La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2012 (nos 4332, 4339 et 4338).
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant aux amendements identiques nos 531 à 540 à l'article 1er.
Madame la présidente, madame la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, si nous pouvons concevoir que, s'agissant de la vente de véhicules automobiles, la question de la production sur le territoire national se pose, nous sommes gênés que la hausse de la TVA s'applique aux activités d'entretien et de réparation automobiles. C'est pourquoi nous vous proposons d'exclure du champ d'application de cette hausse la vente de véhicules et de pièces automobiles, ainsi que les activités d'entretien et de réparation automobiles.
Ces amendements sont d'autant plus justifiés que les personnes qui utilisent leur véhicule, souvent pour se rendre à leur travail, sont également pénalisées par la hausse du prix des carburants, liée, certes, à l'augmentation du prix des produits pétroliers – que l'on a du mal à maîtriser –, mais aussi à celle de la TVA, dont l'impact a été évalué par le rapporteur général à deux centimes par litre de carburant. Si cette augmentation de la TVA devait également s'appliquer à toutes les opérations d'entretien, nos concitoyens seraient donc doublement pénalisés.
La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos 531 à 540 .
La parole est à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement, pour donner l'avis du Gouvernement sur cette série d'amendements.
Défavorable.
(Les amendements identiques nos 531 à 540 ne sont pas adoptés.)
La hausse de la TVA décidée par le Gouvernement frappera de manière aveugle, puisque, comme nous l'avons vu lors de l'examen des amendements précédents, elle concernera aussi bien les travaux dans le bâtiment que l'automobile.
Je vous propose ici un amendement écologique, puisqu'il vise à ne pas pénaliser la pratique du vélo.
Le Grenelle de l'environnement nous incite à privilégier, dans nos métropoles, des modes de transport propres dans le cadre des plans de déplacement urbain que nous devons élaborer. Ainsi, dans l'agglomération grenobloise, nous prévoyons de donner davantage de place au vélo, en portant sa part dans les déplacements quotidiens de 4 % à 8 %, ce qui est un objectif ambitieux. Or, votre mesure tombe fort mal, puisque tous ceux qui souhaitaient se mettre au vélo vont devoir payer un peu plus cher non seulement leur vélo, mais aussi leur pompe, leurs pneus, les réparations…
En somme, la hausse de la TVA va freiner la pratique du vélo. (Sourires.)
(Les amendements identiques nos 541 à 550 , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
Ces amendements visent à maintenir le taux de TVA à 19,6 % pour la fourniture des services de communication électronique. Nous savons en effet qu'environ 70 % de nos concitoyens disposent aujourd'hui d'un accès à l'Internet fixe et que les dépenses liées aux communications électroniques sont devenues des dépenses contraintes pour les ménages, internet étant désormais un bien essentiel. Vos mesures alourdiront d'autant plus la facture qu'ils doivent acquitter que, en plus de leur abonnement fixe, ils disposent, pour ceux qui le peuvent, d'un abonnement à l'internet mobile. Quant aux terminaux de connexion à internet, il s'agit, pour la plupart, de produits importés, dont, si l'on suit votre raisonnement, le prix augmentera également de manière conséquente.
J'ajoute que cette mesure aura un impact particulièrement négatif sur un secteur considéré, dans notre pays, comme un secteur de croissance dont les besoins en investissement sont considérables, notamment en matière de fibre optique.
La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire pour présenter l'amendement n° 557 .
S'agissant de la taxation des services de communication électronique, on peut dire que le Gouvernement a de la suite dans les idées, puisque c'est en 1987 que ces services ont été soumis à la TVA, date à laquelle, chers collègues de la majorité, votre famille politique était au pouvoir. Aujourd'hui, comme si cela ne suffisait pas, vous appliquez la hausse de la TVA à ces services, qui sont devenus indispensables aux particuliers et aux entreprises. Pourtant, les coûts des télécommunications sont déjà, en France, parmi les plus élevés d'Europe.
Madame de la Raudière, laissez M. Gagnaire poursuivre ; vous pourrez prendre la parole ensuite, si vous le souhaitez.
Vous savez parfaitement que c'est vrai, madame de la Raudière ; nous avons régulièrement ce débat en commission.
Ce n'est pas vrai, et heureusement qu'un quatrième opérateur a fait baisser les prix.
En tout cas, les trois opérateurs historiques ont bénéficié d'une rente de situation, de sorte que nos concitoyens ont payé leur abonnement beaucoup plus cher que dans les autres pays. Quant à l'État, il a largement profité de la taxation des services de communication électronique.
Or, l'application de la hausse de la TVA à ces services aura des effets sur la vie des entreprises, notamment des très petites. Je me suis en effet aperçu, en consultant internet, que des dirigeants de TPE remboursent leurs frais téléphoniques à leurs techniciens ou collaborateurs. Comme ils ne peuvent déduire la TVA, puisqu'il s'agit de remboursements de frais sur facture, la hausse de la TVA va renchérir leurs coûts de fonctionnement.
Votre dispositif bancal…
…nuira ainsi à la compétitivité de la France et de ses petites entreprises, puisque vous surtaxez les communications au-delà du raisonnable, la France étant déjà l'un des pays où elles sont le plus taxées.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est faux. La France est l'un des pays où elles sont le moins chères !
Ce n'est pas vrai. Allez vérifier chez nos voisins, au lieu de dire n'importe quoi.
Plutôt que de répéter inlassablement que c'est moins cher en France – sans doute pour vous en convaincre, comme le préconise la méthode Coué –, je vous invite à aller voir ce qui se passe ailleurs. En tout état de cause, je vous assure qu'il y a des gains de compétitivité à réaliser en matière de télécoms.
Très bien !
(Les amendements identiques nos 554 à 563 , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
Cet amendement vise à réserver un traitement particulier au chocolat (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), quitte à décevoir certaines personnes, ici présentes, qui ne pensent qu'à manger du homard. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous savez que la Commission européenne a pris des dispositions visant à ce que le chocolat contienne moins de beurre de cacao. Il importe donc de défendre à la fois le chocolat élaboré à base de vrai beurre de cacao et le commerce équitable : à cet effet, notre amendement n° 608 vise à ce que soit conservé un taux de TVA à 19,60 % pour la vente de chocolat et de tous les produits composés contenant du chocolat et du cacao issus de la filière certifiée du commerce équitable.
Je sais que nombre de nos collègues sont amateurs de vrai chocolat – n'est-ce pas, madame la présidente ? – et je ne doute donc pas du fait qu'ils auront à coeur de soutenir notre amendement.
Force est de reconnaître qu'entre les recettes de cuisine et la composition des produits, vous faites indéniablement progresser nos connaissances culinaires, monsieur Rogemont.
Quel est l'avis de la commission ?
Bien qu'il s'agisse ici de notre culture, la commission est défavorable à ces amendements.
(Les amendements identiques nos 599 à 608 , repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
Avant toute chose, madame la présidente, je prends la précaution de préciser que l'amendement n° 614 vise essentiellement à défendre le commerce équitable. En effet, nous proposons de conserver un taux de TVA à 19,6 % pour la vente de bijoux et d'autres objets artisanaux issus de la filière certifiée du commerce équitable, au lieu de faire passer ce taux à 21,20 %.
À défaut d'une réelle politique de promotion de ces modes de consommation durables qui méritent une attention particulière, il faut maintenir le taux de 19,60 % sur les bijoux et autres objets artisanaux issus de la filière certifiée du commerce équitable, afin d'éviter que les prix n'augmentent, grevant ainsi encore davantage le pouvoir d'achat des ménages. Notre objectif est également de faire en sorte que ce type de commerce soit consolidé, voire développé partout en France.
(Les amendements identiques nos 609 à 618 , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
Je suis saisie d'une série d'amendements identiques, nos 619 rectifié à 628 rectifié .
La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour présenter l'amendement n° 620 rectifié .
Il s'agit de conserver un taux de TVA à 19,60 % pour la vente du papier recyclé. Une vraie filière du papier recyclé est en train de naître en France, comportant des activités de recherche, innovation et développement. Ainsi, une coopérative de l'ouest de la France vient de prendre des marchés à des pays pourtant très concurrentiels dans ce domaine. Pour lui permettre de résister et d'assurer son développement, la filière aurait besoin d'un coup de pouce, pouvant prendre la forme d'une non-augmentation de la TVA. J'espère que vous serez sensibles à l'avenir de la filière du papier recyclé et que vous voterez, par conséquent, notre amendement n° 620 rectifié .
(Les amendements identiques nos 619 rectifié à 628 rectifié , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
La TVA est un impôt injuste : elle représente 14 % du revenu des 10 % de ménages les plus pauvres, et seulement 5 % du revenu des ménages les plus riches qui, en proportion, consomment moins et épargnent plus. C'est un impôt injuste qui frappe à l'aveugle dans toutes les branches, y compris celles des lunettes. (Sourires.) Nous proposons donc de garder un taux de TVA à 19,60 % pour les ventes de lunettes au lieu de le porter à 21,20 %.
Vous savez que, sous l'effet des franchises médicales, forfaits et déremboursements instaurés par l'UMP durant la législature, les renoncements aux soins sont devenus de plus en plus courants parmi nos concitoyens.
Vous vous souvenez également que l'UMP a voté le doublement de la taxe sur les assurances, qui a conduit les assurances complémentaires à augmenter leurs tarifs – ce qui accentue, bien sûr, la propension à renoncer aux soins chez nos concitoyens les plus défavorisés.
Ce dysfonctionnement est d'autant plus sensible dans les secteurs de l'optique et des soins dentaires. Le rapport annuel pour 2011 du Haut conseil de l'assurance maladie a fait apparaître que les renoncements aux soins pour des raisons financières portent essentiellement sur ces deux types de prestations. Or, vous savez que si les prothèses dentaires ne sont pas soumises à TVA, il n'en est pas de même pour les lunettes. Une augmentation de la TVA risquerait donc d'avoir des conséquences importantes sur le montant du « reste à charge », susceptible de devenir dissuasif pour nos concitoyens ayant besoin d'acheter des lunettes. Il s'ensuivrait un accroissement des inégalités – c'est très net quand on fait le point sur ce sujet (Sourires) –, les plus démunis, titulaires d'une couverture complémentaire faible, voire inexistante, étant particulièrement exposés. J'espère donc vous avoir convaincus, mes chers collègues, de la nécessité de maintenir à 19,6 % le taux de TVA sur les ventes de lunettes.
La parole est à Mme Catherine Quéré, pour soutenir l'amendement n° 652 .
Je vais essayer de ne pas répéter ce que vient de dire notre collègue Mallot, qui s'est montré brillant, comme à son habitude.
Pour ma part, je veux insister sur la situation des personnes âgées, qui y regardent à deux fois avant de s'acheter des lunettes (Sourires)…
…de même que les familles à revenus modestes, car les lunettes sont très chères et extrêmement mal remboursées.
Le fait que certaines personnes soient obligées de renoncer à s'acheter des lunettes pose de gros problèmes en matière de santé, mais aussi de sécurité, si l'on songe par exemple à la conduite automobile. Il me paraît donc très grave d'augmenter la TVA sur un produit auquel les personnes modestes accèdent déjà difficilement, du fait de son prix. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous croyez que du temps de Lionel Jospin, les gens étaient mieux remboursés ?
Pour ces raisons, nous vous demandons de maintenir la TVA à 19,6 % pour les ventes de lunettes. Faire passer ce taux à 20,2 % serait une mesure injuste, inefficace et dangereuse.
(Les amendements identiques nos 644 à 653 , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
Je suis saisie de dix amendements identiques, nos 446 à 455 .
La parole est à M. Christian Eckert.
Nous retirons ces amendements, madame la présidente.
(Les amendements nos 446 à 455 sont retirés.)
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement n° 418 .
Cet amendement vise à ajuster le régime de forfait agricole au titre de l'augmentation du taux de TVA de 1,6 % sur certains produits.
(L'amendement n° 418 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
La parole est à M. Christian Eckert pour présenter l'amendement n° 775 .
Nous voulons éclairer nos concitoyens sur les conséquences néfastes sur le pouvoir d'achat de la hausse de la TVA sur les carburants, qui va frapper plein pot (Sourires) les utilisateurs de véhicules automobiles, surtout ceux qui ne peuvent pas faire autrement que d'utiliser leur véhicule pour se rendre au travail.
Dans son rapport – extrêmement sérieux, comme d'habitude –, le rapporteur général a évalué à 2 centimes d'euros par litre de carburant la hausse des prix que devrait provoquer cette mesure dont nous soulignons l'injustice. J'ajoute que les carburants ne sont pas des produits concurrentiels et qu'il y a donc très peu d'espoir que les producteurs et les distributeurs de produits pétroliers envisagent une diminution de leurs prix.
Notre amendement vise donc à atténuer et à compenser la hausse de la TVA par la diminution de la taxe qui s'y applique – un mécanisme similaire à celui connu sous le nom de « TIPP flottante ».
J'ai bien entendu, madame la ministre, la réponse que vous avez apportée à ces questions, hier ou avant-hier, en prenant l'engagement de rendre un rapport sur le sujet. Nos concitoyens auront compris que ce n'est pas là une réponse adaptée et qu'ils paieront plein pot, si j'ose dire, cette hausse de TVA sur des produits dont ils ne peuvent limiter l'utilisation.
Défavorable. Nous avons déjà eu ce débat la nuit dernière, monsieur Eckert, à propos de l'amendement – que nous avons adopté – consistant à faire, dès le 15 janvier 2013, la somme de la TVA recouvrée et de la TIPP et à comparer le résultat aux prévisions.
À partir de cet examen par la commission Durieux, nous verrons comment le surplus éventuel pourra être utilisé. Cela correspond en fait, même si la procédure employée est différente, à l'amendement que vous nous proposez. L'avis est donc défavorable.
Nous avons déjà répondu en partie à cet amendement.
Mais non, monsieur Mallot ! Nous avons pris l'engagement, au nom du Gouvernement, de consulter la commission Durieux pour qu'elle nous dise ce qu'il faut faire si l'État réalise des recettes supplémentaires liées à la hausse de la TVA.
Je considère donc que votre amendement est satisfait. C'est pourquoi je vous demande de le retirer. Il est prématuré d'essayer de dire dès aujourd'hui si la hausse de la TVA aura ou non un impact sur les prix de l'essence. Nous verrons ce qu'il en sera le jour où cette hausse entrera en vigueur. Alors, nous déciderons…
C'est plutôt nous qui déciderons ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)
…ce qu'il faut faire pour la TIPP, d'autant que nous espérons bien sûr une accalmie en matière de hausse des prix des carburants.
Madame la ministre, je ne sais pas très bien qui est prématuré dans l'affaire ! (Sourires.) En effet, hier soir, vous nous avez expliqué que l'on saisirait la commission Durieux.
Certes, monsieur le rapporteur général, mais il y a tout de même un problème. Je vous suggère de conseiller à la commission Durieux de lire votre rapport. Ce faisant, ses membres s'apercevront que vous avez évalué à deux centimes par litre l'impact de la hausse de la TVA, ce qui leur économisera beaucoup de travail ! Voilà bien la démonstration que vous vous moquez du monde.
Je voudrais revenir sur la discussion d'hier soir, lors de laquelle vous nous avez parlé, madame la ministre, d'un rapport à l'automne. Or, il est désormais question, non plus de l'automne, mais du 15 janvier. Il est vrai que l'amendement était rédigé de façon à signifier, en substance, que le Gouvernement produirait un rapport au Parlement le 15 janvier pour mesurer les effets des différentes mesures. On mélangeait d'ailleurs un peu tout, puisqu'il était question de la TVA, de la TIPP, mais aussi, pour mettre encore un peu plus de bazar, des régions, auxquelles revient une part de la TIPP. Il n'était nullement question dans votre amendement, madame la ministre, de la commission Durieux. De toute façon, que je sache, c'est tout de même au Parlement que revient le dernier mot !
Je pense donc que c'est une illusion. Mme Dalloz l'a sans doute bien compris, d'ailleurs.
Elle avait imprudemment soulevé la question au travers d'un de ses amendements, qu'elle avait ensuite courageusement retiré ! Elle s'est contentée, au lieu d'une diminution de la TIPP pour compenser la hausse de la TVA, d'un rapport remis au Parlement le 15 janvier par le Gouvernement, sans engagement plus ferme.
Or cette question est tout de même essentielle. Au moment où les prix des carburants atteignent des sommets – et ils ne sont pas seuls en cause, car il y a aussi les combustibles –, il faut que nos concitoyens soient informés. On a là un vrai problème, qui concerne tous les Français car tout le monde va être frappé. Et votre réponse est : « On fera un rapport le 15 janvier. » C'est tout de même un petit peu court !
Je souhaite m'exprimer, dans la mesure où j'ai été mise en cause. Il est vrai que nous avons souhaité, Louis Giscard d'Estaing et moi-même…
…ouvrir le débat sur la progression qu'allait connaître la TIPP du fait de la hausse de la TVA.
Vous n'avez qu'à organiser un référendum ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)
Mais je suis étonnée de votre réaction, mes chers collègues. Je veux bien que l'on recommence tous les soirs les mêmes débats, mais, vu la situation que connaissent nos concitoyens – à laquelle vous prétendez être si sensible –, il y a peut-être d'autres urgences !
Allez donc le leur expliquer pendant la campagne. Dites-leur : « Ne vous inquiétez pas, il y aura un rapport ! » (Rires sur les bancs du groupe SRC.)
Mme la ministre a été très claire hier dans sa réponse. Aujourd'hui, vous confondez allègrement la question de l'assiette…
…et celle du taux de TVA sur les carburants. Il s'agit – notre rapporteur général a été lui aussi très clair hier sur ce point – d'avoir ce rapport pour mesurer précisément l'impact de la mesure. Bref, vous faites un amalgame et je n'adhère donc pas, bien évidemment, aux propos que vous avez tenus.
M. Eckert et M. Emmanuelli m'obligent à rappeler quelques faits. C'est bien à contrecoeur que je le fais, parce que je n'en avais pas l'intention. Vous critiquez une augmentation éventuelle de deux centimes liée à la hausse de la TVA.
En revanche, pour vous, il n'y a absolument aucun problème quand les régions Lorraine – monsieur Eckert – et Aquitaine – monsieur Emmanuelli – procèdent à une augmentation de 2,5 centimes !
Pour ma part, je n'arrive pas à comprendre le raisonnement de nos collègues. Alors qu'il s'agit du même impôt, quand c'est une augmentation des régions, c'est républicain, mais quand c'est une augmentation de l'État, cela n'est pas acceptable ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le rapporteur général, vous nous avez habitués à plus de rigueur. Savez-vous ce qu'est le pouvoir fiscal des régions aujourd'hui ? Il est de l'ordre de 10 %. Et vous estimez qu'il ne faut même plus qu'elles l'utilisent ! C'est grotesque !
Mais elles le font ! Ce n'est d'ailleurs pas de cela que je vous parlais. Je vous signalais l'incongruité qu'il y a à promettre à l'Assemblée un rapport, après saisine d'une commission, pour évaluer l'impact de la hausse de la TVA, alors que vous-même avez écrit dans votre rapport qu'il serait de deux centimes par litre.
N'essayez donc pas de détourner le débat en faisant de la démagogie. Certes, nous commençons à y être habitués, mais il y a tout de même des limites et cela n'est pas digne de vous !
Il ne fait pas du tout de démagogie !
(L'amendement n° 775 n'est pas adopté.)
Il s'agit, à travers cet amendement, de corriger à la hausse le taux utilisé pour le remboursement de la TVA aux collectivités locales. En effet, le Fonds de compensation pour la TVA est un remboursement, une récupération de TVA et non une dotation de l'État.
Lorsque le taux de TVA a été augmenté en 1995, le taux du FCTVA a été corrigé à la hausse. Inversement, quand le taux de la TVA a été diminué en 2000, celui du FCTVA a été corrigé à la baisse.
Cela montre le lien mécanique, voire arithmétique entre le taux de TVA normal et le remboursement au titre du FCTVA. Ce point est d'autant plus important que, comme vous le savez, les collectivités territoriales ne bénéficient pas de la récupération de la TVA sur leurs dépenses de fonctionnement.
Par ailleurs, madame la ministre, elles ne bénéficieront pas de la suppression des 5,4 points de cotisations familiales, puisque cela ne s'applique pas à la fonction publique d'État et aux fonctions publiques territoriale et hospitalière.
Il m'a donc paru – il nous a paru, puisque cet amendement a été adopté de façon unanime par la commission des finances – tout à fait légitime de corriger à la hausse ce taux de FCTVA.
Du point de vue de la dépense, cela s'appliquera – pour simplifier les choses – aux investissements réalisés à compter du 1er janvier 2013. Or les collectivités récupèrent la somme soit au bout d'un an – pour celles qui ont signé les contrats au titre du plan de relance –, soit au bout de deux ans – pour celles qui n'en ont pas signé. Les intercommunalités – communautés d'agglomération, communautés de communes, etc. – récupèrent, elles, dans les trois mois. Le coût de cet amendement est donc, en fait, décalé dans le temps.
Dernier argument, en ce qui concerne nos problèmes de déficit public : il faut que l'on raisonne en résultat consolidé. Il s'agit, certes, d'un coût pour l'État, mais cela diminue le besoin de financement des collectivités locales.
Ben voyons ! Votre raisonnement avait bien commencé, mais il finit mal !
Il faut savoir se souvenir des subtilités de définition : le déficit public, ce n'est pas le déficit budgétaire ! Cet amendement entraîne peut-être un déficit budgétaire, mais – je le dis pour rassurer Mme la ministre – ce n'est pas du déficit public.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir le sous-amendement n° 791 .
L'adoption de ce sous-amendement est la condition pour que le Gouvernement puisse dire oui à l'amendement de Gilles Carrez.
Parce que l'État est, évidemment, très soucieux de préserver la capacité d'investissement des collectivités locales, nous acceptons le principe de l'amendement de Gilles Carrez, alors même que pas un euro de l'augmentation de la TVA n'ira en recettes dans le budget de l'État…
…et que le principe du FCTVA est que l'État reverse aux collectivités territoriales la part de TVA qui va dans son budget, défalquée de celle qui part dans le budget européen.
Aujourd'hui, l'État, en acceptant le principe de cet amendement, fait un geste en direction des collectivités locales.
Ce geste n'est pas totalement neutre financièrement, même si le rapporteur général, avec son habileté habituelle,…
…le présente comme n'étant pas source de déficit public. Or il est évident qu'il n'y a qu'une seule dette publique, qui englobe celle des collectivités et celle de l'État.
D'ailleurs, je rappelle à tous les élus locaux qui sont sur ces bancs qu'il faut faire preuve de tempérance budgétaire dans les collectivités locales, de la même façon que nous faisons preuve d'économie au niveau de l'État. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Au total, avec une dotation globale de fonctionnement s'élevant à 50 milliards, les collectivités locales peuvent dire merci à l'État.
Ce soir, elles peuvent de nouveau dire merci, car cette augmentation du FCTVA coûtera à terme 440 millions d'euros à l'État.
Toutefois, nous avons besoin de temps, monsieur le rapporteur général, pour intégrer le coût de cet amendement dans la trajectoire de finances publiques de l'État. Je souhaite donc que nous repoussions l'entrée en vigueur de votre hausse au 1er janvier 2013.
Cela n'aura pas d'impact important sur les collectivités locales puisque, comme vous le savez, le FCTVA est remboursé avec deux ans de décalage.
Vous avez raison, monsieur de Courson. Il faut être tout à fait précis. Je savais pouvoir compter sur vous pour l'être à ma place ! (Sourires.) Cela aura seulement un impact sur les EPCI, et encore ce sera pour un trimestre.
Je vous rappelle, en outre, que nous escomptons une baisse des prix avec la baisse du coût du travail. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Il n'est donc pas certain que les collectivités ne bénéficient pas à la fois d'une baisse du prix hors taxe et du remboursement de TVA, c'est-à-dire qu'elles pourront gagner deux fois, surtout si elles passent des marchés avec de petites entreprises, qui bénéficieront toutes de la mesure que nous en sommes en train de prendre afin de baisser le coût du travail.
J'en profite d'ailleurs pour inciter les élus locaux qui sont ici à traiter davantage encore avec des PME qui seront toutes bénéficiaires de cette réforme.
J'ajoute que cette disposition permettra d'éviter que nous ayons deux taux et entraînera donc une simplification. Ce n'est donc pas une usine à gaz. Au contraire, cette mesure est très simple.
Bref, le Gouvernement est favorable à la mesure proposée par Gilles Carrez, à condition qu'elle entre en vigueur le 1er janvier 2013.
Monsieur le rapporteur général, acceptez-vous le sous-amendement n° 791 ?
J'approuve tout à fait ce sous-amendement du Gouvernement, d'autant qu'il nous permettra de simplifier les choses : on va passer du taux actuel à un nouveau taux. Sinon, il aurait fallu faire un prorata. Pour trois mois, cela n'en valait pas la peine. Même pour une intercommunalité – je le dis à Charles de Courson –, des investissements faits en octobre n'auraient donné lieu à paiement qu'en janvier, puisque c'est un remboursement à trois mois. Je considère donc que l'on peut accepter le sous-amendement du Gouvernement.
C'était pour soutenir l'amendement de la commission puisque, comme le rappelait M. le rapporteur général, nous l'avons voté à l'unanimité.
Je souhaitais toutefois reprendre le rapporteur général sur un petit point, car il a tort juridiquement mais raison économiquement.
Je m'explique : le FCTVA n'est pas juridiquement un remboursement de la TVA. La preuve en est que si vous divisez 19,6 par 1,196, vous ne trouvez pas ce montant. De plus, ce n'est pas la même assiette puisque, si vous avez quelques investissements à 5,5 %, le calcul se fera néanmoins au taux de 18,5 %.
C'est très avantageux pour les collectivités locales.
Mais économiquement, cela s'est toujours fait uniquement sur les investissements. Il faut donc être cohérent et soutenir notre rapporteur.
Quant au sous-amendement du Gouvernement, il coûte trois caramels mous…
Je tiens tout d'abord à remercier M. le rapporteur général, car avant son amendement, en raison de ces ratios qu'évoquait mon collègue de Courson, nous passions d'un taux de remboursement du FCTVA de 96,8 %, à 95,5 %. Ma collectivité, par exemple, qui investit de l'ordre de 8 millions d'euros chaque année, aurait perdu tout de même 100 000 euros de remboursement de FCTVA. Ce n'est pas neutre : cela représente presque un point de fiscalité, qu'il aurait bien fallu retrouver ailleurs.
Je souligne également que le remboursement plus rapide du FCTVA, obtenu dans le cadre du plan de relance, c'est ce Gouvernement qui l'a fait voter – bien entendu pour les collectivités qui ont adhéré et qui ont rempli leur contrat d'objectifs pour soutenir l'activité économique dans la période de crise que nous avions connue en 2008-2009.
Je suis donc favorable à cet amendement qui va dans le sens de la protection des finances de nos collectivités. La proposition de Mme la ministre de le décaler à 2013 aura, bien sûr, une petite incidence, mais celle-ci sera largement atténuée par le dispositif qui est mis en place.
Je ferai quelques remarques.
Certes, s'il s'agit d'un amendement du rapporteur général. Je rappelle toutefois qu'il le présente au nom de la commission des finances, qui l'a adopté à l'unanimité. N'oublions pas que le rapporteur général a été le seul à avoir déposé des amendements lors de cette réunion, pour des raisons de calendrier et d'organisation que je n'aurai pas la cruauté de rappeler ici, ce soir.
Je reconnais là toute la délicatesse de M. Eckert !
Nous voterons l'amendement du rapporteur général. Ce n'est pas un cadeau, madame la ministre, ce n'est que justice ! Tous les gouvernements qui ont modifié les taux de TVA ont toujours ajusté, que ce soit à la hausse ou à la baisse, le coefficient de remboursement sur le FCTVA. Ce n'est pas un cadeau, c'est une simple mesure de justice et de responsabilité.
En revanche, nous ne voterons pas le sous-amendement, madame la ministre, car il ne correspond pas à la réalité. Ceci dit, M. de Courson a parlé de « trois caramels mous », et il est vrai que cela ne porte que sur une fin d'année et, finalement, sur quelques investissements.
C'est pourquoi cela ne remettra pas en cause notre vote favorable sur l'amendement, fût-il sous-amendé de façon quelque peu mesquine par le Gouvernement.
(Le sous-amendement n° 791 est adopté.)
(L'amendement n° 2 , sous-amendé, est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement de coordination, n° 15, du rapporteur général.
(L'amendement n° 15 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
La parole est à M. Charles de Courson pour soutenir l'amendement n° 639 .
Le groupe Nouveau Centre a rappelé lors du débat général que le succès d'une telle mesure supposait un accord entre les partenaires sociaux. C'est ainsi que cela a fonctionné au Danemark, notamment, et en Allemagne.
La question est de savoir ce que l'on fait de la baisse des charges, qui varie beaucoup en fonction des entreprises, des groupes et des branches. Notre amendement n° 639 a donc pour objet de demander que s'engage une concertation quant à l'affectation de cette marge supplémentaire dégagée.
Dans des entreprises qui marchent très bien, les partenaires sociaux peuvent être favorables à une mise en réserve pour conforter une structure financière fragile. D'autres entreprises investiront davantage en recherche innovation, d'autres encore pourront décider d'en consacrer une partie à revaloriser tel ou tel niveau de salaire pour gagner en attractivité.
Tel est l'esprit de cette proposition.
(L'amendement n° 639 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement rédactionnel, n° 16, de M. le rapporteur général.
(L'amendement n° 16 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Cet amendement, madame la ministre, représente un enjeu de plusieurs centaines de millions d'euros d'économies. Je dis bien « d'économies » ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)
L'an dernier, Yves Bur s'en souvient très bien, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, a été mise en place l'annualisation du calcul des exonérations sociales des employeurs. C'est le système dit « Fillon » qui, vous le savez, exonère de 1 à 1,6 SMIC. Cette annualisation a permis une économie de 2 milliards d'euros sur ces exonérations, qui représentent 22 milliards d'euros.
En effet, le système d'exonération est dégressif : au SMIC, l'exonération est totale, à 1,2 SMIC, elle n'est que partielle, à 1,6 SMIC elle n'existe plus du tout. Or des entreprises, soit pour des raisons historiques, soit par un souci d'optimisation, ont un système de rémunération selon lequel le personnel est payé au SMIC ou près du SMIC, mais bénéficie d'un treizième, quatorzième, voire d'un quinzième mois.
Dans le calcul précédent, qui était mensuel, ces entreprises ne voyaient pas la rémunération versée en fin d'année prise en compte dans le calcul des exonérations. Elles bénéficiaient donc à 100 % des exonérations puisque les salaires restaient au niveau du SMIC, alors qu'en réalité, avec les mois supplémentaires, les rémunérations étaient plus élevées.
Dans un souci d'équité, mais aussi d'économie, a donc été instituée cette annualisation qui consiste à calculer les exonérations sur l'ensemble de la rémunération annuelle. Or, de façon assez surprenante, du fait que, à partir du 1er octobre, la fraction de cotisations sociales correspondant à la politique familiale – les 5,4 % – est supprimée, le Gouvernement nous proposait dans l'article premier de revenir sur cette annualisation, en faisant un double calcul : l'un sur les neuf premiers mois de l'année, l'autre sur les trois derniers. Mais si vous faites le calcul sur les neuf premiers mois, vous ne prenez pas en compte les treizième, quatorzième et quinzième mois. Cette sorte de « désannualisation » revient donc sur ce que nous avions prévu l'an dernier.
Cet amendement de la commission des finances vise donc à conserver le cadre de l'annualisation. Car, madame la ministre, il ne serait pas normal que ces entreprises – je ne dis pas que c'est par effet d'optimisation, certaines d'entre elles ayant depuis des années un système de rémunération comportant des primes en fin d'année – retrouvent un avantage qu'à l'initiative d'Yves Bur, nous avions voulu supprimer il y a un an.
Je ne vous cache pas que nous l'avons également proposé afin de compenser le surcoût que pouvait entraîner, non en comptabilité publique mais en comptabilité budgétaire, la question du FCTVA. J'insiste sur ce point, qui montre aussi l'esprit de responsabilité de la commission des finances : chaque fois que nous pouvons améliorer les comptes publics nous le faisons et, par exemple, dans la discussion de la loi de finances pour 2012, la commission des finances a fortement réduit le déficit – de plus d'un milliard d'euros. C'est l'occasion de le rappeler.
Madame la ministre, lorsque nous vous proposons, de temps à autre, cela peut arriver, des dépenses supplémentaires, nous nous efforçons toujours de les gager, voire de faire plus que les gager.
Je remercie le rapporteur général de donner de la cohérence à l'ensemble de la politique fiscale du Gouvernement.
Il est vrai que l'annualisation est un axe de politique globale que nous avons pris pour calculer les allègements de charges « Fillon ». Il est logique que nous mettions en place un mécanisme d'actualisation dès l'entrée en vigueur de ce nouveau dispositif de baisse du coût du travail. Donc, M. le rapporteur général a raison.
Là où je ne le suis pas totalement, c'est qu'effectivement, cette annualisation va rapporter 500 millions d'euros, mais seulement sur la première année, puisqu'on se récupère sur les années suivantes. C'est un one shot, si je puis dire, qui ne permettra pas de financer le FCTVA sur la durée même si je sais, monsieur le rapporteur général, combien vous êtes très attaché à cette question. Il vous faudra donc trouver d'autres ressources à partir de 2013.
Le sous-amendement n° 788 vise à diminuer les recettes de trésorerie de l'État mais en poursuivant dans la logique du rapporteur général, c'est-à-dire en annualisant aussi les allègements de cotisations sociales. Le sous-amendement n° 789 est quant à lui de précision.
Le rapporteur nous propose un amendement qui rapporte 500 millions d'euros en trésorerie et le Gouvernement un sous-amendement qui a nous fait perdre 200 millions en trésorerie, mais qui a aussi pour effet de lisser sur l'année les allègements de charges. Cela me paraît juste. Je suis donc favorable à l'amendement. Je propose simplement de le sous-amender de façon à ce que les entreprises puissent vraiment avoir les allègements de charges lissés, de même que nous avons une TVA lissée.
Le sous-amendement du Gouvernement est logique, mais nous nous trouvons parfois en rôle inversé. En l'occurrence, la commission des finances vous propose une économie – en une fois, il est vrai, mais qui n'est pas négligeable – de 500 millions d'euros et, par votre sous-amendement, vous nous proposez de la réduire à 300 millions d'euros.
Mais je reconnais la rigueur du raisonnement : dès lors que l'on applique un raisonnement en annualisation sur des exonérations générales, il est logique de tenir le même pour le calcul de la suppression des 5,4 %.
Le problème est le suivant : en reprenant l'exemple des treizième, quatorzième, voire quinzième mois, si vous imputez les rémunérations de fin d'année sur les trois mois de l'année seulement, du 1er octobre au 31 décembre, pour beaucoup d'entreprises, le salaire excédera les 2,1 ou les 2,4 SMIC à partir desquels la suppression des 5,4 % de cotisations familiales est soit réduite, soit complètement supprimée.
C'est donc un dispositif qui me paraît raisonnable, même si cela coûte 200 millions.
Je donne donc un avis favorable aux deux sous-amendements.
L'intervention du rapporteur général me donne l'occasion de rappeler que cette réforme n'est pas une réforme anti-déficit, mais une réforme pour baisser le coût du travail.
À travers les amendements que nous proposons, nous accentuons de 200 millions la réduction du coût du travail la première année – ensuite l'effet sera lissé sur l'année.
L'amendement Carrez est un fusil à un coup, ce n'est pas une mitrailleuse, tout le monde l'a bien compris.
La parole est à M. le rapporteur général pour soutenir l'amendement n° 795 .
Nous abordons un sujet important, dont nous avons déjà débattu lorsque nous avons modifié le taux réduit de la TVA.
Parfois, les différents éléments qui composent une prestation ou qui rendent un service sont payés sur une durée importante. Alors qu'un changement de taux de TVA va intervenir, il faut faire très attention à ne pas mettre en difficulté ceux qui auront contracté sous l'empire d'un certain régime mais dont les paiements s'échelonneront pendant un délai au cours duquel le taux de TVA sera modifié.
Cela touche notamment le secteur du logement comme nous l'avions vu pour les bailleurs sociaux avec le passage de 5,5 % à 7 %, en décembre dernier.
Sont en particulier concernées ce que l'on appelle les ventes en l'état futur d'achèvement : vous achetez un logement aujourd'hui, vous signez un contrat de réservation dans lequel vous vous engagez sur un prix, et vous faites un dépôt de garantie, en général de 5 %. Mais vous n'allez payer votre logement qu'au fur et à mesure de sa construction et, compte tenu du délai de construction, une partie importante du paiement interviendra au-delà du 1er octobre prochain. Si vous avez emprunté, vous avez fait un calcul précis de vos mensualités. Or, dans la plupart des cas, le contrat de réservation ou le contrat de VEFA indique que le prix est certes garanti mais compte non tenu d'éventuelles variations de taux de TVA. Donc, si le taux de TVA change, ce sera à l'acquéreur, dans la plupart des cas, de payer la différence.
Sur des montants très importants, et quand le plan de financement est ajusté parfois à quelques dizaines d'euros près, une variation de TVA peut être très ennuyeuse.
La commission des finances vous propose la solution suivante : chaque fois qu'un contrat ou un avant-contrat aura été signé à date certaine – c'est-à-dire qu'il aura été enregistré soit chez un notaire, soit par les services fiscaux, ce qui est une formalité très simple – et avant la date de promulgation de la loi, le taux actuel s'appliquera jusqu'à la fin de l'opération. Un tel dispositif, qui protège les acquéreurs à un moment où il est assez difficile de financer son logement, paraît équitable.
Je suis d'autant plus sensible aux préoccupations exposées par le rapporteur général qu'il vient de nous trouver 300 millions de recettes nouvelles one shot qui nous permettent de couvrir le montant de l'ensemble des trois amendements sur les contrats de vente d'immeubles construits à terme. Je suis donc favorable à cet amendement.
En conséquence, l'amendement n° 4 rectifié tombe.
Je suis saisie d'un amendement de coordination de la commission, n° 479.
(L'amendement n° 479 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur général pour présenter l'amendement n° 5 .
Je le retire car il est satisfait.
(L'amendement n° 5 est retiré.)
(L'article 1er, amendé, est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous en venons à une série d'amendements portant articles additionnels après l'article 1er.
La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour soutenir l'amendement n° 733 .
Cet amendement propose de taxer plus les compagnies pétrolières. Dans un contexte où les prix du pétrole ont fortement augmenté, les entreprises pétrolières ont engrangé de gros profits. La société Total a ainsi réalisé plus de 10 milliards d'euros de bénéfices, tout en distribuant plus de la moitié de ces résultats à ses actionnaires sans payer un centime d'euro en France.
Ce n'est pas vrai parce que nous avons supprimé le bénéfice mondial, ce que vous n'aviez pas fait !
Le dispositif prévu par le Gouvernement pour l'année 2011 dans le collectif budgétaire de juillet rapportait seulement 115 millions d'euros à l'État. Ce n'est pas du tout à la hauteur des enjeux. C'est pourquoi nous proposons une majoration de l'impôt sur les sociétés pour les compagnies pétrolières.
Il est également proposé une diminution plafonnée de l'imposition exceptionnelle compte tenu des investissements réalisés dans les énergies renouvelables ou pour le financement de l'Agence pour le financement des infrastructures de transport de France.
Non seulement cet amendement rapporterait des recettes, en prélevant une partie de la rente complètement injustifiée dont jouissent les compagnies pétrolières, mais il a aussi un petit contenu écologique.
L'avis de la commission est défavorable à cet amendement que nous connaissons. Je rappelle à M. Muet que nous avons créé, dans le collectif de juin, une contribution exceptionnelle de 163 millions d'euros.
(L'amendement n° 733 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Dans la même logique, nous proposons de taxer les rentes financières que se constituent les banques. Il est aberrant, dans la situation que nous connaissons, que les banques ne contribuent pas à la réduction du déficit. Nous proposons un impôt exceptionnel de 15 % sur les profits des banques.
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l'amendement n° 767 .
Comme vous le savez sans doute, le président américain Barack Obama a demandé au Congrès, début février, de venir en aide aux titulaires d'emprunts immobiliers en taxant les banques. Il s'en est pris avec véhémence aux partisans du laisser-faire dans ce secteur d'où est partie, nous ne le rappellerons jamais assez, la crise économique.
En France, le Gouvernement a bien manifesté quelques velléités de taxer les établissements bancaires mais pour ne proposer finalement qu'une mesure d'affichage : la fameuse taxe bancaire sur le risque systémique ne représente que 460 millions d'euros pour 2011.
C'est, à nos yeux, très insuffisant. Rappelons en effet que les prêts accordés par la BCE dans le cadre des opérations de refinancement à long terme qu'elle a décidé de lancer par deux fois, au mois de décembre dernier et le 29 février prochain, vont représenter une formidable aubaine pour les banques européennes qui pourraient bien bénéficier d'une économie d'environ 120 milliards d'euros consécutivement à l'abondante liquidité fournie par la BCE et accroître ainsi leurs bénéfices d'environ 10 %.
Selon une note de JPMorgan datant du 27 janvier, les prêts accordés par la BCE à un taux préférentiel de 1 % vont en effet permettre aux banques de dégager des plus-values importantes. Ces prêts permettraient aux banques françaises d'assurer l'intégralité de leurs besoins de refinancement en 2012, soit 40 milliards d'euros, et de dynamiser leurs profits.
On entend beaucoup ces derniers temps parler du recul des profits des banques. Les chiffres que nous venons de citer remettent cependant les choses en perspective. Notre proposition d'une taxe additionnelle à l'impôt sur les sociétés de 15 % en direction des établissements de crédit, que nous portons depuis près de trois ans, n'a à l'évidence rien perdu de son actualité.
Outre que je suis défavorable à ces deux amendements, ils me donnent l'occasion d'attirer l'attention de mes collègues sur le fait suivant Le principal concurrent de la place de Paris, s'agissant des activités financières et bancaires, c'est Londres. Or, aujourd'hui, le gouvernement du Royaume-Uni a décidé d'abaisser de 1 point le taux d'impôt sur les sociétés, qui passera à partir de 2013 de 25 % à 24 %. Où en sommes-nous s'agissant du taux de l'impôt sur les sociétés pour les banques françaises ? Nous avons le taux de base de 33,13 %, auquel s'ajoute la contribution sociale de 1,12 % sur les bénéfices, et nous avons voté en collectif de fin d'année une majoration de 5 % pour les entreprises qui font plus d'un milliard d'euros de chiffres d'affaires. Nous arrivons donc à un taux d'impôt sur les sociétés de 36,1 %.
Peut-être la pensée conforme de nos collègues de gauche exige-t-elle de taper aveuglément sur les professions financières. Mais je rappelle que le secteur de la banque et de l'assurance emploie plusieurs certaines de milliers de personnes, qu'il continue à embaucher plusieurs milliers de personnes par an et qu'il est mobile. Il y a des limites à tout et quand on a un différentiel de dix points d'impôt sur les sociétés, on doit faire attention. La France n'est pas une île isolée. Les emplois, ça se déplace. À force de proposer de façon quasi obsessionnelle comme seul remède d'augmenter toujours les impôts, en particulier les impôts des entreprises, il ne faut pas s'étonner si nous perdons des emplois dans notre pays.
Défavorable.
Je trouve assez plaisants que le rapporteur général nous reproche de vouloir augmenter continuellement les impôts… Alors que le pouvoir d'achat des ménages baisse, ce qui explique le ralentissement voire la récession sans doute que nous avons en ce moment,…
Non !
…que proposez-vous ? D'augmenter la TVA. Pour notre part, nous pensons qu'il est possible de trouver des recettes fiscales en supprimant des niches inutiles, en taxant les banques. Voilà notre logique.
Je ne peux vous laisser dire, monsieur Muet, que la France est en récession aujourd'hui.
Cela fait deux jours que vous l'affirmez, mais c'est faux !
L'INSEE vient de le reconnaître : le PIB a crû de plus 0,2 % au dernier trimestre 2011. Les prévisions de l'INSEE d'une croissance zéro au dernier trimestre 2011 ont été démenties par les faits. La consommation s'est bien tenue, l'investissement des entreprises s'est bien tenu. Ce qui a été la cause du ralentissement de la croissance, ce sont les exportations et le déficit commercial. Ces chiffres, vous les avez. Alors ne dites pas que nous sommes en récession.
Nous faisons cette réforme pour soutenir la croissance par des mesures de compétitivité. Et c'est la Cour des comptes, présidée par votre ancien président de la commission des finances, Didier Migaud, qui nous demande de telles mesures. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je confirme l'un des points évoqués par Mme la ministre : ce n'est pas la France qui est en récession, je l'ai dit cet après-midi, c'est l'Allemagne.
Pour un semestre, l'Allemagne aura une croissance négative. C'est probablement parce qu'elle est en récession que vous nous proposez de l'imiter… Curieux raisonnement !
Par ailleurs, notre rapporteur général vient de tenir des propos extravagants : il faudrait pleurer sur les banques ! Mais aujourd'hui, dans un journal, on lit que la BNP est la banque qui a fait le plus de profit en Europe et qui est la plus rentable d'Europe.
Sa rentabilité s'établit à 8,8 %. Apparemment, son imposition, qui est supérieure à celle de ses collègues anglaises, ne l'empêche pas de faire des profits. Et nous n'avons aucune information sur les dividendes qui seront distribués.
En outre, la BNP profite des taux bonifiés de la BCE pour ensuite proposer à des États des taux, si ce n'est usuraires, du moins exorbitants. Enfin, elle se permet de refuser de prêter aux collectivités locales et à beaucoup de PME.
C'est une banque qui se fait du fric sans remplir sa mission. C'est inadmissible ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)
Madame la ministre, je viens de vous écouter évoquer des chiffres de l'INSEE relatifs à l'année 2011.
Tout cela est très fragile. Dans les chiffres de l'INSEE qui mentionnent une croissance de 0,2 % au dernier trimestre, il est indiqué que l'appui de la consommation joue un rôle non négligeable et que les importations ont diminué, sans doute en raison de la conjoncture économique générale, de la baisse du pouvoir d'achat et de l'investissement.
Cette fragilité ne doit pas conduire à des décisions hasardeuses. Or, par ce que vous êtes en train de faire, vous allez contribuer à la baisse du pouvoir d'achat des ménages, des classes populaires et des classes moyennes. Vous prenez une très lourde responsabilité – nous vous le répétons sans cesse –, dans une conjoncture extrêmement fragile. Vous allez casser la consommation, dernier défenseur de la croissance.
Vous prenez une très lourde responsabilité et vous êtes dans l'impossibilité de répondre de ces mesures.
Vous prétendez vouloir améliorer la compétitivité de nos entreprises. Mais de quoi parlez-vous ? Vous savez très bien qu'elle ne correspond qu'à un tiers de la compétition internationale et des exportations. À quoi va donc servir de faire un cadeau fiscal aux entreprises de services, y compris financiers, et à une majorité d'entreprises qui ne sont pas délocalisables ?
Vous avancez l'argument de l'harmonisation fiscale, en particulier avec l'Allemagne, que vous citez en permanence. Dans son intervention à la télévision, Nicolas Sarkozy, ancien Président de la République et futur candidat, (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.) a cité seize fois l'Allemagne !
Je vous ai provoqués intentionnellement ! Je trouve que vous avez l'épiderme extrêmement sensible ce soir. Acceptez un peu d'humour ! (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Mais si vous voulez faire comme l'Allemagne, pourquoi voulez-vous fixer la TVA deux points au-dessus de ce pays ? C'est une simple question.
S'agissant de la compétitivité internationale, si vous voulez aligner notre situation sur celle de la Chine, ce n'est pas en augmentant la TVA de 1,6 % que vous le ferez, mais en baissant les salaires pour les mettre au niveau de ceux de ce pays. Est-ce ce que vous voulez ? Je vous pose sincèrement la question. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur Ayrault, je vous répondrai sur trois points.
D'abord, dans les composants de la croissance, vous le savez comme moi, il y a certes la consommation, mais aussi l'investissement des entreprises.
Cela suppose des marges et la possibilité de les reconstituer.
La baisse du coût du travail permet de doper l'investissement des entreprises pour faire les emplois de demain – ce n'est pas de moi, mais de M. Helmut Schmidt…
À la consommation et à l'investissement s'ajoute l'exportation. Nos exportations augmentent trois fois moins vite que celles de l'Allemagne. Or, si nous ne sommes pas compétitifs à l'export, la croissance sera plus faible.
C'est sur ces trois composantes qu'il faut jouer. Si vous jouez uniquement sur la dépense publique pour soutenir la consommation, vous obtiendrez une économie de rentes qui créera du chômage.
Ce n'est pas ce que nous souhaitons. Nous voulons une économie forte qui crée de l'emploi.
Ensuite, monsieur Ayrault, vous évoquez un problème de convergence avec l'Allemagne sur le taux de TVA. Mais, nous avons dix points de dépenses publiques de plus que l'Allemagne dans la richesse nationale !
Quel est le problème, si c'est pour avoir des enseignants et des policiers ?
Comment voulez-vous que nous ayons une fiscalité moins élevée que l'Allemagne ? Ce n'est pas possible, car il faut bien financer nos dépenses publiques.
Notre TVA sera dans la moyenne de celle des pays de l'Union européenne. Les pays qui ont des taux de dépenses publiques comparables aux nôtres, comme le Danemark, la Norvège ou la Suède, ont des taux de TVA bien supérieurs à 21,6 %.
Comparons ce qui est comparable. Si vous voulez baisser les dépenses publiques, si c'est votre solution, dites-le, mais alors ne votez pas Hollande ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la ministre, vous êtes à la tête d'un ministère censé faire la politique économique de ce pays. J'imagine que ce ministère doit mener des évaluations sur les résultats des mesures de politique économique que vous proposez.
J'en connais une. Elle est ancienne et dit ce que disent à peu près tous les instituts qui étudient cette mesure : la hausse de la TVA et la baisse des cotisations n'ont pas le même effet sur la croissance. La hausse de la TVA réduit deux fois plus la croissance que ne l'augmente la baisse des cotisations. Je n'y reviendrai pas, cela a été dit par un ministre des finances.
J'aimerais que quand vous nous proposez des mesures, vous nous donniez les évaluations de vos services.
Vous avez une direction du trésor et de la politique économique qui travaille très bien. Mais nous ne disposons d'aucun rapport sérieux sur toutes les mesures que vous nous avez proposées.
Je me rappelle de la loi TEPA. Quand nous en avons discuté dans cet hémicycle, on nous a dit : « Vous verrez les effets ». Mais vous avez supprimé toutes les mesures de la loi TEPA qui étaient contestées par vos propres services. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Je pense en particulier aux allègements d'intérêts d'emprunts qui n'ont servi à rien. Trois ans plus tard, on nous a expliqué ce que vos services vous avaient dit !
Éclairer l'Assemblée nationale, c'est donner des évaluations crédibles aux parlementaires pour qu'ils puissent débattre. Pour l'instant vous ne l'avez pas fait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Chers collègues, je vous propose de débattre dans plus de plus calme.
La parole est à Mme la ministre.
Monsieur Muet, les évaluations que nous vous avons données quant aux 100 000 emplois créés viennent de nos services.
J'y viens, je réponds à votre question, mais je suis calme et détendue.
Par ailleurs, un rapport établi par Éric Besson donne toute la palette des évaluations de créations d'emplois.
La mesure que nous avons prise n'est pas une mesure d'allègement de charges générale qui porterait sur tous les salaires ; c'est une mesure d'allègement de charges ciblée.
En effet, l'efficacité des allègements de charges ciblés est avérée. Une étude de la DARES sur les allègements de charges Fillon précise qu'ils ont permis de créer ou de conserver entre 200 000 et 400 000 emplois, parce qu'ils portaient sur les bas salaires.
Mais, comme vous l'avez vous-même remarqué, la réforme que nous allons voter portera à 40 % sur les salaires les plus bas. Elle aura donc un effet sur l'emploi et la compétitivité.
C'est pourquoi nous enregistrons 100 000 emplois créés en trois ans.
D'ailleurs, M. Valls lui-même, qui avait cherché les travaux disponibles, a écrit dans un journal du soir de référence qu'il pensait qu'une telle mesure créerait 60 000 emplois par an.
Il n'est que porte-parole du candidat Hollande ; j'imagine donc, monsieur Muet, qu'il n'est pas légitime pour parler d'économie.
Néanmoins, il avait fait la revue de la bonne littérature et il était parvenu à la certitude qui est partagée par la direction du Trésor : cette mesure ciblée sur les salaires entre 1,4 SMIC et 2,4 SMIC, couplée à une hausse plus faible de la TVA – soit 13 milliards d'euros d'allègement de charges et 10,6 milliards d'euros de hausse de TVA –, aboutirait à la création d'emplois.
Enfin, le pouvoir d'achat, puisque vous vous y intéressez, monsieur Ayrault, dépend d'abord du fait d'avoir un travail.
Ce qui tue le pouvoir d'achat en France, c'est d'abord le chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je suis très étonné de que notre amendement relatif à une taxe additionnelle sur l'impôt sur les sociétés bancaires ait déclenché un tel débat
J'ai aussi été très étonné d'entendre notre rapporteur général, d'habitude plus pondéré, nous accuser de taper aveuglément et avec obsession sur les établissements bancaires.
Dès le début de la crise financière, en 2008, nous vous avons reproché de ne pas exiger suffisamment de garanties des établissements bancaires, en contrepartie de ce que nous leur donnions collectivement.
Dans cet amendement, il s'agit encore de l'exigence de participation au sauvetage collectif de nos établissements bancaires que les contribuables français ont soutenu. Nous tenions à répéter une fois de plus cette exigence, mais vous refusez cet amendement.
Nous connaissons les employés des banques et ils souffrent tout autant de cette situation. Ils sont soumis à la pression de leurs établissements et de leurs employeurs dans leurs relations avec les clients.
Nous connaissons ces établissements bancaires qui ne sont plus en mesure de faire des prêts aux entreprises ou aux collectivités locales, alors que les outils économiques et la capacité d'investissement des collectivités locales en ont besoin.
Nous n'avons pas les réponses économiques à ces questions. C'est la raison pour laquelle, par cet amendement, qui est à l'origine de ce débat macroéconomique important, nous voulons réaffirmer que, si l'économie a du poids, elle doit être fondée sur des établissements bancaires qui contribuent à la valeur économique dans une juste mesure et dans la limite de leurs capacités. Ainsi, ils continueront à dégager des résultats et leur contribution sera utile et nécessaire.
Vous le savez bien, madame la ministre, il faut juger les hommes et les femmes politiques non pas au futur mais au passé, en leur demandant : « Qu'avez-vous fait ? »
Or vous parlez beaucoup au futur : comment pourrait-on croire vos annonces pour le futur quand on voit le résultat de ce que vous avez fait dans le passé ?
D'une certaine manière, vous êtes la décalcomanie du Président de la République qui a déclaré tout à l'heure que les réformes engagées ont produit leurs effets.
Et c'est vrai : 8,2 millions de personnes se situent en dessous du seuil de pauvreté ! 5 millions de chômeurs !
Et cela dépasse même les prévisions des Cassandre sur votre politique.
Vous l'avez tous écouté dévotement tout à l'heure. Il a même déclaré : « Je vais dire la vérité ! ». Ce qui est une façon de dire qu'il ne l'avait jamais fait jusqu'à présent. Nous l'avions déjà remarqué ! Quand on l'entend dire cela, on pense au film La vérité si je mens ! (Sourires sur les bancs des groupes GDR et SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Calmez-vous, s'il vous plaît.
Oui, madame la présidente, mais je ne voudrais pas que nos collègues tombent d'apoplexie…
Madame la ministre, vous avez indiqué que les Allemands ont 10 % de dépenses publiques en moins que nous. C'est un gros mensonge et je vous recommande, pour vous en convaincre, la lecture d'un document de notre ambassade, qui est très bien fait et qui compare les impôts et les financements des institutions publiques de part et d'autre du Rhin.
Il est vrai, madame la ministre, qu'une partie des dépenses de santé qui étaient financées en Allemagne par les institutions publiques ne le sont plus, ce qui vient réduire le pouvoir d'achat des Allemands, pour qui la misère est une réalité effrayante.
Eh bien non, nous ne voulons pas vivre comme les Allemands, car nous n'avons pas pour but ultime l'appauvrissement de la population. Votre idéal, Madame la ministre, est-il de voir des salaires horaires allant de 3 à 7 euros ? Ce n'est certainement pas le nôtre ! Sans doute monsieur Bur, vous qui êtes de l'autre côté du Rhin vous regardez-vous avec envie ce que le patronat allemand, Mme Merkel et M. Schröder ont accompli.
L'échange qui vient d'avoir lieu entre Pierre-Alain Muet et Mme la ministre m'amène à revenir sur le caractère très sommaire et succinct des évaluations préalables jointes au projet de loi. Le Gouvernement « estime » que l'augmentation de la TVA n'aura pas d'impact « significatif » sur les prix, que la réforme « aurait » des effets « vraisemblablement » contenus sur l'inflation, qu'elle créera « environ » 100 000 emplois. À aucun moment les études sur lesquelles ces informations sont censées s'appuyer ne sont fournies. Tout ceci n'est guère rigoureux !
Je ne peux m'empêcher de penser au travail que nous avons réalisé, Jean-Pierre Gorges et moi-même, sur l'article premier de la loi TEPA, concernant la défiscalisation et l'exonération de cotisations sociales, patronales et salariales des heures supplémentaires. Nous avons été frappés de constater que toutes les études dont le Gouvernement disposait, avant l'été 2007 et l'examen en ces murs de cette mesure, montraient qu'il y aurait un gigantesque effet d'aubaine, que cette mesure de défiscalisation, de subvention au-delà de la majoration des heures supplémentaires n'aboutirait qu'à révéler des heures supplémentaires déjà effectuées mais non déclarées comme telles. Elles concluaient qu'un tel dispositif serait totalement inefficient et n'entraînerait pas d'activité économique supplémentaire. Le Gouvernement disposait de ces études, mais n'en a pas tenu compte. Je crains que nous ne soyons dans le même cas de figure.
Le débat autour des chiffres de la croissance a été utile, et j'aurais voulu l'approfondir avec M. Ayrault, qui a interpellé la ministre sur ce point. Je souhaiterais lui faire remarquer, ainsi qu'à d'autres responsables socialistes, que, malgré le discours récurrent, depuis le début du mois de décembre, sur une France en récession, malgré les perspectives guère encourageantes, il faut le reconnaître, de l'INSEE sur le dernier trimestre 2011 et sur le premier trimestre 2012, nous nous en sommes tenus à la trajectoire que nous nous étions fixée. Nous sentions que la consommation n'avait pas faibli, alors que l'INSEE se basait sur le contraire. Effectivement, aux deux derniers trimestres 2011, la consommation a crû entre 0,2 et 0,3 %, ce qui donne une croissance à 0,2 % pour le dernier trimestre 2011 et écarte le spectre de la récession pour le premier semestre 2012.
Il n'y a donc pas lieu de s'inquiéter pour la deuxième partie de l'année, toutes les analyses des économistes nous rejoignent sur ce point. Le Premier ministre a évoqué tout à l'heure un acquis de croissance de 0,3 %, ce qui donnera une croissance minimum de 0,5 % et probablement un taux de croissance supérieur pour l'année 2012.
La situation est donc loin d'être mauvaise. Il a été très justement rappelé que l'Allemagne, elle, connaîtra peut-être une phase de récession. On peut toutefois considérer qu'elle sera brève et même qu'elle n'aura pas lieu : les chiffres de consommation en France laissent augurer de résultats similaires outre Rhin.
Mais le sujet qui nous préoccupe ce soir est la façon de retrouver des marges de compétitivité pour les industries produisant en France. Évoquons d'abord l'avancée technologique, avec le crédit d'impôt recherche qui représente un investissement considérable de plus de 18 milliards d'euros sur cinq ans.
Ce dispositif est largement plébiscité et personne ne le remet en cause.
Nous investissons également dans les filières d'avenir et dans les filières classiques de performance française : 7 milliards d'euros ont été engagés au titre du grand emprunt, 23 milliards le seront d'ici à 2014. Nous rebâtissons progressivement la structure industrielle de performance française. Tel est le défi que nous sommes en train de relever !
S'agissant du coût du travail, qui est un élément essentiel dans cette recherche de compétitivité, il doit être équivalent à celui qui prévaut chez nos concurrents, Allemagne en tête. C'est ainsi que la concurrence peut s'exercer, sans être perturbée par des éléments exogènes.
Comme Pierre-Alain Muet le sait, le niveau des charges pesant sur les très hauts revenus est extrêmement favorable en Allemagne et au Royaume-Uni. Nous avons décidé – il s'agit d'un choix politique – de le laisser inchangé en France. Sur ce point, la France n'est pas compétitive.
Mais là n'est pas notre objectif : nous cherchons à être compétitifs sur les emplois industriels, les emplois agricoles, et les emplois des services exposés à la concurrence.
C'est bien pour le développement des filières d'excellence française que nous avons décidé d'alléger les charges qui pèsent sur le travail, un investissement qui complète le crédit d'impôt recherche et le grand emprunt.
La parole est à Mme Martine Billard, pour quelques minutes seulement. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)
Beaucoup de députés sont intervenus de votre côté de l'hémicycle. Chacun a pu s'exprimer, je n'ai coupé la parole de personne.
J'ai écouté avec attention le cours que nous a dispensé M. Chartier et je voudrais lui poser une question. Si tous les pays de l'Union européenne mènent la même politique de dumping social, en faisant baisser le coût du travail et les salaires, n'allons-nous pas nous trouver face à un problème ?
Nous allons rester dans le même rapport de force, ou nous entre-dévorer. La politique que vous proposez est donc absurde dans le cadre européen.
Vous nous dites que la baisse de la TVA relancera les exportations agricoles françaises.
Croyez-vous que cela suffira à rendre les entreprises françaises compétitives face aux entreprises espagnoles, alors même que des mesures similaires de réduction des coûts sont prises à Madrid ? Partout en Europe, la même politique de baisse des salaires, de recul de l'âge du départ à la retraite, de diminution du nombre de fonctionnaires est imposée, avec les résultats désastreux que l'on sait en Grèce, au Portugal, ou en Italie.
Au lieu d'être en compétition sur des produits agricoles de mauvaise qualité, de chercher à concurrencer des pays où les coûts de production sont bien moindres en raison du faible coût du travail, mieux vaudrait investir aujourd'hui dans des produits de bonne qualité, notamment dans des produits bio, pour lesquels il existe un marché.
Vous menez une politique tout ce qu'il y a de plus absurde. Vous nous direz dans quelques mois que vos propositions n'ont pas fonctionné. Heureusement, il ne vous reste plus beaucoup de temps à exercer le pouvoir.
Les Français ont compris qu'il fallait tourner vite la page, surtout depuis que votre candidat est entré en campagne et qu'il a montré, dans sa déclaration de candidature, qu'il n'avait plus rien à proposer aux Français, si ce n'est de les diviser.
La parole est à M. Pierre-Alain Muet pour soutenir l'amendement n° 742 .
Cet amendement, qui affine une de nos propositions antérieures, vise à limiter la possibilité pour une entreprise de déduire les intérêts d'emprunt de ses résultats. En effet, cette disposition peut tout à fait permettre à des entreprises de financer entièrement le rachat d'autres entreprises par l'endettement, ce qui tend à aggraver la financiarisation de l'économie au lieu de privilégier l'investissement productif.
Dans un amendement précédent, nous nous étions alignés sur la position allemande, qui consiste à plafonner à 30 % la possibilité de déduire les intérêts d'emprunt.
Le présent amendement, plus subtil, ne change rien aux dispositions concernant les investissements physiques, mais limite les possibilités de déduction lorsqu'il s'agit d'un placement financier. En effet, une entreprise qui rachète une autre entreprise, non seulement voit les dividendes qu'elle en retire non imposables à l'impôt sur le revenu, mais se trouve également favorisée par rapport à une entreprise qui investit dans l'achat d'une machine.
Nous proposons donc de privilégier l'investissement physique et d'empêcher la déductibilité quasi complète en cas de rachat d'une entreprise.
C'est une question complexe, mais elle a son importance. Nous avons beaucoup travaillé pour élaborer cet amendement et nous sommes partis du système allemand. Vous constaterez, si vous le lisez et si vous y réfléchissez un instant, que notre fiscalité présente le défaut considérable de privilégier automatiquement les opérations financières des entreprises et de pénaliser les opérations d'investissement réel. Ce n'est pas ce que nous souhaitons et, pour favoriser des dernières, il faut faire en sorte que tous les investissements ne se voient pas appliquer la même fiscalité. C'est ce que nous proposons ici.
(L'amendement n° 742 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Gilles Carrez a fait remarquer tout à l'heure que nous avions tendance à « taper » à l'aveugle sur les entreprises. Avec cet amendement, nous démontrons le contraire !
Cet amendement de bon sens vise à tenir compte du contexte de crise mondiale que nous traversons, laquelle a révélé l'épuisement du modèle économique dont se réclame votre politique. S'il en était besoin, les propos tenus tout à l'heure par le candidat Sarkozy évoquant « trois crises économiques d'une ampleur inouïe » l'ont confirmé.
Ce n'est ni plus ni moins la crise de votre système depuis dix ans, pas seulement en France, mais également en Europe, à cause des traités européens.
Chacun s'accorde à dire que, outre la stagnation des salaires, notre pays est confronté à la baisse préoccupante du pouvoir d'achat de nos concitoyens, que vous ne cessez d'amputer au fil des projets de loi de finances ainsi qu'à la faiblesse de l'investissement des entreprises en dépit de fonds importants.
En adoptant l'article 1er, vous avez encore réduit le pouvoir d'achat de la population. Cette faiblesse est principalement due au fait que, dans les dernières décennies, les entreprises ont distribué une part croissante de leurs bénéfices aux actionnaires…
…au lieu de les consacrer au développement de l'investissement, y compris dans le domaine de la recherche et de la formation, où règne l'omerta la plus totale. Des fonds énormes ont été versés sans aucun contrôle sérieux de leur utilisation.
Les entreprises ont, sans scrupule, distribué aux actionnaires tout ce qui pouvait l'être !
Vous parlez toujours, madame la ministre, du coût du travail. Mais ne conviendrait-il pas de s'interroger sur le coût des actionnaires ?
Veuillez conclure, monsieur Gosnat. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
L'instrument fiscal peut être un moyen utile afin d'inciter les entreprises à changer leurs pratiques. Notre amendement propose de modifier l'article 219 du code général des impôts dans le sens de la mise en oeuvre de taux différenciés de l'impôt sur les sociétés selon que les entreprises privilégient la distribution de dividendes aux actionnaires, et ceux-là, il faut les taxer,…
…ou consacrent au contraire une part importante de leurs bénéfices à l'investissement et à l'augmentation de la part des salariés. Comme je sens que je suis censuré, madame la présidente, je m'arrête là, mais je suis outré. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Gosnat, vous n'avez pas été censuré. Les mots ont un sens et vos propos ne sont pas fondés car vous vous êtes exprimé pendant plus de trois minutes, trois minutes cinquante-deux secondes précisément. Pour quelqu'un qui se dit avoir été censuré, vous avez largement eu le temps de vous exprimer !
Oui. C'est scandaleux !
(L'amendement n° 765 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. Christian Eckert pour soutenir l'amendement n° 743 .
Nous sommes favorables à une modulation du taux de l'impôt sur les sociétés. Je vous rappelle – et c'est un véritable scandale – que les entreprises du CAC 40 sont imposées sur leurs bénéfices en moyenne à hauteur de 8 % ; les entreprises de taille intermédiaire – les ETI –, à hauteur de 13 à 14 % et les PME autour de 23 %. Tout le monde pense que l'impôt sur les sociétés est fixé à 33,3 %.
Or avec les défiscalisations diverses et variées, les grandes sociétés disposant d'une armada de fiscalistes les aidant à trouver toutes sortes d'optimisations fiscales peuvent considérablement réduire leur impôt sur les sociétés.
Cet amendement est une pierre dans l'édifice que nous proposerons aux Français dans les semaines qui viennent. En ce qui nous concerne, l'impôt sur les sociétés doit être fixé à hauteur de 15 % pour les TPE, de 30 % pour les PME et les ETI, et de 35 % pour les grandes entreprises. Une telle proposition participe de l'équilibre et de l'évolution que nous souhaitons dans les secteurs des PME et des TPE, facteurs de développement, tout le monde s'accorde à le reconnaître ici.
Nous proposons cette première mesure qui fait partie d'un dispositif plus large. Son coût a été évalué à environ 2,5 milliards d'euros, je ne vous le cache pas, et s'inscrit dans une architecture globale. Il s'agit pour nous d'augmenter la compétitivité des entreprises et cette mesure nous paraît plus juste que de faire payer la TVA Sarkozy à l'ensemble des consommateurs.
Si le Gouvernement est défavorable à cet amendement, c'est parce que nous sommes dans une logique de convergence franco-allemande. Que ce soit sur les LBO et la déductibilité des intérêts d'emprunt, monsieur Muet, ou sur le taux de l'impôt sur les sociétés, monsieur Eckert.
Notre démarche vise à aboutir à une fiscalité sur les entreprises commune à celle pratiquée par nos partenaires allemands. Pourquoi ? Une entreprise française qui exporte a 80 % de chances de se retrouver à un compétiteur allemand.
Il ne faut donc pas mettre des boulets de sous-compétitivité aux pieds de nos entreprises.
J'ajoute, monsieur Muet, qu'un certain nombre de LBO ont permis la reprise d'entreprises par les salariés d'entreprises en réelle difficulté.
Il faudrait donc évaluer précisément les effets pervers ou les avantages de votre amendement.
Enfin, j'aurais voulu dire à M. Emmanuelli, qui a malheureusement quitté l'hémicycle, que j'avais tort sur les dix points de dépenses qui séparent l'Allemagne et la France. Ce ne sont pas dix, mais onze points.
Nous avons 56 % de dépenses publiques dans le PIB, contre 45 % en Allemagne.
Je trouve le discours sur la convergence franco-allemande assez plaisant quand, comme le disait François Fillon il y a un an, on décale la France en augmentant le taux de TVA alors que les Allemands nous ont rejoints. Ils sont à 19 %, nous étions à 19,6 % et vous proposez maintenant d'augmenter le taux.
Nous avons trop de dépenses publiques.
Je trouve plaisant également le discours sur la convergence franco-allemande parce que vous avez toujours refusé l'amendement que nous proposions ces dernières années visant à plafonner la déductibilité des intérêts d'emprunt sur le montant allemand.
Les Allemands ne veulent plus le faire.
Le rapporteur général faisait valoir que le sujet méritait d'être étudié.
Apparemment, il y a des sujets sur lesquels la convergence vous impose de prendre des mesures. Quand cela vous dérange, vous étudiez la question…
C'est faux.
Pour l'instant, vous divergez fiscalement.
L'amendement que nous avons proposé précédemment est un peu plus subtil car il favorisait en plus l'investissement productif.
S'agissant de l'amendement que vient de présenter M. Eckert, nous savons très bien quel est le problème de la France. Nous avons un taux de 33 %, mais dans la réalité, notre impôt sur les sociétés est tellement mité que les PME acquittent ce taux, mais les grandes entreprises à partir de 2000 salariés sont en moyenne à 12 %, en taux effectif ; les entreprises du CAC 40 sont à 8 % et les deux plus grandes à zéro. Vous me direz que c'est un problème de niche fiscale. Nous avons autant de niches fiscales dans l'impôt sur les sociétés que dans l'impôt sur le revenu.
Il y a donc beaucoup à faire. Rendre l'impôt sur les sociétés progressif permet de rééquilibrer la situation, de faire en sorte que les PME paient moins d'impôt que les plus grands groupes. Je pense aussi que c'est favorable à la croissance et à l'emploi car, comme nous le disons tous, ce sont pour l'essentiel les PME qui créent des emplois.
(L'amendement n° 743 n'est pas adopté.)
Je ne veux pas marcher sur les plates-bandes de M. Brard, madame la présidente. (Sourires.)
Le présent amendement a pour objet d'établir une modulation de l'impôt sur les sociétés dans les entreprises employant un trop grand nombre de salariés en contrats précaires. Au fil des débats financiers, nous n'avons cessé de poser cette question et nous n'avons toujours obtenu qu'une réponse négative, ce qui est bien dommage.
Est-il normal qu'en France, cinq millions de salariés travaillent sous des contrats précaires, des contrats à durée déterminée, des contrats d'intérim, du travail à temps partiel subi, ou des stages pas ou peu rémunérés qui s'enchaînent ? Contrairement à Mme Parisot, qui avait osé déclarer « la vie, la santé, l'amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ? », nous pensons que le travail doit échapper à cette logique. Il n'y a pas de fatalité en la matière. Les salariés de notre pays exigent de pouvoir s'inscrire durablement dans un emploi stable.
À défaut de mettre en place la sécurité sociale professionnelle, visant rien moins que l'abolition du chômage, cette proposition que nous expliquons et développons dans le programme du Front de Gauche, l'Humain d'abord,…
…dont je peux vous donner lecture, le présent projet de loi de finances nous offre la possibilité d'agir immédiatement pour limiter la précarité dans l'emploi.
Pour ce faire, nous proposons que l'impôt sur les sociétés soit majoré de 10 %, dans trois cas. Premièrement, si une entreprise de 250 salariés et plus a recours à plus de 5 % de travail précaire ; deuxièmement, si une entreprise de cinquante salariés et plus a recours à plus de 10 % de travail précaire ; enfin si une entreprise de vingt salariés et plus a recours à plus de 20 % de travail précaire.
Avec cette simple mesure de bon sens, nous pouvons rendre un immense service aux salariés de ce pays. Je vous invite donc à voter cet amendement.
Très bien !
(L'amendement n° 687 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Pierre Brard pour soutenir l'amendement n° 688 .
Je commencerai par citer Gilles Carrez. Le jour où il ne sera plus rapporteur général, nous le regretterons, car ses propos sont souvent plein de bon sens et très inspirés.
Lui n'a pas besoin de dire « je vais dire la vérité », car il a l'habitude de la dire même quand elle n'est pas favorable au Gouvernement, ce qui est tout à son honneur.
Le 20 octobre 2011 – c'est à marquer d'une pierre blanche –, Gilles Carrez déclarait : « je comprends parfaitement votre idée, mais le système que vous proposez est trop rigide. Les entreprises sont aussi diverses que les humains et certaines d'entre elles ont des activités saisonnières. »
Certaines entreprises abusent du travail précaire. Notre proposition est très simple. Elle vise à taxer davantage les entreprises qui exagèrent pour favoriser les emplois stables. Tel est le sens de notre amendement qui préserve les entreprises qui ont recours, de façon occasionnelle et légitime, au travail saisonnier, et fait peser plus lourdement la fiscalité sur celles qui abusent des dispositifs actuels.
J'étais d'accord avec la première partie, mais pas avec la chute ! (Sourires.) Défavorable.
(L'amendement n° 688 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. Michel Bouvard pour défendre l'amendement n°518 rectifié .
J'espère qu'il recueillera plus de succès auprès du Gouvernement que mes amendements d'hier, même si je note déjà que M. Chartier y est défavorable. (Sourires.)
En application de l'article 238 bis du code général des impôts, les entreprises peuvent bénéficier, dans le cadre du mécénat, d'une réduction d'impôt au titre des dons consentis à des organismes agréés oeuvrant en faveur de la création ou de la reprise d'entreprises.
Alors que ce dispositif concernait initialement tout type d'aides financières, quelle que soit leur finalité, sa mise en conformité avec le droit communautaire a conduit à limiter les aides éligibles aux seules aides destinées à financer des investissements.
Or certaines associations locales d'aide au financement de petites entreprises ont récemment perdu leur agrément fiscal au motif que leurs aides servent à financer non seulement des investissements mais aussi des besoins en fonds de roulement, que les banques refusent pourtant de financer. C'est le cas de certains réseaux que nous connaissons bien les uns et les autres, et qui sont très utiles, par exemple, pour les prêts d'honneur, l'insertion des chômeurs, la gestion du dispositif NACRE.
À l'heure où les petites entreprises font face à des difficultés croissantes d'accès au financement bancaire pendant leur phase de démarrage et de premier développement, il est indispensable que l'on puisse continuer à leur apporter un soutien. C'est l'objet de cet amendement que d'y contribuer.
Le dispositif serait placé sous la réglementation relative aux aides de minimis de l'Union européenne. Il permettrait ainsi aux associations de poursuivre leur mission d'intérêt général, pour un coût extrêmement limité compte tenu de la faiblesse des sommes en jeu et du mécanisme de plafonnement global du système de minimis.
Favorable, sous réserve, bien sûr, de l'accord de M. Chartier. (Sourires.)
Très favorable ! Le Gouvernement lève le gage.
Après concertation avec le président du groupe UMP (Sourires.), nous allons donner un avis très favorable à l'amendement de M. Bouvard. Tout d'abord, il s'agit d'un amendement que nous défendons depuis longtemps, de façon directe ou indirecte, M. Carrez le sait bien. Ensuite, nous voulons tellement faire plaisir à notre collègue Michel Bouvard que nous ne résistons pas à l'envie de le soutenir.
(L'amendement n° 518 rectifié , modifié par la suppression du gage, est adopté.)
Je suis saisie de trois amendements, nos 421 , 738 rectifié et 724 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Hervé Gaymard., pour défendre l'amendement n° 421 .
Un Savoyard succède à un autre mais je ne suis pas sûr d'avoir le même succès que M. Bouvard. (Sourires.)
Il s'agit de revenir sur un amendement que j'avais déposé à l'occasion de la précédente loi de finances rectificative, qui a procédé au relèvement de 5,5 % à 7 % du taux de TVA applicable aux livres imprimés et aux livres numériques. Il nous semble que ce taux devrait rester fixé à 5,5 %, compte tenu de la spécificité d'un secteur…
…qui fait l'objet d'une législation particulière, notamment à travers la loi relative au prix unique. Ajoutons que ce secteur a connu une dérogation à la loi sur les délais de paiement, puisqu'il se situe dans une économie très particulière où le prix est fixé par l'éditeur.
En outre, chacun sait que la situation de la librairie est très fragile, avec des marges souvent négatives ou alors très faiblement positives et des salaires pour la plupart inférieurs à la moyenne. Cette augmentation du taux de TVA contribuerait à accroître la fragilité de ce secteur économique qui a aussi son importance pour la diffusion culturelle territoriale.
Pour toutes ces raisons, madame la ministre, j'estime qu'il faut revenir sur l'augmentation votée à la fin de l'année dernière. J'entends bien qu'une commission très compétente a travaillé sur cette question, après que le ministre de la culture et vous-même vous êtes engagés à ce que l'augmentation ne prenne effet qu'à partir du 1er avril de cette année. Mais vous savez les difficultés sans nom que connaissent les libraires, les diffuseurs et les distributeurs pour gérer les retours puisque les livres initialement facturés à 5,5 % devront se voir appliquer un taux de 7 %.
Bref, pour des raisons à la fois théoriques, pratiques et culturelles, il me semble qu'il ne faut pas augmenter à 7 %, le 1er avril, la TVA applicable aux livres imprimés et numériques. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Patrick Bloche pour défendre l'amendement n° 738 rectifié .
Vous ne serez pas étonnée, madame la présidente, que je reprenne certains des arguments que vient de développer très justement Hervé Gaymard.
Nous avons déjà eu cette discussion à deux reprises à la fin de l'année dernière lorsqu'il a été décidé de relever de 5,5 % à 7 % le taux de TVA s'appliquant aux livres : au 1er janvier pour le livre numérique, au 1er avril pour les livres imprimés, délai accordé en deuxième lecture.
Comment ne pas redire que cette mesure nous paraît non seulement anticulturelle, puisqu'elle constitue un obstacle supplémentaire dans l'accès à la lecture et à la culture de nos concitoyens, mais aussi antiéconomique, compte tenu des particularités de ce secteur ? Depuis trente ans – et nous nous en réjouissons collectivement –, celui-ci est régi par ce que l'on appelle le prix unique du livre : ce ne sont ni les diffuseurs ni les libraires qui fixent le prix du livre, mais les éditeurs. La hausse de TVA, même si son entrée en vigueur a été reportée au 1er avril, fragilisera considérablement le réseau des librairies indépendantes sur tout le territoire national. Cela aura des conséquences pour leur accès de nos concitoyens à la lecture, notamment quant aux possibilités d'acheter des livres à proximité de leur domicile. Pour les librairies, la situation se détériorera encore : avec cette hausse de la TVA, le chiffre d'affaires global de la librairie française, qui n'a déjà progressé que de 0,3 % l'an dernier, connaîtra une diminution de 0,2 %.
Il s'agit donc d'une mesure antiéconomique, qui aura des conséquences sur l'emploi dans la filière du livre.
Des informations affluent de partout, qui montrent que les éditeurs, qui ont la responsabilité de fixer le prix des livres depuis 1982, ne répercuteront pas cette hausse de TVA et que les libraires sont dans l'impossibilité de le faire.
En ce 15 février, madame la ministre, vous tenez une nouvelle chance de revenir sur votre mauvaise décision de l'année dernière qui ne rapportera que quelques dizaines de millions d'euros au budget de l'État et qui aura des conséquences désastreuses pour le livre, pour la lecture, pour la culture dans notre pays, pour le réseau des librairies indépendantes dont on sait qu'elles contribuent à l'animation de nos centres-villes, dans les régions les plus rurales en particulier. Cette nouvelle chance, sachez la saisir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Sur le vote de l'amendement n° 738 rectifié , je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier pour défendre l'amendement n° 724 rectifié .
Madame la présidente, permettez-moi, tout d'abord, de souligner que lorsque j'entends Hervé Gaymard, je me dis qu'il y a cent cinquante ans la Savoie a bien fait de choisir la France. (Sourires.)
Je ne sais pas si je l'aide beaucoup en disant cela…
Madame la ministre, en décembre dernier, votre gouvernement a décidé d'augmenter de 28 % la TVA sur ce produit de première nécessité qu'est le livre, au risque de complexifier l'accès à la culture. Cette mesure a piétiné des pans entiers de politiques publiques fondées sur des incitations fiscales et destinées à rendre l'accès à la culture moins élitiste.
Victor Hugo disait : « La lumière est dans le livre. Ouvrez le livre tout grand. Laissez-le rayonner, laissez-le faire. »
Or, votre gouvernement empêche le livre de rayonner. En plus de poser d'immenses problèmes aux libraires et aux éditeurs pour mettre à jour les étiquettes des 700 000 références d'ouvrages qu'ils vendent, votre augmentation de TVA aura des effets néfastes sur nos bibliothèques. L'augmentation du prix du livre va diminuer leurs capacités d'achat et restreindre le choix d'ouvrages qu'elles proposent au public.
Pour ces raisons, mes chers collègues, nous vous proposons de fixer à nouveau le taux de TVA sur les livres à 5,5 %. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Ces amendements ont été longuement discutés lors de l'examen du collectif budgétaire de décembre dernier. Nous avons été conduits à adopter un amendement exceptionnel, consistant à différer du 1er janvier au 1er avril l'application du relèvement de la TVA, afin de tenir compte des problèmes liés à la réévaluation des stocks des libraires, qui comprend des milliers et des milliers d'articles. Nous avons été unanimes dans notre volonté de prendre en considération le caractère exceptionnel du livre.
Chacun sait à quel point les librairies reposent sur une économie fragile, et tous ceux d'entre nous qui sont maires savent combien il est important d'en conserver dans les coeurs de ville. C'est un combat que nous partageons tous.
Toutefois, d'autres éléments doivent être pris en compte.
Pour un livre d'un prix moyen de 15 euros, la hausse de la TVA se traduira par une augmentation de trente centimes, ce qui paraît absorbable.
Par ailleurs, j'appelle l'attention de mes collègues sur le fait que cette mesure prise en décembre dernier est une mesure de recettes, contrairement à celle dont nous avons discuté à l'article 1er. Elle vise à réduire notre déficit budgétaire grâce à un produit qui sera, je suis bien obligé de le rappeler, d'environ 80 millions d'euros.
En tant que rapporteur général, je me sens donc contraint de répéter les mêmes arguments et de redire quelle a été la position de la commission des finances : elle a proposé le report de la mise en oeuvre du nouveau taux sans pour autant renoncer au passage à 7 % de la TVA sur le livre.
Permettez-moi tout d'abord de saluer la ténacité de certains sur ces bancs,…
Oui, ceux qui aiment la culture et qui n'habitent pas rue du Faubourg Saint-Honoré !
…qui n'hésitent pas à revenir sur une question très largement et très longuement débattue sur ces bancs, à gauche comme à droite.
La politique du livre fait partie du patrimoine de la France, du patrimoine de la République, puisque, de Jack Lang à Frédéric Mitterrand, il existe une continuité absolue dans le prix unique du livre, de sa mise en place par la gauche jusqu'au combat que nous menons actuellement pour son application au livre numérique.
Je suis désolée de vous le dire, la France a pris la tête de ce combat : nous croyons vraiment que le livre numérique est l'avenir du livre ; il faut donc que nous arrivions à la neutralité des supports – nous en avons parlé avec M. Bloche à de nombreuses reprises, ainsi qu'avec M. Gaymard. La France s'est toujours battue pour que le livre reste à des prix très faibles, qu'il soit papier ou qu'il soit numérique.
Nous le faisons parce que nous avons la conviction que les livres sont des biens… – comment dire ?
Oui. (Sourires.) C'est qu'Hervé Gaymard avait une belle expression : il a parlé de « nourriture intellectuelle » ; mais vous comprenez bien que, si je reprends ces mots, on me dira qu'il faut taxer la nourriture intellectuelle comme la nourriture tout court, et je serai piégée...
Je ne parlerai donc pas de nourriture intellectuelle,…
…mais je dirai que c'est la fondation de toute notre éducation ; c'est ce qui nous permet d'être des hommes libres. Nous voulons défendre le livre et nous le défendrons.
Je dois rappeler aussi que les libraires ont fait l'objet de toute l'attention du Gouvernement. Lors de la réforme de la taxe professionnelle, nous avons prévu un dégrèvement et des exonérations pour les libraires de référence. Dans le cadre du projet de loi de finances rectificative qui a relevé le taux réduit de TVA de 5,5 % à 7 %, nous avons décidé d'une mesure transitoire pour les libraires, mesure totalement dérogatoire, que nous n'avons acceptée pour aucune autre profession. Nous avons accepté celle-ci parce que les ventes de livres sont importantes pendant l'automne et l'hiver, et qu'il fallait que les libraires disposent de temps pour étiqueter à nouveau leurs livres et pour absorber l'augmentation de la taxe.
Je dois maintenant vous dire que le taux réduit de TVA est désormais passé de 5,5 % à 7 %. C'est une décision de principe ; c'est une décision qui touche tous les biens, et les services, qui bénéficient du taux réduit. Je veux rappeler à ceux qui étaient là cet automne la difficulté que nous avons eue à trancher, sur les ordures ménagères, sur les transports publics, sur les cantines. Nous ne pouvons pas faire une exception pour le livre !
Faire une exception pour le livre, ce serait détricoter l'ensemble du dispositif : aujourd'hui, le taux réduit n'est plus à 5,5 % ; aujourd'hui, le taux réduit est à 7 %.
Ces amendements coûteraient 80 millions d'euros, et nous n'avons pas le moindre euro de gage sur cette mesure. (« Mais si ! » sur les bancs du groupe GDR.) C'est pour cela que je demande à l'ensemble des députés qui, je le sais, sont tous ici attachés au livre, de maintenir, en toute responsabilité, le taux de TVA applicable au livre à 7 %.
Madame la ministre, je vous ai écoutée avec attention, et je crois que tous nos collègues, sur tous les bancs, auront remarqué comme moi qu'en fait, vous n'avez aucun argument pour refuser de revenir à une TVA à 5,5 % sur le livre. Vous n'en avez pas !
Vous dites que c'est une question de principe. Mais cette augmentation est simplement absurde. Elle met en danger les libraires, alors que leur nombre, on le sait, diminue d'année en année, ce qui n'est pas sans conséquences. Cette augmentation de TVA provoquera une augmentation du prix du livre ; or les gens ont vu la TVA passer de 5,5 % à 7 % sur d'autres produits, et verront maintenant le taux normal passer de 19,6 % à 21,2 %. Quand il faut réduire ses dépenses, éliminer l'achat de livres du budget familial constitue malheureusement une solution : les familles préfèrent en général faire d'abord manger les enfants et assurer les soins, et se disent qu'elles iront emprunter les livres à la bibliothèque.
Mais le problème, c'est que l'augmentation de la TVA, provoquant une augmentation du prix des livres, entraînera aussi un coût supplémentaire pour toutes les bibliothèques, municipales, départementales, universitaires. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Soit vous augmenterez les aides aux bibliothèques, et vous perdrez par là ce que vous récupérerez en augmentant la TVA ; soit vous réduirez de fait les capacités d'achat des bibliothèques.
Cela aura aussi des conséquences sur les prix des livres scolaires, qui augmenteront eux aussi. Vous nous direz, je suppose, que vous allez augmenter l'allocation de rentrée scolaire. Mais tout cela est absurde : vous courez pour rattraper les conséquences de votre mauvaise décision.
Oui, il faut conserver à 5,5 % la TVA sur le livre. Madame la ministre, vous l'avez dit, il y a eu une continuité absolue du prix unique du livre : vous êtes aujourd'hui en train de la rompre. Il faut au contraire la maintenir, et donc voter les amendements en discussion. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Je veux revenir sur les propos de Mme la ministre, car ils étaient intéressants, tout au moins pendant un temps. Le livre fait l'objet d'une exception pour une raison simple : il existe en effet, même si le terme peut être différemment interprété, une exception culturelle, qui a été imposée par la France. C'est l'un des grands combats culturels menés par notre pays, notamment, mais pas seulement, au niveau européen.
L'exception culturelle ne concerne pas que le livre ; mais il en a été la source. Il faut noter la singularité de la position française, même si de nombreux pays de l'Union européenne ont ensuite adopté le prix unique du livre, ce qui est une bonne chose.
Je vois que vous avancez, madame la ministre, dans votre réflexion sur la neutralité des supports : vous acceptez maintenant de la défendre, alors qu'il fut un temps où vous pensiez que, dès lors qu'un bien culturel pouvait être distribué sous forme numérique, il devenait un service numérique, passible comme tel de la TVA à 19,6 %. Vous acceptez maintenant de mener ce combat des biens culturels vendus sur internet comme il doit être mené. Cela vaut pour le livre, mais, je le rappelle à tous mes collègues, cela devrait aussi valoir pour la presse, notamment la presse en ligne, qui subit des taux de TVA très élevés quand la presse papier bénéficie d'un taux super-réduit. Il y a donc une avancée de votre part, et je tiens à la saluer.
Quant à la libraire, s'il est un secteur culturel qui doit être fortement défendu, c'est bien celui-là : il assure une présence de la culture dans de nombreuses communes, présence absolument nécessaire pour nourrir la relation à la culture et aux livres.
Je veux dire mon soutien à ces amendements : le livre est un outil culturel, un outil d'émancipation. Au-delà, je voudrais, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, souligner votre incohérence sur cette question de la TVA.
Au mois de décembre dernier, vous nous avez expliqué – Mme la ministre vient de le rappeler – qu'il fallait une augmentation générale du taux réduit de la TVA, de 5,5 % à 7 %. Vous ne le dites pas, mais la réalité est bien qu'il s'agissait de boucher les trous que vous aviez vous-mêmes creusés dans le budget de l'État, y compris l'été dernier encore avec la suppression de la moitié de l'ISF. Cela représente à peu près le même montant : 1,8 milliard d'euros.
Cette année, en février, vous augmentez la TVA à nouveau, mais vous prétendez cette fois que ce n'est pas une mesure budgétaire, mais qu'il s'agit de supprimer certaines cotisations. Il est déjà difficile de se retrouver dans votre logique, mais surtout nous n'avons pas oublié qu'il y a deux ans, vous nous expliquiez qu'il fallait diminuer la TVA de 19,6 % à 5,5 % – elle est maintenant passée à 7 % – pour le secteur de la restauration : cela a coûté entre 2,5 et 3 milliards d'euros. Pour le livre, qui est un vrai enjeu culturel – plusieurs orateurs l'ont souligné avant moi –, ce ne sont pas du tout les mêmes ordres de grandeur ! Je crois qu'il faut faire une exception à l'augmentation généralisée que nous avons, pour notre part, combattue l'année dernière.
Juste une phrase, madame la présidente, pour mettre à l'aise nos collègues de la majorité : s'ils ont entendu – et je ne saurais émettre l'hypothèse qu'ils ne les aient pas entendus – les voeux du Président de la République au monde de la culture, au mois de janvier, ils savent que, pour le Président de la République, les biens culturels sont aussi importants que l'eau fraîche.
Me souvenant du débat qui avait eu lieu, notamment à l'initiative de notre collègue Christian Eckert, sur la différence du taux de TVA entre l'eau du robinet – l'eau fraîche – et l'eau usée – puisque le taux de TVA sur l'assainissement est passé à 7 % –, je pense logique que les biens culturels, et notamment le livre, soient imposés à 5,5 % comme l'eau du robinet. (« Très bien ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
J'apporterai au débat deux éléments, afin que chacun puisse avoir à l'esprit tout ce qui permet de bien prendre sa décision.
S'agissant du fonctionnement des librairies, nous sommes tous, bien sûr, préoccupés : M. le rapporteur général l'a dit, c'est une question qui touche la vie quotidienne des villes, c'est donc un sujet essentiel. Je voudrais mettre en relief une mesure qui n'a pas été votée par l'opposition, mais qui l'a été par la majorité : la baisse du coût du travail, et en l'occurrence, les allègements des cotisations familiales. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je viens de prendre les informations : eh bien on observe que la majeure partie des salaires des libraires se trouvent exactement dans la fourchette qui va de 1,6 SMIC à 2,4 SMIC.
Cela signifie que les libraires vont bénéficier à plein de la réduction de la cotisation « famille », et de son annulation pure et simple pour les salaires entre 1,6 et 2,4 fois le SMIC. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je voudrais ensuite apporter un deuxième élément de nature à éclairer le débat, en prenant quelques exemples de taux de TVA sur le livre en Europe.
Par exemple, en Autriche, c'est 16 %.
Un taux de 5,5 %, voire moins, n'est donc pas un cas général en Europe : il ferait plutôt figure d'exception. Nous débattons beaucoup de ce sujet : le livre est extrêmement cher à tous les Français, et naturellement à nous tous.
Puisque nous avons pris une décision sur ce sujet qui nous est cher, il me semble qu'il est préférable de s'y tenir. Il ne faut pas rouvrir le débat à chaque nouvelle proposition de réduction du taux de TVA.
C'est toujours chose difficile, chacun en convient, d'augmenter la TVA. Lorsque, collectivement, on a réussi à accomplir un effort, il n'est pas prudent de vouloir revenir en arrière.
(L'amendement n° 421 n'est pas adopté.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 738 rectifié .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 148
Nombre de suffrages exprimés 146
Majorité absolue 74
Pour l'adoption 63
Contre 83
(L'amendement n° 738 rectifié n'est pas adopté.)
Je mets maintenant aux voix l'amendement n° 724 rectifié .
(L'amendement n° 724 rectifié n'est pas adopté.)
Cet amendement porte sur un domaine tout à fait particulier : le théâtre, les concerts, et d'autres activités culturelles, qui – chacun ici le sait – ne pourraient très souvent fonctionner sans subventions.
Augmenter la TVA applicable à ce secteur revient à récupérer une part significative de la subvention que vous lui attribuez.
Je veux rappeler ici même que le Président de la République avait promis au secteur du spectacle vivant que le budget de la création ne verrait pas ses crédits gelés. Or, ils le sont cette année.
Par ailleurs, alors que le budget est déjà en légère régression, vous prélevez 15 millions d'euros pour créer le Centre national de la musique. Voilà donc un secteur qui se trouve attaqué par les différentes dispositions que vous avez prises, alors même que le Président de la République avait annoncé qu'il serait protégé, voire encouragé.
C'est pourquoi nous proposons de rétablir le taux de TVA à 5,5 % sur le spectacle vivant. Ainsi, les tarifications resteront modestes et permettront que les activités culturelles soient accessibles au plus grand nombre.
(L'amendement n° 739 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Madame la ministre, cet amendement vous offre la possibilité de maintenir la TVA à 5,5 % sur tous les produits de première nécessité précédemment évoqués, dont les familles ne peuvent se priver, c'est-à-dire les bois de chauffage, les produits agricoles servant à l'alimentation du bétail, les livres, les autres produits culturels, les produits pharmaceutiques, etc.
Toute augmentation de TVA est une ignominie pour l'ensemble des couches moyennes et des familles populaires confrontées à la précarité.
J'espère que vous voterez cet amendement juste, égalitaire et équitable, et qui permettrait à tous les Français de gagner du pouvoir d'achat.
Très bien !
(L'amendement n° 745 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. Patrice Verchère pour soutenir l'amendement n° 456 rectifié .
La TVA sur l'ensemble des produits antiparasitaires, qu'ils soient certifiés, utilisables en agriculture biologique ou non, est passée, au 1er janvier 2012, de 5,5 % à 19,6 %.
Ce changement de taux a été présenté par le Gouvernement comme un signal destiné à inciter les utilisateurs de produits antiparasitaires à réduire leur consommation en cohérence avec la stratégie de réduction de la consommation de produits phytosanitaires adoptée lors du Grenelle de l'environnement et déclinée dans le plan « Ecophyto 2018 ». Ce signal reste toutefois indifférencié puisque les produits utilisables en agriculture biologique ou les produits sans classement environnemental ou toxicologiques se voient appliquer le même taux de TVA.
Or, si le Gouvernement avait voulu envoyer un signal fort après le Grenelle 2, les produits UAB n'auraient pas dû être concernés par cette mesure car il a toujours été question de soutenir les produits bio.
Afin d'être en cohérence avec les objectifs poursuivis par le plan « Ecophyto 2018 », et dans le souci de promouvoir des produits à moindre impact, il serait pertinent de proposer un taux de TVA réduit pour des produits utilisables en agriculture biologique. Ce serait là un signal fort à destination des agriculteurs, des jardiniers et des gestionnaires d'espaces verts pour les orienter de façon préférentielle vers ce type de produit.
Au-delà de l'incitation forte des utilisateurs à préférer les produits UAB ou sans classement, ce serait aussi un signal fort en direction des industriels qui seraient encouragés à poursuivre leurs efforts de développement de ces produits et aurait donc, à terme, un impact réel sur l'environnement.
J'espère que cet amendement pourra être accepté.
La commission n'a pas examiné cet amendement.
Pour ma part, je m'interroge. Je ne suis pas sûr que la classification soit opérante.
Une chose est sûre cependant : il n'était pas normal de conserver au taux réduit tout un ensemble de produits dont la toxicité est avérée.
Madame la ministre, je vous pose cette question : parmi ces produits, y en a-t-il qui présentent un intérêt tel qu'il faille rétablir le taux de 5,5 % ?
Monsieur Verchère, je partage le souhait que vous formulez à travers cet amendement d'appel.
Effectivement, il n'était pas normal que les produits phytosanitaires soient taxés au même niveau que les produits de première nécessité, certains pouvant même avoir un impact sur l'environnement.
Nous aimerions donner un coup de pouce aux produits phytosanitaires bio, mais il faudrait revoir la rédaction de votre amendement. Vous étendez en effet le bénéfice du taux réduit à des produits tels que les engrais utilisés « en jardin ou en espaces verts », dénomination qui paraît bien vague. Ne pourrait-on prendre le temps de la réflexion avec le ministère de l'environnement afin de trouver, d'ici la deuxième lecture, une rédaction adéquate ? C'est pourquoi je vous suggère de retirer l'amendement.
Vous avez raison, madame la ministre, c'est un amendement d'appel. Au regard de l'engagement pris par le Gouvernement, je le retire afin d'en améliorer la rédaction. Peut-être pourrions-nous d'ailleurs vérifier si une telle disposition ne relève pas du domaine réglementaire ?
(L'amendement n° 456 rectifié est retiré.)
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement n° 694 .
Madame la présidente, j'ai en tout sept amendements à défendre successivement. Aussi vous proposé-je de faire un lot, en espérant que vous accepterez, dans votre grande bonté, que je dépasse les deux minutes qui me sont imparties.
Mes chers collègues, vous conviendrez avec moi qu'il existe des produits de luxe. Quand on a les moyens d'acheter pour 500 ou 800 euros une paire de chaussures chez Hugo Boss ou Christian Louboutin… (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.) Je n'ai pas parlé de Christine Boutin, qui n'est pas un produit de luxe, mais plutôt un produit en solde… Elle vient d'être rachetée, pas cher, rue du faubourg Saint-Honoré ! (Sourires.)
Comme elle a de l'humour, elle comprendra.
Madame la présidente, vous qui êtes toujours fort élégante…
…et portez des accessoires qui vous siéent fort bien, je suis sûr que vous n'avez jamais acheté un Lady Dior, ce sac qui coûte 2 100 euros...
Sur Internet, on trouve tout ! On voit les produits en photo, à défaut de pouvoir les acheter. Et je connais aussi bien les tarifs des produits de luxe que vous le prix du lait, monsieur Jacob !
On m'a dit que certains flacons de Chanel N°5 pouvaient atteindre 1 000 euros…
..alors que, dans les Prisunic ou les brocantes, on trouve des parfums qui sentent certainement moins bon, mais dont le prix est 130 fois inférieur.
Savez-vous que la marque Porsche a vu ses ventes en France augmenter de 32 % entre 2010 et 2011, vendant plus de 3 000 véhicules dans l'hexagone ? Et je ne vous parle pas des Maserati, des Ferrari, des Maybach, des Lamborghini, des Rolls-Royce, des Jaguar, des Bentley, des Mercedes, etc. Ces véhicules peuvent atteindre jusqu'à 300 000 euros, voire 1,5 million d'euros comme c'est le cas pour la Pagani Zonda Cinque ou encore 1,7 million d'euros pour la Bugatti Veyron Super Sport. Il est inacceptable que la Clio soit imposée au même taux que les voitures de luxe.
S'agissant des vêtements de luxe, une personne qui aurait les moyens de s'acheter une pièce de vêtement d'un prix de 1 000 euros ou plus, ou un ensemble de deux pièces, veste et pantalon, d'un prix égal ou supérieur à 2 000 euros hors taxes, serait à même d'acquitter une TVA de 33 %.
Madame la présidente, je vous avais proposé un contrat que vous avez implicitement accepté.
Mon avant-dernier produit sera le caviar, produit importé qui plus est…
C'est comme si je vous disais qu'on pouvait importer du champagne de Russie !
Quand j'entends mes collègues prétendre qu'il y a du caviar français, cela me fait bondir. Il ne faut pas exagérer, tout de même !
Last but not least : les montres de luxe. Vous savez que le Président de la République qui défend les produits qu'il affectionne a d'abord fait la promotion des Rolex avant de faire celle des Patek Philippe 3 940G qui valent la modeste de somme de 33 000 euros. Quelqu'un qui est capable de faire un cadeau de ce prix doit consentir à faire un effort plus important en faveur de la solidarité nationale.
Madame la ministre, vous avez l'occasion ce soir d'être crédible – il faut reconnaître que vous ne l'avez pas été beaucoup depuis le début de la discussion – en acceptant de taxer à 33 % tous les produits dont je viens de parler et dont personne ne peut contester qu'ils représentent un luxe provocateur pour l'ensemble de nos concitoyens qui parfois confinent, non pas au luxe mais à la luxure. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Même avis.
Je souhaite indiquer à M. Brard, moi qui suis l'élu d'une circonscription où le textile a encore un sens, que les rares entreprises qui embauchent – des ouvrières de confection notamment – travaillent pour le secteur du luxe.
Nous venons par exemple, à Balbigny, petite commune de 2 500 habitants, d'implanter une entreprise se trouvait à l'étranger et vient de se relocaliser. Elle travaille pour un grand groupe de luxe français.
Elle va créer plus de cinquante emplois, tous de confection, et, j'y insiste, dans le secteur du luxe.
Si nous adoptions votre amendement, je puis vous affirmer que ces produits seraient beaucoup moins compétitifs…
Soit vous êtes favorables aux ouvrières quelle que soit la nature de leur travail, soit vous voulez taxer le genre de travail dont il est ici question et vous allez détruire des emplois.
Allez demander aux ouvrières de Lejaby si elles souhaitent qu'on augmente la TVA sur ces produits ! Nous avons la chance, en France, d'avoir une industrie du luxe qui tire le commerce extérieur, qui tire l'emploi de confection et de main-d'oeuvre.
Ce soir, nous avions une réunion des industries de main-d'oeuvre. Sachez que votre proposition effraie ces industriels et menace les emplois, nombreux dans ce secteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Notre collègue a raison : il existe des entreprises qui, dans secteur du luxe, créent des emplois en France. Je lui demanderai simplement : à quel prix ? Dans ma circonscription, une entreprise fabrique des produits de luxe en maroquinerie et une autre des porcelaines – comme à Limoges. Les coûts de production – et non les coûts salariaux – de la première activité représentent 5 % du prix de vente au consommateur, coûts qui sont de 6 % pour la seconde activité.
La parole est à M. Camille de Rocca Serra pour soutenir l'amendement n° 598 .
Le souhait du rapporteur général de maintenir le taux de TVA pour les cantines scolaires à 5,5 % ne tenait malheureusement pas compte du taux appliqué en Corse, qui était de 2,1 %. L'application de l'amendement de M. Carrez créerait donc une distorsion puisque les cantines industrielles resteraient taxées à 2,1 % tandis que les cantines scolaires le seraient à 5,5 %.
Je sais qu'il s'agit d'une erreur involontaire, c'est pourquoi je demande le rétablissement du taux de 2,1 % pour les cantines scolaires corses.
M. Rocca Serra sait l'attachement, l'attention constante que nous portons à ce beau territoire de Corse, et je suis vraiment confus de n'avoir pas fait attention au taux de la TVA qui y est appliqué pour les cantines scolaires.
Bien entendu, nous allons rétablir ce taux à 2,1 %. Avis favorable, donc.
(L'amendement n° 598 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
La parole est à M. Christian Eckert pour soutenir l'amendement n° 744 .
Cet amendement est une préfiguration de ce que nous pourrions faire pour renforcer la compétitivité des entreprises. J'ai déjà expliqué de quelle manière, avec l'impôt sur les sociétés, nous prévoyons d'injecter 2,5 milliards pour soutenir les petites entreprises. Cet amendement représente la deuxième pierre de l'édifice, ou le deuxième étage de la fusée, puisque nous vous proposons, de façon très détaillée, de permettre une réduction de la contribution foncière des entreprises, dont l'assiette serait constituée des acquisitions, les immobilisations permettant d'investir et de contribuer à leur développement.
Cette mesure prendrait la forme d'un dégrèvement. Son coût, de 2,5 milliards d'euros, est naturellement financé, et sans conséquences pour les collectivités territoriales puisque, comme d'autres dégrèvements, les pertes de recettes pour les collectivités seraient intégralement compensées par l'État. Ainsi nous prendrions 2,5 milliards d'euros sur l'impôt sur les sociétés, et donc, ici, 2,5 milliards sur ce système de dégrèvement pour les investissements productifs.
Au total, il s'agit de 5 milliards d'euros mis au service du développement des petites et moyennes entreprises industrielles, alors que vous proposiez d'injecter 25 % des 13 milliards d'euros de la TVA sociale, soit environ 3,5 milliards d'euros. Nous faisons plus, et nous le faisons d'une manière beaucoup plus juste.
Défavorable. Nous n'avons pas les 2,5 milliards d'euros en question.
La parole est à Mme Martine Billard pour soutenir l'amendement n° 689 .
Cet amendement vise à taxer les entreprises qui procèdent à des licenciements qu'on peut qualifier de boursiers, pendant qu'elles continuent à distribuer des dividendes. Au fond, nous sommes favorables à l'interdiction des licenciements lorsque les entreprises continuent à distribuer des dividendes à leurs actionnaires.
Le cas le plus spectaculaire en la matière est celui de PSA qui prévoit de supprimer plus de 5 000 emplois en France alors que l'entreprise a réalisé un bénéfice net de 1,13 milliard d'euros en 2010 et qu'elle s'apprête à distribuer d'énormes dividendes à ses actionnaires. Son PDG, M. Philippe Varin, septième patron français le mieux payé (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), a augmenté son salaire de 381 % entre 2009 et 2010. Je ne dispose pas d'informations selon lesquelles les salariés auraient été augmentés dans les mêmes proportions…
J'ai été amenée, lundi dernier, à rencontrer des salariées de plusieurs entreprises victimes de licenciements soit pour cause de délocalisation, soit à cause de la fermeture de leur entreprises.
Le licenciement des salariés de Sodimédical, qui appartient à un groupe allemand et qui produit du matériel opératoire, a été jugé abusif par la justice française. Depuis 2010, les employés ne touchent plus aucun salaire et le groupe allemand persiste à refuser de les payer alors que la justice leur a donné raison.
Vous arrivez à point nommé, monsieur le ministre de l'économie, puisque vous connaissez bien l'entreprise Sodimédical. Vous vous occupez malheureusement très peu des salariés dont le licenciement a été jugé abusif. Je suis très heureuse de la présence de M. Baroin, ancien député de la circonscription où se trouve cette usine : il va pouvoir répondre à ses salariés. Quand vont-ils pouvoir toucher les salaires qu'ils n'ont pas perçus depuis octobre ? Quand vont-ils retrouver leur emploi, ainsi que l'a décidé la justice française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Même avis. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Monsieur le ministre, vous ne pouviez pas savoir que j'évoquerais le cas de Sodimédical. Mais que penseront les salariés de cette entreprise quand ils apprendront que vous refusez de les recevoir lorsque vous êtes dans votre circonscription et que, lorsque vous êtes sur les bancs de l'hémicycle, vous refusez de répondre à la question de savoir ce que vous pouvez faire pour eux, vous, ministre de l'économie, pour qu'une décision de justice soit appliquée, alors que ces salariés dont le licenciement a été jugé abusif ne perçoivent plus aucun salaire depuis octobre, je le répète, et n'ont plus rien pour vivre ?
Monsieur le ministre, allez-vous enfin vous occuper des salariés de votre circonscription ?
Le Gouvernement est intervenu pour sauver l'emploi de 90 salariés de Lejaby, il en reste 300. Le Président de la République a rencontré les salariés de Photowatt pour leur expliquer qu'il allait faire en sorte qu'EDF rachète leur entreprise – ce qui est la moindre des choses quand on sait qu'EDF était actionnaire de Photowatt.
Et vous, monsieur le ministre, que faites-vous pour Sodimédical ? Allez-vous bouger, vous aussi, puisque les élections approchent, pour que ses employés touchent le salaire qui leur est dû et retrouvent un emploi ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
(L'amendement n° 689 n'est pas adopté.)
C'est le vote du Parlement, monsieur Gosnat ! Le vote des représentants du peuple n'est jamais scandaleux !
Je parlais du silence du ministre, pas du rejet de l'amendement ! Vous n'avez pas écouté !
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, premier orateur inscrit sur l'article 2.
Nous n'allons tout de même pas nous laisser donner des leçons par M. Balkany !
M. Mallot qui s'est fait rejeter par les militants de sa circonscription a encore quelque chose à dire !
M. Balkany dormait et il vient de se réveiller ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Lorsqu'on lit l'exposé des motifs de l'article 2, on note un passage très intéressant même très surprenant – et nous en partageons la teneur : « Il est légitime que le secteur financier apporte également sa contribution, d'autant que la crise est en partie le fruit de dysfonctionnements des marchés financiers. » Aveu tardif de votre part, mais toujours bon à prendre…
Toutefois, lorsqu'on va un peu plus loin, on voit que les dysfonctionnements en question ont dû être extrêmement légers, car la taxation est elle-même extrêmement légère : elle va rapporter, en 2012, 500 millions d'euros... On donne là dans l'homéopathie.
Je rappelle que des taxes similaires rapportent quatre fois plus au Royaume-Uni, dix fois plus en Suisse – on me dira que c'est normal, mais c'est tout de même dix fois plus – et quatorze fois plus au Brésil !
Cette taxe, dite « sur les transactions financières » parce qu'elle fait référence à la taxe Tobin, est comme le Canada Dry, elle ressemble à la taxe Tobin, elle en a le goût, mais elle n'est pas la taxe Tobin. En effet, les ONG ont rappelé que la raison d'être d'une telle taxe était de permettre aux pays en développement de bénéficier du minimum vital en matière d'alimentation, de santé et d'éducation – ce qui, au passage, aiderait au maintien des populations sur place.
Une telle taxe, en outre, doit contribuer à réduire la spéculation financière. Or tous les spécialistes estiment que l'effet de celle que vous instaurez sera nul à cet égard. Il faudrait au minimum un taux et une assiette permettant à la France d'engranger 10 à 12 milliards d'euros. En résumé : petit taux, petite assiette, petit effet.
Vous donnez encore une fois dans l'affichage électoraliste. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
En observant le ministre, je me dis qu'il a un point commun avec La Boétie : il est stoïque Je ne suis pas sûr, en revanche, que La Boétie ait été indifférent, lui. Hélas il n'est plus là pour nous dire ce qu'il en était.
Chacun se rappelle que, dans le long entretien qu'il a accordé, le Président de la République a évoqué un taux de 0,1 %. Vous l'avez donc déprécié de dix fois. Certes, il connaît rarement ses dossiers à fond et a lancé un chiffre, comme ça, sans trop savoir à quoi il s'engageait. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) J'imagine que ses conseillers lui ont signalé une erreur : ce n'est pas 0,1 % mais 0,01 %. Ou alors ce sont ses amis qui ont décroché le téléphone et ont fait valoir à quel point leurs intérêts pouvaient être en cause. (Même mouvement.)
Nous avons de cette taxe une vision plus exigeante, comme l'a dit Jean-Claude Sandrier. Avant-hier, j'ai cité votre éminent collègue et frère en politique, Philippe Douste-Blazy, qui disait que, sur une année, les transactions financières dans notre pays représentent 146 000 milliards d'euros. La taxe telle que vous la prévoyez ne rapporterait, sur ces 146 000 milliards d'euros, que 1,1 milliard. C'est dire son inefficacité !
Avec nos collègues allemands de Die Linke, nous avons fait une proposition, que nous avons présentée ici le 1er décembre dernier, d'instituer une vraie taxe, qui aurait un effet dissuasif et rapporterait aux finances de notre État 15 milliards d'euros de ressources supplémentaires. Entre le cosmétique et l'intervention chirurgicale, voyez de quel côté se trouve la volonté politique et de quel côté l'illusion !
Chers collègues de la majorité, je suis curieux de voir comment vous allez pouvoir voter cette mesure que vous n'avez cessé de combattre. Depuis cinq ans, à chaque débat budgétaire, nous sommes un certain nombre de députés de l'opposition à proposer de fixer un taux pour la taxe dite Tobin, qui existe dans notre régime fiscal mais n'a pas de taux. À chaque fois, c'était hors de question : il ne fallait pas, nous disiez-vous, le faire au niveau français, pas même au niveau européen, il fallait le faire au niveau mondial. Je constate aujourd'hui que vous proposez d'agir au niveau français. Tant mieux, d'ailleurs, car c'est un premier signal pour une extension ultérieure au niveau européen.
S'agissant du taux, votre raisonnement est un peu étrange. Monsieur le ministre, vous avez dit vous-même en commission que le plus gênant était la spéculation pure et dure, avec ses allers-retours permanents opérés par des modèles informatiques. Vous avez même indiqué qu'à la City de Londres on spéculait à partir des bâtiments les plus proches du centre, pour gagner quelques millièmes de secondes sur les réseaux informatiques et internet. Or c'est à ces mouvements, les plus spéculatifs, que vous proposez d'appliquer le taux le plus faible. Tout comme Jean-Pierre Brard, j'ai été surpris d'entendre le Président de la République parler de 0,1 %, ce qui, évidemment, est devenu 0,01 % dans le texte de loi. C'est pourquoi je souhaite que cette proposition puisse être amendée.
Si, de ce côté de l'hémicycle, nous attendons depuis longtemps la création d'une taxe sur les transactions financières, nous ne sommes pas dupes du caractère électoraliste, insuffisant et bien tardif de la mesure proposée. Il y a plusieurs mois, nous avons demandé la mise en place d'une telle taxe, et à un niveau élevé, sur les produits de spéculation sur les dettes souveraines. La taxe qui nous est proposée aujourd'hui est loin d'être suffisante, car l'assiette est encore trop restreinte.
Pour qu'une taxe sur les transactions financières soit vraiment efficace, elle doit englober toutes les transactions boursières et non boursières – titres, obligations, produits dérivés – de même que toutes les transactions sur le marché des changes. Ce n'est pas le cas dans votre projet, et vous restreignez encore davantage l'assiette en la limitant aux entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse le milliard d'euros. Votre taxe sur les transactions financières ressemble davantage à un impôt de bourse.
Le groupe SRC de notre assemblée et le groupe SPD du Bundestag ont proposé un projet de taxe sur les transactions financières qui rapporterait 12 milliards par an, contre un seul milliard pour la vôtre. Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à mettre en place une réelle taxation, ou préférez-vous attendre encore, attendre le changement pour nous permettre de la mettre en oeuvre, efficacement pour notre part ?
Il est, bien sûr, important que la France soit en pointe dans la taxation des transactions financières. C'est une position que partage l'ensemble de l'hémicycle. Mais il faut qu'il s'agisse d'une vraie taxe sur les transactions financières ! Être en pointe, cela veut dire essayer d'entraîner le maximum de pays. Je rappelle que, dans cet hémicycle, nous avons voté à la quasi-unanimité une résolution, dont le parti socialiste et le SPD étaient les initiateurs, demandant une taxation à 0,05 % de toutes les transactions financières. Dans notre esprit, l'idéal était de la faire à l'échelle de l'Europe, à la rigueur de la zone euro ou d'une coopération renforcée.
Il est extrêmement important de faire avancer cette taxe dans plusieurs pays, pour une raison très simple que vous démontrez a contrario en la mettant en place uniquement en France. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.) Écoutez-moi, car cela mérite que vous y réfléchissiez un peu. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
Je comprends qu'on fasse de l'électoralisme, mais le sujet mérite beaucoup mieux que cela. Vous risquez, pour dire que vous faites une taxe sur les transactions financières, de réduire son assiette au point qu'elle n'ait plus rien à avoir avec une taxation des transactions financières.
La preuve : que taxez-vous ? Vous taxez les opérations sur les actions, c'est-à-dire les opérations les plus utiles à l'économie, les moins dangereuses, les mieux régulées. Une vraie taxe sur les transactions financières consiste au contraire à taxer les opérations les plus nuisibles, c'est-à-dire les produits dérivés, les produits qui ont mis l'économie mondiale dans la crise. On sait très bien que si cette taxe était mise en place à l'échelle de l'Europe et que si, dans ce contexte, la France taxait toutes les transactions financières à 0,05 %, elle rapporterait 12 milliards d'euros chez nous et 200 milliards en Europe, pas 1 milliard.
Ce que vous faites aujourd'hui, le rapporteur général l'a quasiment dit, c'est un impôt de bourse au rendement un peu plus élevé que celui qui existait précédemment, un peu moindre toutefois que la stamp duty anglaise, le plus vieil impôt sur les opérations de bourse, qui existe depuis trois siècles. Vous n'êtes pas sûrs, me direz-vous, de pouvoir le mettre en oeuvre, d'autres que vous essaieront peut-être de relancer le projet européen. Toutefois, avec cette réplique du droit de timbre anglais – toute petite réplique puisque la stamp duty rapporte 4 milliards contre l'unique milliard attendu de votre taxe à vous –, vous prenez le risque de voir les Britanniques, farouchement opposés à toute taxe sur les transactions financières, considérer que, la France s'étant alignée sur le Royaume-Uni, la question d'une telle taxe ne se pose plus. Je ne dis pas que cela se réalisera, mais vous courez le risque de bloquer complètement un processus qui, pourtant, est en marche en Europe, comme le montre le rapport que nous avons rédigé avec mon collègue de l'UMP Jean-Yves Cousin. S'il n'aboutit pas aux mêmes conclusions, compte tenu du contexte politique, il en ressort très bien que le processus est en marche en Europe et que, en se donnant encore un peu de temps, on peut faire une vraie taxe sur les transactions financières.
Avec ce que vous faites là pour des raisons purement électorales, vous allez passer complètement à côté du vrai sujet. Il faut du rendement – 12 milliards ce n'est pas 1 milliard –, permettre un financement européen, réguler la finance, ce que permet une vraie taxation des transactions financières et ce qui n'est pas le cas de la vôtre, et entraîner le maximum de pays.
Le sujet mérite mieux qu'une simple opération électoraliste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Sans revenir sur ce qu'a excellemment dit notre collègue Pierre-Alain Muet, je pointerai quelques insuffisances de votre projet. J'ai quelques questions précises, monsieur le ministre.
L'AMF aurait réautorisé depuis peu les ventes à découvert sur les valeurs financières qui avaient été interdites au mois d'août de l'année dernière. Si c'est vrai, pourquoi ? Considère-t-on qu'aujourd'hui les risques sont écartés ?
Vous vous apprêtez à taxer les CDS à nu par le biais d'une des trois composantes de la taxe. Or une directive européenne prévoit leur extinction à partir du mois de septembre. Une taxe au mois d'août sur un produit qui va disparaître en septembre, voilà qui est un peu curieux !
S'agissant de la haute fréquence, vous renvoyez la fixation du taux à un décret. Pouvez-vous vous engager sur la date à laquelle vous prendrez ce décret, sans lequel la taxation ne s'appliquerait pas ?
Je terminerai en indiquant qu'hier, jour de la Saint-Valentin, le conseil des prud'hommes de Nanterre a condamné la Société générale pour blâme infondé et licenciement sans cause. Sans entrer dans le détail, je rappelle qu'il s'agit d'une affaire survenue en 2009, dans laquelle deux traders ont fait gagner – vous êtes bien assis, chers collègues ? – 1 milliard de dollars à la société ArcelorMittal par une opération de couverture de change. On peut gagner 1 milliard de dollars par une opération de couverture de change ! Au passage, la Société générale a encaissé 130 millions d'euros de commission.
Sans développer plus avant, je livre à votre réflexion qu'il n'est pas envisagé de taxer ce type d'opération dans le projet.
La commission des affaires européennes a étudié cette affaire de taxe sur les transactions financières. J'insiste sur le fait que le Président de la République et Mme Merkel ont plaidé en ce sens au G20 ainsi qu'au sein de l'Union européenne. Voyant que l'affaire n'avançait pas, le Président de la République a pris l'initiative de l'engager en France, avec un taux évidemment plus bas puisque nous sommes en concurrence avec l'ensemble des pays. Je m'étonne que M. Muet, avec qui nous avons travaillé à deux reprises sur le sujet, se plaigne aujourd'hui de l'initiative de la France, qui permet justement d'entraîner les autres. On a vu que Mme Merkel y est favorable, mais qu'elle a des problèmes au sein de sa majorité ; que M. Rajoy, à qui le Président de la République a rendu visite, souscrit à la taxe sur les transactions financières ; que M. Monti a évolué.
Je ne comprends pas comment on peut se plaindre de ce que la France prend une initiative pour faire en sorte que cette taxe sur les transactions financières soit adoptée progressivement par d'autres pays.
Nous en venons aux amendements.
La parole est à M. le rapporteur général pour soutenir l'amendement n° 427 .
C'est un amendement rédactionnel.
(L'amendement n° 427 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Comme l'ont dit mes collègues Jean-Claude Sandrier et Jean-Pierre Brard, il s'agit surtout d'affichage politique. Vous avez décidé d'instaurer une taxe sur les transactions financières pour faire croire à nos concitoyens que vous êtes de farouches partisans de la régulation financière. En réalité, vous cherchez à rassurer les détenteurs de capitaux, cela vient d'être démontré par des arguments citant nos voisins d'Europe. Et vous les choyez, ces spéculateurs !
Vous nous proposez une taxe gadget, qui s'apparente à un simple rétablissement de l'impôt de bourse.
Nous sommes favorables au rétablissement de l'impôt de bourse, nous avons d'ailleurs déposé un amendement en ce sens. Mais nous sommes aussi, et surtout, favorables à l'instauration d'une authentique taxe sur les transactions financières, à l'assiette large.
Votre taxe ne rapportera que 1,1 milliard d'euros en année pleine, moins de 500 millions d'euros cette année, quand l'enjeu porte sur des recettes fiscales évaluées entre 12 et 15 milliards d'euros, et que la somme des transactions envisagée représente 146 000 milliards d'euros. Nous sommes donc très loin du compte.
Votre manque d'ambition, ou plutôt votre objectif politique, est patent : nous en avons un témoignage par votre volonté de limiter cette taxe aux entreprises dont la capitalisation boursière dépasse 1 milliard d'euros. Une précision particulièrement restrictive que nous proposons de supprimer par cet amendement.
Madame la présidente, je souhaite répondre à l'ensemble des observations qui ont été formulées précédemment.
Certains disent que nous restaurons l'impôt de bourse. Ce n'est pas le cas, et M. Muet l'a lui-même reconnu, car, à la différence de l'impôt de bourse, la taxe sur les transactions financières n'a pas de plafond, son montant attendu est quatre fois plus important, et le système d'exonération est différent.
Il nous est dit que cette mesure est d'inspiration britannique. J'ai moi-même porté cette mesure en tant que telle pour les arbitrages et dans la présentation initiale. Il est vrai qu'il nous est apparu pertinent de trouver un système qui ne soit pas contestable par les premiers opposants à la mise en place de la directive portant taxe sur les transactions financières, c'est-à-dire les Britanniques. Il y avait une forme, non pas de malice, mais de logique de rassemblement posée par la France pour entraîner les Britanniques sur le chemin d'une directive européenne s'inspirant de ce qu'ils ont eux-mêmes mis en place depuis fort longtemps.
Là où notre projet diffère de manière très substantielle, c'est que nous avons élargi le spectre à une forme de taxation sur les CDS et la spéculation sur les ventes à nu de CDS souverains, qui disparaîtront peut-être, mais qui seront néanmoins taxés. On ne peut pas écarter d'un revers de la main ce principe qui n'est pas que symbolique. Il est aussi l'affirmation d'un choix déterminé, qui permettra d'ouvrir un débat plus large le moment venu sur les dérivés.
Le troisième élément s'agissant de cette nouvelle fiscalité sur les transactions financières porte sur la finance à haute fréquence.
L'assiette est donc plus large, s'agissant des taux. Ce sont des éléments intéressants qui préfigurent ce que sera la prochaine directive européenne. Nous avons retenu le même taux de 0,1 % pour la taxation sur les actions, mais nous n'avons pas retenu le taux britannique, fixé à 0,5 %. Il rapporte plus, mais nous avons souhaité nous placer en poste avancé par rapport à ce qui sera proposé à l'échelle européenne. Le reste est taxé à 0,01 %, c'est donc la même volonté de parallélisme des formes à l'égard du projet européen qui nous anime, puisque c'est le taux qui est retenu actuellement par la commission dans le cadre de sa pré-directive.
Par ailleurs, s'agissant du montant global de 1 milliard, j'avoue avoir du mal à comprendre et je fais le constat suivant : vous n'avez pas lu le projet socialiste. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je le dis sans verser de larmes de crocodile, mais vous n'avez pas lu les propositions de François Hollande sur le référendum, puisqu'il a proposé l'exact contraire de ce que vous avez vous-même défendu à l'Assemblée par la motion référendaire. Vous ne l'avez pas lu non plus sur la question de la taxe, puisque vous nous reprochez de prévoir un volume équivalent à celui que vous avez inscrit dans le projet socialiste. Vous avez formulé exactement les mêmes reproches lorsque nous avons défendu une prévision de croissance ramenée à 0,5 % pour 2012 : vous nous avez critiqués, alors que François Hollande, dans le projet socialiste, a fixé les prévisions de croissance à 0,5 %. Je vous laisse à la solitude de cette contradiction, mais j'attire malgré tout votre attention sur le fait que si notre choix est mauvais, il est au moins largement partagé sur les bancs de cette assemblée puisque nous avons le même objectif.
En réponse à MM. Sandrier et Brard, qui critiquent le fait que cette mesure ne va pas assez loin et ne constitue qu'un ersatz de taxe sur les transactions financières : une question se pose sur les dérivés, c'est vrai. Mais cette question, nous allons la traiter dans le cadre de la directive européenne. Pourquoi ? Parce que traiter cette question seuls est extrêmement difficile, il faut le reconnaître.
Un pays seul ne peut pas se mettre dans la situation de taxer des dérivés qui portent sur 4 000 à 5 000 produits de nature différente, et dont l'immense majorité s'échange de gré à gré. Il nous faut donc bien mener une réflexion collective, et le territoire européen est évidemment le périmètre pertinent, mais il nous faut aller plus loin : c'est à l'échelle du G 20 que nous pourrons être opérationnels et efficaces pour taxer ces marchés dérivés, qui concernent les volumes les plus importants.
Mais nous avons avancé sous la présidence française, puisque nous avons obtenu des éléments de référencement, notamment avec la banque de données EMIR, en particulier concernant la spéculation et les transactions sur les marchés de matières premières, et spécialement le pétrole. À cet égard, nous progressons vers une meilleure connaissance de la réalité de ces marchés et une collecte exhaustive et objective des données, notamment concernant les pays producteurs. Nous avançons également à un rythme relativement soutenu pour tout ce qui concerne les éléments spéculatifs sur les autres marchés dérivés de matières premières. Nous devrons mettre en place l'ensemble du dispositif sur les dérivés liés exclusivement à l'industrie financière.
C'est pourquoi nous n'avons pas inscrit la problématique des dérivés dans ce périmètre. Mais cette absence ne signifie pas que nous ne poursuivons pas la discussion. Comme vous le savez, nous poursuivons nos discussions avec l'Allemagne, nous avons engagé la signature de neuf pays membres de l'Union européenne pour engager une coopération renforcée auprès de la présidence danoise, et nous allons poursuivre le travail de rédaction de la future directive en essayant d'accélérer le calendrier pour sa mise en oeuvre. Lorsque cette directive sera en place, et que la taxe à l'échelle européenne sera finalisée, elle remplacera évidemment la taxe qui vous est proposée aujourd'hui, mais au regard de l'histoire de la contribution du secteur financier à la résorption de la crise, la France aura été le premier pays à mettre en place ce dispositif.
Je ne peux donc que vous encourager à accompagner ce caractère pionnier par votre vote.
(L'amendement n° 684 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Il est défendu. Le rapporteur général expliquera pourquoi la commission a donné un avis favorable.
Favorable en effet. Il s'agit simplement, dans un souci de clarté, d'afficher par arrêté la liste des entreprises susceptibles d'être concernées. Mais cet arrêté ne vaudra pas taxation, il ne fait que publier la liste des entreprises qui ont une capitalisation boursière supérieure à 1 milliard d'euros, et qui pourraient donc entrer dans le champ de cette taxe.
Favorable.
Le rapporteur général parle de la liste des entreprises « susceptibles » d'être concernées, alors que l'amendement mentionne simplement la liste des entreprises concernées. J'aimerais être sûr de ce que nous nous apprêtons à voter.
Il s'agit d'un arrêté informatif, mais pas d'un arrêté normatif.
(L'amendement n° 428 est adopté.)
Cet amendement exonère de taxe sur les transactions financières les rachats par une société de ses propres actions.
Cette question a été discutée en commission des finances. Jérôme Chartier et moi-même avions présenté cet amendement qui prévoit une exonération systématique dès lors qu'il s'agit d'un rachat d'actions.
Un certain nombre de collègues ont présenté un amendement qui limite l'exonération aux rachats d'actions effectués en vue de la constitution de l'épargne salariale. Il m'a semblé, mais je parle sous le contrôle de Jérôme Chartier, que la majorité de la commission était favorable à cet amendement n° 641 .
Le rapporteur général a parfaitement résumé l'esprit de la commission et le mien, en conséquence, je retire cet amendement.
(L'amendement n° 429 est retiré.)
Il s'agit en fait d'un autre sujet, celui des cessions d'actions intragroupe. Bien entendu, pour assurer la fluidité des fonds propres dans ces groupes, il faut évidemment adopter cet amendement.
(L'amendement n° 430 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisi de deux amendements, nos 641 et 431 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Olivier Carré, pour présenter l'amendement n° 641 .
L'objet de cet amendement a été rappelé par le rapporteur général, il s'agit simplement d'exonérer les titres à destination des OPCVM dédiés à l'épargne salariale.
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° 431 rectifié .
Je le retire au profit de l'amendement n° 641 .
(L'amendement n° 431 rectifié est retiré.)
Favorable.
Je souhaite m'exprimer contre cet amendement. Vu le montant de la taxe et vu l'objectif de l'épargne salariale, qui est d'envisager des placements à long terme, et sachant que beaucoup s'accordent à reconnaître que l'assiette est trop faible, bien que ce soit pour des raisons diverses, cet amendement va encore réduire cette assiette.
Le taux en est faible, il s'agit de placements à vocation de long terme. Je ne pense pas qu'il y ait lieu d'exclure ce type d'opérations, dont le montant devrait être relativement faible.
(L'amendement n° 641 est adopté.)
Cet amendement propose de prévoir le reversement de la taxe par le dépositaire central avant le 25 du mois suivant les acquisitions d'actions, au lieu du 15 du mois. Cela permettrait à la plateforme de bien maîtriser l'ensemble des échanges les plus récents.
On dit toujours que l'on fait dire n'importe quoi aux chiffres, mais là, on fait dire n'importe quoi aux ordinateurs ! À en croire le Président de la République, vous ne pouvez appliquer votre TVA qu'au mois d'octobre à cause des ordinateurs ; par ailleurs, M. le ministre nous a expliqué, à juste titre, qu'avec les ordinateurs on travaillait à la nanoseconde et que certains rapprochaient même leurs bureaux des plateformes d'échanges pour gagner ces nanosecondes et passer avant les autres. Et voici que vous nous parlez d'un délai supplémentaire de dix jours, alors qu'il s'agit d'opérations qui se jouent à la nanoseconde, parce qu'il n'est pas possible de procéder aux paiements le 15 du mois. Il n'y a pas de petit profit, mais les ordinateurs ont bon dos !
(L'amendement n° 799 est adopté.)
Nous en venons à une série d'amendements rédactionnels ou de précision, nos 436, 437, 438, 439, 440, 426, 462, 777, 463, 464, présentés par M. le rapporteur général.
(Les amendements nos 436 , 437 , 438 , 439 , 440 , 426 , 462 , 777 , 463 , 464 , acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)
La parole est à M. François de Rugy pour soutenir l'amendement n° 635 .
Il est défendu.
(L'amendement n° 635 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Il s'agit simplement d'introduire une période de régularisation de soixante jours, qui permet aux entreprises de corriger spontanément leurs erreurs.
Défavorable.
Dans ces conditions, je pense qu'il est préférable de retirer l'amendement.
(L'amendement n° 466 est retiré.)
Il s'agit du célèbre « amendement Chartier » adopté en collectif, je laisse donc à mon collègue le soin de le défendre.
Je voudrais partager cette célébrité avec Gilles Carrez et l'ensemble des parlementaires ayant voté cet amendement important, qui vise à taxer les cessions de titres, notamment des entreprises non cotées. Il s'agit d'une très grande avancée, certains ayant même vu dans cette disposition les prémices de la taxe sur les transactions financières.
Notre objectif est tout simplement de tendre vers l'harmonisation des taux entre la nouvelle taxe sur les transactions financières et les taux de la taxe sur les droits de cession des titres non cotés.
Je voudrais d'abord rendre hommage à Jérôme Chartier, à la commission des finances et à son rapporteur général pour avoir, en partie, anticipé la proposition du Gouvernement sur les transactions financières.
En instituant la taxe sur les transactions financières, le Gouvernement avait le choix : soit laisser coexister les deux taxes, soit sortir du droit d'enregistrement les sociétés cotées pour ne plus taxer que les sociétés non cotées. C'est la raison pour laquelle nous avons considéré comme plus simple d'abandonner purement et simplement le droit d'enregistrement.
L'amendement de la commission des finances souligne votre attachement au maintien de cette taxation. Nous en prenons acte, et je vous propose donc un amendement qui permettrait une articulation optimale entre les deux taxes. Il prévoit, d'une part, que le taux de taxation est identique pour tous les titres, cotés et non cotés, au taux de 0,1 % – nous évitons ainsi de pénaliser les PME et les entreprises de taille intermédiaire ; il élimine, d'autre part, toute double imposition, les cessions soumises à la taxe sur les transactions financières n'étant plus soumises aux droits d'enregistrement.
C'est une position de compromis entre ce qui a été fait, ce que vous défendez à nouveau et la proposition du Gouvernement.
Il s'agit de coordonner cet amendement avec le dispositif que nous avons pris tout à l'heure concernant l'épargne salariale.
Quant à l'amendement lui-même, je me rallierai à l'avis de M. Chartier ! (Sourires.)
Monsieur le rapporteur général, je suis extrêmement touché par votre soutien. Je voudrais vous en remercier, comme je tiens à louer le travail qui nous a permis d'aboutir à cet élément précurseur de la taxe sur les transactions financières. Que tout ceci soit porté au compte rendu de l'Assemblée provoque chez moi beaucoup d'émotion… (Sourires sur divers bancs.)
C'est sous le coup de cette émotion que j'accepte la proposition du Gouvernement d'harmoniser des taxes qui constituent une évolution logique vers une fiscalité acceptable pour cette finance républicaine (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) que chacun appelle de ses voeux et qui contribue largement et de manière juste à la réduction des déficits publics, grâce, en l'occurrence, à une contribution qui s'élèvera cette année à plus d'1 milliard d'euros.
Quant à l'harmonisation des taux, elle est juste et permettra, pour les cessions des titres non cotés, qu'aucune ETI ou PME ne se sente pénalisée par rapport aux entreprises cotées.
Entre ce que nous avions prévu dans le collectif de fin d'année et la proposition du Gouvernement, nous parvenons à un dispositif simple : une taxe de 0,1 % sur toutes les mutations d'actions cotées, pour les entreprises dont la capitalisation est supérieure à 1 milliard d'euros, d'une part ; pour les mutations et les transactions de gré à gré sur le non côté, la même taxe sous forme de droits d'enregistrement, au même taux de 0,1 %, d'autre part. Nous avons ainsi abouti à une bonne articulation.
Favorable.
…mais j'aurais aimé que, dans l'exposé des motifs, figurent quelques chiffres sur l'impact de ces mesures et ce qu'elles vont rapporter. Vous nous avez en effet donné des explications auxquelles je n'ai rien compris : on fait voter un dispositif dans le collectif, puis on instaure une nouvelle taxe, on harmonise, on raccorde, on réécrit, tout le monde se remercie et s'autocongratule… sans que l'on n'ait le moindre chiffre ! Monsieur le rapporteur général, je connais votre souci de toujours bien présenter les choses : livrez-nous donc quelques éléments !
Dans le projet de loi de finances rectificative de décembre, nous avons ciblé les cessions d'actions des entreprises qui ne sont pas à la cote.
Vous connaissez le système de la cote. À côté des plateformes connues et légales comme NYSE Euronext, il existe des plateformes virtuelles qui fonctionnent aussi à la cote. Lorsque l'on cible les cessions de titres des entreprises non cotées, on ne cible pas les cessions des entreprises qui se trouvent sur les plateformes virtuelles mais les cessions, par paquets d'actions, des entreprises dont le contrôle total ou au moins une minorité de blocage de 33 % passe d'un actionnaire A à un actionnaire B.
Avec le rapporteur général, nous avons, premièrement, instauré sur ces cessions une fiscalité.
Deuxièmement, nous avons rendu la domiciliation obligatoire, ce qui signifie que nous avons pénalisé l'absence de domiciliation sur le territoire national, c'est-à-dire le défaut d'enregistrement en cas de cession d'un paquet d'actions. En d'autres termes, si vous vous rendez à Londres, au Luxembourg ou à Bruxelles pour réaliser votre cession, celle-ci devient illégale. Ces deux éléments sont désormais inscrits dans le marbre de la loi.
Aujourd'hui, nous introduisons une taxe financière de 0,1 % pour les titres cotés. Comme la logique de notre système de fiscalisation était un peu différente et fonctionnait selon différents seuils, nous avons décidé de tout harmoniser, pour simplifier et ne pénaliser aucun type d'entreprises.
Christian Eckert s'interroge sur ce que cela peut rapporter, mais la vraie question aujourd'hui est de savoir quel va être l'effet de la domiciliation. Soyons francs : personne ne peut véritablement l'estimer. Ce qui est certain en revanche, c'est qu'une taxe nouvelle rapporte en principe davantage qu'une taxe qui n'existait pas !
M. Eckert est très rigoureux et mérite des réponses précises. Jérôme Chartier vous a indiqué que le Gouvernement évaluait à 1 milliard le produit de la taxe de 0,1 % sur les transactions financières.
Par ailleurs, nous avons voté une modification des droits d'enregistrement. Par rapport au dispositif antérieur qui instaurait un plafond de 5 000 euros, quel que soit le montant de la transaction, le Gouvernement a évalué le rapport du nouveau dispositif que nous avons voté en décembre à 30 millions d'euros supplémentaires.
Il est probable que la taxe de 0,1 % ne rapportera plus 30 millions, mais probablement 10 ou 15 millions, puisque la dernière tranche était taxée à 0,15 %. Cela étant, monsieur Eckert, au lieu de rapporter à l'État 5 000 euros sous forme de droits – puisque ces droits étaient plafonnés à 5 000 euros –, une transaction portant sur un milliard d'euros rapportera 0,1 %, soit, si je ne m'abuse, un million d'euros, ce qui est tout de même mieux que 5 000 euros.
Puis-je considérer que l'amendement n° 6 est retiré au profit de l'amendement du Gouvernement ?
Nous le savons tous, le trading à haute fréquence est devenu un phénomène majeur. Il représente environ 35 % du volume des échanges financiers en Europe et permet aujourd'hui, via des algorithmes, de passer jusqu'à 33 000 opérations par seconde, soit près de 2 millions par minute, générant des risques nouveaux et déjà réels en termes de manipulation des carnets d'ordres.
Comme l'ensemble du trading algorithmique, le trading à haute fréquence rend le marché illisible pour le régulateur. Il favorise l'opacité et est porteur de risques systémiques. Plutôt que d'interdire cette pratique, ce qui reviendrait ni plus ni moins à interdire l'usage de l'outil informatique dans la sphère financière, nous proposons de surtaxer les opérations algorithmiques à haute fréquence en leur appliquant un taux de 0,2 % alors que vous avez fait le choix inverse, celui d'une taxation au taux très faible de 0,01 % qui frise, avouez-le, le ridicule, afin de ne pas pénaliser, bien évidemment, les marchés financiers. Un comble quand on prétend dans le même temps mieux réguler les marchés et mieux prévenir les risques systémiques !
La parole est à M. François de Rugy pour soutenir l'amendement n° 636 .
Cet amendement tend au même objectif que le n° 685, mais avec un taux différent. J'ai dit tout à l'heure ce que nous pensions de cette taxe au rabais, en tout cas a minima, sur les transactions financières. Les précédents débats budgétaires nous ont déjà donné l'occasion de vous présenter d'autres mesures, toujours sur la base d'un taux de 0,05 %. Nous réitérons aujourd'hui, notamment pour ces opérations à haute fréquence. M. Muzeau vient de vous le dire : passer plus de 33 000 opérations par seconde ne peut qu'aggraver la spéculation et déstabiliser les transactions financières. La crise européenne nous en montre les conséquences. Pour toutes ces raisons, nous proposons un taux cinq plus élevé que celui souhaité par le Gouvernement.
Même avis.
Monsieur le ministre, je vous ai demandé à deux reprises si vous pouviez vous engager sur la date de publication du décret qui fixerait le seuil permettant de caractériser temporellement une taxation haute fréquence, lequel ne saurait être supérieur à une seconde.
Tant que le décret ne sera pas pris, la mesure que vous proposez ne pourra pas s'appliquer. J'aimerais que vous nous donniez des garanties au micro, afin qu'elles soient inscrites au compte rendu et que, définitivement rassurés, nous puissions aller nous coucher l'esprit tranquille.
Définitivement vaincu par ce dernier argument (Sourires), je prends l'engagement que le décret sera publié dans les meilleurs délais après le vote et avant l'entrée en vigueur des dispositions votées par la représentation nationale.
Je rebondis sur la proposition de M. de Rugy d'imposer un taux de 0,05 %, afin d'évoquer un sujet préoccupant.
Souvenez-vous : nous avons voté ici un taux de 0,05 % identique pour toutes les transactions financières. La directive propose de le différencier : 0,1 % sur les actions et obligations au comptant et 0,01 % sur les produits dérivés en raison de leur fort effet de levier, la transaction effective ne portant pas sur le montant total du notionnel, c'est-à-dire sur ce que le produit dérivé est censé couvrir, mais sur une fraction.
Nous nous interrogeons, Jean-Yves Cousin et moi : si l'argument de la Commission se tient, une taxe unique sur l'ensemble des transactions présente l'avantage de réduire énormément les transactions les plus spéculatives. L'Autorité des marchés financiers, que nous avons consultée sur ce point, est plutôt favorable à la taxe unique. Une taxe unique réduit ainsi de près de 70 % les transactions sur les produits dérivés. Or, on sait que ce type de transaction s'est développé dix fois plus vite que les transactions au comptant qui sont restées à une part constante du produit intérieur brut mondial. Pour l'essentiel, ce sont les transactions sur les produits dérivés qui ont précipité l'économie mondiale dans la crise. La réflexion mérite en tout cas d'être poursuivie. Le sujet de la taxation des transactions financières doit être abordé à la bonne échelle. Si la France doit en effet être moteur en la matière, nous devons entraîner derrière nous le maximum de pays et en discuter en Europe.
La réflexion engagée par MM. Eckert et Muet est importante et je vais leur soumettre deux éléments.
Tout d'abord, les États-Unis sont le pays où le taux de trading à haute fréquence est le plus fort, avec un temps de détention de titre moyen de douze secondes. Les États-Unis sont le coeur de cible du trading à haute fréquence.
Ce n'est pas le cas des plateformes françaises online d'Euronext. Par conséquent, taxer le trading haute fréquence en France présentera un intérêt limité. L'on sent bien qu'il s'agit là d'un dispositif destiné à une régulation mondiale.
Autre problème : nous ne pourrons jamais percevoir la taxe sur les transactions à haute fréquence, puisque ce n'est possible qu'au cours de l'étape du règlement-livraison, c'est-à-dire au moment où le titre se trouve chez le compensateur final. Si l'on n'arrive pas à cette étape, on ne peut pas percevoir la taxe. On peut toujours la voter, mais cela ne servira à rien.
En tout cas, je pense que nous avons les bonnes intuitions : mettre en place une taxation sur les transactions financières au niveau mondial par un dispositif qui permet d'éviter le titre fictif. Il restera cependant à trouver la base juridique du titre fictif qui n'existe pas aujourd'hui.
(Les amendements nos 685 et 636 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. Nicolas Forissier pour présenter les amendements nos 9 rectifié et 8 , portant articles additionnels après l'article 2.
Le premier, que nous avions adopté en décembre lors du collectif, tend à rétablir une certaine parité entre les sociétés cotées et les sociétés non cotées en matière de rachat d'action. Le second est un amendement de repli.
Il s'agit de permettre aux sociétés non cotées de racheter, dans un cadre précis, des actions, soit pour les distribuer aux salariés, soit pour permettre de réaliser des opérations de croissance externe sans augmenter le capital et donc sans fragiliser l'entreprise, soit pour introduire de la fluidité dans la gestion du capital.
Nous proposons d'aller jusqu'au bout du parallélisme entre les sociétés cotées et non cotées en matière de rachat d'action en soumettant les non cotées au droit d'enregistrement comme les sociétés cotées le sont à la taxe sur les transactions financières, au taux que nous venons d'harmoniser. J'en profite pour souligner que, en cas de rachat d'action pour des distributions dans le cadre d'un plan d'épargne salariale, le sous-amendement du rapporteur général permet d'exonérer les sociétés cotées comme les non cotées.
Nous serons ainsi parvenus à un système équitable, équivalent et parfaitement bordé.
Je suis favorable à l'amendement n° 9 rectifié que nous avons adopté lors du collectif de fin d'année. Il avait été considéré comme un cavalier par le Conseil constitutionnel car nous n'avions pas prévu d'accroche fiscale, mais sa nouvelle rédaction comble cette lacune.
Même avis.
Je voudrais souligner tout l'intérêt de ces amendements, que j'ai cosignés (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), pour les entreprises françaises de taille moyenne.
C'est bientôt fini, la distribution des bons points ?
(L'amendement n° 9 rectifié est adopté.)
Il est défendu.
(L'amendement n° 741 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Pierre Brard pour soutenir l'amendement n° 702 .
Monsieur le ministre, il est un outil dont vous avez fait la promotion, mais avec un usage modéré : le rabot. (Sourires.)
Puisqu'il s'agit d'éviter les effets dévastateurs du capital, nous vous proposons d'aller plus loin que la taxe dont il a été question en instaurant ce que nous avons appelé avec nos collègues allemands une taxe sur les millionnaires.
Voyez-vous, il y a une grande différence entre vous et nous : avec nos collègues allemands, nous travaillons, nous réfléchissons, alors que vous vous contentez de les imiter.
Monsieur Chartier, si vous réfléchissiez, cela se saurait ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Brard, nous avons passé une belle soirée, ne la laissez pas s'achever sur une note désagréable. Ce n'est pas votre genre…
Je voulais simplement dire que, si la CDU et l'UMP réfléchissaient ensemble, cela se saurait. Que M. Chartier réfléchisse, nous n'en doutons pas, puisqu'il passe son temps à essayer de nous en convaincre.
Je reconnais que vous êtes plus experte que moi en la matière, madame Boyer.
Concluez, monsieur Brard, plutôt que d'aggraver votre cas. Je vous croyais courtois et galant. (Sourires.)
Je sais où je me situe sur l'échelle des valeurs : en dessous de Mme Boyer. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
J'en reviens à notre proposition de « taxe sur les millionnaires ». Nous considérons, avec nos collègues allemands, qu'il y a là une véritable mine à exploiter. La richesse totale des millionnaires, c'est-à-dire des détenteurs d'un patrimoine de plus d'un million d'euros, représentait en effet, en 2010, 7 700 milliards d'euros. Si nous appliquons la taxe de 5 % que nous avons imaginée, les États pourraient percevoir 380 milliards d'euros. Un tel impôt harmonisé présenterait l'avantage de mettre fin à la concurrence fiscale entre les États européens, qui est à l'oeuvre depuis une décennie et a abouti à la disparition de la quasi-totalité des impôts de solidarité sur la fortune.
Nos parlements s'honoreraient à pousser nos partenaires européens à le suivre en adoptant cette recette supplémentaire pour financer la croissance et l'emploi.
Monsieur Jacob, je propose de taxer les millionnaires, pas le litre de lait !
(L'amendement n° 702 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Prochaine séance, jeudi 16 février à neuf heures trente :
Discussion de la proposition de résolution européenne pour la relance européenne et le renforcement du contrôle démocratique ;
Débat sur le logement ;
Débat sur l'emploi.
Débat sur l'éducation
La séance est levée.
(La séance est levée à une heure trente.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron