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Intervention de Hervé Gaymard

Réunion du 8 juin 2010 à 21h30
Marché de l'électricité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Gaymard :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, voilà une loi assurément fort complexe, mais elle n'est technique qu'en apparence. C'est en réalité une loi très politique car elle concerne la politique industrielle et notre conception de la construction européenne.

Chacun est bien convaincu de la nécessité de mener une politique industrielle ambitieuse, et encore davantage face à la désindustrialisation que provoque la mondialisation. Aucun pays d'ailleurs, sur aucun continent, ne demande à quiconque l'autorisation d'en mener une active. Cependant, les stratégies industrielles d'aujourd'hui ne sont pas celles des années 60 et 70.

Une politique industrielle ambitieuse doit reposer sur trois piliers :

Premier pilier, l'investissement massif dans la recherche et l'innovation, la fécondation entre la recherche et l'industrie. C'est ce que nous faisons depuis quelques années avec les pôles de compétitivité, et c'est ce que nous devrions mieux savoir faire, à l'instar des Américains, pour la synergie entre l'industrie civile et les industries de défense.

Deuxième pilier, le maintien des centres de décision en France, dont le contre-exemple absolu a été la mésaventure Pechiney. Cela n'est possible qu'en prenant des participations. C'est le rôle du FSI et des fonds régionaux, qu'il faut développer.

Enfin, troisième pilier, la tarification de l'énergie pour l'industrie, notamment pour les industries électro-intensives.

Partout dans le monde, d'une façon ou d'une autre, l'industrie est favorisée par les prix de l'énergie, que ce soit au Québec, à Oman, en Algérie, en Islande. Il n'y aurait donc qu'en Europe que ce serait impossible, voire amoral, tant les principes qui régissent le grand marché ont parfois un côté religieux dans la bouche de leurs défenseurs.

Chacun sait que le principe même de l'harmonisation des tarifs d'électricité par la fixation du prix par le marché, donc par le prix du kilowattheure marginal, plus élevé ailleurs en Europe qu'en France, est nuisible à l'industrie française, et également aux ménages. Comme l'a fort bien exposé Marcel Boiteux, « avec la suppression des tarifs régulés que demande Bruxelles, il ne s'agit donc plus, comme on pouvait le croire initialement, d'ouvrir la concurrence pour faire baisser les prix, mais d'élever les prix pour permettre la concurrence ». Le Président de la République s'est également exprimé dans les mêmes termes en 2007, et l'on connaît son implication personnelle pour une politique industrielle ambitieuse.

C'est donc le principe de cette harmonisation, l'alignement sur le moins-disant compétitif, et d'ailleurs le moins-disant environnemental, qui est absurde, et cette question aurait dû être traitée au niveau du Conseil européen des chefs d'État et de gouvernement et ne pas être abandonnée depuis des années au lent grignotage commencé par la direction de la concurrence de Bruxelles.

Ce ne fut pas le cas. Sur ce sujet comme sur d'autres, l'Europe se résout à la perspective de devenir un simple faubourg de l'histoire, par naïveté, irénisme et manque d'ambition.

Nous sommes donc en face de cette loi qui est ce qu'elle est, qui essaie de faire de son mieux compte tenu des contraintes que nous connaissons, et, pour paraphraser Talleyrand, je dirai : « ni excès d'honneur ni excès d'indignité ».

Elle a d'ailleurs été utilement amendée au cours de l'examen en commission, et il faut remercier à la fois le président Ollier, pour son implication personnelle, et notre rapporteur Jean-Claude Lenoir qui, au début de notre débat, a apporté, si j'ose cette métaphore, des explications lumineuses. (Sourires.)

Il y a au moins deux sujets sur lesquels j'attends beaucoup de cette discussion. Le premier concerne les industries électro-intensives. Ces dernières doivent pouvoir bénéficier de tarifs spéciaux adaptés à leurs besoins et leur permettant d'être présentes dans le contexte de concurrence internationale que nous connaissons. Ainsi, la notion de grande proximité doit être prise en considération dans la tarification, à l'instar de ce qui se fait en Allemagne avec le tarif dit de ligne directe.

Cette proposition répond par ailleurs à une notion historique, alors que de nombreuses industries se sont installées en zone de montagne pour être proches des centrales hydroélectriques et souffrent de l'éloignement de leurs fournisseurs et de leurs débouchés commerciaux. Je soutiendrai donc ardemment les amendements déposés par mes collègues Michel Bouvard et Martial Saddier sur ce point.

Le deuxième sujet sur lequel il faut être très vigilant est la situation particulière des régies électriques, qui ont attiré notre attention.

Je compte bien qu'au cours de la discussion ces deux sujets seront résolus, ce qui, monsieur le secrétaire d'État, conditionnera mon vote. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

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