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Intervention de Yves Cochet

Réunion du 6 octobre 2011 à 9h30
Hydrocarbures non conventionnels — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Cochet :

Ce n'était qu'un tour de passe-passe pour gagner du temps. Cette loi ne satisfait ni les parlementaires de l'opposition, ni les élus et les citoyens qui se sont mobilisés depuis des mois, et poursuivent leur combat contre des projets qu'ils rejettent et contre une énergie qu'ils condamnent. Car c'est cela le fond de l'affaire : vous avez beaucoup argumenté, madame la ministre, monsieur le rapporteur, contre la seule fracturation hydraulique. En l'interdisant, on interdit de fait l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels ; mais on laisse entendre que la science, l'innovation, le progrès pourraient permettre de trouver une autre méthode, moins impactante, afin de pouvoir, enfin, exploiter ces mines – de dollars ou d'euros ! – d'hydrocarbures non conventionnels.

Notre point de vue est différent. Effectivement, la méthode de la fracturation a des effets dévastateurs sur l'eau, l'atmosphère – il peut y avoir des fuites de gaz et on sait que le méthane a un forçage radiatif beaucoup plus important et plus rapide que celui du CO2,–, le paysage, sur la circulation automobile enfin avec une augmentation du nombre de camions sur les routes. Mais il n'y a pas que cela : pour nous, c'est la substance elle-même qui obère la transition énergétique vers la sobriété, l'efficacité et les énergies renouvelables. Plusieurs études montrent que si l'on investissait dans ce domaine, on n'investirait pas ailleurs : c'est un peu ce qui se passe avec pour le nucléaire. On parle quelquefois de « bouquet énergétique : c'est une manière rhétorique pour cacher le fait que l'on continue d'exploiter des énergies du passé condamnées en raison de leur impact environnemental et de leur investissement financier excessif.

La loi de juillet 2011 se borne à solliciter des titulaires de permis un rapport faisant état des techniques envisagées ; pour nous, ce texte compromet la transition énergétique et le respect des engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre pris par la France.

Comment parer à la raréfaction du pétrole ? Son prix varie, mais la tendance est à une hausse inéluctable. Il aurait fallu – je le regrette comme vous, madame la ministre – investir massivement depuis plusieurs décennies dans la sobriété énergétique, l'efficacité et les énergies renouvelables. Au lieu de cela, le Gouvernement s'obstine dans la fuite en avant énergétique et le gaspillage. Il a voulu aider à l'exploration et à l'exploitation des hydrocarbures de schiste, et a décidé de s'orienter vers l'exploitation d'hydrocarbures non conventionnels, notamment par les forages en eaux profondes. C'est également cela que nous récusons dans notre proposition de loi : il conviendrait au contraire de se poser courageusement la question du sens et du contenu de notre consommation énergétique, notamment avec les sources primaires auxquelles nous faisons appel.

Refuser l'exploration et l'exploitation des gaz et huiles de schiste, c'est un choix de civilisation. Ce n'est pas seulement récuser la technique de la fracturation ; nous sommes d'ailleurs tous d'accord pour en reconnaître la dangerosité. Il s'agit de savoir comment initier la transition énergétique et ne pas rester aveugles à la dégradation de la biosphère.

La proposition de loi se propose de préciser la notion d'hydrocarbures non conventionnels ; notre rapporteur s'y est employé. Il s'agit également de définir la fracturation hydraulique. Le texte de juillet 2011 l'interdit, mais sans détailler ses implications techniques et ses effets environnementaux. Enfin, il s'agit de stopper tous les permis.

J'en viens maintenant à deux aspects souvent sous-estimés. D'abord quelques précisions sur l'impact environnemental. Vous avez peut-être eu connaissance d'une étude publiée par l'université Cornell aux États-unis : selon celle-ci, le processus d'exploitation des gaz et huile de schiste pris dans son ensemble – du puits à la roue, en quelque sorte –, aurait sur le climat des effets aussi négatifs que l'exploitation du charbon.

Il faut également s'interroger sur ce que l'on peut appeler le rendement thermodynamique de la filière, là aussi du puits à la roue. Une étude publiée par l'Institut de recherche et d'informations socio-économiques québécois estime que le rendement thermodynamique de la filière est assez bas, de l'ordre de deux pour un, voire un pour un, comme les biocarburants, dont vous êtes, madame la ministre, une porte-parole vertueuse, allant jusqu'à parler de « pétrole vert de la France »…

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