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Intervention de Jean-Pierre Nicolas

Réunion du 8 juin 2010 à 21h30
Marché de l'électricité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Nicolas :

Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, l'énergie est probablement l'un des défis majeurs auquel sera confronté l'ensemble des pays lors de la prochaine décennie. Il n'est en effet plus acceptable que 85 % de l'énergie produite dans le monde le soient à partir d'hydrocarbures. Dans ce contexte, notre pays occupe une position tout à fait particulière puisqu'il ne dispose pratiquement pas de gisement pétrolier ou gazier. C'est pourquoi le pari du nucléaire lancé et réussi depuis les années soixante-dix revêt aujourd'hui une acuité toute particulière pour l'insérer dans le marché européen de l'énergie. Comment la rente nucléaire, qui permet aux consommateurs français de disposer d'une énergie compétitive rendant notre territoire particulièrement attractif tout en préservant l'environnement et en assurant à chacun un accès à l'énergie à un prix avantageux, peut-elle être maintenue dans le cadre européen de l'énergie ? À l'évidence la réponse est complexe puisque l'organisation du marché de l'électricité a été modifiée sept fois en dix ans depuis l'ouverture de notre marché décidée par le gouvernement de Lionel Jospin en 2000. Ce projet de loi constituera donc une nouvelle modification. D'aucuns pensent même qu'il s'agit d'un texte dont la portée est quasiment aussi importante que celle du texte de 1946. Souhaitons qu'il permette une organisation stable car la production, le transport et la distribution de l'électricité sont des activités capitalistiques pour la performance desquelles les opérateurs ont besoin de lisibilité. Il s'agit de mettre un terme au contentieux qui nous oppose aux autorités européennes, lesquelles reprochent au gouvernement français de ne pas avoir libéralisé le marché en maintenant des tarifs administrés et à EDF d'entraver la concurrence en voulant maintenir sa position d'opérateur intégré. La libéralisation du marché, et donc la renonciation aux tarifs régulés, aurait pénalisé très sensiblement les consommateurs français qui bénéficient de la compétitivité de notre parc de production, lequel dégage un prix du kilowattheure pour le consommateur final environ 30 % moins cher que le prix du marché.

Le Gouvernement a donc choisi d'ouvrir à la concurrence la production nucléaire en contrepartie du maintien des tarifs régulés pour les petits clients et du maintien de ces tarifs jusqu'en 2015 pour les plus gros clients. C'est le fil directeur de ce texte sur lequel je ferai trois remarques. La première concerne l'accès régulé à la base – l'ARB – qui constitue une disposition fondamentale du projet de loi. En effet, il ne s'agit plus de savoir si EDF doit vendre à ses concurrents une partie de sa production, mais de savoir à quel prix, quel volume et pendant combien de temps. Un prix d'accès à la base inférieur au coût économique complet spolierait l'actionnaire et EDF tout en envoyant un mauvais signal aux concurrents, qui ne seraient pas incités à investir en capacités de production.

En outre, cela n'inciterait pas EDF à réaliser les investissements de maintenance nécessaires à l'indispensable amélioration du taux de disponibilité du nucléaire, dont, faut-il le rappeler, un point de disponibilité équivaut à 200 millions d'euros.

L'exposé des motifs du projet affirme que, dans un premier temps, le prix effectif de l'accès régulé à la base sera cohérent avec le prix facturé aux clients bénéficiant du TARTAM, le tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché. Je me réjouis de cette déclaration d'intention. Elle devra se vérifier dans les faits et le prix de départ de l'ARB ne doit pas être inférieur à celui du TARTAM.

Ma deuxième remarque concerne le volume d'accès à la base cédé à chaque fournisseur alternatif. La vigilance s'imposera afin d'éviter les effets d'aubaine et de respecter la mise en concurrence voulue par ce texte. Aussi, pour un même portefeuille de clients, un fournisseur ne peut se prévaloir d'obtenir deux fois de l'électricité à un prix préférentiel.

Ce texte exclut de prendre en compte en base la production d'électricité au fil de l'eau. Il s'agit pourtant d'une production d'électricité qui, dans notre système, a toujours été considérée comme une production en base, avant même le nucléaire, et qui, de surcroît, produit un kilowattheure à bas prix vanté par les opérateurs disposant d'un tel système. Il semble aujourd'hui que cette production, si compétitive dit-on, soit plutôt valorisée le plus possible en étant vendue directement sur le marché de gros.

Si l'on ne défalque pas cette production au fil de l'eau de l'accès à la base consenti à ces opérateurs, la concurrence avec ceux qui ne possèdent pas de production au fil de l'eau me paraît faussée, à moins que l'ARB ne soit tout simplement devenu l'ARN, l'accès régulé au nucléaire.

Ma troisième remarque concerne la réversibilité des tarifs. C'est une bonne chose. C'est d'ailleurs pour cette raison que notre majorité s'est battue pour instaurer le TARTAM, sous l'impulsion de notre brillant rapporteur, Jean-Claude Lenoir.

Néanmoins, il me paraît nécessaire d'encadrer l'exercice du droit à la réversibilité. Ce ne doit pas être un droit à faire des allers-retours incessants en fonction des opportunités financières. Les tarifs réglementés doivent demeurer un dispositif de protection du consommateur et non un objet de spéculation financière. C'est pourquoi je propose que le passage d'un système à l'autre, tarif ou prix, se fasse pour une période d'un an minimum. Cela donnera d'ailleurs davantage de lisibilité aux opérateurs.

Pour conclure, je dirai qu'il s'agit là d'un texte difficile mais courageux, dont l'application laisse une grande part aux décrets. Il conviendra donc d'être vigilant et pragmatique afin que les consommateurs français continuent à bénéficier d'un prix du kilowattheure particulièrement compétitif. Il nous appartient de les protéger et, pour cela, monsieur le secrétaire d'État, je vous fais entièrement confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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