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Séance en hémicycle du 8 juin 2010 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité (2557).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est le suivant : cinq heures et cinq minutes pour le groupe UMP ; six heures et quatre minutes pour le groupe SRC ; trois heures et vingt-neuf minutes pour le groupe GDR ; deux heures et cinquante-trois minutes pour le groupe Nouveau Centre ; quarante minutes pour les députés non-inscrits.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Cet après-midi, l'Assemblée nationale a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Jean Proriol.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme, mes chers collègues, je ne suis pas le seul à me demander pourquoi nous débattons d'un texte portant nouvelle organisation du marché de l'électricité. Aux motifs conjoncturels qui ont été avancés par les uns et par les autres cet après-midi, j'ajouterai deux raisons historiques fortes.

La première concerne le succès du programme nucléaire français lancé dans les années soixante-dix par le président Pompidou et par M. Messmer, et continué par Valéry Giscard-d'Estaing et André Giraud qui, avant d'être son ministre de l'industrie, avait été délégué général du CEA.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Comme le rappelle Jean-Claude Lenoir qui sévissait déjà dans quelque cabinet ministériel, j'ajouterai mon ami Michel D'Ornano.

La seconde concerne la réussite, par EDF, de la mise en oeuvre de ce programme et des cinquante-huit centrales nucléaires. À cet égard, je tiens à rendre hommage à M. Marcel Boiteux, qui fut pendant vingt ans, de 1967 à 1987, directeur général puis président-directeur général d'EDF, ainsi qu'aux ingénieurs, cadres, salariés et aux syndicats qui ont approuvé ce programme et continuent à suivre avec beaucoup d'intérêt sa réussite.

Nous sommes condamnés à revoir notre politique énergétique en matière d'électricité, en raison du monopole de fait d'EDF, même si l'Europe a ouvert le marché. Mais, comme l'écrit cette semaine un hebdomadaire, nous sommes en panne de concurrence en raison des prix très concurrentiels pratiqués par EDF. Je rappelle que le prix de l'électricité française est inférieur de 27 % pour les ménages et de 33 % pour les entreprises à la moyenne européenne. La France, et plus encore EDF, sont donc dans le collimateur de l'Union européenne qui a manifesté, à plusieurs reprises, son désaccord sur l'organisation trop monopolistique de notre marché intérieur de l'électricité. L'Union européenne a même engagé deux contentieux que M. Lenoir rappelle dans son rapport.

La Commission admet cependant, et c'est peut-être la voie dans laquelle s'est engouffré le Gouvernement pour présenter ce projet de loi, les spécificités françaises, en raison notamment de notre composante électronucléaire, et une forme particulière de régulation.

Trois principes de base sont contenus expressément dans le projet de loi.

Premièrement, les tarifs réglementés sont confortés, voire pérennisés pour les consommateurs et les petits clients que sont les professionnels, artisans, commerçants, PME. Ainsi, ceux-ci continueront de bénéficier du caractère compétitif du parc nucléaire français, la régulation étant assurée sans doute par les pouvoirs publics mais encore plus par la CRE, qui verra ses pouvoirs augmenter.

Deuxièmement, le monde industriel français, avec ses entreprises fortement consommatrices d'électricité, doit être rassuré. Comme l'a précisé cet après-midi M. Borloo, les entreprises doivent avoir de la lisibilité pour décider de leurs investissements qui portent sur le long terme. Elles ne peuvent pas agir au coup par coup avec des prix de l'électricité trop variables. Cela concerne les entreprises électro-intensives mais aussi les industries métallurgiques, les fonderies, les papeteries et les cimenteries, qui pourraient être tentées d'aller à l'extérieur. Voilà pourquoi il est nécessaire de leur garantir une accessibilité à ce fameux marché régulé de base à l'écart duquel elles ne voudraient pas être tenues.

Troisièmement, pour faire face à nos besoins futurs en matière de production électrique, EDF devra faire des investissements en rénovant ses centrales, c'est-à-dire en prolongeant leur durée de vie de quarante à soixante ans, ce qui peut lui coûter de 3,5 à 4,5 giga-euros, soit près du double de ce qu'elle a investi entre 2006 et 2009. EDF devra également nous rassurer sur les réseaux de transport, qui peuvent présenter parfois quelques faiblesses. Il y va de notre sécurité d'approvisionnement.

J'ajoute qu'on ne peut pas non plus occulter les besoins d'ERDF pour le renforcement et la sécurisation de son maillage territorial.

Enfin, dès lors que les nouveaux entrants bénéficieront de ce que le rapporteur appelle l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique, ils devront participer aux investissements, afin d'aider EDF, qui leur aura cédé l'électricité à prix coûtant, à assurer les périodes de pointe de manière à disposer d'une électricité abondante. Peut-être faudra-t-il demander à la CRE de fixer un prix – c'est le grand absent du projet de loi.

Pour tenir compte de notre engagement de 23 % d'énergies renouvelables en 2020, nous devrons compter avec l'énergie hydraulique qui fournit, à ce jour, 14 % de notre énergie renouvelable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Le président de la commission des affaires économiques, qui fut autrefois député des Hautes-Alpes, connaît très bien le sujet.

J'ajoute que M. Borloo, a annoncé, en juillet 2009, du haut du barrage de Génissiat, une relance de l'hydroélectricité. Cette opération devrait aboutir à la signature d'une convention entre tous les partenaires de l'hydroélectricité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Cet après-midi, un certain nombre d'orateurs ont introduit un doute en affirmant que la loi NOME aurait pour conséquence d'augmenter le prix de l'électricité. Or le présent projet n'a pas pour objet de traiter de la question du prix – du reste, on ne voit pas comment on pourrait définir le prix de l'électricité à venir dans un projet de loi – mais de celle des rapports entre les différents fournisseurs d'électricité, et de proposer une régulation différente mais toujours très forte dudit marché.

Le présent texte permettra également à la concurrence de s'exercer avec des offres compétitives et innovantes pour chacun des segments de clientèle. Son dispositif est transitoire, puisqu'il doit durer quinze ans. Le prochain rendez-vous aura lieu en 2015.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Acceptons l'augure de la réussite de l'opération concurrence avec des prix toujours aussi compétitifs pour notre marché de l'électricité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la plupart des acteurs et observateurs des marchés électriques sont maintenant d'accord pour considérer que la puissance publique doit exercer un rôle important pour encadrer et réglementer les marchés qui, contrairement à ce que certains pensaient, ne peuvent régler tous les problèmes.

En dehors des problèmes classiques d'entente, des manipulations du marché et des positions dominantes, les pouvoirs publics doivent s'intéresser aux problèmes particuliers liés au marché électrique qui sont les suivants : le service public, c'est-à-dire la garantie d'accès à tous et éventuellement une certaine péréquation des tarifs sur un territoire donné ; la sécurité d'approvisionnement ; la protection de l'environnement.

La compétitivité de l'énergie nucléaire par rapport aux sources alternatives d'électricité dépend fortement de la façon dont les autorités publiques traitent ces divers aspects, qu'il s'agisse de la protection de l'environnement ou de la sécurité d'approvisionnement.

La problématique à laquelle entend répondre le texte n'est pas simple : il s'agit d'ouvrir à la concurrence un marché marqué, en France, non seulement par la présence d'un opérateur historique – EDF –, en situation de quasi-monopole pour la production d'électricité, mais aussi par le choix de l'énergie nucléaire.

Au-delà de la complexité d'une libéralisation du marché de l'électricité dans un tel contexte, c'est aussi notre pacte républicain qui est en cause. N'oublions pas que le préambule de la Constitution de 1946, composante du bloc de constitutionnalité, affirme que « tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».

Nous avons donc déposé plusieurs amendements qui font référence aux principes du service public, à la préservation de la qualité du service rendu ou à la défense de l'emploi.

L'enjeu de ce projet de loi NOME, que certains appellent « Nouvel outil du massacre électrique »,…

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

…n'est par conséquent pas seulement technique (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC),…

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

…comme M. le secrétaire d'État a voulu nous le faire croire en commission, il est également politique.

Il est donc indispensable, dans une réflexion sur l'énergie, de penser le système énergétique dans sa globalité : c'est bien au regard de cet ensemble qu'il se révèle un fait social total. On doit donc penser ce système énergétique dans toutes ses dimensions : technique, politique, économique, sociale, juridique.

À cause de la part importante qu'occupe l'énergie dans leur budget, de la complexité du système, du nombre des fournisseurs, du manque de transparence et de simplicité dans la fixation des tarifs, de l'augmentation croissante des contentieux sur la facturation, nos concitoyens sont de plus en plus attentifs à la question énergétique. Ils ont bien conscience qu'avec ce texte une étape importante de l'histoire de l'électricité va être franchie et qui risque une fois de plus de les prendre en otages, avec une incidence directe sur l'augmentation des tarifs.

Tout le monde s'accorde à le reconnaître : le sujet essentiel de la loi NOME est bien la fixation des tarifs, dont on ignore aujourd'hui sur quelles bases, sur quelles études d'impact, ils seront fixés. Ce que l'on sait, c'est que le coût actuel de l'électricité de base d'origine nucléaire s'élève à 30,90 euros par mégawattheure. Nous savons également que le coût de l'accès régulé à l'électricité de base sera bien plus élevé que 30,90 euros par mégawattheure.

M. le ministre d'État Borloo l'a démenti à plusieurs reprises, notamment devant la commission des affaires économiques ; mais comment concilier ses propos avec ceux de M. Ladoucette qui, graphiques à l'appui – ils nous ont été distribués en commission – nous démontrent l'augmentation des tarifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Ainsi les projections relatives à l'augmentation des tarifs donnent, pour les clients résidentiels, un coût de cession de 37,20 euros par mégawattheure, ce qui impliquerait une majoration de 7,1 % des tarifs réglementés en 2011, puis de 3,1 % par an entre 2011 et 2025. Au prix de 42 euros réclamés par EDF, les hausses de tarifs seraient de 11,4 % en 2011, puis de 3,5 % par an entre 2011 et 2025.

Ce n'est pas le groupe socialiste qui a fait ces projections, monsieur le secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme, ni quelque rapport fantôme, mais le président de la commission de régulation de l'électricité…

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

…qui nous l'a certifié. D'où une grande inquiétude quant à la fixation de ces tarifs.

En ce qui concerne les tarifs de l'énergie, qu'il s'agisse de l'électricité ou du gaz, permettez-moi de rappeler les chiffres publiés par Eurostat fin mai 2010 : ils font état d'une baisse dans l'Union européenne des 27 de 1,5 % pour l'électricité et de 16 % pour le gaz entre le deuxième semestre 2008 et le deuxième semestre 2009.

Permettez-moi également de rappeler que, selon les mêmes sources, pour ce qui concerne les tarifs du gaz domestique, la France se classe au 18e rang sur 25 pays, derrière, notamment, la Belgique, la Bulgarie, la République tchèque, l'Estonie, l'Irlande, l'Espagne, l'Italie, le Royaume-Uni, la Croatie, la Turquie, le Luxembourg.

Il y a une semaine, j'interrogeais M. Borloo sur l'augmentation des tarifs du gaz et il me répondait qu'ils avaient baissé de 10 % il y a un an, se situant parmi les plus bas. Or les chiffres publiés par Eurostat font état d'une baisse moyenne de 16 % parmi les 27 pays de l'Union européenne, la France ne se rangeant qu'à la 18e place. Nous pouvons donc mieux faire et cessons de proclamer que nous avons les tarifs les plus bas.

Pour l'électricité domestique, nous sommes un peu mieux placés, mais derrière la Bulgarie l'Estonie, la Grèce, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie, la Croatie et la Turquie.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Nous sommes donc loin d'être les premiers de la classe, et avons peu de chance d'y parvenir avec l'application de la loi NOME qui, j'y insiste, va obligatoirement engendrer des hausses tarifaires.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Prouvez-le !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Ce n'est pas à moi de le prouver, la CRE l'a fait !

Demain, nos concitoyens vont payer l'électricité plus cher sans pour autant bénéficier d'un meilleur service. Je vous rappelle, monsieur le secrétaire d'État, que la qualité des réseaux de distribution publique d'électricité est déplorable ; un rapport « fantôme » de la CRE, à savoir un rapport d'étape, en a fait la démonstration.

Élue d'un territoire rural et de montagne, je me permets de rappeler qu'en 2009 le temps moyen de coupure a été pour l'Ariège de neuf heures et deux minutes. Il y a un mois – début mai 2010 – à la suite de chutes de neige tardives, plus de 23 000 foyers, autant dire les trois quarts de la population ariégeoise, ont subi des coupures allant de vingt-quatre à quarante-huit heures. Or je puis vous assurer qu'en Ariège la neige n'est pas un élément climatique exceptionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Merci de le reconnaître, monsieur le président Ollier.

Demain, ces mêmes populations verront leurs tarifs augmenter alors que la continuité et la qualité du service n'auront pas été améliorées.

Quand j'ai interrogé M. Borloo en commission pour réclamer que le bon état des réseaux figure dans la loi, il m'a répondu que ce texte avait un objet unique et n'avait pas vocation à résoudre tous les problèmes relatifs à la distribution et à la qualité des réseaux. Il est regrettable de ne pas appréhender la question énergétique dans son ensemble, mais c'est la décision du Gouvernement.

En revanche, dans ces conditions et dans ce contexte, j'ai du mal à comprendre votre acceptation de l'amendement relatif à la taxe sur l'électricité qui émane d'un de nos collègues du groupe Nouveau Centre, amendement de plus de huit pages dont on nous a expliqué l'importance, mais que nous avons découvert en commission.

Pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, sur un sujet aussi important, cet amendement n'a-t-il pas été présenté par le Gouvernement puisque, nous a-t-on expliqué, il vise à adapter le régime des taxes locales sur l'électricité au droit communautaire, adaptation devenue urgente ? La France était en effet tenue de transposer les dispositions de la directive européenne du 27 octobre 2003 sur la taxation des produits énergétiques avant le 1er janvier 2009.

Le projet de loi NOME nous a été présenté comme le seul texte susceptible de remplir cette obligation. Dans ces conditions, pourquoi ne pas avoir intégré d'emblée dans le projet de loi cette adaptation plutôt que de demander à un député de la commission des finances, qui n'était même pas le rapporteur du texte, de soutenir un amendement qui représente quelque treize pages du texte ?

De plus, le sujet étant sensible, notamment pour les collectivités locales, des réunions ont été organisées pour évoquer cette adaptation, réunions qui n'ont pas eu lieu à l'Assemblée, comme l'eût voulu la logique, mais au ministère des finances – allez y comprendre quelque chose.

Quant à cet amendement, intégré au texte de la commission dans son article 12, les principales associations d'élus, à savoir la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies et l'Association des maires, ne l'ont pas vraiment avalisé. Elles ne l'approuvent qu'en partie et non dans sa totalité.

Nous avons donc déposé des amendements sur cet article relatif à la taxe sur l'électricité et j'espère, monsieur le secrétaire d'État, que vous saurez entendre l'inquiétude des élus.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Toujours !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Je vous en remercie.

Nous espérons, monsieur le secrétaire d'État, vous sensibiliser aux inquiétudes de nos concitoyens qui considèrent que l'électricité est un bien de première nécessité, que la gestion du parc nucléaire français ne peut être confiée à n'importe qui, dans n'importe quelles conditions ; ils souhaitent qu'EDF, opérateur historique, recentre son activité sur ses missions de service public, sur la qualité des réseaux de distribution, sur l'investissement en moyens humains et matériels dans les territoires, et ne soit pas pillée au profit d'opérateurs privés.

Comme vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, les Français sont très attachés à ce qui fut un fleuron français – j'évoque bien sûr l'entreprise publique nationale performante et efficace qui a construit le maillage national de notre pays en fournissant un courant de qualité à des prix acceptables.

Enfin, nos concitoyens souhaitent que l'État reste maître du jeu dans la fixation des tarifs et ne se défausse pas une fois de plus sur la CRE, comme ce fut le cas pour le gaz.

En conclusion, je rappellerai qu'à l'évidence l'électricité d'origine nucléaire ne peut pas s'adapter aux pratiques habituelles du marché pour plusieurs raisons : à cause de son importance stratégique et de l'impératif de sécurité lié à sa gestion et à son traitement, de son caractère de première nécessité, de l'obligation d'établir un maillage suffisant de réseaux de qualité.

Les spécificités du système électrique démentent l'idée de la Commission européenne selon laquelle toutes les activités de réseau peuvent être traitées de la même manière.

Il résulte des considérations qui précèdent la nécessité d'une intervention publique déterminée pour garantir la sécurité de l'approvisionnement électrique et la prévalence de prix raisonnables pour les ménages, bref il nous faut, monsieur le secrétaire d'État, un pôle public de l'énergie.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Dans ces conditions, l'entêtement à poursuivre la procédure d'ouverture au marché relève du plus pur dogmatisme et non de l'intérêt général des citoyens européens.

Pour toutes ces raisons, monsieur le secrétaire d'État, nous ne pouvons pas voter votre projet de loi, nous ne pouvons pas cautionner l'augmentation des tarifs pour les particuliers que vous imputerez, quand on vous interrogera demain, à la CRE et aux députés qui en ont voté le principe dans la loi NOME. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de François-Michel Gonnot

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je dispose de cinq minutes pour présenter rapidement cinq points.

Je souhaite tout d'abord évoquer les incertitudes quant au début de l'application de la loi NOME. Le Parlement a voté, il y a quelques semaines, la fin du tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché, le TARTAM, au 31 décembre 2010, à savoir dans six mois. La Commission européenne n'imagine sans doute pas que nous puissions le proroger. Il est donc indispensable que la loi NOME soit appliquée le plus rapidement possible, c'est-à-dire à partir du début de l'année 2011.

Il importe que vous expliquiez, monsieur le secrétaire d'État, comment le Gouvernement envisage la suite de la procédure législative et entend garantir la compétitivité des opérateurs du secteur, notamment des industriels qui, demain privés du TARTAM, vont devoir s'approvisionner ailleurs et aux meilleures conditions possibles.

Le deuxième point concerne la défense des intérêts d'EDF et des industries françaises. Elle me paraît passer par l'adoption de ce texte. La solution alternative au projet de loi NOME, c'est la poursuite des procédures engagées par la Commission européenne, qui se traduira sans doute, un jour ou l'autre, par des milliards d'euros d'amende, ou bien par l'obligation de céder des actifs d'EDF, c'est-à-dire, mes chers collègues, des centrales nucléaires – et je n'ose imaginer que quiconque, dans cet hémicycle, envisage raisonnablement cette possibilité – ou encore par l'éclatement d'une entreprise intégrée, intégration qui fait sa force aujourd'hui en Europe.

J'y insiste, la défense des intérêts français consiste bien à adopter un dispositif comme celui que propose le Gouvernement, qui paraît équilibré, permettant demain de sauver la France, son industrie, et en particulier EDF, qui sera évidemment soumise à la concurrence.

Troisième point : la loi NOME ne provoquera pas l'augmentation des tarifs. Elle va permettre, ou non, la création d'offres concurrentielles, à savoir une véritable concurrence dont tout le monde constate qu'elle n'est pas de mise aujourd'hui sur le marché de l'énergie. Une telle concurrence n'aura pas de répercussion sur les prix et les tarifs réglementés de l'électricité, que ce soit pour les petites ou pour les grandes entreprises.

Toute la difficulté est de connaître le niveau du prix dont dépend le succès du présent projet. Suivant une première hypothèse, il est fixé au niveau du TARTAM, ce que le texte semble indiquer entre les lignes, voire légèrement au-dessus, en tout cas aux alentours de 37 euros par mégawattheure. Dès lors, il ne se passera pas grand-chose puisque les principaux concurrents d'EDF achètent l'électricité d'EDF à peu près à ce tarif. Je ne vois donc pas comment les mêmes pourraient proposer des offres concurrentielles par rapport aux offres d'EDF. Suivant une autre hypothèse, le tarif est supérieur au TARTAM et, dans ce cas, la marge de manoeuvre sera encore plus étroite pour les concurrents.

Le prix reste, bien sûr, la grande question et demeurera, je le pense, pendant tous les débats parlementaires, le grand mystère. Il convient, à l'évidence, d'être très attentif à la façon dont il sera formé et aux conditions dans lesquelles le Gouvernement, après avis autorisés de la CRE et de l'Autorité de la concurrence, devra faire des choix.

Cela m'amène au quatrième point : la nécessité pour nous, pour les acteurs, l'industrie, le Gouvernement et le pays de disposer, demain, d'une Commission de régulation de l'énergie forte et puissante afin de pouvoir véritablement peser sur les choix et sur les acteurs du secteur. La faculté avec laquelle nous modifions, en France, au gré des lois, les autorités de régulation me chagrine personnellement quelque peu, monsieur le secrétaire d'État. Nous en avons maintenant toute une collection. Les plus importantes notamment, à savoir celles qui gèrent des secteurs économiques fondamentaux, ne partagent aucun critère de recrutement, de moyens, d'indépendance. Ainsi, il n'existe aucun critère de convergence entre les trois autorités que sont le CSA, l'ARCEP et, demain, la CRE. Personnellement, je l'ai regretté à plusieurs reprises. Je crois savoir qu'une mission d'information, au sein de notre assemblée, travaille sur les différences entre ces autorités et tente de rapprocher leur structure, leur fonctionnement et leurs moyens. Je déplore que ce texte, du fait des contraintes du calendrier parlementaire, ne nous ait malheureusement pas été soumis au bon moment. Il nous aurait été en effet utile de connaître les conclusions de cette mission d'information avant de prendre des décisions importantes, qui doivent de toute façon aboutir au renforcement de l'indépendance et des moyens de la Commission de régulation de l'énergie.

Enfin, je dirai pour conclure un mot des gestionnaires de réseaux de transport en France, à savoir la SNCF et la RATP. Aujourd'hui, ces entreprises se réfèrent intégralement au prix du TARTAM. Elles ne pourront plus le faire demain, puisque nous allons différencier l'accès régulé à la base et le prix de la pointe. Cela représente, pour la SNCF, entre 40 et 50 % de sa consommation électrique ; le chiffre est quelque peu inférieur s'agissant de la RATP. Ce n'est pas grave pour la SNCF. En cas de hausse du prix de l'électricité pour certains TGV, les prix augmenteront. Déjà fortement modulés, ils pourront l'être, après tout, un peu plus demain. Il en ira de même pour le fret et les trains internationaux. Le véritable problème se pose pour les TER. Que se passera-t-il alors qu'ils sont déjà, par définition, sous convention avec les régions ? Ils devront vraisemblablement supporter demain des déficits un peu plus importants. La SNCF, entreprise publique, supportera-t-elle ces déficits, lesquels représentent environ 70 millions d'euros ? Seront-ils répercutés sur les régions, alors que le dialogue est de plus en plus difficile ? Peut-on envisager – et la réponse me semble être non – une augmentation des tarifs domicile-travail, notamment ? Il en va également ainsi pour la RATP qui, par définition, roule aux heures de pointe : il faut bien permettre aux gens de se rendre sur leur lieu de travail et de revenir chez eux le soir. La RATP est, de plus, dans un système très contraint : celui du STIF. On imagine mal comment elle pourra supporter entre 10 et 20 millions d'euros supplémentaires sur sa facture énergétique alors que l'équilibre, au sein du STIF, entre les entreprises, les collectivités et la RATP est déjà, nous le savons, excessivement complexe.

J'espère en conséquence que ce débat nous permettra de trouver des réponses à un certain nombre de questions, et notamment à la dernière. Nous vous écouterons avec beaucoup d'attention, monsieur le secrétaire d'État, car nous espérons obtenir de votre part des éléments d'appréciation sur ces différents points, lesquels sont essentiels pour l'économie de notre pays, pour notre industrie, mais aussi pour la vie quotidienne de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Monsieur le secrétaire d'État, vous présentez ce texte comme le seul moyen de répondre aux objectifs d'intérêt général de continuer à faire bénéficier les consommateurs de la compétitivité du parc de production électrique nucléaire en France tout en poursuivant l'ouverture à la concurrence de la fourniture d'électricité. Ce faisant, vous confondez la fin et les moyens. Vous oubliez en effet qu'aujourd'hui le but de notre parc nucléaire et de notre politique énergétique devrait être de réduire notre empreinte énergétique et notre production de carbone et que l'ouverture à la concurrence a normalement pour dessein d'améliorer le sort des consommateurs et, donc, de faire baisser les tarifs. Vous nous proposez tout le contraire, à savoir contraindre l'opérateur historique à rétrocéder à prix coûtant à ses concurrents une importante partie de sa production nucléaire. Tout le paradoxe de ce mécanisme réside dans le fait qu'il crée de manière artificielle des rivaux sérieux à EDF, sans bénéfice aucun pour nos concitoyens, car la mécanique induite par ce projet conduira à augmenter artificiellement les prix pour permettre à la concurrence de se développer. La concurrence n'est donc pas une fin en soi, surtout dans un domaine comme le marché de l'électricité, lequel doit être considéré comme un bien public.

On peut aussi légitimement s'inquiéter face à la dispersion d'investissements stratégiques entre plusieurs entreprises rivales et à l'inadéquation entre des besoins en investissements très importants, comme la maintenance de l'outil nucléaire d'EDF, l'amélioration des réseaux de transport et de distribution et les réticences du privé à engager sur le long terme des crédits à faible rentabilité. Il faut d'ailleurs relever une autre incongruité : celle qui consiste à engager notre débat aujourd'hui sans disposer au préalable du rapport Roussely consacré à l'avenir de la filière nucléaire.

La politique énergétique européenne est encore à construire. C'est là que nous attendons le Gouvernement. Aujourd'hui, elle repose avant tout, comme en beaucoup de matières, sur le recours à la concurrence afin d'éviter la constitution ou le maintien de monopoles. En cassant les chaînes intégrées du producteur au consommateur final, elle cherche à construire artificiellement des marchés où les prix pourraient se former librement, sur le modèle du pétrole. C'est une erreur. Cela ne marche pas. Les Américains et les Britanniques l'ont eux-mêmes remarqué, alors qu'ils étaient les pionniers de la « libéralisation ». Ainsi, plusieurs États ont, aux USA, entrepris un retour sur la libéralisation de leur secteur énergétique, en s'appuyant pour cela sur le modèle français. En Grande Bretagne, l'autorité régulatrice a fait elle aussi part de son inquiétude quant aux conséquences de la libéralisation sur les investissements de long terme, la sécurité des approvisionnements et l'efficacité énergétique.

Les prix de marché ne baisseront en l'occurrence pas, mais deviendront plus volatils. Vous savez pertinemment que la solution que vous proposez aujourd'hui ne répond en rien aux nouvelles exigences du paquet climat-énergie, dont a parlé François Brottes, et du nouveau paradigme qu'il induit pour la politique énergétique française et européenne, laquelle devrait reposer sur l'efficacité énergétique et sur la diminution de l'empreinte énergétique de nos productions et de nos consommations. Or, de cela, il n'est nullement question dans ce texte. C'est tout de même un problème à l'heure où nous devons relever des défis importants en matière écologique. Deux ruptures sont en effet venues modifier le cadre de référence de la politique de libéralisation : la lutte contre le réchauffement climatique, qui s'est progressivement affirmée comme une priorité politique, et la sécurité des approvisionnements énergétiques européens. La nécessité d'intégrer ces nouveaux éléments conduit à poser frontalement la question de la cohérence de la politique énergétique européenne, qui fait face à des enjeux et des attentes de nature hétérogène. L'inclusion d'un article dédié à l'énergie dans le traité de Lisbonne ne permettra pas à lui seul de faire converger ces attentes parfois contradictoires, d'autant que les besoins d'investissement pour atteindre les « trois fois vingt » de l'Union européenne sont énormes : on parle de 2 500 milliards de dollars d'ici à 2030 et de 4 000 milliards de dollars d'ici à 2050 pour l'Europe, alors que l'on note dans le même temps des retours en arrière sur les ambitions écologiques en France – on se rappelle l'épisode de la taxe carbone et de la taxe poids lourds.

La France doit oeuvrer à infléchir l'approche de l'Union européenne dans ce secteur de l'énergie qui est hautement stratégique. Cela passe notamment par l'élaboration de la fameuse directive-cadre dans laquelle seront fixés les principes et les missions qui caractérisent ces services et les distinguent de ceux habituellement soumis à la concurrence. Le groupe socialiste au Parlement européen a d'ailleurs déposé en mai 2006 une proposition dans ce sens.

Monsieur le secrétaire d'État, votre gouvernement s'évertue à concilier l'inconciliable en approfondissant une politique ouvertement contraire à ce qui a constitué une certaine idée du service public de l'électricité selon laquelle l'énergie est un bien de première nécessité dont l'accès et le traitement doivent faire l'objet de l'action publique.

Au travers de ce projet, c'est l'actif de l'ensemble des Français qui risque d'être bradé. Si « rente nucléaire » il y a, il faut rappeler qu'elle est le bien commun de l'ensemble de nos compatriotes. Les prix de l'électricité bénéficient en France de coûts de production particulièrement compétitifs grâce aux énormes investissements consentis par la puissance publique et donc par l'ensemble de nos concitoyens. Il apparaît normal que celle-ci soit redistribuée à des tarifs réglementés relativement bas et qu'il y ait redistribution des dividendes reçus par l'État actionnaire, d'autant que l'acceptation du nucléaire par les Français passe nécessairement par une politique tarifaire juste et par le maintien dans un pôle public de l'énergie de nos outils de production. L'électricité n'est pas un bien comme un autre. La reconnaissance de l'électricité comme bien de première nécessité est un acquis important de la loi du 10 février 2000. Le primat de la concurrence sous-tendu par votre projet de loi ne doit pas remettre en cause ce principe, alors qu'émergent de nouveaux impératifs de prise en charge de la précarité énergétique et de l'amélioration de l'efficacité énergétique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Nicolas

Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, l'énergie est probablement l'un des défis majeurs auquel sera confronté l'ensemble des pays lors de la prochaine décennie. Il n'est en effet plus acceptable que 85 % de l'énergie produite dans le monde le soient à partir d'hydrocarbures. Dans ce contexte, notre pays occupe une position tout à fait particulière puisqu'il ne dispose pratiquement pas de gisement pétrolier ou gazier. C'est pourquoi le pari du nucléaire lancé et réussi depuis les années soixante-dix revêt aujourd'hui une acuité toute particulière pour l'insérer dans le marché européen de l'énergie. Comment la rente nucléaire, qui permet aux consommateurs français de disposer d'une énergie compétitive rendant notre territoire particulièrement attractif tout en préservant l'environnement et en assurant à chacun un accès à l'énergie à un prix avantageux, peut-elle être maintenue dans le cadre européen de l'énergie ? À l'évidence la réponse est complexe puisque l'organisation du marché de l'électricité a été modifiée sept fois en dix ans depuis l'ouverture de notre marché décidée par le gouvernement de Lionel Jospin en 2000. Ce projet de loi constituera donc une nouvelle modification. D'aucuns pensent même qu'il s'agit d'un texte dont la portée est quasiment aussi importante que celle du texte de 1946. Souhaitons qu'il permette une organisation stable car la production, le transport et la distribution de l'électricité sont des activités capitalistiques pour la performance desquelles les opérateurs ont besoin de lisibilité. Il s'agit de mettre un terme au contentieux qui nous oppose aux autorités européennes, lesquelles reprochent au gouvernement français de ne pas avoir libéralisé le marché en maintenant des tarifs administrés et à EDF d'entraver la concurrence en voulant maintenir sa position d'opérateur intégré. La libéralisation du marché, et donc la renonciation aux tarifs régulés, aurait pénalisé très sensiblement les consommateurs français qui bénéficient de la compétitivité de notre parc de production, lequel dégage un prix du kilowattheure pour le consommateur final environ 30 % moins cher que le prix du marché.

Le Gouvernement a donc choisi d'ouvrir à la concurrence la production nucléaire en contrepartie du maintien des tarifs régulés pour les petits clients et du maintien de ces tarifs jusqu'en 2015 pour les plus gros clients. C'est le fil directeur de ce texte sur lequel je ferai trois remarques. La première concerne l'accès régulé à la base – l'ARB – qui constitue une disposition fondamentale du projet de loi. En effet, il ne s'agit plus de savoir si EDF doit vendre à ses concurrents une partie de sa production, mais de savoir à quel prix, quel volume et pendant combien de temps. Un prix d'accès à la base inférieur au coût économique complet spolierait l'actionnaire et EDF tout en envoyant un mauvais signal aux concurrents, qui ne seraient pas incités à investir en capacités de production.

En outre, cela n'inciterait pas EDF à réaliser les investissements de maintenance nécessaires à l'indispensable amélioration du taux de disponibilité du nucléaire, dont, faut-il le rappeler, un point de disponibilité équivaut à 200 millions d'euros.

L'exposé des motifs du projet affirme que, dans un premier temps, le prix effectif de l'accès régulé à la base sera cohérent avec le prix facturé aux clients bénéficiant du TARTAM, le tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché. Je me réjouis de cette déclaration d'intention. Elle devra se vérifier dans les faits et le prix de départ de l'ARB ne doit pas être inférieur à celui du TARTAM.

Ma deuxième remarque concerne le volume d'accès à la base cédé à chaque fournisseur alternatif. La vigilance s'imposera afin d'éviter les effets d'aubaine et de respecter la mise en concurrence voulue par ce texte. Aussi, pour un même portefeuille de clients, un fournisseur ne peut se prévaloir d'obtenir deux fois de l'électricité à un prix préférentiel.

Ce texte exclut de prendre en compte en base la production d'électricité au fil de l'eau. Il s'agit pourtant d'une production d'électricité qui, dans notre système, a toujours été considérée comme une production en base, avant même le nucléaire, et qui, de surcroît, produit un kilowattheure à bas prix vanté par les opérateurs disposant d'un tel système. Il semble aujourd'hui que cette production, si compétitive dit-on, soit plutôt valorisée le plus possible en étant vendue directement sur le marché de gros.

Si l'on ne défalque pas cette production au fil de l'eau de l'accès à la base consenti à ces opérateurs, la concurrence avec ceux qui ne possèdent pas de production au fil de l'eau me paraît faussée, à moins que l'ARB ne soit tout simplement devenu l'ARN, l'accès régulé au nucléaire.

Ma troisième remarque concerne la réversibilité des tarifs. C'est une bonne chose. C'est d'ailleurs pour cette raison que notre majorité s'est battue pour instaurer le TARTAM, sous l'impulsion de notre brillant rapporteur, Jean-Claude Lenoir.

Néanmoins, il me paraît nécessaire d'encadrer l'exercice du droit à la réversibilité. Ce ne doit pas être un droit à faire des allers-retours incessants en fonction des opportunités financières. Les tarifs réglementés doivent demeurer un dispositif de protection du consommateur et non un objet de spéculation financière. C'est pourquoi je propose que le passage d'un système à l'autre, tarif ou prix, se fasse pour une période d'un an minimum. Cela donnera d'ailleurs davantage de lisibilité aux opérateurs.

Pour conclure, je dirai qu'il s'agit là d'un texte difficile mais courageux, dont l'application laisse une grande part aux décrets. Il conviendra donc d'être vigilant et pragmatique afin que les consommateurs français continuent à bénéficier d'un prix du kilowattheure particulièrement compétitif. Il nous appartient de les protéger et, pour cela, monsieur le secrétaire d'État, je vous fais entièrement confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, avec l'examen du projet de loi NOME, la France atteint le comble de l'absurde, puisque nous abordons l'étape charnière de la démolition, sans nécessité ni contrepartie, d'un service public vital, performant et envié par de nombreux pays dans le reste du monde.

Nous savons tous ici que, grâce à l'effort patient de la nation en faveur du développement de l'hydroélectrique et de l'industrie électronucléaire, la France dispose de l'électricité la moins chère d'Europe. Hélas, plus pour longtemps ! Cet atout majeur pour l'équilibre social et la compétitivité de notre économie est petit à petit détricoté par Bruxelles, avec la complicité des gouvernements qui se sont succédé.

Certes, je le reconnais, cela ne date pas d'hier, mais nous en avons aujourd'hui sous les yeux la conséquence concrète. Rappelez-vous, l'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité constituait une décision tellement contraire à l'intérêt national, à l'intérêt général, à l'intérêt le plus évident de tous les consommateurs, qu'il a fallu une union nationale pour s'y résoudre, afin qu'aucun camp ne puisse accuser l'autre d'avoir capitulé face à la dérégulation.

Cette dérive a déjà fait de nombreux dégâts, en dépit d'assurances, jamais suivies d'effets. Après notamment la séparation d'EDF et GDF, elle conduit aujourd'hui à spolier deux fois la communauté nationale de sa ressource électrique, une première fois en cédant sans contrepartie à des intérêts privés un avantage public loyalement obtenu et payé par l'impôt des Français, une seconde fois en permettant auxdits intérêts privés de revendre à ces mêmes Français le bien public détourné avec profit.

Nous le savons tous ici, la France et les Français, grâce à l'impulsion visionnaire de présidents successifs, le général de Gaulle, Georges Pompidou, Giscard d'Estaing, avaient acquis loyalement un avantage énergétique unique au monde avec leur industrie électronucléaire, un avantage totalement inattaquable au regard des principes de la concurrence, aussi tatillons soient-ils.

Il est illégitime de le mettre en cause aujourd'hui pour permettre à des opérateurs privés, incapables d'offrir un meilleur prix, d'exister sur le marché français de l'électricité. Cette manière d'ouvrir le marché est ubuesque puisqu'elle consiste à créer une distorsion de concurrence au détriment de l'entreprise mieux-disante, à notre détriment.

Quelle illustration plus flagrante pourrait-on avoir de l'absurdité qu'il y a à ouvrir à la concurrence un marché qui, par nature, n'en a nullement besoin et dont les expériences de libéralisation, notamment aux États-Unis, ont toutes fait la preuve de leur ineptie et de leur inefficacité ?

Les conséquences à attendre de cette décision catastrophique ne sont que trop prévisibles.

Ce sera d'abord un alignement progressif des tarifs réglementés sur les standards européens, 30 à 50 % plus chers, ce qui signifie leur disparition pure et simple, et on peut faire confiance à la commission de régulation de l'énergie, à qui la présente loi confie hypocritement la fixation des tarifs réglementés, pour trouver moult prétextes à leur augmentation. La disparition des tarifs réglementés, c'est évidemment l'objectif inavoué de tout le monde, les Français mis à part bien entendu. C'est l'objectif de la Commission de Bruxelles, qui se moque en réalité de faire baisser les prix au profit du consommateur, ne jure que par des multinationales surpuissantes, dictant leur loi aux peuples, et qui menace notre pays d'un recours à la CJCE s'il ne se débrouille pas pour mettre fin lui-même aux tarifs réglementés.

Cette hausse fera également les affaires d'EDF qui, comme toute entreprise indépendante, voit déjà les profits gigantesques qu'elle pourra réaliser, notamment pour régler ses acquisitions à l'étranger à un prix exorbitant, en particulier en Angleterre.

L'État lui non plus ne sera pas en reste puisque, en tant que premier actionnaire, il va toucher des dividendes supplémentaires astronomiques, qui seront en réalité autant de nouveaux prélèvements obligatoires dissimulés.

Au-delà du renchérissement des tarifs, qui va pénaliser nos concitoyens et la compétitivité de nos entreprises – il n'y a pas de nombreux domaines où les entreprises françaises bénéficient d'une vraie compétitivité, et l'électricité est un avantage comparatif essentiel pour notre industrie –, il y a aussi des craintes évidentes pour la maintenance des réseaux. La CRE elle-même a récemment souligné le désengagement d'EDF, plus intéressée désormais par l'acquisition à prix d'or de parts de marché en Europe que par l'investissement dans le réseau national.

Le phénomène n'est ni nouveau ni propre au secteur de l'énergie : les opérateurs privés délégataires de missions de service public veulent les profits, pas les contraintes d'intérêt général qui sont censées aller avec, mais auxquelles ils font tout pour se soustraire. Que les Français n'aient aucune illusion, les pannes géantes comme celles de New York, c'est pour bientôt.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Ridicule !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Vous verrez !

Pour les mêmes raisons, on peut redouter aussi une difficulté pour financer le renouvellement du parc électronucléaire. Les multinationales ne voudront pas payer. Sans doute, me direz-vous, se tourneront-elles alors vers l'État, pour qu'il mobilise l'argent des Français.

Comment croire, enfin, que les nouveaux acteurs du marché de l'énergie résistent à la tentation de vendre avec profit une électricité normalement destinée aux Français à un prix abordable, grâce à l'effort des contribuables au cours des cinquante dernières années ? On peut leur faire confiance, ainsi qu'à la Commission de Bruxelles, qui fait tout pour unifier les marchés européens de l'électricité : ils trouveront bien le moyen de contourner tous les obstacles.

Ainsi, tout le monde a intérêt à l'ouverture à la concurrence, sauf les Français eux-mêmes bien sûr, sauf aussi une certaine idée de la France et de la République, sacrifiée sur l'autel de l'avidité, avec l'abandon d'un certain service public.

Pourquoi mettre par terre ce qui marchait et mécontenter nos concitoyens, pourquoi compliquer leur vie ? Ils le savent très bien. Il suffit de voir leurs difficultés et leurs réticences à passer par des opérateurs privés. Puisqu'ils ne veulent pas abandonner l'opérateur national, on contraint ce dernier à vendre le fruit du travail de nos concitoyens pour conquérir ce nouveau marché et, ensuite, échapper au tarif réglementé.

C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, vous ne compterez pas sur moi pour voter ce texte aberrant. Les Français jugeront en voyant leur facture d'électricité dans les prochaines années. Celle du gaz augmente sans cesse, comme le mécontentement populaire envers cette réforme que vous subissez et que vous impose Bruxelles, devant qui vous vous couchez.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, voilà une loi assurément fort complexe, mais elle n'est technique qu'en apparence. C'est en réalité une loi très politique car elle concerne la politique industrielle et notre conception de la construction européenne.

Chacun est bien convaincu de la nécessité de mener une politique industrielle ambitieuse, et encore davantage face à la désindustrialisation que provoque la mondialisation. Aucun pays d'ailleurs, sur aucun continent, ne demande à quiconque l'autorisation d'en mener une active. Cependant, les stratégies industrielles d'aujourd'hui ne sont pas celles des années 60 et 70.

Une politique industrielle ambitieuse doit reposer sur trois piliers :

Premier pilier, l'investissement massif dans la recherche et l'innovation, la fécondation entre la recherche et l'industrie. C'est ce que nous faisons depuis quelques années avec les pôles de compétitivité, et c'est ce que nous devrions mieux savoir faire, à l'instar des Américains, pour la synergie entre l'industrie civile et les industries de défense.

Deuxième pilier, le maintien des centres de décision en France, dont le contre-exemple absolu a été la mésaventure Pechiney. Cela n'est possible qu'en prenant des participations. C'est le rôle du FSI et des fonds régionaux, qu'il faut développer.

Enfin, troisième pilier, la tarification de l'énergie pour l'industrie, notamment pour les industries électro-intensives.

Partout dans le monde, d'une façon ou d'une autre, l'industrie est favorisée par les prix de l'énergie, que ce soit au Québec, à Oman, en Algérie, en Islande. Il n'y aurait donc qu'en Europe que ce serait impossible, voire amoral, tant les principes qui régissent le grand marché ont parfois un côté religieux dans la bouche de leurs défenseurs.

Chacun sait que le principe même de l'harmonisation des tarifs d'électricité par la fixation du prix par le marché, donc par le prix du kilowattheure marginal, plus élevé ailleurs en Europe qu'en France, est nuisible à l'industrie française, et également aux ménages. Comme l'a fort bien exposé Marcel Boiteux, « avec la suppression des tarifs régulés que demande Bruxelles, il ne s'agit donc plus, comme on pouvait le croire initialement, d'ouvrir la concurrence pour faire baisser les prix, mais d'élever les prix pour permettre la concurrence ». Le Président de la République s'est également exprimé dans les mêmes termes en 2007, et l'on connaît son implication personnelle pour une politique industrielle ambitieuse.

C'est donc le principe de cette harmonisation, l'alignement sur le moins-disant compétitif, et d'ailleurs le moins-disant environnemental, qui est absurde, et cette question aurait dû être traitée au niveau du Conseil européen des chefs d'État et de gouvernement et ne pas être abandonnée depuis des années au lent grignotage commencé par la direction de la concurrence de Bruxelles.

Ce ne fut pas le cas. Sur ce sujet comme sur d'autres, l'Europe se résout à la perspective de devenir un simple faubourg de l'histoire, par naïveté, irénisme et manque d'ambition.

Nous sommes donc en face de cette loi qui est ce qu'elle est, qui essaie de faire de son mieux compte tenu des contraintes que nous connaissons, et, pour paraphraser Talleyrand, je dirai : « ni excès d'honneur ni excès d'indignité ».

Elle a d'ailleurs été utilement amendée au cours de l'examen en commission, et il faut remercier à la fois le président Ollier, pour son implication personnelle, et notre rapporteur Jean-Claude Lenoir qui, au début de notre débat, a apporté, si j'ose cette métaphore, des explications lumineuses. (Sourires.)

Il y a au moins deux sujets sur lesquels j'attends beaucoup de cette discussion. Le premier concerne les industries électro-intensives. Ces dernières doivent pouvoir bénéficier de tarifs spéciaux adaptés à leurs besoins et leur permettant d'être présentes dans le contexte de concurrence internationale que nous connaissons. Ainsi, la notion de grande proximité doit être prise en considération dans la tarification, à l'instar de ce qui se fait en Allemagne avec le tarif dit de ligne directe.

Cette proposition répond par ailleurs à une notion historique, alors que de nombreuses industries se sont installées en zone de montagne pour être proches des centrales hydroélectriques et souffrent de l'éloignement de leurs fournisseurs et de leurs débouchés commerciaux. Je soutiendrai donc ardemment les amendements déposés par mes collègues Michel Bouvard et Martial Saddier sur ce point.

Le deuxième sujet sur lequel il faut être très vigilant est la situation particulière des régies électriques, qui ont attiré notre attention.

Je compte bien qu'au cours de la discussion ces deux sujets seront résolus, ce qui, monsieur le secrétaire d'État, conditionnera mon vote. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Geneviève Fioraso

Monsieur le secrétaire d'État, votre projet d'organisation du marché français de l'énergie vise à transposer la directive européenne en établissant des règles communes pour le marché intérieur de l'énergie tout en amplifiant l'ouverture de ce marché à la concurrence.

La France est de fait engagée dans cette ouverture depuis 2000, quand la loi relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité a proposé une évolution progressive et maîtrisée, respectueuse des missions du service public.

Aujourd'hui, vous fondez votre énième réorganisation – la septième, je crois – à la fois sur la nécessité de transposer la directive européenne, la complexité actuelle liée à la multiplicité des tarifs, réglementés, TARTAM, offres de marché, et la trop faible part de marché prise par les fournisseurs autres que l'opérateur historique, engendrant de fait une offre alternative peu innovante.

En ce qui concerne le premier argument, celui d'un grand marché de l'énergie européen, on peut constater que seize pays européens, soit plus de la moitié, ne sont pas en conformité aujourd'hui avec la directive sur le marché de l'énergie, nombre d'entre eux étant même beaucoup moins avancés que notre pays dans la démarche d'harmonisation. En pleine période de crise économique, sociale, environnementale, le moment était-il vraiment bien choisi pour bouleverser un secteur aussi stratégique pour l'emploi, l'environnement, notre spécificité et notre expertise historiques du nucléaire et de l'hydraulique, qui fournissent 92 % de notre électricité, nous rendant à la fois particulièrement vertueux en termes d'émission de gaz à effet de serre et concurrentiels sur les tarifs, tant pour notre marché domestique que pour l'exportation ? La non-prise en compte de cette spécificité aura un impact désastreux à la fois sur le plan social et sur le plan économique.

Sur le plan social, tout d'abord, au moment où un nombre significatif de Françaises et de Français, en situation de précarité, renoncent à se chauffer pour des raisons financières – nous le voyons dans nos circonscriptions, en tout cas dans certaines – et où les charges sont de plus en plus lourdes pour les locataires du parc social et très social, est-il judicieux de bouleverser tout un système, en prenant le risque annoncé de relever de façon très brutale et importante les tarifs de l'électricité, avec une progression évaluée par la CRE elle-même à 15 % dans les deux années à venir ? La réponse est bien entendu non, ce n'était vraiment pas le moment. C'était plutôt le moment d'aller négocier à Bruxelles une suspension de cette ouverture du marché pendant la période de crise. Il est vrai que la négociation avec les Européens en général et nos voisins allemands en particulier n'est pas un domaine d'excellence de la part de nos gouvernants actuels,…

Debut de section - PermalienPhoto de Geneviève Fioraso

…et l'actualité récente est révélatrice de notre poids décroissant dans le concert européen.

C'est d'autant plus regrettable que, sur le fond même, on peut légitimement s'interroger sur les raisons qui poussent l'Union européenne à une réglementation imposant l'ouverture à tout prix du marché de l'énergie.

En réalité, cela procède toujours de la même analyse : la concurrence serait interne aux pays de l'Union européenne, alors qu'on sait bien qu'elle se situe dans les pays émergents – déjà bien émergés, d'ailleurs – comme le Brésil, l'Inde, la Corée ou la Chine. C'est donc la domination de la pensée unique, ultra-libérale, de la DG Concurrence de l'Union européenne qui, in fine, fragilise notre compétitivité et sert les intérêts américains et asiatiques, notre véritable concurrence, au détriment des intérêts européens.

C'est un contresens qui devient vraiment grave en situation de crise économique, sociale et environnementale, par son impact négatif, en particulier sur la compétitivité de notre industrie. Avec le TARTAM, un dispositif transitoire avait pu être mis en place, préservant les emplois des industries électro-intensives, au premier rang desquelles la chimie, notre second poste à l'exportation – là où nous sommes particulièrement mauvais en général –, la microélectronique, les cimenteries, les papeteries. Voulons-nous perdre tous ces emplois industriels et les emplois induits et indirects, en aval et en amont ? Ces industries font d'ailleurs des efforts importants pour rendre leur procédés de fabrication plus économes en énergie, avec un impact moindre sur l'environnement. Vous savez comme moi que la suppression à court terme de tarifs régulés adaptés à ces industries ne manquera pas d'entraîner des délocalisations supplémentaires au profit de pays à moindre coût salarial et utilisant l'énergie fossile génératrice d'émissions de gaz à effet de serre.

Êtes-vous prêts à assumer la délocalisation de la chimie, de la microélectronique, des cimenteries dans des pays où les conditions de production, à la fois sur le plan social et celui de la sécurité industrielle et environnementale, sont loin d'être aussi favorables qu'en Europe et, singulièrement, en France ? Comment, en tant que ministre du développement durable, M. Borloo peut-il sérieusement encourager un tel transfert dommageable à la fois à l'emploi dans notre pays et à l'impact environnemental sur notre planète ? C'est tout simplement incompréhensible.

D'ailleurs, quand vous justifiez cette réorganisation du marché de l'électricité en regrettant la faible part d'ouverture à la concurrence, malgré les dispositions législatives successives de 2003, 2004, 2006, ouvrant le marché de l'énergie, vous ne faites que constater que cette ouverture en réalité ne marche pas. Pourquoi ? Encore une fois parce que la spécificité de notre système de production le rend à la fois vertueux sur le plan environnemental – même si la question des déchets nucléaires doit trouver une réponse rapidement – et très compétitif pour l'usager, particulier comme entreprise. Mais il fallait sûrement répondre à des engagements faits aux « amis » industriels du secteur de l'énergie, impatients d'accéder à ce marché si porteur et orienté fortement à la hausse, donc fructueux, depuis vos décisions de dérégulation.

En choisissant la libéralisation complète des prix ainsi que la mise en place d'un accès régulé à l'électricité de base avec une disparition progressive des tarifs réglementés pour les industriels, vous ouvrez la voie à l'augmentation du coût de l'électricité pour tous, à une désindustrialisation que vous dites par ailleurs vouloir combattre, sans pour autant régler les vrais enjeux auxquels doit faire face le secteur de l'énergie en France.

Quels sont-ils ? Premier enjeu : la valorisation de notre expertise nucléaire dans le monde par un meilleur ordonnancement des acteurs du secteur, un investissement indispensable dans la maintenance de nos centrales nucléaires et la formation des hommes et des femmes pour en assurer une meilleure disponibilité, et une sécurité optimale. Ce sont là des missions de service public que ne peut assurer un opérateur alternatif. On a vu en Grande-Bretagne les effets désastreux de l'ouverture du marché sur les conditions de sécurité et de performance du parc énergétique nucléaire : nous n'avons pas envie de suivre le même chemin.

Daniel Paul a rappelé à juste titre que le gouverneur de Californie, Arnold Schwarzenegger, qu'on ne peut pas soupçonner de gauchisme, bien connu au contraire comme un ardent libéral, est en train de ramener dans le secteur public la gestion du parc nucléaire californien. Autrement dit, tout en défendant le nucléaire, et parfois le seul nucléaire – je pense à des rapports récents assassinant des énergies alternatives –, la droite le fragilise à un moment où, de plus, sa gouvernance n'est pas au beau fixe : souvenons-nous des divergences médiatisées entre Areva, EDF, GDF Suez, Alstom, qui ont contribué aux difficultés finlandaises et à la perte du marché d'Abou Dhabi au profit de la Corée, nous faisant ainsi rater l'occasion de créer des emplois issus d'une expertise financée par des fonds publics de façon constante.

En ouvrant le nucléaire à la concurrence, nous sommes à contre-courant de toutes les pratiques mondiales dans ce secteur. Tout cela pour assurer aux amis une part du gâteau ! Au final, le résultat sera complètement négatif : perte de sécurité des installations, indisponibilité croissante du parc – je crois que nous avons atteint un record en décembre dernier, et cela ne va pas s'arranger –, d'où une répétition des pannes, en particulier dans les secteurs ruraux, vétusté croissante des réseaux, le tout avec des tarifs fortement orientés à la hausse.

Deuxième enjeu, et non des moindres : la diversification indispensable de notre bouquet énergétique, associée à la recherche – Hervé Gaymard vient de le dire –, à l'innovation et à la construction de filières industrielles et de filières de services créatrices d'emplois. Ce sont les grandes absentes de ce projet de loi, et l'on chercherait en vain les mots pourtant tout à fait stratégiques d'« efficacité » énergétique, de « sobriété » énergétique, de « diversification » du bouquet énergétique, de « mise en place de filières pour les énergies renouvelables », source d'innovations, d'emplois et de bénéfices environnementaux.

On peut d'ailleurs comprendre votre discrétion si remarquable sur ces sujets dans lesquels les États-Unis, l'Allemagne, les pays scandinaves, mais aussi la Corée du Sud investissent des sommes considérables. Un seul chiffre : 57 milliards d'euros par an pour la Corée du Sud, soit 2 % de son PIB, y sont consacrés pour les cinq années à venir.

Mais, encore une fois, votre discrétion s'explique.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Le temps est programmé, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Geneviève Fioraso

Comme la filière photovoltaïque n'existe toujours pas, alors même que la recherche est soutenue, ce qui est très bien, et que le rachat de l'électricité produite est encouragé par des tarifs incitatifs – pas forcément bien maîtrisés, d'ailleurs, puisqu'ils ont fait l'objet de spéculations sauvages à la fin de l'année dernière –, les panneaux achetés sont à plus de 80 % d'origine chinoise. Le coût carbone du transport n'étant pas intégré, pas plus que le coût social ni les conditions de travail dans lesquels ils sont produits, ces panneaux sont en effet moins chers que ceux produits par nos entreprises. Et pourtant, les panneaux de technologie européenne, en particulier ceux de l'entreprise française Photowatt en Isère,…

Debut de section - PermalienPhoto de Geneviève Fioraso

…qui bénéficient de soutiens publics, locaux et nationaux, pour des partenariats avec les laboratoires publics du CEA-Liten, à Grenoble, et de l'Institut national de l'énergie solaire, à Savoie Technolac, sont de bien meilleure qualité, bien plus facilement maintenables et évolutifs que les panneaux venant de l'autre bout du monde. Mais tout cela n'est pas organisé ou régulé au niveau de l'Etat, pas plus qu'au niveau de l'Europe, d'ailleurs, où il n'y a aucun programme de recherche coopérative ni de stratégie industrielle commune dans ce secteur crucial pour l'emploi et l'approvisionnement en électricité à faible impact sur l'environnement.

Sur l'éolien, pas un mot non plus, le Grenelle ayant établi une contrainte supplémentaire de déclaration ICPE, à l'initiative du président de la commission des affaires économiques, coauteur d'un rapport à charge, ce qui va faire passer de huit à dix ans la procédure nécessaire pour des installations significatives d'éoliennes terrestres.

Debut de section - PermalienPhoto de Geneviève Fioraso

Quant à la biomasse, tant que la filière bois n'est pas organisée, elle restera embryonnaire et non industrialisée. Un sacré gâchis quand on sait que notre pays a la première forêt d'Europe mais importe du bois en mettant des camions sur les routes du fait de l'absence de filière complète, du bûcheronnage jusqu'à l'écoconstruction et à la biomasse.

Rien non plus sur le parc hydraulique, sur les investissements à consentir pour en accroître la productivité. Rien sur l'investissement dans les réseaux intelligents – les smart grids –, dans lesquels les seuls États-Unis investissent 10 milliards de dollars aujourd'hui et qui permettent justement de gérer intelligemment les pointes en utilisant les énergies les plus économes, les moins coûteuses, les moins polluantes, au moment où elles sont plus disponibles sur le réseau. Rien non plus sur la production et la distribution décentralisées, donc plus maîtrisables et plus avantageuses pour l'usager comme pour la collectivité.

En réalité, il s'agit d'un texte purement idéologique, avec un dogme : l'ouverture à la concurrence à tout prix, quelles qu'en soient les conséquences sur l'emploi, l'environnement, la sécurité liée aux procédés industriels, et qui affecte en premier lieu la filière énergétique elle-même, et ce en dépit d'une expertise qui est le fruit de dizaines d'années d'investissement public dans la formation, la recherche et l'industrie.

Il aurait été intéressant de connaître, après le point de vue de Marcel Boiteux, qui ne vous est pas très favorable, celui de François Roussely, que vous aviez mandaté et dont, curieusement, le rapport a été mis sous embargo, classé « confidentiel défense ». Dommage pour la démocratie, dommage pour l'avancée de notre pays.

Monsieur le secrétaire d'État, il est encore temps de revenir sur des orientations dont l'impact sera vraiment préjudiciable et de nous recentrer sur les véritables enjeux de la filière énergétique : le maintien et la valorisation de l'expertise acquise, la création d'emplois nouveaux et innovants dans les filières à consolider, la diversification du bouquet énergétique, l'incitation à la production décentralisée, la maîtrise de la consommation, et surtout le maintien d'une mission de service public au service des consommateurs et de la réussite de tous ces projets. En l'absence d'une inflexion de votre texte en ce sens, nous ne pourrons évidemment pas le voter. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je tiens à signaler à M. Brottes, avec toute la courtoisie possible, qu'il faudra que la Conférence des présidents évoque à l'avenir la question des temps de parole. Par respect pour les autres collègues qui doivent s'exprimer, il vaudrait mieux, même avec le temps programmé, ne pas annoncer une intervention de cinq minutes pour parler treize minutes ; ce n'est pas la peine d'annoncer des temps de parole si on les dépasse ainsi.

Tout le monde – sauf peut-être M. Daniel Paul – a plus ou moins débordé de deux ou trois minutes. Nous n'allons pas nous transformer en classe ou en cour de récréation, mais entre cinq minutes et treize minutes, la différence n'est pas vraiment minime.

La parole est à M. François Brottes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

C'est votre rôle, monsieur le président, d'indiquer qu'il est souhaitable de respecter un temps indicatif. Vous n'avez pas interrompu Mme Fioraso, je n'ai donc aucune remarque à faire autre que celle-ci : rappeler que vous étiez dans votre droit d'apporter cette précision.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je vous remercie pour votre courtoisie et votre élégance, monsieur Brottes.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

M. Brottes a évoqué un sujet que nous avons abordé en Conférence des présidents mardi dernier. Je souhaite qu'il le soit à nouveau mardi prochain parce qu'il faut trancher. La Conférence des présidents, à la demande du président Accoyer, a donné des indications que j'ai personnellement approuvées, et auxquelles les présidents de groupe semblent eux aussi favorables. Il y a deux solutions : ou bien les temps sont indicatifs et n'ont donc pas lieu d'être inscrits sur la feuille jaune, et en ce cas on supprime les indications de temps de parole et chacun peut parler le temps qu'il veut, mais alors personne ne pourra organiser son temps de présence dans l'hémicycle,…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

…et ce sera un manque de respect pour nos collègues qui ont des problèmes de transport ; ou bien on sacralise la discussion générale, qui est organisée avec des temps de parole à respecter. Cette seconde solution laisserait à chacun le temps de s'exprimer au cours de la discussion des articles. Il ne faut pas amputer le temps d'examen des amendements, qui est sacré pour les députés.

Je souhaite, monsieur le président, je le répète, que ce sujet soit à nouveau évoqué mardi prochain pour que la question soit tranchée définitivement. Il faudra bien en terminer un jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Nous n'allons pas prolonger le débat. Chacun a compris de quoi il est question, et je remercie M. Brottes de l'avoir compris lui aussi. Par courtoisie, il serait préférable de ne pas trop s'éloigner du temps de parole indiqué : pour une durée prévue de cinq minutes, on peut en arriver à sept ou huit minutes, mais dépasser de plus du double, ce n'est pas la même chose.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

On ne peut pas cumuler le temps globalement programmé et le temps individuellement limité !

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Il aurait été possible, mes chers collègues, d'annoncer à l'avance que le temps de parole serait plus long que celui indiqué au préalable. Cela eût été préférable.

Nous reprenons la discussion générale.

La parole est à M. Yves Vandewalle.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Vandewalle

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, notre pays tire aujourd'hui les bénéfices du lancement, en 1974, par Pierre Messmer, d'un vaste programme de construction de centrales nucléaires, remarquable succès pour la France. Grâce à un parc de cinquante-huit centrales qui fournit aujourd'hui plus des trois quarts de l'électricité et grâce au tarif réglementé, le consommateur final français bénéficie d'un des meilleurs tarifs européens, qui concourt aussi à la compétitivité de beaucoup de nos entreprises. Il est ainsi à l'abri de l'évolution des prix de marché, à la fois plus élevés et très volatils. Grâce à ce parc, notre pays a réduit sa dépendance énergétique, ce qui le rend moins vulnérable aux aléas géopolitiques du moment, qui devraient perdurer. Certes, l'uranium est importé, mais les sources d'approvisionnement sont diversifiées et il ne représente que 5 % du coût de production du kilowattheure – même si son prix est à la hausse. Enfin, avec les énergies renouvelables, l'énergie nucléaire contribue à limiter considérablement les émissions de gaz à effet de serre produites par la France. Quant au traitement des déchets, il ne représente que 6 % du coût du kilowattheure, et la France dispose ainsi d'un outil industriel performant qui permet d'en recycler la majeure partie, notamment le plutonium, et de limiter le volume des déchets ultimes pour les conditionner et les stocker dans des conditions qui préservent l'avenir.

Il s'agit d'un incontestable succès, dont les bénéfices nationaux ne doivent pas être remis en cause par une réglementation européenne d'inspiration très libérale, avec laquelle les gouvernements naviguent comme entre Charybde et Scylla depuis le milieu des années 1990. Il suffit de regarder les évolutions législatives au cours des dernières années. Peut-être peut-on espérer que les nouvelles conditions de la gouvernance européenne vont renforcer les pouvoirs du Parlement européen et tempérer ainsi les ardeurs de la Commission.

Le texte que vous nous soumettez, monsieur le secrétaire d'État, vise donc à améliorer le respect des règles européennes pour mettre un terme aux risques contentieux, tout en protégeant les intérêts des consommateurs français.

À cet égard, la création d'un système d'accès régulé à l'électricité de base produite par EDF semble un compromis raisonnable, dès lors qu'il est limité dans le temps et en volume et que le tarif fixé par la commission de régulation de l'énergie permet vraiment de couvrir les coûts complets de production, car EDF a besoin de moderniser son parc qui vieillit. Il est essentiel de veiller à ne pas amputer les capacités de cette entreprise alors que son président à chiffré à 35 milliards d'euros les seuls investissements nécessaires à l'allongement de la durée de vie des centrales.

En outre, l'obligation de capacité, imposée prochainement à chaque fournisseur et contrôlée par RTE, à qui est ainsi confiée une mission essentielle dont il faudra vérifier l'application, constitue un moyen efficace de préparer l'avenir en obligeant les fournisseurs soit à développer de nouvelles capacités de production, soit à développer des capacités d'effacement chez les consommateurs. En mutualisant l'effort entre tous les fournisseurs pour assurer la sécurité des approvisionnements, ce texte prend en compte la nécessité de maintenir les investissements pour faire face aux besoins.

Surtout, et c'est l'un des points majeurs du projet de loi, les tarifs régulés sont durablement maintenus pour les petits consommateurs, et la réversibilité du choix entre tarif régulé et tarif de marché rendue possible, ce qui constitue une sérieuse avancée.

Deux points cependant me paraissent devoir être améliorés.

D'une part, le financement des investissements d'ERDF, notoirement insuffisants, ce qui se traduit par une dégradation de la qualité du service, dégradation dont se plaint notamment la Fédération nationale des collectivités concédantes. J'ai bien noté la relance des investissements annoncée par le président d'EDF devant la commission, mais j'ai tout de même déposé un amendement qui vise à mieux garantir les niveaux d'investissement dans la durée.

D'autre part, si je partage votre volonté d'améliorer la qualité de la commercialisation, notamment en améliorant l'information du consommateur, les mesures proposées me paraissent encore insuffisantes. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement visant à imposer aux fournisseurs au moins un guichet d'accueil physique par département, ce qui sera très utile en cas de difficultés – lorsque l'on discute de sa facture par exemple –, en particulier pour les personnes âgées. Elles ont tout de même beaucoup de difficultés à négocier avec des répondeurs automatiques, et leurs problèmes doivent aujourd'hui être traités par courrier. Monsieur le secrétaire d'État, je vous sens sceptique. Voici un exemple personnel : j'ai eu récemment des déboires avec GDF Suez – nous sommes dans le domaine du gaz, je vous le concède, pas dans celui de l'électricité –, et après avoir tenté en vain de régler le problème avec un répondeur qui ignorait tout de la situation, j'ai fini par écrire à Lannion, à l'adresse indiquée sur la facture, alors que je suis député des Yvelines.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Vandewalle

Certes, mais tout de même ! J'ai écrit le 18 novembre 2009, et j'attends encore une réponse, monsieur le secrétaire d'État. Alors que les factures avaient été payées mensuellement, il s'agit d'une ardoise de 3 000 euros supplémentaires. Pour une personne âgée, c'est un vrai problème. S'il y avait eu un guichet d'accueil physique dans le département des Yvelines, cela aurait facilité les choses. Aujourd'hui, je n'ai aucun interlocuteur et je ne sais pas à qui m'adresser. Il y va de la qualité des services publics dans un département qui compte 1,4 million d'habitants. On pourrait quand même y prévoir un guichet !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Vandewalle

En résumé, parce qu'il contribue tout de même à garantir la pérennité de notre modèle énergétique qui a fait ses preuves, je voterai ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Grellier

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, la discussion du projet de loi NOME intervient dans une période où le contexte social et économique, difficilement prévisible, n'a plus rien à voir avec celui qui existait au moment où les orientations puis les décisions de la Commission européenne, à travers ses directives, ont été prises. Elles visaient à mettre en place, d'une manière très générale, une stratégie de concurrence pour tous les biens de consommation, quelle que soit leur nature, dans et entre les différents pays de l'Union. Ce projet de loi vise à respecter les exigences des directives européennes et, après avoir organisé la concurrence en matière de distribution de l'électricité, il s'agit maintenant d'élargir le champ de la concurrence au niveau de la production.

À première vue, un tel élargissement peut paraître logique puisqu'une véritable concurrence ne peut s'établir correctement que si tous les protagonistes sont soumis aux mêmes règles de base dans la production, la transformation, la distribution et la commercialisation, auxquelles il faudrait ajouter une nécessaire harmonisation fiscale et sociale. Mais on peut se demander si l'Europe, compte tenu du nouveau contexte économique, est aujourd'hui dans la bonne voie en persistant dans ses objectifs de concurrence à outrance sur des biens de consommation qui concernent très fortement le quotidien de nos concitoyens et des acteurs économiques.

Lorsque le gouvernement de Lionel Jospin s'est engagé sur le traité de Barcelone, dans un contexte alors très favorable aux idées libérales en matière de concurrence et de marché, il avait aussi fait preuve d'une forte exigence pour que l'Europe se dote d'une directive concernant les services d'intérêt économique général Or cette exigence n'a pas été suivie d'effet. Au contraire, la tendance libérale s'est amplifiée à travers une accélération des dérégulations, dont les effets négatifs ont été accentués par la crise financière et ses effets dévastateurs.

Je suis, comme beaucoup, un Européen convaincu, et je veux une Europe pacifiée, qui protège ses citoyens, qui organise le territoire de ses pays membres sur des notions de solidarité et de progrès social, dans une dynamique économique qui doit profiter au plus grand nombre, et non une Europe qui tire vers le bas, qui accentue les inégalités et risque de provoquer le repli sur soi, avec tous les dangers que cela peut engendrer. Il demeure donc essentiel que la puissance publique, à travers les décisions de ses responsables politiques, qu'ils soient nationaux ou européens, puisse disposer de leviers importants de régulation afin que tout ne soit pas laissé à la sacro-sainte concurrence et aux seules lois du marché. Ce devrait être le cas pour les biens de première nécessité, dont l'énergie sous toutes ses formes fait partie, comme pour l'eau et les produits alimentaires. L'examen de la future loi de modernisation de l'agriculture ainsi que la négociation de la PAC reposeront ces questions.

Il faut aussi pouvoir agir en termes monétaires, avec des objectifs nécessaires d'harmonisation fiscale et sociale, pour que là où la concurrence est possible et même souhaitable, elle se fasse selon des règles qui soient les mêmes pour tous. Certes, ce débat est d'une autre nature, mais je souhaite l'évoquer à l'occasion de cette discussion générale, car il appelle les responsables politiques à reprendre la main et l'initiative sur des orientations qui, au lieu de servir l'intérêt général de nos concitoyens, les amènent à bricoler des décisions qui n'ont aucune cohérence ni aucune approche strictement économique. C'est un risque important dans la future application de la loi NOME.

Dans l'attente de son examen, des démarches législatives ont été nécessaires pour faire perdurer les tarifs réglementés, dont le TARTAM, en étant toujours à la marge du respect des exigences des directives européennes. De plus, dans le cas précis de l'électricité, nous ne pouvons pas gommer notre propre histoire. Celle-ci a permis de produire une énergie électrique judicieusement répartie sur tout le territoire, avec une autonomie liée à la production nucléaire dont la totalité est assurée par l'opérateur historique et public : EDF.

Il faut donc inventer maintenant, à travers ce projet de loi, une procédure qui permettra aux concurrents d'EDF qui se sont engagés dans la commercialisation et la distribution, de pouvoir bénéficier de la production d'électricité nucléaire de l'opérateur historique. Mais imaginer la transcription de cette démarche dans d'autres secteurs d'activité permettrait d'en souligner l'incohérence, voire le ridicule par rapport à un fonctionnement normal du marché.

Certes, il ne s'agit pas de tomber dans un excès de protectionnisme au motif que nous avons en France une des électricités les moins chères en Europe. Au contraire, j'appelle de mes voeux la mise en oeuvre d'une véritable politique européenne de l'énergie, avec une maîtrise publique respectant la diversité des sources de production, permettant de garantir l'accès à tous, dans des conditions de prix et d'approvisionnement harmonisées à terme sur le territoire européen.

Or, avec l'examen de ce projet de loi qui tente de répondre aux exigences de nos engagements européens actuels, nous sommes très loin de cette démarche, et je crains qu'il n'amplifie considérablement les problèmes rencontrés aujourd'hui dans beaucoup de secteurs économiques liés au coût de l'énergie. Dans l'attente d'un changement radical de la conception de la construction de l'Europe, il faut bien que ce texte soit débattu. Mais je souhaite que toutes les garanties soient prises pour qu'il y ait un contrôle public permettant une évaluation régulière des conséquences de cette loi à court, moyen et long terme pour les usagers et les entreprises, une transparence et une clarification quant aux conditions de fixation du prix de la production d'électricité nucléaire d'EDF pour ses propres concurrents sous le couvert de la CRE, une anticipation et une vision, y compris dans nos débats parlementaires, sur les perspectives de production et de gestion de l'énergie en France dans une dimension européenne.

Je souhaite que soit garantie la maîtrise publique de la production de l'énergie nucléaire quelles que soient ses formes, et que soient pris en compte le paquet climat-énergie et les engagements de l'Europe en matière d'économies d'énergie.

En conclusion, il est clair que l'examen de ce projet de loi doit permettre d'élargir le débat sur le rôle de l'Europe et la manière dont elle doit continuer à se construire.

En effet, elle doit désormais intégrer le nouveau contexte économique et social et ses besoins de régulation, ainsi que la donne écologique et de développement durable, de même qu'une meilleure maîtrise publique des biens de première nécessité dont fait partie l'énergie, comme l'eau et les produits alimentaires, le tout adossé à une politique monétaire dynamique et également mieux maîtrisée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Reiss

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, chers collègues, ce projet de loi NOME affiche notamment deux objectifs : développer la concurrence sur le marché de l'électricité et proposer des offres compétitives aux consommateurs.

L'ensemble du marché de l'électricité respecte, depuis juillet 2007, une ouverture à la concurrence encadrée par une régulation pragmatique. La France a ainsi maintenu des prix réglementés pour les consommateurs qui se fournissent auprès de l'opérateur historique, EDF, en tarifs bleus, jaunes et verts.

Or les acteurs historiques du paysage électrique français sont bel et bien les régies d'électricité qui, en très grande majorité, ont été créées il y a plus d'un siècle. Ces entreprises locales d'électricité ont vu le jour sous l'impulsion des collectivités qui les contrôlent et qui garantissent ainsi un véritable service public de proximité.

Les ELD accompagnent le développement économique des collectivités supports, contribuant ainsi à l'aménagement du territoire. Les frais de structure sont réduits par rapport à ceux des gros acteurs du marché, et la proximité qui limite le coût d'intervention est un gage d'efficacité.

Malgré leur petite taille, les ELD constituent, dans la configuration actuelle, un modèle économique viable. Ce qui est un atout aujourd'hui ne doit pas devenir, avec la complication des mécanismes, un handicap demain.

Les ELD sont satisfaites de l'amendement portant sur l'article 1er relatif à la capacité qui leur est offerte de se regrouper pour l'accès régulé à la base. Autrement, elles auraient été évincées de l'ouverture du marché de l'électricité.

L'article 13, adopté à l'unanimité de la commission, vise à favoriser le regroupement des petites régies sous la forme de sociétés publiques locales.

Cependant, en ce qui concerne les pertes de leur réseau, les ELD ont la possibilité de les acheter au tarif de cession, mais seulement jusqu'en 2013. Au-delà, elles seront tenues de recourir au mécanisme de l'accès régulé à la base, ce qui introduit une complexité, surtout pour les plus petites d'entre elles.

N'ayant pas la capacité structurelle des grands opérateurs, les ELD souhaiteraient que l'achat des pertes puisse continuer à se faire au tarif de cession sans limite de date.

Alors que le texte initial n'avait pas explicité la situation particulière des ELD, je voudrais remercier le rapporteur et le Gouvernement de ne pas ignorer ces régies dont le rôle historique dans le paysage électrique français mérite toute notre attention.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Reiss

D'une manière plus générale, la bonne échelle du marché de l'énergie étant européenne, ce projet de loi NOME permettra, d'une part, de lever les contentieux avec la Commission européenne et, d'autre part, de placer la France sur la voie d'une organisation novatrice conforme aux enjeux d'avenir que sont la compétitivité, la sécurité d'approvisionnement et l'innovation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Line Reynaud

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi en cours d'examen fait suite aux travaux de la commission Champsaur qui a recommandé d'instaurer un accès régulé à l'électricité de base produite par le parc nucléaire français au profit des autres fournisseurs d'électricité que l'entreprise EDF.

La France répondra ainsi à l'exigence concurrentielle de l'Union européenne. Cependant, les solutions techniques élaborées par cette commission ne correspondent pas aux exigences du moment.

Dans le passé, notre pays a su inventer un système unique et intégré à la française, lequel permet de produire, transporter et distribuer une électricité qui est en moyenne la moins chère d'Europe, grâce à des tarifs réglementés.

Une nouvelle fois, au nom d'une directive européenne, le Gouvernement veut casser un système qui a bien fonctionné pendant plus de cinquante ans.

D'ailleurs, le gouverneur de l'État de Californie, M. Arnold Schwarzenegger – un républicain et donc un homme de droite, je le rappelle – envisage d'adapter le système français actuel à son État, confronté à des problèmes de production et d'approvisionnement. Les Californiens sont de très grands consommateurs d'énergie électrique, notamment en raison de l'usage très répandu du climatiseur dans cet État au climat chaud.

Avec cette loi, ce n'est plus l'intérêt de la France qui prime mais celui des entreprises privées, au nom de la sacro-sainte concurrence auquel le Gouvernement actuel croit énormément.

Monsieur le secrétaire d'État, les Français se préoccupent moins de savoir comment les concurrents d'EDF vont pouvoir acheter de l'électricité que du risque d'augmentation des prix de cette énergie essentielle.

Si cette loi est adoptée, vous ne savez pas avec précision quels seront les prix réellement pratiqués. D'ailleurs, vous renvoyez ce problème du prix et de la tarification à la Commission de régulation de l'énergie. Pour le Gouvernement, c'est une façon très simple de se dédouaner de ses responsabilités et de ne pas assumer les conséquences des choix contenus dans ce texte.

Cette réforme ne se traduira pas seulement par une augmentation des prix mais aussi par une dégradation de la qualité du service, au détriment des consommateurs privés.

Même si votre intention actuelle n'est pas de privatiser EDF, cette loi va libéraliser le service public de l'électricité. Monsieur le secrétaire d'État, nos amendements visent donc aussi à vous rappeler certains principes.

D'une part, le parc électronucléaire français doit être composé exclusivement de centrales exploitées par des personnes morales à capitaux majoritairement publics. Ce principe doit être gravé dans le marbre de la loi, en raison du caractère sensible de l'énergie atomique.

D'autre part, toute nouvelle organisation du marché de l'électricité ne peut remettre en cause le caractère de bien de première nécessité de l'électricité. Avoir accès à l'électricité chez soi n'est plus une possibilité ou un confort mais c'est un droit qui doit être garanti à chacun. La continuité du service doit aussi être garantie et réaffirmée.

Chacun de vos textes sur l'énergie est sous-tendu par le même schéma : on libéralise à outrance pour servir des intérêts privés. Plutôt que de servir les Français, les services publics sont considérés, selon les situations, tantôt comme des services pour les opérateurs privés, tantôt comme des contraintes qu'il convient de neutraliser.

Le meilleur exemple est l'entreprise GDF Suez. Après la privatisation de GDF, la majorité a adopté le Grenelle 2 qui favorise le chauffage au gaz, affaiblissant l'entreprise EDF et renforçant le pouvoir de GDF Suez qui sera le principal fournisseur alternatif. Au final, le seul gagnant est toujours et encore le même : GDF Suez !

Depuis 2002, et ce phénomène s'est encore accentué depuis 2007, vous détricotez tout ce qui a été fait par les gouvernements qui vous ont précédé, dans le secteur de l'énergie comme dans tous les autres. Le résultat est là : rien ne va mieux, tout va toujours plus mal !

Vous me permettrez de conclure par une citation du général de Gaulle qui a joué un grand rôle dans l'organisation du système énergétique français, en particulier du secteur de l'électricité : « C'est purement négatif de toujours remettre tout en cause, c'est, en somme, la marque des faibles. »

Pour toutes ces raisons, nous refuserons ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Clément

Avec ce texte, monsieur le secrétaire d'État, votre gouvernement cherche à trouver l'équilibre entre les prétendus avantages procurés par une ouverture au marché concurrentiel de l'électricité et le maintien du droit à l'accès à l'énergie électrique pour tous, dans le cadre d'un système électrique français original.

Le texte prévoit qu'en 2015 au plus tard le tarif administré ou tarif bleu sera aligné sur le prix auquel EDF cède son électricité à ses concurrents.

Tout le monde s'accorde à dire que cette ouverture du marché va entraîner une flambée des prix. Les plus optimistes tablent sur une hausse de 25 % en cinq ans en euros courants.

Les entreprises locales de distribution, autre particularité française évoquée précédemment par mon collègue Frédéric Reiss, ont fait aussi ce calcul. Leurs initiateurs, les collectivités locales et leurs élus qui sont attachés à ce service public, se battent depuis bientôt un siècle pour un égal accès à l'énergie électrique, pour tous et en toutes circonstances. Vont-ils voir leurs efforts ainsi anéantis ?

Dans l'ombre des grands opérateurs se cachent encore quelques ELD. Véritables entreprises de proximité et de service public en matière de fourniture et de distribution d'électricité, les ELD ont su préserver leur place et leur singularité dans le système français grâce à la qualité de leurs services et au contrôle spécifique des collectivités territoriales sur leurs activités. Elles ne pourront poursuivre leur développement que sous réserve d'ajustements législatifs essentiels.

Trois ajustements conditionnent la pérennité des ELD. Premièrement : l'accès régulé à la base et son corollaire, l'obligation de capacité, doivent être adaptés à la spécificité des ELD, qui tient aux volumes consommés par leurs clients et à la territorialité de leur activité. En conséquence, les ELD doivent pouvoir se regrouper pour utiliser l'accès régulé à la base par des moyens simples.

Deuxièmement : le maintien des tarifs réglementés de vente pour les particuliers doit être préservé et conforté sans condition. Les prix de marché ne reflétant pas les fondamentaux de coûts du parc de production électrique français, cette mesure pourrait même être étendue à toute une catégorie de petits professionnels, artisans ou petites entreprises, en fonction de la puissance souscrite.

Troisièmement : il faut garantir des tarifs de cession aux ELD, et leur permettre ainsi de s'approvisionner exclusivement pour leurs ventes aux tarifs réglementés auprès d'EDF, en contrepartie d'engagements liés à des missions de service public dont les opérateurs alternatifs sont libérés.

Les ELD entendent faire valoir ces missions au service de la collectivité, qu'il s'agisse de l'action sociale en faveur des plus démunis, de la politique en faveur des énergies renouvelables et de l'aménagement du territoire, comme partenaires économiques des communes.

Toutefois, l'accès à ce tarif de cession ne serait plus possible pour l'approvisionnement des pertes de réseau dès la promulgation de la loi. Le maintien de cette possibilité est indispensable, étant donné la complexité et la non-adaptation de leur taille à l'achat de ces pertes sur le marché. Au minimum, un délai d'adaptation est à prévoir.

La survie des ELD dans le monde que vous nous proposez est à ce tarif.

Mes chers collègues, on mesure le progrès à l'accès qui en est offert à celui qui en est le plus éloigné. Sommes-nous sûrs d'aller en ce sens avec ce texte ?

L'ouverture du marché, drapée dans l'habit de la concurrence, ne cache pas la misère. Demain, combien de nos concitoyens seront bénéficiaires du tarif de première nécessité ? Combien de logements deviendront inhabitables faute d'être chauffés l'hiver ? Combien de coupures d'électricité seront effectuées par des opérateurs sans scrupules ? L'exclusion sociale, c'est aussi cela la face cachée du texte que vous nous proposez. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de André Wojciechowski

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les directives européennes, appliquées aux marchés français de l'électricité et du gaz, ont révolutionné la situation très paternaliste de nos services publics, pour ouvrir le champ de la fourniture d'énergie à de nouveaux intervenants : les fournisseurs alternatifs.

Monsieur le secrétaire d'État, cette prétendue ouverture à la concurrence est en réalité une ouverture à des finalités capitalistiques d'un système précédemment éprouvé qui avait l'adhésion sans réserve des Français,

En effet, l'introduction de nouveaux opérateurs et la décomposition des métiers entre producteurs, salles de marchés, fournisseurs, gestionnaires de stockages, gestionnaires de réseaux de transports, gestionnaires de réseaux de distribution, responsables d'équilibres et clients finaux ont multiplié par un facteur incommensurable les procédures et outils de communication entre ces multiples intervenants.

Pour exemple, dans le monde paternaliste duquel nous peinons à nous extraire – et cela se comprend –, il fallait un seul relevé d'index par trimestre pour facturer un fluide, par différence avec le relevé précédent. Dans le monde d'aujourd'hui, il faut 13 000 relevés automatisés pour constituer une courbe de charge sur la même période, et ensuite la transmettre à de multiples intermédiaires. En résumé, on a constitué une bulle transactionnelle, qui véhicule des milliards d'informations par l'intermédiaire désormais indispensable de structures, programmes, réseaux ou opérateurs informatiques, et rendu le fonctionnement de notre économie énergétique complètement dépendant de ces systèmes et surtout – ce à quoi vous devriez être sensible, monsieur le secrétaire d'État, – de leurs surcoûts.

Chacun comprendra que la multiplicité et la complexité de ces nouvelles procédures et de ces nouveaux intervenants ne peut que se solder par l'augmentation des prix pour le client final. Pourtant, un autre modèle que celui du commerce dématérialisé existe pour l'énergie, comme l'ont souligné Frédéric Reiss et Jean-Michel Clément : le modèle du service public de proximité – les fameuses régies –, qui existe encore, notamment parmi nos entreprises locales de distribution, les ELD.

Nos ELD, souvent distributeurs multi-fluides, disséminées sur le territoire français par la pertinence de l'histoire, bénéficient d'un satisfecit unanime de leur clientèle, quelle que soit leur envergure, de la plus petite à la plus grande, et ce grâce au service de proximité qu'elles assurent et à un suivi relationnel personnalisé. Or, aujourd'hui, ces entreprises, surtout les plus petites, sont menacées de disparition en raison de la complexité des procédures et des outils à mettre en oeuvre, ne serait-ce que pour assurer leur propre approvisionnement.

Pour respecter l'esprit même d'une véritable concurrence et le maintien des modèles alternatifs, je vous demande donc, monsieur le secrétaire d'État, d'assurer la pérennité de ces entreprises, de défendre un service local de qualité et personnalisé, de défendre les prix et le client final, comme le proposent les amendements que je soumettrai à notre assemblée. Ceux-ci visent à autoriser – par délégation des plus petites entreprises aux plus grandes – des transferts de droit pour la mise en oeuvre des dispositifs complexes d'accès aux marchés de la fourniture et de la base régulée. Ainsi, la taille critique indispensable pour aborder les mécanismes de marché ne sera pas stérilisante pour le service local, et, dans le grand champ de nos marchés énergétiques, les chevilles ouvrières que sont nos entreprises locales de distribution ne seront pas les sympathiques abeilles sacrifiées à la monoculture des mécaniques boursières.

Il convient aussi de prendre en compte les spécificités des transports ferroviaires et des transports en commun. Ces transports sont consommateurs d'électricité – à titre d'exemple, la SNCF consomme chaque année 7 térawattheures de traction, ce qui en fait l'un des tout premiers consommateurs français, et surtout l'un des plus gros consommateurs de pointe. La demande de transport ferroviaire de la part des voyageurs, et en particulier de transport régional, y compris en Île-de-France, est essentiellement liée à l'activité économique et aux mouvements de la population active ; il s'agit donc d'une pointe incontournable et d'une priorité, et une incitation à la maîtrise des coûts d'électricité pourrait provoquer un report des voyageurs sur un mode moins favorable à l'environnement.

Le Grenelle de l'environnement incite au report modal de la voiture personnelle vers le transport en commun et le transport ferroviaire, mais il ne faudrait pas que la loi NOME ait un impact lourd sur la facture des transporteurs – SNCF, RATP ou autres –, et au final sur le prix du billet, donc sur l'usager et le client. Il est en ce sens nécessaire que le Gouvernement et le législateur prennent en compte les spécificités de ces entreprises de transport qui consomment beaucoup d'électricité de pointe. Les Français, monsieur le secrétaire d'État, sont attachés aux services publics, et ils comptent sur vous. Ne les décevez pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la nouvelle organisation du marché de l'électricité répond à l'ouverture à la concurrence réclamée par l'Union européenne, laquelle menace la France de sanctions financières. Mais la directive date de 2006 : peut-on vraiment aujourd'hui l'appliquer comme s'il ne s'était rien passé depuis ? Peut-on à ce point bouleverser le secteur de l'énergie, faire des cadeaux aux opérateurs privés en ignorant un certain nombre d'événements ? Peut on examiner le projet de loi NOME en oubliant le paquet climat-énergie ? Peut-on aborder ce texte comme s'il n'y avait pas eu la crise ?

Oui, cette demande émane de la Commission européenne ; mais elle peut sans doute être réexaminée à la lumière de notre situation et de nos ambitions sociales et écologiques. D'ailleurs, le traité de Lisbonne ne dit pas le contraire : son article 106 précise que les services d'intérêt général sont soumis aux règles de concurrence « dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie ». Or la transcription de la demande de la Commission telle que vous la proposez vient faire échec à la mission de service public d'EDF.

Nous reconnaissons la nécessité de nous conformer aux directives européennes, mais nous contestons les propositions de ce texte. Il est clair que l'électricité n'est pas un bien comme les autres : bien de première nécessité, elle ne se stocke pas et relève d'une mission de service public. La loi du 10 février 2000 consacre ainsi l'existence d'un droit à l'électricité devant être garanti par un accès de tous à des tarifs raisonnables, et ce sur l'ensemble du territoire. La manière dont vous prétendez transposer les obligations européennes met en danger ce droit à l'électricité et cette égalité. Les tarifs d'EDF sont aujourd'hui inférieurs de 27 % à la moyenne européenne, ce qui constitue un avantage compétitif considérable pour la France. Or nous considérons que le projet de loi NOME met non seulement en danger cette compétitivité, mais aussi le service public dans son ensemble.

Les entreprises qui ont choisi un opérateur privé ont été confrontées, après une période transitoire, à une hausse des tarifs qui a largement dégradé leur compétitivité. Face à cette situation, le dispositif TARTAM a été adopté pour permettre le retour à un tarif intermédiaire. De fait, le projet de loi NOME, pour accroître la concurrence sur le marché français de l'électricité, imposerait à EDF de vendre un quart de sa production électrique d'origine nucléaire aux opérateurs privés. En effet, les concurrents d'EDF ne parviennent pas à faire de bénéfices, puisqu'ils n'ont pas accès à la rente nucléaire et que 96 % des consommateurs français ont décidé de rester fidèles au service public et aux tarifs réglementés. On veut donc, aujourd'hui, obliger EDF à subventionner ses propres concurrents, c'est-à-dire créer une concurrence purement artificielle.

À l'heure actuelle, l'État est actionnaire d'EDF à 87 % ; les dividendes redistribués par EDF vont donc en grande partie à l'État ; or on veut obliger cette entreprise à céder une partie de sa production pour permettre à des opérateurs privés de se faire de la marge. Un tel transfert de marge du public vers le privé est inacceptable.

Le Gouvernement affirme que la concurrence va favoriser l'investissement ; mais pourquoi les fournisseurs privés investiraient-ils dans de nouveaux moyens de production alors qu'ils auront accès à la production d'EDF, et ce à des prix et à des quantités garantis ? Bref, vous affaiblirez l'opérateur qui investit pour transférer les bénéfices vers les actionnaires.

En outre, le projet de loi NOME laisse un certain nombre de questions en suspens. Suite au Grenelle 2 et aux engagements d'augmenter la part d'énergies renouvelables dans l'ensemble de la production, EDF devra acheter de plus en plus d'énergie propre : comment va-t-elle faire face à ces coûts ? La loi reste silencieuse sur les énergies renouvelables.

Henri Proglio a indiqué à la commission des affaires économiques qu'EDF devrait consentir, dans les années à venir, d'importants investissements pour la rénovation de son parc nucléaire, probablement à hauteur de 35 milliards d'euros. Les consommateurs devront-ils supporter la totalité du coût de cette rénovation ?

D'autre part, le projet de loi NOME prévoit que le prix de l'électricité pour les industriels sera libre à partir de 2015. Mais comment les PME pourront-elles supporter l'augmentation des tarifs de l'électricité qui en découlera ? Chacun, jusqu'à la SNCF et aux transports en commun, tels que le métro et les tramways, subira cette augmentation.

Pour les particuliers, c'est la fin des prix plafonds, puisque les prix seront désormais fixés par la Commission de régulation de l'énergie en intégrant « une référence aux prix du marché ». Il y aura inévitablement, à terme, un alignement à la hausse sur les prix du marché. Le président de la CRE a d'ailleurs annoncé une hausse de 11 % de la facture des particuliers l'année prochaine.

Cette envolée des tarifs s'ajoute à la flambée des prix du gaz, en hausse de 15 % au début de 2010. Pour les 3,5 millions de familles qui vivent en état de précarité énergétique, de telles hausses ne peuvent que creuser les inégalités et dégrader encore davantage le pouvoir d'achat des plus démunis.

À l'heure où le contrat de service public liant l'État et EDF s'apprête à être renégocié, le projet de loi NOME laisse trop de questions en suspens. La seule certitude que nous ayons est l'augmentation des prix et le renforcement des inégalités. Nous réaffirmons que le tarif de l'électricité est une question de service public, et que l'accès de tous à l'électricité, et à un coût supportable, doit être assuré. Malheureusement, votre texte ne va pas dans ce sens.

Il faut enfin s'interroger sur votre refus d'intégrer l'énergie hydraulique dans l'accès régulé de base. Elle a pourtant toutes les caractéristiques pour cela, davantage même que le nucléaire. Mais en intégrant l'hydraulique, vous auriez aussi intégré une partie de GDF Suez. Votre texte, c'est donc tout pour GDF et tout pour Suez, en affaiblissant EDF. L'Europe a bon dos pour justifier ces cadeaux faits à Suez ; j'ai pour ma part une autre idée de l'Europe ; c'est pourquoi, avec mon groupe, je voterai contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de William Dumas

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, avec cette nouvelle organisation du marché de l'électricité, le constat est amer. Nous avions en France un réseau de production et de distribution de gaz et d'électricité fiable et bien organisé. Qu'en avez-vous fait ? Depuis six ans, vous avez démantelé, divisé et privatisé ces grands groupes de l'énergie. Quelles en sont les conséquences aujourd'hui ? Le prix du gaz a augmenté de 10 % au 1er avril 2010, et l'on nous annonce 5 % de plus pour le 1er juillet prochain. Les délais d'intervention sont de plus en plus longs ; les saisines du médiateur de l'énergie ont doublé entre 2008 et 2009.

Souvenez-vous : en 2004, à cette tribune, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'économie, promettait que l'État ne pourrait pas descendre en dessous de 70 % du capital de Gaz de France. Il avait même inscrit cette précision par amendement dans la loi du 29 août 2004. Pourtant, depuis la fusion avec Suez, la part de l'État a été ramenée à 35 %. Mais, comme en 2004, vous voulez nous mystifier. Vous nous dites que le tarif réglementé sera conservé alors que, selon l'article 4, sa fin est programmée pour les industriels en 2015.

Qu'en sera-t-il pour les consommateurs domestiques ? Vous nous dites qu'ils seront protégés. Mais si vous obligez EDF à vendre moins cher une partie de sa production, vous lui retirerez de facto une partie de ses bénéfices, qu'il faudra bien récupérer quelque part.

Vous dites aussi que l'entretien des réseaux sera encadré par un plan décennal obligatoire. Mais le texte ne donne qu'un pouvoir d'injonction à la Commission de régulation de l'énergie, de sorte que celle-ci ne pourra pas contraindre les gestionnaires de réseaux à respecter leurs engagements. Nous verrons bien ce qui se passera à la prochaine tempête !

Vous nous parlez de Grenelle de l'environnement et de développement durable ; pourtant, dans ce texte, pas un article ne favorise la production d'énergies renouvelables ni n'incite à la consommation vertueuse d'énergie.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Il fallait voter le Grenelle 2 !

Debut de section - PermalienPhoto de William Dumas

Comment allez-vous atteindre les objectifs de réduction de la consommation d'énergie fixés par le Grenelle ? Le président de notre commission, Patrick Ollier, a accepté l'idée d'une mission d'information parlementaire sur la sécurité des réseaux de distribution d'électricité et de gaz. Cela n'aurait-il pas dû être un préalable au projet de loi que nous discutons ?

Je pourrais continuer, tant la liste est longue. Quel sera le sort réservé à la CNR, que vous rêvez de privatiser au mépris des collectivités, qui en sont pourtant d'importants actionnaires ? Quelles seront les conséquences de votre texte sur l'entretien des centrales nucléaires d'EDF dans dix ou quinze ans ? Une distribution minimale sera-t-elle garantie à un abonné insolvable ? Vous le voyez, mes chers collègues, encore une fois, le Gouvernement et la majorité n'ont ni vision ni perspective, alors que l'actif visé est stratégique pour notre pays.

Tous les analystes nous disent que, si la France a mieux résisté à la crise financière que ses voisins occidentaux, c'est grâce à son secteur public, lequel a permis de protéger une partie de nos concitoyens des effets néfastes de cette crise. Que fait-on aujourd'hui de ce secteur public protecteur ? On le brade à ceux qui ont provoqué la crise. Vous me répondrez sans doute que c'est Bruxelles qui nous impose ces changements, et que c'est Lionel Jospin qui a signé le traité de Barcelone. Mais il est facile d'écrire ses souvenirs lorsque l'on a mauvaise mémoire ! C'est le gouvernement Juppé, avec la directive de 1996, qui a déclenché le processus de libéralisation. Lionel Jospin avait obtenu, pour limiter les dégâts, la publication d'une loi-cadre européenne, laquelle devait définir les principes et les missions des services publics, et ce qui les distingue des services soumis à la concurrence, avant toute nouvelle organisation du marché.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la création d'un pôle public de l'énergie. Nous demandons que l'électricité soit toujours considérée comme un produit de première nécessité qui ne doit pas être sacrifié sur l'autel de la concurrence libre et non faussée. Nous demandons que soit garanti pour les particuliers un tarif réglementé à long terme. Nous demandons que l'emploi soit préservé au sein de tous les groupes issus du démantèlement d'EDF et de GDF. Nous demandons un véritable débat parlementaire sur la réforme du statut des gestionnaires de réseaux de transport de l'électricité et du gaz. Enfin, nous demandons que la nouvelle organisation du marché ne fragilise pas les principes d'égalité, de continuité, d'adaptabilité et de sécurité sur lesquels reposent les services publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Lassalle

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en écoutant les débats, dans l'hémicycle ou de mon bureau, j'ai eu l'impression que personne, parmi nous, n'était satisfait de devoir légiférer sur le sujet qui nous réunit ce soir. Nous devons donc nous soumettre à une directive européenne, obligés d'imposer à EDF de renoncer à un bon quart de sa marge au profit de sociétés privées qui ne sont pour rien dans l'élaboration du produit. Au moment où nos concitoyens se débattent dans les plus grandes difficultés, où nos États, qui comptent, dit-on, parmi les plus riches de la planète, sont en même temps les plus endettés – et vous avez, monsieur le secrétaire d'État, à assumer cette terrible réalité –, …

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Nous avons tous à l'assumer !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Lassalle

…au moment où nous avons soviétisé toutes nos administrations, n'est-il pas un peu choquant de contraindre ainsi l'une des entreprises les plus connues du monde – qui a toujours remarquablement satisfait aux obligations que nous lui imposions, qui a lancé, à une époque où ce n'était pas facile, un programme qui fit couler autant d'encre que de salive, et qui lui valut, dans le monde entier, autant d'admiration que de jalousie – à abandonner 25 % de son activité à des concurrents directs ? Et tout cela au nom d'une simple directive !

Voilà à quoi nous en sommes réduits, au moment où il faudrait se demander comment font nos voisins de palier pour payer leur électricité et comment sont entretenus des réseaux parfois vétustes, au moment où il faudrait accélérer l'enfouissement des lignes, celles de proximité comme celles à haute tension, et réaliser la ligne enterrée à très haute tension de 400 000 volts entre la France et l'Espagne – puisque, depuis vingt ans, pour des raisons d'environnement certes bien compréhensibles en ce domaine, nous perdons ce très important marché chez nos amis espagnols.

Le président d'EDF nous apprend que l'entreprise a 45 milliards d'euros de dettes en 2009 et qu'elle s'apprête à consentir un investissement de 35 milliards pour le parc EPR. Je croyais que la France était bien placée en matière de production d'électricité. Quelle n'a pas été ma stupéfaction de découvrir, en étudiant un graphique publié aujourd'hui par un quotidien économique, une grande Chine de vingt centimètres de haut, une grande Corée de douze centimètres, quelques pays intermédiaires et, tout en bas, de petits États-Unis, qui font 5 %, et une petite France de 2,5 % ? Voilà ce que nous produisons, aujourd'hui, au moment où nous livrons ce que nous avons de meilleur à des compagnies privées qui n'apportent strictement rien. Je ne suis pas doctrinaire, je n'ai rien contre personne, mais, si quelqu'un n'apporte rien, pourquoi lui distribuer de l'argent ?

Si l'Europe n'est pas contente, les Français sauront lui répéter ce qu'ils lui ont dit, il n'y a pas très longtemps, à 54 %. Il faut parfois savoir dire non et pour ma part, dans cette affaire-là – ce n'est pas pour vous offenser, monsieur le secrétaire d'État...

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Je ne le suis pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Lassalle

…car je sais que vous n'y êtes pour rien –, je ne peux faire autrement que de dire non. Je souhaiterais cependant que vous introduisiez – ce que n'ont pas su faire vos prédécesseurs, quels qu'ils soient – un peu plus de clarté à propos des textes européens que nous mettons en oeuvre. Cela commence à bien faire, ces directives ! J'ai beaucoup dénoncé celles qui portaient sur l'environnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Lassalle

Elles ont littéralement emprisonné les campagnes de France et transformé nos montagnes en réserves d'Indiens : il y faisait pourtant bon vivre, et les hommes y oeuvraient dignement, sans être ni au RSA ni au SMIC ; aujourd'hui, on leur jette des cacahuètes et de la verroterie. Il faudra, une fois pour toutes, mettre ce problème à l'ordre du jour, pour que nous ayons des débats clairs et nets sur les directives qui sont signées sans que le peuple de France sache à quoi il est engagé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Heinrich

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis les années soixante-dix, la France a fait le choix ô combien judicieux de l'indépendance énergétique en matière d'électricité. Pauvre en ressources fossiles, elle s'est dotée d'une vision industrielle à long terme qui lui permet aujourd'hui de posséder un parc de production électrique performant, produisant une électricité fortement décarbonée à un coût qui, notamment pour les entreprises, est parmi les plus bas d'Europe – inférieur de 33 % à la moyenne des autres pays de l'Union.

Le projet de loi vise à répondre aux injonctions de la Commission européenne afin d'établir en France un marché de l'électricité plus concurrentiel. J'ai bien compris que, pour le Gouvernement, entre un conflit ouvert avec la Commission européenne et la limitation de toute régulation des prix, les marges de manoeuvre étaient étroites. Ce projet maintient les tarifs réglementés pour le petit consommateur et organise des possibilités permettant de passer des offres libres au tarif réglementé, ce qui me paraît rassurant.

Je suis plus inquiet en ce qui concerne les entreprises grosses consommatrices. En effet, chaque fois que, quelque part dans le monde, on a voulu imposer la concurrence en matière de marché de l'électricité, cela s'est traduit par une augmentation des tarifs. Ainsi, aux États-Unis, où l'ouverture à la concurrence a débuté dans les années quatre-vingt-dix, certains États reviennent à une situation de marché régulé.

En obligeant EDF à vendre une partie importante de sa production à des fournisseurs alternatifs, ne risque-t-on pas de faire émerger des concurrents dont l'objectif sera de maximiser les bénéfices sans apporter de valeur ajoutée au système ? Même s'ils sont contraints d'investir dans la production d'électricité en France, ne seront-ils pas tentés par des investissements moins coûteux, de type thermique, gros émetteurs de CO2, mais dont le retour sur investissement est très rapide ? Le risque de s'orienter vers des réalisations rentables à court terme, au détriment du long terme, me semble grand.

Aussi ai-je le sentiment que ce texte risque d'affaiblir EDF et de réduire sa capacité d'investissement. De plus, l'obligation faite à EDF de vendre une partie importante de sa production à prix coûtant me semble inéquitable, car elle n'intègre pas les risques d'exploitation, ni les risques financiers, ni les risques industriels, ni les risques sociaux pris par l'électricien français, et elle ne prend pas en compte le coût de la recherche et du développement relatif aux futurs équipements.

Quant aux industriels gros consommateurs que j'ai pu rencontrer, ils sont plutôt inquiets et craignent de perdre de leur compétitivité. Ils souhaitent savoir quelle part de leur consommation sera fournie par le dispositif dit d'accès régulé à la base et sous quel profil. Ils demandent que les volumes d'ARB soient alloués sous la forme d'un « ruban de base », c'est-à-dire une puissance constante toute l'année pour la part de leur consommation correspondant à la part d'électricité nucléaire dans la consommation française. Ils souhaitent également que le contrat soit pluriannuel afin de bénéficier d'une véritable visibilité.

On peut par ailleurs s'étonner de l'absence de représentants des consommateurs dans la composition du collège de la CRE.

Enfin, je désirerais savoir si les engagements pris vis-à-vis du consortium Exeltium seront encore compatibles avec la loi NOME.

Vous le voyez, monsieur le secrétaire d'État, ce texte ne me rassure pas vraiment, pas plus pour l'avenir d'EDF qu'en ce qui concerne le coût de l'énergie pour les entreprises électro-intensives. J'attends la suite du débat pour déterminer mon vote. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Lesterlin

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui marque la fin d'une longue épopée, celle du service public de l'électricité. Aujourd'hui, cette fierté française est menacée par un double hold-up. En Europe, c'est l'histoire du hold-upde l'Europe sociale par les faucons du libéralisme et les dogmatiques de la concurrence. En France, c'est l'histoire du hold-up des consommateurs par les opérateurs de tout bord, avec la complicité des gouvernements libéraux. Au cours de ces dernières semaines, les lobbies se sont déchaînés. De puissants intérêts privés se sont activés pour obtenir leur part du gâteau de l'ouverture du marché.

Car c'est bien du gâteau que cette loi offre aux opérateurs du secteur de l'électricité. Le gâteau de l'électricité de base, produite par le parc nucléaire qu'ont financé nos impôts pendant un demi-siècle, sera désormais livré aux grands conglomérats de l'énergie. Sur ce marché, la concurrence n'aboutit pas seulement au démantèlement d'un service public historique, mais, comme l'ont montré les mésaventures de nombreux pays européens, conduit paradoxalement à l'explosion des prix. Au lieu d'introduire la concurrence pour faire baisser les prix, on augmente les prix pour introduire la concurrence. En autorisant la réévaluation des prix pour inclure des coûts d'investissement, de distribution et de commercialisation mal définis, ce projet de loi expose le consommateur à des hausses inéluctables et incontrôlées. En réduisant le nombre de personnalités siégeant à la Commission de régulation de l'énergie, il fragilise la régulation face aux lobbies.

Nous, socialistes, lutterons tout au long de ce débat pour donner des armes au régulateur, pour lutter contre l'influence néfaste des lobbies et pour fixer un prix protégeant les consommateurs exposés à la précarité énergétique. Nous sommes conscients de l'immense défi que la transition énergétique représentera dans les années à venir. Pour réduire notre dépendance à l'égard des énergies carbonées et résorber les risques induits par l'amoncellement des déchets nucléaires, il nous faudra maîtriser notre consommation d'énergie. L'effacement de consommation par les gros industriels doit être encouragé, l'information des consommateurs sur les économies d'énergie doit faire l'objet d'une politique plus volontariste.

À la place, ce texte promeut une vision punitive de la transition énergétique : pour réduire notre consommation, le Gouvernement ne nous propose rien de mieux que le coup de bâton et une explosion des prix. Obsédée par le culte du marché, la droite considère que, en augmentant les prix auxquels l'électricité est offerte, la demande s'ajustera automatiquement. C'est oublier que, pour de nombreux ménages précaires, l'électricité est un bien de première nécessité, une consommation quasi incompressible. Avec l'explosion des prix, ce sont des fleurons de notre industrie, mais aussi les ménages les plus précaires, deux catégories déjà durement frappées par la crise, qui seront les premières victimes.

Le Gouvernement fait aussi preuve d'une constance remarquable quand il s'agit d'Europe. J'aborde ici l'histoire de notre second hold-up. Aujourd'hui, on nous présente cette loi comme un bouclier, qui nous protégerait de l'épée de Damoclès de la Commission européenne. Nous serions obligés de brader notre service public de l'énergie sous la pression de Bruxelles. Que les choses soient bien claires : les socialistes sont fatigués de voir l'Union européenne instrumentalisée par les gouvernements de droite. Au lieu d'être un grand projet d'union des peuples, par les peuples, pour les peuples, l'Union européenne est devenue une froide machine bureaucratique et intergouvernementale, un bouc émissaire tout trouvé. Les gouvernements prêchent à Bruxelles ce qu'ils dénoncent chez eux. Aujourd'hui, on veut nous faire croire que nous n'avons pas le choix, qu'il n'y a pas d'alternative à l'organisation néolibérale du service public de l'électricité. C'est faux.

Rappelons que, en 2002, au Conseil européen de Barcelone, Lionel Jospin avait limité l'ouverture du marché de l'électricité aux seules grosses entreprises et l'avait conditionné par une directive européenne sur les services publics.

Nous, socialistes, rendons hommage au talent et à l'expérience de nos services publics, construits au fil des années. En s'appuyant sur ce savoir-faire reconnu, la France a le devoir de proposer à ses partenaires européens une véritable Europe des services publics, y compris dans le domaine de l'énergie. Le rapport Champsaur soulignait bien, d'ailleurs, l'absence de coordination et la maigre qualité des interconnexions des réseaux européens. Il constatait « l'ampleur des investissements nécessaires sur le système électrique européen dans les vingt prochaines années ». Les grandes infrastructures d'intérêt continental, comme les chemins de fer, les autoroutes et les équipements de production ou de distribution de l'énergie, ne sauraient être gérés efficacement que par de grands services publics, pour lesquels les frontières nationales d'aujourd'hui semblent peu pertinentes. Cela permettrait de répartir équitablement le poids des investissements entre tous les Européens, au lieu de laisser nos voisins profiter avec facilité de la rente nucléaire que le Gouvernement nous invite à payer par nos impôts et par des prix de l'électricité toujours plus élevés.

Une panne d'électricité laisse l'aveugle indifférent. J'ai bien peur qu'il en aille de même pour ce gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La discussion générale est close.

La parole est à M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Je répondrai assez brièvement aux différents orateurs pour que nous puissions passer rapidement à la discussion des articles et des amendements.

Nous sommes tous pareillement attachés à notre modèle énergétique, évoqué par Serge Poignant, Jean Gaubert, Jean Proriol et Yves Vandewalle, et nous souhaitons tous en garantir, d'une façon ou d'une autre, la pérennité et la stabilité. C'est l'un des éléments importants de notre pacte républicain, j'en suis convaincu.

Je voudrais simplement que l'on arrête la caricature. Je tiens par exemple à indiquer à Nicolas Dupont-Aignan que, non, nous ne démolissons rien ; au contraire, nous préservons, nous confortons, nous renforçons et nous pérennisons. Si nous n'avions rien fait, comme l'a indiqué François-Michel Gonnot, nous aurions le choix entre deux mauvaises solutions : soit la fin de toute réglementation, que nous refusons, soit le démantèlement d'EDF, que nous refusons également. C'est l'inaction qui démolit, non l'action.

Il est évidemment toujours plus facile – certains l'ont fait – de se référer à l'exceptionnelle hausse des tarifs en Californie et d'évoquer des coupures d'électricité dignes de celles que New York a connues pour faire peur aux uns et aux autres. Cela ne reflète pas pour autant la réalité de ce texte.

S'agissant du principe même de l'ouverture à la concurrence, deuxième sujet évoqué par nombre d'entre vous, notamment Jean Dionis du Séjour, Catherine Coutelle, Yves Cochet et François Brottes, je ne suis pas sûr qu'il soit absolument indispensable de refaire l'histoire. Qui est responsable de quoi en la matière ? L'ouverture à la concurrence est aujourd'hui un fait, et les directives existent. Je laisserai le soin à Jean Gaubert d'assumer, devant tous les Français, la responsabilité du coût budgétaire des amendes que nous encourrons si nous ne faisons rien. Leur montant s'élèverait tout de même à plusieurs milliards d'euros.

Je rappelle cependant, pour revenir sur un point également évoqué par Jean Dionis du Séjour, que la moitié des bénéfices d'EDF sont réalisés à l'étranger. Dès lors, je veux bien que l'on refuse la concurrence, mais il faudra m'expliquer comment cette société pourra être autorisée à faire des bénéfices à l'étranger si nous n'autorisons pas la concurrence sur notre territoire.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Je voudrais également indiquer à Aurélie Filipetti que la concurrence portera d'abord et avant tout sur les offres commerciales, c'est-à-dire sur les services. Ce n'est ni anodin en termes de pouvoir d'achat, ni catastrophique pour l'équilibre de tout le système.

S'agissant du financement de la pointe et de l'effacement, évoqué par Serge Poignant, je résumerai les choses ainsi : nous passons d'un système dans lequel EDF était un assureur implicite à un système mutualisé entre tous les acteurs. Je tiens au passage à remercier à mon tour Serge Poignant et Bruno Sido : nous avions pris du retard mais, grâce à eux, nous allons maintenant pouvoir, je le crois, être en avance sur ce sujet.

Je tiens à vous rassurer tout de suite sur la question particulière des industries électro-intensives, évoquée par de nombreux parlementaires, dont Hervé Gaymard : le Gouvernement a accepté en commission un amendement visant à rémunérer l'interruptibilité. Nous considérons évidemment que ce service mérite une rémunération. Celle-ci est effectivement instaurée à l'issue des travaux de la commission, menés par le président Ollier et le rapporteur Jean-Claude Lenoir.

Les spécificités des entreprises locales de distribution, évoquées notamment par Frédéric Reiss, ont évidemment été prises en compte en commission. Je crois, monsieur le député, que nous avons répondu à beaucoup de vos demandes.

S'agissant de la réduction de la consommation énergétique, évoquée par François Brottes, Serge Poignant, Yves Cochet et Aurélie Filippetti, nous y travaillons depuis plus de trois ans dans le cadre du Grenelle de l'environnement. Vous avez vous-mêmes voté, ici même, le Grenelle 2, qui sera étudié en CMP dans les prochains jours. Ne nous faites donc pas de procès d'intention à propos d'une question qui n'est évidemment pas le sujet principal du texte dont nous débattons ce soir et que nous avons discutée il y a à peine quelques semaines. Je ne dresserai pas la liste de tout ce que nous avons fait à propos, par exemple, du plan bâtiment, mais il s'agit d'avancées absolument majeures. Dans le seul secteur du bâtiment, nous allons diviser par trois la réglementation thermique actuellement en vigueur. En outre, dans ce texte, l'effacement de réseaux vise évidemment à maîtriser et réduire la consommation d'énergie.

S'agissant de la maîtrise de notre outil de production, évoquée par Daniel Paul et Bernard Cazeneuve, notre parc nucléaire reste naturellement sous contrôle public. C'est ainsi EDF qui assure la maîtrise d'ouvrage des deux nouveaux projets de Flamanville et Penly. Avec la régulation que nous mettons en place, EDF conserve la propriété, la gestion et l'exploitation du parc nucléaire.

La hausse des tarifs a été évoquée par de nombreux parlementaires, plutôt d'un côté de l'hémicycle que de l'autre.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Je vous rappelle que le coût de l'électricité est aujourd'hui, en France, 30 % moins cher que dans le reste de l'Union européenne.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Je ne vois pas en quoi le projet de loi fragiliserait cet avantage compétitif, dans la mesure où il maintient une régulation très forte au niveau des prix de gros. En outre, contrairement à ce que prétendait tout à l'heure Frédérique Massat, il n'a absolument aucune conséquence sur la dynamique des prix.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Il s'agit d'un projet de loi d'organisation des relations entre les fournisseurs et de réglementation, sans aucune conséquence sur les prix.

Nous avons tous bien compris que vous souhaitiez faire peur aux Français. C'est votre choix, c'est votre droit. Ne transformez cependant pas la réalité de ce texte.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Non, monsieur Brottes. Vous êtes trop fin connaisseur de la question pour ignorer que ce projet de loi n'a aucune conséquence sur les prix.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Quant aux risques de spéculation et aux marges, je rappelle que les fournisseurs ont l'obligation de reverser à EDF les éventuelles marges indues. Tel est le principe du complément de prix instauré par ce texte, qui dispose en outre que la Commission de régulation de l'énergie surveille la cohérence entre les offres de détail et les conditions d'approvisionnement. Cela revient, dans les faits, à un suivi des marges. Enfin, le consommateur, connaissant le prix de base, pourra changer de fournisseur s'il considère que son offre n'est pas compétitive.

Je confirme à François-Michel Gonnot que le projet de loi va dans le sens du renforcement de l'indépendance et des compétences de la CRE, ce qui correspond aux attentes de l'ensemble des parlementaires.

S'agissant des prix, le Gouvernement confie à la représentation nationale le soin de préciser elle-même les déterminants du prix de l'électricité. On ne saurait, me semble-t-il, être plus transparent. Notre objectif à terme est bien un calcul par la CRE de l'évolution des tarifs en application de règles fixées démocratiquement. À titre transitoire, le Gouvernement fixe les prix après avis, bien sûr, du régulateur.

Sur la question de la précarité énergétique, je rappelle que c'est cette majorité qui, en 2005, a instauré un tarif social de l'électricité. C'est encore elle qui, en 2008, a instauré le tarif social du gaz. C'est aussi elle qui, avec le Grenelle de l'environnement et l'éco-prêt à taux zéro, permet aux Français d'investir pour économiser ensuite sur leurs dépenses énergétiques. C'est cette majorité qui l'a fait, non l'opposition lorsqu'elle était au pouvoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

Quand l'opposition n'est pas majoritaire, elle n'a pas le pouvoir !

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

S'agissant de la hausse des tarifs de la SNCF et de la RATP, le projet de loi, je le rappelle une nouvelle fois, ne concerne pas la dynamique des prix. En outre, SNCF et RATP bénéficient d'un TARTAM adapté, qui vient d'être prolongé de six mois par la proposition de loi d'Axel Poniatowski.

Comme nous l'avons toujours dit, le prix initial sera, d'une façon ou d'une autre, cohérent avec le TARTAM. Cela veut dire, pour être clair, qu'il n'y aura pas de surcoût pour les consommateurs bénéficiant du TARTAM,…

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

…même si nous avons bien conscience du fait que les conditions spécifiques de l'utilisation de l'électricité par la SNCF nécessitent des mesures adaptées. Nous en discuterons avec elle.

Quant à la qualité des réseaux français, elle se situe dans la moyenne européenne mais notre objectif est d'occuper les premières places. Il s'agit donc d'orienter les investissements vers les travaux qui auront l'impact le plus important sur la qualité même de l'électricité. Plusieurs missions d'inspection se penchent actuellement sur la question, l'une d'entre elles à l'initiative de votre commission des affaires économiques, sous l'égide de Jean Gaubert et Jean Proriol.

Voilà ce que je souhaitais répondre aux différents intervenants. Je répète ce qu'a dit tout à l'heure le ministre d'État : nous avons là un projet de loi équilibré, qui répondra à l'attente des consommateurs, petits ou gros. Notre électricité entre dans une nouvelle ère. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 117 , portant article additionnel avant l'article 1er.

La parole est à M. Daniel Paul.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Monsieur le secrétaire d'État, la loi NOME n'aura, dites-vous, aucune conséquence sur les prix.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Je le confirme !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

J'espère bien que vous n'allez pas infirmer des propos que vous avez tenus il y a quelques minutes à peine.

Cependant, si les tarifs de cession de l'électricité pour les nouveaux entrants imposés à EDF sont très bas, on nous affirmera, comme on le fait depuis des mois, qu'il n'est pas possible à ces concurrents d'entrer dans le marché. Seule une augmentation des prix de cession leur permettrait de faire leur trou, comme on dit. En outre, je ne vois pas comment – et vous ne voyez sans doute pas non plus – EDF pourrait pratiquer tel prix du mégawattheure avec un nouvel opérateur et appliquer elle-même un autre prix.

Il est clair qu'il n'est pas question de prix dans le projet de loi. Cependant, tout le texte conduit clairement à faire en sorte qu'une telle augmentation ait lieu. Cela n'est d'ailleurs pas nouveau. Il y a quelques années – à l'époque, vous n'étiez pas parmi nous, monsieur le secrétaire d'État –, la commission Roulet avait clairement été formée pour nous préparer à l'idée d'une augmentation des prix. Il avait été dit clairement, au cours des débats de cette commission, que l'objectif à terme était de s'aligner, en Europe, sur le prix du mégawatt gazier européen. Sous les formes de 2010, je pense qu'aujourd'hui, l'objectif est toujours là.

Vous faites le « job » en faisant en sorte qu'il ne soit pas question, au cours du débat, d'augmentation des prix, mais nous ne sommes pas convaincus par le discours lénifiant et hors des réalités que vous avez tenu.

J'aurais souhaité, monsieur le président, que l'on commençât par un autre article, mais l'ordre du jour a fait que c'est cet article additionnel que nous examinons en premier.

Les trois premiers paquets énergétiques ont eu pour seule finalité d'ouvrir progressivement le marché à la concurrence. Il y a lieu de reconsidérer sur d'autres bases la politique énergétique dont l'industrie et l'économie européennes ont besoin aujourd'hui. Or, d'après l'OCDE, l'Europe devra investir 1 200 milliards d'euros dans le secteur électrique d'ici à 2030 pour se mettre au niveau des besoins de cette période. Nous souffrons d'une insuffisance d'équipements énergétiques – pas seulement électriques – qui va avoir de lourdes conséquences sur le prix de l'énergie, celui de l'électricité et du gaz, sur l'approvisionnement des industriels et, par conséquent, sur l'emploi. Les problèmes posés, s'ils nécessitent des impulsions gouvernementales fortes, appellent une coordination européenne de politiques ambitieuses menées par chaque État de l'Union, ainsi qu'une coordination entre les différentes filières.

C'est la raison pour laquelle nous proposons la création d'une Agence européenne de l'énergie, qui n'aurait pas pour vocation d'imposer un modèle à l'échelle européenne, mais de mettre l'ensemble des Européens en situation de disposer d'une électricité de qualité à des coûts aussi bas que possible, chacun dans la diversité de son histoire et des développements de ses choix techniques et structurels.

Cette agence devrait également permettre une politique de recherche efficace et coordonnée sur le plan européen, car un seul pays ne peut plus assumer, aujourd'hui, l'ensemble des axes de recherche de la totalité d'un tel secteur.

Parallèlement, il conviendrait d'établir les règles d'une politique communautaire de long terme afin que l'Europe devienne un environnement énergétique qui soit le plus lisible possible pour permettre le développement économique et social. Nous ne sommes donc pas, dans ce domaine – ni dans d'autres, d'ailleurs – hostiles à la construction européenne. Je suis même de ceux qui pensent qu'une industrie de réseau comme l'électricité, et de manière générale l'énergie, est un superbe vecteur de construction européenne. Mais pas comme celle qui se bâtit actuellement : je pense à une construction européenne fondée sur la mise en commun de moyens, sur la coopération entre les États et entre les entreprises du secteur énergétique.

C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'il aurait fallu une autre loi à la place de la loi NOME, afin que vive vraiment, à l'échelle de l'Europe, une politique énergétique qui pourrait être portée par une Agence européenne de l'énergie.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 117 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

C'est avec beaucoup de bonheur que j'ai écouté Daniel Paul et cela a éveillé en moi des souvenirs qui ne sont pas si lointains : la discussion du projet de loi de 2006 qui nous avait occupés pendant plusieurs semaines. Je constate que Daniel Paul manie toujours le verbe avec une grande finesse et j'apprécie l'usage qu'il fait de façon discrète, mais précise, du subjonctif imparfait !

J'aurais néanmoins souhaité qu'il prît en compte (Sourires) le fait qu'il existe déjà une Agence européenne de coopération des régulateurs de l'énergie,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

…créée l'an dernier par un règlement et dont la première réunion s'est tenue le 4 mai. Je l'invite donc à retirer cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. le secrétaire d'État, pour donner l'avis du Gouvernement.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Même avis que la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Vous ne m'avez pas bien compris, monsieur le rapporteur. Je n'ai jamais été favorable à la mise en place de régulateurs. Je l'ai dit cet après-midi dans mon intervention : que ce soit dans le secteur de l'énergie, des télécoms ou, très récemment, dans le domaine du ferroviaire avec la création de l'ARAF – l'Autorité de régulation des activités ferroviaires –, les régulateurs sont là pour contraindre les opérateurs publics à faire la place au privé. Or il nous semble que l'avenir de ces industries de réseau – je viens d'en citer trois – qui auraient pu se développer sans faire appel à la concurrence et sans libéralisation aurait pu être traité dans le cadre de de la coopération.

Lorsque nous avons reçu M. Proglio à la commission des affaires économiques, il a eu des paroles très fortes à l'égard de ceux qui estimaient la concurrence nécessaire. En tant que chef d'entreprise, il a déclaré en substance – je ne pense pas trahir sa pensée : l'objectif, c'est d'empêcher les concurrents de prendre quelque place que ce soit dans le secteur énergétique. Tel est bien son objectif, au grand dam, bien sûr, de ceux qui, parmi vous, sont attachés à l'existence d'une foultitude d'opérateurs qui viendraient manger la laine sur le dos d'EDF ! M. Proglio a dit à sa façon qu'EDF avait vocation à ne pas laisser qui que ce soit venir lui prendre des parts de marché. Je partage son sentiment, mais je souhaite, dans ce cas, qu'EDF revienne totalement dans le giron public et soit à nouveau nationalisée.

(L'amendement n° 117 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. François Brottes, pour soutenir l'amendement n° 52 .

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Cet amendement vise à rappeler à quel point nous souhaitons, monsieur Lenoir, que l'engagement pris à Barcelone par Lionel Jospin soit pris en compte par la majoritér. Elle n'a pas voulu le faire jusqu'à présent et cela fait un certain nombre d'années qu'elle est au pouvoir. Trop longtemps, me semble-t-il ! Mais il en est ainsi de la démocratie.

Nous avions alors accepté la perspective d'une petite ouverture du marché à la condition que soit mise en oeuvre une directive-cadre concernant les services économiques d'intérêt général. Puis, l'idée d'une directive a été abandonnée, ce qui justifie le fait que nous renoncions totalement à l'ouverture du marché.

Je le rappelle au passage parce que vous venez, monsieur le secrétaire d'État, de faire une démonstration qui vaut son pesant d'or. Certains d'entre nous, comme M. Gonnot et moi-même, ayant appelé votre attention sur la situation de la SNCF, vous venez de nous dire à la tribune – ce dont, avec Jean Gaubert, nous ne nous remettons pas – qu'une solution serait trouvée et qu'il faudrait un tarif adapté. C'est extraordinaire !

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Je n'ai pas dit cela !

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Nous verrons quels ont été exactement vos propos, que j'ai pris en note, mais je ne vois pas comment l'on pourrait soustraire tel ou tel opérateur client au dispositif de droit commun. Il faudra nous expliquer comment vous comptez vous y prendre, monsieur le secrétaire d'État, et nous vous demanderons des explications tout au long du débat. C'est un point très important, car la SNCF est un gros opérateur.

S'il y avait une directive-cadre sur les services économiques d'intérêt général – comme le transport ferroviaire et la production d'énergie électrique –, il y aurait forcément une solution. Mais aujourd'hui, il n'y a pas de cadre, donc pas de solution, à moins que vous ne démontriez qu'il en existe une – et je serais tout ouïe – en me décrivant exactement ses modalités de mise en oeuvre. Je vois que vous consultez vos collaborateurs, monsieur le secrétaire d'État, parce que vous êtes un homme sérieux, et je respecte votre volonté de nous répondre le plus précisément possible.

Nous nous interrogeons sur un autre point, mais toujours dans la même veine, ce qui vous permettra de faire une réponse globale. Vous nous dites qu'il y a une indication très précise dans le texte et que l'on sera « en cohérence » avec le TARTAM. C'est la première fois que je vois cela : on sait maintenant normaliser la mise en cohérence au plan juridique. Je suis curieux d'apprendre ce que cela signifie ! Est-ce égal au tarif du TARTAM ? Est-ce le même vocabulaire que pour le TARTAM ? Est-ce que cela a l'odeur du TARTAM sans en avoir le goût ? C'est en cohérence…

J'imagine que l'on retient, comme prix, le TARTAM. Vous avez déclaré à la tribune que ceux qui bénéficient du TARTAM ne subiront pas d'augmentation. Cela veut dire que tous ceux qui, aujourd'hui, bénéficient d'un tarif inférieur au TARTAM seront, eux, soumis à une augmentation. Cela semble évident : nul besoin d'être sorti d'une grande école pour en arriver à cette déduction ! Vous venez d'avouer vous-même que tous ces clients subiront une augmentation significative du tarif, de l'ordre de 30 %.

J'espère pouvoir citer précisément vos propos lors de la séance de demain, car je vais en vérifier la teneur. Mais, en attendant, je vous pose deux questions. Comment faites-vous pour accorder un tarif spécifique à la SNCF ? Et comment pouvez-vous garantir à ceux qui bénéficient d'un tarif inférieur au TARTAM qu'ils continueront à payer le même prix que par le passé ?

Vous ne saurez pas me répondre, sauf si j'ai mal interprété vos propos, auquel cas je suis prêt à le reconnaître car, moi aussi, monsieur le secrétaire d'État, je suis honnête.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Il s'agit d'un nouveau rendez-vous entre François Brottes et moi-même, concernant Barcelone… Chaque fois, M. Brottes en raconte beaucoup, pour la simple raison que les socialistes sont très gênés par cet épisode !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Je n'y reviendrai plus, mais je vais rappeler ce qui s'est passé en mars 2002, soit à quelques semaines de l'élection présidentielle. Il y avait un sommet européen auquel participaient, pour représenter la France, le Président de la République et le Premier ministre : Jacques Chirac et Lionel Jospin. À cette occasion, le Conseil européen s'est engagé lui-même et a engagé le Parlement européen à adopter dès que possible, en 2002, les propositions en instance concernant la phase finale de l'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Ce n'est pas honnête ! Il faut lire l'ensemble des conclusions !

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Gilard

Bien sûr, quand vous avez tort, ce n'est pas honnête !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Certes, c'est un peu dur de le rappeler ! Autour de cela, il y a eu quelques déclarations. M. Jospin a dit, dans une conférence de presse en marge du sommet : « Oui, mais moi, je demande que, etc… »

Il fallait rappeler les faits.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Des faits et des propos tronqués : c'est scandaleux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

J'ai attendu patiemment de pouvoir reprendre la parole pour citer ce document, qui figurait d'ailleurs dans mon rapport de 2006 et même, je crois, dans mon rapport de 2004. Je l'avais déjà rappelé et je pensais que l'affaire était entendue. Las, vous en avez reparlé ! Mes chers collègues, vous savez maintenant précisément ce qu'il en est.

J'en viens à l'amendement. On ne saurait différer l'adoption d'une loi qui s'impose cette année, conformément aux engagements du gouvernement français. Par conséquent, je demande à l'Assemblée de repousser cet amendement.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Je le regrette, monsieur Brottes, mais je crains de ne pas avoir les compétences du rapporteur sur le sujet, et donc de ne pas être aussi intéressant.

Concernant cet amendement que je qualifierai d'historique, j'ai le sentiment que vous avez ressenti la nécessité de nous rappeler un bout d'histoire, comme si vous n'en étiez pas forcément fiers et que vous vouliez y insister. Sur cet amendement « historique », j'émettrai un avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles invoquées par le rapporteur.

S'agissant des questions que vous avez posées, monsieur Brottes, vous avez peut-être mal interprété mes propos. Nous verrons ce qu'il en est dans le compte rendu.

Aujourd'hui, la SNCF et la RATP bénéficient d'un TARTAM particulier : ce n'est pas exactement le TARTAM, il s'agit d'un TARTAM négocié.

Par ailleurs, nous allons nous pencher sur ce que la SNCF et la RATP affirment être pour elles inacceptable, si nous devions en arriver à la suppression du TARTAM fin 2010. Je rappelle en effet que la SNCF et la RATP ne sont pas des électro-intensifs. Aussi faut-il mesurer exactement l'ampleur des dégâts pour ces deux entreprises.

Enfin, s'agissant du prix, je vous rappelle précisément ce que j'ai dit, car vous venez de faire un raisonnement a contrario qui me semble pour le moins injuste. J'ai dit effectivement que, dès lors que le prix de l'accès régulé à la base serait « cohérent » – pour employer le terme inscrit dans le texte de loi – avec le TARTAM, il n'y aurait pas d'augmentation pour tous ceux qui bénéficient de ce tarif. Je ne vois pas en quoi on peut en déduire que ceux qui ne sont pas au TARTAM verront leurs tarifs augmenter. C'est un raisonnement spécieux, me semble-t-il.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

Si nous étions dans le même état d'esprit qu'en 2006, nous referions ce que nous avions fait alors, c'est-à-dire la lecture complète, in extenso, des conclusions de Barcelone. Certes, la longueur des débats sur la loi de 2006, qui nous avait occupés cinq semaines, pourrait justifier que certains se dispensent de lire l'intégralité du compte rendu. Il reste que vous y trouverez tout ce qu'il y avait dans l'accord final de Barcelone, et pas seulement les quelques lignes que le rapporteur s'entête à nous lire et à nous relire. On le comprend, d'ailleurs, puisque c'est la seule partie qui vient à l'appui de sa thèse. Mais nous aurons peut-être l'occasion d'en reparler. Je voudrais pour l'instant clore ce débat.

Monsieur le secrétaire d'État, soit vous instaurez dans ce projet de loi des règles précises de fixation des tarifs, des règles qui s'appliqueront forcément à tous, y compris à la SNCF et à la RATP, soit vous devez nous dire quelle est la disposition de ce texte qui ouvre, pour vous, la possibilité de déroger, de provoquer une négociation parallèle, et entre qui et qui. Parce que c'est la vraie question : est-ce vous qui négociez avec la SNCF ou la RATP, ou est-ce EDF qui va négocier avec elles ? Ou bien encore va-t-on demander à Suez, par exemple, de faire un effort sur l'énergie pas chère de la CNR pour alimenter la SNCF et la RATP, ce qui serait une excellente nouvelle.

Je voudrais aussi vous rendre attentif à une autre de vos déclarations. Vous nous avez dit textuellement : « Ce projet de loi n'a aucune conséquence sur les prix. »

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Je le confirme.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

Alors qu'il est fait pour ça, en effet : pour avoir une conséquence sur les prix. C'est assez extraordinaire !

(L'amendement n° 52 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 59 .

La parole est à M. François Brottes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Je sais que le rapporteur s'impatiente. Mais il aura droit aux conclusions, in extenso, du sommet de Barcelone puisque, visiblement, il n'a pas pris la précaution de les emporter dans son cartable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

Vous nous montrez une feuille, il y en avait des dizaines !

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Il aurait dû pourtant, parce qu'il sait bien que, sur ce sujet, nous sommes extrêmement rigoureux.

L'amendement n° 59 vise à rappeler que l'électricité n'est pas un bien comme les autres, que c'est un bien de première nécessité. Cela peut paraître inutile, superfétatoire, d'affirmer une évidence. C'est peut-être ce que vous me rétorquerez, monsieur le secrétaire d'État. Mais je veux appeler à nouveau votre attention sur l'article 86 du traité en vigueur. Il prévoit que, pour les secteurs relevant des services d'intérêt économique général, on applique les règles de concurrence « dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie ».

Lorsque la mission particulière en question est celle qui consiste à distribuer un bien de première nécessité – et l'électricité en est un –, nous avons intérêt à préciser les choses dans la loi française, de façon que vous puissiez vous appuyer sur elle pour renégocier la directive au nom de cette notion de mission particulière.

Si vous refusiez cet amendement, ce que je n'imagine pas une seconde, cela voudrait dire que vous considérez que l'électricité n'est pas un bien de première nécessité. Je ne sais pas ce que le rapporteur me dira, parce qu'il a l'habitude de trouver réponse à tout, du moins du point de vue de la sémantique. Mais la question est simple, monsieur le rapporteur : l'électricité est-elle, oui ou non, un bien de première nécessité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Je vais répondre au préopinant que nous avons ensemble voté la loi du 10 février 2000. J'étais à l'époque le seul député de l'opposition à l'avoir votée. Nous pouvons donc nous mettre d'accord sur le fait que nous avons approuvé le même texte, en particulier cet alinéa de l'article 1er : « Matérialisant le droit de tous à l'électricité, produit de première nécessité, le service public de l'électricité est géré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité, et dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d'efficacité économique, sociale et énergétique. »

Autrement dit, ce que vous demandez aujourd'hui, monsieur Brottes, nous l'avons voté, vous comme moi. Vous êtes donc satisfait.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Monsieur le rapporteur, je suis satisfait, en effet, que nous constations ensemble notre accord sur ce point. Mais l'apport de cet amendement, qui vous aura peut-être échappé, c'est qu'il prévoit que « toute nouvelle organisation » – et nous sommes bien en train de parler d'une nouvelle organisation – doit ne pas oublier cet élément fondamental.

Or nous considérons que ce que vous nous proposez avec la loi NOME remet en cause ce fondement. C'est la raison pour laquelle nous éprouvons le besoin de rappeler qu'il doit être respecté à chaque étape de chaque nouvelle organisation du secteur de l'électricité.

(L'amendement n° 59 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

(L'amendement n° 60 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 118 .

La parole est à M. Daniel Paul.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Par cet amendement, nous proposons la mise en place d'un pôle public de l'énergie. Le dernier numéro de la Revue parlementaire a indiqué que les députés communistes et du Parti de gauche, à travers leurs amendements de suppression, cherchaient à « vider le texte de la loi NOME de sa substance ». Si l'on entend par là que nous nous opposons à la mainmise du marché sur le secteur énergétique au prétexte de doper une concurrence qui ne prend pas, c'est effectivement le cas.

Par contre, il y a quelqu'un qui cherche à vider de sa substance le dispositif mis en place en 1946. En octobre 2007, quelqu'un que vous connaissez, Denis Kessler, dans un éditorial publié par le magazine Challenges, expliquait ainsi la cohérence des réformes menées par le Président Sarkozy : « Il s'agit aujourd'hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! » Fermez le ban !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Un bel aveu, en effet. Écrit, daté, et signé. C'est lui, le démolisseur. Et c'est à cette oeuvre de démolition que vous vous attelez aujourd'hui.

Alors, oui, nous proposons la création d'un pôle public de l'énergie, avec comme objectif de donner immédiatement aux citoyens les outils nécessaires pour une réelle maîtrise publique, elle-même gage d'une véritable appropriation sociale. Un pôle public de l'énergie, c'est une structure juridique…

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

C'est celui sur les tarifs qui a été déclaré irrecevable.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Dans ce cas, vous me permettrez néanmoins de conclure, monsieur le président. Nous proposons la mise en place d'un pôle public de l'énergie, structure juridique et administrative indépendante, qui fixe un cadre contraint, législatif, à toutes les entreprises du secteur, quel que soit leur type de propriété, pour permettre d'aller vers les nouvelles nationalisations et ainsi répondre équitablement à l'exigence de fourniture au plus grand nombre et au moindre coût.

Je ne suis pas satisfait que cet amendement ait été déclaré irrecevable, parce que je ne vois pas en quoi il est contraire à l'article 40. Il n'entraîne aucune dépense supplémentaire.

Je souhaiterais maintenant, monsieur le président, défendre la politique tarifaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je vous avais donné la parole pour défendre cet amendement n° 118 , monsieur Paul.

La parole est maintenant à M. le président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Je confirme à M. Paul qu'il vient de traiter d'un amendement déclaré irrecevable par la commission des finances. Un amendement irrecevable n'est pas reçu, et ne peut donc être défendu.

S'il a été déclaré irrecevable, c'est parce que j'ai suivi la décision du président de la commission des finances, auquel je me réfère systématiquement. Il n'y a donc pas lieu de discuter de cet amendement. Vous avez confondu l'amendement n° 118 et l'amendement n° 116 , monsieur Paul.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Cela m'aura permis de regretter la disparition de cet excellent amendement. (Sourires.)

Concernant la politique tarifaire, le 6 janvier 2010, un rapport sur la précarité énergétique était remis au Gouvernement. Rédigé par un groupe de travail regroupant des entreprises comme EDF et GDF Suez, des associations caritatives et des associations de locataires, ainsi que des organismes professionnels de l'habitat, ses conclusions sont alarmantes. Près de 4 millions de foyers, soit près de 10 millions de personnes, sont aujourd'hui menacés d'être privés d'énergie. Des familles aux revenus modestes, qui habitent des logements dont la qualité thermique est mauvaise, et qui sont confrontées au coût croissant de l'énergie, n'ont plus les moyens de s'éclairer ou de se chauffer correctement.

Mais la précarité énergétique peut également se montrer plus insidieuse, car de nombreux foyers se restreignent parfois de façon drastique, de peur de se retrouver dans l'incapacité de payer leurs factures. En 2006, si chaque foyer consacrait en moyenne 5,5 % de son revenu à ses dépenses d'énergie dans le logement, ce taux d'effort atteignait 15 % pour les familles modestes, soit une progression de 50 % en cinq ans.

Voilà qui justifie, à notre avis, que la détermination d'une politique tarifaire en matière énergétique continue de relever de la puissance publique, du Gouvernement, et ne soit pas laissée entre les mains de la Commission de régulation de l'énergie, dont j'ai déjà eu l'occasion de dire ici, et en particulier cet après-midi, qu'elle était guidée par d'autres soucis, qui ne sont pas obligatoirement les intérêts de ces personnes en difficulté. Celles-ci risquent d'être doublement victimes : dans leur vie quotidienne et dans le domaine énergétique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Je me fusse attendu à ce que notre collègue Daniel Paul rendît acte (Sourires) au Gouvernement de l'avancée que nous constatons aujourd'hui en matière de régulation. Quand vous payez 100 euros d'électricité, une partie importante de la facture est en fait régulée. Vous avez déjà les impôts, les taxes, la CSPE : cela fait 20 %. Vous avez le tarif d'acheminement, le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité, ou TURPE : 40 %. À l'intérieur des 40 % restants, vous avez, avec le texte qui nous est proposé, une partie qui est elle-même régulée.

Quand vous comparez la facture d'électricité d'il y a quelques années avec celle d'aujourd'hui, vous vous rendez compte que le Gouvernement a choisi de renforcer la régulation. Nous allons donc dans le sens que vous préconisez, monsieur Paul. Vous pouvez nous rejoindre, soit en retirant votre amendement, soit en votant contre. (Sourires.)

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Défavorable.

(L'amendement n° 118 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 55 .

La parole est à M. François Brottes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Nous sommes à un moment important du débat. Dans l'échange que nous avons eu précédemment avec le ministre d'État, j'ai souligné qu'il nous paraissait indispensable – et nous n'envisageons pas d'autre solution – que le parc nucléaire reste sous maîtrise publique. Le ministre d'État m'a répondu, quand j'étais à la tribune, que tel était bien le cas. J'ai acquiescé. Le rapporteur, lui, a indiqué que les deux nouvelles centrales nucléaires étaient sous maîtrise publique. Dont acte.

La question qui se pose est de savoir quelle est la volonté de ce gouvernement pour l'avenir. Il est donc important de dire clairement que « le parc électronucléaire ne peut être composé que de centrales exploitées par des personnes morales à capitaux majoritairement publics ». Il y a déjà, dans plusieurs centrales, des capitaux qui viennent du privé, en partenariat. Ce sont des minorités qui n'ont pas le pouvoir d'agir sur les décisions, mais qui apportent une contribution, en échange de laquelle elles obtiennent un certain volume d'énergie. Ce ne sont pas forcément des dispositifs qui sont à condamner. Et cela n'enlève rien à la maîtrise publique du parc.

Cet amendement vise à préciser plus clairement les contours de cette exigence, qui est, me semble-t-il, souhaitée par l'ensemble des Français. L'acceptabilité sociale du parc nucléaire est liée à son caractère public.

Sur cette question, une réponse claire, un engagement limpide de la part du Gouvernement pourraient nous inciter à retirer l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Je renvoie notre collègue à une loi que ni lui ni moi n'avons votée puisqu'elle date de 1946. Elle avait d'ailleurs été défendue ici non par Daniel mais par Marcel Paul (Sourires),…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

…et avait eu pour rapporteur Paul Ramadier. La loi de 1946 répond complètement à votre préoccupation, notamment la fin de son article 8, que je vais vous lire :…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

…« Toutefois, toute installation de production nucléaire, à l'exception des installations propres au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives et à ses filiales, ne pourra être gérée que par Électricité de France ou l'une de ses filiales. » L'amendement est donc satisfait.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

J'ajoute, pour confirmer les propos du rapporteur et émettre également un avis défavorable, que les réacteurs aujourd'hui exploités le sont tous par une entreprise à capitaux publics. Les deux réacteurs en projet, Flamanville et Penlis, seront également exploités par EDF, entreprise à capitaux publics. Le risque que vous pressentez, monsieur Brottes, de voir attribuer une centrale à une autre entreprise qu'EDF est donc sans objet. Ce n'est prévu ni dans ce texte, ni dans les programmations en cours, ni par la loi actuelle. Votre amendement me paraît totalement satisfait.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Vous avez raison de me faire un rappel à la loi, mais je la connaissais et ce n'est pas vraiment un scoop. Monsieur le secrétaire d'État, vous n'êtes pas parmi nous depuis très longtemps. Or, depuis que je suis ces questions à l'Assemblée nationale, on doit en être au dixième texte sur l'énergie.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Cela veut dire que, même si un engagement a été pris, a fortiori s'il date de Marcel Paul, il arrive que les positions changent. Même quand M. Sarkozy, ministre de l'économie et des finances, nous dit qu'il ne privatisera pas GDF, cela ne l'empêche pas de le faire quelque temps après.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

La CNR est toujours à majorité publique, cher collègue.

Ce qui nous importe, c'est de connaître vos intentions. Énormément d'opérateurs s'activent, y compris pour un nouveau type de réacteur dont on nous dit qu'il pourrait être porté par une entreprise privée. Bien sûr, il faudrait modifier la loi puisque M. le rapporteur me dit avec raison que tant que la loi est là, on ne peut pas le faire. Mais quelle est l'intention du Gouvernement ?

Aujourd'hui, ce n'est pas le sujet, dites-vous. J'en prends acte mais mon interrogation va au-delà : dans quelle perspective vous inscrivez-vous ? Il est important qu'on le sache. Nous avons peu l'occasion de débattre de perspectives dans cette assemblée. Vous ne nous aviez pas dit, par exemple, que vous aviez l'intention de privatiser la CNR. Il se trouve pourtant que cela va se passer au Sénat. Mieux vaut parler des choses un peu avant parce que, par amendement, on peut modifier un texte, même un texte qui avait été défendu par Marcel Paul.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

L'amendement présenté par M. Brottes précise que « le parc électronucléaire ne peut être composé que de centrales exploitées par des personnes morales à capitaux majoritairement publics ». Il s'agit du parc électronucléaire de notre pays, bien évidemment. Sont concernées les centrales actuelles, mais aussi les centrales futures.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

J'ai bien parlé des centrales futures.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

D'accord. Cela veut donc dire que le gouvernement français, du moins l'actuel parce qu'il ne faut jurer de rien pour les suivants, rejette toute possibilité de construction d'une centrale nucléaire en France par un autre organisme qu'EDF public. C'est bien cela, monsieur le secrétaire d'État ?

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

La construction et l'exploitation, ce n'est pas la même chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Je voulais dire exploitation. On sait qu'un groupe important, GDF Suez, ambitionne d'exploiter en France un réacteur nucléaire, qu'il serait même candidat pour un EPR. Mais vous rejetez bien toute hypothèse d'exploitation par un groupe autre qu'EDF public, ce qui veut dire également que vous rejetez toute possibilité de privatisation d'EDF.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Après l'avoir dit dans mon discours puis dans ma réponse, je le répète à nouveau, monsieur le député : les deux réacteurs EPR que j'ai cités seront exploités par EDF. C'est clair, net et précis. Je pourrai vous le répéter une troisième, une quatrième fois, si vous le souhaitez.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

La réponse sur les deux EPR est claire et précise, mais le parc nucléaire français a été construit pour l'essentiel entre 1975 et 1990. Aux alentours de 2010-2020, cinquante-huit centrales vont arriver en fin de vie, et il y aura un effet falaise. On commencera par allonger la durée de vie des centrales de dix ans, mais cela ne fera que repousser cet effet.

Depuis huit ans, on n'a jamais voulu discuter sur le renouvellement des cinquante-huit centrales du parc nucléaire français. Veut-on refaire deux, quinze, trente, cinquante-huit centrales ? C'est un débat de fond dont le Parlement français est privé et qu'il faudra bien, un jour, aborder. Cet amendement me semble porter en lui ce débat et le Gouvernement s'honorerait à nous en parler, même si ce n'est pas ce soir.

(L'amendement n° 55 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 56 .

La parole est à M. François Brottes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Notre collègue Daniel Paul, digne héritier de Marcel Paul, a évoqué la création d'un pôle public de l'énergie en présentant un amendement qui avait été déclaré irrecevable. Il ne m'a pas échappé que si nous avions choisi une formulation proche de la sienne, notre amendement aurait été, lui aussi, irrecevable.

Comme certains d'entre vous l'ont fait remarquer, depuis que vous avez privatisé Gaz de France, rendre à nouveau public, le cas échéant, le secteur du gaz coûterait très cher. Ce serait même d'un accès difficile pour les finances publiques de demain. Pourtant, nous sommes, nous aussi, partisans d'un pôle public de l'énergie et nous pensons qu'il faudra commencer par rendre publique la totalité des réseaux de transport et de distribution.

Lorsque, sous la gauche, le réseau de transport de gaz a été, pour l'euro symbolique, transmis à l'actif de Gaz de France, alors 100 % public, il s'agissait de permettre à l'entreprise d'avoir une autorité financière avec un actif significatif lui permettant de voir l'avenir sous un prisme plus offensif. Nous ne l'avons jamais fait dans la perspective que ce réseau puisse tomber dans l'escarcelle des actionnaires privés d'une autre entreprise ! Ça, c'est votre majorité qui l'a fait : vous avez fait bénéficier les actionnaires de Suez d'un actif qui avait été payé par l'ensemble des Français et qui avait été transmis pour l'euro symbolique.

Aujourd'hui, il ne serait pas possible de revenir en arrière pour le même prix. On peut faire confiance à ceux qui siègent autour de la table de GDF Suez pour nous présenter une facture sensiblement plus élevée ! C'est pourquoi un pôle public de l'énergie coûterait à la nation, à moins de reprendre certaines formules pas inintéressantes du tout qui existent en Amérique du Sud. (Sourires.) Je ne suis pas sûr que ces précédents contemporains vous paraissent pertinents, mais ils peuvent donner des idées – qui a dit « Lula-là ! » ? (Sourires.)

En tout état de cause, puisque cela coûterait, l'amendement serait irrecevable. Pour éviter cela, nous demandons, selon la formule consacrée, que le Gouvernement réfléchisse sur le sujet et nous remette un rapport. Ainsi, le débat est ouvert.

Je crois avoir exprimé clairement quelle était notre position sur le fond et suivant quelle méthode nous procéderions pour avancer. Effectivement, il faudrait chiffrer les conséquences, importantes. On ne peut pas imaginer que le réseau de transport de gaz tel qu'il est aujourd'hui – fortement stratégique – soit opéable. Nous savons à quel point les contrats d'approvisionnement dont bénéficient les opérateurs en France aujourd'hui nous lient dans des conditions parfois compliquées – voir les explosions des tarifs. Les contrats d'approvisionnement les moins chers ne sont pas forcément fléchés vers la France, dit-on, parce que la formule de calcul permet de répercuter sur le consommateur le prix coûtant. Peut-être aurait-on pu s'y prendre autrement. En tout cas, l'approvisionnement en gaz est un vrai sujet et pour la France, et pour l'Europe.

Lorsque des opérateurs ont des visées à la fois sur l'approvisionnement, le stockage, le transport et la distribution, on a toutes les raisons de penser qu'il serait très stratégique pour la nation de conserver la main publique sur les activités de réseaux de transport et de distribution de gaz et d'électricité. Pour l'instant, c'est encore le cas pour l'électricité, donc restons lucides ; ça ne l'est plus pour le gaz. La création de ce pôle public de l'énergie en commençant par les infrastructures nous paraît une question à laquelle il serait utile de réfléchir. Voilà pourquoi nous proposons cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

La commission a émis un avis défavorable. En général, je suis très réservé vis-à-vis des dispositions invitant le Gouvernement à présenter des rapports qui viennent s'ajouter à d'autres rapports. L'idée de M. Brottes est assez originale, qui consiste à truffer un texte de loi avec des propositions du parti socialiste en vue d'échéances à venir. Franchement, mes chers collègues, si vous voulez former un pôle public de l'énergie, faites une proposition, gagnez les élections et on verra ! Ce n'est pas à nous, dans une loi, de recevoir de telles propositions.

(L'amendement n° 56 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 58 .

La parole est à M. François Brottes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Le président de la commission ayant accepté que nous constituions une mission d'information sur les réseaux de distribution d'électricité, cet amendement est retiré. Présidée par Jean Gaubert, elle fera le travail qu'il s'agissait de confier au Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. Daniel Fasquelle, inscrit sur l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Fasquelle

À n'en pas douter, le secteur de l'électricité ne peut pas être traité comme n'importe quel secteur économique. Il doit être régulé, comme doit l'être, par exemple, l'agriculture, dont la modernisation fait l'objet d'un projet de loi que nous allons examiner prochainement. Pour autant, on ne peut pas exclure l'instillation d'une dose de concurrence dans le secteur de l'électricité, cela dans l'intérêt du consommateur, le seul qui doive nous guider.

Que peut apporter la concurrence dans la fourniture d'électricité ? Comme dans d'autres domaines, elle doit permettre d'obtenir le meilleur service au meilleur prix, elle doit pousser à l'innovation. Innover permettra aux opérateurs de proposer des offres incitant chacun à optimiser, et donc à réduire, sa consommation d'électricité en journée, en semaine ou le week-end.

De même, des compteurs intelligents vont émerger. Ils permettront de programmer de manière plus fine et d'optimiser nos consommations d'électricité. Il faut bien comprendre que tout le monde doit y gagner : le consommateur et le système électrique, car nous pourrons demain consommer moins et consommer mieux.

Si ces innovations n'ont pas encore vu le jour en France, c'est simplement parce que la concurrence n'a pas encore pu jouer. Interrogez les consommateurs d'électricité autour de vous, posons-nous nous-mêmes la question : quelles offres avons-nous eues depuis quelques années, depuis quelques mois pour consommer moins et consommer mieux ? La concurrence ne jouant pas, les choses restent en l'état et c'est dommage.

Pourquoi n'y a-t-il pas de concurrence sur ce marché ? Simplement parce que l'acteur historique bénéficie du monopole de la rente nucléaire et que, dans ce marché si particulier, le prix de gros est jusqu'à présent supérieur au prix de détail, ce qui empêche les nouveaux entrants de prendre pied sur ce marché.

Ce texte va fort heureusement mettre fin à cette situation, en ouvrant l'accès au nucléaire à tous les fournisseurs. En allant au bout de la logique du rapport Champsaur et en respectant nos engagements européens, nous allons sans aucun doute dans la bonne direction. Mais il y a urgence, car si nous attendons trop, les nouveaux entrants auront disparu avant que le marché ne soit ouvert.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Fasquelle

Je pense que la période transitoire est trop longue et ne crée pas les conditions d'une concurrence efficace, dans l'intérêt des professionnels et des consommateurs. C'est pourquoi, si je me félicite des orientations prises par ce texte, je souhaite que nous profitions de son examen et en particulier de l'article 1er, pour le faire encore évoluer et instaurer au plus vite une vraie concurrence par les prix et sur les services, dans l'intérêt des consommateurs et de notre système électrique.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 119 , tendant à supprimer l'article 1er.

La parole est à M. Daniel Paul.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Cet amendement vise, conformément aux propos que j'ai tenus en commission puis en défendant la motion de renvoi, à supprimer l'article 1er – l'un des articles phares du texte –, qui consiste à permettre aux concurrents d'EDF, du moins à ceux qui se revendiquent comme tels, d'accéder directement à la production électronucléaire à prix coûtant.

Bien que la libéralisation soit totale depuis 2007, elle n'est pas parvenue à se concrétiser de façon probante dans notre pays. Selon le mode de calcul, plus de 95 %, sans doute même plus de 99 % des usagers sont restés fidèles aux tarifs régulés et à EDF.

La raison de cette situation est simple : ceux que l'on appelle les opérateurs alternatifs ne parviennent pas à fournir l'électricité à un prix comparable à celui d'EDF. De plus, nos concitoyens éprouvent une certaine méfiance à l'égard de ces nouveaux entrants, qui ne paraissent pas très sûrs. Nos concitoyens ont, à juste titre, le sentiment que l'on ne joue pas avec l'électricité comme avec un produit banal, ordinaire, comme vous pourriez le laisser croire.

Ces nouveaux entrants sont souvent des courtiers qui achètent l'énergie au prix de gros et tentent de la revendre aux consommateurs en réalisant une marge. Vous avez pu voir ce que cela a donné avec la mise en place d'un prix du marché dans le secteur industriel ! Il a fallu créer le TARTAM, pour éviter une véritable catastrophe industrielle.

Le texte prévoit bien une clause de destination obligeant les opérateurs à justifier que leurs clients sont sur le territoire français, mais vous savez que cette disposition sera remise en cause par Bruxelles, car contraire à la libre circulation des marchandises. Alors la production électronucléaire française pourra être vendue n'importe où…

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

…hors du territoire national et l'ensemble des électriciens européens pourront alors bénéficier du parc nucléaire français, de la « rente » comme on l'a improprement appelée. De ce fait, le bénéfice qu'est censée tirer de cette situation l'industrie française n'en serait plus un.

L'avantage compétitif de notre pays, résultat de dizaines d'années d'investissement et de recherche, financé au fil des années par les factures des usagers, serait bradé aux intérêts du secteur privé, d'opérateurs qui ne portent pas de projet industriel, mais essentiellement, pour beaucoup d'entre eux, un projet financier.

Les consommateurs, qu'ils soient domestiques ou industriels, n'ont rien à gagner à cette réforme puisque comme l'indiquait notre collègue Jean Claude Lenoir dans un entretien accordé, il y a quelques jours, au journal Les Échos : « On a trop longtemps entendu que l'ouverture des marchés et le développement de la concurrence allaient profiter aux consommateurs et qu'ils allaient bénéficier de la baisse de prix. On l'a dit à un moment où, de fait, il y avait une baisse conjoncturelle. Mais la vérité est qu'on ne voit pas de baisse possible compte tenu des investissements à réaliser. » Vous ai-je bien cité, monsieur le rapporteur ? (M. le rapporteur acquiesce.)

En revanche, notre pays a beaucoup à perdre, notamment en matière de sécurité des approvisionnements. Dans le nucléaire, le retour sur investissement est beaucoup plus long, car il nécessite des financements importants et s'amortit sur le long terme. Or, la marge que réaliseront les concurrents d'EDF ne sera pas utilisée pour investir dans les moyens de production d'électricité. Ce nouveau dispositif risque également d'amener EDF à reconsidérer sa stratégie. Pourquoi investir aujourd'hui dans des moyens de production, si demain ce sont des sociétés concurrentes qui en tirent bénéfice ?

Des incertitudes pèsent également sur le prix de l'ARB, l'accès régulé à la base. On sait que, pendant trois ans après la promulgation de cette loi, il sera fixé par les ministres chargés de l'industrie et de l'économie, mais ensuite ? Certains nouveaux entrants demandent qu'il soit le plus bas possible, peu importe que cela ne permette pas le renouvellement du parc de production. Certains même « exigent » que la loi fixe des « tarifs de gros qui devront être inférieurs à ceux proposés par EDF à ses clients particuliers ».

Nous savons que Bruxelles n'admettra jamais que les tarifs régulés soient différents du prix à l'accès régulé à l'électricité de base, ce qui entraînera de fait une augmentation bien réelle des tarifs pour les consommateurs. Il faudrait que vous nous expliquiez comment il pourrait en être autrement.

Cet amendement entend supprimer cette mesure dont le seul but est de doper artificiellement la concurrence, afin de soutenir l'émergence de nouveaux opérateurs qui prendront des dividendes. L'attitude du Gouvernement en la matière n'est pas responsable, alors que nous sommes en période de crise, que la précarité énergétique grandit, que de nombreuses entreprises sont en situation de fragilité et qu'une hausse des tarifs de l'énergie risque de leur être fatale.

Je pense à la SNCF. Nous avons eu, il y a quelques semaines, un débat autour de cette entreprise publique, de son évolution, que vous imposez. L'audition de son président M. Pepy par la commission des affaires économiques et par la commission du développement durable, il y a quelques jours, a confirmé les espoirs qu'il met dans son entreprise – c'est normal – mais également les grandes difficultés auxquelles elle est confrontée. Nous ne voyons pas de quelle manière, dans le contexte actuel et compte tenu de cette loi, vous pourriez permettre à la SNCF de bénéficier d'un tarif approprié. Je rappelle les propos tenus à ce sujet par Jean Gaubert.

EDF est imbattable dans son domaine et le rôle de l'État est de soutenir cette entreprise publique, en faisant en sorte que notre pays ne change pas de politique énergétique dans ce domaine. Il y va de l'intérêt des Français, de celui de son industrie et de l'attractivité de son territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Avis défavorable.

J'aurais espéré que Daniel Paul me fît plaisir en me citant non seulement dans Les Échos, mais aussi dans L'Humanité Dimanche.

Dans Les Echos, j'ai indiqué que je n'envisageais pas une baisse. Je n'ai pas dit pour autant qu'il y aurait une hausse. (Sourires.)

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Même avis.

(L'amendement n° 119 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 61 .

La parole est à M. François Brottes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Cet amendement va me permettre d'évoquer la page 18 des conclusions du sommet de Barcelone, document de 72 pages : « consolider et préciser dans une proposition de directive-cadre les principes relatifs aux services d'intérêt économique général, qui sous-tendent l'article 16 du traité […] La Commission présentera un rapport avant la fin de l'année. »

La majorité a changé et la Commission n'a jamais présenté ce rapport, car le gouvernement français n'a pas souhaité que cette promesse soit tenue. Monsieur le rapporteur, je tiens cet exemplaire à votre disposition, si vous en doutiez.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Il est important de bien rappeler l'histoire. J'ai écouté avec beaucoup d'attention M. Fasquelle, qui vous reprochait de ne pas aller assez loin et assez vite. Je croyais entendreM. François-Michel Gonnot en 2002, qui disait à Mme la ministre Nicole Fontaine : « Le groupe UMP tient à vous rendre hommage et à vous féliciter pour la façon dont ce compromis a été conclu. Il nous permettra de tirer les bénéfices de l'ouverture progressive et de maîtriser des marchés. » Elle avait arraché, le 26 novembre 2002, la libéralisation totale lors du Conseil européen de l'énergie.

Il faut assumer l'histoire et nous souhaitons que cet amendement le rappelle, monsieur le rapporteur, car cela vous évitera la confusion permanente dont vous faites preuve sur ce point. Je préfère vous aider, au fur et à mesure de l'examen de ce texte de loi, pour que vous ne répétiez pas sans cesse les mêmes inexactitudes – je reste poli et courtois, comme à mon habitude

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Si cet amendement était adopté, nous aboutirions à un résultat assez curieux, car nous aurions un texte prévoyant : « Conformément à l'accord obtenu le 26 novembre 2002 au Conseil des ministres européen de l'énergie, […] il est mis en place à titre transitoire un accès régulé et limité à l'électricité de base produite par EDF », c'est-à-dire le dispositif que nous sommes en train d'édifier dans la loi. Ce serait une incohérence.

Je vous suggère donc, monsieur Brottes, de retirer cet amendement.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Je ne veux pas m'immiscer dans la partie de ping-pong entre M. le rapporteur et M. Brottes sur les conclusions du sommet de Barcelone.

J'ai cru entendre un mot intéressant dans les conclusions : « un rapport ».

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Si j'ai bien compris, les conclusions du sommet étaient de produire un rapport, ce qui est différent de l'élaboration d'une directive. Mais peut-être ai-je mal entendu…

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Vous avez eu raison, monsieur le secrétaire d'État, de sauter sur l'occasion, elle était trop belle ! Mais il s'agit bien, dans les conclusions, de « consolider et de préciser dans une proposition de directive-cadre les principes relatifs aux services d'intérêt économique général… » C'est l'acte qui est posé. On demande à la Commission d'avancer rapidement et de préciser dès la fin de l'année, dans un rapport, la méthode à suivre pour que cette directive soit votée le plus vite possible.

Monsieur le secrétaire d'État, vous aviez donc parfaitement compris.

(L'amendement n° 61 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 53 .

La parole est à M. François Brottes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Nous proposons qu'une étude d'impact préalable soit transmise à la commission des affaires économiques de notre assemblée sur le niveau d'investissement nécessaire pour l'entretien, la maintenance et le développement des réseaux. Lorsque les prix seront calculés, si tant est que nous ayons un jour une indication à ce sujet, il faudra que l'on sache de façon objective les besoins nécessaires en la matière.

(L'amendement n° 53 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Il est défendu.

(L'amendement n° 54 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 29 .

La parole est à M. François Brottes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

L'amendement n° 29 est au coeur de la réflexion que nous menons, puisque nous parlons encore aujourd'hui de l'ARB, l'accès régulé à la base. Je ne crois pas que l'expresssion ait été changée à l'issue du travail en commission, même si nous devons parler prochainement, sur proposition de M. le rapporteur, de « l'accès régulé au nucléaire historique ».

La « base » faisant l'objet d'une série d'amendements, il convient de la définir. Il s'agit de la production en continu d'énergie électrique. Cela vise à la fois une partie de ce que fait le parc électronucléaire – puisqu'il produit de la base mais aussi de la semi-base, lorsqu'il est sollicité par intermittence – et ce que fait l'hydraulique au fil de l'eau, qu'il s'agisse du Rhin, du Rhône ou de la Seine, sur tous les fleuves où l'on trouve des barrages hydroélectriques.

Nous souhaitons que la totalité de la production de la base, hydraulique et nucléaire, soit concernée par l'ARB ; sinon nous nous situerions dans un débat différent de celui qui avait préoccupé la commission Champsaur : le rapport entre la base et la pointe. Il ne s'agit pas là de politique, mais de technique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

En donnant l'avis de la commission sur cet amendement, je répondrai par avance à tous ceux qui concernent le secteur hydraulique.

Au départ, dans l'électricité de base, nous intégrions à la fois du nucléaire et de l'hydraulique. Je rappelle que l'électricité hydraulique provient de types de barrages extrêmement variés. L'hydraulique de base évoque bien sûr les barrages au fil de l'eau…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

…comme les grands barrages de la CNR sur le Rhône, ou sur le Rhin : Kembs, Vogelgrün, Fessenheim, Marckolsheim, Rhinau, Strasbourg.

En réalité, il existe d'autres types de barrages. Dire que l'hydraulique fait partie de la base régulée se heurte à des difficultés pratiques. Il ne s'agit pas d'un débat idéologique. Comment voulez-vous déterminer la part de l'hydraulique qui peut être considérée comme de la base alors que d'autres barrages fournissent à la pointe ? C'est infaisable. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Vous ne pouvez pas concevoir de mécanisme qui permette de déterminer la part de l'hydraulique qui pourrait être retenue dans l'ARB, l'accès régulé à la base. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé que l'on se réfère essentiellement au nucléaire historique, ce que la commission a accepté. Telle était du reste l'intention du Gouvernement. Il aurait été hasardeux de s'engager dans un système extrêmement complexe dont nous n'avons pas les clés.

La commission a retenu la formule de l'accès régulé à l'énergie nucléaire historique – l'ARENH remplaçant l'ARB – et a émis un avis défavorable à l'amendement n° 29 .

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Avec cet amendement, nous abordons un sujet important et complexe. Le nucléaire historique est au coeur de ce projet de loi, le rapporteur vient de le rappeler. Il y a eu un long débat en présence du ministre d'État en commission des affaires économiques. La majorité et le Gouvernement sont tombés d'accord pour recentrer très clairement le texte sur le nucléaire historique, cela pour plusieurs raisons, d'ordre technique tout d'abord. M. le rapporteur vient d'évoquer la difficulté de séparer les barrages au fil de l'eau des autres barrages. Ensuite, la régulation ne s'opère pas de la même façon pour l'hydraulique et le nucléaire. Avec l'énergie hydraulique, il existe une équité autour des moyens de production assurée par d'autres outils,…

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

…notamment par des renouvellements d'appels d'offres, des techniques de redevance, des mécanismes d'obligation d'achat, qui sont d'une autre nature que ce que nous prévoyons pour le nucléaire historique.

Le Gouvernement a donc émis en commission un avis favorable aux amendements du rapporteur visant à recentrer le débat sur l'accès régulé à l'énergie nucléaire historique. Il faut s'en tenir à cet aspect et ne pas l'étendre à l'hydraulique même s'il s'agit d'un sujet important.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Je comprends bien la démarche de François Brottes, mais nous ne pouvons y adhérer. La rente de l'hydraulique est déjà mise à contribution via la redevance. Elle n'a pas à l'être via l'accès régulé à la base. La commission Champsaur avait envisagé une redevance pour le nucléaire, mais elle l'a abandonnée. Il n'y a donc aucune raison de taxer l'hydraulique.

En outre, les sources ne sont pas comparables, ni par l'histoire, ni par le développement, ni par les structures de coût. Il est impossible de calculer un prix moyen identique pour l'accès à la base nucléaire et à la base hydraulique.

Disons les choses telles qu'elles sont : c'est essentiellement la production hydraulique de la CNR qui est visée. Or la CNR est liée à GDF Suez, mais sa production ne peut être considérée comme une garantie directe ou indirecte au sens de l'article 2 du projet de loi, car rien ne lie GDF Suez à la production de la CNR, ni un contrat de vente directe, ni la commercialisation de la production, ni la maîtrise de l'outil, du moins à ce jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Le rapporteur ne nous a pas convaincus sur ce point. M. Champsaur lui-même définit la base comme l'ensemble du nucléaire et de l'hydraulique au fil de l'eau, je l'ai rappelé dans la discussion générale.

Il n'y a aucune difficulté d'ordre technique à identifier dans le parc des barrages hydrauliques ceux qui sont appelés en pointe et ceux qui turbinent vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Cela ne pose aucun problème et nous pouvons rapidement en dresser l'inventaire.

En fait, on mélange deux débats.

S'agissant du débat sur l'opérateur historique, EDF, la réponse française a été de dire, contrairement à d'autres pays, qu'on ne lui imposait pas de céder une partie de ses centrales nucléaires. En revanche, on va lui imposer l'ARB.

Par ailleurs, une réflexion très intéressante pourrait être menée sur la base. Ce qui fédère la base, qu'elle soit hydraulique ou nucléaire, c'est qu'elle est très bon marché.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Il y aura un renouvellement des concessions. Sur le Rhône, on exige des travaux de la part du concessionnaire.

Erreur ! Signet non défini.. Il y a les redevances aux collectivités locales. Il ne faut pas qu'on nous pique nos redevances et qu'on nous oblige à les donner à l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Ce n'est pas pour rien, cher collègue, que M. Champsaur lui-même fédère dans la base l'hydraulique des barrages au fil de l'eau. C'était un choix cohérent, mais on a mélangé le débat « base-pointe » avec celui consistant à savoir ce que l'on impose à l'opérateur historique, et cela a conduit à une position floue. Dans la mesure où nous considérons qu'il est important de solder le problème de la CNR et des autres barrages au fil de l'eau, nous voterons l'amendement n° 29 .

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

On organise la spoliation des collectivités locales ! Ce qui est payé aujourd'hui par les concessionnaires sera demain à leur charge !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

Nous avons coutume de dire, lorsque nous défendons nos points de vue, que nous sommes au coeur du débat. En l'occurrence, cette formule prend tout son sens. La vraie question est posée par les uns et les autres, mais avec des intérêts particuliers locaux – loin d'être méprisables – qui sont parfois contradictoires. Et en réalité, Gouvernement et majorité limitent leur propos à la meilleure façon de dépouiller EDF : il faut le dire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

Personne ne peut vous croire, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, lorsque vous prétendez qu'il est impossible d'établir une distinction entre des barrages-retenues et des barrages au fil de l'eau ; même le touriste de base sait faire la différence. Trouvez autre chose ! Ce n'est pas un argument technique, mais un argument politique.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Ce n'est pas ce que dit l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

Quant aux taxes et redevances qui sont payées au niveau local, en particulier dans votre région, monsieur Bouvard, n'oubliez pas qu'EDF en acquitte également et verse des dividendes à l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

L'opération prévue est susceptible de rapporter moins de dividendes à l'État, que je trouve bien généreux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

J'ai bien noté que M. Bouvard, président du conseil de surveillance de la Caisse des dépôts, ne s'engageait pas pour l'avenir...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

J'aurai l'occasion de m'exprimer pour la défense de l'intérêt public.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

…puisqu'il a indiqué que rien ne liait GDF Suez à la production de la CNR, du moins à ce jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

Je ne doute pas de votre engagement pour la défense de l'intérêt public, mais en vous entendant, je me suis dit que vous doutiez de l'engagement de la majorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

Votre formulation laisse supposer que vous avez des craintes pour la suite.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Je ne préjuge pas des votes du Parlement.

(L'amendement n° 29 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 114 .

La parole est à M. Claude Gatignol.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Gatignol

Le débat qui vient d'avoir lieu me conforte dans ma volonté de défendre cet amendement. Je m'inscris dans le droit fil des préoccupations du rapporteur. L'objectif du présent projet de loi est de mettre en place une organisation durable de la concurrence du secteur de l'électricité dans l'ensemble de la chaîne de valeur. « Le Gouvernement a ainsi décidé de mettre en place une nouvelle organisation du marché de l'électricité conciliant une forte régulation et un encouragement au développement de la concurrence ».

Une approche intégrée de la concurrence à la fois au niveau de la production et de la commercialisation doit permettre de fortes différenciations, en structure et en niveau, des offres des fournisseurs. Cette approche combinée devrait permettre de consolider la sécurité d'approvisionnement. C'est pourquoi il est important, à l'alinéa 2, après le mots « parc électro-nucléaire français », d'insérer les mots : « et de mettre en place une concurrence durable sur les activités de production et commercialisation de l'électricité ».

Le projet de loi, en mettant en place l'accès régulé à l'électricité de base nucléaire historique, constitue un relais transitoire et donc limité dans le temps facilitant la mise en place de cette vision industrielle. Le caractère transitoire de ce dispositif ne doit néanmoins pas faire oublier l'objectif à long terme de mise en place d'une concurrence durable an matière de production et de commercialisation de l'électricité. C'est pourquoi, il convient de rappeler cet objectif, qui a toute sa place dans le projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Nous ne pouvons que partager le point de vue de Claude Gatignol, car nous organisons déjà aux articles 1er et 2, l'entrée de nouveaux producteurs, puisque les fournisseurs qui auront accès au nucléaire historique devront présenter des capacités de production. Le dispositif que nous votons constitue un relais transitoire jusqu'en 2025, nous verrons ensuite. Quoi qu'il en soit votre amendement est satisfait, monsieur Gatignol, et je vous suggère de le retirer.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Même avis que la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Gatignol

Je retire l'amendement.

(L'amendement n° 114 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 176 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

C'est un excellent amendement de précision, monsieur le président, qui vise à remplacer l'accès régulé à la base, l'ARB, par l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique, l'ARENH. C'est la première fois que ce sigle apparaît dans le texte. L'ARENH remplace donc l'ARB. Nous avons opté pour un sigle facile à retenir. S'il y a d'autres propositions faisant apparaître les mots « nucléaire, historique, accès régulé, électricité », pourquoi pas ? « Marquise, vos beaux yeux, belle, me font mourir… » : le concours est ouvert ! Dans l'immédiat, faute de mieux, je vous propose l'ARENH.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Merci, pour ces vers percherons, monsieur le rapporteur ! (Sourires.)

Quel est l'avis du Gouvernement, sur l'amendement s'entend ?

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Nous avons eu l'occasion d'évoquer tout à l'heure ce nouvel acronyme. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, comme à l'ensemble de ceux qui en découlent tout au long des articles. Nous en partageons la philosophie, puisque le coeur du texte consiste, à nos yeux, à cibler le nucléaire historique.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

L'histoire retiendra donc que, ce soir, le prince Lenoir a couronné l'ARENH ! (Exclamations et sourires.)

On comprend que l'ARB ait pu gêner. Jean Gaubert a évoqué ce que cela pouvait signifier par ailleurs : des actes quelque peu isolés, pas toujours contrôlés.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Gatignol

On ne cherche donc qu'à faire plaisir à Jean Gaubert !

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Mais là, on nous fait le coup des gladiateurs : désormais, pourront jouer dans l'ARENH tous ceux qui y seront autorisés. Le cercle des initiés est précisément circonscrit ; le périmètre se restreint. Nous changeons d'échelle et de projet de loi, monsieur le secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

J'ai passé quelques heures à siéger dans la commission Champsaur. Le sens initial du projet de loi était bien de traiter de la situation particulière, en France, de la base et de la pointe. Il ne s'agissait pas seulement d'un problème de compatibilité avec les directives européennes.

En effet, notre mix énergétique est tout à fait particulier. Je m'adresse notamment à Michel Bouvard, qui suit de près ces questions. Le problème n'était pas financier ; il ne s'agissait pas de taxes, par exemple. La question était la suivante : comment notre mix énergétique peut-il mieux fonctionner en éliminant davantage les pointes ? Car les pointes nous coûtent très cher.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Elles font monter le prix du kilowatt, polluent la planète, nous obligent à importer de l'électricité.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Or, si les pointes nous coûtent cher, c'est parce que nous gérons mal notre base.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Nous gérons mal la mise en cohérence de toute notre base.

La question de l'électricité produite en base – qui est importante dans notre pays, ce qui distingue notre mix énergétique de celui de tous les autres pays du monde – était donc au coeur du texte, qui devait permettre de trouver des solutions à ce problème.

Ici, au contraire, on limite le champ d'application. C'est un choix, que nous sommes réduits à commenter sans pouvoir l'infléchir, puisque nous ne sommes pas majoritaires. Mais, de ce fait, le texte ne traite plus du rapport entre la base et la pointe. Il s'agit désormais d'une autre approche. Je tenais à le préciser afin que chacun ait bien cela à l'esprit : c'est d'un autre texte que nous parlons désormais.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Une question se pose à ce stade du débat, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur.

Vous recentrez le texte sur la base nucléaire. Ne peut-on pas craindre, pour ce qui nous concerne, ou espérer – pour certains d'entre vous, peut-être – qu'EDF se contente de plus en plus de produire l'électricité, en particulier d'origine nucléaire, mais ne la commercialise plus ? En d'autres termes, toute l'électricité nucléaire serait progressivement vendue par le producteur qu'est EDF à d'autres entreprises, d'autres opérateurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Oui : ces opérateurs viendraient se fournir chez ce producteur exclusif – pour le moment.

N'est-ce pas là la dérive vers laquelle nous entraîne votre texte ? Et n'est-ce pas un peu voulu ?

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Je ne voudrais pas que l'on pense que le rapport Champsaur dit autre chose que ce qu'il dit, et j'aimerais en lire à M. Brottes un extrait, s'il en est d'accord. Je parle bien du rapport, et non d'analyses dont il a pu faire l'objet.

« Les conséquences de l'histoire et les considérations propres au nucléaire légitiment une intervention du régulateur, limitée en volume et dans le temps. La régulation ne devrait porter que sur l'accès à de l'électricité en base aux conditions économiques du parc nucléaire historique d'EDF […]. Les autres moyens de production en base sont, en revanche, sur la voie d'un développement concurrentiel, que ce soit l'hydraulique, avec la mise en concurrence des renouvellements de concessions, ou le nouveau nucléaire, qui implique déjà des co-investissements dans une logique concurrentielle. »

Certes, ajoute le rapport, « certains membres de la commission soulignent leur attachement à ce que toute la production d'électricité en base entre dans le champ de la régulation ».

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Que vous l'ayez pensé, c'est une chose ; ce que dit le rapport Champsaur en est une autre. C'est tout ce que je voulais rappeler.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Je ne parlais que de préoccupations, de sujets de réflexion.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Vous en avez probablement parlé ; dont acte. Mais le rapport a tiré d'autres conclusions et dit clairement que la base à réguler, c'est le nucléaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 30 .

La parole est à M. François Brottes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Je ne le défendrai que pour la gloire, monsieur le président, étant donné ce que l'on vient de m'expliquer.

Je suis d'accord avec vous, monsieur le secrétaire d'État. J'ai simplement dit que ce qui préoccupait la commission, ce sur quoi elle réfléchissait, était la question de la base et de la pointe.

Les conclusions sont bien celles que vous avez évoquées ; je vous remercie d'avoir eu l'honnêteté de dire que certains d'entre nous ne les approuvaient pas. Mais la réflexion partait du constat que nous possédions un mix énergétique particulier. Si nous avons pris part à cette commission, c'était bien pour traiter cette question.

Mon amendement n° 30 est désormais sans objet, puisque le rapporteur est entré dans l'ARENH et ne veut donc plus que nous discutions de l'hydraulique ni, par conséquent, d'un prix moyen de l'accès régulé à une base à la fois nucléaire et hydraulique.

(L'amendement n° 30 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 159 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Cet amendement est important. Je ne l'ai pas défendu devant la commission lorsqu'elle s'est réunie il y a quinze jours.

Il s'agit de faire en sorte qu'EDF n'ait pas accès de manière privilégiée à des informations qui concernent les fournisseurs. Je propose donc de faire intervenir, entre EDF et les fournisseurs alternatifs, c'est-à-dire ses concurrents, ce que j'appelle un « tiers de confiance ».

J'y reviendrai sans tarder, puisque ce tiers fait l'objet d'un amendement qui suit celui-ci de près. Il s'agit d'une entité juridiquement indépendante qui servira d'intermédiaire neutre, transparent, entre EDF et les fournisseurs.

Je pose donc ici les jalons du débat qui sera nourri d'ici peu, à l'alinéa 7 de l'article.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

En effet, cet amendement est important. Il s'agit d'introduire de la transparence, mais aussi de la confidentialité pour EDF.

Le Gouvernement est favorable à la création de ce tiers de confiance. Nous y reviendrons de manière plus approfondie à propos de l'alinéa 7.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Pour un rappel au règlement, monsieur le président, car il y a comme un creux dans la discussion. De fait, je ne vois pas comment nous pourrions continuer à débattre de ces amendements si le rapporteur ne nous explique pas précisément ses intentions quant à l'alinéa 7.

La situation mérite que nous nous arrêtions un instant sur le dispositif auquel il pense avant d'en venir à un tissage, amendement par amendement, afin d'adapter l'article dont nous discutons. Il vient d'avouer lui-même qu'il n'en avait pas parlé en commission, ce qui justifierait peut-être que nous y retournions…

Quoi qu'il en soit, l'ajout d'un tiers, d'une entité nouvelle dont on nous dit qu'elle est indispensable, est suffisamment important pour que l'on prenne le temps de l'examiner. Je ne sais pas, monsieur le président, si, à cette heure tardive, le moment est bien choisi. Mais il me semble que l'on ne peut commencer à débattre de ces amendements sans vision globale du dispositif que le rapporteur a en tête.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Michel Gonnot

Une simple remarque, monsieur le président.

Vous avez fait tomber deux amendements qui, certes, n'avaient sans doute plus leur place après l'alinéa 2, mais qui restent néanmoins d'actualité, me semble-t-il.

L'amendement n° 176 abandonne l'expression d'« électricité de base ». De ce fait, parvenus à l'alinéa 3, nous n'avons toujours pas mentionné l'électricité de base, puisque cette mention est remplacée par celle de l'accès au nucléaire historique.

Néanmoins, le dernier alinéa du II évoque le volume maximal d'électricité de base, et le III mentionne de nouveau cette dernière. Le texte pose donc un grave problème de rédaction, monsieur le rapporteur : vous n'avez pas déposé d'amendements rédactionnels sur ces deux alinéas, alors que la notion d'électricité de base doit désormais être remplacée par celle d'électricité nucléaire historique.

Il faudra donc revoir la rédaction ici ou au Sénat, peut-être par le biais d'amendements que le Gouvernement déposera ultérieurement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

M. Gonnot a raison, et peut-être le rapporteur pourrait-il faire le nécessaire d'ici à demain.

Un autre problème se pose : le nucléaire, en France, produit parfois aussi de la semi-base, lorsque les centrales sont sollicitées par à-coups, en fonction des besoins, alors que la base est un ruban d'énergie constant. En Belgique, en revanche, les centrales nucléaires ne fonctionnent qu'en base ; peut-être est-ce pour cela qu'elles s'usent moins vite. Cette réflexion sur la base est donc importante même si l'on réduit le champ au seul nucléaire historique.

En tout état de cause, on ne peut plus utiliser ce terme, puisque l'on ne parle plus que du nucléaire, alors que l'électricité de base provient aussi de l'hydraulique. Il faut donc corriger le texte.

C'est pourquoi le rapporteur doit nous préciser, d'une part, ce qui est prévu à l'alinéa 7 s'agissant du tiers garant et de la confidentialité ; d'autre part, la manière dont l'accès régulé à la base sera reformulé au fil du texte, afin de procéder proprement.

Je comprends que l'on fasse un peu de bricolage : la commission des affaires économiques mène de front l'examen de quatre textes, si bien qu'il est parfois difficile de travailler sereinement et sérieusement. Je le dis à l'intention de tous mes collègues : cette manière de travailler peut être lourde de conséquences lorsque l'on n'est pas attentif à la manière dont on rédige la loi.

La procédure accélérée ne s'applique pas à ce texte ; peut-être sera-t-il le seul dans ce cas jusqu'à la fin de cette législature. Puisque nous avons donc un peu de temps devant nous – une fois n'est pas coutume –, profitons-en pour le corriger.

Peut-être le rapporteur pourrait-il nous apporter ces précisions dans une réponse globale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Deux questions m'ont été posées.

D'une part, monsieur Gonnot, on ne parle plus de la base, en vertu d'une décision que nous avons prise en examinant le texte en commission. Nous avons donc effacé du texte toute référence à la notion de base.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Je vous parle du texte de la commission, que je vous invite à comparer au projet de loi : nous avons supprimé la référence à la base.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

On parle désormais de l'ARENH. Voyez les amendements qui ont été déposés : ils incluent naturellement des amendements de coordination, afin de substituer la référence à l'ARENH au texte du Gouvernement chaque fois que cela est nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Petite nuance : le rapporteur parle du texte de la commission « article 88 », non du texte issu de la réunion initiale, qui ne comporte pas ces corrections.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

En effet, il s'agit de l'examen au titre de l'article 88. Nous parlons d'amendements de coordination.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Des amendements ont effectivement été adoptés tout à l'heure par la commission, lorsqu'elle s'est réunie au titre de l'article 88.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Michel Gonnot

Le problème est que nous n'en avons pas connaissance en séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

S'agissant, d'autre part, de la question de M. Brottes, je dois dire que nous étions un peu perdus. Si j'avais eu l'amendement principal sous les yeux, j'aurais bien évidemment réagi autrement. Je ne voudrais pas donner l'impression que les explications que je donne relèvent de l'improvisation.

Lorsque nous avons examiné le texte en commission, Jean Dionis du Séjour a posé le problème des informations dont pourrait disposer EDF sur ses concurrents à l'occasion des contrats. Nous avons convenu d'en reparler, comme vous pourrez le constater dans le compte rendu de la réunion.

J'ai donc proposé dans un amendement à venir, n° 158 rectifié, – et François Brottes a raison de m'inviter à anticiper sa présentation – qu'une « entité juridiquement indépendante d'Électricité de France et des fournisseurs mentionnés au premier alinéa du II organise les échanges d'information de telle sorte qu'Électricité de France ne puisse avoir accès à des positions individuelles, et notifie la cession des volumes d'électricité nucléaire historique précités ». De ce fait, il fallait ôter du texte la mention des contrats entre EDF et ses fournisseurs.

L'amendement sur lequel j'ai pu, dans un premier temps, donner l'impression d'improviser vise simplement à effacer la référence aux contrats : il ne peut plus y avoir de contrats directs entre EDF et ses fournisseurs ; désormais, il existe entre les deux une entité juridiquement indépendante.

Quelle entité, me direz-vous ? Cette entité sera déterminée par décret. Ce pourra être la Commission de régulation de l'énergie, la CRE, ce pourra être une autre structure, éventuellement de droit privé, pourquoi pas ? Cette question sera débattue ultérieurement ; retenons que cet amendement pose le principe d'une entité juridiquement indépendante. Il va dans le sens convenu entre Jean Dionis du Séjour, le président de la commission et moi-même.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Nous pouvons parfaitement comprendre la nécessité de mettre au point un dispositif dans lequel celui qui a l'obligation de fournir n'a pas accès aux renseignements sur les clients finaux de ceux qu'il fournit.

Pour autant, monsieur le rapporteur, il faudra nous dire si la CRE va être retenue ou pas. Si ce n'est pas la CRE, il conviendra de savoir quels rapports il y aura entre l'entité et la CRE. Et si c'est la CRE, il faudra inscrire dans ses missions ce nouveau rôle, car il y a un mélange des genres qui n'est pas forcément souhaitable entre le rôle de régulation et le rôle de contrôle.

Je le dis très amicalement en me tournant vers M. Bouvard : lorsque j'avais souhaité, avec mon groupe, que l'hydraulique au fil de l'eau fasse partie de l'accès régulé à la base, j'avais indiqué qu'une entité tierce serait chargée du contact avec les fournisseurs voulant accéder à la base et qu'elle ferait son affaire de reventiler le prix d'accès à la base pour l'hydraulique et le nucléaire. C'était une façon de résoudre le problème technique évoqué tout à l'heure. Mais, pour le vote final du texte, j'aimerais que des éclaircissements soient apportés : qui ? comment ? quoi ? privé ? public ? quel rapport avec le régulateur ?

Nous sommes au début de la discussion et il y a aura une navette. Pour l'instant, vous posez un principe, monsieur le rapporteur, mais le projet de loi ne pourra se contenter de renvoyer au décret pour déterminer les rapports avec la CRE ou toute autre entité. Cela dit, on peut comprendre que ce soir, vous ne puissiez pas en dire plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

J'entends bien que le décret pourra prévoir les conditions de création de l'entité tierce. De toute façon, la navette permettra de rediscuter de ces questions. Mais je veux simplement revenir sur nos conditions de travail en commission et en séance publique.

Lors de la discussion générale, j'ai abordé la question de l'ARB en précisant que la commission avait souhaité le remplacer par l'ARENH.

Pour la suite, il faut savoir que, lorsque l'amendement est présenté et adopté avant la date limite, il est pris en compte dans le texte de la commission, comme le veut notre nouveau règlement, alors que, lorsqu'il est examiné dans le cadre d'une réunion au titre de l'article 88, il ne figure pas dans le texte. Toute l'ambiguïté vient de là. Nous avons eu une explication, mais il importe de souligner que tous nos collègues ne connaissent pas la teneur des amendements acceptés dans le cadre de la procédure de l'article 88.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

J'ai eu l'occasion de dire tout à l'heure tout le mal que je pensais de cet article 1er, sur lequel il reste encore beaucoup d'amendements en discussion.

Non seulement le dispositif que vous mettez en place est critiquable et condamnable – je ne reprends pas les arguments invoqués – mais vous êtes en train de mettre en place une usine à gaz, même si nous sommes dans le domaine de l'électricité. (Sourires.)

Finalement, EDF va produire de l'électricité d'origine nucléaire…

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

…dont elle devra mettre le quart à la disposition de ses concurrents. Sous le contrôle de la CRE, à l'aveugle, sera créée une structure dont on ne sait pas très bien de quel type elle sera, comment elle fonctionnera, avec quels moyens et qui paiera. Vous me direz que ce ne sera pas forcément une grande structure, il est même question d'une structure privée. Mais je maintiens qu'il s'agira d'une usine à gaz, ce qui revient à faire courir un risque supplémentaire au dispositif que vous mettez en place et nous donne une raison supplémentaire de ne pas voter un tel article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Je voudrais m'exprimer sur le fond et dire ma satisfaction devant le très bon dispositif qu'est le tiers de confiance. J'apporte donc mon entier soutien au rapporteur.

Il est normal que le tiers de confiance exige des renseignements précis de la part des personnes qui demanderont à avoir accès à la base et qu'il vérifie, par ce biais, la solidité du besoin exprimé. En outre, ces renseignements précis sont des renseignements concurrentiels et il est normal qu'ils ne viennent pas à la connaissance d'EDF.

Je le répète, ce dispositif est un très bon point du texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Je ne voudrais pas qu'il y ait de quiproquo sur des procédures qui ne prêtent pas à confusion.

Lors des travaux en commission, le rapporteur a proposé que l'on remplace l'accès régulé à la base par l'accès régulé au nucléaire historique. Une décision de principe a été prise et il a reporté aux réunions au titre de l'article 88 l'examen des amendements de coordination découlant de ce changement, parce qu'il aurait été trop compliqué d'y procéder dans le cadre des réunions antérieures. Et je pense, monsieur Gonnot, monsieur Brottes, que vous étiez présents lorsqu'il a été décidé de procéder ainsi en commission.

Il s'agit d'une procédure normale relevant d'un travail parlementaire classique. Cela ne prête pas, je le répète, à confusion.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Avant que nous ne levions la séance, j'attire l'attention de notre assemblée sur le fait que nous sommes en pleine improvisation. Il est question de ce texte depuis des mois, il a été rédigé après la publication d'un rapport qui n'est respecté que partiellement, et ce soir, une nouvelle entité est créée. Elle est peut-être pertinente – nous pourrons en discuter –, toujours est-il que nous ne savons pas comment ses membres seront nommés, nous ignorons comment elle fonctionnera, avec quels moyens, et pour remplir quel rôle, alors même qu'elle est au coeur du dispositif. Voilà qui montre bien que nous sommes en train de bricoler et d'improviser. Pourtant ce texte aura des effets collatéraux considérables : vous jouez aux apprentis sorciers !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Je n'aime pas le mot « bricolage ».

Lors des réunions en commission, des questions ont été posées, qui ont souvent reçu pour réponse que nous allions y travailler ensemble et nous retrouver pour les examiner dans le cadre des réunions au titre de l'article 88, juste avant l'examen du texte en séance publique. Nous l'avons fait pour des sujets importants. En l'occurrence, il s'agissait d'un sujet important.

Vous appelez cela « bricolage », monsieur Brottes. Je ne peux accepter un tel terme.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Cela revient à dire que le travail parlementaire ne sert à rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

C'est déconsidérer le travail effectué par le président, par le rapporteur, par nous-même.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Je suis prêt à retirer « bricolage » au profit d'« improvisation ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Arrêtez donc, pour une fois qu'une proposition centriste est adoptée !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Monsieur Brottes, je salue l'initiative – rare, du reste – que vous venez de prendre en acceptant de vous amender à cette heure avancée de la nuit, mais il ne s'agit pas non plus d'improvisation. Nous avons mûrement réfléchi et nous avons abouti à une formulation, adoptée par la commission dans l'après-midi. J'appellerai plutôt cela du travail bien fait : à partir d'une préoccupation exprimée par Jean Dionis du Séjour, un travail intense a été mené, des échanges ont eu lieu entre lui et les membres de la commission, à l'issue desquels nous proposons en séance publique un texte qui constitue une véritable avancée. Je me félicite qu'un tel travail ait pu aboutir et qu'entre la réunion de la commission il y a quinze jours et celle d'hier, nous ayons pu progresser de façon heureuse et utile.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

J'aimerais renforcer la position du rapporteur, monsieur Brottes, puisque vous souhaitez avoir des précisions.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Non, je me réfère au rapport, page 237, où il est indiqué que l'excellent amendement n° 155 du rapporteur à l'article 1er supprime « la définition de l'électricité de base afin de bien montrer que ce que le projet de loi appelle accès régulé à la base est en réalité un accès régulé au nucléaire historique ».

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Le problème n'est pas là : nous n'avons aucune difficulté sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Je parle du travail parlementaire tel qu'il a été fait, vous ne pouvez pas le qualifier d'improvisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Je me réjouis de vous entendre dire que nous avons raison.

(L'amendement n° 159 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

C'est un amendement de coordination, de même que le suivant, n° 161 rectifié.

(Les amendements n°s 160 et 161 rectifié , acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

En conséquence, l'amendement n° 120 tombe.

Je suis saisi d'un amendement n° 177 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Coordination, de même que l'amendement n° 162 .

(Les amendements n°s 177 et 162 , acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Monsieur Dionis du Séjour, maintenez-vous l'amendement ?

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Défavorable.

(L'amendement n° 92 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 3 .

La parole est à M. François-Michel Gonnot.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Michel Gonnot

Cet amendement propose une solution concernant notamment les opérateurs de réseaux de transport que nous avons évoqués à plusieurs reprises, à savoir la SNCF et la RATP. Actuellement, ces entreprises se réfèrent au prix du TARTAM, alors qu'elles devront, demain, se référer aux prix du marché, beaucoup plus élevés. Je rappelle que le surcoût, pour la SNCF, est estimé à 70 millions d'euros et, pour la RATP, entre 10 et 20 millions d'euros. Or aucune réponse n'a été proposée.

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez bien compris les difficultés qui n'étaient peut-être pas apparues lors de l'examen préalable du texte puisqu'il était évident pour tout le monde que les entreprises éligibles au TARTAM 70 térawattheures devaient avoir accès à l'ARENH, à l'exception de ces deux entreprises qui, aux heures de pointe, devront aller chercher l'électricité sur le marché libre, c'est-à-dire à un prix qui n'a rien à voir avec le TARTAM.

J'ajoute que la RATP est dans un système contraint, celui du STIF, et que la SNCF a passé des contrats avec les conseils régionaux s'agissant des TER. Ces deux entreprises devront donc, soit supporter dans leurs comptes le surcoût engendré, soit entamer des relations contractuelles nouvelles avec les collectivités, de façon que celles-ci prennent en compte une partie de ce surcoût ou qu'il soit imputé sur les abonnements domicile-travail, donc sur le consommateur, ce qui semble difficile dans la conjoncture actuelle.

Tout à l'heure, vous avez évoqué la nécessité de discuter avec la SNCF et la RATP, afin de trouver des solutions. Car il est clair qu'il n'est pas possible de déterminer un « tarif spécial service public », ce que la Commission européenne n'accepterait pas. Ce serait contraire au projet de loi NOME, qui vise à supprimer, d'ici à cinq ans, les tarifs spécifiques aux entreprises qui en bénéficient.

Cet amendement propose donc de réserver un volume de 10 térawattheures, ce qui représente grosso modo la consommation de la SNCF et de la RATP, à des entreprises de service public.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

La commission est défavorable à ce qu'il puisse y avoir des quotas à l'intérieur du volume de l'ARENH.

Nous sommes sensibles à l'argumentation défendue par M. Gonnot, mais d'autres demandes, tout aussi légitimes, risqueraient évidemment de voir le jour. On serait amené à préempter l'utilisation qui serait faite du volume cessible dans des conditions difficilement praticables.

M. le secrétaire d'État a déjà apporté des réponses à la préoccupation de M. Gonnot quant à la SNCF et la RATP.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Monsieur Gonnot, si on l'organise en sous-quotas, on figera la concurrence. Et on ne trouvera pas de vraie réponse concurrentielle, alors que c'est l'objet même du texte.

J'ajoute qu'avec ce type d'argument on risque de créer des problèmes techniques, y compris pour la SNCF que vous souhaitez « défendre » par le biais de cet amendement. Comment fera-t-on, en effet, si l'on atteint le plafond du sous-quota sans atteindre le plafond global ?

Enfin, la difficulté principale de la SNCF n'est pas la base mais la pointe. Or, l'ARENH s'applique essentiellement à de l'électricité de base. Imaginez que la SNCF atteigne son plafond d'électricité de base alors qu'elle a besoin d'électricité de pointe et que son problème financier concerne justement la pointe. En la matière, votre amendement, que je vous suggère de retirer, n'est pas la clef de l'équation que vous posez.

J'en profite pour dire à M. Brottes qu'il est tout à fait possible à un producteur et à un consommateur de discuter, donc à EDF de négocier avec la SNCF.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Je remercie M. Gonnot d'avoir présenté cet amendement qui nous permet de démontrer que le projet de loi NOME est absurde pour plusieurs raisons.

D'abord, les consommateurs tels que la SNCF sont obligés de s'adresser à un fournisseur pour avoir accès au nucléaire historique. Quel fournisseur vont-ils choisir ?

Ensuite, il n'est pas possible de préempter un certain volume par an pour l'affecter aux consommations d'électricité liées à un service d'intérêt économique général – s'il y avait une directive-cadre ce serait possible. Le problème va se poser pour les hôpitaux et autres établissements grands consommateurs d'électricité sans pour autant être des entreprises électro-intensives, c'est-à-dire qu'elles ne peuvent pas faire partie d'Exeltium.

Enfin, monsieur le secrétaire d'État, vous nous dites que rien n'empêche un fournisseur de négocier un prix d'ami avec un consommateur. Mais je ne vois pas comment, avec le prix de référence que va constituer l'ARENH, un opérateur historique pourra vendre de l'électricité à un prix inférieur sans que le régulateur lui tombe dessus !

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Ce n'est pas le sujet !

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Si ! On va créer un prix de référence, l'ARENH. Vendre au-dessous de ce prix ne sera plus possible, alors que ça l'est aujourd'hui.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Est-ce que j'ai dit qu'il fallait vendre au-dessous de l'ARENH ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

On va donc geler le système et créer d'énormes difficultés pour les grands consommateurs d'électricité.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Monsieur le secrétaire d'État, je ne sais pas quelle solution vous envisagez pour ces deux entreprises, mais je voudrais en appeler à la cohérence dans l'action publique.

Au-delà des répercussions que le projet peut entraîner sur les collectivités territoriales qui ont signé un contrat avec la SNCF pour les transports régionaux, je souhaite appeler votre attention sur un point que j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer à plusieurs reprises dans le cadre de la discussion de la loi sur le Grenelle de l'environnement, sans obtenir satisfaction sur les amendements que j'avais déposés.

Dès lors que le marché ferroviaire est ouvert à la concurrence, un certain nombre de sociétés ferroviaires qui transportent du fret exploitent des machines diesel sur des voies ferrées électrifiées.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

C'est le cas dans des zones comme les vallées alpines, dont l'environnement est fragile. Nous avions demandé qu'il soit impossible d'y exploiter des machines diesel, mais on nous a répondu qu'on ne pouvait pas l'interdire, qu'il fallait respecter les règles de la concurrence. Je ne voudrais pas aujourd'hui qu'en l'absence de solution la SNCF soit amenée à utiliser elle aussi des machines diesel sur des lignes électrifiées.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Michel Gonnot

Monsieur Brottes, en présentant cet amendement, je n'ai pas voulu pointer l'absurdité du texte de loi, mais une particularité à laquelle il faut trouver une réponse – ou aider les entreprises à en trouver une – dans le respect des règles générales définies par la loi NOME.

Monsieur le secrétaire d'État, avant de retirer mon amendement, je précise qu'il ne s'agit pas pour moi de défendre la SNCF ou la RATP, mais seulement de mettre en exergue un problème qui va devoir être réglé avec les collectivités dès l'année prochaine dans le cas de la RATP. Il faut veiller à ce que tous ceux qui utilisent les transports aux heures de pointe puissent préserver leur pouvoir d'achat sans augmenter l'abonnement domicile-travail.

J'espère que le Gouvernement saura trouver la solution la plus satisfaisante possible avec les collectivités et les entreprises concernées.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Monsieur le secrétaire d'État, j'imagine que la SNCF et la RATP ne sont pas les seules concernées par des tarifs consentis à des structures qui avaient besoin d'une électricité un peu moins chère. Je souhaiterais que vos services nous fournissent, d'ici à demain, la liste des grandes entreprises qui bénéficient d'une tarification particulière.

En effet, derrière cette question d'apparence anodine – encore que, pour la SNCF et la RATP, cela n'ait rien d'anodin, qu'il s'agisse des collectivités locales ou des usagers – se dessine une hausse des prix qui dépendra directement du niveau retenu pour la tarification de l'accès à l'énergie nucléaire historique.

Ensuite, je souhaite remercier notre collègue Michel Bouvard pour son intervention. Je crois me rappeler qu'un délai a été accordé, dans le secteur du fret, aux concurrents de la SNCF qui emploient des tractions n'utilisant pas l'électricité. Nous avions souhaité, pour notre part, un délai très court de façon que la concurrence – puisqu'il faut en passer par là dans ce secteur – soit « libre et non faussée », brièveté alors refusée au profit d'un délai étalé sur plusieurs années. Dès lors, il n'y a aucune raison pour que le fret ferroviaire public ne connaisse pas la même dérive.

Nous sommes donc en plein délire. Vous venez de voter un texte, le Grenelle 2, venant lui-même après le Grenelle 1. Ces textes portent haut, paraît-il, les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de lutte pour l'environnement, objectifs que l'on remet en cause au hasard d'un texte portant sur l'électricité.

Peut-être ne s'agit-il que de détails, monsieur le secrétaire d'État, mais il y en aura d'autres et chacun sait que le diable s'y niche.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

J'ai le sentiment que M. Paul commet une confusion. La SNCF n'a pas un tarif particulier parce qu'elle consommerait beaucoup d'énergie,…

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

…ou parce qu'il s'agit d'une entreprise publique, mais parce que les trains, par principe, circulent et que ces déplacements nécessitent une multitude de points de raccordement au réseau. C'est la raison pour laquelle la SNCF a un TARTAM différent des autres : sa puissance théorique et sa puissance réelle ne sont pas les mêmes.

J'y insiste, la SNCF n'est pas un consommateur électro-intensif, elle n'utilise pas beaucoup d'énergie par rapport à d'autres entreprises industrielles évoquées en commission ou bien par M. Gaymard en séance. Une dernière fois : les tarifs particuliers de la SNCF sont fonction de la multitude des points de raccordement au réseau puisque, par nature, les trains bougent.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Les amendements aussi bougent. Retirez-vous le vôtre, monsieur Gonnot ?

Debut de section - PermalienPhoto de François-Michel Gonnot

Oui, monsieur le président.

(L'amendement n° 3 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 163 , de coordination, présenté par M. Lenoir.

(L'amendement n° 163 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Prochaine séance, mercredi 9 juin 2010 à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Suite du projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 9 juin, à deux heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma