Déposé le 11 février 2012 par : M. Muet, M. Eckert, M. Sapin, M. Cahuzac, M. Ayrault, M. Emmanuelli, M. Brottes, Mme Filippetti, Mme Mazetier, M. Caresche, M. Goua, M. Baert, M. Mallot, M. Carcenac, M. Derosier, M. Pupponi, M. Vaillant, M. Balligand, M. Bartolone, M. Launay, M. Gille, M. Bapt, M. Nayrou, M. Lurel, Mme Karamanli, M. Claeys, M. Jean-Louis Dumont, M. Bourguignon, M. Bloche, M. Idiart, M. Terrasse, M. Habib, M. Moscovici, M. Vergnier, M. Lemasle, M. Rodet, les membres du groupe Socialiste, radical, citoyen, divers gauche.
PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2012 - (n°4332)
Le code général des impôts ainsi modifié :
I. - L'article 209 est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :
« X. - La fraction excédant un montant fixé par décret des charges financières afférentes à l'acquisition de titres de participation définis au dix-huitième alinéa du 5° du 1. de l'article 39 déduites du résultat imposable de la société les détenant est rapportée au résultat dont elles ont été déduites pour 95 % de leur montant.
« Les charges financières afférentes à l'acquisition des titres de participation sont réputées égales à une fraction des charges financières de l'entreprise les ayant acquis égale au rapport du prix d'acquisition de ces titres à l'actif brut de la société les détenant.
« Pour l'application du deuxième alinéa, le prix d'acquisition des titres est retenu au prorata de la durée de détention des titres au cours de l'exercice concerné et la valeur des actifs est retenue pour la moyenne entre ces valeurs à l'ouverture et à la clôture de l'exercice concerné.
« Lorsque des titres de participation sont cédés directement ou indirectement à une société liée au sens du 12. de l'article 39, leur prix d'acquisition par la cédante est pris en compte pour le calcul prévu au présent X jusqu'au terme du premier exercice clos à compter de la huitième année suivant l'acquisition des titres par celle-ci. Pendant cette même période, le prix d'acquisition par la cessionnaire retenu pour le même calcul est minoré à due concurrence, dans la limite du prix effectivement acquitté.
« Pour les établissements de crédit mentionnés à l'article L. 511-5 du code monétaire et financier, les charges financières prises en compte pour l'application du présent X sont définies par décret en Conseil d'État. ».
II. - Après l'article 223 B, il est inséré un article 223 B bis ainsi rédigé :
« Art. 223 B bis. - Un montant égal à 95 % des charges financières supportées pour l'acquisition de titres de participation définis au dix-huitième alinéa du 5° du 1. de l'article 39 est réintégré au résultat d'ensemble mentionné à l'article 223 B.
« Ces charges financières sont réputées égales à une fraction de la différence entre la somme des charges financières déduites des résultats des sociétés membres du groupe ou du résultat d'ensemble et la somme des intérêts servis par des sociétés membres du groupe à d'autres sociétés membres du groupe égale au rapport de la somme du prix d'acquisition des titres de participation définis au dix-huitième alinéa du 5° du 1. de l'article 39 détenus par des sociétés membres du groupe à la somme des actifs bruts des sociétés membres du groupe.
« Pour ce calcul :
« - le prix d'acquisition des titres de sociétés membres du groupe est réduit du montant des fonds apportés aux sociétés concernées par la société membre du groupe détenant les titres ;
« - l'actif brut est minoré de la valeur brute des créances détenues sur des sociétés membres du groupe et des titres de participation afférentes à des sociétés membres du groupe ;
« - le prix d'acquisition des titres est retenu au prorata de la durée de détention des titres au cours de l'exercice concerné et la valeur des actifs bruts est retenue pour la moyenne entre ces valeurs à l'ouverture et à la clôture de l'exercice concerné.
« Lorsque des titres de participation sont cédés directement ou indirectement à une société liée au sens du 12. de l'article 39 qui n'est pas membre du groupe, leur prix d'acquisition par la cédante est pris en compte pour le calcul prévu au présent article jusqu'au terme du premier exercice clos à compter de la huitième année suivant l'acquisition des titres par celle-ci. Pendant cette même période, le prix d'acquisition par la cessionnaire retenu pour le même calcul est minoré à due concurrence, dans la limite du prix effectivement acquitté.
« Les dispositions du X de l'article 209 ne sont pas applicables aux sociétés membres d'un groupe au sens de l'article 223 A.
« Le montant mentionné au premier alinéa est minoré du montant fixé par le décret mentionné au premier alinéa du X de l'article 209.
« Pour les établissements de crédit mentionnés à l'article L. 511-5 du code monétaire et financier, les charges financières prises en compte pour l'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'État. ».
Depuis 2002, la France a perdu 750 000 emplois industriels, dont 400 000 depuis 2007 et le déficit extérieur a atteint l'année dernière un nouveau record à 70 milliards d'euros. La nécessité d'agir pour restaurer la compétitivité de l'économie française et pour réindustrialiser la France ne fait donc pas de doute.
Plutôt que de le faire en saupoudrant un allégement très modeste de charges sociales sur l'ensemble des entreprises française financé par un alourdissement massif et particulièrement injuste des impôts des ménages, y compris les plus modestes, le projet présidentiel de François Hollande propose un choc d'offre ciblé, intégralement financé par la suppression d'avantages fiscaux grâce auxquels certaines entreprises échappent à l'impôt.
Le principal de ces avantages est la possibilité de combiner une déductibilité illimitée des charges financières (hors prêts ou rachats à soi-même) et l'exonération totale ou quasi-totale des produits et des plus-values sur les participations (c'est-à-dire sur les titres d'autres entreprises).
Il en résulte la situation suivante :
Une entreprise qui emprunte 10 000 000 € à 5 % pour acheter une machine dont elle tire 800 000 € de bénéfice annuel (rentabilité de 8 %) voit son résultat imposable augmenter de 300 000 € (800 000 € - 500 000 € de charges financières) et doit 100 000 € d'impôt supplémentaire chaque année. En outre, lorsqu'elle décidera de revendre cette machine, la plus-value qu'elle réalisera sera, le cas échéant, soumise à l'impôt sur les sociétés.
Une entreprise qui emprunte 10 000 000 € à 5 % pour acheter des actions représentant 5 % du capital d'une société dont elle tire 800 000 € de dividende annuel (rentabilité de 8 %) voit son résultat imposable diminuer de 460 000 € parce qu'elle déduit de son résultat la totalité des charges financières (500 000 €) alors qu'elle n'y intègre que 5 % du dividende (40 000 €) reçu en application du régime fiscal dit « mère-fille ». Non seulement cette entreprise ne doit pas d'impôt à raison de l'opération mais elle peut réduire son résultat imposable afférent à d'autres activités et bénéficie ainsi d'une quasi-subvention de 153 333 €.
Cette anomalie s'est en outre fortement aggravée depuis que la « niche Copé » a également exonéré 95 % (puis 90 %) des plus-values mobilières des entreprises réalisées à l'occasion de la vente de leurs titres de participation.
En accumulant les avantages pour les revenus financiers des entreprises sans modifier les conditions dans lesquelles leurs charges financières peuvent être déduites, le Gouvernement a donc laissé se développer une situation économiquement absurde et profondément injuste : les entreprises qui investissent pour produire sont imposées tandis que celles qui achètent des participations, notamment à l'étranger, sont subventionnées (en dégageant un déficit fiscal sur des opérations en réalité bénéficiaires).
Il est donc nécessaire de remettre en cause cet avantage injustifié qui profite essentiellement aux grands groupes internationalisés pour financer, d'une part, la baisse du taux normal de l'impôt des PME et des entreprises de taille intermédiaire qui produisent en France et y créent de l'emploi et, d'autre part, un soutien à l'investissement industriel.
Il est donc proposé de rétablir la neutralité fiscale des opérations financières. Concrètement, il s'agit d'aligner le régime de déduction des charges financières et le régime d'imposition des produits correspondants : ne seront plus déductibles, à hauteur de 95% de leur montant les charges financières afférentes à l'acquisition et à la détention de titres de participation, dont les produits sont exonérés dans la même proportion.
La fraction des charges financières affectées sera appréciée de manière forfaitaire au prorata du coût d'acquisition des titres dans l'actif de l'entreprise.
Une mesure de tempérament permettra de limiter l'impact de la mesure pour les PME, grâce à une franchise dont le montant sera calibré après simulations.
Il convient de noter qu'à la différence du système allemand qui plafonne la déduction des intérêts indépendamment de ce qu'ils financent, seuls les emprunts finançant l'acquisition de titres seront concernés. Une entreprise s'endettant pour investir dans une opération de croissance interne, par exemple en acquérant des machines, ne sera pas concernée, Au contraire, cette entreprise bénéficiera, grâce à la baisse du taux, d'un renforcement de ses fonds propres et profitera, au surplus, de la mesure spécifique de soutien à l'investissement par modulation de la CFE.
Combinée aux mesures financées par son rendement (baisse du taux pour les PME et ETI et soutien à l'investissement par modulation de la CFE), le choc d'offre et ses mesures de financement aboutiront à un transfert de la charge fiscale au bénéfice des PME et ETI opérationnelles, en particulier les entreprises industrielles, et au détriment des entreprises financières et des holdings, notamment des LBO.
Au surplus, l'incitation fiscale actuelle à l'endettement qui fragilise les entreprises françaises lorsque le retournement de la conjoncture rend les charges financières trop lourdes sera ainsi fortement réduite.
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