Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous avions prévenu, au cours de l'examen du texte proposé par M. Jacob, que les entreprises titulaires des permis tenteraient de contourner la loi, car elle était insuffisamment précise. Nous en faisons aujourd'hui l'expérience avec le cas du permis de l'entreprise Total à Montélimar.
La loi du 13 juillet 2011 interdit de recourir à la méthode de la fracturation hydraulique pour l'exploitation des gisements de gaz de schiste, compte tenu de ce que cette technique implique en termes de dégâts et de pollutions provoquées notamment dans les nappes phréatiques. Nous n'avons cessé de le préciser au cours de nos travaux préalables, que ce soit lors du débat que les députés du groupe GDR avaient arraché en mars dernier, ou bien quand les chantiers de gaz et huiles de schiste apparaissaient ici et là sur le territoire, ou encore au moment de la discussion de la proposition de loi de Christian Jacob au mois de mai.
Madame la ministre, vous vous ralliez à l'interdiction de trois permis – Montélimar, Nant et Villeneuve-de-Berg –, et nous ne pouvons que nous en féliciter. Toutefois, ce recul du Gouvernement est surtout le résultat d'une très forte mobilisation contre les projets d'exploration initialement autorisés en catimini par le ministre Jean-Louis Borloo, après une modification sur mesure du code minier, par ordonnance, favorable aux grands groupes, cela en attendant une véritable réforme dudit code. J'ajoute que cette modification a été introduite alors même que l'encre des lois du Grenelle de l'environnement n'était pas encore sèche. En ce sens, il faut féliciter tous ceux qui se sont engagés dans ce combat, tous les collectifs citoyens, d'habitants et d'associations, tous les élus qui se sont levés alors que le Gouvernement prétendait qu'on ne pouvait rien faire puisque les autorisations avaient déjà été délivrées.
L'annonce de cet abandon des trois permis de recherche mentionnés n'est sans doute pas étrangère à la visite du Président de la République dans les Cévennes où il aurait sans doute été interpellé sur le sujet, notamment par les élus ainsi que par les habitants.
Il ne faudrait, toutefois, pas oublier les autres permis en vigueur sur le territoire national et incluant l'exploration de gaz ou huiles de schiste. Je ne reviens pas sur la question des permis offshore, notre collègue Christiane Taubira l'a déjà évoquée. Faut-il attendre que le Président visite les territoires concernés pour que les permis restants soient, eux aussi, abrogés ?
Que deviennent les quatre permis relatifs à l'huile de schiste, qui, en Île-de-France, concernent particulièrement le département de la Seine-et-Marne ? Comment comprendre que la préfecture de ce département a récemment indiqué aux entreprises titulaires des permis de recherche qu'elle ne s'opposerait pas à leur demande d'installer quatorze points de surveillance de la nappe d'eau de Champigny ? N'est-ce pas là une forme de reconnaissance de la poursuite de la mise en oeuvre de la fracturation hydraulique, cela alors que ces nappes d'eaux sont vitales et que toute pollution serait dramatique ?
Certes, les enjeux financiers sont importants et l'entreprise Total, envers et contre tout, en niant l'évidence, continue d'affirmer qu'il est possible d'extraire sans recourir à la fracturation. Il est vrai que le texte adopté en juin dernier est suffisamment flou pour permettre des interprétations très diverses. Si la loi interdit la méthode de fracturation hydraulique en vue de l'exploration des hydrocarbures non conventionnels, à aucun moment elle n'en donne une définition, ce qui laisse la porte ouverte aux compagnies pétrolières pour proposer des solutions alternatives qui n'en sont pas vraiment.
C'est ce que Total a, semble-t-il, tenté de faire. En effet, la technique de fracturation par le propane et l'air comprimé ou encore la technique de l'arc électrique ont les mêmes conséquences sur l'environnement et singulièrement sur les nappes phréatiques, l'air ou la mer en cas d'exploration offshore ; sans compter que le bilan carbone de l'exploitation des gaz et huiles de schiste est catastrophique.
Ainsi que le relève le rapport, une étude de l'université de Cornell aux États-Unis montre que l'on se situe sur des niveaux comparables au bilan carbone du charbon si l'on considère la totalité de la filière, de l'exploitation à la combustion finale. L'urgence planétaire consiste à diminuer les rejets de carbone dans l'atmosphère et non à les augmenter. Or la mise en exploitation des hydrocarbures non conventionnels ne fait qu'aggraver la situation.
Même le bilan économique pose visiblement problème. Le coût de l'extraction est beaucoup plus élevé que celui des hydrocarbures conventionnels et un forage s'épuise très rapidement, ce qui demande leur multiplication, se révèle coûteux et, là aussi, dommageable à l'environnement.
Nous sommes donc très loin des engagements du Grenelle de l'environnement. Aussi, au lieu d'essayer désespérément de repousser les échéances de la transition énergétique, il vaudrait mieux s'y attaquer dès à présent. C'est pourquoi, madame la ministre, au nom du parti de gauche, je réitère ma proposition de mettre en place une véritable planification écologique, notamment sur les enjeux énergétiques, afin d'affronter l'avenir dans les meilleures conditions.
Plutôt que de tergiverser et faire semblant d'interdire par la loi sans interdire pour, in fine, interdire au cas par cas, permis par permis, il vaudrait mieux voter le présent texte proposé par les socialistes, les écologistes et le parti de gauche. Il a le mérite de la clarté et permettrait d'éviter de recommencer ces « entre-deux » qui conduisent des entreprises comme Total à songer à intenter des recours. Il convient d'arrêter dès à présent et d'affirmer clairement que nous n'avons pas besoin de ces exploitations : il nous faut passer à une autre civilisation, celle de la sortie des économies carbonées. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)