La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de MM. Jean-Marc Ayrault, Yves Cochet et Jean-Paul Chanteguet et plusieurs de leurs collègues visant à interdire l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels, à abroger les permis exclusifs de recherche de mines d'hydrocarbures non conventionnels et à assurer plus de transparence dans le code minier (nos 3690, 3768).
La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Madame la présidente, madame la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, monsieur le président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, mes chers collègues, la France est devenue cet été le premier pays au monde à interdire la fracturation hydraulique pour l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures.
La loi du 13 juillet 2011, que les groupes SRC et GDR de l'Assemblée ont refusé de voter, était censée répondre aux inquiétudes de nos concitoyens et des élus locaux, nées de la découverte de permis exclusifs de recherches visant le gaz et l'huile de schiste. Les conséquences néfastes de leur extraction, d'abord niées, y compris à cette tribune, avaient finalement été reconnues par tous.
Ces permis de la discorde, une « République irréprochable » ne les aurait logiquement pas délivrés en catimini. Et afin de réparer l'erreur commise, elle aurait dû et pu abroger il y a déjà plusieurs mois ces documents litigieux.
C'est aujourd'hui chose faite, ne manqueront pas de dire les membres de la majorité. En effet, c'est vrai, le Président de la République a annoncé cette semaine l'abrogation de trois permis : ceux de Villeneuve-de-Berg, Nant et Montélimar.
Mais comment se satisfaire de cette annonce médiatique ? Et surtout, comment la comprendre ?
Permettez-moi de revenir sur le dispositif prévu par la loi du 13 juillet. L'abrogation des permis est fondée sur le contenu des rapports que les industriels devaient remettre au ministère le 13 septembre. Seule la mention du recours, effectif ou éventuel, à la fracturation hydraulique, est susceptible d'entraîner l'abrogation des permis.
Dès lors, il est logique de voir abrogés les permis de Nant et de Villeneuve-de-Berg, le titulaire de ces titres, l'Américain Schuepbach, ayant clairement manifesté son intention de fracturer la roche.
Par contre, l'abrogation du permis de Montélimar est fondée sur « le manque de crédibilité du rapport », pour reprendre vos mots, madame la ministre. Au passage, si le rapport manque de crédibilité, c'est soit que Total ne sait pas ce qu'il fait, soit qu'il vous a sciemment menti. Ou bien c'est de l'incompétence, et c'est inquiétant pour les forages de Guyane,…
La gauche défend le grand capital et Total ! (Sourires.)
…ou bien c'est un faux en écriture publique, et vous ne manquerez pas de saisir le procureur de la République.
En tous les cas, madame la ministre, n'avez-vous pas contourné la loi pour prononcer cette abrogation ? Hier, le quotidien La Tribune a relevé l'illégalité de votre décision. C'est bien la preuve que la loi du 13 juillet est inapplicable !
Par ailleurs, pour continuer de vous citer, « Total déclare vouloir maintenant chercher des hydrocarbures classiques, donc non gaz de schiste, dans une zone où le potentiel est très limité ». Mais, madame la ministre, comment comprendre alors que vous mainteniez les cinq autres permis qui couvrent le Languedoc ? Les permis de la Plaine du Languedoc, de Nîmes, de la Plaine d'Alès, du Bassin d'Alès, et de Navacelles concernent également des zones au « potentiel très limité ». Les seuls hydrocarbures susceptibles de s'y trouver sont le gaz de schiste et le gaz de houille !
J'irai plus loin, madame la ministre. Je n'ose croire que vous jugerez crédible un éventuel changement de position de la part d'industriels qui vantaient il y a quelques semaines encore le potentiel en gaz de schiste de leurs permis, avant de changer subitement de communicant ou de technique de communication. Je pense notamment au permis de Pontarlier et au gisement de Lorraine.
De même, je n'ose imaginer, madame la ministre, que le Gouvernement se soit rallié aux arguments de Toreador et Vermilion évoquant très certainement un changement de stratégie aussi soudain qu'opportun dans le Bassin parisien.
C'est pourquoi il me serait très agréable de savoir ce que pensent les élus du Bassin parisien de ces abrogations médiatiques et symboliques. Christian Jacob, président du groupe UMP et ancien président de la commission du développement durable,…
…était lui-même à l'initiative de la première proposition de loi issue de la majorité. Il souhaitait à l'époque « abroger les permis exclusifs de recherches de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels ». Même s'il n'est pas là ce matin, je m'adresse à lui maintenant : comment réagiront les habitants de Doué et de Provins en apprenant que le Gouvernement a choisi, peut-être à pile ou face d'ailleurs, d'épargner le sud-est plutôt que la Seine-et-Marne ?
Au risque de me répéter, cette situation relève du bricolage ! Non, cette loi n'est pas applicable. Elle force le Gouvernement à la contourner pour satisfaire une partie des citoyens, et permet aux industriels d'en flouer une autre…
Interdire seulement le recours à la fracturation hydraulique, c'est offrir aux détenteurs de permis la possibilité de s'engager à se conformer à cette prescription tout en conservant hypocritement leurs droits dans l'attente d'un avenir meilleur en 2012. Cette stratégie était d'ailleurs celle de Total, comme l'a déclaré au Monde Bruno Courme, directeur de Total Gas Shale Europe : « un pétrolier ne peut renoncer à un permis », car ce serait « renoncer à son métier ».
Cette loi du 13 juillet 2011 ne satisfait ni les parlementaires de l'opposition, ni les élus locaux, ni les citoyens. Tous se sont mobilisés depuis des mois dans ce combat contre des projets qu'ils rejettent, contre une énergie qu'ils condamnent.
Cette nouvelle proposition de loi, que vous soumettent aujourd'hui le groupe SRC et les députés Verts…
…et du Parti de gauche, s'inspire largement de notre initiative de mai, comme – je le souligne avec plaisir – de celle de Christian Jacob en son temps.
Elle poursuit deux objectifs, sur le plan législatif.
Premier objectif : combler les lacunes du code minier en proposant une définition des hydrocarbures non conventionnels. En effet, au-delà des emblématiques gaz de schiste, qui focalisent l'attention, c'est l'exploration et l'exploitation de l'ensemble des hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels qui nous interpellent.
À terre, les mêmes techniques de fracturation, de fissuration et d'explosion sont employées. Il faut meurtrir la terre et porter atteinte à l'intégrité des roches.
En mer, l'épuisement progressif des gisements offshore classiques a conduit les industriels à s'éloigner de plus en plus des côtes, avec des unités de forage à même de creuser sous des kilomètres de profondeur d'eau.
Devons-nous, comme vous, madame la ministre, et comme votre collègue Éric Besson, nous réjouir de la découverte par la société Tullow d'un gisement au large de la Guyane ? Ou faut-il vous remémorer l'explosion de la plateforme Deepwater Horizon, le 20 avril 2010, sur le gisement de Macondo, dans le Golfe du Mexique ? Elle a fait onze morts, elle a provoqué le déversement dans l'océan de 5 millions de barils de pétrole, elle a souillé 400 kilomètres de côtes américaines.
Cette fuite en avant ne peut plus durer ! Cessons de faire croire que notre avenir passe par l'exploitation des diverses énergies fossiles, jusqu'à épuisement, sans vergogne et sans prudence.
Ces activités, au-delà de leur coût environnemental, seront toujours plus difficiles à mettre en oeuvre. Elles mobiliseront toujours plus de moyens financiers. Total s'est d'ailleurs engagé sur le permis de Montélimar à hauteur de 37 millions d'euros ! Et la société Tullow loue sa plateforme flottante au large de la Guyane 300 000 euros par jour !
Dépenser toujours plus en faveur des fossiles au lieu de privilégier les renouvelables, l'efficacité énergétique et l'éco-innovation, cela n'a aucun sens.
Notre deuxième objectif porte sur les procédures archaïques du code minier. Dès le printemps, le groupe SRC souhaitait abroger les permis attribués grâce à une législation d'un autre âge en modernisant ce code, dont les dispositions obsolètes trahissent une philosophie productiviste incompatible avec les attentes de la démocratie.
Tous conviennent de l'urgence de réformer le code minier, y compris les parlementaires de l'UMP, y compris le président de notre commission. Seul le Gouvernement rechigne à inscrire à l'ordre du jour une réforme qui permettrait de satisfaire, au-delà des obligations posées par la Charte de l'environnement et la Convention d'Aarhus, la demande légitime des citoyens et des élus locaux. Madame la ministre, qu'attendez-vous ? Quand discuterons-nous du code minier ? Pourquoi votre Gouvernement gâche-t-il le temps de l'Assemblée avec ces annuaires indigestes qu'il nomme « simplification du droit » ou avec ces lois pénales si ridicules et si inefficaces que tous les Français en ont perdu le compte ?
Notre proposition de loi revêt donc une double dimension : législative, nous l'avons vu, mais surtout politique, puisque nous nous prononçons, avec clarté, pour que les hydrocarbures non conventionnels restent où ils sont, pour que nous nous engagions rapidement vers une transition énergétique, et pour l'abrogation de tous les permis de mines d'hydrocarbures non conventionnels, liquides ou gazeux, sur terre comme en mer.
La politique énergétique de notre pays a trop longtemps été abandonnée aux mains des seuls ingénieurs des grands corps. Le monde politique, les parlementaires, les citoyens doivent se réapproprier la stratégie énergétique nationale.
À nos yeux, la transition énergétique est plus qu'un slogan politique. C'est une exigence environnementale, sociale et économique.
Environnementale, car nous devons nous engager dans la lutte contre le changement climatique et dans la protection de l'environnement.
Sociale, car il nous incombe de répondre à une demande sociétale de plus en plus manifeste.
Économique, car retarder l'évolution vers les sources d'énergie alternatives aux hydrocarbures revient à handicaper notre économie dans les marchés de demain.
Entre une administration aux pratiques opaques, des industriels toujours pressants et des députés UMP irrésolus, c'est un texte incompréhensible, aux effets juridiques aléatoires, qui aura été voté en juin et promulgué le 13 juillet 2011.
De pieds de nez en pirouettes, les acteurs de ce dossier auront, une nouvelle fois, décrédibilisé les politiques, qui, après s'être approprié le débat, ont vu le Gouvernement perdre la main pour ne trouver que des solutions relevant de la seule communication électorale. J'ai entendu prétendre en commission que les élus locaux seraient pleinement satisfaits de la loi : c'est certainement le message qu'ils ont adressé à l'ex-sénateur Jacques Blanc !
Alors ça, ce n'est pas gracieux !
Face à la conduite erratique du Gouvernement, le groupe SRC, les députés Verts et du Parti de gauche considèrent qu'il est de leur responsabilité de se faire l'écho des préoccupations de nos concitoyens, toujours exprimées sur le terrain. C'est la raison d'être de cette proposition de loi, que je vous invite à soutenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Serge Grouard, président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j'oserai dire que nous commençons à prendre l'habitude de discuter des huiles et gaz de schiste.
Le 29 mars dernier, sur la proposition du groupe GDR, nous sommes réunis ici même pour entamer un premier débat. Le 10 mai,…
…nous discutions de la proposition de loi de notre collègue Christian Jacob, rapportée par Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet. Le 21 juin, nous nous retrouvions à nouveau, pour discuter du texte de la commission mixte paritaire.
Dans le même temps, on me permettra de le rappeler, la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a beaucoup travaillé, et très sérieusement, sur ce même sujet. Une mission d'information fut créée en son sein, dont nos collègues Philippe Martin et François-Michel Gonnot furent les deux co-rapporteurs. Je les remercie d'ailleurs pour le travail très cohérent et approfondi qu'ils nous avaient proposé. Nous avons également auditionné à plusieurs reprises Mme la ministre, ainsi que son collègue Éric Besson.
Aujourd'hui, nous nous retrouvons une nouvelle fois sur le même sujet. Je vais essayer de faire oeuvre de pédagogie pour rappeler les termes du débat : pour commencé, nous nous sommes aperçus, les uns comme les autres, que cette perspective de l'exploration et de l'exploitation des huiles et gaz de schiste posait problème, et notamment, pour simplifier les choses, un problème environnemental. Nous nous en sommes émus – d'où l'ensemble des processus que j'ai rappelés.
Deuxième phase : à travers la proposition de loi déposée par Christian Jacob et rapportée par Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet, nous avons interdit cette exploitation-exploration. Comment ? Après de nombreux débats juridiques, nous avons choisi d'interdire la seule technique qui existe aujourd'hui, à notre connaissance : la fracturation hydraulique. C'est ainsi que nous avons effectivement interdit l'exploration et l'exploitation des gaz et huiles de schiste non conventionnels.
Pourquoi n'interdire que la méthode et non la substance, tout simplement ?
Et voilà qu'une nouvelle proposition de loi nous est soumise aujourd'hui, que je qualifierai de surnuméraire, qui revient sur un débat clos.
Je m'interroge sur la raison de la reprise de cette discussion, et elle me paraît, hélas ! dramatiquement simple : c'est la volonté de raviver les inquiétudes nées ici et là dans nos territoires…
Mais si !
…afin de remettre, si vous me permettez l'expression, de l'eau dans le gaz.
Franchement, ce n'est pas très convenable. Si encore il ne s'agissait que de la recherche d'un petit effet médiatique, mais votre proposition créée une autre difficulté, majeure : son texte aboutit en fait à interdire toute forme d'exploitation et d'exploration, y compris conventionnelle. Autrement dit, ce qui se fait dans notre pays depuis plusieurs décennies, vous proposez de l'interdire également.
Mes chers collègues, si l'on appliquait votre proposition de loi, on abrogerait tous les permis actuellement accordés. Comment ferez-vous la différence entre ce qui est conventionnel et ce qui ne l'est pas ? Nous avions déjà buté sur cette question, et c'est la raison pour laquelle nous en étions venus à l'idée d'interdire la fracturation hydraulique.
J'ai parfaitement lu le texte, et nous en avons longuement discuté en commission.
Pour terminer, je tiens à souligner un point positif de cette proposition de loi : elle a le mérite de poser la question de la réforme du code minier sur laquelle, madame la ministre, nous souhaitons avoir des réponses. Reste que, dans notre pays en proie à de multiples inquiétudes, plus ou moins justifiées, elle risque de raviver les tensions…
Vous y êtes pour quelque chose ! Cette critique de Nicolas Sarkozy dans votre bouche me paraît bien étrange !
…en laissant supposer que le texte de loi initial ne conviendrait pas alors qu'il interdit la fracturation hydraulique, la seule technique connue aujourd'hui.
Monsieur Mallot, de mon temps, l'éducation nationale nous apprenait correctement à lire, je n'ai donc pas de souci de ce côté-là.
Si vous me démontrez qu'il existe aujourd'hui une autre technique que la fracturation hydraulique, ce sera très intéressant ; mais tous nos travaux en commission ont démontré l'inverse.
Il faut poser la question sérieusement, et répondre à cette seule question qui vaille : existe-t-il aujourd'hui des techniques autres que la fracturation hydraulique ? Si tel est le cas, cela nous posera effectivement problème, je serai le premier à le reconnaître. Mais tous nos travaux ont répondu négativement à cette question. Je ne suis pas spécialiste de ces questions, pas plus que chacun d'entre vous, nous avons beaucoup appris et nous nous sommes documentés, et nous constatons qu'il n'existe aujourd'hui que la technique de la fracturation hydraulique, que nous avons interdite. Je répète donc que votre proposition est surnuméraire, et pour cette raison, il nous paraît impossible de la soutenir.
La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, nous sommes de nouveau réunis pour débattre de la question des gaz et huiles de schiste, que j'ai toujours considérée comme extrêmement sensible.
Certes, tous les débats sont intéressants. Il me semble cependant que nous avons déjà bien traité ce sujet et que, dès lors, des priorités autrement plus importantes auraient pu être inscrites dans l'agenda parlementaire, très encombré.
Revenons quelques mois en arrière pour évoquer la proposition de loi de Christian Jacob.
Il est étrange qu'aucun parlementaire UMP de Seine-et-Marne ne soit présent !
Et où est Jean-Marc Ayrault, qui a déposé cette proposition de loi ? Les groupes d'opposition n'avaient pas voulu voter cette proposition de loi de Christian Jacob. Je le regrette d'ailleurs, au regard du travail remarquable qu'avaient réalisé conjointement les deux rapporteurs Jean-Paul Chanteguet et Michel Havard.
Cette loi répond à quatre objectifs : elle interdit l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux par des forages suivis de fracturation hydraulique ; elle crée une commission nationale d'orientation, de suivi et d'évaluation – le décret est à la consultation, il sera bientôt publié ; elle organise l'abrogation des permis de recherche de gaz et d'huiles de schiste et prévoit des sanctions pour les contrevenants ; enfin, elle demande au Gouvernement de remettre un rapport annuel et d'assurer une veille juridique et technique sur ces sujets complexes.
J'ajoute que cette loi va permettre d'ici quelques jours l'abrogation de tous les permis délivrés exclusivement pour l'exploration du gaz de schiste.
Je veux également rappeler le projet de loi, déposé à l'Assemblée nationale le 11 avril, pour ratifier l'ordonnance du 20 janvier 2011 de codification de la partie législative du code minier. Il permettra de renforcer la consultation du public pour la délivrance des permis de recherche, et il méritera des compléments.
Dans ces conditions, mesdames, messieurs, que reste-t-il de la proposition de loi qui nous est proposée aujourd'hui par le groupe socialiste ?
Pas uniquement, c'est vrai, les Verts, le front de gauche, les communistes et les radicaux s'y sont associés.
Ah, pardon ! Bon, vous ferez le tri et vous nous expliquerez ! (Sourires.)
De toute façon, tous ont eu tort car ce texte est inutile, mal écrit – je ne porte, vous m'aurez compris, aucun jugement sur le style littéraire, mais sur la qualité juridique –…
Il crée l'insécurité juridique qu'il dénonce avec un exposé des motifs qui démontre, de surcroît, de petits calculs politiques.
Ainsi, cette proposition de loi voudrait interdire l'exploration et l'exploitation de gisements d'hydrocarbures dans des roches compactes, de faible perméabilité ou en eaux profondes.
Mais qu'entendez-vous par une eau profonde ?
Et ne pourrait-on considérer que tout forage porte atteinte à l'intégrité de la roche ? Enfin, pourquoi faire référence à un maintien « en position grâce à des moteurs commandés par un GPS », alors qu'il ne s'agit que d'un système de positionnement parmi d'autres ? Autant d'expressions trop floues, ou trop précises.
L'exposé des motifs reproche à la loi du 13 juillet de ne pas définir la fracturation hydraulique, expression pourtant bien précise et utilisée dans l'industrie pétrolière, et dont les termes sont sans ambiguïté.
La proposition de loi voudrait également abroger les permis exclusifs de recherches de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels. Mais ces permis n'existent pas en droit.
Pourquoi alors avoir abrogé les permis de Nant, Montélimar et Villeneuve-de-Berg ?
Je vais y venir : parce qu'il y a de la fracturation hydraulique.
La loi est rédigée de telle sorte que les permis visant exclusivement l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels soient abrogés de facto et la liste des permis sera publiée au Journal officiel avant le 13 octobre, je m'y engage.
Vous n'arrêtez pas de faire les potaches et les écoliers ! (Sourires)
Votre proposition de loi voudrait également renforcer la participation du public, à défaut de renforcer celle de l'assemblée, avant la délivrance des permis de recherche et des concessions d'exploitation.
Mais le projet de loi de ratification de l'ordonnance de codification du code minier est juridiquement plus précis pour définir la participation du public en ce qui concerne la délivrance des permis de recherche, tandis qu'une procédure d'enquête publique, plus exigeante que celle proposée, est déjà requise pour la délivrance des concessions.
Vous prévoyez également que soient fournies des études d'impact dans les dossiers de demande de permis de recherche et de demande de concessions ; mais cela relève de la composition du dossier de demande, c'est-à-dire du domaine réglementaire, et qui est en cours de codification et de modernisation.
De plus, certains projets de recherche sans forage, comme par exemple les recherches aériennes ou les études bibliographiques, qui n'ont pas d'impacts environnementaux, n'ont pas à être soumis à étude d'impact.
Et que dire de votre exposé des motifs ? On y reproche reproché au Gouvernement de favoriser les énergies fossiles alors qu'il devrait investir massivement dans les énergies renouvelables. C'est feindre d'ignorer que dans le cadre du Grenelle de l'environnement, le Gouvernement a accompli en faveur des énergies renouvelables un effort sans précédent : je ne souviens pas de mouvement aussi majeur accompli sur les énergies renouvelables lors des mandatures précédentes, notamment lorsque la gauche était au pouvoir : la part des énergies renouvelables est passée de 10 % à 13 %, avec un objectif de 23 %…
La production totale de l'éolien, du photovoltaïque et de la biomasse a été multipliée par trois : de cinq térawattheures, elle est passée à quinze térawattheures en 2010.
Le soutien à la méthanisation a été renforcé, et un programme éolien en mer a été lancé, pour lequel une première tranche de trois gigawatts est en cours de procédure, et une deuxième tranche sera lancée début 2012. La filière photovoltaïque a été réformée afin d'asseoir sa pérennité, y compris grâce aux investissements d'avenir qui permettront de développer une industrie nationale du photovoltaïque. Tous les investissements de recherche, par exemple sur les énergies marines, le biocarburant, le grand éolien, fondent enfin une grande politique nationale de l'énergie renouvelable.
Et ce n'est pas fini : il faut parler également des efforts que nous réalisons pour réduire notre dépendance énergétique, et pour augmenter le pouvoir d'achat des ménages, puisqu'un ménage français dépense en moyenne 2 900 euros par an pour ses dépenses énergétiques, mais aussi pour améliorer la compétitivité des entreprises et bien sûr diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Nous avons pour objectif un gain d'efficacité énergétique de 20 % en 2020. C'est la première réponse à ces enjeux d'exploitation d'énergie fossile, qu'elle soit ou pas enfermée dans du schiste.
Madame la ministre, le président Ayrault, que vous demandiez tout à l'heure, vous salue !
Bonjour, monsieur le président, nous parlions de vous à l'instant !
J'ai appris cela en arrivant… Je suis très honoré ! Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Et pour compléter le tableau des réalisations de ce gouvernement dans le domaine énergétique, rappelons que nous faisons dorénavant partie des leaders européens en matière de développement des biocarburants. Toutes les critiques peuvent être exprimées sur les biocarburants de première génération,…
…ceux de deuxième génération sur lesquels vont actuellement les investissements sont beaucoup plus consensuels.
C'est le Gouvernement qui a relancé les véhicules électriques et favorisé l'achat des véhicules autonomes.
C'est le Gouvernement qui a refusé l'ouverture de nouvelles mines de charbon en France, peut-être vous en souvenez-vous. Le Gouvernement et l'Assemblée font partie des rares, aujourd'hui, à avoir interdit la fracturation hydraulique. On ne peut donc pas le suspecter de vouloir développer indûment les énergies fossiles.
D'autres reproches fallacieux ont été également adressés au Gouvernement dans l'exposé des motifs de votre proposition de loi. « Plus de trois mois après les déclarations rassurantes du Premier ministre et de la ministre de l'écologie, aucun permis n'a pourtant été annulé ». Alors ça, c'est gonflé ! Vous feignez d'ignorer que la loi promulguée le 13 juillet laissait deux mois aux opérateurs pour rendre leur rapport, soit une échéance au 13 septembre ; ensuite, le Gouvernement avait un mois pour les analyser, ce qui nous amène au 13 octobre.
Et maintenant que cette échéance approche, l'opposition se réveille…
…et nous reproche notre précipitation pour avoir annoncé que tous les permis visant l'exploration de gaz de schiste seraient abrogés. Ça aussi, c'est gonflé !
Il nous est aussi reproché qu'un certain nombre de permis exclusifs de recherches portant sur des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeuses aient été signés en toute discrétion ces dernières années. Je trouve moi aussi que cela a été trop discret – je l'ai assez répété dans cet hémicycle. Reste que toutes les procédures ont été respectées avec une mise en concurrence publiée au Journal officiel, puis une publication des permis attribués publiés également au JO et dans la PQR.
La proposition de loi socialiste sous-entend également que le Gouvernement prévoit de subventionner de près ou de loin l'exploration pétrolière. Vous savez, comme moi, qu'il en est hors de question ; c'est même le contraire qui se passe, puisque l'État, comme les collectivités locales encaisse des taxes…
…sitôt que des hydrocarbures sont exploités à partir de leur sous-sol. C'est dans ce sens-là que se font les transferts, non de l'autre côté.
Je prends acte de votre souhait, que je partage, de voir rapidement réformer le code minier. Cette réforme extrêmement technique est en cours ; je ne pense pas que cette proposition de loi y apporte grand-chose.
Cette réforme a commencé par l'ordonnance de codification du code minier, qui, outre le travail à droit constant, instaure des procédures de consultation du public, que vous appelez, à raison, de vos voeux, sur les demandes de permis de recherche de mines…
C'est dans la proposition de loi qui n'est pas inscrite à l'ordre du jour !
et améliore la mise en application du code minier dans les collectivités ultramarines.
Dès que les parlementaires arrêteront d'encombrer l'ordre du jour avec des propositions de loi redondantes avec celles déjà construites, libérant ainsi de la place pour les propositions plus utiles ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
C'est tout de même le Gouvernement et le groupe UMP qui arrêtent l'ordre du jour !
Allons, chers collègues ! La parole est à Mme la ministre et à elle seule.
Le travail de codification de la partie réglementaire du code minier est engagé. Il a pour but une prise en compte équilibrée des enjeux du domaine minier – environnementaux, économiques et sociétaux et vise à la simplification des procédures et surtout à l'amélioration de la sécurité juridique. Une part importante de cette codification doit être faite par voie réglementaire, même si nous sommes ouverts à toutes les consultations et les discussions.
Les sujets miniers sont particulièrement sensibles dans la population et requièrent une acceptation sociétale particulière. On a pu récemment vérifier qu'elle ne l'était pas. C'est pourquoi, le Gouvernement étudie actuellement les modalités d'un dialogue approprié avec la société civile, élus et associations particulièrement, pour mener ces travaux. Le Gouvernement étudie actuellement les modalités d'un dialogue approprié – c'est également cela qui est en jeu dans la réforme du code minier.
Je reviens maintenant sur la décision que nous avons prise mon collègue Éric Besson et moi-même d'abroger – avec le soutien du Président de la République qui s'en est fait l'écho mardi dernier, lors de son déplacement dans les Causses et les Cévennes, dans un discours à Alès – tous les permis visant les gaz de schiste, c'est-à-dire ceux de Nantes et de Villeneuve-de-Berg,…
détenus par la société Schuepbach, et celui de Montélimar du groupe Total.
Nous avons pris la bonne décision. Mais que n'a-t-on pas entendu depuis que cette décision est prise ? Votre collègue Yves Cochet a indiqué qu'il ne doit pas y avoir interdiction totale de l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels, mais qu'il doit y avoir abrogation de tous les permis accordés par Borloo en mars 2010.
Ah ! L'AFP appréciera !
Je m'interroge : pourquoi tous les permis Borloo et exclusivement les permis Borloo ? Yves Cochet sait-il que Dominique Voynet était au Gouvernement quand les permis ont été accordés entre 1997 et 2002 ? On l'a peu entendu à l'époque. Il y en a eu vingt et un, aujourd'hui périmés. C'était des permis classiques. Je ne lui en fais pas grief : on en délivre les ans.
Effectivement, comme quarante-neuf permis sur les soixante-quatre dont vous parlez et que vous prétendez vouloir abroger par une proposition de loi.
La France est un État de droit où le n'importe quoi n'est pas la règle.
L'auteur de cette proposition de loi, Jean-Marc Ayrault, a souhaité que le Président de la République propose de revenir complètement sur ce qui a été voté, de supprimer les autorisations de prospection de gaz de schiste. Je souscris à son propos : c'est ce qui a été fait avec l'abrogation annoncée des trois permis précités : il n'y en a pas d'autre pour la prospection de gaz de schiste.
J'ai également entendu, de la part du groupe socialiste du Conseil régional d'Île-de-France par exemple, qu'il faudrait abroger tous les permis d'exploration, y compris les permis non-gaz de schiste ou les permis qui conservaient une dimension conventionnelle, et dont seule la dimension non conventionnelle est aujourd'hui interdite. Mais ce n'est pas possible avec la loi du 13 juillet, pas plus d'ailleurs – je veux nuancer les propos du rapporteur – qu'avec la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui.
En fait, il faudrait que l'opposition se mette d'accord là-dessus : tout à l'heure, le président de la commission Serge Grouard a dit que cette proposition de loi pourrait conduire à abroger les soixante-quatre permis en cours, y compris des permis strictement conventionnels,…
…et les parlementaires socialistes ont soutenu que c'était faux, que leur proposition de loi n'abrogerait pas les soixante-quatre permis, mais seulement les non conventionnels. Peut-être, là encore, l'AFP s'est-elle trompée – l'AFP se trompe souvent, monsieur Cochet quand les Verts parlent.
Vous devriez les alerter, car cette dépêche fait référence à des propos de Pascal Durand, porte-parole d'Europe Écologie-les Verts, qui exigeait mercredi une abrogation absolue et complète des soixante-quatre permis de recherche sur les gaz de schiste, ironisant sur l'annulation « surmédiatisée » de trois permis à ceci près qu'il n'y a pas soixante-quatre permis gaz de schiste, mais seulement trois : « Nous voulons, déclarait-il, une abrogation absolue et complète des soixante-quatre permis de recherche. Une proposition de loi PS – Écologie-Les Verts en ce sens sera discutée jeudi à l'Assemblée. »
Mesdames, messieurs, il faut vous mettre d'accord. Soit vous étiez d'accord avec Serge Grouard et considériez que cette proposition de loi abrogeait soixante-quatre permis, dont des permis strictement conventionnels, soit vous étiez d'accord avec les parlementaires socialistes, qui se sont exprimés et qui disaient que ce n'était pas le cas. Vous conviendrez avec moi que ce n'est pas clair.
Une seule chose est claire : l'abrogation des trois permis exclusivement gaz de schiste, telle qu'elle a été proposée par le Gouvernement, dans la suite de la loi votée par les parlementaires et de la proposition de loi Jacob du 13 juillet 2011.
Il faut se souvenir que cela fait environ cinquante ans que l'on explore et exploite des gisements d'hydrocarbures conventionnels en France, majoritairement en Île-de-France et en Aquitaine.
L'émergence de la fracturation hydraulique a incité certains industriels à passer à un mixte de conventionnel et de non conventionnel. C'est le problème des permis Île-de-France. C'est la raison pour laquelle dans ceux-ci, nous avons proposé – c'est ce qui ressort des rapports des industriels eux-mêmes – l'interdiction de toute la partie non conventionnelle, qui sera strictement contrôlée et le maintien de la partie conventionnelle qui existe, particulièrement dans cette région, depuis des décennies. C'est la raison de la non-abrogation des permis Île-de-France, mais la partie non conventionnelle y est bien interdite. C'est aussi la raison de l'abrogation des permis du Sud, des permis de Schuepbach comme des permis Total,…
car là-bas le potentiel conventionnel est très faible et il n'existe pour l'essentiel que des possibilités gaz de schiste nécessitant donc de la fracturation hydraulique, désormais interdite.
Je réponds à M. Chanteguet pour faire le point sur le détail des soixante-quatre permis dont tout le monde parle en les globalisant, mais qui recouvrent des réalités très différentes.
Sur les soixante-quatre permis, on compte quarante-neuf permis strictement conventionnels, de même nature que les vingt et un déposés entre 1997 et 2002 et que j'ai cités tout à l'heure. Nous avons ensuite huit permis gaz de houille, considérés, soit dit en passant, comme peu rentables par les industriels, au point que certains envisagent de les abandonner. Quelques-uns de ces permis peuvent trouver un intérêt à la fracturation hydraulique, ils y ont renoncé. Pour le reste, c'est faisable par du conventionnel. Ne resteront donc que des permis conventionnels, pour ceux qui en feront quelque chose, car, je le répète, ces permis sont relativement peu rentables. Viennent après les quatre permis huile de schiste et conventionnels en Île-de-France dont, je le redis clairement la partie non conventionnelle ne donnera pas lieu à exploitation. Cela a été rendu officiel dans les rapports, ce sera garanti et contrôlé. Le Gouvernement s'y est engagé. Arrivent enfin les trois permis du Sud, exclusivement gaz de schiste, qui sont abrogés.
Faites les comptes : quarante-neuf plus huit, cela fait cinquante-sept ; plus quatre, soixante et un ; plus trois qui font soixante-quatre, nous y sommes. Voilà donc les soixante-quatre permis.
Entendons-nous bien : ce chiffre correspond aux permis actuellement délivrés, actifs, aux autorisations recensées en France. Je ne prends pas en compte les demandes d'autorisations en cours d'instruction dans les services. Le permis dit de Cahors n'est pas un permis, mais une demande ne fait pas partie de ces soixante-quatre.
Je répondrai plus tard à toutes les questions sur ces permis-là, comme sur les autres, si vous le souhaitez.
Je crois avoir suffisamment démontré que cette proposition de loi est une mauvaise utilisation du temps parlementaire. Je ne veux pas me mêler de vos affaires : c'est votre temps, mais je maintiens qu'il est mal utilisé.
Je regrette que nous en soyons encore à débattre de cette proposition que je juge très politique, inutile et de mauvaise qualité juridique. Nous aurions pu passer à des sujets prioritaires pour notre pays, qui n'ont pas encore été tous traités. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Dans la discussion générale, la parole est à M. Philippe Martin, qui dispose de cinq minutes.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, Les propos de M. le président de la commission Serge Grouard m'ont laissé penser qu'il était un « go-schiste » – en deux mots. (Sourires.)
S'il avait fallu une justification supplémentaire à l'examen de la proposition de loi présentée par notre excellent collègue M. Jean-Paul Chanteguet et les députés Verts et du parti de gauche, les décisions que vous avez prises, cette semaine, madame la ministre, sont tombées à pic. Je veux parler des abrogations en urgence des permis du Sud de la France, dont évidemment nous nous réjouissons.
Mais nous continuons de nous interroger, aujourd'hui encore, sur les raisons objectives qui vous ont conduite à abroger ceux-là et à ne pas abroger ceux-ci. La réponse que vous m'avez faite hier, dans laquelle d'ailleurs vous avez allégrement mélangé les autorisations d'extraction d'hydrocarbures conventionnels entre 1997 et 2002 avec celles aujourd'hui des hydrocarbures non conventionnels, n'a pas apaisé nos doutes.
Ces abrogations, dont je continue de penser qu'elles sont intervenues, notamment pour préserver le Président de la République de l'ire des élus et des citoyens des Causses et des Cévennes – n'est-ce pas vous qui parliez de calculs politiques tout à l'heure – ne sont pas, comme vous le dites un peu trop rapidement, le résultat de l'application mécanique de la loi Jacob. Car, à vous lire, madame la ministre, on comprend que si pour deux des trois permis abrogés, c'est la réponse de la compagnie américaine confirmant son intention de recourir à la fracturation hydraulique qui vous a conduit à prendre cette décision, il semble bien que vous ayez abrogé le troisième, celui de Montélimar parce que vous n'avez pas cru à la réponse qui vous a été donnée par les responsables de Total, lesquels avaient indiqué qu'ils « prenaient acte » de ce que la fracturation hydraulique était désormais proscrite sur le territoire national, mais qu'ils poursuivraient leur activité au moyen d'autres techniques. On vous aurait donc menti, madame la ministre !
Cela arrive !
J'ai bien relu la loi Jacob. Si des dispositions prévoient bien l'abrogation en cas de fracturation persistante, je n'en vois aucune prévoyant que la ministre en charge des autorisations puisse abroger un permis si elle ne croit pas à ce que les industriels lui disent.
Ce n'est pas moi qui suis en charge de cela.
Et quand bien même : nous savons, pour avoir, avec François-Michel Gonnot, conduit une mission minutieuse sur le sujet, qu'il n'existe pas d'autres techniques que celle de la fracturation – hydraulique aujourd'hui, pneumatique ou avec du propane liquéfié demain…
Avec du propane liquéfié, c'est de la fracturation hydraulique.
Et vous venez d'abroger des permis pour lesquels les réponses apportées par les industriels sont divergentes, voire contradictoires. Dans ces conditions, madame la ministre, pourquoi n'avez-vous pas décidé d'abroger tous les permis d'exploration et d'exploitation de gaz et d'huile de schiste encore valides et pourquoi vous n'interrompez pas le processus en cours d'autorisation de nouveaux permis. Bref, pourquoi ne déclarez-vous pas ce moratoire ad vitam aeternam que réclamait à grands cris Christian Jacob ?
Les conséquences pour notre environnement de l'extraction de gaz de schiste, outre le fait qu'elle ne fera que renforcer un peu plus notre dépendance aux énergies fossiles, sont connues : menaces sur la ressource en eau, problèmes de gestion des déchets, un bilan carbone qui nous éloigne de l'objectif que la France s'est elle-même fixé, de diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre à l'horizon de 2050, sans parler des fragmentations de nos territoires dont parlait le Président de la République à Alès. Sans oublier le bruit généré par la fracturation hydraulique, dont M. Gonnot et moi-même avons fait la pénible expérience en Pennsylvanie.
En soutenant la proposition de loi défendue par nos collègues Jean-Paul Chanteguet, Yves Cochet et les membres du parti de gauche, outre le fait que vous écarterez cette activité minière nouvelle, très impactante pour l'environnement, outre le fait que vous rendrez possible une abrogation de tous les permis, outre que vous clarifierez un code minier obsolète et pour lequel nous attendons toujours le projet du Gouvernement, vous serez fidèle à la Charte de l'environnement, chère à votre coeur et à votre engagement, madame la ministre ; et surtout, vous inscrirez la France dans la voie d'une transition énergétique et écologique que les Français appellent de leurs voeux. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, quelle bonne nouvelle ! Nous ne pouvons que nous réjouir que le Gouvernement ait décidé, lundi, d'abroger les trois permis de recherche de gaz de schiste du sud de la France. On peut y voir une victoire pour les opposants mobilisés depuis des mois ; cependant, nous nous interrogeons sur les autres permis dont douze concernent des hydrocarbures non conventionnels.
Quatre en particulier suscitent la controverse : ceux de la compagnie américaine Toreador à l'est de Paris, principalement en Seine-et-Marne, dans l'Aisne et dans la Marne : Mairy, Nogent-sur-Seine, Leudon-en-Brie et Château-Thierry.
Le problème des hydrocarbures en France n'est donc pas réglé. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé avec nos amis socialistes et du parti de gauche cette proposition de loi.
La loi Jacob ne répond pas au problème des hydrocarbures non conventionnels.
Ce n'était qu'un tour de passe-passe pour gagner du temps. Cette loi ne satisfait ni les parlementaires de l'opposition, ni les élus et les citoyens qui se sont mobilisés depuis des mois, et poursuivent leur combat contre des projets qu'ils rejettent et contre une énergie qu'ils condamnent. Car c'est cela le fond de l'affaire : vous avez beaucoup argumenté, madame la ministre, monsieur le rapporteur, contre la seule fracturation hydraulique. En l'interdisant, on interdit de fait l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels ; mais on laisse entendre que la science, l'innovation, le progrès pourraient permettre de trouver une autre méthode, moins impactante, afin de pouvoir, enfin, exploiter ces mines – de dollars ou d'euros ! – d'hydrocarbures non conventionnels.
Notre point de vue est différent. Effectivement, la méthode de la fracturation a des effets dévastateurs sur l'eau, l'atmosphère – il peut y avoir des fuites de gaz et on sait que le méthane a un forçage radiatif beaucoup plus important et plus rapide que celui du CO2,–, le paysage, sur la circulation automobile enfin avec une augmentation du nombre de camions sur les routes. Mais il n'y a pas que cela : pour nous, c'est la substance elle-même qui obère la transition énergétique vers la sobriété, l'efficacité et les énergies renouvelables. Plusieurs études montrent que si l'on investissait dans ce domaine, on n'investirait pas ailleurs : c'est un peu ce qui se passe avec pour le nucléaire. On parle quelquefois de « bouquet énergétique : c'est une manière rhétorique pour cacher le fait que l'on continue d'exploiter des énergies du passé condamnées en raison de leur impact environnemental et de leur investissement financier excessif.
La loi de juillet 2011 se borne à solliciter des titulaires de permis un rapport faisant état des techniques envisagées ; pour nous, ce texte compromet la transition énergétique et le respect des engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre pris par la France.
Comment parer à la raréfaction du pétrole ? Son prix varie, mais la tendance est à une hausse inéluctable. Il aurait fallu – je le regrette comme vous, madame la ministre – investir massivement depuis plusieurs décennies dans la sobriété énergétique, l'efficacité et les énergies renouvelables. Au lieu de cela, le Gouvernement s'obstine dans la fuite en avant énergétique et le gaspillage. Il a voulu aider à l'exploration et à l'exploitation des hydrocarbures de schiste, et a décidé de s'orienter vers l'exploitation d'hydrocarbures non conventionnels, notamment par les forages en eaux profondes. C'est également cela que nous récusons dans notre proposition de loi : il conviendrait au contraire de se poser courageusement la question du sens et du contenu de notre consommation énergétique, notamment avec les sources primaires auxquelles nous faisons appel.
Refuser l'exploration et l'exploitation des gaz et huiles de schiste, c'est un choix de civilisation. Ce n'est pas seulement récuser la technique de la fracturation ; nous sommes d'ailleurs tous d'accord pour en reconnaître la dangerosité. Il s'agit de savoir comment initier la transition énergétique et ne pas rester aveugles à la dégradation de la biosphère.
La proposition de loi se propose de préciser la notion d'hydrocarbures non conventionnels ; notre rapporteur s'y est employé. Il s'agit également de définir la fracturation hydraulique. Le texte de juillet 2011 l'interdit, mais sans détailler ses implications techniques et ses effets environnementaux. Enfin, il s'agit de stopper tous les permis.
J'en viens maintenant à deux aspects souvent sous-estimés. D'abord quelques précisions sur l'impact environnemental. Vous avez peut-être eu connaissance d'une étude publiée par l'université Cornell aux États-unis : selon celle-ci, le processus d'exploitation des gaz et huile de schiste pris dans son ensemble – du puits à la roue, en quelque sorte –, aurait sur le climat des effets aussi négatifs que l'exploitation du charbon.
Il faut également s'interroger sur ce que l'on peut appeler le rendement thermodynamique de la filière, là aussi du puits à la roue. Une étude publiée par l'Institut de recherche et d'informations socio-économiques québécois estime que le rendement thermodynamique de la filière est assez bas, de l'ordre de deux pour un, voire un pour un, comme les biocarburants, dont vous êtes, madame la ministre, une porte-parole vertueuse, allant jusqu'à parler de « pétrole vert de la France »…
C'est gonflé ! Mon propos était plus subtil, plus nuancé. J'ai parlé de première et de deuxième génération.
Dans ce cas, madame la ministre, permettez-moi de vous questionner sur cette deuxième génération – vous êtes suffisamment savante en la matière. Dans la première génération des biocarburants, on ne considère que la partie la plus énergétique, c'est-à-dire la graine. Dans la deuxième, on prend toute la plante, voire l'arbre. Comment, à volume égal, récupérerez-vous davantage d'énergie en prenant la partie ligneuse, cellulosique en plus de la graine ? C'est là un miracle chimique dont j'aimerais que vous me fassiez la démonstration. Comment, en prenant toute la plante, extrairez-vous à volume égal plus d'énergie qu'en ne prenant que la graine, où l'énergie est stockée ? Faire du carburant avec du tournesol, de la betterave, voire du maïs, on comprend : là, il y a de l'énergie. Mais dans la partie ligneuse, il y en a beaucoup moins. Par conséquent, tout porte à croire que les biocarburants de deuxième génération dégageront, pour une unité de volume donnée, beaucoup moins d'énergie. Le rendement thermodynamique de la filière sera forcément moins élevé.
J'attends avec impatience sa démonstration. À moins que l'on parle d'une troisième génération, mais elle ne l'a pas évoquée.
Bref, il faut abandonner l'idée des biocarburants. C'est simplement faire plaisir au lobby des betteraviers et des céréaliers, mais ce n'est pas une piste sérieuse.
Au niveau mondial, un rapport du National Petroleum Council…
Pardonnez-moi d'être précis.
…prévoit, en fonction de trois scénarios différents de disponibilité des gaz de schistes, que les émissions cumulées liées à l'utilisation de ces nouvelles réserves seraient de l'ordre de 183 gigatonnes de CO2 entre 2010 et 2050. Encore, pour chacun de ces scénarios, est-il présumé que seulement 50 % des ressources seront extraites – la réserve, c'est ce que l'on peut réellement obtenir, la ressource est souvent beaucoup plus importante, mais d'un point de vue économique, on ne peut pas tout extraire. À titre de comparaison, les émissions de CO2 liées à la combustion d'énergie dans le monde atteignaient 29 gigatonnes – 29 milliards de tonnes – en 2008.
Faut-il rappeler les conséquences dramatiques d'un emballement climatique, qu'il s'agisse des phénomènes météorologiques violents, de l'appauvrissement de la ressource en eau, de la fonte des glaces, de l'élévation du niveau des mers, de la baisse des capacités agricoles, etc. ? Je vous renvoie aux rapports du GIEC.
Et tout cela, ce n'est pas le fait de la fracturation hydraulique : ce sont les gaz et huiles de schiste. Cela fera bondir les émissions de gaz à effet de serre. À elle seule, cette raison devrait suffire pour voter notre proposition de loi.
Je termine mon propos, madame la présidente…
…bien que j'aie été gravement interrompu par le Gouvernement. (Sourires.)
Vous vous interrompez vous-même, monsieur le député ! (Sourires.) Veuillez conclure.
Dernier argument, le retour sur investissement. Plusieurs analystes financiers s'accordent à dire que le gaz de schiste fait l'objet d'une bulle spéculative…
… comparable à celle des nouvelles technologies naguère : il est vendu à 4 dollars le gigajoule alors que son coût de production avoisine les 6 dollars. Prenez les études menées sur le site de Fayetteville, celui de Barnett au Texas et même celui de Marcellus dans les Appalaches. Je veux à ce propos mettre en garde le Crédit agricole qui, par l'intermédiaire de sa filiale Corporate and Investment Bank – pardon, cher collègue Jean Mallot –, souhaite investir dans cette énergie. Les titulaires de permis aux États-Unis, forts de cinq ou six années d'expérience dans l'exploitation, pensent que ce n'est pas forcément rentable. Le cas d'entreprises telles que Chesapeake Energy montre même que cela pourrait donner lieu à un échec commercial. Les chiffres ont fait l'objet de nombreux bidonnages, que ce soit pour l'estimation des réserves ou la perspective de générer des dollars.
Quel est le bilan géologique ? Il faut savoir que 85 % de la ressource est extraite dans les deux ou trois premières années. Malheureusement, que cette montée rapide en production est suivie par une chute considérable. D'un point de vue économique, l'exploitation n'est pas forcément rentable. Mais on a évidemment entretenu l'illusion du succès avec des chiffres bidons de production et de réserves.
Pour conclure, madame la présidente, les députés écologistes cosignataires de cette proposition de loi souhaitent, d'une part, réaffirmer leur opposition à l'exploration et à l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels – et pas simplement à leur méthode d'extraction – et, d'autre part, réclamer l'abrogation des permis litigieux. La loi Jacob n'a non seulement rien réglé mais elle a aussi créé de nouvelles illusions en se contentant d'interdire la fracturation hydraulique.
Je vous invite donc, chers collègues, à adopter notre proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. Philippe Folliot, pour dix minutes.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici réunis pour la troisième fois dans cet hémicycle autour de la question des gaz et huiles de schiste.
Nous avons débattu une première fois en avril des tenants et des aboutissants de ce sujet assez obscur, il faut le dire, pour nombre d'entre nous, non spécialistes, comme pour nos concitoyens. Nous avons ensuite examiné non pas une, mais deux propositions de loi en mai : identiques sur le fond, elles étaient fragiles juridiquement et la version consolidée n'avait finalement pas reçu l'assentiment de nos collègues socialistes, quelque peu enclins à agiter les riverains des zones potentielles d'exploration.
J'ai pu déplorer que ces propositions de loi aient été examinées sans attendre que François-Michel Gonnot et Philippe Martin aient présenté les conclusions de leur rapport. Cela nous est apparu comme une forme de mépris à l'égard du travail de nos collègues et plus généralement à l'égard du Parlement.
Au bout du compte, nous avons adopté la loi Jacob, le 13 juillet dernier. Cette loi nous paraît claire et nous ne comprenons pas forcément l'attitude du groupe SRC qui dépose une nouvelle proposition de loi.
Revenons sur la loi désormais en vigueur, la loi du 13 juillet 2011. Elle interdit tout d'abord toute utilisation de la technique controversée de la fracturation hydraulique, la seule à ce jour de par le monde qui permette d'exploiter les hydrocarbures non conventionnels. Elle a créé une commission nationale d'orientation, de suivi et d'évaluation des techniques nouvelles susceptibles d'être développées dans l'avenir. Enfin, elle a prévu des sanctions à l'encontre des entreprises qui contreviendraient à ces interdictions. Mais soyons francs : il n'est pas possible que des industriels aient recours à la fracturation hydraulique en catimini. Cette technique exige d'énormes volumes d'eau qui devraient être acheminés par pléthore de camions, fort peu dissimulables.
À cette loi, il faut ajouter les annonces du chef de l'État et de vous-même, madame la ministre, concernant l'abrogation de trois permis dans l'Aveyron, l'Ardèche et la Drôme. Ces permis étaient effectivement les seuls qui pouvaient donner lieu à controverse. Mais cette décision suscite une question : quelles sont les conséquences financières potentielles de ce que l'on pourrait considérer comme une rupture de contrat ? Combien cela risque-t-il de coûter à l'État et aux contribuables ? C'est un problème qui mérite d'être évoqué.
Quoi qu'il en soit, nous avons le droit, et le devoir, d'obtenir des explications sur ce point.
On peut s'interroger, disais-je, sur l'utilité de cette nouvelle proposition de loi dans la mesure où la loi du 13 juillet et l'abrogation des permis nous paraissent de nature à satisfaire ses auteurs.
Il est vrai qu'il était nécessaire de remettre de la transparence dans les techniques utilisées. Il était nécessaire aussi d'informer et de rassurer les riverains rendus inquiets par la diffusion d'images pour le moins choquantes des sites américains marqués par des dérives scandaleuses. Mais est-ce que donner en spectacle les aspects les plus choquants d'une technique permet de saisir la réalité des choses ? On peut se le demander.
Il fallait que les parlementaires se saisissent de ce débat et que le Gouvernement fasse la lumière sur ces sujets éminemment complexes.
Non, monsieur Chanteguet, grâce à l'UMP, car le groupe socialiste n'a pas voté la proposition de loi !
C'est chose faite, pour l'essentiel, grâce à la loi du 13 juillet.
Pour nous centristes, il serait inutile d'adopter la présente proposition de loi. Nous ne pouvons insulter l'avenir et rester figés sur nos peurs, qu'elles soient rationnelles ou pas, et sur nos méconnaissances. Un programme de recherche scientifique soumis à l'évaluation et au suivi des pouvoirs publics, en un mot encadré, devrait pouvoir voir le jour afin que nous disposions d'une évaluation approfondie de la richesse de notre sous-sol.
Les récentes découvertes en Guyane démontrent le bien-fondé de cette orientation. Si l'exploitation n'est pas forcément souhaitable pour ce qui des gaz et huiles de schiste, l'exploration nous paraît être un enjeu essentiel de l'avenir. Il ne serait pas responsable et raisonnable de refuser de connaître notre propre sous-sol et de savoir s'il recèle des ressources économiquement exploitables.
Notre position a toujours été claire : nous sommes contre l'exploitation mais nous estimons qu'il est irresponsable, par égard pour les générations futures, de refuser de connaître la réalité de notre sous-sol. Aujourd'hui, nous ne parlons que sur du vent : nous ne savons pas s'il y a réellement des gaz et huiles de schiste dans notre sous-sol et, en tout état de cause, si ceux-ci sont exploitables.
Oui, mais ce qu'on sait, c'est que les énergies fossiles sont émettrices de CO2 !
Il y a deux visions des choses : une vision responsable, soucieuse de l'avenir, qui consiste à essayer de connaître la réalité géologique et une vision quelque peu obscurantiste : on ne veut pas voir, on ne veut pas savoir. Ce n'est pas notre vision des choses. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous devons connaître les ressources énergétiques de notre territoire. Nous vivons dans un monde globalisé : une bonne partie de nos énergies provient de l'étranger. Nous avons peut-être des ressources d'énergie potentielles dans notre sous-sol ; les connaître apparaît essentiel.
Il est aussi de notre devoir de nous atteler à la question de l'accès aux sources d'énergie en ce début de XXIe siècle. Depuis trois ans, la France s'est positionnée clairement en faveur du développement durable avec des objectifs précis que l'on retrouve notamment dans le volet climat-énergie des lois Grenelle I et II. Notre pays est depuis longtemps à l'avant-garde de la lutte contre le réchauffement climatique : il a mis en place un parc hydroélectrique depuis le début du XXe siècle et développé une énergie nucléaire qui rejette peu de CO2 – je ne m'étendrai pas davantage sur ce point. Bien sûr, cela n'est pas suffisant. Conscients de la perspective de l'épuisement des ressources en hydrocarbures, nous avons pris une place active au sein du protocole de Kyoto puis du paquet climat-énergie adopté avec nos partenaires européens.
Les centristes soutiennent cette voie. Notre objectif doit être l'extension du « mix » énergétique.
Il s'agit de donner une nouvelle impulsion au développement des biocarburants de nouvelle génération. La filière française de biocarburants est une source renouvelable et durable de carburant. Notre engagement est entier, car nous sommes convaincus qu'il faut soutenir cette filière dans une stratégie de bouquet énergétique alternatif aux énergies fossiles et de lutte contre le réchauffement climatique.
Il en va de même pour les énergies marines, enjeu essentiel, qu'il s'agisse de l'énergie des vagues, l'énergie thermique des océans, les hydroliennes, l'exploitation à terme des biocarburants marins. Notre domaine maritime recèle des potentialités exceptionnelles, à l'aune des espaces qu'il recouvre – c'est le deuxième au monde, ne l'oublions pas.
Pensons encore aux potentialités de la méthanisation, énergie renouvelable qui peut être utilisée sous différentes formes.
N'oublions pas non plus le potentiel de l'hydro-électricité et intégrons-les à l'énergie dite de base – c'est une idée que nous avons défendue lors de l'examen du projet de loi NOME, l'an passé.
Au-delà, nous estimons que le principe de précaution ne doit pas faire de notre société une société figée et apeurée. Malheureusement, tout cet imbroglio autour du gaz du schiste tient certes à un manque de transparence de la part des industriels et à la légèreté de notre code minier, mais aussi parfois au manque de courage de nombre de responsables politiques, qui sont allés au-devant de peurs suscitées par quelques personnes assez intéressées.
In fine, nous devons nous demander quelle société nous voulons. Pouvons-nous refuser la connaissance, indispensable, de nos ressources alors que personne ne peut dire quelle sera la situation du monde en général et notre pays en particulier dans cinquante ans ? Non, car la meilleure des énergies sera celle que nous ne gaspillerons pas et que nous économiserons.
Le groupe Nouveau Centre est favorable au maintien en l'état de la loi 13 juillet dernier. Gardons la porte ouverte à la recherche scientifique : sans expérimentation, nous continuerons à importer de l'énergie au prix fort. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, après les interventions de la ministre et du président de la commission, tout ou presque a été dit.
Je reviendrai rapidement sur l'historique qui nous a amenés à nous saisir de la question des huiles et gaz de schiste. Lorsque, les uns et les autres, nous avons découvert l'existence de ces permis d'exploration et d'exploitation, nous nous sommes plongés dans le sujet. Le président de la commission a confié une mission à deux de nos collègues sur cette question et, avec sans doute un peu de précipitation, nous avons devancé la conclusion de leurs travaux en adoptant une proposition de loi, le 13 juillet 2011, au terme, malgré tout, d'un travail que nous avons essayé de rendre le plus pragmatique possible par rapport aux problèmes posés. Ces problèmes étaient de trois ordres.
Un problème environnemental d'abord : l'utilisation de l'eau et des additifs chimiques pour la fracturation hydraulique posait un problème de protection de l'environnement.
Un problème juridique ensuite : nous avons constaté que le code minier n'était plus adapté au XXIe siècle et que ses procédures devaient être révisées et remises au goût du jour.
Un problème sociétal enfin : le fait qu'une telle exploitation puisse avoir lieu sans la moindre association ni information des populations locales était pour nous inadmissible, impensable. Les populations concernées n'imaginaient pas non plus que l'on puisse exploiter les huiles et gaz de schiste sur leur territoire sans qu'elles en aient été préalablement informées.
Nous nous sommes donc saisis de cette question et, le 13 juillet 2011, nous avons voté un texte, co-préparé avec Jean-Paul Chanteguet. Ce texte, disons-le sincèrement, ne visait qu'un seul objectif : interrompre un processus mal engagé, en essayant de travailler de façon non pas politicienne, mais pragmatique.
Cette loi a, je crois, atteint son but. Elle a interdit la fracturation hydraulique – nous sommes un des rares pays au monde à l'avoir fait. Or c'est la seule technique utilisable à ce jour pour exploiter les gaz de schiste. C'est ce que vous mentionnez vous-même, monsieur le rapporteur, dans l'exposé des motifs de la proposition de loi que vous défendez aujourd'hui, à propos de la transmission de documents par la Commission d'accès aux documents administratifs : « Ce n'est d'ailleurs pas une surprise sachant qu'aujourd'hui, seule cette technique permet d'explorer et d'exploiter les mines d'hydrocarbures de schiste. »
Cela veut dire une chose très simple et très claire : il n'est pas possible, en France, d'exploiter des huiles et gaz de schiste. C'est d'une simplicité totale et absolue.
Et, parce que nous sommes dans un État de droit, on ne peut pas faire n'importe quoi, même quand on est le Parlement.
Surtout quand on est le Parlement, vous avez raison, monsieur le président.
Nous devons donc respecter certains grands principes du droit. C'est pour cela que nous avons questionné les titulaires de permis : nous avons longuement parlé des permis muets ; il fallait donc leur poser la question. C'est le principe du contradictoire, c'est un grand principe du droit français : on ne décide pas les choses comme ça ! Nous les avons donc interrogés ; ils nous ont répondu.
Sur la base de leurs réponses, la loi s'est appliquée et a montré son efficacité : les permis concernés par la fracturation hydraulique ont été abrogés ; les autres ne concernent pas les huiles et les gaz de schiste : il est donc impensable de les abroger.
Notre texte prévoyait aussi de poursuivre l'amélioration de la connaissance. Notre collègue Folliot l'a dit juste avant moi : la connaissance de notre sous-sol est un enjeu majeur. Je vous donne rendez-vous lorsque Christophe Bouillon et moi-même rendrons à la commission du développement durable notre rapport portant sur les matières premières minérales stratégiques ; nous démontrerons l'impérieuse nécessité d'améliorer, en France comme en Europe, la connaissance de notre sous-sol. Car au-delà des questions énergétiques, la question des métaux et des minéraux est éminemment stratégique pour notre continent.
Enfin, notre loi confiait au Parlement le soin de suivre cette question. C'est donc nous, parlementaires, qui allons suivre cette question, alors que ce n'était pas le cas auparavant.
Mais votre proposition de loi ne le prévoit pas : c'est donc un recul !
La loi du 13 juillet 2011 est donc un texte efficace et suffisant : suffisant, puisque l'interdiction de la fracturation hydraulique permet d'empêcher toute exploitation des huiles et gaz de schiste ; efficace, puisqu'il a permis l'abrogation des permis concernés.
Dans ces conditions, la proposition de loi que vous nous proposez aujourd'hui est donc inutile ; qui plus est, elle présente de nombreux risques juridiques.
Le risque d'abord d'une définition des hydrocarbures non conventionnels mal sécurisée, approximative, qui donnera inévitablement lieu à des controverses et à des recours : ce serait donc, de ce point de vue, un recul.
Une tentative d'intégrer la question du offshore, éminemment beaucoup plus large que la simple exploitation des hydrocarbures schisteux : un tel sujet appelle à être traité dans son entier, et non en catimini, par un cavalier législatif.
Votre texte engage enfin une réforme partielle du code minier – vraiment très partielle. Nous savons toujours, aujourd'hui, que pour faire les choses sérieusement il faudra, en plus de la nécessaire réforme réglementaire du code minier, une réforme législative.
C'est un travail considérable, un travail technique qui prendra énormément de temps. On ne peut pas faire les choses comme ça, en catimini, en manipulant un ou deux articles. Nous devrons engager une vraie réforme d'ensemble.
En conclusion, la loi du 13 juillet 2011 a répondu aux attentes de nos concitoyens. Elle était destinée à interdire l'exploitation des huiles et gaz de schiste ; elle a atteint son objectif. Elle était destinée à créer les conditions de l'amélioration de la connaissance ; c'est, je le redis, un enjeu majeur et stratégique pour notre pays dans de nombreux domaines. Enfin, elle était destinée à dessiner un cadre juridique assez solide pour éviter les recours et, du coup, de nous placer en situation difficile.
Le texte que vous défendez aujourd'hui est d'une insécurité juridique totale ; il est malheureusement en recul par rapport à cette loi. En conséquence, le groupe UMP ne le soutiendra pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mon cher collègue Havard, je viens d'entendre un cours magistral sur l'impuissance de la puissance publique !
Je vais pour ma part élargir le territoire, en vous proposant de traverser l'Atlantique.
Je veux d'abord remercier tous mes collègues du groupe SRC, auxquels j'associe les députés des Verts et du Parti de gauche, et tout particulièrement le rapporteur Jean-Paul Chanteguet et Philippe Martin, à l'origine de ce texte, qui ont facilité la prise en compte, aux côtés du gaz de schiste, de la question du pétrole offshore, c'est-à-dire des forages en eau profonde en Guyane. Il s'agit en effet, dans les deux cas, d'hydrocarbures non conventionnels.
Ils l'ont fait pour refuser que des standards différents d'appréciation des risques et de protection des citoyens s'appliquent dans l'hexagone et dans les outre-mer.
L'acte n'est pas banal : depuis neuf ans que le permis de recherche au large de la Guyane a été attribué, toutes les tentatives pour ouvrir le débat et obtenir des informations ont échoué sur une fin de non-recevoir. Ce mois de mai encore, j'ai adressé un courrier au président de la commission du développement durable pour lui demander de bien vouloir élargir le périmètre de la mission confiée aux députés François-Michel Gonnot et Philippe Martin, afin d'y inclure les forages offshore. La réponse a été négative.
À vous, madame la ministre, j'ai posé au mois de juin une question écrite portant sur la demande qui vous a été adressée par Tullow Oil – à la suite d'un incident technique, Tullow Oil demandait une dérogation pour permettre l'utilisation des boues à huile. J'attends toujours une réponse de votre part ; j'ai d'ailleurs déjà obtenu une réponse des exploitants.
Il est donc extrêmement difficile d'obtenir des informations ; j'en suis d'autant plus reconnaissante à mes collègues qui ont inclus la question du pétrole offshore dans le texte d'aujourd'hui.
Au sein de la commission de développement durable, certains députés ont prétendu qu'il y aurait une contradiction entre l'interdiction que formule l'article 1er de la proposition de loi et des amendements qui viennent par la suite, et notamment un amendement portant sur la fiscalité. Dans ce cas, je vous invite tout simplement à voter l'article 1er ! Ainsi, tout le reste tombe, n'a plus lieu d'être. Si, au contraire, vous ne votez par l'article 1er, alors les amendements ont toute leur raison d'être. Il n'y a donc absolument aucune contradiction.
Je me situe donc dans l'hypothèse, madame la ministre, où vous autoriseriez l'exploitation du pétrole offshore en Guyane. C'est une hypothèse tout à fait vraisemblable, dans la mesure où le communiqué que vous avez cosigné avec vos collègues de l'industrie et de l'outre-mer m'a donné le sentiment d'avoir été écrit par les services de communication de Shell et de Total… Un tel enthousiasme pour la découverte qui venait d'être faite, une explication de la nécessité de nouveaux forages – ce qui relève pourtant davantage peut-être de la campagne d'information de l'opérateur économique que de la puissance publique –, la mise en avant des retombées extraordinaires dont la Guyane pourrait profiter : tout cela laisse à penser, en toute logique, que vous accorderez le permis d'exploitation.
Je voudrais donc aborder, très rapidement, six sujets prioritaires.
Il y a d'abord la formation des jeunes Guyanais, qui devront pouvoir accéder à tous les niveaux de métier : cela suppose une anticipation, à laquelle l'exploitant pourrait participer ; cette question ne se pose pas au niveau du seul conseil régional, car il faudra des partenariats avec l'université, mais aussi des ouvertures de filières dans les lycées professionnels, voire des BTS.
Passons rapidement sur les infrastructures, non que le sujet soit insignifiant, mais parce que vous comprendrez facilement la nécessité de vous pencher sur les conditions de construction et d'aménagement d'infrastructures, ainsi que sur leur sécurisation.
Votre Gouvernement se flatte de favoriser le développement endogène dans les outre-mer ; or celui-ci ne peut pas venir de multinationales spécialisées dans un domaine aussi potentiellement à risque que le pétrole. Vous regarderez donc de près, je suppose, comment seront associés à ce projet les artisans, des très petites entreprises, des petites et moyennes entreprises et des prestataires de service sur place.
Je voudrais insister sur la question de la fiscalité, qui pose de sérieux problèmes à la majorité. Il faut créer une taxe régionale ; vous ferez ce que vous voulez avec l'impôt sur les sociétés, en continuant éventuellement à appauvrir l'État par des exonérations, mais il est nécessaire de créer une taxe régionale. Vous ne pourrez pas continuer à faire ce qu'ont fait tous les gouvernements depuis neuf ans, c'est-à-dire refuser tous les amendements que je propose pour la création de cette taxe, dans la mesure où l'Union française des industries pétrolières a elle-même reconnu publiquement qu'elle était tout à fait fondée, et son existence tout à fait juste.
Au demeurant, je vous alerte sur l'existence d'un précédent, sur l'or : une taxe minière forfaitaire, tout à fait dérisoire, a été créée, à la suite d'interpellations récurrentes du Gouvernement en 1994 et 1995. Pour vous donner une indication, sur un chiffre d'affaires de 32 millions d'euros l'an dernier, elle aura rapporté localement 86 000 euros !
Enfin, il y a la question de l'extension de la surface du permis. Celui-ci couvre plus de 35 000 kilomètres carrés en Guyane, sur une surface totale de 200 000 kilomètres carrés depuis l'extension du plateau continental ; Shell et Total disposent au Nigeria d'une surface de 31 000 kilomètres carrés, alors que celui-ci s'étend sur 923 000 kilomètres carrés. Ces deux compagnies ont d'ailleurs été épinglées au mois d'août dernier par un rapport du programme des Nations unies pour l'environnement : ils sont accusés d'être responsables de marées noires qui n'auraient pas été correctement traitées, et qui ont considérablement pollué le delta du Niger. Mme la présidente. Merci de conclure, madame Taubira !
Le seul plan pour l'environnement, le plan Polmar, a fait l'objet d'une simulation en 2010 basée sur l'hypothèse d'un dégazage sur une surface de cent mètres sur cinquante… Cela n'a rien à voir avec une pollution qui pourrait survenir éventuellement à 6 000 mètres de profondeur.
Sur toutes ces questions, madame la ministre, nous avons besoin de réponses, y compris sur celle de l'acceptabilité sociale du projet. Si vous n'êtes pas en mesure de nous les donner aujourd'hui, je vous relancerai en vous posant une question écrite. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Mes chers collègues, nous voici à nouveau réunis pour examiner un texte relatif à l'exploration et à l'exploitation des gaz et huiles de schiste.
Je constate que nos propositions de loi en la matière suscitent toujours l'intérêt de la majorité et ce, jusqu'aux plus hautes sphères du pouvoir !
En effet, la dernière fois que nous avions déposé un texte demandant l'abrogation des permis délivrés et l'abandon de toute exploration et exploitation d'hydrocarbures schisteux, la majorité avait soudainement sorti son propre texte, véritable copier-coller du nôtre. On sait ce qu'il advint.
Après des manoeuvres dilatoires, ce texte est devenu la loi du 13 juillet 2011 n'interdisant la pratique de la fracturation hydraulique que sur la bonne foi des sociétés pétrolières. Un texte volontairement lacunaire, qui laisse beaucoup de champ libre à ces industriels de l'énergie, et la porte ouverte aux tentatives de transgression.
En juillet, nous avons déposé la proposition que nous examinons aujourd'hui et, comme par miracle, on apprend lundi dernier que les trois permis délivrés vont être abrogés… Cela n'a rien à voir avec l'examen de votre proposition de loi, c'est au contraire le résultat de la loi du 13 juillet dernier, nous avez-vous dit tout à l'heure. Et vous avez ajouté : cette loi prévoyait que l'on statue sur ces permis avant le 13 octobre. Soit, mais regardons de près les motifs d'abrogation de ces trois permis.
Si les permis détenus par la société Schuepbach ont bel et bien été abrogés parce que le rapport de la société mentionnait, noir sur blanc, le recours à la fracturation hydraulique, il n'en est pas de même pour l'abrogation du permis détenu par Total.
Madame la ministre, vous avez abrogé le permis accordé à Total, non parce qu'il était fait mention du recours à la fracturation hydraulique, mais parce que, avez-vous dit, « pour le permis de Total, j'ai fait valoir l'argument que ce rapport n'était pas crédible ».
Si l'on peut saluer votre bon sens ainsi que votre sens politique, on peut noter toutefois que cette appréciation n'est en rien étayée d'un point de vue juridique et d'un point de vue légal. Et c'est parce que notre législation est actuellement insuffisante que nous vous proposons ce texte.
Avec notre proposition de loi, vous ne serez plus obligée d'abroger un permis parce que le rapport de la société qui détient son permis vous semblera douteux, mais tout simplement parce qu'il sera contraire à la loi. Ce ne sera plus du cas par cas.
Il n'y aura plus effets d'annonce pour préparer le terrain à une visite de M. Sarkozy dans le Gard. À Alès, il a déclaré qu'il vous avait demandé de veiller à ce que les permis accordés soient strictement limités aux activités. Et il avait ajouté : « c'est clair et définitif ». En réalité, ce n'est ni clair, ni définitif, puisque cela repose uniquement sur la confiance d'interprétation que vous accorde le Président de la République.
Cela relève d'un effet d'annonce purement opportuniste, mais cela ne répond en rien aux enjeux immenses soulevés par l'exploitation du sous-sol de notre pays. Et cela n'est étayé par aucun texte législatif sérieux et exhaustif.
Ce que nous voulons, justement, c'est un texte unique, sérieux et complet qui statue sur la question de la délivrance de ces permis, un texte qui organise l'activité minière et qui, pour ce faire, réforme le code minier ; un texte qui prépare notre pays à la transition énergétique et qui mette un terme aux atermoiements que nous connaissons à la tête de l'État depuis deux ans.
N'oublions pas, car nous avons un devoir de vérité auprès des 180 collectifs citoyens qui se sont formés à travers le pays durant toute cette période – et je pense particulièrement, en cet instant, à la formidable mobilisation aveyronnaise contre le permis de Nantes – que si trois permis ont été abrogés, nous ignorons quel sort compte réserver le Gouvernement aux soixante et un permis déposés et quel sort attend les permis en attente de délivrance comme celui de Cahors. Pourquoi ne pas, d'ores et déjà, statuer sur leur compte ? Pourquoi enfin ne pas, d'ores et déjà, rénover un code minier caduc qui empêche la concertation avec les élus et les populations des territoires concernés ?
Voilà pourquoi, nous devons, dès à présent, tous ensemble, dans la logique du Grenelle voté ici par tous, lutter pour la préservation de notre patrimoine naturel, en inscrivant dans la loi notre opposition farouche à toute exploration et exploitation d'hydrocarbures non conventionnels. C'est là tout le contenu d'un texte qu'il est urgent et nécessaire de voter. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collèges, la présente proposition de loi a le mérite de la clarté, cette clarté que n'a pas eu le Gouvernement, lorsqu'au mois de mai dernier, il faisait voter une proposition de loi se réduisant à interdire la technique de la fracturation hydraulique.
La majorité avait alors essayé de nous convaincre de la nécessité de remplacer le terme d'abrogation des permis exclusifs accordés par une sorte de digression difficilement justifiable faisant référence à un rapport des opérateurs sous deux mois.
En vain, malgré les efforts conjugués de M. le rapporteur Havard et de Mme la ministre, nous étions convaincus, à l'issue des débats, qu'il s'agissait en réalité d'une parfaite reculade pour laisser le champ libre aux opérateurs concernés.
C'est ce qu'ils ont fait en continuant d'affirmer leurs droits durant toute la période, comme Total sur le permis d'exploration de Montélimar, en affirmant qu'il n'aurait pas recours à la fracturation hydraulique, ou comme le groupe Repsol qui demande à l'occasion d'autres permis de recherche sur la Côte Basque.
Madame la ministre, vous avez revêtu la toge du démineur (Sourires) avant l'entrée en scène du Président de la République dans le Sud de la France ; mais la seule abrogation des trois permis exclusifs d'exploration et d'exploitation concernant spécifiquement les gaz de schiste sur ces territoires tient davantage d'une scène de commedia dell'arte que de l'acte final de cette tragédie ratée.
Enfermée dans « une ample comédie à cent actes divers », comme disait La Fontaine, vous ne souhaitez pas aller plus loin sur la question essentielle : est-il raisonnable de vouloir exploiter des ressources d'hydrocarbures non conventionnels, dans notre pays, comme ailleurs dans le monde ?
Je considère pourtant qu'il appartient dès aujourd'hui à la représentation nationale de s'exprimer sur ce sujet.
À quelques semaines maintenant de l'ouverture de la conférence de Durban sur le changement climatique, nous savons en effet que la trajectoire des émissions actuelles de gaz à effet de serre vient valider une hypothèse de hausse des températures proche de 4° Celsius d'ici à la fin du siècle, alors même qu'au-dessus de 2° Celsius nous risquons l'emballement climatique avec des conséquences incontrôlables et dramatiques pour les sociétés humaines.
Les experts du GIEC nous le disent et le redisent : pour satisfaire les engagements de réduction d'émissions de C02 prônées par le GIEC, cela suppose, notamment pour les pays développés comme le nôtre, de faire des efforts considérables pour assurer la transition vers une énergie décarbonée.
Or quel est l'objectif des opérateurs qui déposent les permis de recherche et d'exploration sur les gaz de schiste ? Exploiter et distribuer des ressources fossiles, non renouvelables et émettrices de CO2 avec, si l'on en juge par les premières études publiées, un bilan carbone équivalent à celui de l'exploitation du charbon.
Aussi ne pouvons-nous pas prendre le problème de l'exploitation des gaz de schiste par le seul bout de la lorgnette environnementale ou économique. Cette exploitation pose la question des engagements que notre pays souhaite tenir au niveau international, sur le chantier prioritaire de la maîtrise du changement climatique.
Au-delà, je crois que notre pays devrait également porter une position forte au niveau européen d'abord, et international ensuite, sur la fuite en avant que constitue le développement des projets d'exploitation. Les projets d'exploration, voire d'exploitation, se multiplient à l'échelle européenne.
Je pense aux pays de l'Est, et à la Pologne en particulier. S'ils arrivent à leur terme, ils porteront inévitablement atteinte à la crédibilité de la parole de l'Union Européenne dans les négociations climatiques.
Nous ne pouvons pas faire comme si nous ne savions pas que le développement de l'exploitation de nouvelles ressources fossiles comme les gaz de schiste consacre un véritable renoncement à répondre à l'intérêt général climatique.
À un an du prochain Sommet de la terre de Rio, je citerai deux phrases, bien connues, du rapport Brundtland de 1987 : « Le genre humain a parfaitement les moyens d'assumer un développement soutenable, de répondre aux besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les générations à venir de satisfaire les leurs… Le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. »
C'est bien de cela qu'il est question avec les gaz de schiste : ne pas compromettre la capacité des générations futures de répondre à leurs besoins en s'inscrivant, par volonté ou par omission, dans cette fuite en avant qu'est l'exploitation des ressources fossiles ; ne pas compromettre la capacité des générations futures de répondre à leurs besoins en poursuivant, par volonté ou par omission, une trajectoire climatique insoutenable pour l'humanité.
Bien au-delà des impacts environnementaux de l'exploitation des gaz de schiste, la seule application d'un principe de responsabilité à l'égard de l'intérêt général climatique et des générations futures devrait conduire l'ensemble des députés de notre hémicycle à adopter ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Madame la présidente, permettez-moi de vous saluer, car c'est un moment important puisque vous présidez pour la première fois.
Madame la ministre, je me permettrais pas de vous le dire si vous n'aviez utilisé ce terme dans votre discours introductif , mais vous aussi, vous êtes gonflée ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)
Effectivement, je l'ai dit !
Vous êtes gonflée, et je pèse mes mots, de nous accuser d'encombrer l'ordre du jour parlementaire avec nos propositions de loi. Nous sommes dans le cadre de notre niche parlementaire et nous avons fait le choix de vous proposer une proposition de loi visant à interdire l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels, à abroger les permis exclusifs de recherche de mines d'hydrocarbures non conventionnels et à assurer plus de transparence dans le code minier.
Pourquoi avons-nous décidé de présenter cette proposition de loi alors qu'en juillet dernier a été voté un texte sur le même sujet ? Tout simplement parce que la loi de notre collègue Jacob est inefficace et inapplicable. Elle fait fi de la mobilisation citoyenne pour s'adapter aux convenances des industriels.
Censée lever l'opacité qui régnait sur ce dossier, la proposition de loi UMP n'a fait qu'en rajouter une couche supplémentaire. Vidée de son objectif initial, elle ne répond pas aux attentes de nos concitoyens, que ce soit en termes d'exigence de transparence, de santé publique ou de protection de l'environnement.
L'annonce, cette semaine, de l'abrogation de trois permis exclusifs de recherche accordés au printemps 2010 par l'administration est, certes, une nouvelle dont nous nous félicitons, même si les hasards du calendrier nous laissent quelque peu perplexes sur le sens de votre démarche. Cette décision a-t-elle été prise dans l'unique but d'apporter des arguments justifiant un vote contre notre proposition de loi ?
Je remarque, au passage, que ces abrogations de permis ne concernent ni les projets en Île-de-France, notamment avec la société américaine Toreador, ni les permis de Foix et de Cahors.
L'opacité qui règne depuis le début autour de la question du gaz de schiste doit être levée. Ce que la proposition de loi Jacob n'a pas permis de faire, nous entendons le réaliser avec le présent texte. Notre position est la même que celle exprimée en mars dernier, lorsque nous avions été les premiers à déposer une proposition de loi sur la question. Dans ce domaine, la demi-mesure n'a pas sa place.
C'est pourquoi l'article 1er ne limite pas l'interdiction à la seule technique de fracturation hydraulique puisque, quelle que soit la technique utilisée, toute exploitation des énergies fossiles affecte l'environnement. Je pense notamment à certaines techniques de fracturation pneumatique expérimentées aux États-Unis ou encore à la technique de fracturation par arc électrique. Je regrette, à ce propos, l'absence du président de la commission, qui prétendait tout à l'heure qu'il n'existait pas d'autre technique que celle de la fracturation hydraulique.
Pour combler les lacunes et l'obsolescence du code minier en vigueur, nous apportons une définition des hydrocarbures non conventionnels. Nous voulons interdire leur exploration et leur exploitation, et nous exigeons l'abrogation des permis de recherche des mines d'hydrocarbures délivrés dans le plus grand secret.
Sur de tels sujets, il est indispensable d'informer nos concitoyens en toute transparence et de favoriser leur participation à la prise de décision. Le combat contre l'exploration et l'exploitation du gaz de schiste a illustré la formidable capacité de mobilisation de la population autour d'enjeux majeurs pour l'avenir de notre planète.
En votant notre proposition de loi, le Parlement enverrait un signe fort aux populations en interdisant, de manière très explicite et sans confusion possible, l'exploitation et l'exploration des hydrocarbures non conventionnels.
Cela éviterait les annonces de certains industriels qui souhaitent exploiter des milliards de mètres cubes de gaz de schiste qu'ils soutiennent avoir identifié dans le sous-sol lorrain, et qui envisagent de faire pression sur le Gouvernement pour réussir à le faire revenir sur la non-utilisation de la fracturation hydraulique dans l'exploitation des gaz de schiste.
L'avenir énergétique de la France, de l'Europe et du monde passera non pas par l'exploitation des huiles et gaz de schiste, mais par la mise en place d'un nouvel horizon énergétique qui s'articule autour du triptyque : sobriété, efficacité et efficience.
Nous devrons investir massivement dans la recherche sur les énergies renouvelables afin d'en renforcer progressivement le poids dans notre bouquet énergétique. Préparer la France à la transition énergétique est désormais une nécessité absolue. Cela implique un cadre de régulation renforcé et le doublement de l'investissement dans la maîtrise de la demande et dans les énergies renouvelables.
Ce texte est un premier pas que nous vous invitons à franchir. Il doit nous permettre d'agir sur le plan national mais aussi de porter le débat au niveau européen afin d'obtenir information et transparence sur des sujets qui conditionnent l'avenir énergétique de l'Europe. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, mardi matin, dans son discours à Alès, Nicolas Sarkozy s'est voulu rassurant, du moins pour ce qui concerne les recherches d'huiles et de gaz de schiste dans les Cévennes. Le chef de l'État s'est, en effet, engagé à ne jamais délivrer de permis d'exploration et d'exploitation de gaz de schiste par la technique de fracturation hydraulique qui pourrait massacrer le paysage spirituel du parc des Cévennes, récemment classé au patrimoine de l'Unesco.
Cette petite victoire, madame la ministre, nous la devons à la mobilisation citoyenne. Je dis « petite victoire » parce que nous restons, malgré tout, extrêmement vigilants : il reste, en effet, soixante et un autres permis toujours en vigueur. Nous restons également attentifs, dans le Gard, dans le secteur de Saint-Victor-de-Malcap où l'on a déjà procédé à des forages verticaux, mais aussi dans la plaine d'Alès, le bassin d'Alès ou encore de Navacelles – lieu cher à notre collègue Mesquida.
Vous avez déclaré, madame la ministre, que toutes les compagnies ont pris « l'engagement formel de ne pas recourir à la fracturation hydraulique ». Cela me semble insuffisant. Il y a quelques jours, vous avez encore indiqué sur France Inter vouloir lire entre les lignes de certains rapports d'exploitants, notamment celui de Total qui soulignait vouloir poursuivre l'exploration de gaz de schistes par le biais d'autres techniques.
Nous aussi, nous savons lire entre les lignes et nous sommes déterminés à débusquer certains jeux d'écriture permettant d'ouvrir la voie à l'utilisation d'autres techniques qui affectent tout autant l'environnement. Je pense notamment, comme l'a indiqué notre collègue Philippe Martin, à la technique de fracturation pneumatique, qui consiste à injecter non pas de l'eau mais de l'air comprimé dans la roche-mère afin de la désintégrer, ou à utiliser la fracturation en injectant du propane gélifié – deux techniques actuellement expérimentées aux États-Unis. Or nous savons d'ores et déjà que ces techniques posent des problèmes de gestion des déchets, de pollution des nappes phréatiques, de l'air, de destruction de paysages et de perte de biodiversité.
Compte tenu des structures karstiques extrêmement fragiles qui alimentent certaines nappes au sud du département du Gard, mais aussi du faible débit de certains cours d'eau méditerranéens, incapables de diluer les apports polluants, sans oublier les efforts considérables mis en oeuvre depuis plus de vingt ans pour préserver cette précieuse ressource en eau, il me paraît totalement absurde de dégrader des masses d'eau dont on sait qu'elles se raréfient.
Or vous savez pertinemment que les entreprises qui travaillent depuis un an et qui financent des recherches coûteuses ne vont pas laisser tomber une manne si prometteuse. Pour le permis de Montélimar, que vous venez d'abroger et qui couvre ma circonscription dans le Gard, l'engagement financier de Total est de 37,8 millions d'euros. Dans son rapport remis le 12 septembre aux ministères concernés, Total s'est engagé à n'utiliser aucune technique interdite. Si, moi aussi, je lis entre les lignes, je comprends que Total va redéposer prochainement des demandes de permis d'exploration et d'exploitation d'huiles et gaz de schiste via la technique pneumatique et qu'à n'en pas douter, vous lui accorderez ces permis puisque vous n'aurez pas interdit cette technique.
Voilà pourquoi nous réaffirmons notre opposition à l'exploration et à l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels.
Pour faire taire toute contestation et toute ambiguïté, nous engageons nos collègues de la majorité à soutenir le présent texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous avions prévenu, au cours de l'examen du texte proposé par M. Jacob, que les entreprises titulaires des permis tenteraient de contourner la loi, car elle était insuffisamment précise. Nous en faisons aujourd'hui l'expérience avec le cas du permis de l'entreprise Total à Montélimar.
La loi du 13 juillet 2011 interdit de recourir à la méthode de la fracturation hydraulique pour l'exploitation des gisements de gaz de schiste, compte tenu de ce que cette technique implique en termes de dégâts et de pollutions provoquées notamment dans les nappes phréatiques. Nous n'avons cessé de le préciser au cours de nos travaux préalables, que ce soit lors du débat que les députés du groupe GDR avaient arraché en mars dernier, ou bien quand les chantiers de gaz et huiles de schiste apparaissaient ici et là sur le territoire, ou encore au moment de la discussion de la proposition de loi de Christian Jacob au mois de mai.
Madame la ministre, vous vous ralliez à l'interdiction de trois permis – Montélimar, Nant et Villeneuve-de-Berg –, et nous ne pouvons que nous en féliciter. Toutefois, ce recul du Gouvernement est surtout le résultat d'une très forte mobilisation contre les projets d'exploration initialement autorisés en catimini par le ministre Jean-Louis Borloo, après une modification sur mesure du code minier, par ordonnance, favorable aux grands groupes, cela en attendant une véritable réforme dudit code. J'ajoute que cette modification a été introduite alors même que l'encre des lois du Grenelle de l'environnement n'était pas encore sèche. En ce sens, il faut féliciter tous ceux qui se sont engagés dans ce combat, tous les collectifs citoyens, d'habitants et d'associations, tous les élus qui se sont levés alors que le Gouvernement prétendait qu'on ne pouvait rien faire puisque les autorisations avaient déjà été délivrées.
L'annonce de cet abandon des trois permis de recherche mentionnés n'est sans doute pas étrangère à la visite du Président de la République dans les Cévennes où il aurait sans doute été interpellé sur le sujet, notamment par les élus ainsi que par les habitants.
Il ne faudrait, toutefois, pas oublier les autres permis en vigueur sur le territoire national et incluant l'exploration de gaz ou huiles de schiste. Je ne reviens pas sur la question des permis offshore, notre collègue Christiane Taubira l'a déjà évoquée. Faut-il attendre que le Président visite les territoires concernés pour que les permis restants soient, eux aussi, abrogés ?
Que deviennent les quatre permis relatifs à l'huile de schiste, qui, en Île-de-France, concernent particulièrement le département de la Seine-et-Marne ? Comment comprendre que la préfecture de ce département a récemment indiqué aux entreprises titulaires des permis de recherche qu'elle ne s'opposerait pas à leur demande d'installer quatorze points de surveillance de la nappe d'eau de Champigny ? N'est-ce pas là une forme de reconnaissance de la poursuite de la mise en oeuvre de la fracturation hydraulique, cela alors que ces nappes d'eaux sont vitales et que toute pollution serait dramatique ?
Certes, les enjeux financiers sont importants et l'entreprise Total, envers et contre tout, en niant l'évidence, continue d'affirmer qu'il est possible d'extraire sans recourir à la fracturation. Il est vrai que le texte adopté en juin dernier est suffisamment flou pour permettre des interprétations très diverses. Si la loi interdit la méthode de fracturation hydraulique en vue de l'exploration des hydrocarbures non conventionnels, à aucun moment elle n'en donne une définition, ce qui laisse la porte ouverte aux compagnies pétrolières pour proposer des solutions alternatives qui n'en sont pas vraiment.
C'est ce que Total a, semble-t-il, tenté de faire. En effet, la technique de fracturation par le propane et l'air comprimé ou encore la technique de l'arc électrique ont les mêmes conséquences sur l'environnement et singulièrement sur les nappes phréatiques, l'air ou la mer en cas d'exploration offshore ; sans compter que le bilan carbone de l'exploitation des gaz et huiles de schiste est catastrophique.
Ainsi que le relève le rapport, une étude de l'université de Cornell aux États-Unis montre que l'on se situe sur des niveaux comparables au bilan carbone du charbon si l'on considère la totalité de la filière, de l'exploitation à la combustion finale. L'urgence planétaire consiste à diminuer les rejets de carbone dans l'atmosphère et non à les augmenter. Or la mise en exploitation des hydrocarbures non conventionnels ne fait qu'aggraver la situation.
Même le bilan économique pose visiblement problème. Le coût de l'extraction est beaucoup plus élevé que celui des hydrocarbures conventionnels et un forage s'épuise très rapidement, ce qui demande leur multiplication, se révèle coûteux et, là aussi, dommageable à l'environnement.
Nous sommes donc très loin des engagements du Grenelle de l'environnement. Aussi, au lieu d'essayer désespérément de repousser les échéances de la transition énergétique, il vaudrait mieux s'y attaquer dès à présent. C'est pourquoi, madame la ministre, au nom du parti de gauche, je réitère ma proposition de mettre en place une véritable planification écologique, notamment sur les enjeux énergétiques, afin d'affronter l'avenir dans les meilleures conditions.
Plutôt que de tergiverser et faire semblant d'interdire par la loi sans interdire pour, in fine, interdire au cas par cas, permis par permis, il vaudrait mieux voter le présent texte proposé par les socialistes, les écologistes et le parti de gauche. Il a le mérite de la clarté et permettrait d'éviter de recommencer ces « entre-deux » qui conduisent des entreprises comme Total à songer à intenter des recours. Il convient d'arrêter dès à présent et d'affirmer clairement que nous n'avons pas besoin de ces exploitations : il nous faut passer à une autre civilisation, celle de la sortie des économies carbonées. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Madame la présidente, madame la ministre, je m'exprime en lieu et place de notre collègue Pascal Terrasse, retenu au ministère du travail, de la solidarité et de l'emploi, pour tenter de résoudre des problèmes sociaux qui concernent son département.
Vous nous avez déclaré, madame la ministre, que la discussion de notre proposition de loi était inutile. Le président de la commission a même soutenu que le texte était « surnuméraire », autrement dit qu'il ne servait à rien. Nous pensons, au contraire, qu'il est utile non pas d'ouvrir à nouveau, mais de poursuivre le débat sur les gaz de schistes.
D'abord, nous avons manifestement manqué de transparence dans ce dossier. Nous voulons en apporter davantage, notamment en définissant les hydrocarbures non conventionnels. Mais j'y reviendrai.
Nous souhaitons aussi plus de transparence dans la position du Gouvernement. Avouez que les choses sont difficilement compréhensibles pour nos concitoyens. Rappelons-nous que ce dossier a mal débuté et que le Gouvernement a accordé en catimini des permis d'exploration. Il a fallu la vigilance citoyenne et les efforts des élus – en grande partie de l'opposition, mais aussi de la majorité – pour obtenir des informations. Dans la République irréprochable que l'on nous avait promise, nos concitoyens ont eu le sentiment que l'on voulait cacher des informations.
Enfin, c'est tout le mérite de ce texte, nous voudrions clarifier la position du Gouvernement. En fin de compte, notre point de désaccord majeur porte sur le fait que le Gouvernement a soutenu l'interdiction d'une technique, alors que, pour notre part, nous soutenons l'interdiction de l'exploration des gaz non conventionnels. C'est sur ce point précis, madame la ministre, que le Gouvernement doit clarifier sa position.
Tout le monde se rappelle que, dans cette affaire, le Gouvernement était sans cesse à la remorque des collectifs citoyens et des protestations des élus. Le groupe UMP, par la voix de M. Jacob, a déposé une proposition de loi qui a été examinée, comme par hasard, quelques jours avant l'examen de la proposition de loi prévue par le groupe SRC.
Lors de la discussion de la loi du 13 juillet 2011, nous n'avons pas réussi à vous faire accepter l'idée que c'étaient bien les gaz non conventionnels qu'il fallait condamner ; vous vous êtes contentée de vous en tenir à une technique. Nous vous avions avertie que cela poserait des difficultés. En effet, contrairement à ce qu'a dit M. le président de la commission il y a quelques instants, nombre d'autres techniques existent et sont expérimentées. On a parlé de la fracturation à base de propane, de la fracturation pneumatique, ainsi que de la fracturation par arc électrique.
Il est clair que l'abrogation des trois permis de Nant, de Villeneuve-de-Berg et de Montélimar n'apporte pas la clarification nécessaire. Tout laisse à penser que votre ministère, madame la ministre, comme celui du ministre de l'industrie, a été dessaisi de ce dossier et qu'il a été traité directement par l'Élysée parce qu'il fallait à tout prix une décision avant le déplacement du Chef de l'État à Alès, dans les Cévennes, et avant la discussion de ce texte aujourd'hui, dans l'hémicycle.
L'abrogation de ces trois permis ne refermera pas définitivement ce dossier. Que va-t-il advenir de la vingtaine d'autres permis qui concernent l'exploration et l'exploitation des gaz de schiste ? Je vous pose à nouveau la question, madame la ministre : que va-t-il advenir des permis en instruction dans le sud de la France et dans le bassin parisien ? Je vous avais interrogée à ce propos, au printemps dernier, sur la demande de permis de Cahors, qui est en instruction depuis le 18 décembre 2009, date à laquelle elle a été déposée par la société Legs Oils and Gas. Cette demande de permis concerne 5 801 kilomètres carrés, une zone immense répartie sur quatre départements : le Lot, la Dordogne, l'Aveyron et le Tarn-et-Garonne.
Vous le savez, madame la ministre, car vous êtes venue dans notre région au printemps dernier avant les cantonales, les habitants sont extrêmement inquiets. Aussi, je vous interroge à nouveau : que va-t-il advenir de la demande de Cahors ?
Comme en Ardèche, dans l'Aveyron ou en Île-de-France, nos concitoyens du Quercy et du Périgord ont bien compris les dangers de l'exploration des gaz de schiste. Ils ne veulent pas voir leurs paysages saccagés et leurs nappes phréatiques souillées ; ils ne veulent pas non plus que l'exploitation des énergies fossiles continue de participer au réchauffement climatique. Ils attendent une réorientation claire de la politique énergétique dans notre pays. Pour eux, c'est clair : ils ne veulent pas de l'exploitation des gaz de schiste et, comme le disent mes amis ardéchois, ils ne la veulent ni ici ni ailleurs, ni aujourd'hui ni demain ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la ministre, cet ordre du jour a été fixé par le groupe SRC dans le cadre des niches parlementaires. Selon vous, le temps que nous consacrons ce matin, dans cet hémicycle, à débattre est utilisé à mauvais escient. Bien entendu, les membres du groupe socialiste, mais aussi les députés Verts et du Parti de Gauche, pensent le contraire. Le sujet qui nous préoccupe aujourd'hui est particulièrement important et je voudrais préciser à nouveau certains points.
La proposition de loi que nous vous présentons a un intérêt certain. Elle peut, certes, susciter des critiques, et c'est pour y répondre que nous avons déposé des amendements. Cela dit, nous avons fait l'effort d'essayer de définir les hydrocarbures non conventionnels. Aujourd'hui, dans le code minier, ils ne sont pas définis.
J'ai entendu vos remarques concernant le problème de la perméabilité faible, l'exploitation en eaux profondes ou encore le GPS. Des amendements pour répondre à ces interrogations seront examinés dans quelques instants.
Pour ce qui est du code minier, nous sommes aujourd'hui dans une impasse. Vous dites, madame la ministre, que vous allez, demain, engager une véritable réforme, qu'elle sera lourde et qu'elle nécessitera du temps. Mais vous maîtrisez en grande partie l'ordre du jour et, comme je l'ai indiqué dans le cadre de mon intervention liminaire, il y a peut-être des textes moins prioritaires que celui-ci. Aujourd'hui, que se passe-t-il ? Des demandes de permis exclusifs de recherche sont toujours déposées et il y en a toujours en cours d'examen. Nous sommes là dans une véritable impasse.
Nous n'avons pas voté la loi du 13 juillet 2011, car nous n'avons pas le même avis que vous, madame la ministre. Aujourd'hui, nous considérons que cette loi est inapplicable, pour deux raisons essentielles. La première, c'est que tout le monde contourne la loi. Vous-même, madame la ministre, ainsi que le Président de la République, vous la contournez au travers de l'abrogation du permis exclusif de recherche de Total sur Montélimar.
Les experts et tous ceux qui ont analysé le rapport considèrent qu'il est conforme à la loi. Malgré cela, vous abrogez le permis.
J'insisterai sur les permis qui concernent la même région que Villeneuve-de-Berg, Nant et Montélimar. Les cinq permis, à savoir ceux de la plaine d'Alès, du bassin d'Alès, de Navacelles, de Nîmes et des plaines du Languedoc sont situés dans la même région. Lorsque j'entends votre argumentation, madame la ministre, j'en conclus qu'ils sont situés dans une région où les hydrocarbures conventionnels ont un potentiel faible mais où le potentiel des hydrocarbures non conventionnels est important. Cela entraîne la fracturation hydraulique, donc l'application de loi du 13 juillet, et donc l'abrogation. Madame la ministre, comment arrivez-vous à identifier les hydrocarbures de ces permis exclusifs de recherches ? Je ne reviendrai pas sur ceux qui concernent le bassin parisien.
S'agissant de la réforme du code minier, elle est effectivement nécessaire. Sur le permis de Guyane maritime, les forages ont été réalisés uniquement à partir d'une déclaration et à 5 700 mètres de profondeur, dans une zone dont on connaît le potentiel sur le plan environnemental. Il s'agit d'une zone continentale particulièrement propice aux tortues. S'il y avait, demain, une catastrophe environnementale, les mangroves de la Guyane seraient particulièrement touchées. Et que dire des moyens financiers qui seraient alors engagés ? Je rappelle que la catastrophe de la plateforme Deepwater Horizon a coûté à BP 20 milliards de dollars pour les indemnisations et 11 milliards de dollars pour remettre en état la plateforme et le forage.
Enfin, et vous ne pouvez pas nous le reprocher, madame la ministre, nous avons un positionnement politique et notre proposition de loi a une dimension politique. Je tenais à le rappeler, car cela me semble important.
D'une part, nous nous opposons à l'exploration et à l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels et, dans ces hydrocarbures non conventionnels, nous intégrons les forages offshore. C'est un choix que nous assumons. Vous pouvez questionner Christiane Taubira qui a, sur ce sujet, un positionnement particulièrement clair. D'autre part, nous nous prononçons pour l'abrogation des permis exclusifs de recherche d'hydrocarbures non conventionnels sur terre ou en mer.
Nous constatons tout de même, mon cher collègue, que les industriels s'en donnent à coeur joie et qu'ils contournent allègrement la loi votée le 13 juillet dernier. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la présidente, d'ores et déjà, j'indique qu'en application de l'article 96 du règlement, le Gouvernement demande la réserve des votes sur ce texte.
J'ai quelques éléments de réponse à fournir aux interrogations des parlementaires.
Je comprends mieux la raison du dépôt de cette proposition de loi que, je l'ai dit dans mon propos introductif, j'estime inutile puisque la loi du 13 juillet 2011 me semble satisfaire la mobilisation de l'ensemble des parlementaires contre la fracturation hydraulique. Je me demandais donc pourquoi vous aviez déposé cette proposition de loi. En réalité, elle sert à masquer une division profonde sur ce sujet au sein de la gauche. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)
Il y a, d'un côté, la position d'Yves Cochet et de Martine Billard, qui rappelle un peu celle de Marie-Lou Marcel lorsqu'elle demande l'abrogation des soixante-quatre permis, dont ceux qui sont strictement conventionnels. Cette proposition est d'une très grande cohérence. Elle vise à tout stopper, y compris le conventionnel, au motif que les énergies fossiles sont derrière nous.
Permettez-moi de poser une question : puisque c'est si sale, pourquoi continuons-nous à en mettre dans les réservoirs de nos voitures ?
Comment peut-on accepter l'idée de continuer à utiliser du pétrole, c'est-à-dire de le faire forer dans les pays du Sud, dans des conditions que nous contrôlons beaucoup moins bien, en refusant tout forage chez nous, ceux-ci ne représentant, en conventionnel, que 1 % de notre consommation nationale ?
Du côté du parti socialiste, les objectifs d'interdiction de la fracturation hydraulique sont déjà satisfaits. Vous citiez le propane. Je vous signale que le propane, lui aussi, est hydraulique, car sous pression, il est liquide. Quand une substance est gélifiée, elle entre aussi dans la définition de l'hydraulique. Bref, la loi promulguée le 13 juillet 2011 satisfait à cette exigence.
Je passe sur le fait qu'aujourd'hui, vous défendiez Total. Je ne doute pas de ce que vous auriez expliqué si nous n'avions pas annoncé l'abrogation du permis Total.
Vous faites preuve, monsieur Chanteguet, d'une grande honnêteté, que je salue.
Nous ne parlons là que de permis. Il y a toujours une demande d'autorisation de travaux. Si une nouvelle technologie venait à émerger, ce qui, aujourd'hui, n'est pas le cas, elle serait identifiée au moment de l'autorisation de travaux. Ces nouvelles technologies n'ont pas prouvé leur innocuité environnementale, elles seraient donc rejetées, feraient l'objet d'études et nous aurions le temps de faire le nécessaire. Mais ce n'est pas d'actualité.
Le vrai sujet, me semble-t-il, a été soulevé par Yves Cochet. Je partage l'inquiétude qui transparaissait dans son propos, pas tant pour ce qui concerne le conventionnel – je pense qu'il n'est pas cohérent de demander des forages dans les pays du Sud et de les refuser au Nord, alors que nous y utilisons du pétrole –, que pour l'impact sur le développement des énergies renouvelables et du nucléaire aux États-Unis du développement des gaz de schiste. Une réunion a eu lieu récemment à Washington, tendant à montrer que les Américains eux-mêmes disent qu'avec le développement du gaz de schiste, ils pourraient reporter certains investissements sur les énergies renouvelables. Il me semble que cela donne encore plus de sens à la loi du 13 juillet 2011, qui nous permet d'être en avance, au niveau mondial, s'agissant du questionnement sur le gaz de schiste.
Quelques éléments de réponses à des questions particulières.
Le permis de Foix ne porte que sur l'exploitation conventionnelle. Le permis de Cahors est en cours d'instruction. L'instruction était moins urgente que le traitement des permis déjà accordés, jugé prioritaire. Les permis en cours d'instruction font l'objet des mêmes procédures. Il a été écrit à tous les industriels pour leur demander de préciser les technologies qu'ils envisageaient d'utiliser. Le même traitement leur sera appliqué.
Madame Christiane Taubira, j'ai, en effet, retrouvé votre question écrite. La réponse ne vous a pas encore été apportée, mais elle est dans le circuit et ce sera fait. Je tiens à souligner, et je vous prie de m'en excuser, une double inconséquence dans votre propos. Le permis d'exploration en Guyane a été accordé en 2001. Rappelez-moi qui était au gouvernement à cette époque…
Et la continuité de l'État ? Cela fait dix ans que je vous interroge et que vous ne me répondez pas !
Je pense, madame Taubira, que vos collègues apprécieront que vous parliez bruyamment pour couvrir leur silence assourdissant ! Je rappelle que ce permis date d'une époque à laquelle la gauche était au pouvoir.
Je partage tout à fait vos propos sur les métiers, la formation et sur la nécessité que tout développement participe de l'économie et du développement local. Mais cela me semble être une position différente de celle consistant à refuser a priori tout projet sur ce gisement.
Madame Taubira, vous avez souhaité que Mme la ministre vous réponde, laissez-la s'exprimer.
Un dernier mot sur les taxes.
S'agissant de la taxe terrestre sur les exploitations de matières premières, vous savez parfaitement que, concernant l'or, le problème n'est pas tant le niveau du taux que celui du gisement et des agissements illégaux qui y sont liés et contre lesquels nous luttons.
Nous sommes tout à fait d'accord pour créer une taxe sur l'offshore, mais elle devra porter sur l'exploitation. On ne peut taxer l'exploration, qui est de l'investissement et qui ne rapporte donc pas. Nous devrons en discuter.
Enfin, je répondrai à l'interpellation d'Yves Cochet sur les biocarburants. On parvient, avec la technologie CIMV, à séparer la lignite de la cellulose à basse température et sous une pression normale. Donc, on trouve toute l'énergie nécessaire dans un volume, en effet, plus important, sans entrer en concurrence avec l'alimentaire. C'est tout l'intérêt de la deuxième génération. Je ne partage pas, en conséquence, votre critique, dont je ne comprends pas l'objet.
J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté le texte.
Je vous rappelle qu'en application de l'article 96 du règlement, le Gouvernement a demandé la réserve des votes. La réserve est de droit.
Je suis saisie d'un amendement n° 9 , portant article additionnel avant l'article 1er.
La parole est à M. le rapporteur.
Nous proposons d'abroger la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 visant à interdire l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux. Je m'en suis déjà. expliqué.
Je rappelle que cette loi, votée l'été dernier, apparaît grandement imparfaite. La meilleure preuve en est que le Gouvernement a dû bricoler pour abroger le permis de Montélimar. Comme je le disais dans mon intervention liminaire, cette loi censée rassurer les populations force le Gouvernement à la contourner pour satisfaire une partie des citoyens, et permet aux industriels d'en flouer une autre. De surcroît, elle n'interdit pas l'exploration et l'exploitation d'hydrocarbures non conventionnels puisqu'elle ne frappe que la technique de fracturation hydraulique. Les industriels ont, depuis, mis en avant leur capacité à mettre au point de nouvelles techniques alternatives tout aussi agressives pour l'environnement à base de propane liquéfié, de fracturation pneumatique ou d'arcs électriques, par exemple.
Il convient tout à la fois de mettre un terme à cette législation lacunaire et d'éviter une incohérence avec les dispositions plus claires proposées aujourd'hui.
L'amendement permettrait aux entreprises d'utiliser la technique de la fracturation hydraulique, ce qui n'assurerait justement pas la protection souhaitée. Donc avis défavorable.
Le groupe UMP est opposé à cet amendement qui constitue un recul. La loi du 13 juillet 2011 est bien plus complète et bien plus efficace que la proposition de loi qui nous est présentée ce matin. Il est quelque peu paradoxal de constater que le groupe socialiste défend aujourd'hui les industriels du pétrole, s'agissant des permis abrogés. Mettre un terme à la loi du 13 juillet 2011 irait à l'encontre des objectifs visés par l'ensemble des parlementaires.
(Le vote sur l'amendement n° 9 est réservé)
Sur l'article 1er, Je suis saisie d'un amendement n° 1 .
La parole est à Mme Christiane Taubira.
Madame la présidente, vous savez que nous n'avons pas la possibilité de répondre à la ministre. Voilà pourquoi je me suis livrée à un exercice d'indiscipline. Madame la ministre, vous ne nous avez pas habitués à recourir à des arguments indigents. Vous renvoyez, à juste titre, l'attribution du permis de recherche à 2001, mais je vous interroge depuis 2002 sur ce permis de recherche. C'est vous qui êtes au pouvoir depuis une dizaine d'années et qui assurez la continuité de l'État. Vous êtes, par conséquent, chargée de la gestion de ce titre minier.
S'agissant de mon amendement, il m'a été opposé à deux reprises, en commission du développement durable, des arguments absolument contradictoires pour ce permis concernant des explorations se trouvant à 150 kilomètres du littoral guyanais. La première fois, on m'a dit que nous étions sur le territoire national et qu'il était inutile de préciser les termes de « terrestre et marin » ; la seconde fois, il m'a été rétorqué que nous nous situions dans des eaux internationales, ce qui embarrasse beaucoup les juristes internationaux, et donc on ne sait pas.
Je rappelle simplement que la colonne d'eau, le sol et le sous-sol restent propriété de l'État, donc relèvent de la souveraineté de l'État. Je m'en suis assurée en me référant à la convention de Montego Bay portant sur le droit de la mer. Sur les autres surfaces, la circulation reste libre.
Je tenais à ce que ce soit précisé. Cela étant fait et votre approbation confirmant la véracité de mes propos, je retire mon amendement avant que vous ne me le demandiez.
(L'amendement n° 1 est retiré.)
L'amendement n° 5 vise à préciser la définition des hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels. Je rappelle que nous faisons, au travers de cette proposition de loi, un effort important, puisque nous essayons d'identifier les hydrocarbures non conventionnels.
Pour répondre aux critiques concernant la perméabilité particulièrement faible, l'amendement n° 6 tend à remplacer les mots « perméabilité particulièrement faible », par les mots « la perméabilité inférieure à un millidarcy ».
L'amendement n° 8 précise, pour l'exploitation de gisements en eaux profondes, que le niveau se situe, pour nous, au-delà d'une profondeur de 300 mètres.
Enfin, s'agissant du maintien en position des plateformes flottantes et navires de forage, nous proposons, par l'amendement n° 7 , de substituer au GPS un système de positionnement dynamique.
Nous sommes au coeur d'un problème déjà débattu à l'occasion de la discussion de la loi du 13 juillet dernier qui donne une définition en la matière.
L'amendement tend à préciser un texte initial dont j'ai dit qu'il était particulièrement flou. Il est, à cet égard, intéressant, mais la définition qui en résulte est tout aussi alambiquée. Il y a, d'abord, un amalgame entre hydrocarbures de roche-mère et forage en eaux profondes. Pourquoi, ensuite, faire le choix d'un seuil arbitraire sur la perméabilité comme sur la profondeur d'eau ? Vous faites référence à l'atteinte à l'intégrité de la roche. Comme je l'ai signalé dans mon intervention liminaire, ne va-t-on pas considérer qu'un forage traditionnel est aussi une atteinte à l'intégrité de la roche ? Cela se discute.
Au total, la définition me semble très influencée par l'état actuel des techniques. C'était l'intérêt de la définition par une technique particulière, celle qui est aujourd'hui la seule disponible, à savoir la fracturation hydraulique choisie pour la loi du 13 juillet.
Je suis, par conséquent, défavorable à ces amendements.
Je peux apporter quelques précisions sur ces différents points.
La perméabilité du réservoir fournit le principal indicateur du caractère conventionnel ou non conventionnel de la ressource recherchée. S'il est donc pertinent de retenir ce critère dans une définition légale des hydrocarbures non conventionnels, il importe de faire preuve de précision. La notion de « perméabilité particulièrement faible » s'avère propice aux interprétations divergentes et à la contestation devant les tribunaux. En revanche, établir un seuil fixé à un millidarcy, conforme aux analyses des industriels et des instituts de recherche, permet de satisfaire les exigences portées par nos concitoyens et exclut des ressources comme le gaz de mine exploité par simple pompage par Gazonor dans les anciennes mines de Charbonnages de France.
Je tiens, ensuite, à souligner que le GPS est un système de géolocalisation fonctionnant au niveau mondial, développé à l'origine pour les militaires américains. Or il existe, c'est vrai, d'autres systèmes de positionnement par satellite opérationnels, dont le développement sera fortement renforcé au cours des prochaines années. C'est pourquoi nous proposons de remplacer le GPS par un système de positionnement dynamique.
Enfin, les termes « en eaux profondes » sont étrangers au vocabulaire juridique. Néanmoins, aux yeux des océanographes et des acteurs de l'industrie pétrolière, l'offshore profond correspond à des gisements exploités par plus de 300 mètres de profondeur d'eau et l'offshore ultra-profond à des forages exploités à plus de 1 500 mètres de profondeur d'eau.
Deux précisions expliqueront les raisons pour lesquelles je n'approuve pas ces propositions.
La perméabilité ne suffit pas, selon les experts, à elle seule à déterminer le caractère non conventionnel. Entrent également en jeu la viscosité liée à l'interaction entre la roche et le fluide ou le caractère hétérogène de la roche, du réservoir, qui influe, par exemple, sur la pression, ou des irrégularités comme des failles.
La définition des eaux profondes pose, c'est vrai, un problème. La hauteur de 300 mètres n'est toutefois pas liée à des caractéristiques objectives, mais à une explication technique historique : historiquement, on forait jusqu'à 300 mètres pour des raisons techniques ; au-delà, on considérait que c'était de l'eau profonde. S'il fallait donner une définition technique, peut-être serions-nous davantage amenés à nous fonder sur la technique du positionnement dynamique sans ancrage qui, elle, intervient plutôt à partir de 1 000 mètres. On voit bien qu'il est difficile de définir cette notion autrement que par la technologie utilisée, ce pour quoi nous avons opté lorsque nous avons débattu de la loi du 13 juillet dernier.
(Le vote sur les amendements n°s 5 ,6 ,8 et 7 est réservé.)
(Le vote sur l'article 1er est réservé.)
Sur l'article 2, je suis saisie d'un amendement n° 4 .
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement tend à supprimer la référence à l'effet rétroactif. En effet, en termes juridiques, l'abrogation avec effet rétroactif d'une décision administrative correspond à son retrait. L'abrogation vaut pour l'avenir. Elle prive les permis exclusifs de recherches abrogés d'effet.
Les permis sont déjà abrogés. Donc, l'article 2, dans son ensemble, n'a pas d'intérêt.
Avis défavorable.
(Le vote sur l'amendement n° 4 est réservé.)
(Le vote sur l'article 2 est réservé.)
Sur l'article 5, je suis saisie d'un amendement n° 3 .
La parole est à M. le rapporteur.
L'article 5 n'est pas justifié, compte tenu du fait que le public est dorénavant consulté en application des dispositions du projet de loi de ratification de l'ordonnance portant codification de la partie législative du code minier.
Avis défavorable.
(Le vote sur l'amendement n° 3 est réservé.)
(Le vote sur l'article 5 est réservé.)
Je suis saisie d'amendements portant articles additionnels après l'article 5.
La parole est à Mme Christiane Taubira, pour soutenir l'amendement n° 2 .
Cet amendement vise à créer la taxe régionale sur laquelle vous avez répondu tout à l'heure, madame la ministre.
Aujourd'hui encore, je ne comprends pas la logique selon laquelle, voici un peu plus d'une dizaine d'années, la taxe minière sur l'or a été créée indépendamment du cours international de l'or et donc de l'évolution des chiffres d'affaires.
Pour le forage offshore, sachant que, tout en plaidant pour la nécessité de son interdiction, vous n'allez pas l'interdire, il n'y a aucune contradiction à demander que cette activité contribue au budget de la collectivité régionale. Ce serait la moindre des choses.
Pour l'or, la taxe rapporte des recettes dérisoires, dont le montant est même injurieux au regard du traitement réservé à ces collectivités, car ce sont elles, je vous le rappelle, qui ont à supporter les dégâts. Il y a l'activité légale mais le pillage aurifère est encore plus important, évidemment, en volume et en chiffre d'affaires. Il ne contribue en rien, mais, pire, il crée des dégâts sur l'environnement et engendre des trafics liés à tous ces chantiers clandestins. Il y a des problèmes de santé publique et d'environnement, des problèmes économiques.
Pour le pétrole, étant donné que ce sera une activité plus facile à contrôler en mer, en principe, nous vous demandons de considérer qu'il y a une logique à modifier le code minier et à permettre la création d'une taxe régionale puisque, aujourd'hui encore, dans le code minier, les activités d'exploitation du pétrole en mer sont exonérées.
Je ne suis pas du tout opposée à l'augmentation de la taxe sur l'exploitation aurifère, mais le grand enjeu c'est la lutte contre l'exploitation illégale, car c'est l'essentiel du problème.
Bien sûr !
Il faut une taxe sur l'offshore mais, je crois que vous en conveniez, elle portera non sur l'exploration mais sur l'exploitation. Or il n'y aura pas d'exploitation avant cinq ou sept ans. Ce que nous avons proposé, c'est de lancer le recensement de toutes les pratiques fiscales existant sur l'offshore. Ce sera, de toute façon, un grand sujet et la discussion de cette proposition de loi n'est probablement pas le meilleur moment pour répondre, dans l'urgence, à une question qui ne se posera pas avant cinq ans.
Avis défavorable.
L'article L.132-16 du code minier stipule que « les titulaires de concessions de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux, à l'exception des gisements en mer, sont tenus de payer annuellement une redevance à taux progressif et calculée sur la production ». La suite de l'article fixe le cadre fiscal de cette redevance. Pourquoi exclure les gisements en mer et ne pas permettre aux collectivités concernées d'en bénéficier ?
Certes, la question ne se pose pas actuellement puisque nulle concession n'a été octroyée en mer. En revanche, des permis exclusifs de recherches ont été délivrés au large des territoires ultramarins : au-delà du permis dit de Guyane maritime, emblématique, il y a des permis au large des îles Éparses, dans le canal du Mozambique, et au large de la Martinique. Or le code minier prévoit un octroi quasi systématique d'un titre de concession au détenteur d'un permis exclusif de recherche. Il est donc grand temps de prévoir un cadre fiscal dédié.
Lors de l'examen de cet amendement en commission, un certain nombre de nos collègues se sont interrogés sur la capacité de l'État à mettre en place un régime fiscal applicable en mer. Je tiens, sur ce point, à apporter quelques précisions.
D'après les articles 56 et 60 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer, dans la zone économique exclusive, l'État côtier a juridiction exclusive sur les îles artificielles, installations et ouvrages, dont le but est notamment l'exploration et l'exploitation des fonds marins et de leurs sous-sols, y compris en matière de lois et règlements douaniers, fiscaux, sanitaires, de sécurité et d'immigration. Au cas où la France déciderait de poursuivre les activités de recherche en mer, il conviendrait d'élargir le champ de cet amendement afin de mettre un terme à cette exonération fiscale non seulement pour les gisements situés au large des territoires ultramarins, mais également pour ceux situés au large de la métropole.
Je suis favorable à cet amendement.
Ce n'est jamais le bon moment, ce n'est jamais le bon lieu. Cela fait dix ans que cela dure !
Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour ces éclairages extrêmement précis.
Madame la ministre, comme vient de le rappeler le rapporteur en lisant un extrait du code minier, il s'agit de créer le cadre fiscal. Après, nous prendrons le temps de déterminer l'assiette et le taux.
Vous parliez de la gauche tout à l'heure. En 1999, elle a voté un dispositif dérogatoire créant un cadre fiscal permettant la création d'une taxe en faveur de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon. Ce cadre n'a pas encore été mobilisé puisque les forages n'ont pas eu encore, à notre connaissance, de résultats positifs.
En Guyane, au bout de dix ans de recherche, des forages ont des résultats positifs et vous continuez à différer la création de ce cadre fiscal. Il ne s'agit pas de créer un impôt, et j'ai bien compris la différence entre exploration et exploitation. C'est bien la raison pour laquelle, depuis une dizaine d'années, je demande aux gouvernements successifs de créer le cadre fiscal de cette taxe. Elle sera mobilisée le moment venu, et des discussions, je le conçois, pourront s'engager avec les exploitants potentiels sur la définition de l'assiette et le taux.
Ne vous associez pas, madame la ministre, à ces pratiques dilatoires qui sont de pauvres manoeuvres et qui n'honorent pas la puissance publique !
C'est l'ensemble du dispositif, madame Taubira, qui est à revoir.
Je ne nous vois pas lancer une exploitation offshore en Guyane sur la base du code minier actuel. Rien n'est prévu ! Il faut absolument s'organiser, par exemple pour évacuer tous les risques encourus. On a vu ce qui s'est passé sur la plate-forme Deepwater Horizon.
Va-t-on glisser dans une proposition de loi un amendement ouvrant la possibilité de mettre en place le cadre qui sera effectivement nécessaire, alors que c'est l'ensemble du dispositif qui est à revoir, que l'objet de cette proposition de loi est pour l'essentiel différent et que nous avons démontré assez largement, je crois, son manque d'intérêt compte tenu de la loi du 13 juillet ?
Sur le fond, je partage votre préoccupation. Vous me dites que cela fait dix ans que je vous le refuse. Il y a au moins cinq ans pendant lesquels nous étions ensemble sur les bancs de cette assemblée, je ne vous refusais donc rien du tout. Surtout, c'est l'ensemble du dispositif qu'il faut revoir pour atteindre les objectifs très légitimes que vous avez évoqués, comme la participation des populations locales au bénéfice d'une telle exploitation si elle avait lieu.
Je salue votre ténacité, madame Taubira. Sur le principe, nous comprenons parfaitement mais, pour l'instant, il n'y a pas d'exploitation et on verra le moment venu. Cela dit, il existe déjà un cadre fiscal, celui de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui peut donner quelques idées ici et là.
(Le vote sur l'amendement n° 2 est réservé.)
C'est un amendement qui va sûrement vous faire plaisir, madame la ministre, puisqu'il tend à ratifier l'ordonnance de janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier.
Au cours des débats du printemps sur la proposition de loi de notre collègue Christian Jacob, devenue la loi du 13 juillet 2011, les dispositions visant à moderniser le code minier ont été écartées dans la perspective de l'imminente ratification de l'ordonnance organisant sa codification L'inscription du projet de loi n° 3338 à l'ordre du jour aurait permis un large débat et l'évocation de tous les sujets ayant trait à la législation minière. Il s'agissait, d'ailleurs, d'une promesse du Gouvernement en juin dernier.
Si tous les acteurs conviennent de l'urgence de procéder à la réforme du code minier, il semble que le Gouvernement ait changé d'avis et ne soit pas disposé à inscrire le sujet minier à l'ordre du jour du Parlement avant les échéances de 2012. Vous avez invoqué l'engorgement des assemblées pour le justifier : aucune date ne serait plus disponible. Le groupe socialiste est prêt, pour une fois, à aider le Gouvernement à mener à bien ses projets et propose donc de procéder à la ratification de l'ordonnance grâce à l'adoption d'un amendement dans le cadre de la niche SRC.
Pour une raison juridique subtile, cette proposition est inutile. Selon la coutume, l'ordonnance est immédiatement applicable lorsque le projet de loi de ratification est déposé au Parlement, ce qui a été fait le 11 avril 2011. Il n'est donc nul besoin de votre amendement, monsieur Chanteguet, pour la rendre applicable.
De plus, le projet de loi que nous avons déposé contient, outre la ratification de l'ordonnance, des articles permettant, par exemple, de consulter le public avant la délivrance d'éventuels permis de recherche.
Par conséquent, votre amendement non seulement n'ajoute rien puisque l'ordonnance est directement applicable, mais encore fait tomber des propositions qui, je crois, sont soutenues par tous, nous l'avons vu à l'occasion de ce débat.
Je conviens que c'est juridiquement subtil mais convenez à votre tour que j'ai raison.
Vous évoquez le projet déposé en avril 2011 par le Gouvernement, qui va au-delà de la ratification de l'ordonnance puisque l'article 3 améliore les procédures de consultation du public pour ce qui concerne les permis exclusifs de recherche et les permis d'exploitation. Nous pouvons considérer, c'est vrai, que c'est un progrès. Néanmoins, si le projet ratifie l'ordonnance, c'est bien parce que cette ratification a un intérêt.
L'ordonnance est déjà applicable !
Tant qu'elle n'est pas ratifiée, nous ne pouvons pas, nous, parlementaires, modifier le code minier.
(Le vote sur l'amendement n° 10 est réservé.)
En application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, le Gouvernement demande à l'Assemblée de se prononcer par un seul vote sur les articles, à l'exclusion de tout amendement, et sur l'ensemble de la proposition de loi.
Plusieurs députés des groupes SRC et GDR. Comme d'habitude !
Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi auraient lieu mardi 11 octobre, après les questions au Gouvernement.
Application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à midi quinze, est reprise à midi vingt.)
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de Mme Sandrine Mazetier et de plusieurs de ses collègues pour une urbanité réussie, de jour comme de nuit (nos 3693, 3776).
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Madame la présidente, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, l'espace urbain est le lieu d'activités multiples au cours d'une même journée. En tant que tel, il a souvent été analysé, non seulement dans sa dimension sociale, comme l'un des fondements du lien social, mais aussi dans sa dimension économique, compte tenu des enjeux qu'il recouvre en termes de création d'emplois, de développement, d'attractivité.
Mais, curieusement, cette mixité des fonctions urbaines est très peu ou très mal envisagée dans sa composante nocturne, comme l'ont confirmé les nombreuses auditions auxquelles j'ai procédé auprès des représentants des principales administrations concernées, des associations d'élus locaux, de commerçants, de riverains.
J'ai été frappée de constater combien il est difficile d'obtenir des données chiffrées sur l'activité nocturne, ne serait-ce que sur la situation existante, le nombre de bars, de cafés ou autres établissements ouverts la nuit. Ainsi, les emplois directs et indirects, la surface économique et sociale du secteur et ses potentialités de développement sont largement méconnus.
Bref, il y a, avec cette composante nocturne, une forme d'impensé, et c'est d'abord pour qu'un autre regard soit porté sur la nuit que j'ai souhaité présenter cette proposition de loi.
Bien sûr, très concrètement, nous savons aussi que la mixité urbaine, source de richesse, n'est pas un long fleuve tranquille, pas plus le jour que la nuit. Chacun d'entre nous peut être tour à tour riverain et consommateur, exploitant ou touriste. Il reste qu'à un instant donné, des conflits ou des contradictions surgissent, et c'est vers les élus locaux, et singulièrement vers les maires, que se tournent les différentes parties prenantes pour trouver des solutions.
C'est aujourd'hui au législateur de prendre ses responsabilités en donnant aux maires les outils qui leur font pour le moment défaut pour dissuader les infractions et promouvoir les bonnes pratiques. C'est au législateur de susciter une réflexion nouvelle dans l'exécutif sur l'ensemble de ces sujets et faire évoluer une législation inefficace ou une réglementation déphasée.
Comme la société, la ville et ses usages se transforment. La nouvelle réglementation sur le tabac conduit sur la voie publique, à l'extérieur des établissements, les clients fumeurs.
L'évolution des modes de divertissement nocturnes a fait apparaître de nouveaux lieux hybrides, tour à tour restaurants, salles de spectacle, d'exposition, de danse. J'ai choisi, compte tenu de ces évolutions et de leur absence de prise en compte, de traiter deux questions ciblées.
La première est celle de la régulation du commerce sur le domaine public. Le sujet est connu : des terrasses de plus en plus nombreuses, qui font le charme de nos villes, l'animation de nos rues, mais peuvent aussi entraîner des installations qui débordent sur le trottoir, gênant, voire empêchant, la circulation des piétons, des personnes à mobilité réduite, des poussettes, et qui créent de surcroît une distorsion de concurrence insupportable entre une majorité d'exploitants respectueux de leur droit de terrasse et une minorité d'exploitants indélicats. Or, face à des situations d'occupation illégale de la voie publique, les outils existants sont, dans les faits, insuffisants, inadaptés et donc peu utilisés.
Les contraventions de police, forfaitaires, sont d'un montant de seulement 35 euros. Les quelques contraventions de voirie routière sont, quant à elles, prononcées par le tribunal de police, au terme d'une longue procédure. La préfecture de police a d'ailleurs estimé qu'elles ne dépassaient pas, en pratique, 500 euros.
Aussi cette proposition de loi confère-t-elle au maire une nouvelle compétence pour mettre en demeure la personne responsable d'une installation en infraction de mettre celle-ci en conformité, et ce, passé un certain délai, sous astreinte.
Je ne reviens pas sur le détail du dispositif, étudié en commission et présenté dans mon rapport. Je rappelle simplement que le montant de l'astreinte est fixé par le conseil municipal, selon un barème qui permet la prise en compte du réel : caractère répété ou non de l'illégalité, adaptation du montant de l'astreinte au préjudice commercial subi, selon la commercialité de la zone.
D'aucuns ont fait part, en commission, la semaine dernière, de leurs doutes quant à la constitutionnalité de cette mesure, invoquant même des dérives possibles. Nous reviendrons sur ce point lors de la discussion des articles, mais je voudrais déjà indiquer qu'il n'est pas illégitime de confier à une autorité administrative et non juridictionnelle le pouvoir de prononcer des astreintes. C'est déjà le cas de la procédure prévue dans le code de l'environnement en cas de publicité ou d'enseignes illégales. C'est le cas aussi du dispositif de la proposition de loi de notre collègue Sébastien Huyghe visant à lutter contre les marchands de sommeil, adoptée par notre assemblée en novembre dernier sans que personne y trouve rien à redire ni que quiconque prononce même le mot de « Constitution ».
Je redis aussi que l'astreinte ne constitue pas une sanction au sens juridique du terme. Juridiquement, l'astreinte s'analyse davantage comme une mesure destinée à mettre fin à un comportement donné. L'objectif poursuivi est bien de dissuader l'intéressé de demeurer dans une situation illégale.
La critique semble avoir également porté sur l'intervention du conseil municipal. Sur ce point, je rappelle que le maire reste seul compétent pour prononcer l'astreinte. Il le fait sur le fondement d'un barème encadré par la loi. L'article 2 prévoit un montant maximum, et je propose par amendement d'ajouter un minimum.
La délibération du conseil municipal fixant ce barème serait-elle inconstitutionnelle ? Il me semble, au contraire, qu'elle apporte de nombreuses garanties. Cette délibération sera publique, collégiale et soumise, en outre, au contrôle de légalité de droit commun. L'information de tous avant même qu'une illégalité soit commise est donc assurée : les règles du jeu seront connues.
De même, l'équité de la mesure est, elle aussi, garantie puisque l'astreinte sera proportionnée à l'illégalité. Ni la jurisprudence du Conseil constitutionnel ni celle du Conseil d'État ne s'opposent à ce que des traitements différents soient appliqués à des situations différentes. C'est le cas, par exemple, en matière de droits de stationnement, où les communes appliquent des tarifs différents selon les zones d'une même ville.
Enfin, il n'y a en rien substitution du conseil municipal aux tribunaux. Ceux-ci gardent leurs compétences de droit commun pour prononcer, le cas échéant, des astreintes, des contraventions, mais on ajoute, en amont, aux instruments existants, insuffisants et inefficaces, une possibilité complémentaire, plus adaptée aux réalités de terrain, plus dissuasive, plus efficace.
Cela n'est pas, bien sûr, synonyme d'absence de dialogue ; je proposerai, d'ailleurs, tout à l'heure, un amendement sur la médiation, autre instrument indispensable.
La seconde question est celle du développement de nouvelles formes de divertissement nocturne.
La question du « vivre ensemble », comme on l'appelle parfois, est certes souvent affaire de bonnes pratiques ou d'ordre réglementaire. Il reste que, sur un certain nombre de points, il revient à la loi de définir de nouvelles règles, voire d'initier la réflexion. Il est essentiel de donner une reconnaissance aux lieux et aux acteurs qui, de jour comme de nuit, font la vie de la cité, de favoriser ces bonnes pratiques, les solutions qui tendent à la médiation, les adaptations réglementaires, bref, une forme d'intelligence collective dans la résolution ou la prévention des litiges.
Cette proposition de loi crée une nouvelle infraction : l'abus de recours aux numéros d'urgence pour tapage nocturne. Sur ce sujet aussi, les débats en commission ont montré qu'il pouvait y avoir méprise : il ne s'agit pas de systématiser la répression mais, au contraire, de privilégier les actions de médiation via les commissariats lorsque c'est possible, sans passage par les numéros d'urgence. Cette disposition pourrait d'ailleurs être utilement complétée par la désignation, dans chaque commissariat, d'un « référent bruit », afin que les plaintes ne demeurent pas lettre morte, au grand désespoir des riverains de bonne foi. C'est ce qu'ont préconisé nos collègues Philippe Meunier et Christophe Bouillon dans leur rapport d'information sur les nuisances sonores.
Par ailleurs, le présent texte prévoit deux mesures destinées à favoriser l'évolution de la réglementation applicable aux établissements à vocation nocturne : la remise par le Gouvernement au Parlement d'un rapport sur les conditions de sécurité dans ces établissements, car les règles sont aujourd'hui inadaptées au caractère hybride de certains lieux que j'évoquais ; l'expérimentation d'une durée d'autorisation d'ouverture de nuit de six mois, s'agissant de la première demande, car il est nécessaire de ne pas borner de manière excessive l'horizon d'un établissement à vocation nocturne qui commence son activité.
J'ajoute que je présenterai un amendement sur une autre question importante, celle de l'information des personnes s'installant dans un nouveau logement urbain, s'agissant de l'exposition aux bruits diurnes et nocturnes de ce logement. Sur ce sujet délicat, il est essentiel de lancer au moins la réflexion.
Je voudrais, pour conclure, vous inviter à considérer, loin des clivages partisans, la réalité de ces questions de terrain. Les échanges que nous avons eus sur le sujet à l'occasion de la discussion du projet de loi sur la protection des consommateurs ont suscité le même intérêt, et ce sur l'ensemble des bancs. La commission a rejeté un peu hâtivement cette proposition de loi. Une fois de plus, pourtant, les débats ont montré qu'elle soulève de vraies questions, et nous avons été nombreux au groupe socialiste, mais aussi dans les rangs de la majorité, à estimer que les solutions proposées vont dans le bon sens. J'invite chaque parlementaire à se saisir de ces outils nouveaux au service de la prévention, du dialogue, de la promotion des bonnes pratiques. Cette proposition de loi correspond à de réelles préoccupations de nos concitoyens et à celles des acteurs économiques, sociaux ou culturels qui manquent de la considération qui leur est due.
Je le dis solennellement : l'un des poisons de la vie publique dans notre pays, c'est l'impuissance déclarée de l'action publique à résoudre les problèmes et à apaiser les conflits, et, plus encore, de ne rien faire pour s'en donner les moyens. Cette proposition de loi est un de ces moyens. Elle n'est pas celle d'un camp politique contre un autre, mais une réponse à des questions que doivent affronter l'ensemble des formations politiques républicaines.
Pour l'ensemble de ces raisons, je vous demande d'adopter cette proposition de loi et les amendements que m'ont inspirés les auditions, pour une urbanité réussie, de jour comme de nuit. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement.
Je vous remercie de ce compliment, monsieur Brottes.
Je croyais que c'était une affirmation. (Sourires.)
Madame la présidente, monsieur le vice-président de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, tout d'abord, je vous prie d'excuser le ministre de l'intérieur, Claude Guéant, qui aurait voulu être personnellement présent pour ce texte, mais il est actuellement en voyage officiel en Turquie.
Madame Mazetier, au nom de vos collègues du groupe socialiste, républicain, citoyen et divers gauche, vous avez présenté votre proposition « pour une urbanité réussie, de jour comme de nuit ». L'objectif de ce texte est louable. Tous, je pense, nous sommes convaincus qu'un partage harmonieux de l'espace public est l'une des conditions sine qua non d'une vie urbaine de qualité – j'en sais quelque chose. Tous, nous savons que l'équilibre entre convivialité et lutte contre les nuisances sonores est aussi délicat à atteindre qu'à maintenir : comme chacun de nos concitoyens, il y a des jours où nous avons envie de sortir et de partager avec nos amis jusque tard dans la nuit, et d'autres jours où nous préférons, au contraire, rentrer tôt pour nous reposer d'une dure journée de travail. Il y a donc un équilibre à trouver, avec toutes les conséquences que cela comporte dans le domaine public.
Comme chacun de nos concitoyens, nous percevons bien différemment le partage de l'espace selon que nous nous trouvons à une terrasse de café ou de restaurant ou en train de chercher le sommeil quelques étages plus haut. Je puis vous assurer, M. Brottes l'a évoqué, que le maire de Rueil-Malmaison est, lui aussi, confronté quotidiennement à ces problèmes. Faire respecter les équilibres en ce domaine, afin que chacun respecte l'autre dans la cité, est un objectif que je partage avec vous, madame Mazetier.
Par ailleurs, nous avons, vous et moi, à coeur de donner aux autorités compétentes les moyens de défendre efficacement le domaine public communal contre toute tentative non autorisée de privatisation. Nous le voulons, car c'est notre premier devoir d'élus, celui d'organiser la vie de la cité en un espace de sécurité, de liberté et de tranquillité.
Face à ces enjeux, madame la députée, votre texte pose les bonnes questions mais il apporte de moins bonnes solutions. Nous allons parler des solutions pratiques que vous proposez, auxquelles je suis désolé de ne pas pouvoir m'associer. Que de bonnes intentions, c'est certain, malheureusement dénaturées par la rédaction juridiquement imprécise et incertaine de vos articles ! Tout cela mérite d'être discuté encore pour trouver les bonnes solutions.
L'Assemblée a sans doute pensé la même chose que moi puisque, mardi soir, votre amendement n° 160 au projet de loi sur la consommation a été rejeté alors qu'il reprenait l'ensemble du dispositif dont nous débattons aujourd'hui.
Ce n'était qu'un rejet sur la forme, pas sur le fond, monsieur le ministre !
Je crois que ce n'était pas le seul motif. En tout cas, monsieur Brottes, c'est sur le fond que je le fais aujourd'hui.
La proposition de loi alourdit inutilement le droit. Au moment où le Gouvernement cherche à trouver des solutions pour simplifier notre droit, avec le président Warsmann,…
Je vous rappelle, monsieur Brottes, que le Président de la République s'y intéresse aussi puisqu'il a confié au président Warsmann une mission qui a abouti à un texte de simplification des lois qui va être inscrit la semaine prochaine.
Nous cherchons à simplifier le droit. Le premier devoir du législateur n'est-il pas de se pencher sur les dispositifs existants et de vérifier qu'ils sont bien appliqués avant d'en imaginer de nouveaux ? Je pose la question.
Si vous voulez que j'arrive à vous convaincre, monsieur Caresche, il faut m'écouter !
En ce qui concerne les autorisations d'occupation temporaire de l'espace public, le maire et le préfet ont, d'ores et déjà, à leur disposition un arsenal juridique étoffé : il suffit de l'appliquer.
Inventer des dispositifs encore plus compliqués ne règle pas le problème de l'application de ceux qui existent déjà.
Sur le fondement du code général des collectivités territoriales, le maire est compétent pour délivrer les permis de stationnement à l'intérieur de l'agglomération – en contrepartie du paiement par le bénéficiaire d'une redevance fixée par le conseil municipal – et, Guénhaël Huet l'a rappelé en commission, ces permis de stationnement, comme toute occupation du domaine public, sont temporaires, précaires, révocables et personnels. L'autorité publique compétente, quelle qu'elle soit, a parfaitement le pouvoir de trancher.
Il existe deux moyens juridiques pour faire respecter ces autorisations.
Tout d'abord, au plan pénal, le code de la voirie routière punit d'une amende de cinquième classe le fait d'occuper le domaine public routier sans autorisation préalable ou d'une façon non conforme à sa destination. Dans ce cas de figure, le tribunal de police est non seulement compétent pour prononcer des peines d'amendes, mais aussi pour condamner le contrevenant à la réparation du dommage causé à la voirie, en particulier à l'enlèvement ou à la destruction des constructions réalisées illégalement. Ces dispositions existent, il suffit de les appliquer. En outre, il est possible de sanctionner par une contravention de police la violation par l'exploitant des règlements municipaux de police relatifs aux terrasses sur le domaine public. Maire d'une ville de 80 000 habitants, toute petite à côté de Paris, je suis confronté au quotidien à ces problèmes, et je prends des décisions qui sont souvent très mal ressenties par ceux qui en font l'objet. Mais elles sont exécutées, croyez-moi !
À Paris, en 2010, plus de 2 000 établissements ont été sanctionnés par des contraventions de deuxième classe pour installation irrégulière de terrasses sur la voie publique, et des contraventions de cinquième classe ont été infligées à 200 établissements environ pour le même motif, principalement pour des installations irrégulières avec emprise sur la voie publique. Ces dispositions sont donc aussi appliquées dans la capitale.
Au plan administratif, le préfet dispose d'une police spéciale des débits de boissons. Le code de la santé publique indique que « les terrasses des débits de boissons implantées sur le domaine public sont considérées comme des extensions de l'établissement ». Le préfet peut donc prononcer des fermetures administratives temporaires des débits de boissons, soit dans le cas où la terrasse serait exploitée en violation du règlement municipal, soit pour mettre fin à un trouble à l'ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publiques causé par l'exploitation de la terrasse. Ces dispositions sont, elles aussi, très régulièrement appliquées – malheureusement, parce qu'il est toujours désagréable de voir que des règlements sont violés – et des sanctions sont prises.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les députés, notre pays disposant déjà de moyens juridiques étendus en matière de gestion de l'espace public, il ne semble ni judicieux ni nécessaire de recourir, une fois de plus, à la loi. Trop de loi tue la loi, madame Mazetier. Nous avons eu l'occasion d'en débattre dans une commission que je présidais encore il n'y a pas si longtemps, vous vous en souvenez.
En revanche, vous l'avez d'ailleurs rappelé vous-même, il est certainement possible de mieux diffuser les bonnes pratiques et de développer les actions de médiation et de prévention mises en place par certaines communes. Vous avez eu l'amabilité de citer dans votre rapport la commune dont je suis le maire ; la mairie de Rueil-Malmaison a, en effet, édité un guide des bonnes pratiques pour réduire les nuisances sonores dues à l'activité des commerces. Les prescriptions de ce guide sont mises en oeuvre et cela marche bien. Je souhaite que mes collègues maires s'en inspirent.
Je vous remercie de le rappeler.
Monsieur Brottes, si vous voulez avoir un Décibel d'argent, il serait judicieux que vous vous inspiriez dans votre commune de ce qui a été fait à Rueil-Malmaison plutôt que de me critiquer dans cette séance.
À Paris, des états généraux de la nuit ont été lancés il y a un an et permettent, depuis, une bonne concertation des différents acteurs. Cette concertation continue. Les maires peuvent donc aussi agir dans le domaine de la prévention, madame la députée. Vous ne l'ignorez pas puisque vous l'avez évoqué tout à l'heure, et vous savez très bien que nous avons raison tous les deux dans ce domaine.
Il est d'ailleurs dommage que, sur un sujet où les choses peuvent être améliorées, vous proposiez des dispositifs peu en relation avec la réalité de notre droit, sans privilégier au préalable la concertation avec tous les acteurs concernés. Je pense en tout premier lieu à l'Association des maires de France, mais aussi aux professionnels du secteur, car il faut les associer. Je suis un homme qui croit à la concertation, qui croit à la prévention. Lorsqu'on est élu local, on ne peut être en phase avec sa population si l'on ne prend pas énormément de temps – et ce n'est pas du temps perdu – à discuter en amont, à se concerter, à dialoguer. Si vous voulez, un jour, en faire l'expérience, je vous invite à venir voir dans ma ville comment nous faisons. L'Association des maires de France est, elle aussi, disposée à aider à la diffusion de ces bonnes pratiques ; il suffit de la saisir ou de contacter le président Pélissard.
Le Gouvernement est, par ailleurs, tout à fait favorable, comme vous le souhaitez, à une réflexion d'ensemble sur la problématique du partage de l'espace public. Il n'y a pas du tout de blocage de notre part. Le maire de Saint-Cloud, ici présent, fait la même chose que moi dans sa commune, M. Tiberi, présent lui aussi, l'avait fait précédemment à Paris. Le Gouvernement a le souci d'aider les maires, quelle que soit leur appartenance politique, à gérer les problèmes qui se posent dans l'espace public. Par exemple, pourquoi ne pas imaginer un groupe de travail réunissant l'ensemble des ministères concernés, les élus au travers de l'AMF et les professionnels ? Je vais le proposer à M. Guéant, si vous en êtes d'accord, et je suis sûr qu'il acceptera.
Sans doute peut-on regretter le laps de temps trop important entre la constatation de l'infraction et la sanction. Là, vous avez raison. Il faut donc trouver les voies d'une amélioration de la saisine du juge. Sans doute encore peut-on imaginer une meilleure efficacité des sanctions administratives. Tout ce que vous demandez existe déjà mais est perfectible. Il faut donc chercher en commun les moyens de cette amélioration, mais ce n'est pas la peine de faire un texte de loi de plus qui, malheureusement, ne règlera pas les problèmes.
Nos efforts doivent également porter sur la constatation de l'infraction parce que c'est la phase la plus déterminante, alors même que beaucoup des structures incriminées ne sont pas fixes : il s'agit parfois seulement de tables et de chaises, rentrées aussi vite qu'elles sont sorties. C'est alors un problème, car il n'y a plus grand-chose à constater. Au lieu de cela, votre proposition de loi cherche à instituer un dispositif supplémentaire pour réglementer l'occupation de l'espace public en ouvrant au conseil municipal la compétence de créer, par délibération, un barème d'astreinte gradué en cas d'installation illicite sur la voie publique. Ce n'est pas la bonne solution. Ce pouvoir, vous avez déposé un amendement pour clarifier ce point, serait confié au maire, le préfet n'agissant qu'en cas de carence. Mais le préfet peut-il recourir à une astreinte dans un tel cas ? La question se pose.
Cette question, plusieurs de vos collègues se la sont d'ailleurs posée puisque, lors de l'examen de votre texte en commission, MM. Perben, Goasguen et Bénisti ont émis des doutes sur la constitutionnalité de ce dispositif qui ne prévoit aucune intervention du juge.
Vous avez répondu par anticipation, je vous ai entendue, mais je maintiens que le doute existe. Le Gouvernement ne peut pas, juste pour abonder dans votre sens, affronter ce qu'il considère comme un doute très sérieux sur le plan constitutionnel.
Le Gouvernement ne l'a pas soulevé face à notre collègue Sébastien Huyghe, du groupe UMP !
Vous m'interrompez toujours, non pas pour répondre aux questions que je vous pose mais à celles que je ne vous pose pas ! Je ne vous comprends pas, madame la rapporteure.
Votre proposition de loi présente un troisième défaut : son titre II, dans lequel vous proposez : de réprimer les appels pour tapage nocturne abusif – je suis le premier à souhaiter qu'on le réprime ; de réformer les règles de sécurité incendie applicables à certains établissements ; d'encadrer les règles d'ouvertures nocturnes des établissements à Paris. En plus d'être difficilement applicables, ces mesures risquent de se révéler contre-productives.
Prenons, d'abord, la sanction des appels abusifs. En plus de relever du domaine réglementaire, cette mesure ne fait pas l'objet d'une définition suffisamment précise dans votre proposition de loi : nous ne pouvons pas légiférer dans l'incertitude. Même en admettant que ce soit du domaine législatif – ce n'est pas mon avis –, votre texte est trop imprécis pour que nous puissions accepter sa rédaction.
Quels numéros d'urgence seraient concernés ? Uniquement le 17 ou également le 15, pourquoi pas le 18 ?
Comment établir avec certitude qu'un appel est sans objet ? Ce problème préoccupe le praticien que je suis dans ma commune, de même qu'il doit préoccuper tous les élus locaux présents. Comment décider qu'un appel est abusif et que la personne qui appelle n'est pas dans la difficulté qu'elle prétend signaler ? Pour ma part, je n'ai pas encore trouvé la solution.
Si le trouble a cessé au moment de l'intervention des forces de sécurité, faudra-t-il mener une enquête de voisinage pour savoir si l'appel était effectivement fondé ? Rappelons que votre dispositif, madame, prévoit des sanctions. Que fait la police quand elle ne constate rien à son arrivée ? Comment détermine-t-elle que l'appel était abusif ?
Monsieur Caresche, on peut répondre en rigolant, mais j'essaie de répondre sérieusement à Mme Mazetier.
Pensez-vous que les forces de police ont le temps de procéder à des enquêtes de voisinage quand dix ou quinze appels successifs paraissent abusifs ?
Très intéressant : les forces de police font souvent autre chose, en effet, vous l'avouez !
Non, les forces de police font aussi cela. Faut-il leur compliquer la tâche en leur faisant faire des enquêtes qui ne sont pas fondées ?
Je veux bien, une fois de plus, que vous preniez les choses en rigolant,…
…mais ce serait bien que vous vous confrontiez aux problèmes locaux, en tant qu'élu local. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.)
Moi, ça ne fait que vingt ans que je suis maire, monsieur Caresche, et dans deux communes différentes, et j'ai été réélu régulièrement !
Monsieur le ministre, n'interpellez pas les députés qui ont déjà tendance à intervenir.
Madame la présidente, si on ne m'interrompait pas, je ne répondrais pas !
Faites taire M. Caresche, alors !
Si vous voulez ! Qui fait la police de l'hémicycle ? Mon appel serait-il abusif ? (Sourires.)
Je ne le crois pas.
Revenons-en au texte. L'appel abusif est quelque chose de difficile à définir. Le Gouvernement ne peut pas accepter qu'on légifère en créant de l'incertitude dans le droit. Malheureusement, le texte n'est pas suffisamment précis. N'y aurait-il pas une disproportion manifeste entre les moyens déployés et l'objet de l'enquête ? Selon moi, la disproportion manifeste est évidente.
Au-delà de ce flou contraire aux règles du droit pénal, les renseignements fournis par la préfecture de police de Paris démontrent que les appels reçus pour tapage nocturne sont généralement fondés. À trop vouloir lutter contre des abus exceptionnels, on risquerait donc de décourager des appels indispensables. C'est le chat qui se mord la queue : qui a raison, à quel moment ?
Faut-il décourager ceux qui ont envie d'appeler par réel besoin mais qui craignent de voir leur appel qualifié d'abusif, quand ils veulent signaler, par exemple, une bagarre de rue, un rodéo de scooters ou une dispute familiale violente ? Autant d'événements qui se produisent fréquemment, dans ma ville comme dans les vôtres sans doute, et à des heures indues dans la nuit.
Quant à votre proposition de faire évoluer les règles de classement des établissements au regard de la sécurité incendie, elle est inadaptée, je suis désolé de vous le dire. Les principaux critères de classement d'un établissement recevant du public sont sa taille, sa capacité d'accueil et son activité. Ils déterminent les moyens de secours à mobiliser et les mesures de prévention à prendre.
Qu'un établissement soit ouvert ou non la nuit ne modifie pas les risques auquel les personnes accueillies sont exposées. Le reclassement proposé pourrait entraîner des exigences supplémentaires pour certains établissements. Il contribuerait aussi à faire dépendre la sécurité du public de critères économiques et non plus seulement de l'exposition au risque. Ce n'est pas acceptable.
Enfin, votre volonté d'inscrire dans la loi la pratique actuelle de la préfecture de police fixant les horaires de fermeture des débits de boissons est inutile.
En effet, cet arrêté prévoit également la possibilité d'accorder des dérogations à certains établissements. Or, à Paris, les dérogations accordées, suite à une première demande, le sont pour six mois dans la quasi-totalité des cas. Seules des circonstances exceptionnelles, liées à l'exploitant ou à la sensibilité du lieu ou du quartier, conduisent à des autorisations de trois mois, notamment pour ce qui concerne les bars à hôtesses ou les clubs échangistes.
Le maire de Rueil-Malmaison fait en sorte qu'il n'y en ait pas, monsieur Caresche ! (Sourires.)
Je vous expliquerai, monsieur Brottes, pourquoi Rueil s'appelle Malmaison, mais pas maintenant. (Sourires.)
Madame Mazetier, mes propos peuvent paraître décousus même s'ils ne le sont pas, mais M. Caresche n'arrête pas de m'interrompre. J'espère que vous arrivez à me comprendre.
Sauf incident, les renouvellements sont accordés pour une période d'un an.
Il n'est pas utile de traiter par la loi ce qui relève du pouvoir des préfets et leur confère un pouvoir d'appréciation des situations locales. La capacité d'appréciation est indispensable, tant les cas sont différents. C'est un élément extrêmement fort de cette délégation qui est donnée au préfet.
Si la proposition de loi venait à être adoptée, l'impossibilité de moduler la durée de dérogation pourrait conduire à refuser cette dérogation lorsque l'administration conserve des doutes sur le risque de troubles. Ce serait le tout ou rien, sans possibilité d'accorder une dérogation pour une durée de trois mois qui s'apparente à une période d'essai. Il faut donc garder de la souplesse et laisser une liberté d'appréciation au préfet ou au maire.
Ainsi, au titre des six premiers mois de l'année 2011, le préfet de police de Paris a accordé cinquante-trois autorisations d'ouverture de nuit suite à une première demande, dont quarante-trois pour une durée de six mois et dix pour une durée de trois mois. Cette durée de trois mois se révèle parfois utile et il ne faut pas supprimer la possibilité de la retenir.
Mesdames et messieurs les députés, ce sujet suscite un vrai sentiment d'agacement chez nos concitoyens lorsqu'ils jugent que les règles du jeu de la vie en société ne sont pas respectées et que les sanctions tardent à être appliquées. Beaucoup de choses sont mises en place au niveau local, de la concertation à la médiation, et il faut aller plus loin. Le Gouvernement y est prêt en associant largement les élus et les professionnels.
Mais la solution n'est ni un transfert du pouvoir de sanction, ni la sanction des appels d'urgence, ni encore un cadre beaucoup trop rigide qui serait inopérant là où le pouvoir d'appréciation est plus efficace.
Pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, le Gouvernement vous demande, mesdames et messieurs les députés, de rejeter la proposition de loi qui vous est proposée aujourd'hui.
Je vous remercie.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le vice-président de la commission des lois, madame la rapporteure – vous qui êtes à l'initiative de cette excellente proposition de loi, soyez-en remerciée –, chers collègues, la ville, c'est sa caractéristique essentielle, concentre sur un territoire limité un nombre important d'habitants et d'activités. Elle est le lieu par excellence de la multiplication des initiatives et de l'interaction permanente entre les individus. La formule qui semble attribuer ce seul privilège à New York, vaut en fait pour toutes les grandes villes du monde : elles ne dorment jamais.
Le XXe siècle a été celui du triomphe de la civilisation urbaine. La ville constitue, en effet, à l'échelle mondiale, le milieu de vie dominant. Ce phénomène, qui vaut massivement pour la France, nous invite ainsi à repenser nos modes de régulation du vivre ensemble. La ville est une densification de la vie collective. Les problèmes s'y posent avec une intensité toute particulière qui réclame des réponses, notamment législatives, adaptées.
La proposition de loi qui nous est présentée aujourd'hui constitue, en ce sens, une initiative particulièrement heureuse qui permettra de compléter le cadre dans lequel agissent les élus locaux en milieu urbain. En effet, ce milieu est marqué par des contradictions fortes entre le développement des activités, notamment de divertissement, et le besoin de tranquillité. Ces contradictions, il faut y faire face. Il s'agit de réconcilier, en organisant au mieux, ce qui fait l'attractivité et l'intérêt d'une ville cependant que symétriquement sont prises en compte les aspirations légitimes de celles et ceux qui y résident.
Cette proposition de loi entend donc courageusement apporter des solutions adaptées à des problèmes qui se font de plus en plus criants et qui laissent parfois germer dans les esprits de fausses représentations de la réalité.
Ainsi, par exemple, depuis quelque temps, circule l'idée que Paris, en matière de sorties nocturnes, serait devenu bien pâle au regard d'autres villes comme Londres, Berlin ou Barcelone. À en croire les propos tenus, Paris, après avoir été une référence mondiale pour la vie nocturne, se meurt en silence la nuit. Cette perception, relayée par de nombreux artistes, exploitants de lieux de diffusion, acteurs des musiques actuelles et professionnels de la nuit, ne peut que nous interpeller. Et ce d'autant plus que cette perception paraît s'étendre, au-delà de Paris, vers d'autres grandes villes de province, pourtant connues pour le dynamisme de leur vie nocturne telles Rennes, Toulouse ou Bordeaux.
Il s'agit donc de tenir compte des inquiétudes légitimes des lieux de culture et de diffusion de proximité, tout en prenant en considération les attentes des habitants. En d'autres termes, et pour reprendre les propos que le maire de Paris, Bertrand Delanoë, a tenus en ouverture des états généraux de la nuit qui se sont tenus à Paris en novembre 2010 : « Il faut prendre au sérieux l'ensemble des demandes : le besoin de tranquillité, mais aussi de fête. » En rassemblant des sociologues, des urbanistes, des professionnels de la nuit, des associations de riverains, des habitants membres des conseils de quartier et des élus locaux, ces états généraux de la nuit parisienne ont été un moment d'échanges fructueux permettant de nourrir la réflexion et de contribuer ainsi efficacement à la proposition de loi qui nous est présentée aujourd'hui.
Il est heureux que la loi s'intéresse au sujet délicat qu'est le partage harmonieux de l'espace public. Ce sujet est, en effet, générateur de tensions croissantes entre les habitants, qui n'hésitent pas à s'organiser en associations de riverains, et les exploitants d'établissements à vocation nocturne qui, eux-mêmes, ne manquent pas de se regrouper pour faire entendre leur voix. Ces riverains et ces exploitants se tournent spontanément vers les élus locaux, qui sont des interlocuteurs logiques et pourtant souvent démunis face à un vide juridique ou à certaines limites qui les empêchent d'agir concrètement.
La première des limites tient aux moyens permettant de faire respecter les règles liées à l'occupation commerciale de l'espace public. Dans ce domaine, il faut avancer avec un principe simple : tout règlement ne tient que par les sanctions qu'il prévoit. Or force est de constater que les sanctions en vigueur ne sont en rien efficaces. Il y a, par conséquent, le besoin incontestable d'un dispositif réellement dissuasif, permettant de contraindre les contrevenants au règlement. C'est pourquoi, les dispositions contenues dans le titre I de cette proposition de loi, qui donnent aux maires et aux municipalités la possibilité d'établir des sanctions graduées et proportionnées intégrant notamment une astreinte en cas d'absence de mise en conformité, constituent une avancée décisive permettant aux élus locaux d'assumer pleinement et efficacement leur rôle de régulateur. Je vous le dis : nous ne demandons que cela. Des régulateurs, les élus locaux doivent pouvoir l'être pleinement, eux qui – si j'ose m'exprimer ainsi – se trouvent pris entre deux feux.
Cette réalité, en tant que maire du 11e arrondissement, arrondissement festif dans lequel se trouvent les quartiers de sortie à réputation mondiale Bastille et Oberkampf, je crois la connaître de manière assez fine. Elle est l'expression d'une complexité dans laquelle il est impératif de prendre en compte les intérêts individuels et collectifs.
Parmi ces derniers, il en est un, essentiel, qui consiste à maintenir une vie culturelle et festive qui, par ailleurs, est déterminante pour l'attractivité et l'intérêt d'une ville. C'est en ce sens qu'un équilibre doit être atteint, qui assure aux établissements qui respectent pleinement – j'insiste sur ce point – les règles et les normes, de bénéficier d'un cadre plus adapté qui donne une plus grande place à la médiation.
C'est en ce sens que l'article 6, qui prévoit des amendes pour abus de recours aux numéros d'urgence pour tapage nocturne, est un moyen, certes audacieux, mais, je crois, pertinent. Il doit permettre à la fois de diminuer le volume de plaintes injustifiées mais également d'orienter les appels vers les commissariats de proximité qui seraient, si des moyens humains étaient affectés à ces missions, naturellement, l'échelon idoine pour mener une action efficace de médiation. À cet égard, l'argumentation du ministre contre cette disposition de la proposition de loi ne nous a en rien convaincus.
Instaurer un cadre mieux adapté pour les établissements de nuit, à la nature d'ailleurs de plus en plus diversifiée, c'est également réduire un aléa qui pèse trop lourdement sur leur activité, notamment lors de leur démarrage. Cet aléa tient à la durée trop courte de la première autorisation d'ouverture de nuit. Aussi l'expérimentation à Paris d'une première autorisation de nuit durant six mois doit-elle permettre aux nouveaux établissements d'envisager de manière moins risquée leur programmation. Ce mécanisme est d'autant plus vertueux que l'établissement a tout intérêt à ne pas commettre d'infraction au cours de cette période car, dans ce cas, il peut alors envisager un renouvellement de son autorisation d'ouverture pour une durée d'un an.
Pris entre deux feux, on peut vite être tenté de choisir un camp. Or tel n'est pas le rôle des élus, mes chers collègues. Ce rôle, c'est, au contraire, dans la sérénité et l'équilibre, de décider de ce qui est bon pour la collectivité dans son ensemble. La ville nous lance de nouveaux défis et les conditions du vivre ensemble en milieu urbain constituent incontestablement un champ législatif à investir.
Cette proposition de loi ne règle certes pas tout, mais elle a le grand mérite d'explorer de nouvelles voies et d'amorcer une action attendue à la fois par les habitants des villes et par les professionnels de la nuit, qui se sentent finalement, les uns comme les autres, insuffisamment écoutés, parfois même abandonnés.
Dès lors, il n'y aurait rien de pire que de ne rien tenter. Ce n'est pas du silence ou du bruit que les villes se meurent, c'est bien d'immobilisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la proposition de loi pour une urbanité réussie, de jour comme de nuit ;
Proposition de loi tendant à prohiber la différence de taux de sucre entre la composition des produits manufacturés et vendus dans les régions d'outre-mer et celle des mêmes produits vendus dans l'hexagone ;
Proposition de loi visant à suspendre la fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A.
Proposition de loi instaurant une épreuve de « formation aux premiers secours » pour les candidats au diplôme national du brevet des collèges.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron