répondent bien à des besoins de santé exprimés au niveau régional, tout en encourageant et en développant, ce qui n'est pas antinomique, bien au contraire, une dynamique venant du terrain.
À titre personnel, il me semble que cet amendement, qui a pour objet de centraliser auprès des ARS les protocoles, donc de simplifier le procédé, doit recevoir un avis favorable.
Nous sommes ici en présence de deux dispositifs : un dispositif régionalisé en fonction de l'analyse des besoins régionaux et un dispositif national reposant sur des thématiques. Tout cela, je pense, est conçu dans un premier temps à titre expérimental.
Nous risquons de mettre en place un système d'accès aux soins extrêmement différencié selon les régions, alors que l'on sait que les frontières entre régions comportent un aspect artificiel.
Mme Poletti a récemment évoqué dans notre hémicycle la possibilité pour les sages-femmes de prescrire des contraceptifs ou de pratiquer éventuellement des interruptions volontaires de grossesse médicamenteuses. Ces sujets sont tout à fait passionnants et doivent retenir notre attention. Toutefois, si l'on « régionalise » à outrance ces propositions tout à fait intéressantes, il faudra en tirer les conséquences et savoir si cela répond à un besoin strictement identifié au niveau d'une région ou si, à partir de l'expérimentation dans une région, le dispositif peut être étendu à l'ensemble du territoire. Cela mériterait quelques précisions.
Ce matin, lors d'un colloque organisé par M. Yves Bur sur les vaccinations, nous évoquions les difficultés que nous avions rencontrées lors de la vaccination antigrippale.
C'est parce que les coopérations viendront du terrain qu'elles marcheront. Je tiens beaucoup à la validation de l'agence régionale de santé. Il est bon de rester au plus près du terrain, car aucune solution ne vient d'en haut.
Cela dit, je n'exclus pas que, dans un second temps, un certain nombre de protocoles ayant été validés sur le plan régional, la Haute autorité de santé, voyant que ça marche, s'en saisisse pour que l'ensemble des territoires puissent s'en saisir à leur tour, mais ce n'est pas obligatoire. Il n'y a aucune espèce de chaîne de remontée du processus.
Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.
Votre proposition est intéressante mais elle risque d'avoir ses limites car les situations sur le territoire français sont extrêmement disparates. La région Nord-Pas-de-Calais, par exemple, est quasiment un désert médical pour l'ophtalmologie, et nous pourrions aller très loin dans les coopérations.
Pour autant, il y aura à un moment donné une demande très forte des professionnels qui exerceront ces nouvelles compétences et qui ne verront pas pourquoi, si c'est possible pour une population de 4 millions d'habitants, ce ne le serait pas sur l'ensemble du territoire.
Le système est intéressant mais il faudra peut-être envisager, après validation du protocole, mais pas de façon systématique, une extension du dispositif.
(L'amendement n° 2031 est adopté.)
Dans le cadre de ces coopérations, nous proposons d'ouvrir la voie à de nouveaux modes de rémunération. La rémunération à l'acte n'est pas totalement satisfaisante, en effet, notamment pour prendre en compte les actions de prévention, d'éducation, de formation et d'animation.
Cet amendement concerne les rémunérations adaptées aux coopérations. C'est une excellente idée sur le principe de laquelle on ne peut qu'être d'accord. Il faut adapter les financements aux responsabilités nouvelles prises par les professionnels. Mais les rémunérations relèvent principalement des conventions nationales, l'ARS disposera déjà des enveloppes régionales du FIQCS, dont c'est la vocation, et pourra proposer des rémunérations spécifiques dans le cadre des contrats d'amélioration des pratiques prévus à l'article 26, alinéa 144.
Les nouveaux modes de rémunération ont été autorisés par la loi de financement de la sécurité sociale de 2008. Nous avons lancé le processus, les expérimentations sont en train de démarrer dans les régions. Le champ des coopérations sera bien entendu un champ privilégié pour ces nouveaux modes de rémunération alternatifs.
Votre amendement est satisfait, monsieur Préel, et je vous suggère donc de le retirer.
Je suis saisi d'un amendement n° 2032 .
La parole est à Mme la ministre.
Cet amendement prévoit la possibilité pour la HAS de généraliser l'application des protocoles proposés par les professionnels de santé. C'est l'inscription dans la loi de ce que j'expliquais tout à l'heure.
(L'amendement n° 2032 , accepté par la commission, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 1329 .
La parole est à Mme Catherine Génisson.
L'amendement est défendu.
(L'amendement n° 1329 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 2033 rectifié .
La parole est à Mme la ministre.
Afin que l'agence régionale de santé puisse établir un bilan au terme d'une année de pratique, il est proposé que les professionnels qui participent à un protocole de coopération se dotent d'outils de suivi, qui seront élaborés par la HAS.
Les données seront transmises à ladite autorité pour que l'on puisse évaluer globalement le dispositif.
À titre personnel, favorable.
(L'amendement n° 2033 rectifié est adopté.)
Les personnes âgées, notamment dépendantes, ont besoin le plus souvent d'une prise en charge de type médico-social. Or, ce qui caractérise notre pays, c'est la segmentation de la prise en charge. Aux infirmières et infirmiers la prise en charge des soins. Aux services de soins à domicile la prise en charge de type social. Comme tout ce beau monde a du mal à discuter, on met en place des centres locaux d'information et de coordination pour assurer la coordination et permettre le dialogue entre les différents professionnels.
Je cite souvent l'exemple de l'Allemagne, où des infirmières peuvent organiser des prises en charge de type médico-social à domicile, avec des accueils de jour très diversifiés, en embauchant d'autres infirmières, des aides soignantes et des auxiliaires de vie. Ce n'est pas possible en France.
Je cite souvent le cas d'un couple d'infirmiers de ma circonscription. Parce qu'ils veulent assurer aux patients dont ils ont la charge sanitaire une prise en charge globale qui évite la multiplication des intervenants à domicile, ils ont été obligés de créer une entreprise de services de soins à domicile pour offrir les services qu'ils ne peuvent pas assurer eux-mêmes.
Par cet amendement, je veux seulement poser le problème. Je suggère que l'on permette aux infirmiers d'embaucher d'autres infirmiers, des aides-soignantes, des auxiliaires de vie ou toute personne pouvant concourir à une prise en charge globale de la personne, une prise en charge médico-sociale à domicile, plutôt que de multiplier les intervenants à domicile, ce qui nécessite naturellement la mise en place de coordinations que nous payons sur des deniers publics. Il faut faire cesser la segmentation. Tout cela faciliterait la prise en charge des personnes, notamment dans les territoires où il est difficile d'assurer la présence de l'ensemble de ces services, et particulièrement en milieu rural.
Je sais que j'ouvre un débat mais je crois que c'est le moment. En France, nous avons des attitudes très conservatrices, les interventions sont très segmentées, ce qui oblige souvent la puissance publique à imaginer des dispositifs de coordination parce que l'ensemble des acteurs ont du mal à dialoguer.
Je veux donc poser le problème à l'occasion de l'examen de ce texte. Je sais que la profession infirmière est partagée sur cette idée, mais il faut à un moment donné aborder la question. Il y va de la qualité de la prise en charge, qui doit être globale. Arrêtons de dire que le malade ou la personne âgée dépendante est au coeur de nos préoccupations. On les livre à une multitude d'acteurs qui ont du mal à dialoguer.
Il est bien d'ouvrir le débat. Sur le principe, une telle mesure est souhaitable mais la commission l'a rejetée car elle doit être accompagnée de garde-fous afin d'empêcher toute dérive commerciale de la pratique des professions de santé. Il y a un risque de confusion des genres que nous devons éviter, mais il faut poser le problème.
C'est une piste intéressante et je partage évidemment, monsieur Bur, l'objectif du maintien à domicile.
Les infirmiers libéraux ou d'autres paramédicaux peuvent déjà se regrouper dans des SEL ou avec des contrats d'association de la loi de 1901 et ils peuvent être autorisés à créer des services d'aide et d'accompagnement à domicile.
La première difficulté est peut-être de définir ces structures de soins et de services. Dans votre texte, il y a certes un chapeau mais quel est le contenu par rapport aux autres structures ? Est-ce une structure juridique supplémentaire ? Cela mérite certainement d'être affiné sur le plan juridique.
Votre amendement autorise de facto le salariat des professionnels de santé par des paramédicaux. Vous avez donné une liste mais elle mériterait d'être affinée. Ainsi, votre amendement n'exclut pas le salariat de médecins par des paramédicaux.
C'est un sujet délicat, vous l'avouerez, qu'il me paraît difficile de régler au détour d'un amendement, sans concertation avec les professionnels concernés.
Bref, votre amendement est intéressant pour lancer le débat mais il serait peut-être utile que vous le retiriez.
C'est un enterrement de première classe et je vous en remercie, madame la ministre. (Sourires.)
Néanmoins, je voudrais revenir à l'exemple allemand. Nous mettons tous en avant la qualité de la prise en charge que nous voulons offrir à nos personnes âgées. Dans la structure dont je parlais, deux infirmières libérales en embauchent trente-cinq, qui font des soins à domicile accompagnés d'une prise en charge sociale. Elles gèrent aussi un accueil de jour et peuvent maintenant proposer aux familles des gardes le soir, la nuit ou le week-end. Voilà des choses qui marchent et qui permettent aux familles d'avoir un seul interlocuteur pour régler l'ensemble de la prise en charge.
Je voulais simplement poser le problème, madame la ministre. Nous devons avancer. On parlait tout à l'heure de coopération, il faut aller plus loin et mettre plus de fluidité dans ces différents métiers pour une prise en charge réellement globale de nos personnes âgées qui le méritent et en ont bien besoin.
Je retire cet amendement.
(L'amendement n° 811 est retiré.)
Je suis saisi d'un amendement n° 632 .
La parole est à M. Olivier Jardé.
La loi de 2004 confie aux représentants des médecins libéraux et à l'UNCAM le soin de hiérarchiser et de fixer les tarifs des actes médicaux.
Pourtant, les établissements de santé sont concernés par la valorisation et la hiérarchisation des actes médicaux. Par ailleurs, cette valorisation a des conséquences sur le choix d'exercice du médecin entre une pratique libérale et une pratique en établissement public de santé.
Cet amendement propose d'associer les fédérations représentant les établissements de santé à la concertation sur la valorisation et la hiérarchisation des actes médicaux.
Cet amendement a pour objet d'intégrer les fédérations hospitalières aux commissions de hiérarchisation des actes et des prestations, les CHAP.
La commission a rejeté cet amendement puisque les commissions de hiérarchisation comprennent déjà un représentant de l'État qui peut veiller à la cohérence entre la hiérarchisation et les autres paramètres de gestion du système de santé. Il me semble que des négociations tripartites compliqueraient exagérément la négociation entre l'UMCAM et les syndicats.
L'amendement défendu par M. Jardé traite de deux questions distinctes.
Je rappelle que l'accord-cadre entre l'UNCAM et l'UNPS traite des rapports entre l'assurance maladie et les professionnels libéraux, il ne concerne donc en rien les fédérations hospitalières.
Je suis favorable à l'objectif visé par l'amendement en matière de hiérarchie des actes et prestations des professionnels de santé. Les représentants des fédérations hospitalières pourraient en effet contribuer très utilement à l'établissement de la nomenclature d'actes qui sont d'ailleurs pratiqués en grand nombre dans leurs établissements. Toutefois, je tiens à préciser que les commissions au sein desquelles l'amendement n° 632 veut faire siéger les fédérations contribuent principalement à la définition de la valeur des actes qui déterminent directement la rémunération des professionnels de santé libéraux.
Je ne pourrai donc pas donner un avis favorable à votre amendement, monsieur Jardé, et je vous demande de bien vouloir le retirer.
Cet amendement défend le principe d'égal accès à la santé des personnes en situation de handicap.
Pour améliorer la situation actuelle, qui n'est pas satisfaisante, et mieux tenir compte des besoins de ces personnes, notamment dans les schémas régionaux de prévention, les schémas régionaux de l'organisation sanitaire et les schémas régionaux de l'organisation médico-sociale, il conviendrait de consulter les associations concernées. Tel est l'objectif de cet amendement.
La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur, pour soutenir l'amendement n° 1617
L'adoption de cet amendement permettrait aux associations représentant les personnes en situation de handicap d'être consultées en matière de politique de santé.
Malgré l'affirmation des principes d'égal accès à la santé et de non-discrimination des personnes en situation de handicap, de nombreux obstacles empêchent encore aujourd'hui d'atteindre cet objectif, comme tend à le démontrer l'audition publique relative à l'accès aux soins organisée en octobre dernier par la Haute Autorité de santé et les associations représentant les personnes handicapées.
L'amendement n° 1427 rectifié est très proche de l'amendement que Mme Carrillon-Couvreur vient de défendre.
La commission a rejeté ces amendements.
La détermination des différents volets du schéma régional de l'organisation médico-sociale ne relève pas de la loi. Ce schéma ayant pour objet principal la politique en faveur des personnes âgées et des personnes handicapés, il ne me semble pas utile de préciser qu'il prend en compte les besoins de ces dernières.
L'idée de soumettre ces volets à l'avis des associations de patients et d'usagers…
…est, heureusement, largement satisfaite.
Il est d'ores et déjà prévu qu'une commission spécialisée de la conférence régionale de la santé, représentant les principaux acteurs du secteur médico-social, notamment en matière du handicap, émette un avis sur le schéma régional de l'organisation médico-sociale. Par ailleurs, un des amendements de la commission tend à soumettre le projet régional de santé, c'est-à-dire l'ensemble des schémas – celui de prévention, celui d'offre de soins et celui de l'organisation médico-sociale – au conseil de surveillance de l'ARS, qui comprend des représentants des usagers.
Le Gouvernement a voulu que les associations représentant les personnes en situation de handicap soient consultées, et même associées, lors de toutes les décisions qui seront prises dans le cadre des ARS. Elles sont au coeur de l'élaboration du projet régional de santé et des schémas qui le composent, et elles participent à la conférence de santé, tant dans sa formation plénière qu'au sein de ses commissions spécialisées. Par ailleurs, un schéma sera spécifiquement consacré au secteur médico-social.
La participation des associations est donc déjà prévue dans le cadre du projet de loi, et les objectifs de ces amendements sont largement satisfaits. Je demande donc à leurs auteurs de les retirer.
Je suis saisi d'un amendement n° 1375 .
La parole est à Mme Martine Billard.
Cet amendement vise à ce que les professionnels de santé et du secteur médico-social reçoivent, au cours de leur formation initiale et continue, une formation spécifique concernant l'évolution des connaissances relatives aux pathologies professionnelles.
Dans le titre du projet de loi consacré à la prévention, ce point fait cruellement défaut. Certes, durant son audition par la commission, Mme la ministre a expliqué que la question serait traitée lors de la révision de la loi de santé publique, mais nous pouvons bien aborder le sujet dès maintenant, puisque dans ce texte nous devons discuter de dispositions relatives à la formation.
Toutes les données dont nous disposons témoignent du maintien, et même de la progression, des inégalités d'espérance de vie. Ainsi, pour cette statistique, sept années séparent toujours les cadres des ouvriers. Par ailleurs, l'état de santé des salariés à plutôt tendance à se détériorer : le nombre de cancers et de troubles musculo-squelettiques a explosé, et de nouveaux phénomènes d'ampleur en termes de risques psychosociaux, comme le stress, ont fait leur apparition.
Il est donc essentiel que l'ensemble des professionnels de santé qui sont amenés à examiner des patients ayant une activité professionnelle aient une connaissance des pathologies liées au travail. Ainsi, l'état de santé des salariés sera pris en compte de façon globale, au-delà de la médecine du travail.
Aujourd'hui, plus d'un salarié sur dix est soumis, dans le cadre de ses activités professionnelles, à des substances dangereuses, qu'elles soient cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques – je n'évoquerai même pas le cas de l'amiante. Et les salariés les plus précaires, qui sont plus que les autres victimes de ces atteintes à la santé, sont ceux que la médecine du travail suit le moins.
Aujourd'hui, cette question suscite une mobilisation, des pétitions circulent et des revues traitent le sujet. Désormais, les rapports se succèdent, comme celui d'Hervé Gosselin ou celui de Françoise Conso et Paul Frimat, pour constater que la médecine du travail est mal armée pour affronter les transformations des formes d'emploi et des conditions de travail. Ils préconisent d'ailleurs le recentrage de l'activité des médecins du travail sur la prévention, et l'augmentation de leur nombre ainsi que de celui des enseignants dans cette discipline.
Malheureusement, aujourd'hui, nous en sommes loin puisqu'il est plutôt question, semble-t-il, de transférer une partie de la mission de la médecine du travail à la médecine libérale. Je pense que ce n'est pas une bonne idée, d'autant que les généralistes n'ont pas de formation spécifique dans le domaine des pathologies liées à l'activité salariée. Il faut bien reconnaître que les médecins généralistes sont souvent démunis lorsqu'ils sont, par exemple, confrontés à des maladies musculo-squelettiques : ils renvoient d'ailleurs généralement leurs patients vers les spécialistes. En tout cas, il est clair qu'une meilleure formation, initiale et continue, leur permettrait d'avoir une meilleure approche de la santé de l'ensemble des salariés.
La commission a repoussé cet amendement.
La fixation du contenu des enseignements ne relève pas de la loi. À l'alinéa 10 de l'article 15 du projet de loi nous avons d'ailleurs abrogé des dispositions de cette nature.
Le Gouvernement est défavorable, pour les raisons que vient de présenter le rapporteur.
Toutefois, je m'engage évidemment auprès de Mme Billard à ce que ses préoccupations soient prises en compte parmi les priorités nationales de formation des professionnels de santé, dont nous traiterons à l'article 19. Je prendrai bien entendu les mesures réglementaires nécessaires pour la formation initiale ou continue, et le sujet sera traité avec la réévaluation de certaines professions autour de la réflexion sur le LMD.
(L'amendement n° 1375 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 911 rectifié .
La parole est à M. Élie Aboud.
Cet amendement vise à soumettre les lactariums à une autorisation des ARS plutôt qu'à celle des préfets de département.
En l'état actuel de la réglementation, les lactariums sont autorisés par le préfet de département et doivent respecter les bonnes pratiques édictées par l'AFSSAPS qui n'est chargée que d'un contrôle technique. Les autorisations sont donc fondées sur l'appréciation des conditions techniques de fonctionnement des lactariums et non sur une vision de l'organisation territoriale et de la réponse à un besoin de santé.
Le transfert de l'autorisation des lactariums des préfets de département aux ARS permettrait d'introduire dans le dispositif d'autorisation une dimension de planification et d'organisation territoriale, mais aussi de placer cette réflexion à un niveau supradépartemental.
(L'amendement n° 911 rectifié , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
Ce dispositif, déjà introduit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, était resté inopérant en raison de la censure du Conseil constitutionnel. Il rend obligatoire la télétransmission des feuilles de soins, introduite dans notre système de soin il y a presque quinze ans.
Aujourd'hui, la gestion des 20 % des feuilles de soins qui ne sont pas transmises par cette voie coûte beaucoup plus cher à l'assurance maladie que les 80 % qui le sont. Il est temps que les praticiens conventionnés permettent à l'assurance maladie de diminuer ses frais de gestion. Télétransmettre n'est pas une honte : les praticiens – pour la majorité des spécialistes –, rendront aussi service à leurs patients, qui seront remboursés plus rapidement.
Favorable.
(L'amendement n° 816 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 218 .
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 18.
La parole est à M. Jean-Luc Préel.
L'article 18 vise à renforcer les sanctions appliquées en cas de refus de soins et de dépassements d'honoraires excessifs.
Le refus de soins est en principe déjà interdit et sanctionné lorsqu'il obéit à des motifs discriminatoires tels que ceux qui sont énumérés à l'article 225 du code pénal, c'est-à-dire liés au sexe, à l'apparence physique, au handicap, à l'ethnie, à la race ou à la religion du patient. Mais le refus de soins peut également être opposé à des patients bénéficiant de la CMU ou de l'AME, pour des raisons financières. Le rapport Chadelat démontre clairement que de telles pratiques existent, qui sont essentiellement le fait de spécialistes du secteur 2 et de dentistes pour les soins prothétiques.
Le refus de soins n'est pas acceptable et doit être sanctionné. Toutefois, la preuve d'un tel refus n'est pas aisée à apporter et les conseils de l'ordre ne sont pas pressés de sanctionner les médecins fautifs. Aussi l'article 18 vise-t-il à inverser la charge de la preuve et à permettre aux directeurs de caisses de prononcer des sanctions. Or cette disposition risque d'entraîner une multiplication des plaintes et d'engendrer un abondant contentieux, pour des motifs parfois infondés, voire malveillants.
Le rapporteur, M. Rolland, que l'inversion de la charge de la preuve semble laisser sceptique, propose une conciliation conjointe, menée par l'ordre et les caisses d'assurance maladie et à l'issue de laquelle les directeurs de caisse prononceraient des sanctions, évitant ainsi toute complaisance professionnelle. Cet amendement intéressant, qui a été adopté par la commission, devrait permettre de limiter les plaintes excessives, tout en sanctionnant les refus de soins.
La deuxième partie de l'article a pour objet de permettre aux directeurs de caisse de sanctionner les professionnels de santé pour des dépassements d'honoraires excessifs ou non conformes à la convention et pour la non-information sur les tarifs, notamment les devis, devenus obligatoires. Ces pratiques doivent être dénoncées et sanctionnées. Néanmoins, il ne faudrait pas que ce texte apparaisse comme répressif. Il convient en effet de redonner confiance aux professionnels de santé, de renouer avec eux un vrai dialogue, de permettre à la convention de vivre et d'aboutir à des honoraires et à des rémunérations justes, de revoir la CCAM technique et de mettre en oeuvre la CCAM clinique, en ne réservant pas le secteur optionnel aux seuls spécialistes à plateau technique et en revalorisant les spécialités cliniques. La situation actuelle est difficile et conflictuelle. Or, sans confiance, rien n'est possible.
Madame la ministre, hier, lors de la discussion de l'amendement présenté par Yves Bur, qui visait à permettre l'accès à des honoraires à tarifs remboursables, vous avez expliqué que le secteur optionnel réglerait le problème des dépassements d'honoraires. Mais, outre qu'il paraît actuellement enlisé dans les discussions conventionnelles, il ne concernerait, hélas ! que les spécialités à plateau technique, alors qu'il devrait être étendu à tous, notamment aux spécialités cliniques.
L'article 18 est en effet important, puisqu'il nous permet non seulement de rappeler la très importante avancée sociale qu'a été la création de la couverture maladie universelle, mais également de veiller à son application, quelques années après sa création par une majorité de gauche, à un moment où les évaluations réalisées – je pense notamment à un rapport de la DREES de 2008 – montrent bien que les titulaires de la CMU sont victimes de discriminations sociales de la part de médecins qui refusent de les soigner.
Les dispositions contenues dans cet article nous paraissent intéressantes, et nous espérons non seulement que les amendements de la majorité ou du rapporteur ne viseront pas à en limiter la portée, mais que nous pourrons les enrichir sérieusement. Nous souhaitons en effet que tout acte susceptible de relever, de près ou de loin, d'un refus de soins ou d'une discrimination dans la mise en oeuvre de la CMU soit vigoureusement combattu.
Je citerai trois de nos propositions. Tout d'abord, nous demandons que soient précisément énumérés les motifs de discrimination, afin que la lutte contre ces dernières bénéficie d'un support législatif. Ensuite, puisque nous remettons en cause opiniâtrement l'idée selon laquelle les dépassements d'honoraires pourraient être fixés « avec tact et mesure », nous souhaitons fixer un plafond pour les limiter fermement. Enfin, nous proposons d'offrir aux associations d'usagers du système de santé la possibilité d'intenter des recours quand des patients – qui connaissent des difficultés financières et ne bénéficient pas d'un accès facile au droit – sont victimes d'un refus de soins.
Encore une fois, madame la ministre, l'article 18 est intéressant. Mais vous seriez infiniment plus convaincante si vous aviez rehaussé le plafond de la CMU, comme nous l'avons proposé, et, surtout, si vous aviez renoncé aux franchises médicales, qui font tellement de mal aux Français qui disposent de très faibles revenus et qui sont aujourd'hui victimes de cet impôt sur les malades, comme l'a très bien dit Catherine Lemorton lors des questions au Gouvernement, mardi dernier.
Nous participerons ardemment à la discussion de l'article 18, en espérant que nous ne connaîtrons pas les mêmes déceptions que sur d'autres points du projet de loi. Je pense notamment, monsieur Domergue, aux amendements volontaristes que vous avez finalement retirés et que nous avons repris – il faut dire que le rapporteur ne facilite pas les rapprochements. Je vous remercie par avance, madame la ministre, de donner un écho favorable à ces propositions, en espérant que la majorité fera de même.
L'article 18 est au coeur des préoccupations du groupe socialiste. Du reste, je rappelle qu'il y a plusieurs années, lorsque nous avons commencé à dénoncer le fait qu'un certain nombre de médecins ne respectaient pas leurs obligations déontologiques en refusant d'admettre dans leurs consultations des patients relevant de la CMU complémentaire ou de l'aide médicale d'État, la majorité nous moquait, prétendant qu'il s'agissait de cas marginaux. Elle exprimait d'ailleurs les mêmes doutes quant aux dépassements d'honoraires excessifs, jusqu'à ce que la mission de l'IGAS souligne l'importance que ceux-ci avaient prise dans la rémunération de certaines catégories de médecins.
Madame la ministre, nous vous suivons lorsque vous entendez sanctionner ces refus de soins, qu'ils obéissent à des motifs financiers ou d'une autre nature. Je rappelle en effet que le code de déontologie médicale dispose que « le médecin doit écouter, examiner, conseiller ou soigner avec la même conscience toutes les personnes, quels que soient leur origine, leurs moeurs, leur situation de famille, leur appartenance ou leur non-appartenance à une ethnie, une nation ou une religion déterminées, leur handicap, leur état de santé, leur réputation ou les sentiments qu'il peut éprouver à leur égard ».
Les praticiens qui enfreignent ces règles sont passibles de sanctions, qui sont prononcées soit sur le fondement du code de la santé publique, par les chambres disciplinaires des ordres professionnels, soit en application du code de la sécurité sociale, par les sections des assurances sociales. Ces sanctions peuvent aller du simple avertissement à la radiation du tableau de l'ordre ou à l'interdiction de délivrer des soins aux assurés sociaux.
La HALDE a rendu, depuis 2006, des délibérations constatant le caractère discriminatoire des refus de soins aux bénéficiaires de la CMU complémentaire. De tels refus ont d'ailleurs été constatés scientifiquement par des études précises, menées sur la base d'un testing, dont les résultats sont publiés dans un rapport réalisé pour le compte du fonds CMU. Les testeurs ont pris rendez-vous chez plusieurs médecins, dans six villes du Val-de-Marne, une première fois en indiquant qu'ils étaient couverts par la sécurité sociale et une mutuelle et, une seconde fois, en précisant qu'ils bénéficiaient de la CMU complémentaire. Les résultats de cette étude, qui figurent également dans le rapport de M. Rolland, sont éloquents : 41 % des spécialistes et 39 % des dentistes, mais également des généralistes, ont opposé des refus de soins.
Ces refus sont intolérables. Néanmoins, madame la ministre, les pistes que vous proposez pour les sanctionner méritent d'être discutées.
Nous en débattrons lors de l'examen des amendements. La question du renversement de la charge de la preuve, notamment, pose problème. Nous verrons si vous parvenez à atteindre les objectifs fixés, tout en répondant aux craintes légitimes qui s'expriment chez les médecins libéraux.
Que les bénéficiaires de la CMU ne puissent bénéficier d'un accès complet aux soins est inacceptable, mais il ne faudrait pas non plus oublier les bénéficiaires de l'aide médicale d'État. Ces personnes venant de l'étranger sont souvent atteintes de pathologies lourdes telles que le sida, une hépatite ou un cancer. En leur refusant le bénéfice de l'aide médicale d'État, l'État n'assure pas un égal accès aux soins pour tous.
Les refus de soins le plus souvent évoqués sont les plus flagrants, tel celui où la secrétaire prétend que le carnet de rendez-vous du médecin est complet pour trois semaines. D'une manière quelque peu détournée, les dépassements d'honoraires interdisent aux bénéficiaires de la CMU de consulter les médecins qui les pratiquent. Mais il est un procédé encore plus sournois de parvenir au même résultat : alors que les bénéficiaires de la CMU ou de l'aide médicale d'État sont dispensés de faire l'avance du prix de la consultation ou de la visite, certains médecins exigent tout de même un règlement de leur part ; ce faisant, ils peuvent être quasiment certains que les patients concernés éviteront, à l'avenir, de remettre les pieds dans leur cabinet. Il convient de faire preuve de vigilance à l'égard de ces procédés beaucoup plus répandus qu'on ne le croit.
À côté du refus de certains membres du corps médical de soigner chacun comme il a le droit de l'être, il y a aussi le refus de l'État. Comme vous l'aurez deviné, madame la ministre, je vais évoquer les franchises médicales.
Vous pouvez bien lever les yeux au ciel, monsieur le rapporteur, c'est la réalité ! Je sais que la majorité n'apprécie guère que l'on aborde ce sujet, mais il faut qu'elle s'y fasse, car elle en entendra encore parler pendant les trois ans et demi à venir ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Quel optimisme !
Les personnes auxquelles l'État refuse l'accès au système de soins sont nombreuses et, à ce jour, 700 000 de nos concitoyens ont fait connaître leur désaccord avec de telles pratiques. Quand M. Bur nous reproche de faire du Zola, lui arrive-t-il de se demander si ce n'est pas la mise en oeuvre de la politique qu'il soutient qui est en train de répandre dans notre pays la misère et l'injustice dépeintes par l'écrivain ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Dénoncer les pratiques des membres du corps médical qui refusent l'accès aux soins des bénéficiaires de la CMU ou de l'aide médicale d'État est justifié, mais il ne faudrait pas pour autant passer sous silence les manquements du ministère de la santé !
L'article 18 du projet de loi dispose qu'« un professionnel de santé ne peut refuser de soigner une personne en raison de ses moeurs, de sa situation de famille, de son handicap ou de son état de santé, de son origine ou de son appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». Nous sommes nombreux à être très choqués par l'utilisation du mot « race » dans cet article. Les membres du groupe socialiste sont, je le rappelle, signataires d'une proposition de loi constitutionnelle – qui n'a malheureusement pas été retenue lors de la révision constitutionnelle de juillet dernier –, qui avait pour objet de supprimer le mot « race » de l'article 1er de la Constitution.
L'application de ce terme à l'espèce humaine nous paraît non seulement inappropriée, mais également choquante et dangereuse. Le mot « race », utilisé pour désigner des différences entre des groupes humains, se base sur des caractères apparents, le plus souvent immédiatement visibles, tels que la couleur de la peau ou la forme du visage, auxquels peuvent s'ajouter les vêtements portés, les moeurs, la culture, le niveau social, la lignée généalogique, bref, tout ce qui peut différencier les hommes entre eux.
Tous les scientifiques s'accordent à reconnaître que le concept biologique de race n'est pas pertinent pour l'espèce humaine. Ce terme est dangereux par son indétermination ainsi que par le support idéologique qu'il peut constituer. L'utilisation de ce terme est, en outre, contraire à notre tradition constitutionnelle républicaine, puisque notre pays rejette, depuis 1789, le concept de différence résultant de la naissance ou de la généalogie. L'argument selon lequel la suppression de ce mot risquerait d'entraîner une régression dans la lutte contre les discriminations n'est pas recevable, dans la mesure où il n'existe pas de races humaines distinctes.
Nous avons défendu cette position lors de la révision constitutionnelle et, même si elle n'a pas été retenue à cette occasion, nous estimons nécessaire de nous y référer chaque fois qu'il est proposé de faire figurer le mot « race » dans un texte de loi, en raison des risques de dérive que j'ai évoqués et que nous devons tous combattre.
Lorsque le législateur a instauré la couverture maladie universelle et la couverture maladie universelle complémentaire, son objectif était de permettre que toute personne se trouvant sur le territoire nationale puisse être soignée, quelle que soit sa situation, notamment sa situation financière. Malheureusement, nous nous sommes rapidement aperçus que tout le monde ne jouait pas le jeu au sein du corps médical. Ainsi, les généralistes accueillent les bénéficiaires de la CMU dans des proportions beaucoup plus importantes que leurs confrères spécialistes, les dentistes étant – mille excuses à nos collègues exerçant cette profession, mais c'est un fait – les champions du refus de soins à l'égard des bénéficiaires de la CMU. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Une étude effectuée par la DREES en collaboration avec la CNAMTS et l'IRDES montre bien que les dentistes sont les praticiens les moins accueillants à l'égard des bénéficiaires de la CMU et de la CMUC. Par ailleurs, si les professionnels de santé inscrits en secteur 1 accueillent une grande partie des bénéficiaires de la CMU, ceux du secteur 2, pratiquant le dépassement d'honoraires, le font beaucoup moins souvent. La même étude montre que certains médecins particulièrement respectueux de la déontologie se trouvent de fait « spécialisés » dans l'accueil des personnes bénéficiant de la couverture maladie universelle. Si nous n'y prenons garde, nous risquons de voir ce phénomène de concentration s'accroître.
Pour notre part, nous attachons une grande importance à ce que la rédaction de l'alinéa 3 de l'article 18 demeure inchangée, et veillerons à ce que les amendements déposés par la majorité ne le dénaturent pas ; nous tenons à ce que cet alinéa précise bien qu'il appartient à la partie défenderesse de prouver que le refus en cause est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Par ailleurs, l'article 18 prévoit des sanctions dans le cas où des assurés se trouveraient exposés à des dépassements d'honoraires « dépassant le tact et la mesure ». Le problème de cette notion est qu'elle n'est pas quantifiable ! Dans la mesure où nous souhaitons que les dépassements d'honoraires puissent être véritablement encadrés, nous proposerons des amendements en ce sens.
Telles sont, madame la ministre, les remarques que je souhaitais faire au sujet de l'article 18, étant précisé que, selon moi, cet article va dans le bon sens. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)
En ce qui concerne les refus de soins non liés à une discrimination, nous estimons souhaitable que le praticien concerné se voie attribuer la responsabilité de rediriger son patient vers un professionnel compétent, si possible sans que cela entraîne une augmentation des délais et des coûts pour ce patient, et avons déposé un amendement en ce sens.
Pour ce qui est des refus de soins à caractère discriminatoire, nous notons la présence à l'article 18 d'un certain nombre de mesures utiles, mais qui nous paraissent insuffisantes. À l'instar de plusieurs associations, nous avons été étonnés de constater que les critères de discrimination retenus par le texte étaient restrictifs, donc incomplets. Ainsi, le texte ne prévoit pas de dispositions nouvelles pour mieux faire circuler l'information lorsqu'un patient est victime d'un refus de soins discriminatoire. Or on sait que ces refus de soins ne sont pas sanctionnés, les patients qui en sont victimes n'osant pas en parler ou ne sachant pas à qui s'adresser. Nous proposerons donc par voie d'amendement d'élargir les possibilités de saisine pour les victimes potentielles, en permettant à des associations d'apporter leur aide en ce domaine.
Le texte prévoit le renversement de la charge de la preuve et le principe du testing. Nous y sommes favorables, non par défiance à l'égard des médecins, mais parce qu'il nous semble évident que le médecin est mieux armé pour se défendre que les patients susceptibles de faire l'objet d'une discrimination. J'ajoute qu'un médecin consciencieux et honnête n'aura pas de difficulté à prouver sa bonne foi, alors que les patients, en particulier les plus fragiles – et c'est bien d'eux qu'il s'agit – se trouveront la plupart du temps dans l'impossibilité de se défendre.
Enfin, nous regrettons que, face à l'accroissement sans précédent des dépassements d'honoraires, le Gouvernement en soit resté à la formule du code de la santé faisant référence aux dépassements excédant « le tact et la mesure ». L'expérience nous a, hélas, montré que le tact et la mesure font l'objet d'appréciations très variables, ce qui rend inutile le recours à cette notion – une notion de surcroît inopérante sur le plan juridique. Le moment nous semble donc venu d'abandonner cette référence au profit d'un plafond qui permettra d'encadrer réellement les dépassements d'honoraires. Ne pas réglementer les dépassements d'honoraires revient en effet à limiter l'accès aux soins. Il nous revient, à nous, élus et membres du Gouvernement, de veiller à ce que chacun puisse accéder aux soins.
Madame la ministre, votre action en matière financière ne saurait se limiter aux franchises ni à la diminution des remboursements : il est logique qu'elle s'applique également aux dépassements d'honoraires. Ne pas les réglementer aurait également pour effet de favoriser les disparités territoriales en termes d'offre de santé. En effet, ce système incite les médecins à s'installer de préférence dans les zones où les patients sont majoritairement aisés et peuvent payer plus facilement, ce qui permet aux praticiens d'augmenter leur rémunération. Les déserts médicaux, je le rappelle, ne concernent pas seulement les campagnes, mais aussi certains quartiers populaires en ville. Nous proposerons donc un amendement visant à ce que les dépassements ne puissent excéder le double du montant du tarif opposable.
Monsieur le président, je vais sans doute être un peu hors sujet mais je vous demande d'être clément à mon égard car je n'ai pas pu participer à la discussion générale pour les raisons que vous savez.
Je suis également ennuyé car j'aime beaucoup Mme la ministre, et ce depuis un certain temps. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Je ne peux cependant me taire d'autant qu'il y a trois ou quatre jours j'ai organisé une réunion avec l'ensemble de la communauté médicale, des élus et de tous ceux qui sont concernés par les problèmes de santé. J'ai constaté à cette occasion que les échos que je recueillais convergeaient avec ceux qui me parvenaient spontanément : a priori, peu allaient dans le sens de cette loi.
Alors, quels sont les points qui m'inquiètent le plus ? Je tiens d'abord à dire que je me rallie à l'observation de notre collègue concernant la notion de race. Ce terme n'est effectivement pas le plus heureux et mériterait d'être changé. S'agissant des articles précédents, la disposition relative au directoire, présidé par un directeur, aussi bon qu'il soit, me préoccupe. L'ARS m'ennuie encore plus – je n'étais déjà pas convaincu par l'ARH… Le centre hospitalier territorial me fait affreusement peur car je crains qu'il n'avale, dans sa grande bonté, tous les petits hôpitaux se trouvant dans sa zone.
Au fond, ne sommes-nous pas dans la tradition de ces vingt-cinq dernières années où nous avons donné le sentiment à nos concitoyens que la santé et les soins, qui nous concernent tous et de plus en plus longtemps, n'étaient pas la priorité des priorités pour le législateur ? Cela fait vingt-cinq ans que nous faisons des lois, sous tous les régimes, qui ne sont jamais allées au fond des choses et n'ont jamais donné le sentiment à celui qui était malade ou dans le besoin que la loi s'adaptait à lui.
J'ai l'impression qu'on cherche ici à mettre en oeuvre une médecine pour les grandes métropoles, où il y aura néanmoins des lieux de non-soins. Je suis donc très inquiet pour nos campagnes que vous connaissez si bien, madame la ministre, et en particulier pour nos vallées. Je suis un nostalgique des conseils d'administration des centres hospitaliers. J'en ai fait partie pendant trente ans, je comprenais ce qui s'y disait et j'ai pu constater qu'on pouvait contrer certaines décisions administratives. Cela a permis à de nombreux établissements de soins de rester dans nos campagnes.
S'agissant enfin du recrutement des médecins, surtout dans les zones où ils sont en voie de disparition, plus rapide encore que celle des ours (Sourires), ce n'est pas ce que j'ai lu dans le texte qui va me rassurer. Avec la régionalisation du recrutement, on parviendra peut-être à avoir deux médecins de moins à Paris et un de plus à Bordeaux, mais il n'est pas sûr qu'on arrive à avoir un médecin de plus en vallée d'Aspe. Or il n'y en a déjà presque plus et les derniers en place sont frappés par l'âge. Ils continuent d'exercer par passion.
Je ne sais si ce texte a tenu compte de la fabuleuse mutation humaine et sociale à laquelle est confrontée notre société. Nous sommes rentrés dans une société de loisirs – peut-être à l'excès, d'ailleurs – et nous n'avons plus ces praticiens que leurs femmes suivaient nuit et jour en tenant le secrétariat et la comptabilité. Aujourd'hui, elles sont diplômées et ont d'autres aspirations. Elles n'hésitent pas ainsi à travailler à 300 ou 400 kilomètres, quand elles ne sont pas elles-mêmes médecins puisque 60 % du corps médical est féminin.
Nous n'en sommes jamais qu'au 18e article de ce texte. Peut-être que tous ceux qui suivront vont me rassurer… Merci, monsieur le président, pour votre mansuétude et votre compréhension. Madame la ministre, merci d'avoir compris que je n'étais pas tout à fait d'accord et de ne pas m'en vouloir. Merci, à vous toutes et à vous tous, chers collègues, d'avoir bien voulu m'écouter. (Applaudissements.)
Après le bain de jouvence que vient de nous offrir notre collègue Lassalle, je voudrais très rapidement revenir sur le fait que la création de la couverture maladie universelle aurait dû empêcher qu'un citoyen puisse être écarté de l'accès aux soins. Tel n'est pas le cas, malheureusement. Comme cela a déjà été dit, les généralistes accueillent plus facilement les bénéficiaires de la CMU que les spécialistes et certains professionnels de santé. Participant à la mission sur cet objet en lévitation au-dessus de notre système de santé qu'est le DMP, j'ai été frappé de constater que nombre des personnes auditionnées souhaitaient que soient occultés des renseignements cliniques les concernant pour éviter de ne pas être soignées. La profession de chirurgien-dentiste était particulièrement citée et les personnes auxquelles je fais allusion étaient porteuses de la pathologie du sida. Un monde dans lequel les choses se déroulent ainsi va mal.
L'article 18 est donc bienvenu. Heureusement, qu'il figure dans ce texte ! Avec mes collègues, nous serons particulièrement attachés à ce que l'alinéa 3 reste en l'état.
Je souscris également à la proposition de Mme Fraysse prévoyant qu'une association peut se substituer au patient lorsque celui-ci ne peut ou n'ose porter plainte. Cette mesure serait symétrique de celle que nous avons adoptée dans le texte relatif à la lutte contre les discriminations en milieu professionnel. Nous nous honorerions d'adopter cette disposition.
J'aborderai l'article 18 sous un angle particulier. Je me réjouis de ces dispositions car elles nous dédouanent de situations particulières propres au monde hospitalier. Parfois, en effet, nous avons à prendre en charge des patients étrangers, originaires soit de l'Union européenne, ce qui ne pose pas trop de problèmes, soit d'un pays lointain et extérieur à l'Union. Or cela correspond à un coût thérapeutique considérable, ce qui ne facilite pas nos relations avec l'administration hospitalière. Grâce à l'article 18, nous ne pourrons plus, fort opportunément, refuser de donner les soins adaptés à ces personnes. Dans les cas que j'évoque, il s'agissait de patients cancéreux souffrant de tumeurs rares qui ont représenté un coût hospitalier très important.
Je me félicite donc de l'article 18 et de cette acception particulière sur laquelle je viens d'appeler votre attention
Je suis saisi d'un amendement n° 129 , de suppression de l'article.
La parole est à Mme Françoise Hostalier.
Défavorable.
(L'amendement n° 129 n'est pas adopté.)
Je me félicite que l'amendement n° 129 n'ait pas été défendu car il visait à supprimer l'article 18 et donc à ne pas prendre en considération les motifs que nous estimons fondés et qui vous ont conduit précisément, madame la ministre, à prévoir cet article.
L'article 18 tend à énoncer un certain nombre de motifs susceptibles de caractériser une discrimination. Néanmoins, la liste établie est incomplète puisque le code déontologique commence à dater. Ainsi, un professionnel de santé pourrait avoir une pratique discriminatoire envers un patient en raison de son sexe, de son orientation sexuelle, de ses caractéristiques génétiques, de son âge, de son patronyme, de son apparence physique, de ses opinions politiques ou syndicales sans être inquiété devant l'organisme local d'assurance maladie puisqu'il s'agirait de motifs de discrimination qui ne sont pas cités par le code de déontologie. Voilà pourquoi, nous proposons de compléter la rédaction du début de l'alinéa 2 de l'article 18.
L'intention de cet amendement est excellente puisqu'il s'agit d'élargir le champ des discriminations réprimées par l'article 18 et d'y inclure tous les motifs de discrimination visés par le code pénal. Le texte prévoit déjà qu'un professionnel de santé ne peut refuser de soigner une personne en raison de son appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée à une ethnie, une nation, une race…
Votre préoccupation, monsieur Bapt, est satisfaite par l'amendement n° 411 de la commission que nous examinerons dans quelques instants et qui établit une liste exhaustive fondée sur le code pénal.
Je fais confiance à M. le rapporteur et je retire l'amendement.
(L'amendement n° 1343 est retiré.)
Je suis saisi d'un amendement n° 1345 qui a le même objet que le précédent.
J'imagine qu'il est retiré pour les mêmes raisons.
Il s'agit ici de préciser que tout professionnel de santé ne peut refuser de soigner une personne du fait de sa situation financière ou sociale. Ce motif de discrimination n'est pas mentionné dans l'article 18.
De la même façon, l'amendement n° 1344 vise à introduire la référence aux patients bénéficiaires de la CMU de base, qui manque dans cet article.
Si ces deux mentions ne sont pas prises en compte dans votre amendement, monsieur le rapporteur, nous maintiendrons nos amendements.
Je suis en effet saisi d'un amendement n° 1344 .
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
La commission a repoussé ces amendements puisque la préoccupation de leurs auteurs est satisfaite par l'article. En réprimant les refus de soins opposés aux bénéficiaires de la CMU complémentaire et de l'ACS, cet article prend en compte toutes les personnes dont le niveau de revenu est inférieur à 744 euros par mois pour une personne seule.
Avis défavorable, car la référence à la situation financière est floue et peut tout aussi bien concerner des personnes très favorisées, ce qui risquerait d'induire des confusions regrettables. La rédaction proposée par le rapporteur me semble plus claire.
Le présent amendement tend à harmoniser la définition des discriminations entre l'article 18 et l'article du code pénal qui définit la discrimination, l'énumération de ces motifs étant ici plus restreinte que les cas de discrimination reconnus par le code pénal.
L'article 18, par exemple, ne réprime pas expressément les refus de soins motivés par le sexe du patient, ses opinions politiques ou son orientation sexuelle, alors que l'article L. 225-1 du code pénal réprime les discriminations fondées sur ces éléments.
C'est pour cela qu'à l'initiative du rapporteur la commission saisie au fond a adopté cet amendement, qui vise à élargir l'énumération par le présent article des motifs de refus de soins illégitimes.
L'amendement n° 219 est défendu.
La parole est à Mme Martine Billard, pour défendre l'amendement n° 1278 rectifié .
Je me félicite que la commission ait choisi de se référer à l'article L. 225-1 du code pénal. Lors du débat sur la loi contre les discriminations transposant une directive européenne, nous avions déjà évoqué, en effet, la nécessité d'unifier dans notre droit les références aux causes reconnues de discrimination, afin d'éviter d'avoir autant de mentions que de codes. Il serait indispensable d'aboutir à une rédaction unique, qui deviendrait la rédaction de référence. Le fait de reprendre ici l'article du code pénal va donc dans le bon sens, ce qui ne doit pas nous empêcher d'envisager plus globalement un peignage de nos codes pour les harmoniser.
C'est d'autant plus important que l'article 18, tel qu'il était rédigé à l'origine, ne prenait en compte ni l'âge ni l'apparence physique, qui peuvent être des motifs de discrimination en matière de soins. Certains professionnels de santé peuvent, par exemple, ne pas vouloir prendre en charge des personnes très âgées. Cela peut se justifier quand il s'agit de pathologies qui supposent des connaissances pointues en gériatrie mais ce n'est pas toujours le cas. De même, on sait qu'il existe aujourd'hui des problèmes dans le suivi de l'obésité, et il est important de préciser que cela ne peut pas être un motif de refus de soins.
Ce sont des cas rares mais ils méritent d'être pris en compte, et cela n'a rien d'injurieux pour les professionnels de santé, contrairement à ce que prétendaient certains de nos collègues de l'UMP qui souhaitaient supprimer cet article. Les médecins sont comme nous des êtres humains et peuvent avoir leurs faiblesses. Nous devons donc lutter contre les discriminations partout où cela est possible.
Avis favorable.
(Les amendements identiques nos 411 , 219 et 1278 rectifié sont adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 1249 .
La parole est à M. Dominique Tian.
Je retire mon amendement, car il est pleinement satisfait par l'amendement n° 412 de la commission.
Cet amendement adopté par la commission a pour objet de remplacer la procédure de sanction décrite dans le texte présenté à notre examen par une procédure de conciliation.
Les discriminations dans l'accès aux soins constituent un vrai problème dont le législateur doit se saisir. J'ai l'honneur de présider la commission de surveillance du fonds CMU. Le rapport établi par M. Jean-François Chadelat a montré que, dans certains départements, près de 40 % des praticiens refuseraient des soins aux bénéficiaires de la CMU complémentaire.
Bien évidemment, les règles déontologiques de toutes les professions de santé interdisent les refus de soins discriminatoires, mais les ordres professionnels concernés ne les font pas appliquer avec beaucoup de vigueur, et la procédure ordinale de sanction des refus de soins ne suffit ni à prévenir ni à punir les abus.
Toutefois, il apparaît que la solution proposée par le projet de loi n'est, en l'état, pas satisfaisante, car elle repose sur un mécanisme d'inversion de la charge de la preuve qui présente deux inconvénients majeurs, le premier étant de heurter l'ensemble des praticiens de santé, qui sont présumés coupables.
Il risque par ailleurs d'engendrer un contentieux très important.
C'est pourquoi la commission propose une autre procédure, fondée sur les principes suivants : faire travailler en commun les caisses, qui prétendent que les ordres ne font pas suffisamment appliquer le code de déontologie, et les ordres professionnels, qui se plaignent que la caisse ne leur transmette pas les plaintes. Les unes détiennent l'information sur l'activité des praticiens ; les autres ont l'autorité morale, qui rend la sanction plus légitime.
Il s'agirait ensuite de donner aux directeurs des caisses un pouvoir de sanction, comme le propose le texte de Mme la ministre. C'est indispensable pour pallier les éventuelles carences des ordres professionnels et pour inciter ces derniers à exercer pleinement leurs responsabilités.
Enfin, il faudrait mettre l'accent sur la conciliation. Pour être impartiales et disposer de toutes les informations utiles, les commissions de conciliation devraient être constituées à parité de représentants des caisses et des ordres professionnels.
Loin d'être complaisante envers les professionnels, cette procédure sera plus facile à mettre en oeuvre que ce que propose actuellement le texte et sert donc l'intérêt des patients.
Madame la ministre, voulez-vous nous donner votre avis sur l'amendement et nous présenter les deux sous-amendements du Gouvernement, s'il vous plaît ?
Votre amendement, monsieur le rapporteur, vise à supprimer la présomption de preuve en faveur des victimes de pratiques de refus de soins.
Je partage votre souci de ne pas sanctionner à la légère des professionnels de santé qui, fort heureusement, dans leur très grande majorité, se dévouent chaque jour pour leurs patients dans des conditions conformes à l'éthique.
En ce qui concerne le régime d'aménagement de la charge de la preuve, la mesure proposée par l'article 18 ne fait que reprendre un principe général de la réglementation communautaire, consacré par la loi du 27 mai 2008, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Cette loi prévoit qu'une personne lésée par un acte discriminatoire présente devant une juridiction ou tout autre instance compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence, à charge pour la partie défenderesse de prouver qu'il n'y a pas eu violation de l'interdiction de discrimination.
Ce principe général ne s'applique toutefois qu'en cas de discrimination fondée sur l'appartenance ou la non-appartenance – vraie ou supposée – à une ethnie ou une race, sans mentionner les critères de l'état de richesse, que l'article 18 vise expressément.
J'observe toutefois qu'en pratique les éléments dont disposent les directeurs des organismes locaux d'assurance maladie leur permettront de prendre en charge efficacement les réclamations des assurés s'estimant victimes de refus de soins. Conformément aux instructions que j'ai données et qui ont fait l'objet d'une lettre réseau de la CNAMTS du 13 janvier dernier, les caisses d'assurance maladie vont en effet poursuivre et actualiser en continu l'identification précise des 5 % de professionnels de santé qui reçoivent le moins de bénéficiaires de la CMUC.
Sur la base de ce travail, qui n'est certes qu'indicatif, les directeurs des organismes locaux d'assurance maladie engageront dans un deuxième temps avec ces professionnels de santé un dialogue spécifique afin d'analyser au cas par cas les raisons objectives – et parfois bonnes – pour lesquelles ces médecins ont dans leur patientèle une proportion de bénéficiaires de la CMUC et de l'AME plus faible que leurs confrères les plus proches. Cela leur permettra d'identifier assez précisément les professionnels de santé qui pratiquent vraisemblablement des refus de soins.
Par conséquent, il n'est pas indispensable de renverser la charge de la preuve, et je ne suis donc pas favorable à la première partie de votre amendement.
Je ne peux pas non plus être favorable à sa seconde partie. Il faut certes maintenir la possibilité pour les assurés ou des associations de patients de recourir directement devant les ordres, ce que propose d'ailleurs l'article 18. Toutefois, et vous le soulignez dans l'exposé des motifs, l'action des ordres s'est révélée jusqu'à présent décevante – j'emploie sans doute une litote – en matière de refus de soins. Il est donc indispensable de mettre en place une autre procédure pour lutter efficacement contre ces pratiques.
C'est pourquoi je donne un avis favorable à votre amendement sous réserve des deux sous-amendements que je propose. Leur objet est de protéger contre des réclamations peu sérieuses l'immense majorité des professionnels des santé qui accomplissent un travail remarquable.
Il est donc proposé de réintroduire la possibilité de recourir à des tests aléatoires, que je ne considère pas du tout comme une mesure vexatoire à l'endroit des professionnels de santé sérieux, bien au contraire ! En effet, la procédure qui pourra être mise en place sur le fondement de l'article 18 sera plus protectrice pour les professionnels de santé que la situation actuelle, qui repose sur l'arbitraire et la confrontation des témoignages. Le test aléatoire fournit, lui, un critère objectif, et il serait dommageable pour les médecins de se passer d'un moyen efficace de repousser les accusations abusives. Sans cette possibilité de recourir au testing, les patients s'estimant victimes d'une discrimination déposeront des recours tous azimuts sans que le professionnel de santé puisse apporter des éléments objectifs permettant d'écarter définitivement les réclamations dont il aura fait l'objet.
Je ne comprends donc vraiment pas la réticence des professionnels sérieux et dont le comportement est conforme à l'éthique.
Il est indispensable que les directeurs de caisses d'assurance maladie puissent recourir au testing : cela passe nécessairement par l'établissement d'un fondement juridique. Sinon, les résultats des tests aléatoires ne pourraient pas être pris en compte et ne seraient qu'une démarche indicative, un peu littéraire, si l'on veut.
Sous certaines conditions, la pratique du testing est en effet reconnue en matière pénale pour sanctionner les discriminations. Mais, pour recourir valablement au testing dans le domaine civil, il est nécessaire de lui donner une base légale. C'est pourquoi je propose la réintroduction de cette disposition, présente dans le texte initial.
Ainsi, en cas de réclamation d'un assuré s'estimant victime d'un refus de soins, le directeur de la caisse pourra éventuellement, à la demande du conseil de l'ordre ou de sa propre initiative, recourir à des tests aléatoires, qui permettront de fournir des éléments objectifs de preuve pour confirmer ou infirmer la réalité du refus de soins.
Le second objectif de ces sous-amendements est d'obliger les directeurs des organismes locaux d'assurance maladie à engager systématiquement une conciliation entre le professionnel de santé et l'assuré concerné avant d'engager la procédure pouvant conduire à une sanction.
Je pense qu'en combinant l'amendement présenté par le rapporteur et les deux sous-amendements que je propose, nous arrivons à une position équilibrée et, contrairement à ce qui a été avancé, protectrice pour les deux parties, car objective.
La commission avait opté pour une autre façon de procéder. Mais j'ai bien entendu les remarques de Mme la ministre, et je pense effectivement que le sous-amendement n° 2010 qui a pour but de réintroduire la pratique du testing – le test aléatoire, pour parler français – peut être utile. Il offre ainsi un moyen de preuve supplémentaire, à charge ou à décharge. J'exprime cet avis à titre personnel, puisque la commission n'a pas examiné ce sous-amendement.
De plus, ce procédé peut avoir l'avantage de rendre facultative la convocation des professionnels de santé : il s'agit donc d'une mesure de souplesse par rapport au premier dispositif qui nous était proposé.
En revanche, je suis à titre personnel plutôt défavorable au sous-amendement n° 2011 . Après avoir écouté les uns et les autres lors des auditions de la commission, j'ai en effet le sentiment que le fond du problème est que les caisses et les ordres professionnels ne se parlent pas, ne se rencontrent pas et se renvoient systématiquement la faute. C'est pour cela que l'amendement n° 412 vise à les asseoir autour de la même table dans une commission de conciliation. Il faut éviter de conforter ces cloisonnements que nous constatons, car ce sont les assurés qui en font les frais. Les tests aléatoires permettraient d'apporter des preuves supplémentaires dans la discussion et d'étayer la conciliation – si conciliation il y a, puisqu'il peut aussi y avoir sanction.
En commission, le groupe socialiste a voté contre l'amendement n° 412 , car nous tenons à cette disposition présentée par Mme la ministre : l'inversion de la charge de la preuve.
Actuellement, les preuves ne sont recevables devant les juridictions que si elles sont loyales ; cette restriction interdit l'usage du testing. L'inversion de la charge de la preuve vise à permettre aux demandeurs d'utiliser à l'appui de leur action les résultats d'un testing.
C'est cette méthode qui a été utilisée pour l'étude réalisée par le fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie dans le Val-de-Marne ; le rapport Chadelat, que M. Rolland connaît bien, a montré dans quelles proportions les spécialistes et les dentistes pratiquaient la discrimination.
Le testing est valide, et utilisé en droit du travail et par la HALDE, notamment.
Cette disposition apparaît aujourd'hui d'autant plus judicieuse qu'elle s'inspire des mécanismes du droit communautaire : l'article 8 de la directive prévoit que, devant une juridiction ou une autre instance compétente, la charge de la preuve doit être inversée au détriment du défendeur, avec un certain nombre d'aménagements. Nous comprenons l'esprit de vos sous-amendements, madame la ministre : ils conservent l'inversion de la charge de la preuve, mais compte tenu du fait qu'il serait condamnable qu'un médecin qui aurait dans sa patientèle une proportion importante de bénéficiaires de la CMU ou de l'AME se voie accuser de discrimination sur la base d'un testing fait dans telles ou telles conditions.
Au cours des auditions – je pense notamment aux expériences rapportées par M. Christian Saout, président du collectif interassociatif des usagers du système de santé – une préoccupation est apparue : très peu de plaintes sont déposées. L'assurance maladie dit transmettre les plaintes à l'ordre professionnel et se plaint de l'inactivité de celui-ci ; le conseil de l'ordre se plaint que les caisses ne lui transmettent rien. Et cette situation perdure. Il faut que, du côté de l'assurance maladie comme du côté de l'ordre, l'esprit de cet article 18 et notre objectif commun, qui est la lutte contre les discriminations, soient bien pris en compte : lorsque les plaintes sont justifiées, elles doivent aboutir à des sanctions.
Cette inversion de la charge de la preuve m'inquiète.
Je voudrais vous faire partager une expérience, vécue comme président d'une commission des affaires sociales lors de l'expérience de la carte « Santé 14 ». De manière régulière, il y a maintenant sept ans, nous réunissions l'ensemble des professionnels pour étudier tous les cas hors normes ou problématiques. Il est vrai que c'était en Normandie, un pays de tolérance !
Il n'empêche que, globalement, nous avions à peu près 5 % de comportements anormaux. Vous nous dites vous aussi, madame la ministre, que dans l'ensemble, on sait que 5 % des praticiens ont un taux anormal de patients relevant de la CMU ou de la CMUC.
Mais lorsque nous allions plus loin, nous tombions très rapidement à un taux de comportements anormaux – des médecins comme des patients – inférieur à 1 %. Cela veut dire que si nos discussions se fondent sur un principe légitime, qui est la lutte contre toutes les discriminations, elles n'en concernent pas moins des situations marginales.
Peut-être vais-je vous paraître corporatiste, mais j'ai le souvenir d'avoir entendu des praticiens dont je connais l'honnêteté et la loyauté décrire les pressions phénoménales dont ils étaient l'objet de la part de patients qui, sous prétexte qu'ils avaient un droit, devenaient absolument insupportables.
Il faut donc trouver un équilibre, et inverser la charge de la preuve aux dépens du médecin n'est pas acceptable.
Ne perdons pas de vue cette idée : pour régler un problème insupportable, mais marginal, il ne faudrait pas envoyer le balancier trop loin dans l'autre sens.
J'ai souligné, dans la discussion liminaire sur l'article 18, combien cet alinéa 3 est important. Il faut, je crois, conserver l'inversion de la charge de la preuve : l'amendement du rapporteur ne nous paraît donc pas acceptable.
Comme le disait à l'instant M. Leteurtre, nous raisonnons sur quelques cas de médecins ou de dentistes qui ne font pas leur travail et refusent les patients relevant de la couverture maladie universelle. Mais il ne faut pas renverser l'accusation : maintenant, on nous parle de ces salauds de pauvres qui viennent embêter les médecins ! C'est tout de même un peu curieux.
Les médecins, eux, n'auraient pas de problèmes avec l'accès aux soins ; ce sont maintenant les pauvres qui posent problème…
Vous aurez bien sûr raison, mon cher collègue, pour telle ou telle situation particulière. Il peut bien entendu y avoir des patients comme ceux que vous décrivez ! Mais l'article 18 n'est pas là pour régler cette question : il est là pour permettre à chacun d'accéder aux soins, et notamment aux bénéficiaires de la CMU ou de la CMUC. Les études réalisées sous la responsabilité des services ministériels montrent que la discrimination est une réalité objective. Ce n'est pas une discussion de salon : les statistiques sont connues.
Imaginons néanmoins que des abus tels ceux que vous dénoncez se produisent, et que des bénéficiaires de la CMU tentent de prouver qu'un médecin est un mauvais médecin, qui ne les accepte pas. De toute façon, le directeur de l'assurance maladie va commencer par regarder la physionomie de la patientèle et il verra rapidement si, oui ou non, ce médecin reçoit régulièrement à son cabinet des bénéficiaires de la couverture maladie universelle. Et dès lors que sa patientèle correspond à peu près à la moyenne, il n'y aura pas de suites. Il n'y a donc pas de raison de s'écarter de l'esprit initial de l'article 18.
Enfin, je veux dire que, pour nous, la pratique du testing, que propose Mme la ministre, n'est pas inintéressante. Nous sommes donc favorables aux sous-amendements du Gouvernement.
Je voudrais apaiser M. Leteurtre en convenant avec lui qu'un malade – qu'il soit d'ailleurs bénéficiaire de la CMU ou qu'il dispose de revenus élevés – peut présenter à un professionnel de santé des demandes exorbitantes, se comporter de façon inadaptée ou injurieuse, voire perturber profondément l'exercice professionnel.
Le texte de l'article 18 ne déroge en rien au principe selon lequel tout professionnel peut refuser les soins, en se fondant « sur une exigence personnelle ou professionnelle essentielle et déterminante de la qualité, de la sécurité ou de l'efficacité des soins ». Et dans la procédure contradictoire, il sera facile au professionnel de santé de montrer, par exemple, que la personne ne s'est pas présentée de façon systématique à ses rendez-vous ou que son comportement a été perturbateur.
Je veux redire que, bien entendu, le principe énoncé à l'alinéa premier ne fait pas obstacle à ce qui est une condition fondamentale de l'exercice et de la liberté du professionnel de santé. Je veux être tout à fait claire sur ce point.
L'accord est, je crois, unanime sur tous les bancs : pour différentes raisons, le refus de soins est inacceptable et nous l'avons peut-être trop longtemps toléré. Le moment est venu d'y mettre clairement un terme.
Néanmoins, pour beaucoup d'entre nous, inverser la charge de la preuve au détriment des professions de santé semble difficilement acceptable.
Ce n'est pas à leur détriment !
La proposition du rapporteur de remplacer cette procédure par une conciliation associant l'ordre et la caisse primaire, qui permettra de clarifier la situation et de mettre les faits en évidence, me paraît une bonne solution. Mais, par ailleurs, je crois qu'il faut que puissent se pratiquer des tests aléatoires. Il faut donc que nous arrivions à combiner la proposition du rapporteur – qui témoigne de notre respect envers les professionnels de santé, lesquels, dans une large majorité, respectent les règles déontologiques –…
…avec notre souhait que les plaintes des patients puissent être enregistrées, instruites et vérifiées par le testing.
Je propose donc que notre porte-parole demande une suspension de séance afin que nous puissions trouver un arrangement satisfaisant.
Ce débat est très intéressant. Pour ma part, j'avoue que je me retrouve tout à fait dans la dernière intervention de Mme la ministre, parce que des patients insupportables, il en existe dans tous les milieux sociaux, à tous les niveaux de revenus…
…et sur l'ensemble du territoire. C'est une question de comportement individuel ; or la loi n'a pas pour objectif de gérer les cas individuels.
M. Bur s'interroge sur une inversion de la charge de la preuve qui se ferait au détriment des professionnels de santé. Mais tous les professionnels de santé ne sont pas concernés. Aujourd'hui, dans le code du travail, la charge de la preuve a été inversée pour les cas de discrimination, conformément aux directives européennes, tout comme l'utilisation du testing est possible pour démontrer une discrimination en matière d'accès au logement. C'est l'introduction de ces procédures de testing qui a permis de prouver l'existence de discriminations et d'engager des actions en justice. Certes, les domaines ne sont pas exactement comparables mais, de même qu'il est très difficile de prouver la discrimination pour l'accès au logement, il est très difficile de la démontrer dans le cas d'un refus de soins.
Je ne crois pas que le fait d'utiliser, pour vérifier l'égalité de l'accès aux soins, une procédure déjà appliquée en droit du travail ou en matière de logement serait préjudiciable aux professionnels de santé. Quand on a introduit le testing dans ces deux domaines, on n'a mis en cause ni l'ensemble des dirigeants d'entreprise ni l'ensemble des propriétaires. En permettant de poursuivre des comportements individuels minoritaires, aucun d'entre nous – puisque nous avons tous voté ces dispositions – n'a pensé semer le doute sur toute une catégorie professionnelle.
Je ne comprends donc pas le réflexe un peu corporatiste qui s'oppose à une telle mesure au motif qu'elle reviendrait à jeter le soupçon sur l'ensemble des professionnels de santé. Au contraire, c'est en inversant la charge de la preuve et en autorisant le testing que l'on fera cesser la suspicion que tous les professionnels de santé pourraient user de pratiques discriminatoires.
Je crois donc qu'il faut suivre, une fois n'est pas coutume, les propositions de Mme la ministre, parce que c'est la meilleure manière d'établir un équilibre et de garantir la confiance des patients envers les professionnels de santé.
Monsieur le président, je pense qu'il serait souhaitable d'améliorer la rédaction des deux sous-amendements pour essayer de concilier l'avantage de l'un et l'avantage de l'autre. Pour cette raison, je demande une suspension de séance.
Monsieur le président, j'aimerais dire un mot, qui rendra peut-être la suspension inutile.
En écoutant les débats, je repensais à cette phrase du banquier Laffitte : « Un idiot pauvre est un idiot, mais un idiot riche est un riche. »
Quand un patient a des relations difficiles avec son praticien, s'il est riche, c'est parce que cela se passe mal, s'il est pauvre, c'est parce qu'il est pauvre.
Le testing est une procédure extrêmement utile qui, je le répète, protégera les praticiens.
En revanche, je suis assez sensible à l'argument de complexité du dispositif que je préconise dans mon sous-amendement n° 2011 .
En effet, j'ai mis deux systèmes en parallèle, avec la caisse d'assurance maladie et avec les instances ordinales, en y ajoutant un pont entre les deux. Je me range donc à votre avis, monsieur le rapporteur, et je vous propose, pour la procédure de conciliation sur laquelle nous sommes tous d'accord, de mettre d'emblée les deux instances dans le film. Ce sera plus simple que le petit vapocraqueur que j'avais monté ! (Sourires.) En clair, je vous invite à voter le sous-amendement n° 2010 et je retire, pour simplifier les choses, le sous-amendement n° 2011 .
Je suis saisi d'un amendement n° 413 rectifié .
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement, adopté par la commission, a pour objet de réaffirmer les règles déontologiques relatives à la continuité des soins en leur donnant une portée législative. Il élargit également à toutes les professions de santé les règles déontologiques prévues notamment pour les médecins et les chirurgiens dentistes, ce qui est essentiel.
(L'amendement n° 413 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Ils sont en effet tombés du fait de l'adoption de l'amendement n° 412 .
Défendu.
(L'amendement n° 578 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Vous le savez, madame la ministre, nous sommes extrêmement critiques vis-à-vis des dépassements d'honoraires, et la tentative de ces derniers mois non d'y mettre fin mais de les limiter, en particulier en ayant recours à la notion de « tact et mesure » ne nous satisfait guère. Il nous semble infiniment préférable de fixer un plafond au-dessus duquel ils pourraient être sanctionnés.
L'article 18, qui concerne les discriminations, notamment sociales, pourrait être l'occasion d'attaquer enfin, de façon volontaire, précise et rigoureuse, ces dépassements d'honoraires qui sont une des plaies du système de santé. Vous l'avez vous-même reconnu à de nombreuses reprises, mais vous y répondez d'une façon trop générale qui nous paraît vraiment très insuffisante. L'instauration d'un plafond serait sans doute un outil efficace pour limiter les dépassements d'honoraires.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 1281 .
Je vous ai déjà fait part de notre préoccupation en la matière. J'ajouterai simplement, madame la ministre, que la formule « tact et mesure » a montré ses limites. Elle est trop floue, et la multiplication des dépassements d'honoraires, en nombre et en volume, nécessite que nous nous attaquions sérieusement au problème.
Nous pensons qu'il est de notre devoir de fixer un cadre, une limite. Nous proposons que le dépassement autorisé ne puisse pas excéder le double du tarif remboursable, mais un autre plafond peut être envisagé, par exemple le triple – on peut en discuter.
La commission les a rejetés l'un et l'autre. Chiffrer le tact et la mesure en fixant des plafonds par arrêté paraît techniquement très difficile. Quant à supprimer toute possibilité de dépassement, cela ne paraît pas raisonnable.
D'ailleurs, les députés savent, puisqu'ils ont voté la loi de financement pour 2008, que, depuis le décret du 31 décembre 2008, s'applique une nouvelle procédure d'encadrement des dépassements d'honoraires. Deux mois après sa mise en oeuvre, il me semble bon de lui laisser le temps de faire ses preuves.
Pour évaluer le tact et la mesure, la tentation est grande de fixer des tarifs par prestation ou encore d'imaginer un taux ou un coefficient multiplicateur. Mais j'appelle votre attention sur la difficulté de mettre en oeuvre une double cotation, et surtout sur les effets pervers de ce mécanisme qui calera systématiquement les dépassements au plafond.
Le tact et la mesure devraient au contraire s'apprécier patient par patient, en distinguant la situation de celui qui perçoit l'équivalent du SMIC et de celui qui dispose de quelques moyens financiers. C'est d'ailleurs ainsi que procèdent – fort heureusement – de nombreux praticiens. J'y insiste : la double cotation risque d'avoir sur le système un effet délétère, absolument contraire à celui que recherche Mme Fraysse.
Nous nous heurtons au problème du langage législatif. Ce que je sais du droit m'a appris que cette discipline exigeait des termes précis et justes. Or, si celui de « mesure » peut encore être compris, j'avoue ma difficulté à saisir celui de « tact », qui s'accorde si mal avec la notion de financement.
Nous avons tous en tête certains exemples de termes imprécis en matière législative. Un texte récent a évoqué les « offres raisonnables d'emploi », ce qui peut s'entendre très différemment pour l'employeur ou l'employé.
Et que dire de l'expression « gérer en bon père de famille » ? Les pères sont parfois défaillants et ne sont pas toujours bons.
Quoi qu'il en soit, les termes « tact et mesure » me semblent indignes du langage législatif. Deux critères de base peuvent servir à les encadrer : les revenus du patient et la capacité, sinon la notoriété du praticien. Il est dommage de ne pas avoir réfléchi plus tôt à ce sujet fondamental.
Il importe en effet de fixer des limites, car le problème des dépassements entache la profession médicale. Quand nous apprenons que tel confrère a pratiqué des tarifs sans tact ni mesure, nous sommes tous extrêmement choqués par ce que nous considérons comme une offense à la profession. J'appelle tous nos collègues, médecins ou non, à exprimer leur volonté de mettre en place un encadrement et à réfléchir aux moyens d'y parvenir.
Mme Delaunay s'est exprimée avec coeur dans un langage poétique. Je reviendrai pour ma part à des considérations plus prosaïques.
Il ressort d'un rapport récent de l'IGAS sur l'activité libérale des praticiens hospitaliers que 311 millions d'euros d'honoraires et de dépassements ont été perçus en 2007 à l'hôpital, et plus de 2 milliards d'euros en activité libérale. Pour les praticiens de secteur 2 qui exercent à Paris, le taux de dépassement est de 400 %, et leur fréquence moyenne est de 99,4 %. Bien peu de leurs patients doivent bénéficier de la CMU complémentaire ! En pathologie cardiovasculaire, on relève 83 000 euros en secteur 2 et autant en secteur 1, et en chirurgie 592 000 euros en secteur 1 et 73 000 euros en secteur 2. Vous voyez qu'il ne s'agit pas de poésie, mais bien d'espèces sonnantes et trébuchantes.
Madame la ministre, si tact et mesure sont ainsi dévoyés, pourquoi ne pas demander au Conseil de l'ordre, gardien de la déontologie, de fixer ce plafond que nous vous proposons de préciser par décret ? Il vous répondra en son âme et conscience.
Il sera sûrement d'accord pour mettre tout le monde au taquet !
Par ailleurs, vous aurez bientôt à déterminer le plafond de dépassement d'honoraires du secteur optionnel, que vous souhaitez mettre en place. Comment pouvez-vous nous répondre qu'il est impossible de le fixer dans le cas présent, alors que vous envisagez de le faire pour un autre secteur ?
Je souscris aux propos de Mme Delaunay et de M. Bapt. Il était important de citer ces chiffres pour que chacun prenne la mesure…
Je récuse ces deux termes. « Tact et mesure » ne signifient plus rien au regard des chiffres qui viennent d'être rappelés. Je ne nie pas que notre proposition, qui est loin d'être parfaite, puisse avoir des effets pervers, mais ceux-ci ne sont rien au regard de la situation actuelle. Si quelqu'un veut formuler une meilleure proposition, je suis prête à y souscrire. Mais maintenir le statu quo serait vraiment irresponsable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
(L'amendement n° 1349 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n° 1281 .)
Je suis saisi d'un amendement n° 50 .
La parole est à Mme Valérie Rosso-Debord.
Cet amendement tend à prévoir un avis conforme pour le prononcé de la sanction. Afin de rendre crédible le rôle des commissions, il est indispensable que le directeur de la caisse soit obligé de suivre leur avis, d'autant qu'elles sont paritaires.
Le texte prévoit de demander un avis, mais c'est aller trop loin que d'exiger qu'il soit conforme.
(L'amendement n° 50 n'est pas adopté.)
Cet amendement, adopté par la commission, vise à supprimer la possibilité de publier dans la presse les sanctions infligées aux praticiens par les directeurs de la caisse, au motif que le préjudice ainsi causé paraît disproportionné. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.) Rien n'empêche cependant l'affichage dans les locaux de la caisse.
La parole est à Mme Valérie Rosso-Debord, pour soutenir l'amendement n° 52 .
La parole est à M. Jean-Marc Lefranc, pour soutenir l'amendement n° 1384 .
Si cette publication devait être systématique, je n'y serais pas favorable, mais elle peut sans doute être un élément de sanction. La rédaction des amendements mérite donc d'être affinée. La publication des sanctions pourrait constituer une solution ultime en cas de comportement profondément déficient.
Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée. Peut-être le rapporteur a-t-il une proposition à nous faire. Mais je ne suis pas sûre qu'il soit encore possible de proposer un sous-amendement.
Si, encore faut-il que ce sous-amendement soit rédigé et présentable.nComment nous tirerons-nous de cet embarras, monsieur le rapporteur ?
Compte tenu de la médiocrité des relations entre les médecins et les caisses,…
… je maintiens mon désir de ne pas autoriser systématiquement la publication dans la presse des sanctions infligées aux praticiens par les directeurs de caisse.
Je suis assez surpris de cet amendement et des considérants qui l'accompagnent. En restreignant, chaque fois que c'est possible, la portée de l'article 18, le rapporteur et une partie de la majorité tendent à faire perdre à cet outil de lutte contre les discriminations l'essentiel de sa force. Je ne sais pas quel est le but recherché, mais je croyais que l'honneur du législateur, dans une loi importante comme celle-ci, était de redresser les déséquilibres entre le fort et le faible. Des sanctions prises en catimini, dont la publication doit être la plus minimaliste possible, cela ne me paraît pas très glorieux.
Quant aux derniers considérants du rapporteur, je les ai trouvés stupéfiants. Nous écrivons la loi de la République, et je ne suis pas sûr qu'il faille perpétuer des rapports qui ont pu être difficiles par le passé entre telle et telle composante du système de santé. Accréditer l'idée que ces relations doivent être forcément difficiles et que les caisses sont incapables, en matière de discriminations, de faire prévaloir l'intérêt général et d'appliquer le droit, me semble assez inquiétant. Je sens comme un parfum de corporatisme planer sur l'hémicycle ce soir.
Je porte un regard extérieur sur les deux points de vue et j'essaie de trouver un compromis. À l'alinéa 17 : « Les sanctions prononcées en vertu du présent article font l'objet d'un affichage au sein des locaux de l'organisme local d'assurance maladie et peuvent être rendues publiques », je propose d'ajouter « en cas de récidive ».
Je suis favorable à cette proposition.
Je propose un sous-amendement qui se lirait comme suit : « À l'alinéa 17, après le mot « publiques », insérer les mots : « en cas de récidive ».
Sans doute. Sauf qu'il s'agit en réalité, messieurs les rapporteurs, d'un nouvel amendement concurrent de ceux dont nous discutons.
Je crois qu'elle s'impose en effet pour finaliser la rédaction de ce nouvel amendement.
Article 18
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue le jeudi 5 mars 2009 à zéro heure vingt, est reprise à zéro heure quarante.)
La première phrase de l'alinéa 17 est ainsi rédigée dans le texte initial : « Les sanctions prononcées en vertu du présent article font l'objet d'un affichage… ». L'amendement vise à substituer au mot : « font », les mots : « peuvent faire ».
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 2059 .
J'en ai expliqué la teneur avant la suspension de séance. L'amendement prévoit que les sanctions ne peuvent être rendues publiques qu'« en cas de récidive ». À tout péché, miséricorde ! Et la première sanction serait considérée comme un rappel à l'ordre.
En conséquence, monsieur le rapporteur, maintenez-vous l'amendement n° 1946 ?
Monsieur le président, peut-il être fait une lecture du texte qui résulterait de l'adoption des deux amendements ? Les mains qui se lèveront le feront alors en toute connaissance de cause.
Si les deux amendements étaient votés, le début de l'alinéa 17 serait ainsi rédigé : « Les sanctions prononcées en vertu du présent article peuvent faire l'objet d'un affichage au sein des locaux de l'organisme local d'assurance maladie et peuvent être rendues publiques, en cas de récidive, dans les publications, journaux ou supports désignés par le directeur… », le reste sans changement.
Avis favorable.
L'amendement n° 2060 ne me choque pas car la première infraction justifie, en effet, une sanction valant rappel à l'ordre et, en cas de récidive, il y aurait en outre publication, ce qui alourdirait considérablement la sanction. C'est un bon équilibre.
Par contre, il n'avait pas été question, avant la suspension de séance, de l'amendement n° 2060 , qui rendrait facultatif l'affichage de la sanction dans les locaux de l'organisme local d'assurance maladie. Il n'y aurait donc plus d'automaticité de l'affichage, même en cas de récidive. C'est un peu bizarre puisque la récidive pourrait aboutir à une publication de la sanction dans la presse, mais pas dans les locaux.
(Les amendements n°s 2060 et 2059 , successivement mis aux voix, sont adoptés.)
, rapporteur. Si vous le permettez, monsieur le président, je laisserai à M. Préel le soin de le présenter.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a renforcé les sanctions en cas d'abus et de fraudes à l'assurance maladie, en élargissant le périmètre des fraudes concernées. Le présent projet de loi prévoit de renforcer la lutte contre la restriction de l'accès aux soins, en envisageant des sanctions à l'égard des professionnels en cas de refus ou discrimination dans l'accès aux soins. Les assurances complémentaires doivent pouvoir être informées des sanctions prononcées par l'assurance maladie obligatoire, en cas de restriction de l'accès aux soins, notamment de dépassements abusifs. Tel est l'objet de cet amendement, accepté par la commission.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 220 .
Par une sorte d'ironie du sort, nous venons de voter un amendement qui va exactement dans le même sens que celui-ci : la communication, le caractère transversal, la transparence. Cet amendement me paraît important, et je vous demande de l'accepter.
Ils sont quasi identiques. À l'initiative de M. Préel, la commission des affaires sociales a adopté l'amendement n° 418 qui prévoit l'information obligatoire des organismes complémentaires d'assurance maladie au sujet des sanctions prononcées par les caisses. En effet, ces sanctions peuvent porter notamment sur des dépassements d'honoraires excédant le tact et la mesure, ce qui a un impact sur l'activité des complémentaires. La commission saisie pour avis a adopté un amendement n° 220 qui a exactement le même objet, et qui est donc satisfait.
Dans l'amendement de M. Flajolet, je relève un membre de phrase très significatif qui se rapporte à l'organisme d'assurance maladie complémentaire : « lorsqu'il peut être identifié ». Tout le problème est là : dans les caisses d'assurance maladie, on ne connaît pas les organismes complémentaires ; on ne sait pas à quel organisme est rattaché un assuré.
Il n'y a en effet aucune raison que les assurés transmettent l'identité de leur complémentaire à la caisse d'assurance maladie dont ils relèvent : il faudrait qu'une disposition législative le prévoie.
Deuxième complexité : l'obligation de transmission de l'information sur les sanctions infligées à un praticien peut concerner plusieurs dizaines d'organismes que ne connaissent pas les agences. Une telle mesure obligerait les agents à effectuer un travail de fourmi, au détriment de l'information des usagers et de la liquidation des prestations.
Je me permets de dire aux auteurs des amendements qu'il s'agit d'une idée inapplicable, ou alors génératrice d'un surcroît de travail dont je doute de l'intérêt. Je leur suggère donc de les retirer.
Cela me paraît raisonnable. Que décidez-vous, messieurs les rapporteurs ?
Cet amendement a pour objet de donner aux associations agréées le droit d'agir au nom et pour le compte des personnes lésées par un professionnel de santé. Dans une récente enquête, il apparaît que deux Français sur cinq ont déjà retardé des soins ou y ont renoncé en raison de leur coût. Il convient donc de mieux prévenir les obstacles liés aux dépassements d'honoraires abusifs ou illégaux, et d'aider les patients à surmonter la difficulté d'effectuer cette démarche à l'encontre d'un praticien indélicat. C'est un souhait du Collectif interassociatif sur la santé.
Madame la ministre, je vous avais interrogée sur ce point particulier lors de votre audition par la commission des affaires sociales, avant l'examen du texte. Vous m'aviez expliqué que les associations pouvaient déjà agir pour le compte et au nom des personnes lésées. M. Christian Saout, le président du CISS, m'a assuré qu'il n'en était rien, ce qui poussait l'association à réclamer cette mesure.
La commission a rejeté cet amendement pour diverses raisons. Que les associations soutiennent les patients, oui. Qu'elles les remplacent, non. Nous risquerions de créer une inégalité de moyens entre une association disposant d'un service juridique et un praticien libéral seul.
En outre, si cet amendement était adopté, nous aurions systématiquement des contentieux, et ce n'est pas le but.
Je vais vous donner, monsieur Bapt, les références juridiques sur lesquelles je m'appuie et je les transmettrai aussi à Christian Saout, le président du CISS.
D'ores et déjà, les associations agréées pour la défense du droit des usagers sont habilitées à intervenir devant les organismes de sécurité sociale et les ordres. En effet, le décret du 27 mars 2007 a instauré la possibilité pour les associations de patients de saisir directement les conseils départementaux des ordres d'une réclamation, en cas de manquement déontologique, et notamment de refus de soins.
En outre, les associations, notamment celles qui défendent l'accès aux soins, peuvent alerter les organismes locaux d'assurance maladie sur les situations de refus de soins portées à leur connaissance ou qu'elles constatent. D'ailleurs, cette possibilité a été très clairement rappelée dans la circulaire de la CNAMTS du 30 juin 2008, relative à la prise en charge des réclamations et des plaintes formulées par les bénéficiaires de la CMU ou par les professionnels de santé. Cela peut être très utile pour faire connaître des agissements contraires au droit ou signaler des abus.
Les suites données à ces signalements sont exactement les mêmes, qu'ils aient été faits par une association ou par un assuré puisque, in fine, c'est la preuve apportée à l'encontre du praticien ou de l'employeur qui compte. C'est à la condition que cette preuve soit suffisante que le directeur de la CPAM engage les poursuites.
Voilà les précisions que je pouvais vous apporter sur les textes réglementaires en vigueur. Peut-être avez-vous interrogé le président Saout il y a un moment. Ses affirmations sont-elles récentes ?
J'enverrai donc directement à M. Saout, par courrier, les références de ces textes.
Nous remarquons que Mme la ministre et M. le rapporteur défendent des positions différentes. Selon M. Rolland, les associations ne doivent pas être comprises dans le dispositif, ni placées en situation d'aider les patients ou d'alerter les caisses d'assurance maladie d'éventuels refus de soins. Vous soutenez en revanche, madame la ministre, qu'elles en ont d'ores et déjà les moyens. Cependant, attention aux mots ! C'est une chose d'alerter les caisses de ce qui se passe sur le terrain ; c'en est une autre d'avoir le droit de déposer un recours au nom et pour le compte des usagers. Les mesures prévues dans notre amendement permettraient aux associations de se substituer aux patients victimes d'un refus de soins.
Croyez-vous, madame la ministre, qu'un bénéficiaire de la CMU aille si bien dans sa vie qu'en cas de refus de soins, il coure s'adresser tout seul à une institution pour attaquer son médecin – ou son ancien médecin qu'il a été obligé de quitter ? Êtes-vous sûre que ce sera sa première démarche ? Pensez-vous qu'une personne arrivant sur notre territoire, bénéficiant de l'aide médicale d'État et ne maîtrisant pas forcément le français, aura le réflexe de se présenter devant une caisse d'assurance maladie ou un ordre professionnel pour dénoncer un refus de soins ?
Vous devez prendre conscience qu'il est important que les associations d'usagers puissent intervenir elles-mêmes devant un ordre professionnel ou une caisse d'assurance maladie pour dénoncer d'éventuels refus de soins. Il ne s'agit pas de créer des contentieux pour le plaisir, mais de faire en sorte que les associations aient les mêmes capacités que les assurés, afin qu'elles puissent représenter un étranger qui ne parle pas bien le français, par exemple.
(L'amendement n° 1350 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 1282 .
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
Sauf erreur de ma part, l'alinéa 20 de cet article supprime les sanctions prévues en cas de non-respect du devoir d'information du médecin envers les patients. L'amendement n° 1282 vise à revenir sur cette suppression que je ne comprends pas et qui me surprend. Pouvez-vous m'éclairer ?
La disposition visée de l'article L.1111-3 du code de la santé publique charge en effet les directeurs de caisse d'infliger une sanction financière aux professionnels qui ne remettent pas à leurs patients une information écrite préalable pour tout acte dont le tarif excède 70 euros, Mais j'espère rassurer Mme Fraysse : si l'alinéa 20 tend à supprimer cette disposition, c'est parce qu'elle est reprise dans les alinéas 8 et 12 de l'article 19 du projet de loi. Je viens de le vérifier.
Il est défendu.
(L'amendement n° 1283 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 2061 .
La parole est à M. Christian Paul.
C'est un amendement très mesuré et très symbolique, que nous avons déposé après la suspension de séance parce que vous nous avez inquiétés, madame la ministre. Peut-être allez-vous nous rassurer. En tout cas, nous ne le sommes toujours pas sur votre volonté d'affronter de façon « virile », selon votre propre expression, les dépassements d'honoraires. C'est un sujet dont vous parlez beaucoup depuis des mois. Dans la vie politique, il se présente des occasions de passer des discours aux actes. Sur un sujet comme les dépassements d'honoraires, un ministre de la santé peut le faire au moment du PLFSS…
…ou à l'occasion de l'examen de ce qui sera probablement la seule loi concernant la santé au cours de cette législature. À moins qu'il n'y en ait une autre…
Vos arguments sur l'appel au tact et à la mesure ont été magnifiquement démontés par Michèle Delaunay. Les dépassements d'honoraires sont un fléau de notre système de santé, un cancer qui le ronge, oserai-je dire. Ils causent à des millions de Français des difficultés insurmontables pour mobiliser des économies, parfois dans l'urgence, afin d'être correctement soignés. Dans certains départements, ils conduisent à une forme presque inversée du désert médical : les spécialistes de certaines disciplines n'existent que dans le secteur 2 ; une clientèle captive doit ainsi passer sous les fourches caudines de professionnels qui pratiquent parfois des dépassements totalement indécents. Il s'agit donc de l'un des principaux obstacles sociaux et financiers à l'accès aux soins.
Vous avez maintenu la référence au tact et à la mesure ; vous avez refusé de plafonner les dépassements d'honoraires. Notre groupe qui, je l'espère, sera rejoint par d'autres, vous propose donc un acte certes radical, mais de courage : la suppression du secteur 2.
J'entends s'étrangler M. Bur, M. Domergue et d'autres défenseurs zélés des corporatismes (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP), mais le sujet mérite mieux que des exclamations.
Nous vous donnons l'occasion, madame la ministre, de préciser vos intentions ; si elles sont claires, si votre détermination est visible, nous pourrions retirer l'amendement. Quelle est votre stratégie dans ce combat résolu et viril que vous nous avez annoncé, s'agissant du secteur 2 ?
À titre personnel, je suis défavorable à cet amendement, pour au moins quatre raisons : nous avons déjà rejeté un amendement tendant à supprimer le secteur 2 ; la rédaction est vraiment excessive ; sous l'aspect juridique, je ne suis pas sûr que l'encadrement strict du dépassement d'honoraires supporte le moindre contentieux ; enfin et surtout, un dispositif d'encadrement a été voté avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, dispositif selon lequel les dépassements doivent être pratiqués « avec tact et mesure », et le décret d'application a été publié le 31 décembre 2008.
L'amendement présenté par Christian Paul au nom du groupe SRC me donne l'occasion de faire le point sur ma politique d'encadrement des dépassements d'honoraires.
N'interrompez pas la ministre à un moment aussi crucial, mon cher collègue ! (Sourires.)
Merci, monsieur Mallot, d'assurer une vice-présidence active de notre séance ; le président Le Fur vous en saura gré ! (Sourires.)
Je mène une politique de transparence pour lutter contre les dépassements abusifs. Des mesures ont été prises pour cela. S'agissant d'abord de la transparence des tarifs, un décret, qui sera publié très prochainement s'il ne l'est déjà, rappelle et précise les modalités d'affichage des tarifs en salle d'attente et les sanctions administratives applicables en cas de non-respect de cette obligation. Aux termes de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, c'est la direction de la concurrence qui vérifie le respect de cette obligation.
Par ailleurs, depuis le 1er février dernier, une information écrite doit être systématiquement remise au patient avant la réalisation de tout acte faisant l'objet d'un dépassement d'honoraires, si la facture totale dépasse 70 euros.
J'en profite pour dissiper un malentendu : le seuil de 70 euros s'applique à l'acte dans son ensemble – dépassements inclus – ou à celui réalisé lors d'une consultation ultérieure, et non, comme on le croit parfois, aux dépassements eux-mêmes. Le non-respect de cette obligation est sanctionné par des pénalités financières infligées par le directeur de la CPAM. Quant au principe de « tact et mesure », le décret paru le 31 décembre 2008, en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, en définit l'appréciation via cinq critères issus de la jurisprudence : la notoriété, la fortune du patient, la technicité de l'acte, le service rendu et la moyenne des autres praticiens.
L'article 18, qui complète le dispositif, reprend les pénalités pour les dépassements contraires au tact et à la mesure et pour les défauts d'information écrite préalable ; il prévoit en outre de pénaliser les dépassements non conformes à la convention ou illégaux, notamment ceux facturés aux bénéficiaires de la CMUC.
D'autres actions, complémentaires de celles-ci, ne relèvent pas de la loi. J'ai ainsi demandé à l'UNCAM de mener une action d'information envers les assurés, afin de leur rappeler les principes de tarification et leur droit de recours envers les médecins qui leur semblent avoir pratiqué des dépassements irréguliers ou contraires au tact et à la mesure. L'ordre des médecins s'est également saisi du problème et a rappelé aux praticiens leurs obligations déontologiques, notamment l'accueil des patients bénéficiaires de la CMU et le respect du principe de « tact et mesure » ; comme certains d'entre vous l'ont souligné, une telle démarche n'était sans doute pas inutile.
Rappelons enfin l'existence du dispositif « Infosoins » et son extension : grâce au site Internet « ameli.fr » ou sur simple appel téléphonique, l'assuré peut prendre connaissance du secteur conventionnel et des tarifs des professionnels. Je me suis moi-même rendue dans une caisse primaire pour vérifier le bon fonctionnement du service rendu aux malades, lesquels peuvent ainsi recevoir des conseils, choisir le médecin pratiquant des tarifs opposables le plus proche de leur domicile ou avoir des informations sur la nature des dépassements d'honoraires et leur montant ; bref, ils peuvent se diriger vers un professionnel en toute connaissance de cause. On sait bien qu'un malade, parfois affaibli, n'est hélas pas en position d'égalité avec le praticien : avant de rencontrer ce dernier, de telles informations lui sont donc utiles.
Le secteur optionnel, dont la création fait actuellement l'objet de négociations, permettra aux patients d'accéder à des soins sans reste à charge – grâce au concours des complémentaires – puisque les praticiens de ce secteur devront offrir un certain pourcentage d'actes à tarifs opposables.
Voilà pourquoi je ne suis pas favorable à l'amendement.
Je veux m'arrêter un instant sur l'expression de « tact et mesure », qui n'a aucun sens, notamment à l'heure de la crise sociale et économique que nous connaissons : dans certaines zones, des praticiens de la même spécialité sont tous en secteur 2 ; quand bien même ils affichent leurs tarifs et produisent un devis, comment demander à un bénéficiaire de l'allocation pour adulte handicapé ou à un retraité percevant le minimum vieillesse…
Non, pas forcément : vous êtes bien loin de la réalité que vivent nos concitoyens !
Comment, disais-je, demander un dépassement ne serait-ce que de 10 euros à une personne vivant avec 800 euros par mois ? Où est le tact, où est la mesure ? Vous parlez d'obligation d'affichage ; cela fait joli sur le mur, certes, mais il n'y a pas d'encadrement ! Tant que, sur des territoires entiers, les dépassements d'honoraires resteront la règle dans de nombreuses spécialités, y compris à l'hôpital public – j'en veux pour preuve le rapport de l'IGAS, que vous ne pouvez ignorer, publié au mois de janvier dernier –, le principe de « tact et mesure » n'aura aucun sens, ni dans la loi, ni dans les décrets ; il laisse en effet beaucoup de nos concitoyens en marge du système de soins. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
(L'amendement n° 2061 n'est pas adopté.)
(L'article 18, amendé, est adopté.)
Prochaine séance, ce matin, jeudi 5 mars, à neuf heures trente :
Suite du projet de loi portant réforme de l'hôpital.
La séance est levée.
(La séance est levée, le jeudi 5 mars 2009, à une heure dix.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma