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Intervention de Michel Heinrich

Réunion du 8 juin 2010 à 21h30
Marché de l'électricité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Heinrich :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis les années soixante-dix, la France a fait le choix ô combien judicieux de l'indépendance énergétique en matière d'électricité. Pauvre en ressources fossiles, elle s'est dotée d'une vision industrielle à long terme qui lui permet aujourd'hui de posséder un parc de production électrique performant, produisant une électricité fortement décarbonée à un coût qui, notamment pour les entreprises, est parmi les plus bas d'Europe – inférieur de 33 % à la moyenne des autres pays de l'Union.

Le projet de loi vise à répondre aux injonctions de la Commission européenne afin d'établir en France un marché de l'électricité plus concurrentiel. J'ai bien compris que, pour le Gouvernement, entre un conflit ouvert avec la Commission européenne et la limitation de toute régulation des prix, les marges de manoeuvre étaient étroites. Ce projet maintient les tarifs réglementés pour le petit consommateur et organise des possibilités permettant de passer des offres libres au tarif réglementé, ce qui me paraît rassurant.

Je suis plus inquiet en ce qui concerne les entreprises grosses consommatrices. En effet, chaque fois que, quelque part dans le monde, on a voulu imposer la concurrence en matière de marché de l'électricité, cela s'est traduit par une augmentation des tarifs. Ainsi, aux États-Unis, où l'ouverture à la concurrence a débuté dans les années quatre-vingt-dix, certains États reviennent à une situation de marché régulé.

En obligeant EDF à vendre une partie importante de sa production à des fournisseurs alternatifs, ne risque-t-on pas de faire émerger des concurrents dont l'objectif sera de maximiser les bénéfices sans apporter de valeur ajoutée au système ? Même s'ils sont contraints d'investir dans la production d'électricité en France, ne seront-ils pas tentés par des investissements moins coûteux, de type thermique, gros émetteurs de CO2, mais dont le retour sur investissement est très rapide ? Le risque de s'orienter vers des réalisations rentables à court terme, au détriment du long terme, me semble grand.

Aussi ai-je le sentiment que ce texte risque d'affaiblir EDF et de réduire sa capacité d'investissement. De plus, l'obligation faite à EDF de vendre une partie importante de sa production à prix coûtant me semble inéquitable, car elle n'intègre pas les risques d'exploitation, ni les risques financiers, ni les risques industriels, ni les risques sociaux pris par l'électricien français, et elle ne prend pas en compte le coût de la recherche et du développement relatif aux futurs équipements.

Quant aux industriels gros consommateurs que j'ai pu rencontrer, ils sont plutôt inquiets et craignent de perdre de leur compétitivité. Ils souhaitent savoir quelle part de leur consommation sera fournie par le dispositif dit d'accès régulé à la base et sous quel profil. Ils demandent que les volumes d'ARB soient alloués sous la forme d'un « ruban de base », c'est-à-dire une puissance constante toute l'année pour la part de leur consommation correspondant à la part d'électricité nucléaire dans la consommation française. Ils souhaitent également que le contrat soit pluriannuel afin de bénéficier d'une véritable visibilité.

On peut par ailleurs s'étonner de l'absence de représentants des consommateurs dans la composition du collège de la CRE.

Enfin, je désirerais savoir si les engagements pris vis-à-vis du consortium Exeltium seront encore compatibles avec la loi NOME.

Vous le voyez, monsieur le secrétaire d'État, ce texte ne me rassure pas vraiment, pas plus pour l'avenir d'EDF qu'en ce qui concerne le coût de l'énergie pour les entreprises électro-intensives. J'attends la suite du débat pour déterminer mon vote. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

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