Notre collègue Daniel Paul, digne héritier de Marcel Paul, a évoqué la création d'un pôle public de l'énergie en présentant un amendement qui avait été déclaré irrecevable. Il ne m'a pas échappé que si nous avions choisi une formulation proche de la sienne, notre amendement aurait été, lui aussi, irrecevable.
Comme certains d'entre vous l'ont fait remarquer, depuis que vous avez privatisé Gaz de France, rendre à nouveau public, le cas échéant, le secteur du gaz coûterait très cher. Ce serait même d'un accès difficile pour les finances publiques de demain. Pourtant, nous sommes, nous aussi, partisans d'un pôle public de l'énergie et nous pensons qu'il faudra commencer par rendre publique la totalité des réseaux de transport et de distribution.
Lorsque, sous la gauche, le réseau de transport de gaz a été, pour l'euro symbolique, transmis à l'actif de Gaz de France, alors 100 % public, il s'agissait de permettre à l'entreprise d'avoir une autorité financière avec un actif significatif lui permettant de voir l'avenir sous un prisme plus offensif. Nous ne l'avons jamais fait dans la perspective que ce réseau puisse tomber dans l'escarcelle des actionnaires privés d'une autre entreprise ! Ça, c'est votre majorité qui l'a fait : vous avez fait bénéficier les actionnaires de Suez d'un actif qui avait été payé par l'ensemble des Français et qui avait été transmis pour l'euro symbolique.
Aujourd'hui, il ne serait pas possible de revenir en arrière pour le même prix. On peut faire confiance à ceux qui siègent autour de la table de GDF Suez pour nous présenter une facture sensiblement plus élevée ! C'est pourquoi un pôle public de l'énergie coûterait à la nation, à moins de reprendre certaines formules pas inintéressantes du tout qui existent en Amérique du Sud. (Sourires.) Je ne suis pas sûr que ces précédents contemporains vous paraissent pertinents, mais ils peuvent donner des idées – qui a dit « Lula-là ! » ? (Sourires.)
En tout état de cause, puisque cela coûterait, l'amendement serait irrecevable. Pour éviter cela, nous demandons, selon la formule consacrée, que le Gouvernement réfléchisse sur le sujet et nous remette un rapport. Ainsi, le débat est ouvert.
Je crois avoir exprimé clairement quelle était notre position sur le fond et suivant quelle méthode nous procéderions pour avancer. Effectivement, il faudrait chiffrer les conséquences, importantes. On ne peut pas imaginer que le réseau de transport de gaz tel qu'il est aujourd'hui – fortement stratégique – soit opéable. Nous savons à quel point les contrats d'approvisionnement dont bénéficient les opérateurs en France aujourd'hui nous lient dans des conditions parfois compliquées – voir les explosions des tarifs. Les contrats d'approvisionnement les moins chers ne sont pas forcément fléchés vers la France, dit-on, parce que la formule de calcul permet de répercuter sur le consommateur le prix coûtant. Peut-être aurait-on pu s'y prendre autrement. En tout cas, l'approvisionnement en gaz est un vrai sujet et pour la France, et pour l'Europe.
Lorsque des opérateurs ont des visées à la fois sur l'approvisionnement, le stockage, le transport et la distribution, on a toutes les raisons de penser qu'il serait très stratégique pour la nation de conserver la main publique sur les activités de réseaux de transport et de distribution de gaz et d'électricité. Pour l'instant, c'est encore le cas pour l'électricité, donc restons lucides ; ça ne l'est plus pour le gaz. La création de ce pôle public de l'énergie en commençant par les infrastructures nous paraît une question à laquelle il serait utile de réfléchir. Voilà pourquoi nous proposons cet amendement.