Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 21 juillet 2009 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • HADOPI
  • artiste
  • culturelle
  • internaute
  • internet
  • judiciaire
  • ordonnance
  • pénale
  • suspension

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet (1841).

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur le président, vous avez en quelque sorte suscité mon rappel au règlement en parlant de procédure accélérée puisque cela perturbe complètement le déroulement de nos travaux. Le Gouvernement confond hâte et précipitation et je vais tout de suite vous donner un exemple qui invalide la poursuite de nos débats. En effet, les documents dont nous sommes saisis ont été mis en ligne après que fut forclose la période relative au dépôt des amendements. Aussi n'avons-nous pas pu déposer des amendements sur la base du texte de la commission.

Monsieur le président, vous qui êtes très méticuleux sur la qualité des rappels au règlement, vous voyez bien que s'il en est un qui est fondé, c'est bien celui-là. Le Gouvernement n'y est pour rien ; c'est plutôt l'activisme de Sa Majesté impériale qui est en cause, Elle qui s'assoit chaque jour davantage sur le règlement de l'Assemblée nationale. Nous ne pouvons donc pas discuter de ce texte dans la mesure où nous n'en avons pas été saisis dans des délais convenables.

Madame la garde des sceaux, vous qui êtes une femme de rigueur, méticuleuse et qui respectez le Parlement,...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

En effet, c'est rare dans ce Gouvernement ; cela dit, on ne peut pas encore évaluer les qualités de M. Mitterrand, tant son entrée au Gouvernement est récente.

..vous ne pouvez pas accepter qu'il soit bafoué à ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Monsieur le président, mon intervention est fondée sur l'article 58-1 de notre règlement.

Je souhaite éclairer la représentation nationale sur les conditions dans lesquelles nous examinons le présent projet de loi.

La commission des affaires culturelles et de l'éducation devait se réunir à neuf heures précises ce matin. Or les deux points qui concernaient l'examen du projet de loi dont nous débattons à partir d'aujourd'hui n'ont pu être examinés. En effet, les membres d'une éventuelle commission mixte paritaire n'ont pu être nommés et la commission, réunie au titre de l'article 88, n'a pas pu examiner les amendements parce que la majorité n'y était pas majoritaire : à neuf heures vingt, la présidente de la commission des affaires culturelles a dû se rendre à l'évidence que l'UMP n'était pas majoritaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Les députés socialistes étaient au nombre de sept – je signale que M. Tardy était présent.

Nous y voyons comme un signe. Nous avons déjà dit que l'examen de ce projet de loi commençait sous de biens mauvais auspices. Du reste, nous l'avions dit également pour HADOPI 1, HADOPI 2 n'étant que la suite.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

En tout cas, nous y avons eu la démonstration flagrante de la faible mobilisation de la majorité sur ce texte.

Le Président de la République a déclaré qu'il irait jusqu'au bout. Mais, visiblement, sa majorité a du mal à suivre.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Monsieur Brard, monsieur Bloche, je souhaite vous apporter quelques éléments de réponse.

Le texte était en ligne jeudi dernier...

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

En effet.

Il était possible de déposer des amendements jusqu'à dix-sept heures, vendredi : 897 amendements ont ainsi été déposés.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et alors ?

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

On ne peut donc pas dire que le dépôt des amendements a été rendu impossible.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La commission se réunira, au titre de l'article 88, aujourd'hui, à quatorze heures. Il n'y a donc pas de problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Nous abordons la discussion du projet de loi.

La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Mesdames, messieurs du groupe UMP, vous avez raison de l'encourager ! Mais ça va être difficile !

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur Brard, rien n'est difficile quand on est convaincu, et vous devriez le savoir !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Vous avez du mal à nous convaincre que vous êtes convaincue !

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi que Frédéric Mitterrand et moi-même avons l'honneur de présenter devant vous aujourd'hui fait suite à la loi du 13 juin 2009, dite loi HADOPI, destinée à protéger la création littéraire et artistique contre le pillage sur internet.

Votée au terme d'un débat approfondi sur lequel il n'est évidemment pas question de revenir,...

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

..la loi HADOPI a été validée dans sa quasi-totalité par le Conseil constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est dans l'adverbe « quasi » qu'on voit la nuance !

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

L'opposition a peur d'écouter ce que j'ai à dire !

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Mais comme les débats sont enregistrés, cela ne me pose aucun problème. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Par ailleurs, il faut un peu de bonne humeur puisqu'il paraît que l'opposition a décidé que l'on y passerait un certain temps. Aucun souci : ce ne sera pas la première fois.

Le Conseil constitutionnel ayant donné une qualification différente de celle qui avait été envisagée à l'origine pour l'accès à internet, nous avons à tirer les conséquences des invalidations des dispositions auxquelles il a procédé.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Tel est le principal objet du texte qui vous est soumis.

Ce projet de loi réaffirme, et c'est un point essentiel, la détermination du Gouvernement de protéger le droit de propriété intellectuelle et artistique. Je pensais que cette finalité pouvait faire l'unanimité sur ces bancs. M. le ministre de la culture, Frédéric Mitterrand, vous précisera tout à l'heure l'ensemble de ces éléments.

Pour répondre aux exigences posées par le Conseil constitutionnel, le projet de loi apporte de nouvelles garanties touchant les sanctions prévues.

Le Conseil constitutionnel indique, dans sa décision du 10 juin 2009, que la liberté d'accéder à internet est une composante essentielle de la liberté d'expression et de communication.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Nous en tirons donc les conséquences.

Première conséquence : cette liberté est naturellement placée sous la protection du juge judiciaire.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Seul le juge pourra suspendre temporairement le droit d'un abonné d'accéder au réseau internet en cas de téléchargements illégaux, au terme d'une procédure de réponse graduée.

La sanction sera proportionnée. Pour ce faire, elle correspondra aux exigences de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme, c'est-à-dire qu'elle sera strictement et évidemment nécessaire.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Mesdames, messieurs les députés, le texte que je vous présente aujourd'hui avec le ministre de la culture a été adopté par le Sénat au terme d'un débat qui a été à la fois courtois, riche et fructueux.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je ne doute pas qu'il en sera de même à l'Assemblée nationale.

Votre commission des affaires culturelles et en particulier son rapporteur Franck Riester ont effectué un travail considérable et de qualité, en proposant des amendements que le Gouvernement retiendra.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je veux souligner d'ailleurs la qualité de vos échanges avec le Sénat et du dialogue entre l'Assemblée nationale et le Gouvernement. Il s'agit d'un bon travail législatif. Les amendements apportés au texte initial peuvent permettre à la fois de mieux concilier la protection des créateurs et la garantie des libertés et de faire gagner le texte en clarté et en intelligibilité.

Pour mieux protéger les oeuvres contre le pillage sur internet, le projet de loi repose essentiellement sur une volonté pédagogique et sur la recherche de l'efficacité de la sanction.

La méthode se veut avant tout pédagogique et préventive.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

C'est pourquoi on distingue deux types de comportements. D'abord, le comportement de celui qui cherche sur internet, sans respecter les droits des créateurs, les éléments qui vont lui permettre de bénéficier de l'oeuvre. Dans ce cas, il s'agit, pour les auteurs de téléchargements illégaux, d'un acte de contrefaçon. Or la contrefaçon est considérée dans notre pays comme un délit. Il s'agit d'une atteinte intentionnelle à la propriété intellectuelle ou artistique sanctionnée par le code de la propriété intellectuelle. Le code prévoit effectivement que le délit de contrefaçon est passible d'une sanction maximale de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende.

Le projet de loi ajoute aux dispositions du code de la propriété intellectuelle la suspension de l'accès à internet pour une durée maximale d'un an. Cette sanction est plus pédagogique à l'égard de ceux qui, dans leur majorité, ont recours à ce type de téléchargement illégal. Cette peine, qui est complémentaire, peut en effet être prononcée à la place de la peine d'emprisonnement, laquelle paraît sans doute excessive et inadaptée.

Permettez-moi de faire un parallèle avec les mesures que j'ai prises, lorsque j'étais ministre de la jeunesse et des sports, pour lutter contre les hooligans et ceux qui commettaient des actes de violence dans les stades.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Aucun rapport ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

La sanction la plus efficace sur le plan pédagogique, ce ne fut pas la sanction classique, mais l'interdiction d'assister à un match !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Comparaison n'est pas raison ! Et vous n'êtes pas la mieux placée pour faire de la pédagogie…

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

C'est le même raisonnement que nous voulons suivre aujourd'hui : pour être efficaces, touchons les gens là où ça leur fait mal, c'est-à-dire là où ils trouvent un plaisir malsain à contrevenir à la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Cela ne sert à rien de hurler, car le débat aura lieu de toute manière. Vous allez m'interrompre vingt secondes mais vous ne m'empêcherez pas de parler pour autant et de rattraper le temps que vous m'aurez fait perdre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Mme Alliot-Marie est comme les falaises d'Étretat, elle ne bouge pas.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

J'en viens à l'hypothèse de celui qui laisse quelqu'un de son entourage utiliser sa ligne pour télécharger illégalement, faisant preuve d'une négligence caractérisée.

Le Gouvernement a choisi, en ce cas, d'en appeler à la raison et à la responsabilisation. La loi prévoit une réponse graduée et progressive.

Lorsque la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet constate des téléchargements illégaux, l'abonné est averti à deux reprises, d'abord par mail, puis par lettre recommandée avec accusé de réception.

Si, après ce double avertissement, l'abonné refuse de se conformer à la loi, la troisième étape est déclenchée avec la procédure pénale et la sanction.

Je suis convaincue que, pour toutes les personnes de bonne foi, et elles constitueront la majorité des cas, les premiers avertissements auront un effet dissuasif. La répression pénale sera tout à fait subsidiaire.

Le défaut de surveillance constitue une contravention de cinquième classe passible d'une peine d'amende de 3750 euros et d'un mois de suspension d'internet.

Conformément aux exigences du Conseil constitutionnel, nous ne posons aucune présomption de culpabilité et il n'est donc pas porté atteinte à la présomption d'innocence.

Il revient au parquet, sous le contrôle du juge, de prouver la négligence caractérisée, sur la base de faits objectifs et tangibles.

Le seul fait que des téléchargements illégaux soient constatés sur la ligne d'un abonné ne suffit pas à engager sa responsabilité. L'abonné doit en avoir été dûment averti et il doit être établi qu'il n'a pas pris les mesures pratiques et concrètes pour y mettre fin.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Deux précautions supplémentaires garantissent la proportionnalité de la sanction.

Tout d'abord, afin de ne pas porter atteinte à la vie privée, notre seul souci étant de protéger les créateurs, la peine de suspension d'internet sera limitée aux infractions commises au moyen d'un service de communication publique en ligne, ce qui exclut les échanges de communication privées par courriel. Je sais que c'était l'une de vos préoccupations.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Le texte de la commission n'est pas encore voté ! N'anticipez pas !

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Dans les cas de contrefaçon comme de négligence caractérisée, c'est au juge, j'insiste sur ce point, de décider du montant exact de la sanction. Ce n'est pas parce que le texte prévoit des sanctions maximales qu'elles seront forcément appliquées. Le juge, comme il le fait toujours, tiendra compte des circonstances et de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur. La peine de suspension d'internet doit être proportionnée, lucide et réaliste.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Ce ne sont pas de telles affirmations qui prouveront le bien-fondé de votre analyse. Vous aurez le droit d'exprimer votre opinion…

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

…mais je vous conseille de mieux préparer vos arguments.

Mesdames, messieurs les députés, des doutes se sont exprimés quant à l'efficacité du dispositif.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je les ai entendus et j'y ai réfléchi. Je pense notamment à la possibilité pour un internaute dont la ligne aurait été suspendue de se réabonner par le truchement de l'un de ses proches.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Soyons lucides : il y aura toujours des personnes pour enfreindre ou contourner la loi. Nous sommes en plein Tour de France : nous constatons encore des cas de dopage malgré les mesures prises. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Devons-nous pour autant abandonner la lutte contre le dopage et cesser de le sanctionner ? Dans l'immense majorité des cas, la loi aura un effet dissuasif ; c'est juste ce que nous voulons.

Pour garantir l'efficacité du dispositif, le projet de loi vise trois objectifs.

Il s'agit tout d'abord d'améliorer le travail d'investigation préalable aux poursuites.

Les agents assermentés de l'HADOPI pourront dresser des procès-verbaux constatant les contrefaçons par internet et la négligence caractérisée. Ils pourront également recueillir par procès-verbal les déclarations de l'internaute.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Leurs pouvoirs sont strictement limités aux constatations. Leurs procès verbaux seront des éléments de preuve parmi d'autres.

Ces pouvoirs s'exerceront sous le contrôle complet de l'autorité judiciaire ; là encore, ceux qui craignaient une atteinte aux droits des personnes pourront être rassurés. Les agents de l'HADOPI seront assermentés devant l'autorité judiciaire et je suis même prête à ce que cette disposition figure dans le projet de loi.

Le parquet, une fois saisi, sera libre d'apprécier les éléments fournis par l'HADOPI, de poursuivre ou d'approfondir l'enquête.

Il n'y aura donc pas d'exercice abusif du pouvoir de police judiciaire.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Toute crainte d'une censure par le Conseil constitutionnel est par conséquent infondée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR.)

Prenez garde à ne pas devenir aphones, à force de crier autant ! Vous savez, j'ai l'avantage du micro…

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Notre deuxième objectif est de simplifier le traitement judiciaire de la procédure.

Les atteintes aux droits d'auteur sur internet sont nombreuses mais simples. Elles doivent faire l'objet d'une procédure judiciaire adaptée et simplifiée, celle de l'ordonnance pénale. Elles relèveront par ailleurs de la compétence du juge unique.

La procédure de l'ordonnance pénale, fréquente dans notre droit, respecte les droits de la défense et le principe du contradictoire.

Pour être efficace, elle doit cibler les seuls délits de contrefaçon commis sur internet, à l'exclusion des autres formes de contrefaçon. Cette limitation, qu'a proposé votre commission, me paraît nécessaire.

La procédure doit respecter les droits de toutes les personnes, y compris des victimes.

La procédure de l'ordonnance pénale n'est pas obligatoire. Les parties peuvent y faire opposition pour que l'affaire soit jugée en audience publique.

Les ayants droit pourront se constituer partie civile dans le cadre même de la procédure de l'ordonnance pénale. Cette avancée, que votre commission a proposée, permettra de simplifier les procédures.

Même si une ordonnance pénale est prononcée, les parties civiles pourront se présenter devant le juge civil pour réclamer des dommages-intérêts.

Les victimes devront être informées de leurs droits. Lorsque les plaintes seront directement adressées au parquet, le ministère public informera les victimes pour qu'elles puissent se constituer partie civile. Je donnerai des instructions en ce sens.

De surcroît, dans les cas les plus graves d'atteintes à la propriété, les poursuites auront lieu directement devant le tribunal correctionnel.

J'adresserai une instruction en ce sens aux procureurs de la République. Les procureurs généraux, que j'ai réunis hier, sont d'ores et déjà sensibilisés.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Les représentants du secteur de l'édition musicale et cinématographique, que mon cabinet a reçus, seront bien entendu consultés dans ce cadre.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Enfin, pour garantir l'efficacité de la suspension, le fournisseur d'accès à internet, avisé par HADOPI de la mesure judiciaire, pourra suspendre l'abonnement pendant la durée déterminée par le juge.

Pendant cette durée, l'abonné n'aura pas le droit de se réabonner auprès d'un autre fournisseur. La violation de cette interdiction constituera un délit.

Mesdames, messieurs les députés, avant que le ministre de la culture ne développe la philosophie de notre texte,…

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

D'abord la répression, ensuite la philosophie !

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

…j'ai voulu vous présenter ce projet qui respecte scrupuleusement les recommandations du Conseil constitutionnel. Il ne s'agit pas de revenir sur ce dont vous avez déjà discuté mais de prendre des mesures concrètes pour mettre en oeuvre la volonté du Parlement telle qu'elle résulte de la loi qui a été votée.

Ce texte est proportionné,...

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

…équilibré, pragmatique. Il renforce la protection des libertés :…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

C'est ce que vous disiez pour le texte précédent !

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

…la liberté des créateurs et des artistes, avec des droits qu'il faut leur reconnaître ; la liberté d'expression des internautes ; les libertés fondamentales des citoyens, garanties par l'autorité judiciaire qui, je vous le rappelle, est la gardienne des libertés individuelles et collectives. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Après la trique, la philosophie ! Avec Doc Gynéco, on ne va pas aller très loin dans la philosophie !

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés,…

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

…permettez-moi de vous raconter deux petites histoires.

La première est empruntée à la mythologie grecque, et elle est relatée par Platon dans La République. Gygès était un simple berger d'Asie mineure qui, un jour d'orage, tomba soudain sur un anneau magique, doté du pouvoir de rendre invisible. La vie de Gygès n'était pas très amusante. Ce fut pour lui une chance inespérée. Il lui suffisait d'un clic et de tourner l'anneau pour disparaître. Gygès s'empara de ce fabuleux objet magique et, petit à petit, il perdit toute morale. Il en profita pour entrer dans le palais du roi, pour voler la femme du roi, pour assassiner le roi. La moralité de cette fable de Platon, c'est que la plupart des hommes ne sont justes que parce qu'ils sont visibles. Quand on est sûr de ne pas être pris, quand on peut disparaître d'un clic, alors c'est beaucoup plus facile de commettre des délits. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Apparemment, Gygès n'avait pas l'impression de commettre un acte délictueux. C'était juste un clic.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Cela semblait innocent. Mais clic après clic, le produit disparaît. C'est, involontairement, la technique du voleur chinois, qui pousse peu à peu l'objet jusqu'à ce que celui-ci disparaisse : il peut alors le voler aux yeux de tous. C'est une forme d'érosion humaine d'une oeuvre d'art.

La seconde histoire, chacun la connaît ; elle est très belle : c'est celle de La Peau de chagrin, le célèbre roman de Balzac. Elle est devenue proverbiale : la vie du héros se raccourcit au fur et à mesure des voeux qu'il fait. Dans le cas présent, c'est le produit qui se raccourcit, qui se rabougrit,…

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

…et les droits qui y sont attachés se réduisent peu à peu, comme une peau de chagrin. Internet ne doit pas être une peau de chagrin pour le droit des créateurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Pourquoi ce projet de loi qu'on nomme HADOPI ? C'est formidable comme ce mot est devenu populaire ! Ce n'est pourtant pas le nom de quelque tribu indienne ou d'un petit animal alpestre destiné à amuser les enfants. Non, HADOPI, c'est la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet.

Internet est une chance pour la culture.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

C'est un vecteur de diffusion des oeuvres. Déjà 4 000 films et 7 millions de morceaux de musique payants ou légalement gratuits sont sur internet. C'est une source potentielle de financement de la création et de rémunération des artistes. J'y reviendrai.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Dans ces conditions, pourquoi voulez-vous suspendre ?

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Aujourd'hui, le piratage est responsable d'un désastre économique et surtout culturel.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Dans le domaine de la musique, le chiffre d'affaires des CD a baissé de 50 % en six ans. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Les effectifs des maisons de production ont baissé de 30 % et le nombre des contrats de nouveaux artistes de 40 % chaque année. Telle est la réalité.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Si, moi !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Pour un Mitterrand, c'est triste de finir ainsi !

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Pour le cinéma, les téléchargements illégaux sont aussi nombreux que les entrées en salles – 450 000 par jour ! La fréquentation en 2008 n'est pas la règle : chacun sait qu'elle a été sauvée par quelques films aux résultats exceptionnels.

Les premières victimes ne sont pas les majors, mais les indépendants : 99 % des maisons de disques ont moins de vingt salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Mme Albanel nous a déjà cité ce chiffre : ne perdez pas de temps en nous le rappelant !

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

La victime et l'innocent ne sont donc pas du côté qu'on croit. Le piratage accroît les inégalités.

Je parle d'expérience. J'ai connu des périodes fastes et d'autres qui l'étaient moins. Dans les périodes qui ne l'étaient pas, j'ai eu la chance de pouvoir compter sur les droits d'auteur pour tenir le coup.

La méthode suivie, celle que nous avons empruntée, a été ouverte par la mission de Denis Olivennes, à l'automne 2007, visant à obtenir un consensus préalable entre acteurs de la culture et d'internet. Elle a été ensuite marquée par un accord historique, signé à l'Élysée, le 23 novembre 2007, par quarante-sept organisations représentatives ou entreprises. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Et ni les internautes ni les consommateurs n'ont été invités !

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Depuis, elle a obtenu le soutien indéfectible de l'immense majorité des artistes français.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Je tiens à rappeler la pétition de 10 000 artistes ou techniciens français de la musique, parmi lesquels figurent Arthur H, Cabrel, Cosma, Da Silva, Dutronc, Feldman, Fersen, Fugain, Goldman, Lavoine, Obispo, Sanseverino : les plus célèbres, les plus modestes – j'y reviendrai.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Je tiens également à rappeler le soutien de 1 300 labels de musique français indépendants,…

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

…et celui de dizaines de cinéastes et de comédiens français renommés : Annaud, Becker, Beineix, Canet, Carillon, Corneau, Costa-Gavras, Jaoui, Jolivet, Klapisch, Miller, Serreau, Rappeneau, Tavernier, et tant d'autres. Faut-il également rappeler le soutien de 4 000 labels de musique européens, la motion de soutien de la Guilde des réalisateurs américains de Steven Soderbergh, qui compte parmi ses membres 14 000 techniciens et quelques-uns des plus illustres metteurs en scène du cinéma américain, ou encore l'interpellation du parti socialiste lui-même par d'illustres compagnons de route de la gauche – Pierre Arditi, Juliette Greco ou Michel Piccoli ?

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Il est vrai que quelques-uns sont passés de l'autre côté. Je les connais, je les respecte et je les admire, mais ils ont tort. Il suffit du reste de lire le tract qu'ils ont fait passer pour s'apercevoir qu'il est rempli de contrevérités et d'appréciations fausses. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Cette loi n'est pas celle des majors accrochées à la défense de privilèges obsolètes. Ceux qui le prétendent n'ont pas discuté avec un nombre suffisant d'artistes. Le projet du Gouvernement a reçu le soutien massif des PME de la culture,…

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

…de ces indépendants qui sont les premières victimes du piratage parce que ce sont eux qui prennent les plus grands risques en soutenant les jeunes talents.

Ce projet de loi n'est pas celui des majors : c'est celui de tous les créateurs et des jeunes talents, c'est celui de l'exception culturelle française (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. - Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR), qu'on doit notamment à Jack Lang, et qui a été maintenue par ses successeurs : Catherine Tasca, Catherine Trautmann et Christine Albanel, mon prédécesseur.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

J'ignore si je serai un aussi bon ministre qu'eux, mais je protégerai leur héritage car il est bon. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

La loi de l'exception culturelle française est celle des centaines de milliers d'acteurs des filières concernées, du technicien à l'artiste, de l'auteur au producteur, en passant par le réalisateur. À cet égard, l'exception culturelle française est devenue un exemple : comment expliquer autrement qu'aujourd'hui, dans les universités américaines, en Nouvelle-Zélande, en Irlande, en Corée du Sud et, bientôt, au Royaume-Uni, l'exemple de la loi que nous vous proposons ait déjà été adopté ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Faux ! Dans les universités, c'est la licence globale, au contraire !

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Un dispositif complet, pédagogique et protecteur des libertés : tel est le projet de loi. La loi Création et internet contient des avancées pour le consommateur. Les films seront disponibles plus rapidement en DVD – quatre mois au lieu de six à sept mois et demi. La chronologie des médias a été signée par les principaux acteurs culturels dans mon bureau, à l'initiative de Mme Véronique Cayla, l'excellent directeur du Centre national de la cinématographie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Merci de vos applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

C'est Mme Véronique Cayla que nous applaudissons.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Il n'y aura plus de verrou numérique anti-copie sur les morceaux de musique téléchargés légalement.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

La loi Création et Internet est essentiellement pédagogique puisqu'elle prévoit deux recommandations avant toute sanction, comme s'il fallait recevoir deux avertissements à domicile avant de se voir retirer un point sur son permis de conduire ou verbaliser pour stationnement gênant.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

La sanction n'est là que pour rendre dissuasifs les avertissements : la polémique sur la sanction confond le principal – les rappels à la loi par la HADOPI – et l'accessoire : la peine dissuasive.

La suspension de l'accès à internet est la mieux adaptée des sanctions, comme le retrait du permis de conduire ou l'interdiction du chéquier, car elle est directement en rapport avec le comportement à juguler : elle est donc pédagogique.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

La pédagogie, ça marche ! Des sondages effectués en France et au Royaume-Uni en 2008 révèlent que 70 % des internautes cesseraient de pirater au premier avertissement et 90 % au second. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

La loi appliquée en Suède depuis avril 2009 a permis de diminuer de 40 % le trafic sur internet et d'augmenter de 14 % la vente de disques au premier semestre et de 57 % les ventes en ligne.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Il est inutile de contester ces chiffres !

Par rapport aux autres dispositifs existants, le dispositif français garantit, de plus, la protection de la vie privée par la HADOPI. Dans les autres pays où des systèmes d'avertissement sont en place, l'internaute est aux prises directes avec les fournisseurs d'accès à internet, les maisons de disques et les studios. En France, la HADOPI s'interpose et envoie des avertissements en protégeant l'anonymat des internautes. Ce sont des magistrats, des agents publics impartiaux et indépendants qui effectueront ce travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Grâce à la censure du Conseil constitutionnel ! Vous ne vouliez pas de ces garanties !

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Notre démarche est donc la bonne : il faut la mener jusqu'au bout. Le projet de loi permettra simplement de tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel en confiant au juge le soin de prendre la sanction, ce qui apportera encore plus de garanties au citoyen. N'est-ce pas ce que réclamait l'opposition lors du premier débat ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Le projet de loi est trop souvent caricaturé. En réalité, il distingue les pirates eux-mêmes, les contrefacteurs, des simples abonnés : c'est contre les premiers que les tribunaux correctionnels pourront prononcer la suspension de l'accès à internet de longue durée – un an maximum –, et non contre les abonnés, que le projet de loi traite plus légèrement si, en dépit de multiples avertissements, ils font preuve de négligence caractérisée. Le juge prendra évidemment en considération tous les éléments pour apprécier cette négligence.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Nous connaissons tous l'histoire de la grand-mère qui arrose les coquelicots de son petit-fils en les trouvant très beaux, sans savoir qu'il s'agit de plants de haschich. On ne fera pas de mal à la grand-mère ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) On lui montrera seulement qu'elle se trompe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

HADOPI simplifiera le travail de la justice. La procédure du juge unique, au lieu de trois magistrats, et des ordonnances pénales bien connues de notre droit est parfaitement respectueuse des libertés, déjà utilisée en matière de violation du code de la route.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Comme le piratage sur internet, il y a des millions de petites infractions dont le résultat final est catastrophique pour la société. On ne peut pas rouler sans permis, ni, du reste, sans régler le péage, sur ce qu'on appelait autrefois les autoroutes de l'information. C'est notre devoir d'édicter les règles du jeu et les cadres qui sont eux-mêmes créateurs de liberté. C'est notre devoir d'interdire les chauffards d'internet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

La loi HADOPI protège la correspondance privée de toute incursion ou surveillance,…

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

…et c'est vous qui nous avez aidés à mieux définir ce concept.

La loi HADOPI est un dispositif réaliste.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Son objectif est pédagogique : il vise le grand nombre. Il s'agit de modifier le comportement de bien des internautes afin d'appeler leur attention sur les conséquences du piratage pour les créateurs et sur les sanctions encourues. Chaque nouveau média crée une utopie sociale nouvelle. Il s'agit de la réglementer.

Évidemment, il sera toujours possible à des petits malins, à des petits génies de l'informatique, d'échapper momentanément aux sanctions en déployant un grand savoir-faire, en cryptant leurs échanges, par exemple. Du reste, certains médias ne se font pas faute, comme ce matin une grande chaîne périphérique, d'expliquer comment s'y prendre.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Je vous l'expliquerai plus tard.

Ce sera néanmoins le fait d'une infime minorité. Comme pour toutes les formes de délinquance, les techniques de détection évolueront en même temps que les techniques de dissimulation ; c'est un processus éternel qui n'a jamais dissuadé de lutter contre la délinquance.

On entend, ça et là, une rengaine selon laquelle la loi serait inapplicable.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

On avait annoncé que la décision du Président de la République de supprimer la publicité sur les chaînes publiques allait entraîner leur paupérisation et favoriser les chaînes privées. Ces derniers mois ont apporté un parfait démenti à cette prédiction. (« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Absolument pas ! C'est une affirmation gratuite

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

On avait aussi affirmé que l'instauration du permis à points et l'installation de radars sur les routes seraient des mesures inapplicables ; or le nombre des morts sur les routes a été divisé par deux en dix ans. (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Comment peut-on s'opposer au présent texte et prétendre défendre les artistes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – « C'est honteux ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Certains croient peut-être que je suis devenu ministre pour m'amuser ou pour je ne sais quelle gloriole personnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Vous êtes en tout cas devenu ministre avec un boulet au pied !

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Je suis devenu ministre de la culture et de la communication pour renforcer le soutien aux créateurs et aux artistes que j'ai défendus toute ma vie : les célèbres comme les humbles, les grands comme les petits. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Ce texte, tous les artistes et les entreprises de la culture le souhaitent, comme ils rejettent tous votre licence globale.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Comment pouvez-vous prétendre défendre les artistes en leur imposant votre volonté ? Votre licence globale est un leurre qui ne les trompe pas.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Depuis quatre ans, elle soulève les mêmes problèmes. Elle n'est une solution ni pour les créateurs ni pour les consommateurs. Elle est refusée par les associations de créateurs.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Elle soulève des problèmes juridiques : elle violerait tous les engagements internationaux de la France, notamment les grandes conventions sur les droits d'auteur. Elle soulève des problèmes pratiques : quel doit être son montant, comment la répartir ? Même ses défenseurs n'avancent pas d'idée précise.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Elle soulève un problème d'équité : on fait payer les abonnés à l'internet alors que moins de 40 % d'entre eux téléchargent les oeuvres. Elle décourage les artistes dont on commence par saigner les droits, avant de les mettre sous la perfusion d'une caisse commune. Ce n'est pas cette médecine digne de Molière qui va stimuler la fécondité des artistes. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Les artistes ont toujours eu besoin d'être protégés. Je vous rappellerai une petite histoire, rapportée par Stefan Zweig, celle d'un compositeur français qui a fini sa vie dans une misère pathétique. Pourtant, il avait écrit un chant qui était sur toutes les lèvres, un chant qui est encore sur toutes les lèvres, un chant qui nous appartient et dont nous sommes fiers ; mais personne ne savait alors qui en était l'auteur : le droit d'auteur n'existait pas et le créateur ne jouissait d'aucune protection. Cet artiste s'appelait Rouget de Lisle, mort dans l'indigence ; et ce chant, c'est notre hymne national ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Murmures sur les bancs du groupe SRC.)

Cet exemple montre bien que même les artistes les plus glorieux, les plus célébrés, les plus aimés, ont besoin d'être protégés, et qu'il est toujours possible, sans le vouloir, de leur voler leur oeuvre.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

La licence globale ne constitue donc pas une solution pour les créateurs. Est-elle alors une solution pour les consommateurs, leur offrirait-elle l'accès à un plus grand choix de titres pour un moindre coût ? La licence globale ignore complètement que le monde a changé. Il est vrai qu'il y a quatre ans l'offre de musique restait assez pauvre et relativement chère.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Depuis, une multitude de modèles économiques se sont développés, des millions de titres sont disponibles en streaming gratuit ou en téléchargement pour une dizaine d'euros par mois. Qu'apporterait de mieux la licence globale au consommateur ?

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Non seulement elle n'apporterait rien mais elle tuerait les initiatives en privant les créateurs et les entrepreneurs de leurs droits contre une pension mensuelle. Je préfère parier sur la créativité et le dynamisme de chacun. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Pour permettre à ces initiatives de devenir profitables, une condition s'impose : il convient de mettre un terme à la concurrence déloyale du piratage, c'est l'objet de ce projet de loi. La lutte contre le piratage n'est pas une fin en soi mais un préalable nécessaire, le début d'un grand mouvement de renouveau pour les créateurs, quoi que vous en pensiez.

J'ai annoncé mes intentions, lancé rapidement une concertation…

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

…aussi vaste que celle qui a abouti aux accords de l'Élysée, qui associe les internautes, les créateurs, les acteurs de l'internet.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Je veux d'abord rendre l'offre culturelle légale encore plus attractive pour le public, la rendre plus diverse, moins chère, plus souple d'utilisation. Je veux ensuite que les créateurs et les entreprises soient mieux rémunérés et de façon plus équitable pour la diffusion de leurs oeuvres sur les réseaux numériques. Je connais tout cela. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Je suis sûr qu'une fois que ce projet de loi sera replacé dans le contexte de ce vaste chantier, l'opinion publique comprendra mieux encore la démarche du Gouvernement.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Beaumarchais, l'inventeur de la première société de gestion des droits d'auteur avait compris que c'était par le droit de propriété et par le droit moral qui protège ses oeuvres que l'artiste pourrait enfin s'affranchir de sa condition de laquais ou de courtisan. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) C'est ainsi qu'il a acquis son indépendance économique et par là même sa liberté de créer.

Souhaitons-nous abdiquer sur internet ce droit que nous défendons depuis des siècles ? Est-ce à la technologie de nous dicter ses règles ou à nous de lui imposer notre choix de société ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

En naviguant sur l'internet, il est vrai que nous avons un formidable sentiment de liberté, mais la liberté véritable est encadrée et garantie par la loi. L'invisibilité, comme dans le cas de Gygès, ne doit pas signifier l'impunité.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Ce sont les artistes et les créateurs qui m'accompagnent à cette tribune.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Quand Édith Piaf entamait une chanson au théâtre de l'Olympia, elle citait toujours les noms des auteurs.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Souvenez-vous, elle disait Hymne à l'amour, musique : Marguerite Monnot ; Panam' Panam' : Contet et Glanzberg.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Comme citoyen et comme ministre de la culture et de la communication,…

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

…je ne veux pas que l'on traîne dans le caniveau des pirates l' « atmosphère, atmosphère » d'Arletty, le « c'est dégueulasse » de Jean Seberg dans À bout de souffle, la biscotte de Michel Serrault dans La cage aux folles.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Je refuse qu'Édith Piaf ait annoncé en vain le nom des artistes pour qu'on se souvienne d'eux. Je refuse que le petit poisson et le petit oiseau de Juliette Greco s'aiment en vain d'amour tendre.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Je refuse que l'on violente La Javanaise de Serge Gainsbourg et je sais que vous m'approuvez ! (Mmes et MM. les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent vivement. – « Une autre, une autre ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. Franck Riester, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Monsieur le président, madame la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, monsieur le ministre de la culture et de la communication, madame la présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, mes chers collègues, nous abordons l'examen du projet de loi adopté par le Sénat, relatif à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet.

Je ne reviendrai pas, à ce stade, sur le détail des dispositions de ce texte dont les ministres viennent de nous rappeler la teneur. Je rappellerai simplement qu'il est le premier examiné par la nouvelle commission des affaires culturelles et de l'éducation,…

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

On ne peut que se réjouir que nos travaux aient débuté par un sujet aussi essentiel pour l'avenir de la création dans notre pays.

Le texte soumis aujourd'hui à la représentation nationale fait suite à la décision du 10 juin 2009 du Conseil constitutionnel sur le projet de loi favorisant la protection et la diffusion de la création sur internet.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Voté par le Parlement en mai dernier, le projet de loi a été validé dans sa grande majorité par le Conseil constitutionnel et promulgué le 12 juin dernier.

Le texte dit HADOPI 2 prend en compte la décision du Conseil constitutionnel et modifie le dernier étage du dispositif de la réponse graduée : désormais, l'éventuelle suspension de l'abonnement à internet sera prononcée par le juge judiciaire et non plus par une autorité administrative indépendante, l'HADOPI, comme prévu initialement.

Pourquoi faisons-nous tout cela ?

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Parce que, aujourd'hui, les deux ministres l'ont dit, le téléchargement illégal ruine les filières culturelles de notre pays – le ministre de la culture et de la communication a rappelé les chiffres clefs, je n'y reviens pas.

C'est pourquoi la lutte contre le téléchargement illégal demeure une priorité pour la majorité et que nous avons souhaité et voté un dispositif qui, je le rappelle, repose sur deux piliers indissociables : d'une part, mieux lutter contre le téléchargement illégal et, d'autre part, permettre le développement de l'offre légale.

La lutte contre le téléchargement illégal passe désormais par la réponse graduée. Concrètement, l'internaute responsable de téléchargements illégaux recevra un premier courriel d'avertissement. S'il n'en tient pas compte, il en recevra un second, accompagné cette fois d'une lettre recommandée à son domicile. Ces recommandations visent à expliquer à l'internaute que la loi doit être respectée, y compris sur internet, et qu'il doit plutôt télécharger légalement, ce qui permet de financer la création en France et de préserver des milliers d'emplois dans ce secteur. Enfin, s'il persiste, une sanction adaptée pourra être prise par le juge après transmission du dossier au parquet par l'HADOPI, le juge pouvant se baser sur deux fondements juridiques distincts : le délit de contrefaçon et la contravention pour négligence caractérisée.

En matière de délit de contrefaçon, une nouvelle peine, la suspension de l'abonnement internet, sera à la disposition du juge, en plus ou à la place des peines d'amende et d'emprisonnement déjà prévues par le code de la propriété intellectuelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Heureusement que la peine de mort a été supprimée !

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Au reste, une procédure de jugement simplifiée pourra être privilégiée sur décision du parquet, il s'agit de la fameuse ordonnance pénale.

La contravention pour négligence caractérisée instaurée par le projet de loi permet de sanctionner l'abonné qui n'aurait pas pris les mesures permettant d'éviter le téléchargement illégal depuis son accès internet, cela, malgré la lettre recommandée envoyée par l'HADOPI. Le juge pourra, dans ce cas, sanctionner la personne concernée d'une amende d'un montant maximum de 1 500 euros et, éventuellement, d'une peine complémentaire d'un mois de suspension de son accès à internet.

Le deuxième pilier du dispositif vise à rendre plus attractive l'offre légale sur internet. Ainsi, nous avons inscrit dans le texte HADOPI 1 la suppression des mesures anti-copie pour la musique et, le ministre l'a rappelé, le raccourcissement de la chronologie des médias entériné par l'accord interprofessionnel du 6 juillet dernier. J'en profite pour saluer le travail accompli par Véronique Cayla, directrice du Centre national de la cinématographie. Les films seront dorénavant disponibles en DVD et en vidéo à la demande quatre mois après leur sortie en salles.

Notre rôle de législateur est donc bien de fixer un cadre juridique clair et de faire en sorte que les principes et droits qui régissent notre République soient respectés, y compris dans le secteur numérique.

Comme le rappelait le Président de la République devant le Congrès réuni à Versailles le 22 juin dernier, « en défendant le droit d'auteur, nous ne défendons pas seulement la création artistique, nous défendons aussi l'idée que nous nous faisons d'une société de liberté, où la liberté de chacun est fondée sur le respect du droit des autres ».

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Notamment la liberté de lire La Princesse de Clèves !

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Mais ce dispositif ne constitue qu'une étape vers une réflexion plus globale sur la rémunération des créateurs et le financement des industries culturelles à l'ère du numérique. C'est d'ailleurs ce que vous venez d'annoncer, monsieur le ministre, dans cet hémicycle. Il faudra réfléchir, débattre, continuer de ne rien s'interdire de penser ni de faire.

En tant que rapporteur, j'ai procédé pour ce texte à l'audition d'une trentaine de personnes en deux jours : organisations de consommateurs et d'internautes, syndicats professionnels, représentants des ayants droit, fournisseurs d'accès à internet ont été entendus.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

À l'issue des ces auditions, la commission des affaires culturelles et de l'éducation a examiné environ 130 amendements et en a adopté seize. Je tiens d'ailleurs à remercier les commissaires qui ont participé à ses travaux, ainsi que Mme la présidente de la commission, pour son écoute attentive.

Les principales améliorations sont notables.

Ainsi, dans l'ensemble du projet de loi, et plus particulièrement aux articles 2 et 3, la commission a souhaité, par un amendement de votre rapporteur, exclure du champ de l'investigation de l'HADOPI et de l'autorité judiciaire les services de messagerie des internautes, c'est-à-dire la correspondance privée par courriel.

Par ailleurs, il est précisé, à l'article 1er, que les agents habilités de l'HADOPI seront assermentés devant l'autorité judiciaire. Dans le même esprit, à l'article 1er ter, le deuxième avertissement de l'HADOPI se fera obligatoirement par lettre remise contre signature.

En outre, la commission a souhaité préciser les conditions de procédure de jugement simplifiée. C'est ainsi qu'à l'article 2 le recours au juge unique et à l'ordonnance pénale a été expressément limité aux seuls délits de contrefaçon commis via internet, comme vous le rappeliez tout à l'heure, madame la ministre. Parallèlement, dans ce même article, il est prévu que les victimes puissent demander des dommages et intérêts directement dans le cadre de la procédure d'ordonnance pénale.

Quelques interrogations subsistaient quant à l'articulation entre les deux fondements juridiques de la procédure. À l'article 3 bis, il est ainsi proposé, d'une part, de mieux définir l'incrimination de négligence caractérisée et, d'autre part, de préciser que la recommandation invitant l'abonné à mettre en oeuvre un moyen de sécurisation de son accès à internet doit dater de moins d'un an. Après l'article 3 bis, nous avons, enfin, tenu à rappeler et à préciser dans le code de la propriété intellectuelle les modalités d'application du principe de personnalisation et de proportionnalité des peines prévues par l'article 132-24 du code pénal, tant en ce qui concerne le délit de contrefaçon que la négligence caractérisée.

Alors que nos débats sur le projet de loi Création et internet ont été essentiellement des débats de fond, je regrette vraiment que nos collègues des groupes SRC et GDR aient déposé autant d'amendements, souvent bien fantaisistes. Je souhaite, et j'espère, que les échanges que nous allons avoir dans les heures qui viennent seront malgré tout constructifs.

C'est ce qu'attendent de nous des milliers de femmes et d'hommes qui travaillent dans les filières culturelles de notre pays, des milliers de créateurs qui contribuent, jour après jour, à bâtir et faire vivre ce à quoi nos concitoyens sont par-dessus tout attachés : notre exception culturelle. Ne les oublions pas ! Ne les trahissons pas !

C'est pourquoi, chers collègues, je vous invite à voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à Mme Michèle Tabarot, présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Monsieur le président, madame la ministre d'État, ministre de la justice et des libertés, monsieur le ministre de la culture et de la communication, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous partageons tous la même fierté d'être les héritiers de la longue tradition culturelle et artistique française, et l'enjeu qui se pose, c'est évidemment de mettre en oeuvre des moyens adaptés pour préserver cette richesse, celle-là même qui, par sa diversité et sa qualité, donne à la France son rayonnement culturel à travers le monde.

Pour y parvenir, il nous faut concilier les deux principes constitutionnels que sont le droit de propriété et la liberté de communiquer. C'est ce que proposent la loi HADOPI et ce projet de loi sur la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet, qui place les procédures et le contentieux sous l'autorité de la justice pour tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel.

Le piratage des oeuvres n'est certes pas nouveau, mais ce qui inquiète aujourd'hui, c'est son ampleur et les possibilités de son développement exponentiel, qui sont ouvertes par internet et le progrès des supports multimédias.

L'évolution de ces dernières années a de quoi interpeller. Le téléchargement illégal n'est peut-être pas la seule cause, mais il est en tout cas le principal facteur du déclin de l'industrie du disque, et je veux croire dans les vertus dissuasives du projet de loi que nous examinons aujourd'hui.

Je veux saluer le travail réalisé par Franck Riester, notre rapporteur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), qui, avec sa connaissance du dossier, a permis d'apporter au projet de loi les modifications nécessaires. Je souhaite saluer les membres de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, ainsi que les députés membres d'autres commissions qui ont tenu à prendre part à cette réflexion.

Je veux aussi remercier très sincèrement Mme la ministre d'État et M. le ministre de la culture et de la communication. Tout le débat en commission s'est déroulé en leur présence, et ils ont manifesté une réelle volonté de répondre aux interrogations de nos collègues.

Le texte initial comptait cinq articles. Avec l'apport du Sénat et de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, il en comporte aujourd'hui treize,…

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Tabarot

, présidente de la commission des affaires culturelles. …avec un certain nombre de garanties qui ont pu être apportées, notamment pour encadrer les pouvoirs des agents assermentés de l'HADOPI, préciser le cadre d'intervention du juge et assurer l'application du principe de proportionnalité de la peine.

Je veux, enfin, dire que je partage la préoccupation exprimée par le ministre de la culture et de la communication de prolonger la réflexion, avec l'ensemble des acteurs concernés, pour jeter les bases d'une nouvelle coopération entre les artistes et internet, coopération dont ils pourront, je le souhaite, s'enrichir mutuellement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Vous avez en effet, monsieur le ministre, annoncé des consultations dès cet automne pour voir comment assurer de meilleures ressources aux artistes tout en améliorant l'offre faite aux utilisateurs. J'en appelle pour ma part au développement d'une offre de téléchargement légal plus importante, pour que chacun puisse trouver l'oeuvre qui correspond à ses goûts et pas seulement un catalogue restreint aux succès du moment, une offre dont le tarif adapté permette une juste rémunération des ayants droit et soit abordable pour les internautes, une offre de qualité, pour que les produits soient comparables aux meilleurs supports actuels.

Cet objectif est un complément indispensable du volet de la lutte contre le téléchargment. Et vous pourrez compter sur notre commission, monsieur le ministre, pour vous accompagner tout au long de votre réflexion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Patrick Bloche.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans les séries américaines que j'évoquais ici même il y a quatre mois, les saisons, comme vous le savez, se succèdent. Parfois, elles durent longtemps, grâce à leur succès. Parfois, on les fait durer artificiellement, pour faire croire à leur intérêt, pour ne pas perdre le bénéfice de l'argent investi, en essayant de les relancer, souvent à grands coups de marketing. Alors, on change les acteurs pour créer la nouveauté, on multiplie les intrigues et souvent, on en fait tellement que la série devient de plus en plus mauvaise, avec un scénario qui n'a plus aucun sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

C'est malheureusement dans ce deuxième cas de figure que nous nous trouvons aujourd'hui au moment d'entamer la quatrième saison d'HADOPI. Car, mes chers collègues, le producteur Nicolas Sarkozy nous l'a dit dans son discours de Versailles, il ira « jusqu'au bout ». Ça tombe bien : nous aussi !

Notre groupe souhaite d'abord reprendre tout le travail de persuasion qu'il a entamé durant les lectures précédentes.

Comment, à cette tribune, ne pas dire et redire en quoi HADOPI 2, comme HADOPI 1, est un texte inutile et dépassé, en quoi il n'est qu'un leurre pour les auteurs puisqu'il ne rapportera pas un euro de plus à la création ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Comment ne pas rappeler que nous ne devrions pas légiférer en opposant stérilement les artistes et leur public ?

Surtout, inlassablement, nous voulons continuer à proposer des solutions alternatives. Nous avons à cet effet lancé des pistes de réflexion afin de répondre à ce qui devrait être la préoccupation première du Gouvernement et de sa majorité : comment financer la création à l'ère numérique ?

N'est-il pas temps, en effet, de prendre en compte notre proposition de contribution créative, qui est la seule à assurer un nouveau mode de financement de la musique adapté aux réalités d'internet ?

N'est-il pas temps, en mettant tout le monde – oui, tout le monde – autour d'une table, de rédiger une autre loi, qui rassemble les artistes et les internautes ?

N'est-il pas temps, enfin, de cesser de retarder les échéances, alors que les lignes Maginot que vous édifiez sont contournées les unes après les autres ? Quatre ans, oui, quatre ans, ont ainsi été perdus depuis la loi DADVSI, sans que de nouvelles rémunérations pour la culture ne se mettent en place.

Depuis votre récente prise de fonctions, monsieur le ministre de la culture, vous évoquez, pour ne pas dire invoquez, à l'envi le troisième volet d'HADOPI sans qu'on en sache encore grand-chose. Il eût, sans nul doute, fallu commencer par là. Toute l'énergie qui a été dépensée depuis des mois sur des projets de loi aussi inutiles qu'inefficaces aurait été ainsi bien mieux utilisée. Car la route sera longue, monsieur le ministre, et vous serez rapidement confronté à un choix qui est un dilemme : la sanction ou la contribution au financement de la culture. Nos concitoyens, en effet, refuseront inévitablement et l'un et l'autre.

La censure historique du Conseil constitutionnel, faut-il le rappeler, a été cinglante pour le Gouvernement et sa majorité, en décapitant l'HADOPI de son pouvoir de sanction. Vous avez refusé d'entendre nos arguments, qui étaient autant d'avertissements, et vous avez eu tort.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Depuis, le Gouvernement, sous la pression élyséenne, s'entête, pour ne pas dire s'enferre. Plutôt que de reconnaître qu'il fait fausse route, et qu'HADOPI, finalement, c'est cuit, il persévère. Une fois de plus, dans la précipitation et sans aucun recul, a été rédigé un nouveau projet de loi. Entre-temps aussi, un remaniement ministériel a eu lieu. Bienvenue, donc, aux deux nouveaux acteurs ministériels de la saison 4 d'HADOPI !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Et vous allez voir quand il y a aura Frédéric Lefebvre à la culture !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Nous sommes donc amenés, aujourd'hui, à discuter d'un projet de loi pénal. Nous voyons, à cet égard, un certain paradoxe dans le fait qu'HADOPI 1, qui était présenté – abusivement, de notre point de vue – comme un texte pédagogique, ait été examiné au fond par la commission des lois de l'Assemblée nationale, alors que le texte HADOPI 2, qui n'est rien d'autre qu'un texte répressif, ne l'ait pas été.

Pensez-vous, ainsi, que l'extension du champ des ordonnances pénales n'intéresse pas les commissaires aux lois ou, au contraire, avez-vous craint que cela ait pu trop les intéresser ?

Que nous présente, en effet, le Gouvernement sinon un projet de loi qui fait semblant – oui, semblant – de prendre acte de la décision du Conseil constitutionnel pour mieux la contourner, comme l'ont d'ailleurs révélé les récents débats au Conseil d'État, tout en donnant maladroitement des gages aux ayants droit, ceux-ci étant inquiets du temps que pourra prendre cette prise de sanction, en leur « vendant » la procédure accélérée de l'ordonnance pénale. En un mot, une justice expéditive.

C'est peu dire, madame la garde des sceaux, que nous souhaiterions, au cours de ces débats, vous entendre plus globalement sur les choix de politique pénale que ce texte vous contraint de faire.

Comment, concrètement, cela va-t-il se passer si cette loi est promulguée ? Il nous a semblé utile, pour éclairer nos débats, de rappeler les principales étapes de la procédure, ne serait-ce que pour démontrer la logique absurde qui vous anime.

Tout d'abord, il est nécessaire qu'un téléchargement soit opéré et repéré comme étant un téléchargement illégal. Il est utile de l'avoir à l'esprit, car cela se situe en amont de la décision judiciaire.

Lors de la discussion sur HADOPI 1, nous avions, à de nombreuses reprises, interrogé le Gouvernement sur la manière dont cela allait se passer. Nous n'avions alors jamais obtenu de réponse. Et puis, en lisant les observations du Gouvernement sur notre recours devant le Conseil constitutionnel, nous avons découvert la façon, je cite, « dont seront relevés les indices d'un manquement à la procédure conduisant à l'identification de l'abonné ». Ainsi, je cite toujours, « les ayants droit vont constituer une base de données numériques d'environ 10 000 phonogrammes et 1 000 films différents. Un prestataire choisi par les ayants droit procédera ensuite à l'interrogation des réseaux pair à pair connus pour abriter de l'échange illégal : l'interrogation prendra la forme d'une requête pour un contenu donné. Lorsque l'adresse IP d'un abonné sera signalée comme ayant répondu à une demande de partage de ce fichier, il sera ainsi repéré ».

Il est donc à noter ici, monsieur le ministre de la culture, que seul le téléchargement de certaines oeuvres – 10 000 phonogrammes et 1 000 films différents – sera surveillé, créant une étonnante discrimination entre artistes. Vous prétendez défendre tous les artistes. Votre projet de loi n'en défend que certains. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Les ayants droit transmettront alors – je continue, mes chers collègues, de décrire la procédure, elle est éclairante, pour que vous sachiez ce que vous allez voter – les relevés d'incidents à l'HADOPI avec l'adresse IP repérée sur le Net. L'HADOPI interrogera les FAI pour savoir si cette adresse IP correspond à l'un de leurs abonnés, les FAI transmettront à l'HADOPI les coordonnées de l'abonné.

C'est à ce moment-là seulement que l'HADOPI transmettra son premier mail d'avertissement à l'internaute pour l'informer qu'il a téléchargé un contenu illégal sur le net, ou si ce n'est lui, en tout cas que cela s'est fait à partir de son adresse IP. Mail d'avertissement dont on ne sait s'il parviendra à son destinataire dans la mesure où il sera envoyé sur l'adresse donnée par le fournisseur d'accès. Si par chance il le reçoit, il ne pourra, de toute façon, à ce stade, contester la mise en cause qu'il contiendra.

Si la même adresse IP est à nouveau signalée à l' HADOPI par un nouveau rapport dit « d'incidents », la Haute Autorité enverra à l'abonné une recommandation qui, selon l'article 1er ter du projet de loi actuel, devra comprendre une information sur les sanctions prévues par HADOPI 2.

Si la même adresse IP est à nouveau repérée comme ayant permis le téléchargement de l'oeuvre d'un artiste qui a le privilège d'être protégé, les agents assermentés de l'HADOPI constitueront un dossier à destination du parquet.

En ce qui concerne les agents assermentés, nous dénonçons le fait que, dans l'article 1er bis, vous modifiiez HADOPI 1 qui a été promulguée il y a tout juste un mois en faisant disparaître les garanties de moralité et de déontologie de ces agents qui devaient être définies par décret en Conseil d'État,…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

… alors même que le présent projet de loi étend considérablement leurs pouvoirs,…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

…en leur accordant des prérogatives de police judiciaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Le Sénat a fort justement voulu préciser que les internautes devaient être entendus par ces agents s'ils le demandaient. Ils devront dans ce cas être convoqués par 1'HADOPI. Mais dans quels délais ? Imaginons que 40 000 internautes en fassent annuellement la demande. Comment cela se passera-t-il ? Avec quels moyens ? Nous souhaiterions être éclairés sur ce point compte tenu de l'amoncellement de la tâche qui attend les « « petites mains » de l'HADOPI chères à Mme Albanel.

Les agents de l'HADOPI vont donc établir des PV de constatation et éventuellement d'audition. En réalité, en ce qui concerne les actes de téléchargement illégal, ils constateront surtout et uniquement qu'ils ont reçu des signalements de la part des titulaires de droits. C'est un peu léger ! Ils compileront les données en leur possession, feront leur enquête comme ils pourront afin, comme le dit M. Riester dans son rapport : « qu'elle soit la plus complète possible et évite, dans la mesure du possible, soit la nécessité d'une enquête de police complémentaire, soit un classement sans suite de la procédure transmise au parquet. »

Le parquet, une fois destinataire de cette enquête, transmettra au juge, en spécifiant sans nul doute qu'il souhaite recourir à l'ordonnance pénale, afin d'accélérer la procédure. Je dis « sans nul doute » car, au moment où nous discutons de ce point fort contestable de votre projet de loi, nous n'avons toujours pas, malgré nos demandes, le projet de circulaire ou d'instruction de Mme la garde des sceaux annoncé dans l'étude d'impact du Gouvernement. Nous la redemandons par conséquent avec insistance.

Le Gouvernement a en effet pour objectif de montrer que tout cela peut aller vite, de démentir ce qu'on appelle habituellement les lenteurs de la justice, qui auraient pu inquiéter les ayants droit. De là est venue l'idée d'élargir le champ des ordonnances pénales à la protection du droit d'auteur. Rappelons que cette procédure dite simplifiée a comme caractéristique principale d'être écrite et non contradictoire. Rappelons aussi qu'elle conduit à une absence de collégialité dans la mesure où c'est une procédure avec un juge unique.

Nous contestons fortement ce recours aux ordonnances pénales tant les garanties apportées en théorie par le juge sont réduites à la portion congrue et surtout parce qu'il concernait jusqu'à présent la sanction d'infractions difficilement contestables. Or ce qui peut s'avérer évident pour le respect du code de la route ne l'est pas lorsqu'il s'agit d'internet.

Vous tentez pourtant, depuis déjà plusieurs mois, d'établir une analogie entre répression du téléchargement illégal et mobilisation contre l'insécurité routière. Ce fut encore le cas ce matin, madame la ministre. Vous avez été amené, monsieur le ministre de la culture, de manière caricaturale à faire référence ce matin encore aux « chauffards de l'internet ». Je regrette de vous dire que cela n'a pas de sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Non seulement vous ne pouvez pas comparer le relevé automatique d'un radar au dossier constitué par les agents de l'HADOPI mais, au-delà, il est inconcevable de comparer la possibilité pour l'automobiliste de faire valoir le fait qu'il avait prêté sa voiture le jour de l'infraction ou qu'il se l'était fait voler, à la nécessité pour l'internaute de prouver que quelqu'un d'autre que lui a téléchargé à son insu.

D'ailleurs, dans son cahier numéro 27 concernant sa décision du 10 juin dernier sur HADOPI 1, le Conseil constitutionnel a précisé : « Il n'est pas besoin d'entrer dans le débat technique sus-évoqué pour constater qu'il est autrement plus difficile, pour un internaute, de savoir et, a fortiori, de démontrer que son accès à internet est utilisé à son insu, que, pour le propriétaire d'un véhicule, de savoir que ce dernier a été volé… Il n'y avait pas d'équivalence possible dans la " vraisemblance de l'imputabilité " entre ces deux situations. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Or la seule adresse IP ne pourra faire foi, vous le savez bien.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

La preuve, vous ne pourrez l'obtenir que si le dossier de l'HADOPI ou l'enquête contiennent des aveux. Cette preuve n'est possible que par l'aveu, ce qui, relevons-le, est en totale contradiction avec les déclarations de Nicolas Sarkozy, qui affirmait, le 7 janvier dernier, lors de ses voeux aux magistrats, qu'il fallait, je cite, « passer de la culture de l'aveu à la culture de la preuve ».

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Par ailleurs, alors que le Conseil constitutionnel a insisté sur la nécessité de garantir les droits de la défense en matière de suspension de l'accès à internet, la procédure de l'ordonnance pénale offre peu de garanties – c'est le moins que l'on puisse dire – en ce domaine.

Rappelons aussi que cette procédure n'est pas applicable si le prévenu était mineur au jour de l'infraction, ou si la victime a formulé, au cours de l'enquête, une demande de dommages et intérêts. Et j'en viens – cela vaut la peine – à cette demande de dommages et intérêts.

La loi est actuellement ainsi faite. Mais cette dernière disposition vous a, semble-t-il, causé un problème ! Les ayant droits ont en effet compris que votre dispositif tentait de répondre à leur demande de rapidité mais que, de fait, il en oubliait l'essentiel, leurs droits.

Aussi le Sénat avait-il prévu que la Haute autorité informerait les représentants des ayants droit sur les éventuelles saisines de l'autorité judiciaire qu'elle opérera, leur permettant ainsi de décider s'ils souhaitent ou non se constituer partie civile et, le cas échéant, se signaler auprès du procureur de la République, afin de bénéficier de la procédure classique. Mais, de fait, les ayants droit devaient choisir entre dommages et intérêts ou procédure rapide.

Ce n'était visiblement toujours pas satisfaisant, jusqu'au moment où M. le rapporteur, tel un sauveur, est intervenu en créant, par voie d'amendement, un régime d'exception permettant que le juge puisse statuer, en l'espèce seulement, sur le pénal et sur le civil.

Pouvez-vous me dire, madame la garde des sceaux, ce qui justifie cette exception ? Pourquoi les victimes de pratiques commerciales prohibées ne pourraient-elles pas elles aussi bénéficier de cette nouvelle opportunité ? Cela montre bien à quel point vous tâtonnez, à quel point vous essayez de colmater les brèches, les unes après les autres.

L'ordonnance pénale est déjà une exception au droit commun, …

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

… à laquelle vous ajoutez une nouvelle exception. Le principe d'égalité est donc à nouveau bafoué.

Plusieurs députés du groupe SRC. Absolument !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Dans le cas où le procureur décide de recourir à l'ordonnance pénale, il doit transmettre le dossier au juge unique en motivant sa décision, mais surtout après avoir estimé que les faits sont établis avec certitude.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

C'est là que nous revenons à nouveau et inlassablement à la même question.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Comment peut-on établir avec certitude qu'un internaute a téléchargé illégalement un fichier ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Il est impossible, à moins d'effectuer des recherches longues, techniques et coûteuses, d'établir en l'espèce et avec certitude la culpabilité d'un internaute. D'ailleurs, le 23 février dernier, le tribunal de Guingamp a estimé que l'adresse IP d'un internaute n'était pas suffisante pour déterminer ou non la culpabilité d'un prévenu, le relaxant, de fait, au bénéfice du doute.

Le principe, résultant des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, est clair : « Nul n'est punissable que de son propre fait ».

Le juge devra donc demander une enquête complémentaire et, alors même que les juridictions manquent cruellement de crédits budgétaires pour les financer, nous nous interrogeons tant sur leurs capacités à le faire que sur les moyens réels de prouver la culpabilité des internautes. Une fois l'ordonnance pénale rendue, ce sont alors les agents de l'HADOPI qui, déjà fort occupés par la constitution des dossiers d'incrimination des internautes, devront informer les fournisseurs d'accès à internet de la décision de justice, FAI qui auront alors quinze jours pour suspendre l'accès à internet sous peine d'amende.

Notons ici que permettre à des organismes privés d'exécuter une décision de justice est plus qu'étonnant. Alors que le considérant 28 de la décision du Conseil constitutionnel du 10 juin 2009 définissait le rôle de l'HADOPI comme purement préparatoire à l'instance, plusieurs articles du texte enlèvent ainsi au juge l'application des peines pour les confier à une autorité qui notifiera aux FAI les suspensions, tiendra un fichier de suivi des suspendus et s'assurera que les peines ont bien été effectuées. Or il appartient à la justice de faire exécuter les peines qu'elle prononce. C'est même au coeur du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs.

Je tente, tant bien que mal,…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

… ne m'en voulez pas, de vous éclairer, mes chers collègues,…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

… – on peut toujours essayer –, sur toutes les étapes de la procédure, et sachez que j'en ai omis certaines : sur les aller retour entre ayants droit et HADOPI, entre HADOPI et FAI, sur les diverses constitutions et transmissions de dossiers ou d'enquêtes, sur les aller retour et les notifications entre parquet et juge puis juge et parquet, précédant de nouveaux échanges entre HADOPI et FAI, afin de vous alerter sur le dispositif insensé créé par ce projet de loi dont le seul objectif est d'aboutir à ce que l'on peut désormais qualifier de graal du Gouvernement : arriver à tout prix à suspendre – c'est une obsession – la connexion internet de nos concitoyens.

Voilà l'objectif que vous peinez tant à atteindre. D'ailleurs, vous avez tellement de mal à satisfaire aux exigences du Conseil constitutionnel que vous avez introduit un article 3 ter A qui dispose que « la durée de la peine prononcée doit concilier la protection des droits de propriété intellectuelle et le respect du droit de s'exprimer et de communiquer librement, notamment depuis son domicile ». À charge pour le juge de trouver cet impossible équilibre.

Je tiens à rappeler, à toutes fins utiles, que cette suspension ne pourra, selon l'ARCEP, concerner plus de trois millions d'internautes, pour lesquels il est impossible de couper l'accès à internet sans couper en même temps leur accès à la télévision et à la téléphonie, ce qui laisse à nouveau subsister une rupture d'égalité entre nos concitoyens.

En ce qui concerne l'applicabilité de cette loi, les experts de l'INRIA vous ont également adressé des mises en garde que vous avez préféré ignorer.

Par ailleurs, nous attendons toujours du Gouvernement une réponse à une question pourtant simple qui ne nous a jamais été donnée jusqu'à présent malgré notre insistance : qui va payer les 70 millions d'euros estimés comme nécessaires par le CGTI, organisme dépendant de Bercy, pour l'adaptation des opérateurs techniques à la mise en oeuvre de ces suspensions ? Vous ne pouvez pourtant ignorer ces données qui sont autant d'obstacles juridiques, financiers et techniques.

En ce qui concerne le deuxième dispositif prévu à l'article 3 bis de votre projet de loi, c'est-à-dire le défaut de négligence caractérisée, il est tout aussi juridiquement risqué que le précédent.

Ce dispositif est en effet particulièrement contestable, encore plus, peut-être, que la manière avec laquelle vous avez abusivement assimilé le téléchargement illégal à de la contrefaçon dont l'objet est, par nature, lucratif.

En fait, conscients de la difficulté matérielle de prouver le délit de contrefaçon, vous recourez, une nouvelle fois, à un dispositif qui permet de sanctionner un internaute qui n'est pas l'auteur du téléchargement illégal. C'est ainsi que vous créez une sanction contraventionnelle pour négligence caractérisée et que vous remettez dans le circuit, si j'ose dire, la présomption de culpabilité pesant sur l'internaute, déjà sévèrement soulignée par le Conseil constitutionnel.

En dépit de nos demandes, nous ne disposons pas, à l'heure où je parle, du projet de décret qui accompagnera ce projet de loi. Et pourtant, l'objectif est clair, comme le souligne M. Riester dans son rapport : s'« il n'est pas établi que l'abonné a lui-même procédé au téléchargement constaté sur sa ligne », alors il encourt une contravention de cinquième classe et une suspension de son accès à internet jusqu'à un mois. En résumé, comme on ne sait pas qui est coupable, l'abonné est désigné arbitrairement comme responsable puisqu'il est supposé avoir laissé autrui sciemment commettre un délit de contrefaçon sur sa connexion.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Le projet de loi confie au règlement le soin de définir cette négligence caractérisée. Le seul élément de précision nous est apporté par le rapporteur qui nous indique tout au plus – je le cite –,…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

…que l'on « peut penser que la négligence caractérisée sera avérée ; par exemple, si un abonné que l'HADOPI aura mis en demeure de mettre en oeuvre un dispositif de sécurisation labellisé ne l'a pas fait ». C'est à la fois court et lourd d'enseignements.

Ainsi, le projet de loi conduit implicitement à une obligation d'installer des moyens dits de sécurisation dont nous ne savons rien à cette heure, qui risquent d'être coûteux pour l'internaute, dont nous ne savons pas dans quelle mesure ils seront interopérables et adaptés à toutes les configurations informatiques, nous pensons tout particulièrement aux logiciels libres. Nous en avons largement débattu lors de la loi HADOPI 1 en apportant tous les éléments démontrant leur inefficacité.

Il faudra, dès lors, établir concrètement que l'abonné n'a rien fait pour sécuriser sa ligne. Comment s'y prendre ? L'internaute peut très bien avoir essayé sans obtenir le résultat escompté. Sécuriser sa ligne n'est pas chose facile, et, outre le fait que la sécurisation parfaite d'une connexion internet est techniquement irréalisable, il nous semble difficile de justifier une sanction privative de la liberté d'expression et de communication pour punir ce type d'infraction.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

C'est tout sauf démago ! C'est le verdict du Conseil constitutionnel !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Vous allez ainsi placer les internautes dans une insécurité juridique inacceptable.

De plus, les trois clauses d'exonération de responsabilité qui étaient pourtant prévues dans HADOPI 1 ne sont pas reprises dans HADOPI 2. Vous avez ainsi fait le choix d'un durcissement inquiétant.

Autre exemple de ce durcissement, vous créez, ce qui n'avait jamais été évoqué jusqu'alors, une sanction supplémentaire, à savoir une amende de 3 750 euros pour l'internaute qui contournerait l'interdiction de souscrire un nouveau contrat d'abonnement à internet.

Nous ne pouvons donc que constater combien le dispositif que vous voulez mettre en place crée une disproportion des peines intolérable. Ainsi, écoutez bien chers collègues, pour le délit de contrefaçon, l'internaute risquera, si cette loi était votée, une amende jusqu'à 300 000 euros, de la prison jusqu'à trois ans, la suspension de son accès à internet jusqu'à un an, le paiement – ce qui reste scandaleux – de son abonnement durant la suspension alors que rien ne le justifie dans la mesure où il ne bénéficiera plus de la prestation, et – cerise sur le gâteau – le paiement de dommages et intérêts. Ces peines seront par ailleurs inscrites dans son casier judiciaire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

De la double peine prévue dans HADOPI 1, on en est arrivé à la quintuple peine dans HADOPI 2. Vraiment, bravo ! On est bien loin du « cadre psychologique » cher à Mme Albanel ! Vous avez fait un choix. Il est clair. C'est celui du tout répressif, au risque à nouveau de l'inconstitutionnalité. C'est la raison pour laquelle nous vous conseillons, mes chers collègues, de voter cette motion de rejet préalable qui vous permettra prudemment de ne pas avoir à délibérer de ce nouveau monstre juridique, de cette nouvelle usine à gaz ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Pas avant les explications de vote, monsieur Brard.

La parole est à M. le ministre de la culture.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Monsieur le député, nous aurons évidemment l'occasion d'évoquer longuement les points sur lesquels vous nous appelez à débattre. Il y a urgence : pendant que nous parlons, le piratage continue ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR. - Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Cela fait des mois que l'on travaille sur ce texte, il faut maintenant passer à la prochaine étape. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

Nous parlons du code de procédure pénale, vous semblez l'oublier !

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Je vous en ai parlé hier soir, je vous en reparle ce matin !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

Nous parlons du code de la protection des libertés, monsieur le ministre ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

Je montre à M. le ministre le code de procédure pénale car c'est cela le fond du sujet !

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je vous en prie, monsieur Le Bouillonnec ! Calmez-vous !

Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Quatrième saison ou pas, j'ai l'impression d'entendre la même antienne pour ne pas dire la même rengaine (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) érigeant en principe le manque d'idées avec un débat qui tombe à plat.

Nul ne conteste la décision du Conseil constitutionnel !

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Les nuls, c'est vous !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Nul ne conteste la suppresion des articles 5 et 11 et la nécessité d'aller au-delà, c'est du reste ce qui nous réunit aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Bouillon

C'est le Conseil constitutionnel qui vous y oblige !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Aucun des arguments avancés par l'opposition, par M. Bloche en particulier, ne tient la route. C'est toujours le même discours, les mêmes caricatures, les mêmes simplifications et le refus de comprendre une situation qui est pourtant largement connue.

Quoi de nouveau ? La nécessité de défendre des droits qui doivent se concilier. Nul (« C'est vous qui êtes nul ! » sur les bancs du groupe SRC.) n'a défendu la liberté pleine et absolue. Nul ne peut comprendre qu'il est possible de télécharger illégalement sans contrepartie. La liberté, c'est aussi la responsabilité : un encadrement juridique est donc nécessaire. Il faut que l'on fasse comprendre que l'on ne peut tout faire à n'importe quel moment.

Ce texte vous dérange ; il se fonde, pourtant sur des accords – les accords Olivennes – de l'automne 2007 et a obtenu l'appui de la quasi-unanimité du monde artistique et culturel

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Évidemment, cela vous dérange car, d'habitude, le monde des arts et de la culture n'est pas à nos côtés ! Ne vous en déplaise, les producteurs, les réalisateurs ainsi que les acteurs du monde de la musique et du film sont à nos côtés, majors ou plus humbles, parce que la création n'est pas l'apanage de quelques-uns.

Les chiffres sont là, même s'ils vous dérangent : le piratage touche 99 % des entreprises de la musique, 95 % des salles de cinéma, qui sont des PME. Le piratage, c'est aussi une baisse importante des ventes de DVD, de CD, détruisant des milliers d'emplois.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Pendant que nous parlons – M. le ministre l'a rappelé –, le piratage continue. Il importe donc de le faire cesser et de repousser la motion de rejet préalable pour que, enfin, nous arrivions au coeur du problème. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je vous rappelle, mes chers collègues, qu'aux termes de notre nouveau règlement les explications de vote ont une durée maximale de deux minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

M. Gosselin a largement dépassé son temps de parole !

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Sur le vote de la motion de rejet préalable, je suis saisi par le groupe SRC d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Marcel Rogemont, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

L'internet nuit gravement à l'économie de la culture, chacun en est conscient. La question est alors de savoir comment répondre à cette perturbation. Or les réponses nous divisent. Pour vous, chers collègues de la majorité, le téléchargement est un vol, pour nous, il est un dol.

Selon vous, il faut punir et seulement punir. C'est ce que proposent HADOPI 1 et 2. Pour nous, le téléchargement étant un dol, il faut rechercher les moyens nouveaux pour compenser ses effets. Nous avons fait et continuons de faire des propositions par le biais de nos amendements. Pour nous, la gratuité de l'accès à un bien culturel ne peut pas être considérée comme un vol. Je rappelle que le Président de la République lui-même a imposé la gratuité de l'accès aux musées. Pourtant, cela concerne des personnes qui travaillent et créent, et cela représente des investissements lourds.

Non, la gratuité d'accès à un bien culturel ne peut s'apparenter à un vol, mais bien plus à une question posée à notre société. Cela mérite que l'on y réfléchisse. Le ministre parle d'urgence. Oui, il est urgent de réfléchir, et non de punir. À cela s'ajoute un fait inadmissible : votre projet de loi ne protègera pas toutes les oeuvres, tous les artistes ; il ne vise que les oeuvres et les artistes les plus téléchargés. Ainsi, on ne protégerait que les plus riches et non les plus modestes. Au repli sécuritaire archaïque, vous ajoutez l'injustice.

Voilà pourquoi j'appelle chaque député à réfléchir, à prendre le temps du dialogue avec l'ensemble des partenaires concernés. Les nouvelles conditions de l'économie de la culture sont à bâtir. Il y a donc urgence à réfléchir et à voter la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Monsieur le ministre, rien ne sert de courir, il faut partir à point. Vous avez beau multiplier les procédures d'urgence, le Gouvernement a été obligé d'accepter l'organisation d'un vote solennel en septembre (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC), ce dont nous nous réjouissons. Nous avons donc tout le temps pour débattre.

Depuis ce matin, vous multipliez les comparaisons invraisemblables. Au moment d'HADOPI 1, nous avions eu droit aux comparaisons avec l'automobile – M. le ministre de la culture s'obstine, du reste, à croire qu'il a un problème avec son permis –, avec les coupures d'eau et d'électricité et, maintenant, avec les hooligans dans les stades, la grand-mère et le coquelicot ou encore avec le dopage sur le Tour de France ! De grâce, un peu de sérieux ! Ce n'est pas en multipliant les comparaisons hasardeuses qu'on nourrit un débat de fond.

Vous avez employé l'expression de « caniveau des pirates » à la fin de votre intervention. Mais je ne crois pas que traîner ainsi des millions de Français dans la boue permettra de faire avancer le débat et de régler les problèmes, d'autant que ce faisant, vous insultez votre propre famille puisque vous avez expliqué devant la commission que votre fils piratait. Vous avez également indiqué que vous-même aviez été amené à le faire une fois et Mme la garde des sceaux nous a précisé que son neveu en faisait autant, même si tout cela a disparu du compte rendu de la commission.

La situation n'est pas aussi simple que certains voudraient nous le faire croire en parlant de pirates et de délinquants ne voulant rien comprendre dont il faudrait réprimer au plus vite les agissements.

En réalité, vous n'arrivez pas à admettre que le modèle culturel en vigueur est un modèle périmé à l'ère de l'internet et qu'il convient d'en construire un nouveau. Ce n'est pas en vous battant contre les moulins à vent comme Don Quichotte que vous parviendrez à trouver une solution valable non seulement pour les artistes les plus connus, qui n'ont pas de problèmes de fin de mois, mais pour l'ensemble des auteurs qui touchent des droits minimes ne leur permettant pas de vivre. Eux sont à la recherche d'un autre modèle culturel qui respecte leur droit moral d'auteur et leur droit à un revenu, et qui assure dans le même temps un accès massif à la culture susceptible de permettre à tous ceux qui n'en avaient pas encore la possibilité d'avoir accès à des oeuvres diverses et variées, de tous les pays.

Cette nécessaire réflexion sur un nouveau modèle, vous la remettez à plus tard. Vous nous proposez une troisième étape alors que c'est par cela qu'il aurait fallu commencer. Quant aux accords sur la chronologie des médias, la SACD, en soulignant qu'ils n'apportaient rien, a su les apprécier à leur juste mesure : ils n'ont aucun intérêt.

Le groupe GDR votera donc cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur la motion de rejet préalable.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 348

Nombre de suffrages exprimés 348

Majorité absolue 175

Pour l'adoption 123

Contre 225

(La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Non, monsieur Brard, je vous donne la parole pour défendre la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur le président, je comprends fort bien que, compte tenu des fonctions que vous occupez à Nice, vous soyez pressé de rentrer dans votre circonscription, mais j'avais demandé la parole pour un rappel au règlement. J'y reviendrai plus tard.

Auparavant, monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j'aimerais vous conter une petite histoire faite de coups de théâtre et de rebondissements inattendus que vous goûterez, j'en suis certain, particulièrement vous, monsieur Mitterrand.

Vous êtes venu en renfort, monsieur le secrétaire d'État aux libertés, mais je ne voudrais que cela soit de mauvais augure et qu'il vous arrive ce qui est arrivé à Mme la secrétaire d'État aux droits de l'homme, qui a fini comme ministre de la pétanque.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Mais de quoi vous mêlez-vous, cher collègue ! Jusqu'à nouvel ordre, nous n'intervenons pas sous le contrôle du commissaire politique de l'UMP : chacun ici a le droit de s'exprimer librement, fort de la légitimité que lui donne le suffrage universel, à condition de pouvoir en user, bien sûr, ce qui n'est pas le cas de nos collègues de l'UMP. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Tout a commencé au mois de février quand est venu à l'ordre du jour des débats de l'Assemblée nationale un projet de loi « favorisant la diffusion et protection de la création sur internet ». Il nous fallut peu de temps pour nous rendre compte que, dans ce texte, on ne trouvait nulle trace de création, la diffusion y étant, quant à elle, réduite à la portion congrue. En revanche, la répression, si chère au coeur de notre ancien ministre de l'intérieur devenu Président de la République, se trouvait, elle, fort bien pourvue.

Remis de notre stupeur et de notre indignation premières, nous engageâmes une bataille déterminée, féroce aux dires de certains, avec l'appui de la communauté des internautes qui, en ce moment, nous regardent. Je les engage d'ailleurs à envoyer des mails à Mme Alliot-Marie, à M. Frédéric Mitterrand, à M. Bockel, à M. Riester et à Mme Tabarot afin de leur dire ce qu'ils pensent et je les invite à venir dans les tribunes de notre assemblée pour garder sous leur oeil vigilant les députés de l'UMP, comme ils le firent lors des discussions précédentes.

Cette bataille dura des jours et des jours, faisant savoir à toutes et à tous, et surtout aux artistes, à quel point cette loi était inutile et liberticide. Hélas ! cédant aux sirènes des majors et aux souhaits présidentiels qui ne souffrent aucune contestation, l'écrasante majorité des députés assis à la droite de cet hémicycle fit en sorte que le projet soit adopté. Il en alla de même au Sénat qui, chacun le sait, ne brille pas toujours par son avant-gardisme.

Le combat parlementaire semblait perdu. C'est alors, ô délectable surprise, que le durcissement du texte en CMP suffit à faire sortir de leurs gonds quelques députés de droite, fervents défenseurs des libertés individuelles, dont je salue ici le sens de la démocratie et le courage avec d'autant plus d'insistance que ces compliments ne peuvent pas être adressés à un très grand nombre de députés de la majorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Il y a des compliments dont on se passe fort bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Quand ils sont mérités, il faut les distribuer sans avarice. Mais vous, monsieur Gosselin, ne les méritez point.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Cette fois-ci, les députés de la majorité, lestés des semelles de plomb que leurs électeurs leur avaient fait chausser, ne réussirent pas à rejoindre l'hémicycle en temps et en heure, malgré les efforts méritoires de Jean-François Copé qui, conséquence de son inefficacité, fut admonesté et rudoyé. C'est ainsi que la gauche sortit triomphante du combat pour la défense des libertés et de la démocratie et parvint, par sa victoire, à faire barrage à la dérive autoritaire et libérale que représentait cette loi.

Tempêtes et tremblements à l'Élysée. « Qu'à cela ne tienne ! », déclara son altesse impériale. « Qui ose ainsi me défier alors que je me suis engagé auprès de mes chers courtisans, Johnny, Michel Sardou, Doc Gynéco et Pascal Nègre ? » gronda-t-elle. « Mais », comme dirait Ubu, « c'est égal, je pars en guerre et tuerai tout le monde. Gare à qui ne marchera pas droit ! ».

Usant de sa supériorité numérique, le Gouvernement, en la personne de Mme Albanel, qui aujourd'hui n'est, hélas ! plus parmi nous – enfin, je ne sais s'il faut s'en désoler, monsieur Mitterrand, car si elle était toujours présente, nous serions privés de vos envolées philosophiques, qui contrastent avec les réflexions William Saurin ou Fleury-Michon de M. Laporte (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) – …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Vous êtes injurieux et irrespectueux, monsieur Brard !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je ne suis pas injurieux, je rétablis simplement la vérité historique, monsieur Gosselin. Que vous n'ayez rien à dire, nous le savons déjà et votre explication de vote n'a fait que nous en convaincre davantage. Mais essayer de me déstabiliser est particulièrement malvenu et inefficace.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Voilà le résultat de dizaines d'années de pratique de la dialectique !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Eh oui, c'est l'avantage de l'expérience accumulée au fil des ans : la sagesse !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Le Gouvernement remit donc la loi à l'ordre du jour et la fit de nouveau adopter. « Combat des voraces contre les coriaces, mais les voraces ont complètement mangé et dévoré les coriaces », disait encore Jarry.

Le Gouvernement remporta donc une deuxième victoire, mais une victoire à la Pyrrhus car c'était sans compter avec le sens aigu de la constitutionnalité et la droiture des sages du Palais Royal. À la grande joie des défenseurs des libertés, la majorité du texte fut censurée. Adieu riposte graduée, défaut de sécurisation, coupure et autres fichages électroniques : nous allons enfin pouvoir parler de culture, de création et de leur financement, pensions-nous. Que de candeur ! Si nous savions que le Gouvernement n'avait que faire des réticences des parlementaires et de l'opposition des internautes et de nombreux artistes, il nous paraissait peu probable qu'il s'asseye sur une décision du Conseil constitutionnel pour venir, à la fin du mois de juillet, alors qu'une partie de nos compatriotes est en vacances, nous présenter une version encore plus dure que la précédente. Mais il le fit.

Ainsi s'achève, mes chers collègues, mon histoire dont la fin heureuse commence sérieusement à se faire désirer.

Cependant, nous voici prêts à vivre une nouvelle aventure à vos côtés ou plutôt face à vous, monsieur le ministre, vous que nous accueillons pour votre premier texte dans cet hémicycle. Toutefois, avec tout le respect que je vous dois, autant vous le dire tout de suite : en vous lançant à votre tour dans la croisade pour le respect du droit des majors à faire toujours plus de profits à travers un texte toujours aussi problématique, vous me semblez plutôt mal engagé. Je crains – je vous le dis avec toute ma compassion – que vous ne soyez sur le point d'entamer un cruel chemin de croix.

La nouvelle version pénale du projet de loi sonnerait presque comme une provocation à l'encontre des décisions prises par le Conseil constitutionnel, tant vous vous astreignez à les contourner, à les biaiser et à les prendre à revers. Que dit cet avis en substance ?

Tout d'abord, il reconnaît à propos de l'accès internet qu'« en l'état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu'à l'importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l'expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d'accéder à ces services ». Puis il souligne qu'« eu égard à la nature de la liberté garantie par l'article 11 de la Déclaration de 1789, le législateur ne pouvait, quelles que soient les garanties encadrant le prononcé des sanctions, confier de tels pouvoirs à une autorité administrative ».

Cette déclaration fait écho à l'amendement Bonno, voté au Parlement européen, que votre prédécesseur a délibérément ignoré, répétant à l'envi que ce vote ne remettait pas en cause le projet de loi. Visiblement, le Conseil en a jugé autrement. Monsieur Mitterrand, ce que nous pouvons vous souhaiter, c'est la longévité pour que nous puissions échanger avec vous. Mais souvenez-vous de ce que disait Confucius : « L'expérience des autres, c'est comme une lanterne qu'on accroche dans le dos pour éclairer le chemin qui est devant. » C'est ce que Mme Albanel a fait : elle ne se rappelait plus les mésaventures de M. Donnedieu de Vabres. Vous, ne soyez pas éclairé ainsi, mais par l'expérience malheureuse de vos deux prédécesseurs ; tirez les leçons de l'enseignement de Confucius, tirez les leçons de l'expérience, ne persévérez pas dans l'erreur ! Sinon, vous savez ce qui arrive aux ministres – je ne parle pas de ceux qui désobéissent à sa Majesté impériale, parce que ceux-là gagnent leurs titres de noblesse au regard de l'histoire –, à ces membres du Gouvernement qui, voulant bien faire et déférer aux desidarata du locataire de l'Élysée, se laissent aller à des comportements qui ne sont pas républicains et respectueux des libertés. Entendez tout cela afin de ne pas vous trouver dans une telle situation.

S'agissant de l'épine dorsale de cette loi d'exception, c'est-à-dire du processus de riposte graduée qui s'appuie sur le défaut de sécurisation, le Conseil constitutionnel a estimé que l'obligation faite au titulaire de l'accès de « produire les éléments de nature à établir que l'atteinte portée au droit d'auteur procède de la fraude d'un tiers », inversait la charge de la preuve et instituait une présomption de culpabilité contraire à la Déclaration de 1789 en vertu de laquelle tout homme est présumé innocent. Le Conseil a désavoué les pouvoirs exorbitants dont on voulait doter la Haute autorité et a jugé la méthode liberticide. Il ne restait donc rien de la colonne vertébrale du précédent projet.

Aussitôt, ministres, porte-parole, éminences grises et conseillers spéciaux se sont empressés, dans une attitude unanime et contre-républicaine, de fustiger la décision des gardiens de notre Constitution et de l'interpréter à l'aune de leur conception toute particulière de la démocratie. Passée cette réaction d'humeur, le Gouvernement se devait tout de même de revoir sa copie, pressé en cela par un président qui, sur ce dossier, souhaite aller « jusqu'au bout », selon ses propres termes. Rien n'est exagéré pour satisfaire les sphères d'une certaine culture dont il souhaite avoir le soutien indéfectible et qu'il se fait fort d'instrumentaliser – avoir la culture TF 1 dans la poche, c'est se donner les moyens d'une propagande diffuse à bas coût. Exemple nous en fut donné, à maintes reprises, par votre prédécesseur à la culture, qui brandissait à tout va la liste, pour le moins douteuse, des 10 000 artistes et lobbyistes qui soutenaient HADOPI. En épluchant cette liste, qu'avons-nous découvert ? Certes, au-dessus du panier, il y avait quelques artistes, mais en dessous, le plus grand nombre était constitué d'employés des majors, inconnus de tout le monde, censés être un gage du soutien des artistes à la politique gouvernementale. C'était une affabulation, une escroquerie. Cela me rappelle le camion dans lequel, en prévision du contrôle de la douane, on a placé au-dessus les produits annoncés, et en dessous les produits frauduleux.

Pressés de satisfaire le locataire de l'Élysée, qui fait de ce dossier une affaire personnelle, les services se sont donc attelés à la tâche pour concocter un « Hadopire ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C'est la politique du bunker, du tir à vue sur l'internaute ! Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, on imagine Nicolas Sarkozy devant son écran, les mains sur la console, désintégrant, les uns après les autres, les internautes qu'il combat au nom d'intérêts inavouables.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Vos propos relèvent de l'addiction verbale, monsieur Brard !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Afin de combler les béances ouvertes par la censure constitutionnelle du fait de l'amateurisme d'un gouvernement affublé d'oeillères élyséennes, vous avez donc concocté un patch pénal plus répressif encore que la première mouture du projet : la commission de protection des droits ayant été privée de tout pouvoir de sanction propre, ce volet passera désormais par le juge. Certes, nous le demandions, à défaut de solutions alternatives pour la rémunération de la culture... mais nous n'en demandions pas tant !

Comment, dans le contexte actuel, contourner les contraintes résultant des réductions budgétaires et de la réforme de la carte judiciaire, contraintes qui interdisent le recours à la procédure classique pour un tel volume de contentieux : 50 000 condamnations envisagées par an ? Comment conserver le caractère expéditif de la sanction, déjà à l'oeuvre dans HADOPI 1 ? Comment s'affranchir d'un vrai jugement, d'une comparution en bonne et due forme, de l'exigence du contradictoire, minimiser à la fois l'expression des droits de la défense et l'appréciation souveraine des juges dont votre gouvernement se méfie comme de la peste ? Autant de questions indécentes auxquelles vous avez trouvé la réponse en décidant de recourir à l'ordonnance pénale et à la procédure simplifiée. Dans les faits, ce n'est ni plus ni moins que la transposition à la justice du traitement automatisé des sanctions prévu par HADOPI 1.

En effet, l'ordonnance pénale a été créée sur mesure pour les contraventions routières, contentieux de masse matériellement simple à prouver. Il est vrai que, depuis son apparition, son champ d'application a été constamment élargi, au mépris des droits de la défense. Le Sénat avait d'ailleurs écarté une nouvelle extension lors de la discussion du projet de loi pour la simplification du droit. Le rapport du sénateur Saugey était éloquent : « Votre commission est particulièrement réservée face à cette extension massive du champ de l'ordonnance pénale [...]. Il s'agit d'une procédure écrite et non contradictoire basée essentiellement sur les faits établis par l'enquête de police et au cours de laquelle la personne n'est, à aucun moment, entendue par l'institution judiciaire. »

Vous avez bien entendu, monsieur le ministre, et j'imagine que vous ne voulez pas être dans le rôle de Fouquier-Tinville, qui condamnait – certes, dans d'autres circonstances – les accusés sans les faire comparaître et sans leur laisser le droit de s'exprimer. C'est pourtant ce que votre texte prévoit.

M. Saugey poursuit : « Si l'ordonnance pénale a montré son utilité dans le traitement de contentieux entièrement simples, telles les infractions au code de la route, elle n'est pas nécessairement adaptée pour des contentieux plus complexes. Comme l'ont fait observer les magistrats entendus lors de l'examen de ce texte, étendre le champ d'une procédure rapide et dépourvue de publicité apparaît contradictoire avec la volonté affichée par les pouvoirs publics de renforcer la transparence de l'institution judiciaire. Un recours systématisé à la procédure de l'ordonnance pénale pourrait affecter la qualité de la justice. » Voilà, mes chers collègues, le rapport de la commission des lois du Sénat. Vous ne pourrez pas dire ensuite que vous ne saviez pas ! On se délecte à la lecture des lignes que je viens de citer...

De plus, le Conseil constitutionnel a estimé, dans sa décision du 10 juin, qu'« il n'y a pas d'équivalence possible entre la situation de l'internaute et de l'automobiliste ». Monsieur le ministre, je vous assure qu'il faut lire les travaux du Conseil constitutionnel car on ne peut pas être compétent dans tous les domaines. Vos compétences sont fort nombreuses mais, de grâce, ne vous mêlez pas du code de la route, sinon vous allez nous emmener dans le fossé ! Nous voulons vous protéger du fossé que constitue HADOPI.

Qu'en est-il de l'extension de l'ordonnance pénale aux délits de contrefaçon ? En l'état actuel du texte, les agents assermentés de l'HADOPI qui flasheront, sur les réseaux, une adresse IP déjà repérée pour téléchargement d'une ou plusieurs oeuvres auxquelles sont attachés des droits d'auteur ou des droits voisins dresseront un procès-verbal des faits constatés et « susceptibles de constituer des infractions », qu'ils transmettront à un juge unique. Si le juge estime que les preuves réunies sont suffisantes, il rendra une ordonnance pénale déclarant le prévenu coupable et prononcera une peine à son encontre : peine pécuniaire assortie d'une peine complémentaire de suspension de l'accès à internet, cette dernière pouvant se substituer à la peine principale. À ce stade de la procédure, qui aboutira pourtant à des sanctions particulièrement sévères, aucune audience n'est organisée, pas plus que la recherche de preuves matérielles tangibles ; et il n'y a aucune place pour un débat contradictoire. Si le prévenu ne réagit pas, il est donc condamné sans autre forme de procès, au mépris des droits de la défense. L'élargissement du jugement par voie d'ordonnance pénale aux infractions relatives aux droits d'auteur revient de fait à instaurer une présomption de culpabilité contraire, je le répète, aux exigences formulées par le Conseil constitutionnel.

Pour résumer, un juge unique assurera le travail que le Conseil constitutionnel a refusé de confier à la commission des droits de l'HADOPI, et pourra ne prononcer que la suspension de l'accès à internet du prévenu. Sur ce dernier point, force est de constater que cette peine complémentaire privative de liberté d'expression et de communication à laquelle le projet confère un statut contraventionnel est largement disproportionnée et certainement anticonstitutionnelle.

Mais revenons à l'ordonnance pénale. Qu'en dit le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 août 2002 ? On lit, au considérant no 77, que « si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de discriminations injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable ». Et les sages de poursuivre, dans le considérant no 78 : « [...] aux termes de l'article 495 du code de procédure pénale, le ministère public ne peut recourir à la procédure simplifiée que lorsqu'il résulte de l'enquête de police judiciaire que les faits reprochés au prévenu sont établis et que les renseignements concernant la personnalité de celui-ci, et notamment ses charges et ses ressources, sont suffisants pour permettre la détermination de la peine ». Enfin, les membres du Conseil estimaient dans le considérant suivant que « si l'article 495-1 du même code donne au ministère public le pouvoir de choisir la procédure simplifiée, dans le respect des conditions fixées par l'article 495, c'est en raison du fait que la charge de la poursuite et de la preuve lui incombe ».

Monsieur Bockel, en tant que secrétaire d'État auprès de la garde des sceaux, ne voyez-vous pas certaines contradictions insurmontables entre les dispositions de ce projet de loi et la décision que je viens de citer ? Ce sont les mêmes contradictions que nous n'avons eu de cesse de vouloir corriger lors des discussions qui ont animé notre hémicycle à l'occasion du projet de loi HADOPI 1.

Contentons-nous de comparer le nouveau projet de loi avec le considérant no 78 : en premier lieu, les infractions visées ne feront pas l'objet d'une enquête de police judiciaire puisque ce sont les agents assermentés de l'HADOPI ou les membres de la commission de protection des droits – une autorité administrative, je le rappelle – qui fourniront au juge un dossier ficelé... et quel dossier ! En l'absence d'enquête de police judiciaire, sur quel fondement les faits reprochés au prévenu seront-ils réputés établis ? Sur la seule foi de la constatation sur les réseaux, via l'adresse IP, de faits susceptibles de constituer les infractions ! Et cette même adresse IP serait de nature à établir que les renseignements concernant la personnalité de celui-ci, et notamment ses charges et ses ressources, sont suffisants pour permettre la détermination de la peine ! On croit rêver !

Devons-nous encore une fois vous faire la démonstration que ce type de relevé est loin d'être suffisant pour établir la culpabilité d'un internaute ? Nous le craignons. Combien de jugements comme celui de Guingamp, le 23 février dernier, seront nécessaires pour que le Gouvernement et la majorité ouvrent les yeux et se rendent à l'évidence de la complexité qui préside à l'établissement d'une preuve sur les réseaux ?

Vous le voyez, mes chers collègues, en l'état actuel, ce texte ne garantit pas plus de droits à la défense que le projet HADOPI 1. Non contents d'étendre le champ de l'ordonnance pénale au mépris des droits de la défense, vous aménagez cette procédure en permettant aux ayants droit victimes de se porter partie civile et de demander au juge de se prononcer par la même ordonnance sur leur action, parallèlement à l'action publique.

C'est un dispositif inédit, une entorse au code de procédure pénale, dans la mesure où, aux termes de son article 495, alinéa 9, l'ordonnance pénale fait barrage à l'action civile. Autrement dit, vous aménagez le code au bénéfice des ayants droit et des victimes. Pis : le texte prévoit de les informer diligemment pour qu'ils puissent ester en justice.

Quelle différence de traitement, chers collègues ! Certaines de vos circonscriptions ont été victimes de catastrophes naturelles. Souvenez-vous de la difficulté d'obtenir qu'un arrêté interministériel soit pris ! Et vous le savez comme moi : la plupart du temps, ces arrêtés sont pris entre Noël et le 1er janvier, puis publiés au Journal officiel, et les victimes n'ont que dix jours pour saisir leur compagnie d'assurance. Voilà la différence de traitement entre les victimes, selon qu'elles sont riches ou sont vraiment des victimes !

Nous sommes loin, très loin de la pédagogie prônée par Mme Albanel, et encore davantage de celle prônée tout à l'heure par Mme Alliot-Marie ! Il est vrai que le ton martial sur lequel elle nous promet de la pédagogie, rappelle davantage Rabelais que Rousseau ou Henri Wallon. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Loin de faire amende honorable, messieurs les ministres, de laisser ce texte absurde et dangereux reposer en paix aux oubliettes des caprices présidentiels et des effets d'opportunisme, au lieu de convoquer un grand débat sur la culture et la création sur internet, au lieu de consulter enfin les artistes et les usagers d'internet, voilà que, comme frappés de cécité et de surdité, vous vous entêtez et nous présentez une nouvelle mouture de la loi, encore pire que la précédente.

Nous faisons inlassablement des propositions. Pourquoi ne pas instituer une licence collective étendue, une contribution créative ? Pourquoi ne pas prélever une fraction des bénéfices des fournisseurs d'accès à internet ? Vous les mettez déjà à contribution en les obligeant à adapter leurs installations pour pratiquer les milliers de coupures de connexion quotidiennes, et pour fournir une partie du maigre financement que vous accordez à la télévision publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Pourquoi ne pas prélever une partie des recettes publicitaires des grandes chaînes de télévision privées ? Bien sûr, nous avons d'autres idées. Pourquoi ne pas faire contribuer les plus fortunés au rayonnement de notre culture ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur le président, je m'achemine vers ma conclusion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Le Gouvernement n'a de cesse de dorloter ces privilégiés qui bénéficient du bouclier fiscal. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je termine d'une phrase.

Ces amis du Président qui ne sont sûrement pas les vôtres, monsieur le ministre, s'appellent Michel Sardou, Mireille Mathieu ou Johnny Halliday. Ceux-là et les privilégiés du Fouquet's vous seront redevables, mais pensez au peuple français et aux internautes. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à Mme Michèle Tabarot, présidente de la commission des affaires culturelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Monsieur Brard, je ne vois pas dans votre discours d'éléments qui nous encouragent à retourner en commission, puisque vous défendiez une motion de renvoi en commission, je vous le rappelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Monsieur Paul, vous êtes bien placé pour évoquer la commission puisque nous avons eu le plaisir de nous y retrouver et qu'elle s'est tenue dans une excellente ambiance…

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Pendant plus de six heures, nous avons examiné tous les amendements. Je rappelle que les ministres ont été présents tout au long de ces débats et qu'ils nous ont écoutés…

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Je tiens à rappeler, comme je l'ai déjà fait à la tribune, que le rapporteur a lui aussi pris le temps de répondre point par point à chaque amendement présenté. Nous avons donc laissé vivre le débat. Demander un retour en commission, cela sous-entend que vous n'avez pas eu la possibilité de vous exprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Vous n'avez pas eu quatre secondes par amendement, monsieur Paul ! Vous avez eu tout le temps de débattre.

Je vous ai laissé un jour de plus pour préparer vos amendements…

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Vous venez de déposer près de 900 amendements et je souhaiterais, monsieur Paul, que vous fassiez preuve d'un peu d'honnêteté intellectuelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Je voudrais signaler à nos collègues que nous avons une liasse de quatre-vingt-quatre amendements déposés neuf fois par neuf députés différents (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), ce qui montre une réelle volonté d'obstruction. Assumez-la simplement.

Le Parlement – et plus particulièrement l'Assemblée – est impatient de débattre de ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Tabarot

…je ne vois aucune raison pour un renvoi en commission. Bien entendu, j'appelle mes collègues à rejeter cette motion. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission – limitées, je le rappelle, à deux minutes –, la parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Juste quelques mots, monsieur le président. Notre nouvelle présidente de la commission des affaires culturelles a brillamment dit les choses. Une motion de renvoi en commission pour quoi faire ? Quand on a déposé environ 900 amendements, qu'on a déjà passé plus de six heures en commission…

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Et alors ? Six heures, cela n'a rien d'excessif pour un texte !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

…et que l'ensemble du projet a été largement étudié et commenté sous toutes ses facettes, on voit bien qu'il s'agit uniquement d'une mesure dilatoire destinée à gagner du temps. Nous ne nous laisserons pas abuser. Je serais tenté de dire : à l'est, rien de nouveau ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à Mme Martine Martinel, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Martinel

Monsieur le ministre de la culture, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, comment parler d'obstruction alors qu'ayant dû examiner plus de 800 amendements en une heure, nous n'avons pu consacrer que quelques secondes à chacun d'eux ?

Vous avez dit, monsieur le ministre, qu'internet était une chance pour la culture et pour sa diffusion. Vous parlez de pédagogie, mais dans le texte n'apparaît que la sanction. Du reste, comme l'ont montré Patrick Bloche et Jean-Pierre Brard, pour de multiples raisons – juridiques, économiques, administratives ou techniques –, si cette loi est promulguée, elle est vouée à ne pas être appliquée, ou très mal, et vous le savez bien.

Après nous avoir bercés – en usant du talent qu'on vous connaît – avec le récit du mythe de Gygès, quelle déception de vous entendre diaboliser les pirates et, trivialement, les jeter au caniveau, plutôt que d'ouvrir un vrai débat sur la culture et éventuellement son budget en baisse !

Suivez donc, monsieur le ministre, les conseils de Confucius prodigués par M. Brard, et prenez avec nous le temps de débattre et de réfléchir. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La culture mérite du temps.

Nous sommes attachés autant que vous à la culture, à la création et aux droits des auteurs (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe UMP.) Il est urgent de rassembler les internautes et les artistes, et de répondre aux vraies questions absentes de ce projet de loi : comment assurer l'accès de tous à la culture ? Comment rémunérer clairement la création à l'ère numérique ? Comment concilier les droits de citoyens et le respect du droit d'auteur ?

Sur les bancs de la majorité, il y a des hommes de talent et de culture, et nous avons un ministre qui a fait ses preuves en d'autres lieux. Qu'ils se souviennent de cette formation, et qu'ils ne bradent pas les droits des auteurs et des créateurs.

Pour toutes ces raisons, nous appelons à voter le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Sur le vote de la motion de renvoi en commission, je suis saisi par le groupe de l'Union pour un mouvement populaire d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Madame Tabarot, prendre six heures pour examiner un texte en commission n'a rien de scandaleux, tout de même ! Nous sommes ici pour travailler et nous avons le temps puisque, de toute façon, le vote solennel aura lieu le 15 septembre et qu'ensuite le texte devra être transmis au Sénat.

Nous pouvons d'autant plus l'améliorer qu'il y subsiste des ambiguïtés. Au cours de son intervention, Mme la garde des sceaux a indiqué qu'il n'était pas prévu de couper le service de communication électronique, c'est-à-dire la messagerie. Or, justement, cette coupure est prévue puisque les amendements qui prévoyaient de la supprimer ont été rejetés en commission.

Ce texte comporte aussi une ambiguïté entre connexion et abonnement à internet. J'y reviendrai au cours des débats. Est-ce la connexion qui est coupée ? Est-ce l'abonnement qui est supprimé ? Ce n'est pas la même chose.

Il y a aussi le problème de la dégradation de la réception téléphonique et audiovisuelle, conséquence de la coupure d'internet, si c'est bien le canal internet qui est coupé. Nous avons abordé ce point en commission, sans trancher. Il faut donc y revenir.

Autre sujet : la sécurisation de l'accès à internet ; nous en avons débattu pendant la discussion sur HADOPI 1, mais vous n'avez toujours pas précisé ce qu'elle signifie. S'agit-il de la sécurisation de la box internet, ce que le citoyen moyen ne peut absolument pas faire – cela relève des fournisseurs d'accès ou des constructeurs de ces appareils ? S'agit-il de la sécurisation de l'ordinateur de chaque abonné ? Dans ce cas, ce serait totalement illusoire.

Et puis, dans cette version, vous avez introduit une nouveauté : la suspension d'un mois pour négligence caractérisée. Que c'est joliment dit ! Mais cette suspension d'un mois que vont donc devoir pratiquer les fournisseurs d'accès à internet va avoir un coût. Se repose donc la question que nous avions posée à propos des suspensions allant jusqu'à un an : qui va supporter le coût de la suspension pour un mois ?

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Madame Billard, nous en sommes malheureusement au stade de la suspension de votre intervention.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Je conclus, monsieur le président.

Est-ce que le coût de cette suspension sera pris en charge par l'État, comme le Conseil constitutionnel l'exige ?

Pour toutes ces raisons, il faut voter le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. Yvan Lachaud, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

Je n'aurai pas besoin de deux minutes, ni de convoquer Confucius ou Lao-Tseu.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

Nous avons assez réfléchi en commission, assez débattu avec les rapporteurs. Donc, le Nouveau Centre ne votera pas le renvoi en commission. Passons tout de suite à la discussion générale. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur la motion de rejet préalable.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ils sont où les socialistes ? Derrière le rideau ?

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 251

Nombre de suffrages exprimés 251

Majorité absolue 126

Pour l'adoption 34

Contre 217

(Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

(La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je le dis pour informer les personnes qui suivent nos débats : des réunions de groupe ont lieu en ce moment, sauf à l'UMP, où il n'y en a pas besoin puisque l'obéissance est la règle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Comme l'a indiqué Martine Billard, les groupes GDR et SRC ont demandé sur le projet de loi HADOPI un vote solennel, lequel est par conséquent renvoyé au mois de septembre. Plus étonnant, le groupe UMP a fait la même demande ; il faut en expliquer les raisons, non aux députés dudit groupe, que l'on n'a pas daigné informer, mais aux internautes qui nous regardent : M. Jean-François Copé n'étant pas assez sûr de mobiliser ses troupes pour le vote (Mêmes mouvements), l'UMP, sous la pression de Nicolas Sarkozy, se donne plus de deux mois pour obliger les députés à voter comme il faut.

Je le dis aux internautes de France et de Navarre, ainsi qu'à tous ceux qui sont attachés aux libertés : vous avez deux mois et demi pour aller voir votre député et lui rappeler que son devoir est de représenter…

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Monsieur Brard, l'appel aux internautes ne figure pas dans notre règlement. Nous en venons donc à la discussion générale.

La parole est à M. Philippe Gosselin.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. Christian Paul, pour deux minutes, pas plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Je souhaite à mon tour m'exprimer sur les conditions dans lesquelles se déroulent nos travaux.

Je vous le dis respectueusement, madame la présidente de la commission des affaires culturelles : si l'absentéisme des députés de l'UMP ne vous avait pas obligée, ce matin, à suspendre la séance de la commission, nous n'aurions disposé que de deux secondes pour présenter chacun de nos amendements. Une heure seulement a été prévue pour ce débat reporté à cet après-midi, de sorte que nous aurons quatre secondes par amendement !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Ces conditions sont inadmissibles.

Nous avons souhaité que le texte fasse l'objet d'un vote solennel, ce qui est bien le moins. Si vous avez décidé de reporter ce vote à l'automne, c'est que, comme on l'a constaté lors des débats en commission, le projet de loi suscite de profondes interrogations dans vos rangs.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Il y a un doute réel sur l'opportunité, la légitimité et, tout simplement, l'intérêt du texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Ainsi, monsieur le ministre, vous avez dû diaboliser l'internet pour mieux galvaniser les troupes de l'UMP. Je vous le dis franchement : je vous préfère narrateur de la vie de Grace Kelly que mauvais avocat d'HADOPI. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Tabarot

La réunion de cet après-midi, monsieur Paul, nous permettra de débattre pendant une heure, au lieu d'une demi-heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Les amendements examinés au titre de l'article 88 le sont toujours très rapidement.

J'ajoute que chacun de vos 84 amendements a été déposé par neuf députés différents : ce sont donc 84 amendements qui seront examinés, et non 756 ; ayez l'honnêteté de le reconnaître. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Cela fait donc 36 secondes par amendement : la belle affaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Enfin, il y a quelques jours, la commission a achevé ses travaux alors qu'aucun de ses membres appartenant au groupe SRC n'était présent ; j'ai donc laissé Mme Lebranchu prendre la parole alors qu'elle n'était pas habilitée à le faire, n'étant ni cosignataire des amendements, ni membre de notre commission. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Des députés appartenant à d'autres commissions ont pu défendre leurs amendements : nous avons pris le temps nécessaire pour débattre. Évitez donc, s'il vous plaît, de tels arguments. Que vous soyez contre le texte, c'est votre problème, mais ne mettez pas en cause le travail en commission qui, je le répète, a été très sérieux. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Dans la discussion générale, la parole est à M. Philippe Gosselin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

La voix de son maître ! Comme Frédéric Lefebvre !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Rassurez-vous, monsieur Brard. Pour vous, c'est la devise : « Ni dieu ni maître » ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Monsieur le président, monsieur le ministre de la culture, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, monsieur le secrétaire d'État à la justice, mes chers collègues, nous y revoilà, ai-je envie de dire. Nous y revoilà après la décision du Conseil constitutionnel du 10 juin 2009, laquelle – faut-il le rappeler ? – ne porte que sur deux articles, le 5 et le 11, du précédent texte : la fusée, pour employer une image de circonstance, n'est donc pas tombée dans sa totalité.

Dans les rangs de l'opposition, en tout cas, c'est toujours la même antienne, les mêmes caricatures et les mêmes simplifications, comme en témoignent les propos de M. Bloche et de M. Brard. Refusant de comprendre la situation, on érige la démagogie au rang de programme politique : c'est sans doute ce qui reste quand on n'a plus rien d'autre à défendre.

Il est curieux de voir l'opposition, d'habitude si prompte à louer la régulation, défendre la loi de la jungle sur internet. La vérité est que ce deuxième texte, comme le premier, dérange. Il est en effet la suite logique des accords de l'Élysée de l'automne 2007, lesquels faisaient suite au rapport Olivennes. N'en déplaise à certains, le présent texte est soutenu par la quasi-totalité des milieux artistiques et culturels qui, d'habitude, ne sont pas forcément à nos côtés : auteurs connus et moins connus, compositeurs, artistes, producteurs, réalisateurs et acteurs du monde de l'audiovisuel.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

L'opposition peut se gausser du rôle des majors et repousser d'un revers de main presque dédaigneux, à l'instar de M. Bloche, nos arguments sur la défense des humbles, les faits sont têtus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

La défense des humbles ? Ce langage vous est inconnu !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Vous n'avez ni le monopole du coeur, ni celui de la défense de certaines entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Les chiffres sont là : 99 % des entreprises du secteur de la musique et 95 % des salles de cinéma sont des PME que, d'habitude, M. Tardy défend avec brio.

La vente de DVD a fortement chuté au cours de ces dernières années ; celle de CD a diminué de 55 %, détruisant des milliers d'emplois. Mais, même en ces temps de crise, diront certains, cela n'a évidemment aucune importance ! Le manque à gagner s'élève pourtant, selon les estimations, à 1 ou 1,2 milliard d'euros.

Revenons donc à la réalité. Si internet est un extraordinaire espace de liberté, il doit être encadré : la liberté sans responsabilité, c'est, pour rester dans les fables, le renard libre dans le poulailler libre. La liberté d'expression et de communication doit nécessairement se concilier avec le droit de la propriété, notamment intellectuelle, fût-elle immatérielle ; le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 10 juin 2009, n'a rien dit d'autre, et on ne lui fera pas dire autre chose.

On ne peut pas mettre en avant l'exception culturelle française et ne rien faire pour la défendre ou, pis, donner des explications alambiquées et, pour tout dire, oiseuses. La vérité est que le texte promulgué le 12 juin 2009 permet déjà de belles avancées : la modification de la chronologie des médias,…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

…qui permettra de développer l'offre légale – les professionnels ont d'ailleurs déjà signé, dans ce cadre, un accord qui aurait pu être plus ambitieux, mais que l'avenir améliorera – ; la suppression de mesures anti-copie ; l'attribution d'un label d'offre légale aux services qui le souhaitent ; le renforcement du droit d'auteur des journalistes ; l'institution d'un statut des éditeurs de services. Bref, prétendre que la première loi HADOPI ne sert à rien est évidemment mensonger.

Le présent texte la complète, tout en tirant les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel : il s'agit de rendre l'ensemble du dispositif de lutte contre le piratage sur internet pédagogique et dissuasif. Pédagogique, la loi du 12 juin 2009 l'est déjà, avec le premier e-mail d'avertissement suivi, en cas de récidive, d'une lettre écrite. Tout a été dit et répété sur ce sujet : la sanction ne tombera pas du jour au lendemain ; il faudra vraiment persévérer pour la subir.

La dissuasion est l'objet du texte que nous examinons. Elle concerne deux aspects : d'une part la contrefaçon, laquelle, quand elle a lieu sur internet – et seulement sur internet – pourra faire l'objet d'une procédure judiciaire simplifiée ; d'autre part la négligence caractérisée. Je passe sur les détails techniques de ces dispositions, car je ne doute pas que nous y reviendrons longuement. Quoi qu'en dise l'opposition, on ne l'a pas muselée, puisque près de 900 amendements ont été déposés.

On peut d'ailleurs relever plusieurs avancées issues de l'examen en commission, cinq amendements ayant été adoptés, dont quatre de notre excellent rapporteur Franck Riester. Ces amendements visent à exclure la surveillance des e-mails pour lutter contre l'échange en pièces jointes de musiques ou de films illégalement téléchargés.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Ils sont heureux, en effet, et ont d'ailleurs été adoptés à l'unanimité. Un autre amendement précise que les agents habilités de l'HADOPI seront assermentés devant l'autorité judiciaire, ce qui est une garantie supplémentaire, et que le deuxième avertissement de l'autorité se fera obligatoirement par lettre remise contre signature. En outre, le recours au juge unique et à l'ordonnance pénale doit être expressément limité aux seuls délits de contrefaçon commis via internet, et les victimes pourront directement demander des dommages et intérêts dans le cadre de la procédure d'ordonnance pénale. Enfin, un amendement vise à mieux définir l'incrimination de « négligence caractérisée », à savoir le défaut de surveillance de son accès à internet.

On le voit, le dispositif est équilibré ; il permettra d'avancer, de sécuriser et de montrer que la responsabilité est à l'ordre du jour car, je le répète, la liberté n'est pas concevable sans la responsabilité.

Le présent texte renforce donc la protection des libertés : liberté des créateurs et des artistes en sécurisant le droit d'auteur,…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

…droit essentiel depuis plus de deux cents ans et que la France doit être fière d'avoir, l'une des premières, fait valoir ; liberté d'expression des internautes, rappelée par le Conseil constitutionnel, et que le texte, loin de menacer, réaffirme ; libertés fondamentales du citoyen, enfin, garanties par l'autorité judiciaire qui en est la gardienne.

Vous l'avez compris, messieurs les ministres, le groupe de l'UMP rejoindra sans difficulté le Gouvernement en votant ce texte : vous pouvez compter sur son soutien total. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

On ne se lasse jamais d'entendre Christian Paul !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Supprimez donc le Parlement, ma chère collègue, ça ira plus vite !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Je remercie celle de nos collègues qui s'en va, visiblement l'une de nos admiratrices. (Sourires.)

Monsieur le président, monsieur le ministre de la culture, monsieur le secrétaire d'État aux prisons… (« C'est nul ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

La politique culturelle de la France en 2009, mes chers collègues, c'est d'abord surveiller et punir. Nous relirons volontiers Platon, monsieur le ministre, si vous-même consentez à relire Michel Foucault.

Chacun l'a compris, HADOPI 2 est pour le Gouvernement le combat de trop : une interminable oeuvre dilatoire à laquelle vous associez votre nom à celui de Mme Alliot-Marie. Mme la garde des sceaux a rappelé en commission, non sans humour, qu'une loi peut parfois perdre son autorité. Oui, le projet de loi HADOPI a perdu son crédit et son autorité avant même d'être voté. C'est en quelque sorte un texte maudit : ce matin encore, la commission des affaires culturelles était désertée par la majorité. Et cette malédiction ne s'explique pas seulement par des maladresses, mais par le fond même d'une loi juridiquement incertaine. Heureusement, reprenant nos critiques, le Conseil constitutionnel a censuré HADOPI 1 et a établi au passage une jurisprudence historique sur la liberté d'accès à internet.

Cette loi est inquiétante pour nos libertés, car elle ouvre une brèche en rendant possible, pour la première fois, une surveillance généralisée et automatisée de l'internet. Cette loi est inapplicable, pour d'évidentes raisons technologiques. Cette loi est inefficace, car elle fait miroiter une promesse aux yeux des artistes : pour eux, depuis des années – hier avec la loi DADVSI puis avec la loi HADOPI 1, aujourd'hui avec la loi HADOPI 2, demain peut-être avec la loi HADOPI 3 ou HADOPI 4 –, c'est « la torture par l'espérance » – et, là, monsieur le ministre, c'est Villiers de l'Isle-Adam qu'il vous faut relire.

Nous n'aurons de cesse, pendant les jours et les nuits prochains, de démontrer devant notre assemblée – qui, dans une démocratie devenue docile et paresseuse, reste une tribune pour l'intérêt général – qu'il s'agit d'une mauvaise loi. Mais le débat qui va nous occuper concerne avant tout la création et la culture, et c'est à vous, monsieur le nouveau ministre de la culture, que je voudrais m'adresser en priorité.

Nous devons inventer une civilisation, une économie dans laquelle il faut innover, et nous devons également reconnaître de nouveaux espaces libres de partage, hors des lois simples du marché – car les deux impératifs sont complémentaires.

Vous avez parlé, ce matin, du « caniveau » de l'internet. Cette diabolisation était-elle bien utile ? L'internet, ce n'est pas un autre monde, c'est notre monde, mais j'ai peur que vous ne l'abordiez bien mal.

Il s'agit d'un débat de civilisation, et non d'une médiocre controverse. Nous sommes à l'un de ces moments où une société doit désigner clairement le chemin qu'elle veut emprunter. Quelques repères résument les enjeux du débat.

L'économie ne nous fait pas peur, monsieur le ministre. Il y a d'ailleurs, dans ce débat, beaucoup trop de lobbyistes et peut-être pas assez d'économistes : je ne connais pas un économiste sérieux qui vous accompagne dans ce texte. Chacun sait bien que la valorisation des oeuvres culturelles dans l'âge numérique n'est pas chose aisée. Chacun sait aussi que les nouveaux modèles économiques peinent à apparaître. Nous croyons pourtant qu'ils sont possibles, pour peu que l'on renonce aux effets de rente et aux effets de peur. Aujourd'hui, la nouvelle économie culturelle stagne, c'est vrai, bien souvent parce que les industries culturelles ont cherché en vain à bâtir des lignes Maginot, en se détournant de l'innovation. Dans cette nouvelle économie, en effet, les catalogues sont verrouillés, les opérateurs de télécommunications cèdent la bande passante à des tarifs prohibitifs qui empêchent les nouvelles entreprises d'édition numérique de vivre. Jusqu'à ces derniers jours, la chronologie des médias, heureusement modifiée, illustrait tous ces contresens.

Il est un autre repère dont vous n'avez pas pris la mesure : la place de la gratuité. C'est d'ailleurs peut-être le péché originel, philosophique, de votre loi. Dans le monde numérique, la gratuité n'est pas le vol. Elle est la simple conséquence d'une révolution technologique. Mais la gratuité d'accès ne doit pas se confondre avec l'absence de rémunération pour les créateurs. Il y a vol quand il y a contrefaçon : nous combattons la contrefaçon, qui est réprimée par la loi. Il y a vol aussi quand les artistes sont mal – voire pas du tout – rémunérés. Or l'économie culturelle légale est très riche en exemples de rémunérations faibles, voire inexistante, pour les créateurs.

S'il est aujourd'hui question de gratuité, c'est parce que nous avons derrière nous la longue histoire de la reproduction et de la diffusion des oeuvres culturelles tout au long du xxe siècle. À chaque étape, le coût de reproduction a été réduit, le coût de diffusion abaissé.

Dans ce débat s'opposent une pédagogie de la gratuité et une pédagogie du marché. Peut-être saurait-on réconcilier les deux si la pédagogie du marché, telle que vous la mettez en avant, n'était rendue impossible quand le marché lui-même accepte la gratuité comme l'un de ses principaux modèles économiques. C'est le cas, vous le savez bien, pour la presse, mais aussi, déjà, pour la musique et les contenus audiovisuels. Des millions de morceaux de musique ou de films sont aujourd'hui accessibles gratuitement dans des conditions de légalité que vous ne contestez pas. Comment faire comprendre aux jeunes Français qu'ils peuvent en permanence, où qu'ils soient, écouter de la musique ou regarder des films sur leurs appareils nomades, mais que, dès qu'ils veulent télécharger les mêmes oeuvres sur l'un de ces appareils, cela devient illégal ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

En fait, les modèles cohabitent déjà et pour longtemps.

Oui, monsieur le ministre, il existe un espace de partage. Acceptez de voir cela comme une conquête, comme une nouvelle liberté, et non comme le triangle des Bermudes ou comme la « peau de chagrin ». Vous commettez là un contresens historique : peut-être devrions-nous relire et méditer Balzac, mais il ne saurait expliquer les bouleversements du monde numérique. Toute l'histoire de l'internet, c'est l'explosion du nombre des contenus. Oui, décidément, cette loi est entachée, dès l'origine, d'un vice philosophique. L'internet, ce n'est pas la raréfaction, c'est la profusion.

Un autre repère est nécessaire : de nouvelles règles. Je voudrais ici tordre le cou à deux idées fausses. Nous ne sommes pas, nous socialistes, partisans d'un laisser-faire qui autoriserait quelques esprits chagrins à proclamer – comme M. Gosselin tout à l'heure – que les socialistes ne sont plus régulateurs et qu'ils ont rompu avec la défense du droit d'auteur. HADOPI est une loi de surveillance et de punition. Ce n'est pas une loi de régulation de l'économie et de l'internet.

Oui, nous voulons inventer de nouvelles règles, et c'est pour cela que le débat est nécessaire et que les accords bricolés à l'Élysée n'ont pas réellement permis de créer le cadre de cette concertation, où le public et les artistes avaient toute leur place, alors que seuls y ont été écoutés les lobbyistes et les intérêts économiques.

Une autre idée fausse hante ce débat : nous irions vers une société de la facilité, vers la fin du respect des oeuvres, en raison de la gratuité qui s'impose. Mais, les jours où l'entrée au musée est gratuite, les oeuvres qu'on y voit sont-elles moins belles ? La littérature a-t-elle moins d'importance dans les bibliothèques où l'on emprunte des livres gratuitement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

En l'occurrence, il y a un accord : cela n'a rien à voir !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

On constaterait une certaine boulimie numérique, et elle serait inacceptable. Tout cela me paraît profondément réactionnaire, à mille lieues des usages réels de la société.

Oui, monsieur Gosselin, nos propositions vous dérangent, et vous les balayez d'un revers de main. Qu'il me soit permis cependant de les rappeler.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

La première consiste à instaurer un prélèvement sur les fournisseurs d'accès. Il est vrai que le hold-up a déjà été réalisé pour financer l'audiovisuel public. Nous préconisons également la contribution créative. Comment pouvez-vous dire, monsieur le ministre, avant même que nous en ayons débattu, que cela ne marche pas ? Laissez les parlementaires travailler sérieusement pendant deux mois, et ils vous apporteront une réponse qui pourrait d'ailleurs avoir l'accord de tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Qui défend vraiment les artistes ? Ceux qui dressent des barrières illusoires toujours contournées depuis cinq ans, ou ceux qui proposent des règles nouvelles, un contrat adapté à l'âge numérique, qui respecte les artistes et le public ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Qui défend les artistes ? Ceux qui, année après année depuis 2002, euro après euro, assèchent le budget de la culture…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

…ou ceux qui souhaitent que les prédateurs de la culture…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

…les opérateurs de télécoms, soient sérieusement obligés de financer les créations ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Permettez-moi de terminer, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suis désolé, monsieur Paul. Comme tous les orateurs, vous avez sous les yeux un chronomètre qui doit vous permettre de respecter votre temps de parole. Votre groupe aurait pu aussi vous attribuer un temps de parole plus long. Celui de Mme Billard lui a donné quinze minutes, ce qui est énorme…

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

…et lui permettra peut-être de faire votre conclusion à votre place.

Vous avez la parole, madame Billard.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre de la culture, mes chers collègues, une nouvelle fois, nous sommes appelés à légiférer sur les droits d'auteur et les droits voisins sur internet. Il est vrai que, dans son discours de Versailles, le Président de la République nous avait avertis, annonçant qu'il irait jusqu'au bout. Nous en voyons ici l'illustration : dans un calendrier parlementaire pourtant surchargé, on fait place nette pour réintroduire au plus vite les dispositions censurées par le Conseil constitutionnel, en essayant d'éviter d'être censuré une seconde fois.

Avant d'en venir au fond, je commencerai par quelques remarques de forme. Une nouvelle fois – une fois de plus, une fois de trop –, les conditions dans lesquelles nous sommes amenés à légiférer témoignent de la dégradation du Parlement : les députés n'ont eu que quarante-huit heures pour rédiger leurs amendements avant l'examen du texte en commission, et vingt-quatre heures après les travaux de la commission pour déposer ceux qui seraient discutés en séance. Le rapport n'a été disponible que lundi vers seize heures : les rapporteurs et les fonctionnaires ne pouvaient pas aller plus vite. Mais le Président de la République exigeait qu'on ne le fasse pas attendre.

Pas plus qu'au Sénat, le texte n'a été soumis pour avis à la commission des lois. Je ne me plains pas qu'on ait choisi de saisir au fond la commission des affaires culturelles, mais un des principaux points du texte consistant en l'extension des ordonnances pénales au droit d'auteur, il est pour le moins paradoxal que la commission des lois n'ait pas à donner son sentiment sur cette nouveauté pénale. C'est d'autant plus vrai, madame la garde des sceaux, que vous siégez aujourd'hui au banc du Gouvernement après avoir été présente en commission des affaires culturelles, ce qui, avec le titre du projet de loi, montre bien l'importance que le Gouvernement attache à l'aspect répressif du texte. Les deux présidents des commissions des lois du Sénat et de l'Assemblée nationale ont-ils jugé qu'il leur était impossible de cautionner cette évolution du droit pénal ? Placé devant un dilemme – se faire hara-kiri ou condamner ce texte –, ont-ils préféré éviter de prendre position ?

Le 10 juin 2009, le Conseil constitutionnel, saisi par l'ensemble des députés de l'opposition, a sévèrement censuré la volonté gouvernementale d'accorder à une simple autorité administrative le droit de sanctionner les internautes. C'est donc le juge judiciaire qui sera chargé de prononcer d'éventuelles sanctions, notamment la suspension de l'abonnement. Vous aviez pourtant été mis en garde, non seulement par l'opposition, mais par des députés de la majorité, contre l'inconstitutionnalité du dispositif que vous proposiez. Mais nos avertissements n'avaient pas empêché Mme Albanel et l'UMP de nous répondre qu'ils n'étaient pas inquiets. Visiblement, vous auriez dû l'être un peu plus.

Le Conseil constitutionnel considère donc que « la liberté de communication et d'expression implique aujourd'hui, eu égard au développement généralisé d'internet et à son importance pour la participation à la vie démocratique et à l'expression des idées et des opinions, la liberté d'accéder à ces services de communication au public en ligne », ce que nous avions dit et répété en nous appuyant notamment sur les votes réitérés du Parlement européen que la majorité a tant pris de haut, répétant que l'accès à internet n'était pas un droit fondamental. Le groupe GDR ne peut que se féliciter de cette prise de position très claire du Conseil constitutionnel, qui consacre l'importance d'internet dans nos sociétés, à un moment où plusieurs pays – l'Iran et la Chine, par exemple – ne rêvent que de le corseter.

Le Conseil précise également, dans un communiqué de presse : « Dans ces conditions, le législateur ne pouvait, quelles que soient les garanties encadrant le prononcé des sanctions, confier de tels pouvoirs à une autorité administrative dans le but de protéger les titulaires du droit d'auteur. Ces pouvoirs ne peuvent incomber qu'au juge. » Cette décision est claire. Il ne peut donc y avoir de délégation de compétence au profit de l'HADOPI concernant les sanctions. L'HADOPI devra donc se contenter de transmettre à la justice des délits présumés. « Cette autorité ne dispose plus que d'un rôle préalable à une procédure judiciaire », indique la décision du Conseil constitutionnel.

En second lieu, le Conseil rappelle qu'en droit français c'est la présomption d'innocence qui prime et qu'« en vertu de l'article 9 de la Déclaration de 1789, tout homme est présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable ». Cela signifie qu'aucune personne poursuivie pour une infraction ne peut être considérée comme coupable avant d'avoir été jugée comme telle. Il en résulte qu'il ne saurait exister en matière pénale de « présomption de culpabilité » et donc de sanction privative de droits avant toute décision de justice.

Le feuilleton HADOPI n'est donc pas terminé et revient devant notre assemblée avec cette HADOPI 2. Si le vocabulaire change parfois, l'esprit reste le même. Certes HADOPI 2 redonne à la justice ce que HADOPI 1 lui avait volé, mais c'est pour remettre aussitôt en selle des dispositions tout aussi critiquables. Ainsi, le fichier des fournisseurs d'accès à internet n'est plus national, mais les informations devront être transmises, sous une forme que le texte ne précise guère, aux sociétés de perception des droits – nous aurons l'occasion d'y revenir. Le délit de non-sécurisation de l'accès à internet a été réintroduit. Le système de l'ordonnance pénale, écarté lors de l'examen de la loi sur la simplification du droit, est introduit dans le domaine du droit d'auteur. Des dispositions censurées par le Conseil constitutionnel, relatives à la suspension de la connexion à internet, sont réinsérées.

Dans le nouveau texte que vous nous soumettez, le renversement de la charge de la preuve est maintenu et la présomption de culpabilité à l'égard du titulaire de l'accès à internet introduite à nouveau. Vous avez été obligés d'accepter en commission de modifier la rédaction de l'article 1er en précisant qu'il s'agit de « faits susceptibles de constituer des infractions », et non d'infractions, puisque l'HADOPI a vu son rôle réduit par le Conseil constitutionnel. Mais cela ne change rien au fait que le seul relevé des adresses IP sans saisie de l'ordinateur de l'abonné conduit à 30 % ou 40 % de faux positifs. Ce sera donc au titulaire de la connexion de prouver qu'il n'a pas commis l'infraction qui lui est reprochée. Cette violation du droit de la défense est d'autant plus grave que la personne mise en cause ne sera même pas obligatoirement consultée pour présenter ses observations.

Après l'avis du Conseil constitutionnel, certains, très optimistes, ont espéré qu'HADOPI 2 ferait l'objet d'un réel toilettage ; ce n'est pas le cas. Ajoutons-y le fantasme liberticide du Président de la République et de son Gouvernement de contrôler internet : c'est bien le texte d'origine que le Gouvernement a présenté au Sénat, qui réintroduit le contrôle des « communications électroniques », c'est-à-dire de la messagerie.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Vous avez d'ailleurs, monsieur le ministre, rejeté au Sénat l'amendement de suppression de ce dispositif, vous appuyant sur un argumentaire manifestement copié de celui de Mme Albanel, votre prédécesseur sur ces bancs. Aux collègues de l'UMP qui nous reprochent de nous répéter, je dirai ceci : c'est l'hôpital qui se moque de la charité !

À celles et ceux qui s'obstinent à faire des comparaisons avec le retrait du permis de conduire, je rappellerai d'abord, monsieur le ministre, qu'il existe des automobiles sans permis, que l'on peut conduire même après le retrait du permis. Ensuite, comparer la culture à une voiture est quelque peu insultant pour la culture qui, pour beaucoup d'entre nous, ne se réduit pas à un bien commercial.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Martin-Lalande

Vous ne roulez pas sur les autoroutes de l'information ?...

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Enfin, le 10 juin dernier, le Conseil constitutionnel a estimé qu'il n'y a « pas d'équivalence possible entre la situation de l'internaute et de l'automobiliste ».

Heureusement, le tollé soulevé sur le champ par le retour de ce qui s'apparente au contrôle de la correspondance privée vous a vite fait reculer. Toutefois, l'expérience montre qu'il nous faut toujours être vigilants à cet égard. De surcroît, cette notion n'a pas été supprimée dans l'ensemble du projet de loi, mais seulement pour ce qui concerne l'acte d'infraction – ce qui fragilise d'ailleurs davantage votre texte puisque, si l'échange de pair à pair est visé, vous maintenez ouverte la possibilité d'échanger des fichiers illégaux par le biais de la messagerie. Tout est dans cette contradiction que nous signalons depuis l'origine, et que vous ne pouvez pas maîtriser !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

L'ordonnance pénale est donc la solution que vous avez trouvée pour maintenir une justice expéditive, suite à l'obligation qui vous a été faite par le Conseil constitutionnel de déférer les faits incriminés devant une instance judiciaire. Cette extension d'une procédure écrite, sans que la personne mise en cause ne soit entendue à aucun moment par l'autorité judiciaire, tourne le dos à un principe essentiel de notre droit.

En outre, c'est une cour à juge unique qui rendra justice, sur la base de faits presque exclusivement établis par la seule HADOPI, dont les agents, contrairement à ce qui a été dit en commission par le rapporteur, ne peuvent être assimilés à des officiers de police judiciaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Heureusement, en effet, ils ne détiennent pas le pouvoir de perquisition qui leur permettrait d'établir les faits avec davantage de précision que la simple transmission par les sociétés d'ayants droit d'adresses IP relevées lors d'échanges de pair à pair, qui ne prouve rien.

Si le recours à l'ordonnance pénale peut parfois se justifier pour traiter de contentieux comme les infractions au code de la route, il ne se justifie plus dès lors que le contentieux devient complexe. Or tel est bien le cas en matière de droit d'auteur.

Au considérant 77 de sa décision du 29 août 2002, le Conseil constitutionnel a estimé que la procédure de l'ordonnance pénale devait « assurer aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable ». Il a également précisé que « si l'article 495-1 du code de procédure pénale donne au ministère public le pouvoir de choisir la procédure simplifiée, dans le respect des conditions fixées par l'article 495, c'est en raison du fait que la charge de la poursuite et de la preuve lui incombe ».

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Voilà qui est en contradiction directe avec le renversement de la charge de la preuve, que réintroduit le présent texte.

Rapide et sans publicité, le recours systématisé à la procédure de l'ordonnance pénale porte atteinte à la qualité de la justice, du fait de particularités qui ne sont pas sans conséquences. Peut-être est-ce là votre manière de concrétiser le renforcement de la transparence judiciaire, pourtant proclamé par le Président de la République !

D'autre part, vous créez une exception dans l'exception : l'ordonnance pénale exclut en effet la possibilité de réclamer des dommages et intérêts, puisque le législateur, dans sa grande sagesse, a considéré qu'il fallait choisir entre la rapidité de la décision et le temps nécessaire à une évaluation mesurée des dommages. Concrètement, cela devrait aboutir, en matière de droit d'auteur, à choisir entre une procédure rapide destinée à faire cesser le dol – c'est d'ailleurs par ce motif que vous justifiez la suspension de la connexion à internet – et une procédure plus longue devant le juge, qui vise à établir les dommages subis. Or, en permettant de demander particulièrement pour les atteintes au droit d'auteur des dommages et intérêts dans le cadre de la procédure d'ordonnance pénale, vous créez un monstre juridique.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Aux quatre peines qui existent déjà : la coupure de la connexion, le maintien du paiement de l'abonnement, les amendes et les peines de prison possibles, vous en ajoutez ainsi une nouvelle: les dommages et intérêts sans procédure contradictoire !

L'article 3 réintroduit les dispositions – censurées par le Conseil constitutionnel – de suspension de la connexion internet, en la transformant en peine complémentaire au prononcé d'une peine d'amende ou de prison. La suspension pour un an demeure possible, et l'abonné continuera à payer son abonnement ainsi que les frais de résiliation. Certes, seul le juge pourra dorénavant prononcer une telle sanction. Cependant, comme le dit clairement le Conseil constitutionnel, la connexion à internet est aujourd'hui un outil d'information et de communication essentielle à l'exercice de la citoyenneté. Pour nous, sa coupure reste une atteinte disproportionnée dans l'immense majorité des cas, au regard de l'acte illégal qui a été commis.

L'article 3 bis donne un fondement législatif à la création d'une contravention pour les abonnés qui n'auraient pas suffisamment contrôlé leur accès internet et qui, de ce fait, auraient permis un téléchargement illégal. Après l'envoi de deux avertissements par l'HADOPI, ils pourront être condamnés à une amende de 1 500 euros, voire 3 000 euros en cas de récidive, ainsi qu'à une suspension de connexion durant un mois. C'est par un amendement que le rapporteur a déposé en commission que le mouchard espion revient, par le biais du « moyen de sécurisation de l'accès à internet ». Il s'agit d'une atteinte évidente au principe de la présomption d'innocence : la personne poursuivie devra prouver qu'elle n'a pas fait preuve de négligence. Là encore, le renversement de la charge de la preuve nous paraît anticonstitutionnel.

Cet article se fonde sur une jurisprudence déjà citée, qui concerne les infractions au code de la route ; cela n'a rien à voir avec le droit d'auteur. En effet, le propriétaire d'un véhicule flashé en excès de vitesse paie la contravention ; il est donc présumé coupable. S'il veut contester la décision, c'est à lui d'apporter la preuve qu'il n'est pas l'auteur de l'infraction – ce qui est faisable. Ce sera bien plus difficile pour un internaute…

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

… car il devra prouver que sa connexion à internet a été utilisée à son insu par quelqu'un d'autre.

Cet article nous semble donc scandaleux et contraire au principe de personnalité des délits et des peines, puisqu'un abonné pourra voir sa connexion suspendue en raison d'actes illicites commis par des tiers. En filigrane, un véritable régime de complicité est instauré. Il s'agit aussi d'une aberration technique : à quand le bracelet électronique pour tous, afin de prouver son innocence ?

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Oui, monsieur Gosselin : nous en sommes là, et c'est précisément ce qui pose problème. C'est ce point, entre autres, que nous dénonçons depuis le début de l'examen de ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Cette précipitation à rétablir les dispositions censurées par le Conseil constitutionnel vise, in fine, à tenir les promesses que le Président de la République a faites aux multinationales de la communication. En effet, cette loi entraînera une inégalité absolue des auteurs et créateurs. Soulignons toute l'hypocrisie de ce texte, qui n'a pas pour objet d'empêcher le téléchargement sans respect des droits d'auteur de toutes les oeuvres circulant sur internet – vous savez très bien que c'est techniquement impossible. En réalité, cette loi a pour seul objectif de protéger les intérêts patrimoniaux de quelques auteurs parmi les plus connus et ceux des sociétés les produisant et les commercialisant. Ainsi, il est prévu de constituer un fichier d'empreintes pour un certain nombre d'oeuvres, afin de surveiller leurs téléchargements. Croyez-vous que la priorité sera donnée aux oeuvres gratuites, aux oeuvres peu diffusées ou encore à celles qui rapportent à peine de quoi vivre à leurs auteurs ? Non : ce sont les oeuvres qui récoltent déjà le plus de droits d'auteurs et qui rapportent beaucoup aux multinationales qui seront surveillées. Sans doute s'agit-il donc de rechercher la protection des droits patrimoniaux de ceux qui en perçoivent le plus, mais en aucun cas de la protection du droit moral des auteurs.

À cet égard, les accords interprofessionnels sur la chronologie des médias, signés le 7 juillet dernier, sont très éclairants, au point d'avoir entraîné le refus de signer de la part de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques et d'autres sociétés.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Je cite le directeur général de la SACD : « C'est un texte avec bien peu de relief qui a été présenté, plus consacré à maintenir les équilibres existants qu'à créer des conditions favorables à l'essor des offres numériques, qui sont pourtant sans doute l'un des moyens les plus adaptés pour lutter contre la piraterie. » « Il est regrettable, ajoute-t-il, que l'accord foule aux pieds à la fois le principe de neutralité technologique et la philosophie de la chronologie des médias. » Cette déclaration résume parfaitement le contenu de votre texte, que nous vous demandons dès lors de retirer, monsieur le ministre, sans quoi nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

Je commencerai par saluer l'excellent travail de notre rapporteur, M. Riester. Je ne reviendrai pas sur l'examen mouvementé, pour ne pas dire chaotique, de ce projet de loi, car je considère qu'il ne méritait pas un tel déchaînement de passions, souvent caricaturales, comme nous venons de l'observer il y a quelques instants encore.

Au coeur de ce texte, la protection des droits d'auteur et, plus largement, de la création dans son ensemble a pourtant toujours été un sujet consensuel, en France comme sur nos bancs. Il est vrai que le projet de loi dit « Diffusion et protection de la création sur internet » a cristallisé de vives oppositions et suscité le débat dans l'ensemble de la société. Je concède que le projet de loi HADOPI 1 a également fait débat au sein du groupe NC ; mon collègue Dionis du Séjour vous fera part cet après-midi de sa position.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

Au Nouveau Centre, certains d'entre nous avaient notamment plaidé pour que le juge intervienne pour prononcer la suspension de l'accès à internet. Pour ce qui est de la nature de la sanction ultime dans le dispositif d'avertissement, nous aurions également préféré une amende, modulable en fonction de la gravité de l'infraction, qui aurait permis d'allouer des fonds supplémentaires au financement de la création.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

Ces modifications du texte initial, que nous vous avions soumises par voie d'amendement, auraient pu nous éviter la censure du Conseil constitutionnel. En effet, si nous sommes aujourd'hui réunis, c'est pour mettre le dispositif HADOPI en conformité avec la décision des sages prise le 10 juin dernier, en vertu de laquelle la décision de suspension de l'abonnement en cas de téléchargement illégal ne pourra être du ressort d'une autorité administrative indépendante et devra nécessairement être prononcée par un magistrat. Nous en prenons acte.

Je tiens à souligner que les sages ne sont pas revenus sur la dimension à nos yeux essentielle de ce texte : le volet pédagogique, préventif et responsabilisant de la riposte graduée, qui était malheureusement absent de la loi DADVSI.

Ce projet de loi corrige donc la phase répressive du dispositif, en confiant aux juges le soin de prononcer la suspension de l'accès à internet. Deux types de suspension seront ainsi mis en place : dans les cas de délit de contrefaçon, la durée maximale de la coupure internet sera d'un an, tandis qu'elle sera d'un mois dans les cas de manquement à l'obligation de surveillance de l'accès à internet.

Au nom de mon groupe, je me félicite que des amendements substantiels adoptés par le Sénat et par la commission des affaires culturelles de notre assemblée apportent des garanties supplémentaires aux internautes concernés par le présent dispositif. Je pense en particulier à l'information des abonnés sur les sanctions qu'ils encourent, à la non-inscription de la décision de suspension au casier judiciaire, mais aussi à la possibilité pour l'abonné de se faire assister par un avocat. Je me réjouis aussi que les boîtes de messagerie ne fassent pas l'objet d'une surveillance, grâce à un amendement de notre rapporteur. Tous ces éléments permettront de sécuriser la procédure en apportant toutes les garanties indispensables à la tenue d'un procès équitable.

En dépit de ces avancées significatives, j'ai quelques regrets persistants. Ainsi, le calendrier d'examen du texte, très resserré, ne nous a pas permis de consulter les différentes parties concernées – les magistrats, notamment – sur la question du risque d'engorgement des tribunaux. Nous attendons les précisions du Gouvernement sur ce point. D'autre part, nous regrettons que la commission des lois, pourtant concernée directement par ce texte, ne soit pas saisie pour avis – fait paradoxal, alors qu'elle était compétente au fond pour HADOPI 1, qui ne prévoyait pourtant aucune intervention du juge.

Quoi qu'il en soit, ces regrets ne doivent pas éclipser l'enjeu fondamental de ce projet de loi : la sauvegarde de la vitalité de la création qui caractérise notre pays. Le constat, en effet, est resté le même depuis le début de la discussion ; il est double, et plusieurs orateurs l'ont rappelé ce matin.

D'abord, une perte de valeur considérable est une fois de plus à déplorer dans l'industrie culturelle. Les statistiques, bien connues, sont édifiantes : depuis cinq ans, l'emploi dans les maisons de production a diminué de 30 % et le marché de ventes de CD et de DVD a connu une chute de 18,5 % pour le seul premier trimestre 2009.

Ensuite, à moins de faire preuve d'angélisme ou de refuser la réalité, il est incontestable que le téléchargement illégal, s'il est transformé en un véritable comportement social de masse, entraîne automatiquement un manque à gagner considérable pour les créateurs, et constitue donc une menace pour les 130 000 Français qui travaillent dans le secteur de l'audiovisuel et du spectacle vivant.

La leçon qu'il convient de tirer de ce double constat est simple : si internet est un merveilleux vecteur de diffusion de la création, il est également susceptible de constituer une menace pour l'exception culturelle française, à laquelle nous sommes tous ici profondément attachés.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

La loi HADOPI serait-elle donc la solution providentielle ? Bien sûr que non ; nul ne saurait l'affirmer ici.

En revanche, il est indispensable de doter notre législation d'une solution pédagogique de court terme afin de réduire significativement le téléchargement illégal. Car si la loi HADOPI n'est pas un remède miracle, elle n'en constitue pas moins la meilleure réponse qu'il nous ait été demandé d'examiner pour endiguer le téléchargement illégal des oeuvres culturelles, quatre ans après le naufrage législatif de la loi DADVSI.

Oui, ce texte et le débat qui l'entoure sont indispensables, ne serait-ce que pour rappeler avec force que le téléchargement illégal est… illégal. Pardonnez cette tautologie, mais nombre de nos compatriotes, devant l'inapplicabilité de notre arsenal législatif, ont pu penser qu'il était normal de s'approprier gratuitement une oeuvre protégée par un droit d'auteur.

En tant que législateurs, notre rôle est désormais de nous inscrire dans l'après-HADOPI. Tout l'enjeu pour nous est de trouver le moyen d'assurer la pérennité du financement de la création dans une société bouleversée par l'arrivée d'internet. C'est pourquoi l'essentiel de nos efforts doit se concentrer sur la nécessité de faire émerger une offre légale attractive, qui puisse se substituer aux usages illégaux.

Si les internautes doivent, à travers ce texte, prendre conscience que télécharger illégalement est dangereux pour la création, les créateurs, de leur côté, doivent réaliser qu'internet a définitivement changé les modes de consommation de leurs oeuvres. C'est à eux d'endosser un rôle d'impulsion nécessaire à l'émergence de nouveaux modèles économiques pour demain.

Par ailleurs, le groupe Nouveau Centre souhaiterait qu'une grande concertation s'engage au niveau européen pour repenser en commun les nouveaux modèles économiques de consommation des oeuvres culturelles afin de les appliquer dans l'ensemble des États membres. Nous ne pouvons en effet réaliser un tel modèle dans notre pays si les autres États ne fonctionnent pas de la même façon.

Les technologies numériques et les potentialités qu'elles englobent évolueront toujours plus vite que le droit. Il nous faudra sans doute adapter cette loi à l'avenir et le Parlement devra se réunir régulièrement pour débattre de cette question essentielle pour la pérennité de la création. Il nous faudra continuer à ouvrir de nouvelles pistes et à explorer celles qui existent déjà, nous en sommes tous conscients.

L'enjeu de ce projet de loi est de garantir un nouvel équilibre entre les droits des auteurs créateurs et le droit des citoyens d'accéder à la culture, aux savoirs et à l'information. Si internet est l'outil de démocratisation culturelle le plus puissant jamais conçu, c'est aussi un espace qui doit garantir le respect des droits et des devoirs de chacun. Ce texte contribue à le rappeler.

Parce que ce projet de loi entend endiguer la menace que représente le phénomène du téléchargement illégal sur la pérennité de la création culturelle, une large majorité des députés du groupe Nouveau Centre votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Explications de vote au nom des groupes et vote solennel sur le projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie ;

Suite du projet de loi relatif à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures cinquante.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma