L'article 18 du projet de loi dispose qu'« un professionnel de santé ne peut refuser de soigner une personne en raison de ses moeurs, de sa situation de famille, de son handicap ou de son état de santé, de son origine ou de son appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». Nous sommes nombreux à être très choqués par l'utilisation du mot « race » dans cet article. Les membres du groupe socialiste sont, je le rappelle, signataires d'une proposition de loi constitutionnelle – qui n'a malheureusement pas été retenue lors de la révision constitutionnelle de juillet dernier –, qui avait pour objet de supprimer le mot « race » de l'article 1er de la Constitution.
L'application de ce terme à l'espèce humaine nous paraît non seulement inappropriée, mais également choquante et dangereuse. Le mot « race », utilisé pour désigner des différences entre des groupes humains, se base sur des caractères apparents, le plus souvent immédiatement visibles, tels que la couleur de la peau ou la forme du visage, auxquels peuvent s'ajouter les vêtements portés, les moeurs, la culture, le niveau social, la lignée généalogique, bref, tout ce qui peut différencier les hommes entre eux.
Tous les scientifiques s'accordent à reconnaître que le concept biologique de race n'est pas pertinent pour l'espèce humaine. Ce terme est dangereux par son indétermination ainsi que par le support idéologique qu'il peut constituer. L'utilisation de ce terme est, en outre, contraire à notre tradition constitutionnelle républicaine, puisque notre pays rejette, depuis 1789, le concept de différence résultant de la naissance ou de la généalogie. L'argument selon lequel la suppression de ce mot risquerait d'entraîner une régression dans la lutte contre les discriminations n'est pas recevable, dans la mesure où il n'existe pas de races humaines distinctes.
Nous avons défendu cette position lors de la révision constitutionnelle et, même si elle n'a pas été retenue à cette occasion, nous estimons nécessaire de nous y référer chaque fois qu'il est proposé de faire figurer le mot « race » dans un texte de loi, en raison des risques de dérive que j'ai évoqués et que nous devons tous combattre.