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Intervention de Bernard Lesterlin

Réunion du 8 juin 2010 à 21h30
Marché de l'électricité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Lesterlin :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui marque la fin d'une longue épopée, celle du service public de l'électricité. Aujourd'hui, cette fierté française est menacée par un double hold-up. En Europe, c'est l'histoire du hold-upde l'Europe sociale par les faucons du libéralisme et les dogmatiques de la concurrence. En France, c'est l'histoire du hold-up des consommateurs par les opérateurs de tout bord, avec la complicité des gouvernements libéraux. Au cours de ces dernières semaines, les lobbies se sont déchaînés. De puissants intérêts privés se sont activés pour obtenir leur part du gâteau de l'ouverture du marché.

Car c'est bien du gâteau que cette loi offre aux opérateurs du secteur de l'électricité. Le gâteau de l'électricité de base, produite par le parc nucléaire qu'ont financé nos impôts pendant un demi-siècle, sera désormais livré aux grands conglomérats de l'énergie. Sur ce marché, la concurrence n'aboutit pas seulement au démantèlement d'un service public historique, mais, comme l'ont montré les mésaventures de nombreux pays européens, conduit paradoxalement à l'explosion des prix. Au lieu d'introduire la concurrence pour faire baisser les prix, on augmente les prix pour introduire la concurrence. En autorisant la réévaluation des prix pour inclure des coûts d'investissement, de distribution et de commercialisation mal définis, ce projet de loi expose le consommateur à des hausses inéluctables et incontrôlées. En réduisant le nombre de personnalités siégeant à la Commission de régulation de l'énergie, il fragilise la régulation face aux lobbies.

Nous, socialistes, lutterons tout au long de ce débat pour donner des armes au régulateur, pour lutter contre l'influence néfaste des lobbies et pour fixer un prix protégeant les consommateurs exposés à la précarité énergétique. Nous sommes conscients de l'immense défi que la transition énergétique représentera dans les années à venir. Pour réduire notre dépendance à l'égard des énergies carbonées et résorber les risques induits par l'amoncellement des déchets nucléaires, il nous faudra maîtriser notre consommation d'énergie. L'effacement de consommation par les gros industriels doit être encouragé, l'information des consommateurs sur les économies d'énergie doit faire l'objet d'une politique plus volontariste.

À la place, ce texte promeut une vision punitive de la transition énergétique : pour réduire notre consommation, le Gouvernement ne nous propose rien de mieux que le coup de bâton et une explosion des prix. Obsédée par le culte du marché, la droite considère que, en augmentant les prix auxquels l'électricité est offerte, la demande s'ajustera automatiquement. C'est oublier que, pour de nombreux ménages précaires, l'électricité est un bien de première nécessité, une consommation quasi incompressible. Avec l'explosion des prix, ce sont des fleurons de notre industrie, mais aussi les ménages les plus précaires, deux catégories déjà durement frappées par la crise, qui seront les premières victimes.

Le Gouvernement fait aussi preuve d'une constance remarquable quand il s'agit d'Europe. J'aborde ici l'histoire de notre second hold-up. Aujourd'hui, on nous présente cette loi comme un bouclier, qui nous protégerait de l'épée de Damoclès de la Commission européenne. Nous serions obligés de brader notre service public de l'énergie sous la pression de Bruxelles. Que les choses soient bien claires : les socialistes sont fatigués de voir l'Union européenne instrumentalisée par les gouvernements de droite. Au lieu d'être un grand projet d'union des peuples, par les peuples, pour les peuples, l'Union européenne est devenue une froide machine bureaucratique et intergouvernementale, un bouc émissaire tout trouvé. Les gouvernements prêchent à Bruxelles ce qu'ils dénoncent chez eux. Aujourd'hui, on veut nous faire croire que nous n'avons pas le choix, qu'il n'y a pas d'alternative à l'organisation néolibérale du service public de l'électricité. C'est faux.

Rappelons que, en 2002, au Conseil européen de Barcelone, Lionel Jospin avait limité l'ouverture du marché de l'électricité aux seules grosses entreprises et l'avait conditionné par une directive européenne sur les services publics.

Nous, socialistes, rendons hommage au talent et à l'expérience de nos services publics, construits au fil des années. En s'appuyant sur ce savoir-faire reconnu, la France a le devoir de proposer à ses partenaires européens une véritable Europe des services publics, y compris dans le domaine de l'énergie. Le rapport Champsaur soulignait bien, d'ailleurs, l'absence de coordination et la maigre qualité des interconnexions des réseaux européens. Il constatait « l'ampleur des investissements nécessaires sur le système électrique européen dans les vingt prochaines années ». Les grandes infrastructures d'intérêt continental, comme les chemins de fer, les autoroutes et les équipements de production ou de distribution de l'énergie, ne sauraient être gérés efficacement que par de grands services publics, pour lesquels les frontières nationales d'aujourd'hui semblent peu pertinentes. Cela permettrait de répartir équitablement le poids des investissements entre tous les Européens, au lieu de laisser nos voisins profiter avec facilité de la rente nucléaire que le Gouvernement nous invite à payer par nos impôts et par des prix de l'électricité toujours plus élevés.

Une panne d'électricité laisse l'aveugle indifférent. J'ai bien peur qu'il en aille de même pour ce gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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