Monsieur le secrétaire d'État, votre projet d'organisation du marché français de l'énergie vise à transposer la directive européenne en établissant des règles communes pour le marché intérieur de l'énergie tout en amplifiant l'ouverture de ce marché à la concurrence.
La France est de fait engagée dans cette ouverture depuis 2000, quand la loi relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité a proposé une évolution progressive et maîtrisée, respectueuse des missions du service public.
Aujourd'hui, vous fondez votre énième réorganisation – la septième, je crois – à la fois sur la nécessité de transposer la directive européenne, la complexité actuelle liée à la multiplicité des tarifs, réglementés, TARTAM, offres de marché, et la trop faible part de marché prise par les fournisseurs autres que l'opérateur historique, engendrant de fait une offre alternative peu innovante.
En ce qui concerne le premier argument, celui d'un grand marché de l'énergie européen, on peut constater que seize pays européens, soit plus de la moitié, ne sont pas en conformité aujourd'hui avec la directive sur le marché de l'énergie, nombre d'entre eux étant même beaucoup moins avancés que notre pays dans la démarche d'harmonisation. En pleine période de crise économique, sociale, environnementale, le moment était-il vraiment bien choisi pour bouleverser un secteur aussi stratégique pour l'emploi, l'environnement, notre spécificité et notre expertise historiques du nucléaire et de l'hydraulique, qui fournissent 92 % de notre électricité, nous rendant à la fois particulièrement vertueux en termes d'émission de gaz à effet de serre et concurrentiels sur les tarifs, tant pour notre marché domestique que pour l'exportation ? La non-prise en compte de cette spécificité aura un impact désastreux à la fois sur le plan social et sur le plan économique.
Sur le plan social, tout d'abord, au moment où un nombre significatif de Françaises et de Français, en situation de précarité, renoncent à se chauffer pour des raisons financières – nous le voyons dans nos circonscriptions, en tout cas dans certaines – et où les charges sont de plus en plus lourdes pour les locataires du parc social et très social, est-il judicieux de bouleverser tout un système, en prenant le risque annoncé de relever de façon très brutale et importante les tarifs de l'électricité, avec une progression évaluée par la CRE elle-même à 15 % dans les deux années à venir ? La réponse est bien entendu non, ce n'était vraiment pas le moment. C'était plutôt le moment d'aller négocier à Bruxelles une suspension de cette ouverture du marché pendant la période de crise. Il est vrai que la négociation avec les Européens en général et nos voisins allemands en particulier n'est pas un domaine d'excellence de la part de nos gouvernants actuels,…