La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
« Des hélicoptères de l'armée – je cite –, pilotés par des mercenaires, ont bombardé, en violation du droit international humanitaire, plusieurs quartiers de la ville où les rebelles se cachaient. Les pertes ont été très importantes dans la population civile. On a en effet décompté en quelques jours 977 tués, 1 758 blessés et 32 femmes violées. »
Ce document ne se rapporte pas à la Libye, même s'il pourrait évidemment concerner les événements dramatiques qui ont lieu dans ce pays. Il s'agit du rapport élaboré par la commission d'enquête internationale sur le Tchad à l'été et à l'automne 2008, faisant état des atrocités commises par le Président de l'État tchadien contre son propre peuple lors des événements des 2 et 3 février 2008.
C'est à l'occasion de ces événements qu'a disparu M. Ibni Oumar Mahamat Saleh, disparition sur laquelle cette assemblée a réclamé la vérité, par une résolution votée à l'unanimité il y a un an.
Monsieur le ministre, puisque vous prenez vos fonctions, je souhaiterais que vous nous aidiez à faire avancer ce dossier et que vous ne vous contentiez pas de me répondre, comme tous vos prédécesseurs, qu'une enquête est engagée au Tchad : voilà trois ans qu'on nous annonce que cette enquête est en cours et qu'elle ne débouche sur rien.
Je souhaite que vous preniez des initiatives concrètes et qui sont de deux ordres. D'abord, il faudrait que vous utilisiez le poids de la France pour que le gouvernement tchadien comprenne la nécessité de faire la transparence et la vérité. Pour cela, il conviendrait ensuite que vous acceptiez de déclassifier l'ensemble des informations transmises par l'ambassade de France au Tchad lors de ces événements et par les services militaires de coopération associés au président tchadien.
Tirons les leçons de la Libye et de l'Égypte. Ne restons pas dans une bienveillance coupable à l'égard de régimes dictatoriaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.
Monsieur le député, je ne reviens pas sur les circonstances de la disparition d'Ibni Oumar Saleh, que vous venez de rappeler. Cette affaire est régulièrement évoquée par les autorités françaises dans les contacts qu'elles ont avec les autorités tchadiennes. Nous nous sommes attachés à ce que la justice tchadienne puisse enquêter en toute indépendance et aboutir à des conclusions crédibles. Je vous rappelle que le Tchad est un État souverain.
Nous sommes intervenus pour la nomination de deux experts internationaux, l'un de l'Organisation internationale de la francophonie, l'autre de l'Union européenne, afin qu'ils suivent les travaux du comité de suivi des conclusions de la commission d'enquête sur les événements de février 2008 et apportent leur expertise juridique. Ils ont effectué des missions au Tchad depuis fin 2010, et les autorités tchadiennes ont démontré, d'après les informations dont je dispose, une volonté de transparence à leur égard.
Nous poursuivons nos interventions auprès de ces autorités pour que toute la vérité soit faite sur la disparition d'Ibni Oumar Saleh.
Je vous rappelle par ailleurs, s'agissant de la déclassification, que la ligne du Gouvernement, sous l'autorité du Premier ministre – et je l'ai appliquée en tant que ministre de la défense –, consiste à suivre l'avis de la Commission consultative du secret de la défense nationale chaque fois qu'une déclassification nous est demandée. Nous travaillons en toute transparence. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Bernard Depierre, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Ce matin, madame la ministre, vous avez lancé dans une station-service, avec Frédéric Lefebvre, une campagne de contrôle des prix des carburants à la pompe par les services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Cette mobilisation est la bienvenue puisque, sur fond de révolte du monde arabe, avec les crises tunisienne, égyptienne, libyenne et le risque de contagion à l'ensemble du Moyen-Orient,…
…le prix du pétrole ne cesse de flamber, et par là même le pouvoir d'achat des Français de baisser. L'essence sans plomb atteint les niveaux records de 2008, à plus de 1,50 euro par litre. Ainsi, comme vous l'avez rappelé hier dans notre hémicycle, les ménages français consacrent aujourd'hui environ 7 % de leur budget à ce poste de dépense.
Or il s'agit d'une dépense contrainte. En effet, bon nombre de nos concitoyens n'ont d'autre choix que d'utiliser leur véhicule personnel pour se rendre sur leur lieu de travail. Et quand ils pourraient avoir le choix, on constate tristement que de nombreuses collectivités ne trouvent rien de mieux que d'augmenter le prix des transports en commun. Ce fut le cas l'année dernière à Paris, et récemment encore à Lille, avec une augmentation de plus de 5 % dans la métropole lilloise.
Plusieurs députés du groupe UMP. Bravo Martine !
Madame la ministre, quelles suites entendez-vous donner, avec Frédéric Lefebvre, à vos annonces de ce matin sur les prix des carburants pour les consommateurs ? Comment comptez-vous les aider à mieux maîtriser ce poste de dépense qui ne cesse de croître ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur Depierre, je tiens d'abord à vous indiquer que les capacités de production des pays pétroliers sont aujourd'hui bien supérieures à ce qu'elles étaient en 2008. À cet égard, il n'y a donc pas lieu à des mouvements de panique.
Deuxièmement, Frédéric Lefebvre et moi-même avons décidé d'être extrêmement concrets pour nos concitoyens. Concret, cela signifie : transparence, concurrence, contrôle.
Transparence : nous avons mis en place le site « prix-carburants.gouv.fr », où les stations-service renseignent sur les prix des carburants à la pompe pour le super comme pour le gazole. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Concurrence ensuite, car nous avons constaté que, d'une station-service à l'autre, les écarts peuvent atteindre 25 centimes par litre. Chacun peut le relever : les écarts sont significatifs.
Contrôle enfin : nous avons souhaité également lancer tous les agents de la DGCCRF dans une mission de contrôle des prix du carburant, pour qu'ils vérifient sur place et sur pièces qu'il n'y a pas de tromperie des consommateurs, en particulier que les prix sont bien les mêmes sur le site internet – consultable également avec des applications sur téléphone mobile et sur GPS – et à la pompe ou aux totems.
J'ajoute que nous avons lancé aujourd'hui l'observatoire des prix et des marges pour les carburants, y compris le fioul. Nous pourrons ainsi comparer les prix du baril à la sortie du raffinage avec ceux pratiqués à la pompe pour vérifier où se font les marges. Cela nous permettra, à la demande du Premier ministre, de réunir l'ensemble des acteurs de la filière (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC) avant la fin du mois pour réexaminer ces questions de marges. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, alors que les profits des grandes entreprises atteignent des sommets, vous êtes toujours le commis zélé de ceux qui veulent s'enrichir toujours plus (« Oh ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP), et surtout sans risques pour leur portefeuille. Vous avez une alliée de choix en la personne de la Chancelière allemande, Mme Angela Merkel. Ce sera sans aucun doute encore le cas dans deux jours, lors du sommet des chefs d'État et de gouvernement de la zone euro ; au programme : un pacte de compétitivité censé éviter la répétition de crises financières... un pacte caché, révélé ce matin par L'Humanité, qui, vous le voyez, en a fait son titre. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Alors que les conséquences seront d'une extrême gravité pour le niveau de vie de nos concitoyens et encadreront nos choix nationaux, le Parlement est en effet tenu à l'écart.
Certes, une version allégée de ce document vient d'être dévoilée pour apaiser les critiques suscitées par le projet initial. Mais l'essentiel reste.
Il s'agit, tout d'abord, de « faire évoluer en ligne les coûts sur la productivité » par la « modération salariale », c'est-à-dire d'abolir l'indexation des salaires sur l'inflation et de rompre avec les négociations collectives. Est-ce que 7,8 millions de personnes vivant dans notre pays sous le seuil de pauvreté ne suffisent pas ?
Il s'agit aussi d'inscrire le plafonnement des déficits publics dans la Constitution, pour graver dans le marbre des limites aux dépenses sociales : bel artifice pour écraser les services publics sans en assumer la responsabilité directe ! Est-ce que vous pensez que le Parlement est un tel frein à la politique d'austérité qu'il faille le déposséder ?
Il s'agit enfin de définir au niveau européen un cadre commun pour lier l'âge de la retraite à l'évolution de la démographie, avec, en point de mire, la retraite à soixante-sept ans. Est-ce que vous ne pourriez pas plutôt initier une meilleure répartition des richesses et la contribution du capital au financement de notre système de protection sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le député, quel est l'objectif poursuivi par le pacte de compétitivité et de convergence ? Il est très simple : rétablir les conditions d'une croissance solide, durable et créatrice d'emplois. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Parce que la priorité des priorités du gouvernement de François Fillon, c'est la création d'emplois. Quand on crée des emplois dans une économie, on préserve le pouvoir d'achat de ses concitoyens.
Je vous rappelle qu'en 2010 l'économie française a créé 110 000 emplois, qu'en l'espace d'un an le chômage a régressé, passant de 9,6 à 9,2 %, et qu'au mois de janvier dernier le nombre des demandeurs d'emploi en catégorie A a baissé de 19 200 personnes.
La situation s'améliore de toute évidence (Plusieurs députés du groupe SRC entonnent « Tout va très bien, madame la marquise »),…
…mais nous devons collectivement être plus compétitifs. Cela ne signifie pas qu'il faut être plus compétitif au détriment des uns ou des autres, par des baisses de salaires, mais tout simplement que nous devons nous assurer que les augmentations de la productivité sont en ligne avec les augmentations salariales. C'est exactement la politique qui a été suivie par l'Allemagne, laquelle a pu ainsi se redresser plus rapidement et aussi faire baisser le chômage plus vite.
Il y aura donc deux principes directeurs dans ce pacte : premièrement, l'amélioration de la compétitivité ; deuxièmement, un meilleur équilibre des finances publiques.
Soyez assuré, monsieur Chassaigne, que le Parlement n'est pas tenu à l'écart puisque le premier principe qui va s'appliquer, celui de la semestrialité européenne, permettra au Parlement français de connaître l'ensemble des principes convenus au niveau européen, et au Parlement européen d'être instruit des décisions qui seront prises dans cet hémicycle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Nouveau Centre.
Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre des affaires étrangères ; j'y associe les membres du groupe d'amitié France-Arménie, et plus particulièrement notre collègue et ami, le ministre André Santini.
Monsieur le ministre d'État, il y a quatre-vingt-dix ans, le Haut-Karabakh a été rattaché à l'Azerbaïdjan soviétique par une décision du parti communiste de l'URSS, au mépris de l'histoire et des voeux de sa population. L'Azerbaïdjan actuel se prévaut indûment de cette décision arbitraire.
Après la chute du bloc soviétique, le peuple du Haut-Karabakh a conquis sa liberté au prix de beaucoup de souffrances. Mais, depuis lors, les efforts du groupe de Minsk, coprésidé par la France, les États-Unis et la Russie, pour définir les conditions d'un règlement stable se heurtent aux conflits d'intérêts entre les puissances. On refuse aux autorités du Haut-Karabakh le droit de participer à des négociations qui les concernent pourtant au premier chef.
Hier, le Président de la République du Haut-Karabakh, Bako Saakian, est venu à l'Assemblée nationale – il était présent dans cet hémicycle – nous dire tout l'espoir qu'il place dans notre pays pour peser en faveur d'une solution de paix. Comme vous le savez, monsieur le ministre d'État, le cessez-le-feu est violé quotidiennement sur le terrain et les menaces de guerre sont réelles. Aussi, avec les 145 députés qui ont signé un appel pour la paix au Karabakh, je vous demande quelles initiatives la France compte prendre à cet égard.
Par ailleurs, comment faciliter la définition d'un statut du Haut-Karabakh fondé sur le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ?
Enfin, comment faire pour qu'il soit élaboré avec la participation des représentants légitimes de sa population ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.
Monsieur le député, la France ne ménage pas ses efforts pour parvenir à une solution pacifique et négociée du conflit du Haut-Karabakh, qui demeure toujours non réglé quinze ans après le cessez-le-feu.
Depuis 1997, la France copréside avec les États-Unis et la Russie le groupe de Minsk, chargé, dans le cadre de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, de la négociation avec les parties au conflit.
Le format de négociation a évolué au cours du temps. C'est en plein accord avec la partie arménienne que les autorités de fait du Haut-Karabakh n'y ont plus été associées car, je vous le rappelle, aucun État au monde n'a reconnu l'indépendance autoproclamée par cette région.
Le Président de la République et ses homologues américain et russe ont rappelé, à l'occasion des G8 de Muskoka et de l'Aquila, les principes de base sur lesquels devait se fonder un règlement.
À l'occasion du sommet de l'OSCE à Astana, auquel participait le Premier ministre, et lors d'une nouvelle rencontre précédemment organisée à Astrakhan, les présidents arménien et azerbaïdjanais ont publiquement affiché leur volonté de poursuivre la négociation sur ces bases.
Les deux présidents se sont à nouveau rencontrés à Sotchi le 7 mars dernier. Ils poursuivent de manière constructive leurs discussions pour adopter les principes de base d'un règlement de paix préparé par les coprésidents du groupe de Minsk.
Vous voyez que nous sommes à la tâche et à la manoeuvre. Bien entendu, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes constitue pour nous le principe fondamental de tout règlement de ce conflit. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Madame la ministre de l'économie et des finances, transparence, concurrence et contrôle ne suffisent pas : les Français souffrent. Ils sont à Bordeaux 25 % à vivre au-dessous du seuil de pauvreté et plus nombreux encore à ne pas y arriver. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Cette dame, après une vie de travail, ne chauffe plus que sa cuisine et s'y cantonne. Ce salarié, contraint de prendre son véhicule pour aller travailler, ne remplit son réservoir que par petites quantités et s'interdit désormais le moindre déplacement de loisir.
L'énergie compte en effet pour beaucoup dans la dégradation du pouvoir d'achat : 20 % d'augmentation de l'électricité en cinq ans, bientôt 60 % pour le gaz, et c'est aujourd'hui le prix de l'essence qui bondit.
Le prix du baril de pétrole est actuellement à 75 euros, ce qui correspond à 1,26 euro pour le litre de sans-plomb, qui coûte en réalité 1,54 euro à la pompe. Cherchez l'erreur ! Il ne faut pas être grand mathématicien pour comprendre que l'écart entre prix à la pompe et le prix réel provient de la spéculation. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Ce que nous vous demandons aujourd'hui, c'est de prendre des mesures pour mettre fin à ces mouvements spéculatifs qui se font sur le dos des ménages. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Ce que nous vous demandons, c'est d'apporter une aide concrète à ceux qui n'ont d'autre choix que de prendre leur voiture, en modulant au moins temporairement les taxes prélevées par l'État, qui comptent pour moitié dans le prix de l'essence, et en faisant appel aux bénéfices considérables des compagnies pétrolières (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), qui sont largement en mesure de contribuer à ce que les Français ne voient pas jour après jour leur vie rétrécir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.
Madame Delaunay, vous avez parfaitement raison : le pouvoir d'achat est une préoccupation du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Et comme l'énergie représente 7 % du budget des ménages quand on y inclut les carburants, le Gouvernement a évidemment une bonne raison d'agir.
Christine Lagarde a parfaitement expliqué comment nous avons lancé les contrôles ce matin, car concurrence et transparence sont essentielles pour que le consommateur puisse acheter son essence là où c'est le moins cher. Il faut donc aller sur le site « prix-carburants.gouv.fr » pour s'informer, et nous avons commencé à contrôler les prix qui y sont annoncés.
Par ailleurs, l'Observatoire des marges et des prix, jusqu'alors réservé aux produits alimentaires, va s'intéresser aussi à la construction des prix des carburants, à l'écart qui existe entre les prix appliqués à la sortie de la raffinerie et ceux pratiqués à la pompe. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Comme Christine Lagarde l'a indiqué, cela permettra de réunir les acteurs et de constater d'éventuels abus.
En ce qui concerne l'énergie, Éric Besson a annoncé des mesures concrètes – ce que vous demandez –, que ce soit la prime de 250 euros au remplacement des chaudières (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)…
…ou la hausse de 20 % du rabais social pratiqué sur le gaz. Je vous rappelle que le tarif social n'existait pas auparavant et qu'il a été inventé par ce gouvernement, sous l'autorité du Premier ministre.
Je pourrais multiplier les exemples et citer l'éco-prêt à taux zéro. Cependant, il faut voir la réalité en face : l'évolution est structurelle, les consommateurs français doivent changer leurs habitudes. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Il faut que nous les aidions à le faire. Il faut un langage de vérité ; les Français entendent ce langage.
La parole est à Mme Martine Aurillac, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, l'actualité tragique en Libye ne doit pas nous faire oublier le drame que vit depuis plusieurs mois la Côte d'Ivoire, pays dans lequel la communauté internationale, via les Nations unies, est directement engagée.
Les crimes et les massacres commis – sur son ordre – par les partisans d'un ex-président sans légitimité atteignent désormais directement les forces de l'ONU et les populations civiles qui manifestent pour la victoire de la démocratie. Plus de 500 morts ont déjà été recensés, dont des femmes, abattues délibérément lors des sanglants événements d'Abobo et, hier encore, à Abidjan, où la journée de la femme a été bien tristement fêtée. Le peuple ivoirien, épuisé, semble au bord de la guerre civile, comme les affrontements tout récents à la frontière du Libéria le laissent craindre.
Des sanctions financières ont été prises. Les casques bleus vont être renforcés. Sans préjuger des futurs résultats de la réunion d'Addis-Abeba, la énième médiation africaine ne paraît – hélas ! – guère susceptible d'aboutir. Le Conseil de sécurité s'est à nouveau réuni, à votre demande, monsieur le ministre d'État. Vendredi dernier, la France a réclamé que le Conseil des droits de l'homme des Nations unies se saisisse des violences, et qu'une commission d'enquête impartiale soit créée.
Mais je souhaiterais, monsieur le ministre d'État, que vous répondiez à trois brèves questions. Comment arrêter le trafic d'armes qui semble alimenter les partisans de Laurent Gbagbo ? Quel est le contenu exact du mandat des forces des Nations unies et de celles qui les appuient ? Une extension de leur mandat peut-elle être envisagée, et à quelles conditions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.
Madame Aurillac, je vais m'efforcer de répondre précisément à vos trois questions.
Le mandat de la force des Nations unies en Côte d'Ivoire est assez clair : il lui donne la responsabilité non seulement de protéger les civils, mais aussi de faire respecter l'embargo sur les armes qui a été imposé par la résolution 1572 sur la Côte d'Ivoire.
Sur le premier point, nous constatons que, depuis le début de l'année, l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire – ONUCI – a adopté une attitude plus ferme et fait mieux respecter son autorité. Elle a ainsi réussi à rétablir sa chaîne d'approvisionnement, malgré le blocus de l'Hôtel du Golf et du port.
Sur le second point – les trafics d'armes –, le groupe d'experts du comité des sanctions des Nations unies a saisi le Secrétaire général du risque de livraison d'hélicoptères d'attaque biélorusses aux forces de M. Gbagbo, en violation de la résolution. L'opération n'a semble-t-il, pas eu lieu et on peut penser que l'avertissement lancé par les experts a contribué à dissuader les trafiquants de mener à bien leur projet.
Pour répondre à votre troisième question, le renforcement du mandat de l'ONUCI ne nous paraît pas, pour l'instant, nécessaire. Il n'en reste pas moins que la situation sur place prend un tour dramatique. En s'accrochant au pouvoir, M. Gbagbo risque de précipiter son pays dans la guerre civile. Il a perpétré un véritable hold-up contre le siège de la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest – BCEAO – à Abidjan, puis contre les succursales des banques.
Nous devons, d'une part, persévérer dans notre action de sanction, qui commence à asphyxier ses possibilités financières ; d'autre part, faire confiance à l'Union africaine, qui se réunit aujourd'hui même à Addis-Abeba, et qui proposera un plan de règlement du conflit au président Ouattara et à M. Gbagbo. C'est dans cette ligne que nous nous situons. L'Union africaine doit faire prévaloir la voix de la raison sur la folie meurtrière. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Anny Poursinoff, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
En Tunisie, en Égypte, en Libye, en Iran, en Afghanistan, partout dans le monde, les femmes luttent contre la tyrannie et l'injustice. Je veux saluer ici leur courage et leur détermination. Au lendemain du 8 mars, je rappelle que les droits des femmes doivent être défendus tous les jours.
En France aussi, les femmes revendiquent la liberté, l'égalité, la dignité. Pourtant, elles sont en première ligne de la précarité et de la pauvreté, et votre réforme des retraites les a condamnées à travailler encore plus longtemps.
Les inégalités touchent de plein fouet les femmes venues d'ailleurs qui vivent et travaillent dans notre pays. Quotidiennement, elles font face au racisme et à la xénophobie, que les propos honteux de Mme Brunel vont encore exacerber. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.- Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Au moment où une manifestation réunit les opposantes et les opposants à une politique consistant à mettre les étrangers au pilori, je le dis au Gouvernement : plutôt que de faire la chasse aux immigrés, il serait temps de faire la chasse aux inégalités ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.- Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Nous devons faire appliquer la loi de 2010 contre les violences faites aux femmes et la loi sur l'égalité salariale de 2006.
Nous devons maintenir un service public de la santé, où puisse réellement s'exercer le droit à l'avortement et à la contraception.
Nous devons respecter le droit d'asile, y compris pour les femmes qui sont persécutées à cause de leur orientation sexuelle.
Nous devons mettre en oeuvre une véritable politique d'éducation à l'égalité, contre le sexisme et toutes les formes de discrimination !
Au lendemain de cet énième remaniement, je constate que, quoi qu'en dise Mme Bachelot, le ministère des droits des femmes ne fait toujours pas partie des préoccupations du Gouvernement. Je le regrette. Au lieu de cela, vous alimentez de faux débats qui font le lit de l'extrême droite.
Quand le Gouvernement mettra-t-il en oeuvre une réelle politique de lutte contre les inégalités ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Madame la députée, notre pays s'honore d'être fidèle à des traditions.
Au nombre de celles-ci, il y a le devoir que nous nous faisons – je pense sur l'ensemble de l'horizon politique – d'accueillir les opprimés. À cet égard, la France accueille, chaque année, de l'ordre de 10 000 réfugiés politiques, parmi lesquels nombre de femmes.
Par ailleurs, tenant compte des difficultés particulières que rencontrent les femmes dans un certain nombre de pays, la France, sur la proposition du Gouvernement, a prévu que les personnes menacées d'excision dans leur pays avaient droit à une protection subsidiaire, qui est une sorte de droit d'asile.
Je vous remercie de le reconnaître.
Nous avons une autre tradition, qui est celle de l'égalité. À cet égard, toutes les femmes étrangères qui séjournent dans notre pays ont les mêmes droits. De surcroît, compte tenu de la situation de précarité dans laquelle elles se trouvent, un accent particulier est mis, dans le développement des programmes régionaux d'intégration, sur les éléments qui les mettent en situation de faiblesse, à savoir la langue et la difficulté à trouver un emploi. Une aide leur est apportée dans ces deux domaines.
Enfin, une autre faiblesse vient de la relation difficile, dans un contexte culturel spécifique, qu'elles peuvent avoir avec leur conjoint, ou des différences de culture entre leur pays d'origine et le nôtre. À cet égard, dans la loi de 2010 sur les violences faites aux femmes, un droit au séjour a été créé pour les femmes qui sont l'objet de violences ou d'un chantage aux papiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Claude Bodin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.
Monsieur le secrétaire d'État, les agents contractuels représentent 16,5 % des effectifs de la fonction publique, soit environ 850 000 personnes sur un total de 5,2 millions d'agents. (« Allô ! Allô ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Grâce à des compétences reconnues et à des spécialités pointues qui, bien souvent, ne sont pas encore incluses dans la nomenclature des filières de la fonction publique, ils apportent une contribution essentielle à la qualité du service public. Mais il nous faut bien constater que, au fil du temps, s'est développée une précarité qui touche nombre de ces agents, dans les trois fonctions publiques, hospitalière, territoriale et d'État.
Cette situation mérite d'être clarifiée tant pour les employeurs que pour les contractuels, dont certains peinent à percevoir des indemnités de chômage en cas de perte d'emploi.
Le Président de la République a, de longue date, dénoncé cette situation et, le 25 janvier dernier, plaidé pour un plan en faveur de la réduction de la précarité des agents contractuels. Dans ce cadre, vous avez annoncé un vaste plan d'action et je sais, monsieur le secrétaire d'État, que vous avez achevé des négociations avec les syndicats. Pourriez-vous nous préciser l'agenda et le contenu de ce plan d'action ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.
Je vous remercie, monsieur le député, de poser une question qui concerne tous les agents non titulaires de la fonction publique et dont je suis persuadé que, au-delà des traditionnels « Allô ! » qui viennent de retentir, elle peut aussi intéresser la gauche, même si celle-ci n'a pas voté la loi de 2005, qui était pourtant la première à s'attaquer à la précarité dans la fonction publique. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je lui serais reconnaissant, cependant, d'écouter un peu ce que j'ai à dire sur le sujet. M. Sapin a été un très bon ministre de la fonction publique, mais, en ce qui concerne la lutte contre la précarité, nous n'avons pas vu grand-chose. (Mêmes mouvements.)
Monsieur Bodin, vous avez parfaitement raison de souligner que les syndicats et le Gouvernement sont très sensibles à la résorption de la précarité dans la fonction publique. En excellent connaisseur du sujet, vous savez en effet que, aussi surprenant que cela paraisse, fonction publique et précarité peuvent malheureusement se concilier.
Dans les discussions que François Baroin et moi-même avons menées pendant plusieurs mois avec les organisations syndicales, nous avons exploré trois pistes très simples. Nous avons constaté, pour commencer, qu'il fallait corriger la loi de 2005, qui ne concernait que la catégorie A : malgré tout l'éventail des dispositifs, six ans plus tard, certains agents non titulaires ne sont toujours pas passés en CDI, comme le prévoyait la loi. Ils le pourront désormais.
Nous avons ensuite considéré que nous devions permettre à des agents non titulaires, soit en CDI, soit en CDD, d'accéder à la titularisation, mais que, à un plan de titularisation, il fallait préférer un examen professionnalisé ou un concours professionnalisé, qui offriront cette option pendant une période limitée.
Enfin, nous avons estimé qu'il fallait donner un minimum de droits à des agents dont les contrats arrivent à échéance, afin qu'ils puissent toucher rapidement leurs indemnités de chômage. Nous conviendrons donc d'une convention avec Pôle emploi, afin d'améliorer un système qui dysfonctionne. Il s'agit là d'une véritable attente dans la fonction publique, et c'est ce gouvernement qui y répond. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Michel Issindou, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Le chômage est la principale préoccupation des Français. Celui des jeunes, en particulier, est un véritable fléau pour notre pays. Près de 25 % des moins de vingt-cinq ans étaient sans emploi à la fin de 2010. Le taux atteignait 50 % dans certains quartiers sensibles. Face à ce qui devrait être votre priorité absolue, vous nous présentez des solutions qui n'ont que peu d'effets sur la création d'emplois pour les jeunes.
Votre discours s'articule autour de l'alternance, dont vous semblez tout d'un coup découvrir les vertus, sûrement pour copier votre nouveau modèle, l'Allemagne. Certes, l'alternance est un excellent outil d'insertion professionnelle et, à ce titre, il faut la développer. Le problème, c'est qu'elle est d'une neutralité quasi totale sur la création d'emplois.
Quant à votre politique en direction des emplois aidés, elle est pour le moins erratique et difficile à comprendre. Vous en supprimez 110 000 à la fin de 2010, pour en recréer 50 000 au début de 2011. Cette démarche peu lisible laisse à penser que vous n'y croyez pas vous-même. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Vous ne pouvez pas rester plus longtemps dans l'échec et nous avons des solutions à vous proposer pour redonner confiance à notre jeunesse. (« Ah ! Enfin ! » sur les bancs du groupe UMP.) Il nous faut un grand plan pour l'emploi des jeunes, qui passe par la création de 300 000 emplois d'avenir dans le secteur du développement durable (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP), notamment avec la mise aux normes énergétiques des bâtiments. Il nous faut créer un dispositif donnant vraiment une nouvelle chance aux jeunes décrocheurs, en incitant financièrement les entreprises à les embaucher. Il nous faut lutter contre la précarité des contrats dont les jeunes sont trop souvent les premières victimes. Voilà des propositions et des solutions.
Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous sortir du discours et vous montrer enfin efficace ? Les jeunes que nous rencontrons sur le terrain n'attendent que cela. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Cela fait des semaines que nous attendions des propositions de la part du parti socialiste. Le moins que l'on puisse dire de celles que vous venez de formuler, monsieur le député, c'est qu'elles ne sont pas à la hauteur des enjeux et que, j'en suis désolé, vous n'avez pas gagné en crédibilité. En fin de compte, vous êtes pris entre vos contradictions, certains de vos amis disant qu'il ne faut surtout pas aider les entreprises, et d'autres considérant qu'il faut au contraire les aider.
Le plan pour l'alternance que nous présentons avec Nadine Morano a à la fois vocation à pénaliser celles et ceux qui ne jouent pas le jeu dans les entreprises et à encourager ceux qui le joueront davantage. Mais vous, vous essayez de nous ramener à 1997, comme si votre horloge s'était arrêtée à cette époque. Entre les emplois jeunes et les 35 heures, vous n'avez rien changé, vous n'avez pas vu que notre monde changeait, vous n'avez pas vu non plus que les aspirations ont également changé.
Sur tous ces sujets, plutôt qu'un emploi pour quelques années ou quelques mois, comme vous le préconisez, nous proposons un véritable emploi, notamment avec l'alternance. En effet, 70 % des apprentis ont un métier à la fin de leur apprentissage : c'est le meilleur des qualificatifs. Voilà des années que, sur tous les bancs, nous répétons que l'alternance est une bonne voie. Il ne sert à rien de vouloir donner des leçons aux uns et aux autres. Nous, nous sommes pragmatiques, nous savons ce qui marche, notamment en Allemagne, où deux tiers des jeunes sont en activité par le biais de l'apprentissage, alors qu'ils ne sont qu'un tiers chez nous. Nous pouvons donc progresser.
Vous pouvez rester dans des postures du passé, mais ce n'est pas comme cela que vous serez crédibles. Vous feriez mieux de soutenir notre plan ambitieux qui fera reculer le chômage des jeunes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Marie-Louise Fort, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. Xavier Bertrand, ministre de l'emploi, du travail et de la santé.
Monsieur le ministre, la loi du 8 février 2010, dont je suis l'auteur (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), a répondu aux espoirs des victimes d'inceste. Ces deux millions de Françaises et de Français ont alors senti se fissurer la chape de silence qui leur était imposée.
L'inceste a été inscrit dans le code pénal. La prévention et la formation des professionnels ont été renforcées pour permettre à la société dans son ensemble de mieux faire face à ce fléau et, plus généralement, aux violences sexuelles. Cependant, beaucoup reste à faire, notamment en matière d'accompagnement des victimes.
Monsieur le ministre, la loi du 8 février 2010 prévoyait aussi que le Gouvernement remît au Parlement un rapport sur ce sujet, qui présenterait à la fois un état des lieux et des solutions d'amélioration de la prise en charge. Avec les docteurs Jehel et Vila, ainsi qu'avec l'Association internationale des victimes de l'inceste, nous avons d'ores et déjà préparé des contributions à cette réflexion, enrichies des témoignages et suggestions venus de toute la France.
Le courage des victimes a porté mon engagement, qui ne faiblit pas. Elles sont nombreuses à s'inquiéter de la remise de ce rapport et à nous écrire. Permettez-moi donc de me faire le relais de leurs interrogations en vous demandant si vous pouvez nous assurer de la pleine mobilisation de vos services dans l'élaboration de ce rapport et nous indiquer quels calendrier et rendez-vous vous nous proposez pour, enfin, aboutir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Votre interpellation d'aujourd'hui, madame la députée, fait suite à celle, hier, de Mme Isabelle Aubry, que vous connaissez bien. À l'occasion, justement, de la journée de la femme, elle voulait elle aussi savoir quel serait notre calendrier. C'est un sujet sur lequel, avec Nora Berra et Michel Mercier, nous sommes mobilisés. Nora Berra a d'ailleurs eu l'occasion de s'entretenir hier avec Isabelle Aubry.
Il est vrai que l'inscription dans le code pénal est importante, et pas seulement pour les deux millions de victimes de l'inceste que compte notre pays. Nous savons que la première des priorités est la prise en charge des victimes, avec, notamment, la structuration du suivi : avec une organisation à la fois régionale – avec les unités médico-judiciaires – et départementale, mais aussi locale, et en menant une action en direction des établissements et des professionnels libéraux.
Vous aviez aussi souhaité, vous qui vous êtes particulièrement engagée en faveur de cette cause, que des psychologues fussent recrutés. Les crédits existent et les recrutements sont lancés. Cela importait grandement.
Nous savons aussi pertinemment que nous avons besoin de mener des actions en milieu scolaire, dans le souci permanent de la plus grande diffusion de l'information et de la sensibilisation, en rappelant, s'agissant de ce drame, qu'aucun acte incestueux ne peut avoir un caractère normal.
Nous avons pour notre part des comptes à vous rendre à la suite de l'adoption de la loi de février 2010, du texte sur la médecine légale du 15 janvier dernier et de la circulaire du 27 décembre 2010. Je propose de procéder en trois temps : avant la fin du mois, nous vous saisirons pour vous expliquer de façon détaillée comment nous mettrons en ordre de marche les dispositions de la loi de février 2010 ; à l'été, nous serons en mesure de vous faire des propositions plus détaillées encore ; à la rentrée, car nous disposerons, le 30 septembre, de remontées quantitatives, sur le nombre de victimes, et qualitatives, sur leur prise en charge. Nous sommes en mesure de tenir ce calendrier. Ainsi vous montrerons-nous notre totale mobilisation aux côtés de la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Marcel Rogemont, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Égypte, Tunisie, Libye sont des noms qui aujourd'hui sonnent comme l'ouverture d'un printemps des peuples du Maghreb, printemps de peuples qui ont vécu des années durant, trop d'années, sous la férule de régimes autoritaires.
Une volonté de liberté porte les peuples à construire un autre avenir, où le mot de démocratie ne sera plus un gros mot, où il sera simplement la vie, la vie de tous les jours.
Devant cet immense espoir, la France est restée longtemps, trop longtemps, sans voix, sans réaction. La France a pris un grand retard dans la prise en compte de cette situation nouvelle et pourtant porteuse d'espoir. Et voici que, pour des raisons de politique intérieure, le thème de l'immigration prospère dans les propos des plus hautes autorités de l'État !
La peur de l'étranger est instillée, ce qui autorise le ministre de l'intérieur à déclarer en substance, à propos de l'arrivée de Tunisiens en Italie : « Que l'Italie se débrouille seule ! » Comme si cette question ne relevait pas aussi de la solidarité des pays européens et de l'Union européenne !
Cela autorise ensuite Chantal Brunel à affirmer : « Nous, on a des solutions, remettons-les dans les bateaux ! » Voilà une réponse qui signale qu'aucune politique fiable et durable n'est proposée !
Ainsi la politique extérieure de la France est-elle ballottée au gré de considérations intérieures qui forment le terreau sur lequel prospèrent des idées extrêmes.
Monsieur le ministre d'État, ne pensez-vous pas qu'il est de notre devoir de nous écarter de ces propos pour imaginer au Maghreb des citoyens heureux qui n'auront plus jamais à fuir leur pays et gonfler, ainsi, les rangs des clandestins ? Quelles propositions la France peut-elle faire ? Quelles actions entendez-vous proposer à l'Union européenne pour que le nom de la France soit synonyme de dignité ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le député, les révoltes dans les pays arabes suscitent de grands espoirs. Elles ont aussi des conséquences en termes migratoires, que nous devons affronter et gérer avec humanité, mais aussi avec clarté.
Au moment où l'Égypte, la Tunisie et la Libye ont entamé une marche vers la démocratie et vers le progrès social, qui peut être difficile, au moment où elles ont besoin de tous les talents de leur jeunesse, ce serait un paradoxe que d'accepter une immigration massive, non contrôlée, en provenance de ces pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) C'est la raison pour laquelle la France a demandé la réunion exceptionnelle d'un Conseil européen, qui se tiendra vendredi. Figurera à l'ordre du jour la réponse collective que l'Europe doit apporter à la question de la régulation de ces flux migratoires. Il s'agit d'apporter des réponses en Tunisie, en Égypte et en Libye, notamment en créant, en Libye, des zones humanitaires qui permettent d'accueillir les populations déplacées pour éviter qu'elles ne deviennent des populations immigrées, alors même qu'elles ont vocation à rester sur leurs territoires respectifs. Il s'agit aussi, pour l'ensemble des pays européens, de prendre en charge collectivement l'accueil, sur notre territoire, de populations qui seraient en danger et que notre tradition humaniste nous conduit à accueillir. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Derrière chaque migrant, il y a une destinée humaine qui doit être respectée. Chantal Brunel a tenu des propos que nous n'approuvons pas (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP, du groupe NC, du groupe SRC et du groupe GDR) et dont elle s'est excusée. Je tiens cependant à déplorer que l'opposition se saisisse de ces quelques phrases pour se donner bonne conscience et pour faire des amalgames douteux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Je sais bien que, depuis quelques jours, c'est l'extrême droite qui fixe le calendrier médiatique et politique. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Eh bien, cela doit cesser, mais, pour que cela cesse, chacun doit prendre ses responsabilités ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Nous avons la responsabilité collective d'élever le débat républicain et d'engager la prochaine campagne présidentielle projet contre projet, et pas invectives contre invectives ! Nous avons la responsabilité collective de refuser la démagogie, qu'elle vienne de l'extrême droite ou de l'extrême gauche.
Nous avons la responsabilité d'aborder froidement les difficultés que rencontrent nos concitoyens, les angoisses qu'ils éprouvent, mais nous avons surtout la responsabilité, mesdames et messieurs les députés, d'offrir à nos concitoyens une autre image de la France, parce qu'à force de présenter la France sous ses traits les plus sombres…
…nous condamnons les forces d'espérance, qui sont nombreuses dans notre pays. (Mmes et MM. députés des groupes UMP et NC se lèvent et applaudissent.)
La parole est à Mme Pascale Gruny, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.
Hier, c'était la journée internationale de la femme. Ce matin, Roselyne Bachelot, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, a présenté en conseil des ministres le bilan du plan de création de places en crèches. Ce sujet est une préoccupation quotidienne pour toutes les mères de famille qui travaillent.
Vous le savez, les femmes occupent une place centrale au sein de la famille ainsi que dans la société tout entière. Parmi ces femmes, je voudrais aujourd'hui mettre à l'honneur toutes celles qui s'occupent, au sein de leur famille, d'un proche âgé en perte d'autonomie ou porteur de handicap. Il s'agit, bien sûr, des aidants naturels et familiaux.
Ces aidants sont très majoritairement des aidantes. Permettez-moi ici, mes chers collègues, de témoigner à ces femmes ma plus profonde et sincère admiration. Je crois pouvoir dire sans me tromper que cette admiration est partagée sur l'ensemble de nos bancs.
Madame la secrétaire d'État, les aidants familiaux, et en particulier ces femmes, souffrent de ne pas être suffisamment reconnus. Beaucoup ont des difficultés à concilier l'aide qu'elles apportent à leurs proches avec un projet de vie personnel et professionnel.
Je sais que vous être très sensible à cette question. Vous venez d'ailleurs de recevoir une délégation de femmes qui ont partagé avec vous leurs expériences et leurs préoccupations d'aidantes.
Pourriez-vous nous indiquer la teneur de vos échanges avec ces femmes ? Plus généralement, quelle réponse comptez-vous apporter aux aidants, notamment dans le cadre du débat national sur la dépendance, voulu par le Président de la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.
Madame la députée, en effet, ce sont en France 3 500 000 aidants naturels ou familiaux qui s'occupent au quotidien de leurs proches, que ce soit une personne handicapée ou une personne dépendante. Et vous avez raison, madame Gruny, quand vous dites que les aidants sont des aidantes, car 60 % de ces aidants sont des femmes. Le 8 mars, en recevant une délégation de ces femmes qui viennent d'associations aussi diverses que France Alzheimer, l'Association française contre les myopathies, l'Association française des aidants, mais également l'UNAFAM – l'union nationale des amis et familles de malades psychiques –, elles ont pu me parler de leur situation auprès de leur enfant, de leur conjoint, de leur parent ou de leur proche qu'elles accompagnent au jour le jour.
Cette consultation a fait apparaître deux points principaux.
D'abord, elles veulent voir leur rôle reconnu auprès des professionnels qui, parfois, les ignorent ou les méconnaissent, auprès des administrations qui ne comprennent pas leur contribution, enfin, auprès de la société tout entière. C'est d'ailleurs le sens de la déclaration du Président de la République au Conseil économique, social et environnemental le 8 février dernier quand il a souligné l'importance des solidarités familiales.
Elles veulent également pouvoir vivre leur vie, avoir une activité professionnelle, s'occuper de leurs enfants, avoir des temps de répit, mais aussi des loisirs.
C'est la raison pour laquelle, avec Roselyne Bachelot, sur cette question des aidantes familiales et naturelles, nous construirons les réponses avec elles sur la base de leur projet de vie. C'est ce qui nous permettra de répondre au plus près à leurs aspirations.
Enfin, sur la question du droit des femmes, c'est en général par l'action que nous avons fait le choix, Roselyne Bachelot et moi-même, de répondre plutôt que de poser des questions de principe. Je voulais simplement rappeler ce point. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Monique Boulestin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.
Monsieur le ministre, depuis des semaines, toutes vos réponses montrent que vous vous obstinez à ignorer la réalité des conditions de travail des enseignants et des élèves après la suppression de 16 000 postes pour la rentrée prochaine.
Vous prétendez que cette nouvelle saignée n'aura aucune conséquence sur la qualité de l'enseignement et que votre ambition d'accompagner individuellement les élèves en difficulté n'est pas seulement un effet d'annonce.
Vous considérez toujours les deux heures d'aide personnalisée à l'école élémentaire comme une avancée considérable, alors qu'elles sont le résultat de la désastreuse décision de la semaine de 4 jours. Là encore, vos discours sont, hélas, contredits par les faits. En effet, 61 % des écoles élémentaires organisent cette aide après une journée déjà trop lourde de six heures ; quant aux autres, elles l'organisent le plus souvent à l'heure de la pause du déjeuner.
Le constat du Haut conseil de l'éducation est sans appel : les dispositifs d'aide aux élèves en difficulté ne portent pas leurs fruits. Car l'accompagnement de ces élèves doit se faire pendant le temps scolaire. Mais, pour cela, il serait nécessaire de disposer de plus de maîtres que de classes dans les écoles élémentaires qui le nécessitent, ce qui est évidemment impossible du fait de votre politique de suppression de postes.
Monsieur le ministre, le groupe SRC vous fait la proposition suivante : êtes-vous prêt à maintenir les 250 millions d'euros nécessaires – une goutte d'eau par rapport aux 4 milliards d'euros que coûterait la suppression de l'impôt sur la fortune –, pour conserver ces 16 000 postes afin de les affecter aux écoles en zone d'éducation prioritaire, pour y organiser une aide véritablement personnalisée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Oui, mesdames et messieurs les ministres, l'éducation nationale a besoin d'ambition, de beaucoup plus d'ambition que de communication ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative.
Madame la députée, aujourd'hui, les grands pays développés, compte tenu de la situation économique, ont fait des choix très difficiles. Certains ont procédé à des suppressions de postes, d'autres même à des réductions de salaires. Ce n'est pas le choix de ce gouvernement, qui a choisi…
de revaloriser la rémunération des fonctionnaires et des professeurs. Notre gouvernement, je le rappelle, a augmenté le budget de l'éducation nationale de 1,6 %. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je rappelle aussi que c'est le premier budget de la nation, avec plus de 60 milliards d'euros. Le budget de l'enseignement supérieur, quant à lui, s'élève à plus de 24 milliards. Le gouvernement de François Fillon a décidé d'augmenter considérablement le traitement de nos enseignants.
Je rappelle encore que malgré le contexte budgétaire, qui n'était pas évident, nous avons tout de même poursuivi l'augmentation du budget de l'éducation nationale.
Pour ce qui concerne les dispositifs d'égalité des chances, il s'agit de plus d'un milliard d'euros qui sont consacrés à la lutte contre les inégalités sociales.
La réussite scolaire et la lutte contre les inégalités sociales n'est pas une option, mais un devoir pour notre République. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
C'est tout le sens des internats d'excellence et des réseaux de réussite scolaire. Le programme CLAIR – collèges et lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite –, expérimenté dans plus de 505 établissements, sera déployé en 2011.
Vous le voyez, madame la députée, les efforts faits par ce gouvernement sont réels pour lutter contre les inégalités sociales et permettre la réussite scolaire de nos enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Françoise de Salvador, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de la ville.
Le plan Espoir banlieues, dont votre prédécesseure a été l'une des initiatrices, prévoyait l'expérimentation d'un contrat d'autonomie destiné à offrir un soutien renforcé aux jeunes de seize à vingt-cinq ans rencontrant des difficultés d'accès à l'emploi et vivant en zone urbaine sensible.
Le 14 avril dernier, à mi-parcours de ce projet, le bilan montrait que, déjà, des jeunes suivis par des opérateurs privés ou publics de placement de chômeurs, dans le cadre dudit projet, avaient, pour un tiers d'entre eux, connu une issue positive à leur situation professionnelle grâce à la signature d'un contrat de travail pour 70 % d'entre eux ou une formation qualifiante pour les 30 % restants. Néanmoins, et en dépit des efforts du Gouvernement, l'Observatoire national des zones urbaines sensibles précisait dans son rapport de 2010 que le taux de chômage atteignait en 2009 43 % des jeunes hommes actifs et 37 % des jeunes femmes actives résidant en ZUS. Si l'on ajoute à cela les résultats de l'enquête réalisée par le Centre d'études de l'emploi au dernier trimestre 2010 portant sur 3 700 envois de candidatures, qui montre qu'à compétences égales, les habitants des zones sensibles sont moins souvent retenus que ceux vivant dans d'autres quartiers ou villes, 2010 semble avoir été une année difficile en matière d'insertion professionnelle des jeunes actifs vivant dans ces quartiers.
Monsieur le ministre, je connais votre engagement en faveur de l'insertion des jeunes. C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir détailler à la représentation nationale les mesures que vous entendez prendre pour améliorer le taux d'insertion professionnelle des jeunes et plus particulièrement de ceux résidant en zone urbaine sensible. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – « Allo ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Vous l'avez souligné, madame Françoise Salvador, le taux de chômage dans les quartiers sensibles est effectivement le double du taux national. Voilà pourquoi – et je l'affirme devant la représentation nationale – le Gouvernement s'engage fermement à faciliter l'emploi dans ces quartiers, particulièrement en faveur des jeunes. Le comité interministériel des villes que le Premier ministre a présidé le 18 février dernier a pris les décisions qui s'imposent pour faire face à cette situation. Tout d'abord, le contrat d'autonomie est prolongé en 2011 avec la création de 15 000 contrats supplémentaires pour les jeunes.
Ainsi, 37 000 jeunes ont déjà signé un contrat d'autonomie. Il est essentiel de souligner que ces contrats marchent puisque 42 % des sorties sont positives et débouchent sur des contrats à durée déterminée, voire indéterminée.
Nous « territorialisons », avec Xavier Bertrand, les politiques de l'emploi. L'accès à l'emploi des habitants des quartiers est un objectif prioritaire, clair et affiché pour Pôle emploi, et 50 000 contrats aidés supplémentaires sont créés. Par conséquent, l'État se mobilise en priorité pour tous ces jeunes en difficulté.
Enfin, nous développons, avec Nadine Morano, l'alternance et l'apprentissage, meilleure voie pour accéder à l'emploi.
Il est fondamental de prendre ces mesures ensemble pour nous adapter aux difficultés de l'emploi dans les quartiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Chantal Robin-Rodrigo, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, il semble qu'à l'heure actuelle votre unique préoccupation soit de réformer, voire de supprimer l'impôt de solidarité sur la fortune. Ainsi, 300 000 Français les plus aisés pourraient en profiter. Votre politique est en total décalage avec le quotidien de millions de Français : bien sûr les six millions de chômeurs et de Français précaires, mais je veux parler aussi de ceux qui se lèvent tôt, qui travaillent dur, à savoir les 11 % de nos concitoyens payés au SMIC, auxquels s'ajoutent environ 17 % de travailleurs à temps partiel. Ce sont donc 30 % de Françaises et de Français qui, après une revalorisation de 1,6 % au 1er janvier, perçoivent un revenu net mensuel de 1 070 € par mois.
Et, aujourd'hui, que subissent-ils ? Une nouvelle hausse du prix du gaz, de 5 %, soit une augmentation de 20 % en un an, celle de l'électricité, l'envolée des prix alimentaires, la flambée des cours du pétrole et la hausse des prix à la pompe, l'augmentation des assurances habitation et automobile de 5 %, la hausse des complémentaires santé et celle du forfait hospitalier, la hausse de 2,5 % des loyers. Voilà la réalité que vivent des millions de Français (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) qui, dès le 20 de chaque mois, ont des découverts bancaires, paient des agios et doivent souvent choisir entre se soigner et se chauffer. Cette situation est insupportable. Une augmentation de leur salaire s'impose ! Ce sont des travailleurs qui vivent dans la précarité et ne peuvent plus faire face aux besoins essentiels de leur famille.
Monsieur le Premier ministre, ne croyez-vous pas qu'il serait temps de vous intéresser en priorité à leur situation ? Au moment où les entreprises du CAC 40 affichent des profits records – 82 milliards d'euros en 2010 – quelles mesures urgentes allez-vous prendre pour qu'ils puissent, enfin, faire face à toutes ces augmentations ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.
Madame Chantal Robin-Rodrigo, après Mme Delaunay, vous soulevez la question du pouvoir d'achat. Je voudrais en profiter pour donner des chiffres, parce qu'il faut dire ce qu'est la réalité. Le pouvoir d'achat a augmenté de plus de 3 % en 2007.
Alors que la crise sévissait et que le pouvoir d'achat se dégradait dans la plupart des pays européens, il a continué d'augmenter en France, de 1,6 % en 2009 et de 1,4 % en 2010. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Depuis le premier semestre 2011, il a encore augmenté de 1,6 %. Vous l'avez dit, les Français modestes souffrent évidemment plus que les autres. C'est la raison pour laquelle notre gouvernement multiplie les actions.
S'agissant de l'énergie, M. Éric Besson a décidé d'augmenter de 20 % le rabais pour le tarif social du gaz, j'y ai précédemment fait allusion.
J'ai signé avec Éric Besson et avec les opérateurs du mobile un tarif social du mobile. Nous allons nous mettre autour de la table pour décider d'un tarif social pour l'internet. Vous avez parlé des produits alimentaires. Là encore, je négocie actuellement avec les distributeurs des « paniers de première nécessité » pour que les Françaises et les Français puissent consommer des produits de qualité à des prix abordables.
Vous le constatez, en cette matière comme en beaucoup d'autres, il y a ceux qui parlent et ceux qui agissent. Nous avons résolument choisi de nous situer du côté de ceux qui agissent ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Pouvoir d'achat
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (n°s 3161, 3180).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de deux heures vingt-six minutes pour le groupe UMP, cinq heures dix minutes pour le groupe SRC, deux heures quinze minutes pour le groupe GDR, une heure quarante-deux minutes pour le groupe Nouveau Centre et vingt-cinq minutes pour les députés non inscrits.
J'appelle maintenant dans le texte de la commission les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.
L'article 2 fait partie du titre Ier, intitulé « dispositions relatives à la nationalité et à l'intégration ». Hier, monsieur le ministre de l'intérieur, vous nous annonciez que le Gouvernement retirait les dispositions relatives à la déchéance de nationalité, qu'il avait pourtant défendues jusqu'en deuxième lecture en commission, au motif qu'elles n'avaient rien à faire dans ce texte et que la nationalité était un sujet suffisamment important pour que l'on attende la fin des travaux de la mission sur le droit de la nationalité, dont le rapporteur est d'ailleurs Claude Goasguen. On se demande donc pourquoi demeurent encore dans le texte des articles portant sur la naturalisation.
Ensuite, l'article 2 prévoit la signature par la personne naturalisée d'une charte d'adhésion aux valeurs de la République. Comme je vous le faisais remarquer hier, sans obtenir de réponse de votre part, la loi de 2007, une des premières lois de cette législature, qui avait suscité beaucoup de polémique à l'époque à cause des tests ADN mais qui contenait bien d'autres dispositions, prévoyait, pour la naturalisation, un entretien évaluant l'assimilation des valeurs. C'était l'ancêtre de cette charte, dont on ne sait d'ailleurs pas du tout si elle a une valeur juridique contraignante ni comment évaluer son contenu. Dans la plupart des préfectures qui traitent un grand nombre de dossiers de naturalisation, cet entretien d'assimilation des valeurs de la République n'est pas mis en oeuvre. C'est pourquoi nous avons plus que des doutes sur le contenu de cette charte, son utilité et, surtout, sur la nécessité de faire signer une charte à des personnes à qui, jusqu'à présent, on ne demande même pas, dans un entretien pourtant prévu par une loi de 2007, si elles partagent les valeurs qui sont les nôtres.
Je suis saisi d'un amendement n° 84 tendant à supprimer l'article 2.
La parole est à M. Noël Mamère.
Cette charte de l'assimilation revient à remettre en cause la notion d'intégration, qui est jusqu'à nouvel ordre, je crois, l'un des principes de l'accueil des étrangers dans notre pays. Introduire une telle charte par la fenêtre revient à revenir sur cette tradition et à donner des gages à ceux qui, sur les bancs de la droite, défendent l'assimilation contre l'intégration.
Depuis un certain nombre de siècles, la France est adepte du droit du sol. Ce sont le droit du sol et la citoyenneté de résidence qui doivent l'emporter sur toute notion d'assimilation, d'autant plus dangereuse compte tenu du contexte politique dans lequel nous sommes aujourd'hui.
La parole est à M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 84 .
Nous avons eu l'occasion à plusieurs reprises de discuter de cette question en commission. Le texte ne doit pas prêter à confusion et c'est la raison pour laquelle il convient de le conserver.
On a tendance, et vous venez encore de le faire, à confondre nationalité et citoyenneté. Il y a dans la notion de nationalité un élément supérieur à celui de la citoyenneté. Comme je l'ai souligné dans mon discours de présentation, c'est un élément de différenciation. L'intégration est un élément de citoyenneté, c'est un élément qui nous rassemble, qui va largement d'ailleurs au-delà de la nationalité puisque cela concerne en réalité tous les pays européens. La nationalité doit se manifester par la volonté de se rapprocher au plus près de ce qu'est la nation française, son histoire, son avenir, ses valeurs. C'est la raison pour laquelle, si je ne suis pas un farouche partisan de l'idée d'assimilation, elle ne me gêne pas dans ce texte.
La parole est à M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Le terme d'assimilation existe dans notre droit positif, il est dans le code civil. L'assimilation, c'est une procédure qui s'applique à quelqu'un qui est en train de devenir français. Il s'agit d'une adhésion à nos valeurs et je suis donc défavorable à cet amendement.
Nous abordons sans le dire un sujet essentiel, qui fait l'objet de polémiques en ce moment dans notre pays, et j'attends, monsieur le rapporteur, que vous nous annonciez quels critères vous allez introduire dans cette charte.
J'aimerais que l'on revienne aussi sur la question des valeurs, qui vient d'être évoquée par M. le ministre de l'intérieur mais aussi par M. le rapporteur, sur ce qu'est notre nation et ce qui l'a fondée. Doit-on croire le Président de la République lorsqu'il nous explique à la basilique du Puy-en-Velay que les racines de la nation sont des racines chrétiennes ou doit-on au contraire se référer à notre histoire, se souvenir de Al-Andalous et de sept siècles de civilisation arabe…
…qui ont largement franchi les frontières de l'Espagne ? Doit-on se souvenir de l'apport de la culture et de la religion juive dans notre pays et en Europe et de cet héritage qui est collectif ?
Il me paraît assez indécent de venir nous rappeler le droit positif dans cet hémicycle alors même que vous êtes en train d'introduire une charte du contrôle de l'assimilation reposant sur des critères totalement flous, répondant aux valeurs qui sont les vôtres, qui ne sont pas forcément les nôtres (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP)…
…et que nous ne sommes pas obligés de partager avec vous. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Je veux dire à M. Mamère qu'il ne s'agit pas d'imposer quelque chose qui sortirait de nulle part, à la manière de Minerve naissant du cerveau de Jupiter ! Le ministre vous a expliqué très clairement que le décret prévoyait une commission au sein de laquelle siégeront des parlementaires. Je souhaite, pour ma part, qu'il n'y ait pas que des parlementaires de la majorité, afin qu'un débat puisse avoir lieu.
Ce n'est pas un débat dangereux, mais un débat nécessaire. Je crois que nous arrivons à un moment de l'histoire mondiale où la nationalité doit être redécouverte dans sa force et dans sa capacité d'assimilation. L'histoire de France ne se résume pas à l'histoire en France : la France n'est pas qu'un espace géographique, c'est aussi une histoire, une entité – nous aurons l'occasion d'en parler. C'est pourquoi ce texte me paraît nécessaire, en ce qu'il permettra de franchir un pas supplémentaire de l'intégration vers l'assimilation.
Nous sommes sur le point d'entamer un débat intéressant et qui pourrait durer longtemps. Mais lorsque vous évoquez, avec une certaine grandiloquence, ce qu'est la France, vous ne dites pas ce qu'est votre France : est-ce la France de Braudel ou la France de Maurras ? Vous n'avez pas choisi, et ce n'est pas la présence conjointe de députés de la majorité et de l'opposition au sein de la commission qui permettra de trancher, car il ne nous appartient pas de trancher au sujet de valeurs constituant un héritage collectif.
Par ailleurs, je veux dire avec une certaine solennité que la volonté d'introduire le poison du contrôle de l'assimilation nous rappelle de très mauvais souvenirs. (Protestations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Oui, cela nous rappelle de très mauvais souvenirs : ce qui s'est passé durant les heures les plus sombres de notre histoire, lorsqu'on reprochait à certains Français de ne pas être assimilés, au seul motif qu'ils étaient juifs.
Gardez-vous donc de jouer aux apprentis sorciers ! (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Pour ce qui est de la nationalité, j'adhère à la proposition de notre collègue Goasguen : il est vrai que cette question complexe mérite une réflexion, un débat approfondi. Je souhaite néanmoins, monsieur Goasguen, que la commission qui sera mise en place ne soit pas uniquement composée de membres de la commission des lois, mais ouverte à d'autres membres de notre assemblée, en particulier aux deux parlementaires – un membre du parti socialiste et moi-même – naturalisés.
La question que nous abordons en ce moment est importante et me donne l'occasion de revenir sur l'histoire des mots – ce qui me paraît nécessaire car ce n'est pas en changeant les mots que l'on résout les problèmes. Je fais partie de ceux qui ont promu le mot « intégration » et j'en assume, dès lors, la paternité. Ce mot est apparu au début des années quatre-vingts, lorsque la question de l'immigration a commencé à se poser dans un certain nombre de cités, avec les jeunes issus de l'immigration que l'on a appelés « beurs ».
Il a fallu inventer ce terme d'intégration pour décrire une situation où le processus d'accès à la Nation n'était plus le même que celui que nous avions connu dans les années trente ou les années cinquante. C'était une autre histoire et un autre processus d'intégration, issu de l'histoire coloniale avec tout ce qu'elle avait de positif et de négatif pour les jeunes des cités – le fait que je sois issu de cette histoire me permet d'en parler d'autant plus librement. Nous avons alors trouvé un mot permettant de respecter ce processus d'intégration, de faciliter l'accès à la Nation française et au patrimoine que M. Goasguen a raison de ne pas réduire à un territoire, puisqu'il est composé d'histoires et de valeurs.
La France, refondée par la Révolution française autour de ses valeurs, ne pouvait se réduire à un territoire. Nous trouvant au coeur d'un processus de refondation recréant une nouvelle identité française, nous avons choisi le mot d'intégration qui nous paraissait correspondre à ce moment particulier de notre histoire. Aujourd'hui, certains veulent revenir en arrière au motif que l'intégration ne marche pas : ils pensent pouvoir faire mieux avec le mot « assimilation ». Le débat à venir sur ce point en commission promet d'être passionnant : à partir de quand l'assimilation doit-elle être considérée comme acquise ? Sans doute pas uniquement à partir de la maîtrise de la langue : comme vous le savez, de nombreuses personnes maîtrisant parfaitement la langue française ne sont pas assimilées pour autant à notre société.
S'agit-il, alors, de la connaissance de l'histoire, qu'il faudrait évaluer en mettant en place des contrôles ? Les choses sont extrêmement compliquées, et ce n'est pas en changeant les mots que vous allez résoudre le problème.
On le sait, il y a bien un problème d'intégration en France, dans la mesure où les choses ne se passent pas comme on le souhaite – encore que, là aussi, les choses se discutent. Si l'on se penche sur les vingt années qui viennent de s'écouler, on constate que le processus d'intégration est, en réalité, très avancé : il a réussi ! Comme le disait tout à l'heure le Premier ministre, il ne faut pas se focaliser sur les aspects négatifs, sur les personnes issues de l'immigration qui ne se reconnaissent pas dans la France, car en procédant de la sorte, on aboutit à une fausse image de la réalité. Le processus d'intégration progresse sans cesse, comme le montre le nombre de mariages mixtes et de jeunes issus de l'immigration ayant réussi – certains étant même devenus des leaders d'opinion de notre pays –, qui est l'une des forces de l'économie française pour les années à venir.
Je pense que certains d'entre vous essaient de se rassurer en se cramponnant à des mots, alors que les problèmes auxquels ils se réfèrent ne se réduisent pas à des mots.
Je me dois d'apporter quelques clarifications au débat en cours.
L'intégration est prévue par notre droit et se traduit par le contrat d'accueil et d'intégration. Cette procédure, destinée à des étrangers qui restent des étrangers sur notre territoire, sert à témoigner du respect de nos valeurs et de l'apprentissage de la langue française.
L'assimilation concerne, elle, les personnes naturalisées, c'est-à-dire devenues françaises. L'article 21-24 du code civil dispose que « nul ne peut être naturalisé s'il ne justifie de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française et des droits et devoirs conférés par la nationalité française. » Il n'y a donc pas de modification de vocabulaire, les textes actuels faisant déjà état de la notion d'assimilation.
J'ajoute qu'il est déjà prévu, lors du processus de naturalisation, un entretien à la préfecture – dit « d'assimilation » – (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) qui permet de vérifier le niveau de connaissance de la langue, le niveau d'intégration dans la société et le degré d'insertion professionnelle.
Comme c'est malheureusement souvent le cas, notre débat est marqué par l'idéologie, les députés de gauche s'obstinant dans une vision manichéenne des choses : tout est soit positif, soit négatif ! Cela me rappelle nos débats sur le droit du sol et le droit du sang : selon eux, le droit du sol, c'était bien, le droit du sang, ce n'était pas bien ! Il faut, me semble-t-il, avoir une conception plus large et plus constructive des choses, en acceptant que les deux notions puissent cohabiter.
Il a quelques années, notre collègue Michel Hannoun avait écrit un excellent livre sur l'immigration à la fin des années quatre-vingts, montrant qu'il existe en réalité trois stades, trois degrés. Le premier de ces degrés est celui de l'insertion, purement économique. Les Anglo-Saxons s'en contentent souvent, estimant que l'on ne doit pas aller plus loin. La France, quant à elle, ne s'en contente pas et préfère le deuxième stade, celui de l'intégration. C'est ce que Durkheim appelle la « solidarité organique », ou solidarité par complémentarité : une personne s'installe dans une société à qui elle apporte son travail et aux lois desquelles elle doit se soumettre, sans qu'elle soit obligée d'adhérer personnellement à son histoire et à ses valeurs.
Le troisième stade est celui de l'acquisition de la nationalité. Cette « solidarité mécanique » décrite par Durkheim, qui permet de devenir citoyen, membre de la société, implique une similitude entre tous les citoyens – une similitude qui ne tient évidemment pas à la couleur de la peau ou à la religion, mais à l'adhésion aux valeurs et à l'idée selon laquelle, quel que soit le moment où l'on arrive dans le corps social, on devient l'héritier d'une histoire à laquelle on entend désormais participer : c'est le « référendum quotidien » dont parlait Ernest Renan. (« Très bien ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
M. le ministre n'a répondu qu'à une partie de ma question. Certes, depuis 2007, une loi votée par votre majorité prévoit un entretien d'assimilation. Cependant, je répète que nous avons constaté la semaine dernière que, dans une préfecture représentant 10 % des naturalisations annuelles en France, cet entretien – que l'on peut juger utile ou non – n'est pas mis en oeuvre ! Dès lors, pourquoi vouloir nous faire voter une nouvelle loi destinée à modifier le processus actuel ?
Ne pourrions-nous pas nous abstenir de légiférer sans cesse sur les mêmes sujets, sans nous préoccuper du devenir et de l'application des lois adoptées précédemment ?
Je m'étonne, monsieur le ministre, que vous ayez justifié, hier, le fait de reculer sur les questions de déchéance de nationalité – ce que nous considérons comme une bonne nouvelle, puisque nous le réclamons depuis le début de l'examen de ce texte – en expliquant que ce sujet important, prévu par la mission d'information sur le droit de la nationalité, devait être renvoyé à ladite mission.
Or, nous venons d'ouvrir un débat qui aurait, lui aussi, parfaitement vocation à avoir lieu au sein de la même mission. On vient de nous distribuer en séance un amendement du rapporteur – qui se trouve être également rapporteur de la mission –, portant sur la question du processus d'acquisition de la nationalité par les jeunes majeurs. De qui se moque-t-on ? Soyez un peu cohérents, assumez les choix que vous avez faits et arrêtez de raconter n'importe quoi aux parlementaires que nous sommes !
Je comprends l'argument matériel que vient d'exposer Mme Mazetier et j'admets qu'en Seine-Saint-Denis, c'est une réalité. Il faut dire que ce département est le plus concerné par les demandes de naturalisation, puisqu'il regroupe 10 % du total des demandes – ce qui fait que la préfecture est surchargée. D'autres départements se trouvent probablement dans une situation similaire et il faudra de toute évidence faire un effort, monsieur le ministre, pour que l'entretien d'assimilation ne se transforme pas en un simple formulaire.
Je veux dire aussi que si nous avons extrait la déchéance de nationalité du débat sur l'immigration, c'est parce que nous sommes intimement convaincus qu'une situation plus préoccupante nous attend, et que nous avons besoin d'aller vite dans un autre domaine, celui de l'absence de dispositif juridique suffisamment fort pour répondre à ce qui risque de se passer à nos frontières dans les jours qui viennent.
Cela étant, d'autres dispositions sur la nationalité, qui n'ont pas le même impact idéologique et ne suscitent pas les mêmes controverses que celles que nous connaissons actuellement, ne nécessitent pas pour autant d'être renvoyées ad nutum. Je veux dire à M. Mamère que la question de l'assimilation est dans la tradition de la France, ce n'est pas une question qui renvoie automatiquement à Vichy ! La tradition française est une tradition d'assimilation linguistique qui s'est même exercée durement à l'égard de certaines entités régionales, qu'elle a forcées à l'assimilation d'une manière outrancière – en tant que Breton, je parle en connaissance de cause. Tel n'est pas notre propos, mais quand vous parlez d'un retour en arrière, monsieur Mamère, je vous rappelle que l'Ancien régime était fondé sur la diversité et que ce qui a fait la force de la République est d'avoir su amener des pays très divers à l'unité.
Par ailleurs, les analyses effectuées par les sociologues montrent qu'un citoyen qui va devenir national se sent plus proche en réalité de sa commune, de sa région, de sa ville que de la nation. Celle-ci apparaît comme le dernier élément d'intégration. Il faut donc insister sur le fait qu'au-delà de l'intégration citoyenne, il y a l'assimilation nationale. En ces temps de mondialisation, il importe de distinguer entre l'intégration citoyenne, commun dénominateur des pays européens, et l'assimilation nationale. Nous ne sommes pas des Anglais, des Allemands ou des Italiens. Au-delà d'une conception commune de la citoyenneté, il est bon de réaffirmer notre histoire, notre avenir, nos traditions républicaines.
Merci, monsieur le président, de donner la parole à un Alsacien. En matière d'assimilation, d'intégration, l'Alsace a beaucoup donné ! Mes parents, nés respectivement en 1906 et en 1915, ont changé quatre fois de nationalité pour enfin avoir le droit d'être Français et de mourir Français. J'ai dû moi-même fournir, fin 1969, un certificat de réintégration de mon père pour pouvoir me marier.
Mes chers collègues, ne jouons pas sur les mots ! Le débat est sérieux. Il ne me paraît pas inopportun de demander à quelqu'un qui souhaite obtenir la nationalité française de faire un petit effort pour adhérer aux valeurs communes. Tous, nouveaux comme anciens Français, que nous vivions à l'Est, à l'Ouest, au Sud ou au Nord, nous devons être fiers d'être Français. Demander aux postulants de passer un petit « examen » pour être adoubés ne me paraît pas scandaleux. On est ainsi tenu de passer un examen d'entrée pour être admis dans n'importe quelle confrérie.
Il ne faut pas voir de la malice partout. Nous devrions être très fiers de participer ensemble à l'élaboration d'un texte qui fasse de tous ceux qui le souhaitent des Français, ces nouveaux Français que nous accueillons avec beaucoup de générosité. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Le maître mot de ce débat, c'est M. Vanneste qui l'a prononcé : il a parlé en effet de similitude. Or, on peut être citoyen français sans être similaire, du fait de l'histoire personnelle de chacun. L'adhésion aux valeurs, au pacte national, n'implique pas la similitude. Si les valeurs sont communes, les histoires sont différentes. Et nous devons respecter ces histoires.
Monsieur Luca, nous avons, vous et moi, des histoires assez similaires. En Algérie, on a enseigné aux jeunes petits arabes que leurs ancêtres étaient les Gaulois.
Certes. Mais il y a un hiatus lorsqu'on enseigne à des jeunes une histoire qui n'est pas la leur. Ce n'est pas ainsi qu'on crée les meilleures conditions. Il n'y a qu'à voir la façon dont s'est opérée la décolonisation.
La décolonisation aurait pu être moins brutale. Cela aurait été une chance pour la France et pour l'Algérie.
Vous savez très bien ce que je veux dire : vous êtes élu d'une région où l'on parle beaucoup de ces choses-là !
En parlant d'intégration, nous voulions insister sur les processus nouveaux et différents relatifs à des histoires nouvelles et différentes qui conduisent à l'accès au pacte de valeurs. Quand on est le fils de quelqu'un qui a subi les conséquences d'une colonisation brutale, qui a vécu l'oppression et la répression coloniales, et pour lequel, donc, le drapeau tricolore n'était pas porteur de valeurs universelles, le processus est bien différent.
Le problème, c'est que des jeunes issus de ce passé colonial accédaient à la nationalité française avec cette histoire-là. Il fallait en tenir compte et c'est la raison pour laquelle nous avons défendu le terme « intégration ».
Le ministre et le rapporteur le savent bien, le processus d'accès à la nationalité et de refondation est aujourd'hui totalement différent des références historiques que vous citez. Il faut repenser totalement la question nationale identitaire dans des termes modernes, précisément liés à la mondialisation. Cela n'a plus rien à voir avec la façon forcée en vigueur autrefois, y compris sous la Révolution française.
(L'amendement n° 84 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 74 .
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Il s'agit par cet amendement de demander au Gouvernement de présenter un rapport d'évaluation des conséquences de la réforme du processus de naturalisation qui a été déconcentré vers les préfectures. Dorénavant, l'instruction des demandes est purement préfectorale. Or une double instruction aurait garanti l'égalité de tous. L'instruction nationale était faite par la sous-direction des naturalisations à Rezé.
L'expérimentation mise en oeuvre, au début de l'année 2010, dans vingt et un départements a été généralisée au début de l'été 2010 sans qu'aucune évaluation n'ait été présentée au Parlement. Un rapport d'activité produit il y a deux ans par la sous-direction montrait pourtant que le taux d'accord ou de rejet ainsi que le contentieux lié à la naturalisation était très différent d'un département à l'autre. Or on ne peut tolérer dans notre République que cette question de l'accès à la nationalité fasse l'objet de disparités, que le processus se déroule dans l'opacité et, en tout cas, sous couvert du pouvoir discrétionnaire des préfets.
Votre amendement est inutile, madame Mazetier. L'article L.111-10 du CESEDA relatif notamment aux acquisitions de la nationalité française prévoit que le Gouvernement doit présenter un rapport au Parlement. Il ne manquera pas à cette occasion d'apporter des indications chiffrées et détaillées.
Par ailleurs, les différents rapporteurs budgétaires de la mission « Immigration, asile et intégration » posent généralement une question à ce sujet au Gouvernement.
Sur le fond, cette notion d'égalité dans la naturalisation doit être creusée. Certes, la tendance de la loi a été, pendant de nombreuses années, d'intégrer la naturalisation dans le code civil – au chapitre concernant les personnes. Le code de la nationalité a en effet été intégré voilà une vingtaine d'années dans le code civil. Il importe cependant de ne pas se tromper sur la nature de la naturalisation : elle est relative au droit des personnes mais c'est un acte totalement régalien. D'ailleurs, ce sont le ministre et les préfets qui interviennent dans la procédure juridique de la naturalisation, et le contentieux est traité par les tribunaux administratifs. Ce statut mixte de la naturalisation ne doit pas avoir trop d'incidence dans la mesure où celle-ci comporte des éléments égalitaires mais aussi régaliens qu'il faut conserver.
Par conséquent, prétendre que tous les départements doivent être égaux s'agissant de la naturalisation ou que cette dernière obéit à des principes du code civil qui détourneraient son caractère régalien est une erreur. C'est la raison pour laquelle je suis très sceptique sur le fond de cet amendement. Quant à la forme, les conditions sont d'ores et déjà remplies.
Après une phase expérimentale au début de 2010 portant sur vingt et un départements, la déconcentration des procédures de demande de naturalisation a été généralisée en juillet 2010. Il apparaît aujourd'hui, madame Mazetier, que le délai de traitement des dossiers a été réduit de près de la moitié puisqu'il est passé…
… en moyenne, madame, de onze mois en 2009 à six mois et demi en 2010. Les évaluations montrent en outre que l'homogénéité de traitement entre les départements a été maintenue.
Je précise enfin que le rapport annuel au Parlement portant sur les orientations de la politique pluriannuelle d'immigration et d'intégration comportera un chapitre sur l'acquisition de la nationalité. Vous y trouverez les éléments que vous souhaitez.
Je suis donc défavorable à cet amendement qui me semble inutile.
Monsieur le rapporteur, un acte régalien ne peut pas se confondre avec le pouvoir discrétionnaire d'un préfet. Un ministre de la République, ce n'est pas un préfet de la République. Les préfets peuvent valser…
Ils peuvent être soumis à des pressions y compris locales. On peut les inciter à naturaliser tels citoyens plutôt que tels autres dont on ne sera pas sûr du vote, par exemple. (Protestations sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Cela nous concerne tous ! On ne peut pas laisser subsister un soupçon sur la procédure de naturalisation au motif précisément, monsieur le rapporteur, qu'il s'agit d'un acte de souveraineté, un acte régalien dans une République dont la devise est « Liberté, égalité, fraternité ». On ne peut pas laisser peser le soupçon qu'il serait plus facile d'obtenir la naturalisation dans certains départements que dans d'autres.
Plusieurs éléments doivent être pris en compte. Monsieur le ministre, vous nous dites que le délai est dorénavant de onze mois. Or, et nous l'avons constaté dans le cadre des déplacements que nous avons effectués pour examiner cette question, le problème est d'abord celui de l'obtention d'un rendez-vous à la préfecture. Il faut parfois des mois et des mois pour obtenir ce rendez-vous, pour avoir accès aux services compétents. Notre demande de précision sur les délais du début à la fin de la démarche nous semble donc parfaitement légitime.
Par ailleurs, on avait rattaché au tout nouveau ministère de l'intégration tout ce qui relevait de la naturalisation. Le service de Nantes, qui fonctionnait très bien, avait été dépecé. Mais aujourd'hui, le fameux ministère de l'intégration ayant été supprimé, que devient ce service ? L'opération aura-t-elle consisté en définitive à retirer au ministère des affaires sociales l'instruction d'un certain nombre de demandes pour les rapatrier au ministère de l'intérieur ?
Monsieur le ministre, voici le numéro de téléphone du service de la préfecture de l'Essonne qui donne les rendez-vous préalables au dépôt d'un dossier de naturalisation : 01 60 91 09 32. Faites l'expérience, demandez aux membres de votre cabinet de faire ce numéro entre huit heures à dix-huit heures : ils entendront soit le signal leur indiquant que la ligne est occupée, soit le disque les informant qu'il faut rappeler la semaine prochaine.
Auparavant, justement grâce au fait qu'il y avait une relation directe, nous pouvions, nous parlementaires, téléphoner au cabinet du préfet pour demander que les choses s'accélèrent. Eh bien, maintenant, on tombe sur une machine qui vous dit sans cesse de rappeler plus tard. De ce fait, dans mon département de l'Essonne, votre déconcentration a conduit à des retards de six mois à un an pour ceux qui veulent accéder à la nationalité française.
Il est donc intéressant de constater que, d'un côté, on déclare qu'il faut faciliter l'assimilation et l'intégration – c'était l'objet du débat précédent –, alors que, de l'autre, la constitution d'un dossier de naturalisation est un vrai parcours du combattant. En effet, cela n'a rien de simple vu la nature et la qualité des documents qu'il faut fournir. Vous savez comme moi que le moindre document non authentifié ou mal photocopié conduit à ce que l'on vous renvoie le dossier. Vous devez alors tout reprendre à zéro.
Voilà donc la question qui est posée. Vous avez dit que la déconcentration faciliterait l'accès. Eh bien, dans un certain nombre de départements, ce n'est pas le cas. D'ailleurs, votre réponse est très intéressante car vous nous avez parlé de moyenne. Moi aussi je peux vous fabriquer des moyennes ! Si vous prenez à la fois des départements où il y a quinze dossiers et d'autres où il y en a mille, la moyenne est bonne, mais ce n'est pas ainsi que se passent les choses.
C'est comme pour le nuage de Tchernobyl : en moyenne, tout allait bien ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, je suis choqué par la façon dont Mme mazetier, en défendant cet amendement défendu a jeté le soupçon sur les représentants de l'État que sont les préfets.
M. le ministre a rappelé tout à l'heure quel était le processus de décentralisation des procédures.
Cette mise en cause s'inscrit dans celle, plus générale que vous faites de l'article 2, car il demande un certain nombre de critères avant d'engager le processus de naturalisation.
Je trouve que le parti socialiste, sur les deux premiers articles du projet de loi, fait preuve d'irresponsabilité.
En effet, de quoi s'agit-il ? En préalable à la discussion générale, M. le ministre a rappelé le contexte et les exigences qui s'imposent à la représentation nationale.
Dès lors, mettre en cause les préfets en laissant penser que la naturalisation serait plus facile à obtenir dans certains départements que dans d'autres n'est pas à l'honneur des auteurs de cet amendement.
Mais téléphonez donc ! Je vous prête mon portable ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
(L'amendement n° 74 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 67 rectifié .
La parole est à M. Jean-Claude Bouchet.
Cet amendement a simplement pour but de parfaire l'intégration des étrangers voulant être naturalisés. Il tend à instituer un cours d'intégration portant sur l'histoire et la culture de la société française qui devra être sanctionné par un examen.
Je rappellerai tout simplement, à l'intention de ceux qui pourraient être surpris par cet amendement,…
…que, dans des pays proches du nôtre, à commencer par l'Allemagne, on donne des cours de ce type à raison de 645 heures. Ce que nous demandons est donc finalement très simple.
Moi, j'ai vu à la télévision un ministre de l'agriculture qui ne savait pas ce que c'était qu'un hectare ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)
Je comprends très bien l'intention des auteurs de l'amendement, mais je ne suis pas sûr que la disposition proposée ne soit pas d'ordre réglementaire.
Par ailleurs, et même si l'on peut en discuter, je trouve que le système envisagé présente quelques inconvénients. En effet, le dispositif actuel me paraît assez performant, dans la mesure où il se fonde sur ce qui est quand même l'une des caractéristiques de la France, à savoir la langue.
Vous savez que notre pays s'est construit en grande partie autour de l'État et de la langue, et que l'assimilation passe par une bonne connaissance de cette langue. Or, avec les meilleures intentions du monde, vous écrasez un peu l'aspect linguistique au profit d'autres éléments que l'on pourra d'ailleurs intégrer dans le décret. En toute hypothèse, je préférerais que, pour laisser le champ libre à la réflexion qui conduira à l'élaboration du décret, vous retiriez votre amendement.
Je partage cette position. Sur le fond, je rejoins tout à fait les préoccupations qui ont été exprimées par les auteurs de l'amendement. Cela dit, la disposition relève effectivement du domaine réglementaire.
Par ailleurs, l'amendement pose un autre problème car il supprime la disposition prévoyant que le Gouvernement fixe par décret le niveau et les modalités d'évaluation de la maîtrise de la langue en vue de la naturalisation.
Je pense donc que le mieux serait, si vous le voulez bien, que vous retiriez cet amendement.
Comme je l'ai dit, il s'agit d'un amendement qui tend simplement à parfaire l'intégration et l'assimilation des étrangers. Nous le maintenons donc.
Heureusement, M. le rapporteur et M. le ministre ont fait preuve d'un peu de raison et d'une certaine sagesse face à un amendement de ce type. Il est toutefois assez intéressant de voir à quel point l'idéologie peut conduire au ridicule. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
…si vous me le permettez à propos d'un amendement qui tend à demander à celui qui veut être naturalisé de bien connaître l'histoire.
Il se trouve qu'il y a quelques mois de cela, au moment même où cette majorité s'apprêtait d'ailleurs à supprimer l'enseignement de l'histoire dans certaines classes de terminale, le Président de la République a expliqué doctement à la télévision à des millions de Français que la religion musulmane était la religion de ceux qui arrivent dans notre pays. Contresens historique ! Contrevérité ! Il y a une mosquée à Paris depuis 1923 et 95 % des musulmans de France ont la nationalité française.
Il faudrait donc peut-être donner des cours d'histoire au Président de la République avant d'exiger de ceux qui arrivent dans notre pays de connaître son histoire ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je rejoins donc l'avis qu'exprimait tout à l'heure notre collègue Julien Dray : ceux qui arrivent dans ce pays doivent pouvoir garder ce qui constitue leur propre histoire. Cela ne les empêche pas de s'intégrer.
Soyez donc un peu raisonnables ! Si vous maintenez cet amendement, j'en conclurai que vous n'avez décidément rien compris à ce qui est en train de se passer dans le pays, que vous continuez à braconner sur les terres du Front national…
…et que ce qui a été dit par Mme Brunel n'est rien d'autre qu'un lapsus politique traduisant la pensée d'une partie de votre majorité, qui s'apprête, parce qu'elle est effrayée par la montée du Front national,…
…à passer à terme des accords avec lui ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Dans cet amendement, il y a forcément un certain nombre de points avec lesquels nous sommes à peu près d'accord. En effet, il est préférable – et nous le souhaitons tous – que tout le monde parle et écrive bien le français et connaisse l'histoire et la culture de notre pays. Mais je constate que la distinction que vous faites ne se vérifie pas toujours dans la réalité.
Je connais un certain nombre de gens, qui appartiennent à des familles « de souche », comme on dit, où la connaissance de l'orthographe est extrêmement approximative. Si vous vouliez faire passer cet examen à tous les Français « de souche » pour être sûrs qu'ils ont le droit d'être français, vous seriez sûrement étonnés et vous devriez en recaler un certain nombre !
Par ailleurs, s'agissant de la littérature et de la culture, là encore je pense que vous êtes extrêmement défaitistes, parce qu'il y a beaucoup de gens qui, bien que n'ayant pas la nationalité française, connaissent parfaitement la littérature française et l'apprécient. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Par exemple, beaucoup de gens connaissent La Princesse de Clèves que certain président n'avait pas l'air d'apprécier !
Plusieurs députés du groupe UMP. Quel rapport ?
Là encore, vous seriez étonnés si vous faisiez la comparaison entre certaines personnes étrangères qui connaissent la littérature française et l'apprécient et un certain nombre d'éminentes personnalités françaises.
Enfin, s'agissant des cours de langue, nous sommes d'accord pour dire qu'il vaudrait mieux que le moins de gens possible écorchent la langue française. D'une part, je n'aurai pas la cruauté de vous renvoyer à un certain nombre d'émissions où l'on entend s'exprimer les gens. D'autre part, et surtout, je vous le demande : qui, aujourd'hui, diminue tous les crédits accordés aux cours de langue ?
Dans ma circonscription, beaucoup d'associations proposent des cours de langue, précisément pour des femmes d'origine étrangère qui viennent en cours l'après-midi parce que c'est le moment de la journée où elles sont disponibles. Eh bien, toutes ces associations voient leurs crédits baisser et nous sommes obligés d'écrire régulièrement à M. Leroy pour lui demander de faire quelque chose car elles font un travail utile. Si vous voulez donc que les étrangers connaissent mieux le français, vous auriez intérêt à soutenir les associations et les organismes qui travaillent dans ce but plutôt que de faire ce genre de propositions qui relèvent de la pétition de principe.
Je serai bref car je ne voudrais pas fâcher tous les ultras qui sont venus pour quelques heures faire de la provocation eu égard à ce qu'est l'histoire de notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mais si, mes chers collègues ! Ne regrettez pas votre comportement ; il est le vôtre depuis toujours même si vous avez musclé vos positions ces derniers jours avec des déclarations tonitruantes.
Assumez ce que vous êtes et essayez de digérer ce que vous a dit le Premier ministre tout à l'heure, lors des questions au Gouvernement. Cela vous permettra de méditer un peu plus sérieusement. (Plusieurs députés du groupe UMP apostrophent vivement l'orateur.)
Mes chers collègues, je vous en prie. Efforçons-nous de nous écouter mutuellement ! Seul M. Muzeau a la parole.
Le pire, c'est que ce n'est même pas là un amendement d'appel. Ce n'est même pas non plus un amendement de provocation : vous pensez ce que vous écrivez.
Et ce qui est pire encore, c'est que vous ne vous contentez pas d'écrire de telles propositions : en plus, vous essayez de les promouvoir. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous essayez de propager ces idées nauséabondes dans l'ensemble de la société française. Vous êtes tellement aveuglés que vous ne vous rendez même pas compte de la portée de ce que vous écrivez.
Ainsi, vous évoquez la connaissance de l'histoire. Mais mettons-nous dans la peau d'une personne demandant à être naturalisée et qui, en ce qui concerne l'histoire, se met à dire ce qu'elle sait des événements de Sétif. Sera-t-elle bien notée à votre avis ? À cette époque, ce qu'on enseignait à ces gens, c'était que leurs ancêtres étaient les Gaulois. Et puis il y a eu Sétif. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Muzeau, efforcez-vous de ne pas provoquer vos collègues et veuillez conclure.
Chers collègues de l'UMP, si pensez que vos hurlements m'impressionnent, vous vous trompez ! J'en ai entendu d'autres.
De toute façon dans le cadre du temps programmé, je peux intervenir comme je l'entends.
Vous vous inscrivez dans la lignée d'une droite décomplexée qui n'hésite pas, comme je l'ai dit hier, à célébrer des noces brunes entre l'UMP et le Front national. Vous êtes en train de vous enfoncer et cet amendement en est la preuve parfaite.
Je voudrais simplement me placer sur le plan de l'élaboration de la loi car nous sommes en train de légiférer et le rapporteur a rappelé que la disposition était du domaine réglementaire.
De plus, voter cet amendement serait aller contre le droit, dans la mesure où il y aurait une rupture d'égalité entre les nouveaux venus et ce grand nombre de nos concitoyens qui ne maîtrisent pas certaines connaissances. D'ailleurs, ces derniers se trouvent quelquefois bien embêtés pour accéder à certains emplois, notamment administratifs.
Et en ce qui concerne l'histoire, la culture et la société, quel sera le niveau de connaissances requis ? D'ailleurs, il ne revient pas à la loi de fixer un tel niveau.
Bref, vous êtes en droit de voter tous les amendements que vous voulez, mais, en l'occurrence, celui-ci est inapplicable, en dehors du domaine de la loi et il rompt avec le principe d'égalité.
Ce débat est, lui aussi, intéressant. Vous essayez de vous rassurer avec des propositions qui vous permettront, dans vos circonscriptions, de prétendre que vous avez durci l'accès à la naturalisation. Vous pourrez dire : regardez, maintenant, il faut connaître la langue française, passer des examens… Mais cela fait vingt ans que cela dure.
Mais là n'est pas le problème, vous le savez très bien.
Dans l'affaire de la burqa à Nantes, qui pose un vrai problème, les personnes en cause parlaient le français et connaissaient parfaitement la culture française. Quand, dans ma circonscription, nous nouons le dialogue avec des femmes qui portent la burqa pour leur expliquer que c'est interdit dans la société française, contraire à notre histoire, etc., vous croyez qu'il s'agit de femmes qui parlent mal la langue française ?
Non, en général, elles la connaissent mieux que nous, ou mieux que certains ministres qui ne savent pas répondre lorsqu'on leur demande ce qu'est un hectare. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Vous êtes totalement à côté de la plaque. Ce n'est pas en mettant en place un examen, comme une sorte de ligne Maginot, que vous résoudrez le problème.
Je voudrais juste préciser que ce que nous proposons existe en Allemagne.
En Allemagne, pays démocratique de l'Union européenne, la personne qui demande à être naturalisée doit passer un examen sur l'histoire, la culture, la société allemande. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Contester cette simple mesure de bon sens en dit long sur vos propres préoccupations.
Tout à l'heure, monsieur Mamère, vous nous avez fait un numéro, comme d'habitude, sur le Front national. Mais le meilleur allié du Front national, c'est vous !
Vos propos sont de nature à faire gagner encore des points à l'extrême droite, et ce n'est pas la première fois que vous jouez avec ça, dans une sorte de ping-pong verbal.
Il n'y a aucun fantasme dans le fait de dire à un étranger – et je suis fils d'étranger – qu'il doit connaître l'histoire du pays dans lequel il vient s'installer. Quoi de plus normal si on veut partager quelque chose avec les autres ? Les Allemands le font et nous, nous serions les seuls zombis de la planète à ne pas pouvoir le faire ? Nous en prenons note ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Vous pouvez prendre note : cela me déplaît – je ne suis pas élu des beaux quartiers niçois, moi !
Je suis atterré par la tournure que prend le débat sur ces questions qui devraient être traitées plus paisiblement et par M. Muzeaud, qui a l'air de considérer que parce que nous assistons à la discussion de ce côté-ci de l'hémicycle, nous partageons tous les mêmes avis.
Il est vrai qu'il est plus facile à nous d'être divers dans nos opinions qu'à lui, qui est tout seul pour représenter le parti communiste. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Ce qui me fait intervenir, c'est justement le fait que je ne partage pas certains propos émis par plusieurs collègues de la même formation politique que moi.
Ne nous faisons pas trop d'illusion sur l'examen : comment peut-on imaginer qu'en une vingtaine de semaines, à raison de trente-cinq heures par semaine, on arrivera à donner à la personne qui demande la nationalité française, un niveau de culture, de connaissance de l'histoire, etc. que nos propres élèves ne parviennent pas à acquérir au bout de dix ans de scolarité – nous l'éprouvons, hélas ! tous les jours ? Il faut être sérieux.
Ou nous voulons accumuler les obstacles avant l'acquisition de la nationalité française, et, à ce moment-là, il faut le dire, ou alors, il ne faut pas recourir à ce type de procédure.
J'ajoute, monsieur le ministre, pour revenir au débat précédent, que les difficultés que rencontrent les demandeurs de nationalité à accéder aux services préfectoraux sont bien réelles, nous le constatons tous les jours. Ne nous réfugions pas derrière des moyennes : nous connaissons des départements où les demandes de naturalisation ne sont pas nombreuses et où pourtant les demandeurs ont beaucoup de difficultés à obtenir un rendez-vous et le respect des délais. Il faut, là aussi, être raisonnables et ne pas chercher à grossir le trait dans ce domaine, personne n'a rien à y gagner.
Je suis un peu surpris par toutes ces réactions parce que cet amendement, qui vise à aider les personnes qui veulent être naturalisées à encore mieux s'assimiler, nous paraissait être de bon sens. Il me semble réducteur et dangereux de faire l'amalgame, madame Pau-Langevin, entre le Français de souche qui ne saurait pas répondre à une question et l'étranger à qui on poserait cette même question.
En allant au bout de cette logique, ne devrait-on pas annuler l'examen du permis de conduire pour les nouveaux candidats ? On va les soumettre à des épreuves que nous-mêmes raterions certainement si nous devions les repasser ! Si l'exemple est stupide, il est de la même veine que ce que j'ai entendu tout à l'heure.
Vous avez ironisé sur la personne qui ne sait pas ce qu'est un hectare. Pouvez-vous nous dire la superficie en hectares de votre circonscription ?
On ne peut pas continuer à procéder de cette façon réductrice. Il faut revenir au véritable débat, c'est-à-dire, selon nous, essayer de parfaire l'assimilation des personnes qui demandent à être naturalisées françaises, tout simplement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Je me suis peut-être mal expliqué, et alors je vous prie de m'en excuser, mais je voulais, sans remettre en cause le fond de l'amendement, rappeler que nous étions dans un domaine réglementaire, qui emporte des conséquences.
M. Couanau qui est inspecteur général comme moi sait très bien que le bulletin officiel de l'éducation nationale est plein de programmes. Concevoir des programmes, c'est un métier. Il ne relève pas du domaine de la loi de fixer les programmes de sixième, de quatrième, de troisième et a fortiori d'un examen.
En réalité, il n'existe que deux solutions pour rendre cet amendement viable : soit vous le retirez, et alors le décret interviendra dans le sens que vous souhaitez car nous sommes d'accord, soit nous allons être obligés d'ajouter un sous-amendement qui renverra au décret l'application de l'article. En toute hypothèse, c'est le décret qui décidera.
Sinon, ce sont tous les programmes de l'éducation nationale – cela ne serait peut-être pas plus mal au fond – qui devraient être examinés dans le cadre de cette honorable assemblée. Ce n'est pas une critique de fond que je formule, mais une critique qui pourrait nous amener assez loin, croyez-moi.
Je rejoins tout à fait l'analyse de M. le rapporteur. Il n'y a aucune divergence de fond avec la position exprimée par M. Bouchet. Simplement, je redoute que l'affirmation du principe général nous prive, pour des motifs de rédaction, de la possibilité de le mettre en oeuvre.
Dans le prolongement de ce que Claude Goasguen disait à l'instant, je propose de compléter l'amendement n° 67 rectifié par cette phrase : « Un décret en Conseil d'État fixera le niveau et les modalités de cette évaluation. »
Sous réserve de l'adoption de ce sous-amendement, je donnerais un avis favorable à l'amendement.
Le sous-amendement du Gouvernement, qui porte le n° 292, est ainsi libellé :
« Compléter l'amendement n° 67 rectifié par les deux alinéas suivants :
« II. – Après l'alinéa 4, insérer l'alinéa suivant :
« Un décret en Conseil d'État fixe le niveau et les modalités de cette évaluation. »
Le rapporteur est favorable, (Rires sur les bancs du groupe SRC.) à moins que les auteurs de l'amendement ne le retirent. À eux de choisir, l'effet sera le même.
Cette séquence a des allures de déjà vu. Vous aviez une ligne de conduite et tout doucement, parce que vous êtes minoritaire dans l'hémicycle, vous êtes en train d'intégrer des amendements contraires à ce que vous vouliez au départ.
Vous pouvez monter en décibels, on a tout le temps – le bon match de foot, c'était hier soir. (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.)
Je vous remercie, monsieur le président, je connais vos qualités d'écoute, que je salue encore une fois mais qui, visiblement, ne sont pas totalement partagées sur les bancs de votre majorité – ce qui fait sa diversité peut-être.
Je reprends l'exemple du permis de conduire : ayant à peu près le même âge, nous l'avons passé dans les mêmes conditions. Il y avait donc égalité devant la loi. Certes, depuis, les choses ont évolué et les jeunes générations passent le permis de conduire dans de nouvelles conditions, mais elles le passent toutes dans les mêmes conditions. Or, là, ce que vous proposez, c'est de rompre l'égalité devant la loi.
Vous voulez créer des catégories différentes, dans un processus que vous ne maîtrisez pas d'ailleurs : quel sera le niveau ? Qui contrôlera ? À quoi mettra-t-on un zéro ou un zéro pointé ?... Vous savez très bien que tout cela ne tient pas debout. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Tous ces éléments ne visent qu'à vous rassurer. Parce que vous n'arrivez pas à assumer la réalité, c'est-à-dire les réponses qu'il faut apporter au processus d'intégration, toutes les solutions que vous proposez sont inefficaces et vous êtes emportés.
Je pense, comme mon collègue Dray, que nous sommes dans la surenchère. Nous voyons comment un ministre de l'intérieur vient de céder à une majorité à laquelle il ne peut plus s'imposer, puisqu'il nous propose un sous-amendement qui ne remet pas en cause l'amendement qu'il combattait il y a quelques instants.
Vous êtes en train de donner des gages aux plus ultras de votre majorité.
Ceux-ci vont pouvoir revenir dans leur circonscription, où ils sont menacés par le Front national, dire à leurs électeurs : voyez comme on est dur, comme on est des remparts, comme on est proches de vous.
Nous assistons à un glissement progressif d'une partie de votre majorité vers le Front national pour des alliances à terme. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Je voudrais souligner à l'intention de M. Mamère que le Gouvernement joue le jeu du dialogue démocratique avec la représentation nationale.
Cela ne devrait pas le scandaliser.
Ce qui me scandalise, c'est que vous reveniez sur ce que vous avez dit.
Cela dit, il existe, entre le Gouvernement, la majorité et vous une différence très importante : Nous, nous souhaitons que les personnes qui demandent la nationalité française témoignent de leur attachement aux valeurs de la République, d'une connaissance de la langue suffisante et d'une imprégnation de nos valeurs républicaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
En réalité, la différence entre nous, c'est que vous, vous brandissez le fait de ne pas connaître suffisamment la langue française pour pouvoir exclure de l'accès à la nationalité française un certain nombre de gens.
Alors que nous, nous n'arrêtons pas de dire qu'il est en effet utile que les gens connaissent la langue française mais que pour cela, il suffit d'organiser des formations et de leur donner des cours, ce que vous ne faites pas. M. Bouchet ne nous dit pas comment cette formation de 645 heures, qui pourrait être utile, sera mise en oeuvre.
Il y a trois ans, quand nous avons parlé de la loi Hortefeux, vous nous aviez expliqué qu'il était indispensable que les personnes qui voulaient rejoindre leur conjoint en France maîtrisent, auparavant, la langue française.
Nous avons la preuve aujourd'hui que les formations à la langue française qui devaient être organisées dans les pays d'origine sont quasiment au point mort. De la même façon, on n'entend plus parler des fameux contrats.
Il est clair que, sans vouloir y remédier, vous utilisez la méconnaissance de la langue française pour éviter de naturaliser tous ceux qui le demandent. Il serait pourtant simple d'accorder deux heures de cours de français à un immigré travaillant en entreprise. Ce serait un moyen simple de maîtriser notre langue, mais cela n'existe pas. Au contraire, la manipulation à laquelle vous vous livrez sur cette question est particulièrement désagréable.
J'aimerais vous rappeler qu'il y a quelques jours, en février, nous avons tous déposé des gerbes en mémoire de Manouchian. Or les hommes de l'affiche rouge, qui ont donné leur vie pour la France, parlaient pour la plupart très mal le français, ce qui ne les a pas empêchés d'être fusillés pour avoir défendu notre pays.
Dans ces conditions, nous ressortir que les gens qui ne parlent pas assez bien notre langue n'ont pas le droit d'être français est de très mauvais goût !
Cet amendement sur la connaissance de l'histoire serait risible s'il n'était sinistre. Car si l'on faisait aujourd'hui un test auprès de nos concitoyens sur leur connaissance de l'histoire de France, on risquerait malheureusement d'avoir de mauvaises surprises. Je ne suis même pas sûre que, au sein de cet hémicycle, les résultats seraient fantastiques…
Demander dans ces conditions à des étrangers qui vivent sur notre territoire et participent au développement de notre pays de posséder une maîtrise totale de l'histoire de France me semble assez invraisemblable.
Combien de nos concitoyens qui ont des origines étrangères, y compris parmi les représentants du peuple, pourraient affirmer que, quand leurs ancêtres – parfois leurs parents – sont arrivés en France, ils parlaient parfaitement le français et connaissaient parfaitement notre histoire ? N'oubliez jamais d'où nous venons tous et ne demandez pas à faire subir à ceux qui arrivent aujourd'hui ou à ceux qui arriveraient demain des épreuves que vous n'auriez pas souhaiter que l'on inflige à vos parents, qui ont eu la chance de devenir citoyens français parce qu'ils l'avaient choisi.
Vous nous parlez du respect de nos valeurs : nous sommes tous pour le respect des valeurs de la République, le respect de la liberté, de l'égalité, de la fraternité, auquel j'ajouterai le respect de la laïcité. Mais, lorsque une partie de l'UMP applaudit frénétiquement un journaliste qui demande la suppression des lois antiracistes, cela fait-il partie des valeurs de notre République ?
Le Président de la République, avec la maîtrise de l'histoire de France qu'on lui connaît, a déclaré lors de son discours au Puy-en-Velay : « Ce baptistère serait donc l'exact contemporain du sacre de Clovis et donc de la naissance de la France », ce qui témoigne d'une vision controversée des origines de notre histoire. Les étrangers qui vont demander la nationalité française devront-ils adopter la version du Président de la République ou pourront-ils faire valoir une autre vision de la naissance de la France ?
La réponse du ministre ne me surprend pas tant que cela, mais j'attends qu'il nous répète la même chose lorsque nous présenterons notre amendement sur le droit à la maîtrise de la langue française et sur l'obligation de moyens qu'emporte le contrat d'accueil et d'intégration pour offrir aux personnes qui arrivent en France la possibilité de maîtriser notre langue, car habiter une langue est en effet un outil d'intégration mais également un formidable vecteur d'émancipation. Je ne suis pourtant pas certaine, monsieur le ministre, que vous donnerez un avis favorable à cet amendement.
Par ailleurs, je voudrais souligner ici qu'il y a deux poids et deux mesures, selon l'origine des amendements discutés. Je suis très surprise en effet que l'amendement présenté par M. Bouchet n'ai pas été frappé par l'article 40. Il induit en effet des coûts directs, liés à l'organisation d'un examen qui devrait être organisé chaque année pour cent mille à cent trente mille demandes de naturalisation. Je souhaiterais donc connaître les coûts généré par cet amendement, si toutefois il était adopté par la majorité, et savoir également par qui vous entendez faire financer vos mesures.
Je voudrais remercier le ministre d'avoir pris en compte cet amendement. Comme il l'a rappelé tout à l'heure, c'est le jeu démocratique et parlementaire, et vous ne pouvez pas à la fois vous offusquer qu'il n'y ait pas de débat au Parlement et être choqués lorsque les choses n'évoluent pas dans votre sens.
Nous acceptons donc la proposition du ministre. Nous ne nous permettons pas, nous, de juger ceux d'entre nous qui sont d'un avis différent, mais nous avons le droit de défendre notre vision des choses. Arrêtons de fantasmer : ce que nous proposons est appliqué en Allemagne, dans l'Allemagne démocratique d'aujourd'hui, à laquelle vous n'hésitez pas, parfois, à vous référer. Si encore il s'agissait d'un délire qui ne fonctionne nulle part, vous seriez en droit de protester. Mais puisque cela fonctionne dans un pays proche du nôtre, pourquoi ne voulez-vous pas que cela marche chez nous ? Qu'y a-t-il d'indigne à exiger de quelqu'un qui veut devenir français qu'il ait quelques connaissances sur l'histoire et la culture de notre pays ? Il ne s'agit pas de passer l'agrégation, ni de participer à Questions pour un champion !
Il s'agit simplement d'accepter dans toutes ses dimensions le pays d'accueil. Mon propre père est d'origine étrangère : il a été très heureux d'apprendre l'histoire de France ; cela lui a fait beaucoup de bien et, par la suite, la France s'en est également bien portée.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
Je ne suis pas sûr que cet amendement n'en reste pas au stade du voeu pieux, quand il faudra fixer un niveau de connaissances en histoire et en littérature, déterminer qui doit faire passer cet examen, où et dans quelles conditions… Je souhaite bien du plaisir à celui qui rédigera le décret.
Néanmoins, chers collègues de gauche, si on regarde cet amendement sans en exagérer la charge émotionnelle ou la dimension politique, que l'on essaie de mesurer d'une manière ou d'une autre l'attachement d'un postulant à la nationalité française n'a, en soi, rien de choquant. Je ne sais si cela doit passer par une évaluation des connaissances historiques ou de la connaissance de la société, mais vouloir mesurer cet attachement ne devrait pas nous diviser. Évitons les polémiques et les références outrancières pour le voter tous ensemble, même si, encore une fois, j'attends avec impatience son décret d'application.
De quoi parle-t-on ? De la naturalisation et de l'entrée dans la nation française. Nous ne remettons pas en cause l'accueil des étrangers qui vivent depuis des années dans notre pays, mais vouloir entrer dans la nation implique un certain nombre de contraintes et d'engagements.
Dans les sous-préfectures se déroulent aujourd'hui des cérémonies de remise des décrets de naturalisation, qui n'existaient pas auparavant. J'y ai participé à de multiples reprises, et il s'agit de cérémonies qui ont une réelle tenue. On y présente un film sur l'histoire de notre pays, on y entend La Marseillaise, autant de moyens d'entrer véritablement dans la nation.
Pour moi, la nation, c'est un territoire, une langue, une histoire et des intérêts communs, et il ne me choque pas que l'on exige de ceux qui veulent devenir français, sous certaines conditions, une connaissance de notre langue et de notre histoire. Je ne vois pas pourquoi l'on dramatise ce problème. On peut vivre en France en étant étranger mais, dès l'instant où l'on veut devenir français, cela demande un effort, et je suis donc favorable à l'amendement sous-amendé par M. le ministre.
Pendant des années, la droite de l'hémicycle nous a expliqué que l'intégration et le statut d'immigré n'étaient pas de bonnes choses, qu'il fallait privilégier les naturalisations et qu'en favorisant l'accès à la nationalité française l'on réglerait beaucoup de problèmes.
Aujourd'hui, nous disons : chiche ! Au lieu de multiplier les statuts transitoires, favorisons la nationalité française. Mais voilà qu'une partie de la droite de l'hémicycle nous rétorque à présent qu'il faut au contraire renforcer les procédures de naturalisation pour vérifier l'attachement à la communauté nationale.
Mais ces mesures sont infinies ! Vous allez commencer par les connaissances, puis vous vous rendrez compte que cela n'est pas suffisant et vous déploierez de nouveaux arguments. Peut-être imaginerez-vous un stage probatoire !
Ce qui nous oppose, monsieur Guéant, c'est que nous considérons qu'il faut aujourd'hui faciliter l'accès à la nationalité française, ce qui permettra de résoudre un certain nombre de problèmes que nous connaissons.
Si vous ne partagez plus cette opinion, assumez-le et dites clairement que, selon vous, certains étrangers ne sont pas acceptables et que c'est pour cette raison que vous multipliez les actes de procédure. Mais vous ne vous en sortirez jamais, car il y aura toujours quelqu'un pour demander, à l'occasion du moindre fait divers, des preuves supplémentaires de l'attachement à la communauté française.
Notre débat oppose, d'un côté, ceux qui croient, comme nous, à la force de la communauté française et qui estiment que le fait de devenir citoyen français et de posséder une carte d'identité est un élément fondateur d'une nouvelle identité, à ceux qui, comme vous, n'y croient plus et multiplient les procédures ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Je voudrais revenir sur l'exemple allemand. En Allemagne, les six cent quarante-cinq heures sanctionnées par un examen concernent les primo-arrivants. Chez nous, les primo-arrivants bénéficient d'une formation d'un peu plus de quatre cents heures dans le cadre des contrats d'intégration. Or nous parlons ici de la naturalisation.
L'Allemagne n'exige pas six cent quarante-cinq heures de formation pour obtenir la nationalité allemande ; celle-ci s'obtient à l'issue d'un simple entretien. Que les choses soient claires, de façon à ce que chacun puisse prendre ses responsabilités en toute connaissance de cause. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur Dray, je souhaite m'élever contre vos propos. Soyons clairs : à l'opposé de la position qui est la vôtre, si nous la comprenons bien, il n'est pas question pour nous de brader l'accès à la nationalité française.
J'ai été effaré d'entendre un certain nombre de mes collègues de l'opposition comparer, en quelque sorte, les étrangers qui demandent à être naturalisés aux Français qui ne disposeraient pas d'un bon niveau en histoire ou en français, à l'oral ou à l'écrit. Que je sache, les Français passent des examens, ils vont à l'école, au lycée, et puis il y a le baccalauréat. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Si l'on suit votre raisonnement, ceux qui échouent à leurs examens ou ceux qui n'ont pas le bac ne sont pas Français !
Vous nous dites : « Certains de nos concitoyens ne parlent pas bien le français, il faut donc que tout le monde soit dans le même cas ». C'est aberrant, ce n'est pas un argument ! (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je ne comprends pas pourquoi vous contestez qu'il soit nécessaire de vérifier quelques éléments fondamentaux avant de donner la nationalité française. Nous demandons seulement quelques connaissances en matière de culture, d'histoire et de langue. Pourquoi voulez-vous rendre l'accès à la nationalité si facile ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Pourquoi voulez-vous brader la nationalité sans demander aux candidats à la naturalisation un certain niveau de connaissance dans des domaines essentiels qui caractérisent l'appartenance à la Nation ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Le sujet est majeur : il n'est pas question de brader l'appartenance à la Nation.
Monsieur Garraud, ce n'est pas parce que l'on s'oppose à l'amendement n° 67 rectifié que l'on veut brader la nationalité française.
Le cinquième alinéa de l'article 2 est ainsi rédigé : « À l'issue du contrôle de son assimilation, l'intéressé signe la charte des droits et devoirs du citoyen français. Cette charte, approuvée par décret en Conseil d'État, rappelle les principes et valeurs essentiels de la République. » Monsieur le ministre, vous nous avez expliqué la différence entre intégration et assimilation. Il est bien prévu que le naturalisé devienne français à l'issue d'une procédure.
Le Gouvernement a déposé un sous-amendement qui précise qu'« un décret en Conseil d'État fixe le niveau et les modalités de cette évaluation ». Cela me convient. Pour autant, tel quel, l'amendement n° 67 rectifié est inapplicable car il renvoie à un examen susceptible de créer une rupture d'égalité.
Monsieur Pinte, contrairement à ce que vous venez de nous dire, je maintiens qu'en Allemagne, la formation de six cent quarante-cinq heures concerne non seulement les nouveaux arrivants mais aussi ceux qui sont déjà sur place. Nous avons fait vérifier cette donnée avant d'en faire mention dans l'exposé sommaire de l'amendement. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous voici au coeur de la stratégie adoptée par la majorité depuis le début de la discussion de ce projet de loi.
Le texte sur l'immigration en est à sa deuxième lecture. Le Président de la République tire une unique leçon des événements qui se déroulent sur l'autre rive de la Méditerranée : il y voit la menace de flux migratoires incontrôlables ou, éventuellement, celle du terrorisme. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Le ministre de l'intérieur a même eu le culot de nous expliquer hier que le texte qu'il nous présentait s'inspirait des bouleversements en cours au sud de la Méditerranée. Ce même ministre, alors qu'il était secrétaire général de l'Élysée, avait pourtant inspiré la précédente loi sur l'immigration : à l'époque, il n'y avait de révolution nulle part et le Gouvernement avait pour ami Kadhafi, Ben Ali, et quelques autres. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Avant M. Guéant, il y a eu M. Besson. Après M. Besson, il y a eu M. Hortefeux. Il faut arrêter de prendre les Français, et les parlementaires qui les représentent, pour des imbéciles. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur Garraud, plutôt que de dépenser l'argent public pour faire passer les examens dont on ne connaît pas les critères, nous ferions mieux de le consacrer à la lutte contre l'illettrisme.
Au lieu de vous évertuer à construire encore plus de remparts et de murs pour empêcher les étrangers d'acquérir la nationalité française, vous feriez mieux de consacrer l'argent public à ceux qui sont touchés par ce véritable fléau.
Julien Dray a raison. Quand, ensemble, nous défendions le vote des immigrés aux élections locales, vous nous répondiez : « Ils n'ont pas choisi la nationalité française, plutôt que de les faire voter, facilitons la naturalisation. » Aujourd'hui, les immigrés ne votent toujours aux élections locales…
…mais obtenir la nationalité française est toujours aussi difficile. Vous nous prenez décidément pour des imbéciles, et vous continuez à braconner sur les terres du Front national. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
(Le sous-amendement n° 292 est adopté.)
(L'amendement n° 67 rectifié , sous-amendé, est adopté.)
Compte tenu du vote qui vient d'avoir lieu et du changement d'attitude du Gouvernement, nous demandons une suspension de séance.
Article 2
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures.)
Nous avions proposé, en première lecture, que tout citoyen français, quel que soit son mode d'acquisition de la nationalité, soit destinataire du Préambule de la Constitution et des textes auquel il fait référence, notamment la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Il nous paraissait en effet inutile de débattre sans cesse de ce sujet : toutes ces valeurs figurent dans ces textes. Il suffit du reste de s'y replonger pour être frappé par la justesse des mots et des notions, qu'il s'agisse de l'équilibre des pouvoirs, de la place du citoyen dans la communauté à laquelle il appartient, de la protection qu'il est en droit d'attendre d'elle et de la participation que l'on attend de lui.
Hélas, vous avez refusé notre proposition. Mais comment ne pas accepter aujourd'hui que la rédaction de cette fameuse charte, qui reformulerait ces valeurs intangibles, relève, comme nous le proposons par cet amendement, du Parlement plutôt que d'un décret en Conseil d'État ?
Par cet amendement, nous souhaitons que la charte des droits et devoirs du citoyen français soit soumise pour avis à la commission des lois de l'Assemblée nationale puis du Sénat, afin que celles-ci puissent être associées à son élaboration.
La proposition de M. Garraud soulève un problème juridique, car elle permettrait à la commission des lois d'examiner – et j'en serais très heureux – un texte réglementaire.
Par ailleurs, un élément devrait nous conduire à voter le texte initial. En effet, le ministre s'est engagé à ce que cette charte ne soit pas rédigée uniquement par des fonctionnaires du Conseil d'État, mais aussi par des parlementaires de toutes tendances. J'ajoute que seront également associés à sa rédaction des non-juristes, comme le souhaite M. Pinte – je pense notamment à des sociologues –, en tout cas des personnes ouvertes à d'autres univers que celui du droit.
Cette charte sera très importante. Elle doit, bien entendu, s'inspirer des droits fondamentaux : nous n'allons pas inventer les principes de la République. Toutefois, il nous faut réfléchir à certaines notions, puisque nous passons du stade de l'intégration à celui de l'assimilation. Je pense notamment à celle de nation, qui vient d'être réaffirmée ; et je me félicite que l'on retrouve cette conception de la nationalité que, depuis quelques décennies, on avait un peu oubliée au profit de l'intégration et de la citoyenneté. Je pense également à la notion de défense, à la manière dont on peut considérer notre pays dans le cadre de la mondialisation ou à la réaffirmation de nos spécificités. Encore une fois, il m'est arrivé, bien que juriste, d'enseigner l'oeuvre de certains philosophes. La perspective d'un monde unidimensionnel me met très mal à l'aise ; Herbert Marcuse, grand philosophe marxiste, avait raison à cet égard. Il me semble que nous devons réaffirmer nos spécificités nationales ; c'est une absolue nécessité si nous voulons défendre nos valeurs.
En conclusion, le mieux serait que nous votions le principe de cette charte, compte tenu des aménagements que le ministre de l'intérieur nous a accordés. Il s'agit d'un texte important pour l'avenir. Avis défavorable aux trois amendements.
Je pensais que le Gouvernement serait favorable à cet amendement mais, puisqu'il y est opposé, nous le retirons.
(L'amendement n° 16 est retiré.)
Mes chers collègues, je vous indique qu'il nous reste 250 amendements à examiner et que le temps de parole restant est de deux heures et six minutes pour le groupe UMP, de quatre heures et quarante minutes pour le groupe SRC, de deux heures, une minute et seize secondes – c'est très précis – pour le groupe GDR, d'une heure et trente-sept minutes pour le groupe Nouveau Centre et de vingt-sept minutes pour les non-inscrits.
Je suis saisi d'un amendement n° 17 .
La parole est à M. Christian Estrosi.
Monsieur le ministre, la charte des droits et devoirs du citoyen devant poser les piliers du pacte républicain que nous souhaitons défendre ensemble, il me paraît important d'y affirmer quelques principes fondamentaux, ainsi que d'y mentionner les symboles de la République française, tels que notre devise, notre drapeau, la Marianne et l'hymne national.
Quelle Marianne ?
(L'amendement n° 17 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
Il s'agit tout simplement (Exclamations sur les bancs du groupe GDR) d'instituer, conformément à la logique du texte créant la charte des droits et devoirs du citoyen, une égalité entre tous les jeunes Français d'origine étrangère. En effet, la situation actuelle est discriminante, puisque, sur les 30 000 jeunes en mesure d'acquérir la nationalité française, ceux qui ont moins de treize ans doivent faire la démarche par l'intermédiaire de leurs parents, ceux qui ont seize ans peuvent la faire par eux-mêmes, alors que ceux qui ont dix-huit ans obtiennent automatiquement la nationalité. Certes, ils sont peu nombreux – 3 000 – mais ils ne sont pas traités de la même manière que les autres. Or, pour devenir Français, il faut faire une démarche simple exprimant une volonté.
La parole est à M. Jean-Paul Garraud, pour soutenir l'amendement n° 234 .
Il nous semble que l'on ne peut pas devenir Français sans en manifester la volonté. Nous proposons donc que les étrangers nés en France de parents étrangers puissent, à partir de l'âge de seize ans et jusqu'à l'âge de vingt et un ans, acquérir la nationalité française, à condition qu'ils en manifestent la volonté. Ils le feraient par une simple déclaration exprimant leur volonté d'appartenance à la nation et leur adhésion aux valeurs de la République, qui constituent notre pacte républicain. Il n'y a rien de plus démocratique que de manifester librement sa volonté d'acquérir la nationalité.
La parole est à M. Patrice Verchère, pour soutenir l'amendement n° 73 .
Cet amendement, que j'ai déposé avec Dominique Tian, vise à préciser qu'une personne ne peut devenir française qu'après en avoir manifesté réellement la volonté et à condition de n'avoir jamais fait l'objet de condamnations délictuelles ou criminelles. Il est fondé sur les déclarations du Président de la République qui, dans son discours de Grenoble, avait affirmé : « Je souhaite que l'acquisition de la nationalité française par un mineur délinquant au moment de sa majorité ne soit plus automatique. »
Toutefois, compte tenu des amendements nos 10 et 234 , je retire mon amendement. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
(L'amendement n° 73 est retiré.)
C'est au cours de sa réunion au titre de l'article 88 du règlement que la commission a examiné, assez rapidement – comme c'est généralement le cas à l'occasion de cette procédure –, les amendements nos 10 et 234 et qu'elle les a adoptés. Toutefois, nous sommes en deuxième lecture et la procédure dite de l'entonnoir nous laisse assez peu de liberté. Ces amendements – leurs auteurs y ont, du reste, certainement pensé – auraient donc pu motiver un recours devant le Conseil constitutionnel, avec quelque chance de succès. Néanmoins, ce qu'a voté la commission restant intangible, j'ai tenté de sortir juridiquement ces amendements de l'entonnoir – ce qui n'est pas aisé, vous le savez –, afin de maintenir le principe adopté.
C'est pourquoi j'ai déposé l'amendement n° 291 , qui reprend ce principe et permet, avant le véritable débat sur l'acquisition de la nationalité que nous aurons à la fin de la mission d'information parlementaire consacrée à ce sujet, de refléter l'opinion générale de la commission des lois sans faire peser sur cet article le risque d'une censure du Conseil constitutionnel. J'ai déposé cet amendement après la réunion de la commission ; l'usage est assez rare, mais je me suis assuré qu'il existait.
Je rejoins la proposition de M. le rapporteur, qui a du reste l'avantage de créer une symétrie entre les différentes situations, puisque les personnes de treize ans, seize ans et dix-huit ans feront toutes, selon des formes différentes, une demande de nationalité.
Oui, je retire l'amendement n° 10 au profit de l'amendement du rapporteur.
Il est assez amusant de voir comment nos collègues présentent ces amendements, au caractère quelque peu scélérat (Protestations sur les bancs du groupe UMP),…
…comme s'il s'agissait de quelque chose de banal !
Chers collègues, vous pratiquez la confusion et l'amalgame, tout comme M. le ministre, d'ailleurs, dont on aurait attendu mieux. En droit français, quand on a treize ou quatorze ans, on est considéré comme mineur ; c'est pourquoi on est obligé de demander l'acquisition de la nationalité. À dix-huit ans, en revanche, on est majeur. Si un majeur ne déclare pas ne pas vouloir être Français, cela veut dire qu'il accepte de l'être. S'il ne veut pas l'être, il le fait savoir, mais s'il ne dit rien, cela signifie qu'il est automatiquement Français.
Les députés de la majorité siégeant actuellement dans l'hémicycle sont en contradiction totale avec ce qu'ils nous racontaient il y a quelques années au sujet de la facilitation de l'acquisition de la nationalité. Ils sont en train d'y mettre un nouvel obstacle, après celui que nous avons combattu hier.
Le second enseignement que je tire de cet épisode, où notre malheureux rapporteur est obligé de présenter son amendement n° 291 , c'est que vous êtes prisonnier de cette majorité, monsieur le ministre, en tout cas de sa partie la plus conservatrice, à laquelle vous ne cessez de donner des gages. Ne comptez pas sur nous pour être votre roue de secours !
Après avoir remercié le rapporteur et le ministre pour leurs explications, j'ajouterai seulement une chose. Être majeur, c'est être libre, c'est choisir son avenir. Il n'y a rien de plus normal, pour un citoyen adulte, de décider : « Je souhaite être Français. »
Il ne convient pas que cela soit automatique, que cela se fasse sans son accord, car la première des libertés, pour un homme, un citoyen, c'est justement de choisir. Il ne s'agit pas d'une condition ; c'est une simple déclaration. Je trouve donc cette proposition très positive car elle renforce la liberté du citoyen majeur : c'est son choix, c'est son avenir, c'est sa vie !
Monsieur le président, je souhaiterais que mon intervention ne soit pas décomptée du temps de notre groupe, s'agissant d'un amendement du rapporteur déposé en dehors des conditions posées à l'article 88. Alors que nous sommes en deuxième lecture et qu'une mission d'information sur le droit de la nationalité a été créée, au terme de la première lecture, pour réfléchir aux évolutions du droit de la nationalité, le rapporteur modifie ce droit par la bande.
Ces débats, sur une décision de portée considérable, entament notre temps de parole alors que nous en avons déjà très peu pour examiner les quatre-vingts articles votés non conformes par l'Assemblée nationale et le Sénat, dont certains sur des sujets extrêmement importants.
Ce que visent nos collègues et le rapporteur, ce sont 3 000 jeunes majeurs, dont ils prétendent qu'ils ne découvriraient leur nationalité qu'au moment de faire établir leurs papiers d'identité. Cette décision de faire établir des documents d'identité n'est-elle pas justement la manifestation d'une volonté ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
C'est un truisme de dire qu'une démarche d'établissement de tels documents manifeste une volonté d'avoir sa carte d'identité nationale.
Ces propositions, c'est une nouvelle manière de stigmatiser les mêmes, et une manifestation supplémentaire de la haine de soi. Vous n'aimez pas la France (Protestations sur les bancs du groupe UMP), vous ne croyez plus en la France, en la capacité de la France et de la République française de fabriquer des Français. Vous détestez la France d'aujourd'hui, que nous aimons et à laquelle nous croyons ! (Mêmes mouvements.)
Efforçons-nous d'apaiser le débat, ma chère collègue !
Les choses sont claires : dix minutes de plus ont été allouées à chacun des groupes car il s'agit d'un amendement qui s'ajoute à la liste initiale. Votre demande est donc satisfaite quant à la procédure. Je ne me permettrai évidemment pas d'intervenir sur le fond.
La parole est à Mme Martine Billard.
Sur la forme, nous ne devrions pas voir introduire en deuxième lecture un nouveau débat.
Même si l'article 2 porte un tant soit peu sur le sujet, cet ajout est à la limite de ce que peut normalement tolérer une deuxième lecture.
Sur le fond, 3 000 jeunes deviennent Français à dix-huit ans parce qu'ils sont nés sur le territoire français et y ont été à l'école. Qui est plus Français que quelqu'un qui a vécu toute sa vie sur le territoire français ?
Vous nous dites qu'ils deviennent Français par surprise.
Je fais miens les propos de Sandrine Mazetier à l'instant : s'ils vont chercher leur carte d'identité, c'est bien qu'ils font une démarche volontaire.
S'ils ne veulent pas être Français, ils ne vont pas la chercher !
Vous allez déstabiliser des jeunes au moment en général le plus difficile pour eux, celui où ils demanderont un stage ou voudront entrer en apprentissage. Et rien ne prouve, contrairement à ce que vous affirmez, que la réponse sera automatique. Ce sont 3 000 jeunes qui seront obligés de faire cette demande alors qu'à leurs yeux, ils ont toujours été Français. Combien découvriront qu'ils ne le sont pas alors qu'ils croyaient l'être, d'autant plus que notre droit de la nationalité ne cesse de changer ?
Merci pour eux ! Je fais justement partie de ces Français qui n'ont pas que des Français de souche dans leur ascendance. Heureusement que les lois de l'époque n'étaient pas celles que vous êtes en train de voter, car je me demande, sinon, si je pourrais siéger sur ces bancs !
Ça dépend ! Il y a eu des moments où l'on était Français par droit du sol.
Vous êtes en train de réintroduire des difficultés pour les jeunes à vivre leur vie de jeunes. C'est cela, qui est insupportable ! Vous passez votre temps à dresser nos concitoyens les uns contre les autres, à faire que des jeunes ne puissent plus s'intégrer dans notre pays alors qu'ils sont de notre pays ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Non, c'est exactement cela ! Vous avez toujours la volonté de discriminer, de mettre en cause ce que sont ces jeunes !
Si, selon vous, il faut, dans une démarche volontaire, prouver que l'on est Français et assimilé, vous devriez vous poser la question – je ne me la pose pas mais votre conception devrait vous y amener – de ces Français de l'étranger qui ont des papiers français mais n'ont jamais mis un pied en France et ne parlent parfois même pas notre langue.
Cette remarque est très significative : vous voulez rétablir le droit du sang dans notre pays ! Vous êtes contre le droit du sol. C'est ce qui fait la différence entre nous, car nous considérons que tout jeune né dans notre pays et qui est allé à l'école dans notre pays est un Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Le sujet doit être envisagé d'un double point de vue.
Sur le plan juridique, il y a là un principe suffisamment général pour montrer, simplement, une intention volontariste – nos collègues de l'opposition l'ont bien compris puisqu'ils ont employé le terme. Qu'est-ce qui marque ce très court passage consacré à la nationalité ? Nous passons, au-delà de l'intégration, à un stade où la nationalité est demandée par une manifestation de volonté.
Je n'évacue absolument pas, dans les débats à venir, l'idée de généraliser cette demande de témoignage de volonté, y compris à ceux qui pourraient être natifs de France ou descendants de Français. Cette démarche intellectuelle n'est pas forcément à exclure. Elle est même essentielle car la perte du sens de la nationalité ne touche pas, hélas, que les jeunes immigrés mais aussi un certain nombre de Français dits de souche.
Notre intention n'est donc pas d'introduire une discrimination mais de redonner à la nationalité une vigueur qu'elle a perdue pour des raisons complexes.
Actuellement, nous sommes dans la définition générale. Ce que vous avez voté avec la charte est exactement la même chose.
La signature d'une charte pour obtenir la naturalisation est de même portée que l'engagement ici demandé. Nous sollicitons l'expression d'une volonté d'acquisition de la nationalité : tel est le principe qui doit désormais guider le champ d'application juridique de cette notion.
C'est cela notre intention, et rien d'autre. Ce n'est donc pas la peine d'essayer de nous ressortir les vieilles histoires du droit du sol et du droit du sang. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Nous verrons cela plus tard. Nous restons dans la ligne du dispositif issu de la commission des lois, mais nous l'avons réduit à un principe général de manière qu'il n'y ait pas de suspicion. Nous n'avons pas entamé le débat sur la nationalité ; nous lui avons donné une base politique forte, qui est que la nationalité ne se décrète pas.
Sur le plan pratique, si vous n'avez pas compris, chers collègues, que le fait de posséder une carte d'identité n'est plus significatif de l'adhésion à la nationalité, c'est que vous ne savez rien de la manière dont, dans les mairies, on vient chercher cette carte, souvent considérée comme un simple morceau de papier plastifié !
Il faut rendre au droit de la nationalité une vigueur, un sens d'appartenance qu'il a perdus au profit de démarches administratives. Cette carte d'identité, c'est, pour la plupart des gens qui l'ont, de longues démarches, des files d'attente…
Avec votre amendement, cela fera des files d'attente pour 3 000 personnes de plus !
Sont-ils capables de vous expliquer ce qu'elle représente ? Dans la plupart des cas, vous savez bien que non : l'acquérir est un soulagement, car cela permet d'obtenir un certain nombre de droits, aussi bien, d'ailleurs, pour le mineur né Français qui devient majeur que pour celui qui a acquis la nationalité française, mais cela ne va pas plus loin. Il faut rompre avec la philosophie du papier plastifié !
Ne vous méprenez pas : il n'y a pas là de discrimination.
C'est une approche volontariste de la nationalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'informe l'Assemblée que, sur l'amendement n° 291 , je suis saisi par le groupe SRC d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Madame Mazetier, madame Billard, ce n'était pas la peine d'intervenir de manière aussi musclée sur l'amendement du rapporteur, qui ne change rien à la situation actuelle.
Il prévoit simplement que des jeunes devenus Français fassent une demande de certificat de nationalité, à la différence des amendements de nos collègues Jean-Paul Garraud et Lionnel Luca – ce dernier amendement cosigné par moi-même – qui exigeaient une démarche en amont, avant l'obtention de la nationalité. L'amendement du rapporteur ne change rien à la procédure actuelle d'acquisition de la nationalité : il se borne à prévoir que les jeunes qui souhaitent un document indiquant qu'ils sont devenus Français en fassent la demande.
Je dois avouer que les bras m'en tombent ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Je ne reviens pas sur mes origines, que j'évoquais tout à l'heure en aparté : mes parents, mes grands-parents venaient d'ailleurs.
Vous venez, madame Mazetier, de nous insulter en disant que nous n'étions pas dignes d'être Français. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous avez dit que nous n'aimions pas la France et c'est exactement pareil ! Moi, l'Alsacien, je me sens profondément blessé. (Mêmes mouvements.)
Soyons sérieux ! Demander à un jeune de dix-huit ans, pour obtenir ce papier plastifié, de dire « Je désire être Français », je ne vois là aucun spectre de quoi que ce soit !
Arrêtez de nous insulter ! Arrêtez de vous considérer tous bons, et nous tous mauvais ! C'est indigne du Parlement ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le rapporteur, vous savez le respect que j'ai à votre égard, mais j'essaye de comprendre la cohérence de votre amendement. Après la première lecture, nous avons mis en place une mission d'information sur le droit à la nationalité française. Nous y travaillons et vous en êtes le rapporteur. Au passage, je constate que ceux qui sont les plus vigoureux ici n'y sont pas forcément les plus assidus. (Exclamations sur de nombreux sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, si cette question vous passionne et qu'elle vous importe tant, vous devriez reconnaître que les réflexions en amont permettraient de gagner du temps. Mais nous y reviendrons quand la mission aura conclu ses travaux.
Dans le cadre des évolutions actuelles, la question de l'appartenance à la nation nécessite la prise en compte d'un élément nouveau : la fameuse cérémonie au moment de l'accès à la nationalité. Elle commence à se généraliser, et elle est issue d'un débat parlementaire. C'est à ce titre que nous avons souvent dit qu'on ne faisait plus la distinction entre ceux qui venaient d'être naturalisés et les jeunes qui, à dix-huit ans, accédaient à la citoyenneté. Un tel sujet de débat est issu d'une réflexion collective. On pourrait donc la poursuivre, et c'est normalement le but de la mission dont vous êtes l'initiateur.
Or, tout à coup, vous nous sortez une mesure administrative en disant que vous voulez une manifestation de la vigueur de l'appartenance. Pensez-vous vraiment que quelqu'un qui écrira une lettre à toute vitesse pour demander la nationalité française manifestera ainsi la vigueur de son appartenance ? Croyez-vous qu'une telle lettre constituera l'acte fondateur d'une identité ? Vous le savez comme moi, monsieur le rapporteur : ces jeunes l'écriront à toute vitesse, parce qu'il faut le faire, mais cela ne vaudra pas compréhension de ce qu'est la nation française.
La divergence entre nous est claire : vous, vous partez en permanence d'une suspicion, et vous multipliez les obstacles ;…
…nous, au contraire, nous affirmons qu'il faut créer les conditions d'accès à la nationalité. Un collègue a dit que nous bradions la nationalité française. Mais ce n'est pas la brader que de croire à la force de l'acquisition de la carte d'identité française et à ce que cela va impliquer dans la prise de conscience des intéressés.
Qu'il faille renforcer le dispositif d'acquisition par des mesures symboliques, non pas par des mesures administratives mais éducatives, que nous réfléchissions ensemble aux conséquences à en tirer, y compris à l'éducation nationale et dans les programmes radio-télévisés, voilà un sujet de discussion que nous pouvons avoir. Mais ce que vous proposez, c'est la pire politique car, en multipliant les actes administratifs, on crée des contentieux permanents et des files d'attente, démoralisant ainsi un certain nombre de gens qui, pourtant, auraient voulu contribuer généreusement au développement de la nation française. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
À mon tour, je veux protester contre un tel procédé. Nous sommes un certain nombre à travailler sérieusement, depuis plusieurs mois, sur les questions de nationalité, dans le cadre de la mission que vous avez créée, monsieur Goasguen. Nous sommes présents, nous travaillons, nous auditionnons. Cela signifie que nous allons conclure, s'il le faut, à une réforme des textes sur la nationalité. Je ne comprends donc pas que vous nous proposiez, par la bande, de modifier par petits bouts – peut-être en pensant à ceux qui ne sont pas très assidus à la mission – les textes en vigueur, alors que notre mission essaye d'arriver à quelque chose de constructif sur le fond. On ne peut pas déclarer que l'on va travailler en profondeur sur la législation relative à la nationalité tout en essayant d'arracher peu à peu des modifications sur lesquelles nous essayons par ailleurs de trouver un accord.
Mais allons au fond du débat : il s'agit de savoir si les personnes qui acquièrent la nationalité française de manière plus ou moins automatique ont des liens avec notre pays suffisamment étroits pour le leur permettre. Alors, je rappelle qu'une telle acquisition n'est pas ouverte à n'importe qui : il s'agit de familles en général installées en France depuis plusieurs générations puisque devient automatiquement français à sa majorité quelqu'un né en France de parents eux-mêmes nés en France. Même si les parents ont une nationalité étrangère, ils sont en France depuis toujours. Le critère d'intégration que vous croyez devoir inscrire dans le texte existe déjà car, quand on vit depuis plusieurs générations dans notre pays, cela signifie qu'on y a fait sa vie et qu'on tient à ce pays.
Enfin, il ne faut pas nous prendre pour des demeurés, monsieur le rapporteur : vous prétendez qu'il suffira d'une simple lettre dans laquelle l'intéressé demandera son certificat de nationalité, alors qu'il s'agit en fait d'une démarche de demande de nationalité, à laquelle l'administration sera par conséquent libre de répondre par oui ou par non.
Voilà ce que vous voulez. Établir le parallèle avec l'obtention de la carte d'identité, qui doit être précédée d'une demande de l'intéressé, c'est nous prendre pour des idiots.
Je voudrais qu'on en reste à l'amendement. Il est très clair : lorsque le jeune fera une demande de certificat de nationalité, il devra rédiger une lettre manuscrite à l'appui de cette demande, et c'est tout.
Mes chers collègues de l'opposition, cela ne vous choque pas qu'il y ait aujourd'hui 27 000 demandes de cette nature, de la part des parents pour les enfants mineurs, et directement par les intéressés à partir de seize ans ? Un mineur de seize ans peut donc faire une lettre pour demander à devenir Français alors qu'un majeur de dix-huit ans ne le peut pas.
Actuellement, 27 000 mineurs effectuent cette démarche alors que 3 000 jeunes en sont écartés. Nous demandons simplement l'égalité pour tous. Je ne vois vraiment pas pourquoi vous la refusez.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 291 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 86
Nombre de suffrages exprimés 83
Majorité absolue 42
Pour l'adoption 54
Contre 29
(L'amendement n° 291 est adopté.)
Défavorable.
C'est une nouveauté que cet amendement puisqu'une personne née Française ne peut pas perdre sa nationalité même si elle en prend une autre. C'est impossible. J'ai vérifié parce que l'on avait argué de la non-mise à jour de ma carte d'identité pour me dire que rien ne prouvait que j'étais Française… Cela fait toujours un choc, alors j'ai vérifié : un Français ne peut pas perdre sa nationalité sauf s'il n'a plus aucun lien avec la France : être marié à une étrangère, avoir volontairement acquis la nationalité du pays concerné et y vivre sans plus aucun lien fiscal ou domiciliaire en France.
Si cet amendement était voté, on demanderait à une personne acquérant la nationalité française de répudier son autre nationalité alors qu'on ne le demanderait pas à une personne née Française. Cela introduirait une discrimination entre Français.
Cet amendement entend poser un principe. Je signale encore une fois qu'en Allemagne, et vous pourrez vérifier…
Cela a l'air de vous déranger quand on vous parle de l'Allemagne. Pourquoi ? Il est vrai que vous, vous vivez dans le passé, vous n'êtes pas sorti de 40-45, vous passez votre vie dans un musée ! (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Je rappelle simplement que le gouvernement allemand a supprimé la double nationalité pour les Turcs car, en l'espèce, cette double appartenance posait problème. Mais j'ai pris note de votre argument, madame Billard, c'est pourquoi j'ai défendu cet amendement pour soulever le problème, mais sans aller au fond.
Il est juridiquement indéfendable, mais je le défends politiquement. (Rires sur divers bancs.)
Quelle argumentation de la part d'un ancien membre de la commission des lois !
Madame Billard, vous vous êtes trompée sur la signification de cet amendement. La plurinationalité est un problème mondial.
Nous ne savons pas combien de personnes sont concernées en France parce qu'elles ne sont pas enregistrées. Le seul registre existant concerne les renonciations à la nationalité. Quelqu'un qui a plusieurs nationalités n'est pas forcé d'en informer l'administration et, quelquefois, il ne le sait pas. La plupart des pays, notamment asiatiques et africains, ont une conception de la nationalité différente de la nôtre. En France, il est toujours possible au plurinational de renoncer à la nationalité française,…
Mais si, madame Billard.
…tandis que dans ces pays existe le droit d'allégeance perpétuel, c'est-à-dire que, quel que soit le lien avec le pays d'origine, on n'a pas le droit de répudier sa nationalité. Ainsi, des Marocains, même s'ils sont Français depuis deux générations, ne savent pas qu'ils sont toujours Marocains. Je prends cet exemple parce c'est avec ce pays qu'il y a le moins d'incidents, mais une telle situation pose un problème juridique maintenant grave. M. Luca a fait allusion aux incidents très sévères qui ont lieu en Allemagne avec les Turcs. Le problème de la binationalité des Turcs, revendiquée par le Premier ministre de Turquie, va à l'encontre du droit allemand, qui vient d'être modifié en privilégiant pour cette population le droit du sol.
Monsieur Luca, votre amendement soulève donc un problème juridique extrêmement complexe. C'est la raison pour laquelle je vous demande de le retirer. Il faudrait vraiment mener une discussion en profondeur avant de prendre des mesures importantes en ce domaine.
La double nationalité pose un problème particulier quand on sert l'armée française. J'ai posé la question à M. Éric Besson, et je l'ai reposée à Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale : quelle est, dans l'armée française, la situation juridique de ceux qui ont la double nationalité ? Est-ce ou non acceptable ? Quid en cas de conflit avec le pays d'origine ? On a été suffisamment rétif à accorder la nationalité française à des anciens de la Légion étrangère – Mme Guigou, alors garde des sceaux, n'accueillait pas chaleureusement une telle perspective – pour que je souhaite, monsieur le ministre, qu'une réponse soit donnée à cette question et que l'on nous fournisse les éléments et les chiffres susceptibles d'éclairer l'Assemblée.
Il s'agit donc d'un amendement d'appel, et je le retire.
(L'amendement n° 12 est retiré.)
Je suis saisi d'un amendement n° 207 .
La parole est à M. Pascal Brindeau.
Cet amendement est le fruit du constat que, dans certains départements, les demandes de naturalisation font l'objet d'une attente excessivement longue.
C'est sans doute mon inexpérience dans cet hémicycle, mais je ne suis pas habitué à la tonalité de certains débats. Je m'inquiète que nous soyons capables de nous lancer des invectives et de nous faire des procès d'intention à propos d'une définition de la nationalité qui devrait être partagée et républicaine. Aux uns, on fait le procès d'intention de vouloir complexifier tellement l'acquisition de la nationalité qu'elle en deviendrait impossible, alors que les nouvelles dispositions déconcentrant l'examen des dossiers ont pour vocation de réduire les délais.
Mais, dans certains départements, et pas seulement dans la ceinture francilienne, on a encore des difficultés en la matière – je le constate en Loir-et-Cher dont je suis l'élu.
Aux autres, on fait le procès d'intention de vouloir brader les conditions d'acquisition de la nationalité, qui deviendrait un droit vidé de ses devoirs.
Il n'y a qu'une personne – non présente dans cet hémicycle – pour s'en frotter les mains, et Noël Mamère, avec son talent de polémiste, a bien fait de la citer. J'attire votre attention sur le fait que nous sommes en train de faire son jeu, en raison du caractère exacerbé de nos débats. En républicains, nous avons intérêt à montrer les bases communes qui nous rassemblent sur ces questions, plutôt que des symboles qui parfois nous divisent.
Notre amendement, j'y reviens, a pour but de réduire les délais d'attente pour les dépôts de dossier de demande de naturalisation, afin que ceux-ci n'excèdent pas trois mois. Notre collègue Jean-Christophe Lagarde avait fait une proposition en ce sens dans le cadre de la loi de 2006.
Défavorable.
Défendu !
(L'amendement n° 206 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 2, amendé, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 15 .
La parole est à M. Christian Estrosi.
L'article 2 bis précise que le conjoint souhaitant acquérir la nationalité française doit justifier d'une connaissance suffisante de la langue française. Cela paraît bien normal. Il précise néanmoins que l'évaluation de cette connaissance se fera « selon sa condition ».
L'amendement que je présente avec près d'une quarantaine de mes collègues suggère de supprimer la référence à la condition du conjoint, qui, de notre point de vue, constitue une rupture d'égalité entre les citoyens. L'appréciation de la connaissance de la langue française doit se faire selon des critères objectifs et non pas subjectifs.
Cet amendement a été repoussé par la commission, mais la disposition proposée est parfaitement envisageable.
Cet amendement présente beaucoup d'intérêt sur le fond : il vise finalement à permettre une vie plus aisée dans notre société aux conjoints de Français.
D'ailleurs, ces problèmes douloureux d'intégration ou d'assimilation – selon les cas – des conjoints dans notre société, pour des raisons de différences de culture, ont été évoqués tout à l'heure lors des questions au Gouvernement.
Votre amendement pose toutefois un problème juridique : il traite du régime des Français par mariage, mais pas de la situation des Français par naturalisation. Par symétrie, il faudra ultérieurement modifier aussi le cas des Français par naturalisation.
Pour ma part, je m'en remettrai volontiers à la sagesse de l'Assemblée nationale.
(L'amendement n° 15 est adopté.)
(L'article 2 bis, amendé, est adopté.)
Il est défendu.
(L'amendement n° 87 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 78 .
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Cet amendement a déjà été évoqué. Plutôt qu'une charte, nous proposons que soient remis au cours de la cérémonie de naturalisation, mais aussi lors de la journée « défense et citoyenneté » et lors de la cérémonie de mariage – c'est-à-dire dans toutes les situations d'accès à la nationalité – le préambule de la Constitution de la Ve République et les textes cités dans ce préambule, en particulier la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Le Gouvernement ayant donné un avis favorable à un amendement sur l'examen qu'ont présenté nos collègues, je ne comprendrais pas qu'il soit défavorable à la remise de ces documents à tous ces Français.
Je n'y suis ni favorable ni défavorable. Si les collectivités locales souhaitent offrir la collection complète des codes Dalloz – une maison d'édition qui a effectivement besoin d'argent – à tous les citoyens, je suis tout à fait pour.
Mais objectivement, ce n'est pas une mesure à inscrire dans la loi. Cela fait partie du travail des collectivités locales. C'est le maire qui accueille pour les cérémonies de naturalisation, le mariage, l'état civil. Il est libre d'offrir les documents qu'il souhaite dans ce cadre.
À mon avis, cette mesure n'a pas sa place dans le texte. Cela étant, je n'y suis pas hostile : chaque municipalité peut faire ce qu'elle veut.
Les documents cités par Mme Mazetier font partie du livret qui est donné lors des cérémonies de remise des décrets de naturalisation. Quant au mariage, je ne crois pas que ce soit un cheminement vers la nationalité.
Il est intéressant d'observer l'évolution du débat. Tout à l'heure, vous exigiez des preuves de la vigueur de l'engagement ; maintenant, le rapporteur indique que chacun appréciera, que chaque collectivité donnera sa version de l'accès à la nationalité française et de ses principes.
Notre amendement propose des principes : le préambule de la Constitution de 1958, ce n'est pas n'importe quoi. Ce préambule n'est pas seulement constitutionnel mais aussi supraconstitutionnel, en quelque sorte, puisqu'il reprend celui de la Constitution de la IVe République, en l'enrichissant d'importants ajouts, notamment sur les questions environnementales.
Constituer un bloc d'identité à travers le préambule de la Constitution, c'est quelque chose d'important et qui unifie. Au lieu que chacun fasse comme il veut, toutes les collectivités se référeraient à des valeurs communes et à des principes communs. À partir de là, nous devrions faire un livret explicitant tous ces textes, ce qui permettrait de résoudre certaines questions, concernant la laïcité notamment.
Au regard des discussions que nous avons eues, il serait normal que cet amendement suscite une forme d'unanimité dans cette assemblée.
(L'amendement n° 78 n'est pas adopté.)
Cet amendement, cosigné par de très nombreux collègues, prévoit une prestation de serment pour ceux qui acquièrent la nationalité française.
Le serment existe dans de nombreux pays et il conviendrait de l'intégrer dans le droit français. Il permet de signifier que l'on appartient à la même communauté.
Cette idée peut être discutée ; l'hypothèse d'un serment n'est pas forcément à exclure.
Cependant, les pays anglo-saxons auxquels vous vous référez ne sont pas laïcs, le serment y a le plus souvent une connotation religieuse. Seule l'Italie, nation laïque, pourrait permettre d'établir une comparaison utile à la réflexion.
Cela étant, un tel serment n'est pas dans la tradition française. Si nous devions l'instituer, il faudrait réfléchir aussi à la sanction appliquée à ceux qui refuseraient de le prêter. Ce serait encore plus compliqué et cela nous entraînerait dans des débats très difficiles, même s'il ne faut pas les exclure dans le cadre de la mission sur la nationalité. En toute hypothèse, cela ne peut pas se résumer à une simple affirmation de principe.
C'est pourquoi je pense que notre collègue Jean-Pierre Decool devrait retirer son amendement. Je lui promets d'examiner la question du serment dans le cadre de la mission et de faire des propositions dans ce sens.
Je me rallie volontiers au point de vue du rapporteur : cette idée est très intéressante, mais ce serait une novation dans notre tradition juridique.
En cas de novation importante, il faut bien apprécier l'environnement, les tenants et aboutissants. La réflexion engagée dans le cadre de la mission en cours pourrait offrir l'occasion de les préciser.
En l'état actuel des choses, le Gouvernement a choisi de faire signer une charte, ce qui rejoint votre souhait de solennité. C'est pourquoi je souhaite aussi le retrait, au moins provisoire, de cet amendement.
… en rappelant simplement qu'il s'agit d'observer fidèlement les lois de la République. Il n'y aurait bien évidemment pas de connotations religieuses. Cela étant, je prends acte de l'engagement du Gouvernement de revenir à ce sujet. Il faut que nous y travaillions ensemble, parce que beaucoup d'entre nous sont très attachés à ce serment.
(L'amendement n° 3 est retiré.)
À partir du moment où un amendement est retiré, on ne l'évoque plus, il n'a plus d'objet. Vous aurez la parole sur le suivant, madame Hostalier.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l'amendement n° 79 .
Le retrait ne se fait pas de manière collective. Celui qui a présenté l'amendement – en l'occurrence M. Gérard, troisième cosignataire – l'a retiré.
Vous avez la parole, madame Mazetier.
C'est incroyable qu'un parlementaire signataire d'un amendement ne puisse même pas s'exprimer sur son retrait. Comme par hasard, il s'agit d'une parlementaire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
J'en viens à l'amendement n° 79 , pour répondre à une remarque du ministre, parce que je pense qu'il y a eu un contresens sur notre proposition.
Si nous proposons que le préambule de la Constitution et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen soient remis aux époux le jour de la célébration de leur mariage, ce n'est pas particulièrement parce que le mariage est une éventuelle voie d'accès à la nationalité, mais parce que nous cherchons tous les rendez-vous républicains. Nous n'en trouvons pas beaucoup, en réalité, mes chers collègues, quand nous nous interrogeons sur les rites républicains. Le mariage est une institution de la République. D'ailleurs, c'est à peu près le seul moment où la République se signale aux siens.
Nous proposons que ces documents soient remis lors de la journée « défense et citoyenneté » à laquelle participent tous les jeunes Français. De même, nous proposons qu'ils soient remis à tous les époux à l'occasion de leur mariage, et pas seulement lorsque l'un des conjoints est étranger.
Encore une fois, nous ne contestons pas le fait de vouloir rappeler certaines valeurs qui nous rassemblent et qui fondent la République française. Nous contestons le fait de ne rappeler ces valeurs qu'à certains Français et pas à tous.
À travers ces amendements, nous faisons des propositions pour que ce rappel soit fait à tous les Français, quel que soit leur mode d'acquisition de la nationalité française.
Défavorable.
Lors des séances de questions au Gouvernement, bon nombre de ministres, et même le Premier ministre, répondent souvent à l'opposition qu'elle n'a rien à dire, qu'elle ne fait pas de propositions. Or, quand elle en présente une, respectueuse et de nature à recueillir un consensus, la majorité refuse de la prendre en considération. C'est bien la démonstration que votre projet de loi ne vise aucunement à améliorer les choses mais est simplement partisan. En cela, ce n'est pas un bon texte.
(L'amendement n° 79 n'est pas adopté.)
Cet amendement, cosigné par une soixantaine de collègues, vise à codifier le parrainage républicain dans la loi.
De nombreux maires se voient demander ce que l'on appelle parfois un « baptême républicain » mais qu'il est préférable d'appeler « parrainage républicain », un nombre croissant de nos concitoyens venant présenter leur enfant à la communauté républicaine. C'est pourquoi il nous a semblé important d'instaurer un cérémonial républicain, simple et solennel à la fois, autour du drapeau tricolore, de la Marseillaise et de la charte des droits et devoirs du citoyen français.
D'après ce que j'ai compris, cette proposition fait l'objet d'une certaine unanimité dans cet hémicycle.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour défendre l'amendement n° 80 .
Richard Mallié vient en fait de compléter ce que j'avais dit précédemment. Je regrette donc qu'il n'y ait pas eu unanimité sur l'amendement n° 79 .
Nous avons déposé un amendement analogue à celui de Richard Mallié, à cette différence près que nous ne réservons pas le parrainage républicain aux citoyens français mais que nous l'étendons à toute personne en faisant la demande. Si des parents étrangers de mineurs nés en France et grandissant en France veulent que ces derniers soient accueillis dans la République, cela nous semble un bel acte.
À cette nuance près, la signification de nos amendements me semble être analogue.
Ces deux amendements ont été repoussés par la commission pour des raisons identiques.
Le parrainage républicain est certainement très intéressant. J'ai beaucoup d'estime pour Richard Mallié comme pour Mme Mazetier et leur fais donc crédit à ce sujet. Mais l'organisation du droit de la famille est déjà suffisamment compliquée pour ne pas ajouter un parrain républicain, sans véritable contact avec la famille naturelle ou adoptive. Cela pourrait soulever des problèmes de curatelle ou de tutelle.
Mes chers collègues, si vous voulez avoir encore plus d'embrouilles dans vos mairies que vous ne manquez pas d'en avoir actuellement, adoptez le parrainage républicain ! Mais si vous voulez essayer de simplifier un peu les choses, n'en rajoutez pas et repoussez, comme l'a fait la commission, ces deux amendements.
Je partage l'avis du rapporteur et suggère donc à M. Mallié de retirer son amendement. Les charges qu'une telle disposition entraînerait pour les collectivités locales me semblent d'ailleurs devoir être également prises en compte.
Quant à l'amendement présenté par Mme Mazetier, j'y suis tout à fait défavorable, pour la nuance qu'elle a exposée.
C'est Camille Desmoulins qui a introduit le parrainage républicain, pour sa fille. De nombreuses communes le pratiquent aujourd'hui sans aucun problème.
Sans me montrer suspicieux à l'égard de l'amendement de la majorité, je sens qu'il y a derrière une autre idée : la précision « citoyen français » vise la pratique d'un certain nombre d'entre nous, au nombre desquels je me place, qui veulent protéger les enfants dont les parents sont en situation irrégulière grâce à un parrainage par des citoyens de leur commune. Au-delà de l'aspect « égalité de tous devant la loi » ou, plutôt, devant des pratiques existantes, votre amendement vise en réalité à placer le maire qui est dans cette démarche dans une situation de conflit, comme certains préfets ont tenté de le faire, de manière parfaitement illégale d'ailleurs.
Donc, si nous voulons codifier le parrainage républicain dans la loi, c'est par le biais de l'amendement déposé par notre groupe qu'il faut le faire. Je précise également que ce dispositif ne pose aucune difficulté particulière puisque le non-rattachement à une commune permet à un maire de le célébrer, quelle que soit la situation.
Enfin, je rassure M. le ministre : l'organisation de cette manifestation n'a pas un coût insurmontable. C'est une pratique tout à fait simple et régulière, qui est de plus en plus pratiquée.
Je me permets aussi d'attirer votre attention sur le fait que cet élément peut-être un commencement de preuve d'intention des parents en cas de décès de ceux-ci et si un juge de la famille cherche à régler la situation des enfants. Ce n'est pas un élément de preuve certaine mais il est parfois utilisé par les juges.
L'amendement que nous avons déposé écarte la suspicion qui pèse sur l'amendement n° 1 et me semble donc pouvoir être adopté.
En complément à ce que vient de dire mon collègue, j'indique que je trouve scandaleux de réserver le parrainage républicain aux seuls citoyens français. Il y a des citoyens en règle et qui ont des papiers qui ne peuvent pas en bénéficier.
Par ailleurs, le fait que certaines villes le fassent et d'autres pas crée une inégalité. Il faut donc trouver un équilibre.
Enfin, je demande à nos collègues de la majorité si le parrain et la marraine doivent également être Français.
Un argument employé par le Gouvernement pour repousser ces amendements est irrecevable.
Tout à l'heure, lorsque vous avez accepté l'amendement instaurant un examen et un contrôle de la connaissance de la langue, vous ne vous êtes pas posé la question des moyens, alors que nous savons tous qu'elle se posera.
Alors que nous vous proposons une démarche intéressante, positive, forte sur le plan symbolique et de nature à redonner, comme vous le souhaitez, de la vigueur à l'accès à la nationalité française – tous ceux qui ont organisé de telles cérémonies savent qu'elles sont un moment fort et important de prise de conscience et de réflexion –, vous avez, tout d'un coup, un problème de moyens !
Au risque de vous décevoir, monsieur le président, je ne retire pas cet amendement.
Il me semble qu'on fait toute une montagne de ce qui n'en est pas une.
Il y a une demande de la part de nos concitoyens. J'ai moi-même été sollicité quand j'étais maire – élu il y a vingt-deux ans, je ne le suis plus depuis huit ans – et j'ai organisé plusieurs parrainages républicains.
Ce dispositif n'ayant jamais été codifié, les maires font comme ils peuvent et comme ils le sentent. Nous proposons simplement aujourd'hui de le codifier dans la loi.
Vous mettez en avant, monsieur le ministre, que cela va coûter cher aux collectivités. Je vous en prie. Dans la salle des mariages, qui est souvent aussi la salle du conseil municipal, on accueille très volontiers, non seulement les mariages, mais encore tous nos concitoyens.
Comment mieux parler d'intégration que par un acte qui s'appelle le parrainage républicain, par lequel la communauté républicaine française accueille en son sein un enfant qui arrive, sur la demande de ses parents, et avec nomination d'un parrain et d'une marraine ?
Comme l'a très justement souligné M. Le Bouillonnec, en cas de décès des parents, cette démarche sera prise en compte par le juge.
Tout ce que je vous demande, par cet amendement, c'est de codifier un peu le dispositif pour que les maires ne soient pas soumis à n'importe quoi et ne fassent pas n'importe quoi.
Monsieur Mallié, vous ne nous ferez pas le coup de la proposition toute simple et de bon sens qui surgit tout d'un coup !
Vous êtes trop averti de la chose législative pour méconnaître l'aspect de votre amendement que vient de contester à juste titre notre collègue socialiste, à savoir l'exclusion de la procédure de parrainage républicain des citoyens non Français vivant sur notre territoire. En cadrant ce dispositif, en le rendant légal et, par conséquent, opposable, votre amendement, tel qu'il est rédigé, rendra, par un effet collatéral, illégale la même démarche appliquée à des citoyens étrangers. On ne peut, bien évidemment, accepter cela.
Vous avez dit, monsieur Mallié, que vous aviez fait des parrainages républicains. Quand je suis de permanence dans ma ville, j'en fais également, au même titre que des mariages.
Qu'est-ce qu'un parrainage républicain ? C'est une cérémonie très simple mais très chaleureuse, qui a une portée symbolique mais qui va bien au-delà du symbole : un parrain et une marraine sont présentés à un enfant et les parents de cet enfant consacrent leur confiance en ce parrain et cette marraine pour gérer la vie de celui-ci en cas de problème. Le caractère symbolique et profond de la démarche réside dans la confiance qui lie des parents à des personnes, qui peuvent être ou non de la famille, potentiellement jugées aptes à s'occuper de leur enfant en cas de problème grave.
On ne peut pas faire de césure entre les parents français ayant des papiers et des parents étrangers en situation régulière en France souhaitant faire la même démarche. Il ne faut rien écrire qui puisse rendre cette démarche humaine inégalitaire.
La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Je souhaite appeler l'attention de chacun de mes collègues sur le fait que c'est là un véritable cavalier. Je ne voudrais pas que l'Assemblée nationale soit désavouée par le Sénat ou par le Conseil constitutionnel. C'est pourquoi il vaudrait mieux ne pas voter cet amendement.
Je voudrais apporter un élément d'information supplémentaire et un élément d'analyse.
Un texte de prairial an II permet l'organisation des parrainages républicains. Ce qui est proposé aujourd'hui, c'est de les rendre obligatoires. C'est la raison pour laquelle je préférerais que l'amendement soit retiré, puisque la possibilité existe déjà.
Je demande une suspension de séance pour réunir notre groupe, monsieur le président.
Article 3
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à dix-neuf heures vingt-cinq.)
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 3 bis.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons constaté avec une grande satisfaction que les arguments que nous avions avancés en première lecture ont convaincu, au-delà des rangs de la gauche et des quelques personnalités du Nouveau Centre ou de l'UMP qui s'étaient exprimées en ce sens, qu'il ne fallait pas, en créant diverses catégories de Français, toucher au caractère indivisible de la République inscrit à l'article 1er de la Constitution, qu'il ne fallait pas mélanger droit pénal et droit de la nationalité.
Après s'être opposé en commission, avec le rapporteur, à ce que nous avions défendu en première lecture, le Gouvernement opère un léger retrait. Mais, comme je le disais hier en défendant la motion de rejet préalable, il ne faudrait pas que cela occulte le reste du texte, ni ce qui vient de se passer sur les premiers articles. Certes, les choses ont bougé dans la majorité. Mais le geste à l'intention de « la confédération des centres » – comme disent les uns – ou des « voix humanistes de la majorité » – comme disent les autres – ne doit pas faire oublier le geste symétrique adressé aux ultras de la majorité, qui se sont largement exprimés depuis le début de l'examen des articles et ont permis l'adoption d'amendements bien caractéristiques de leurs thèses.
Nous sommes extrêmement satisfaits des multiples amendements de suppression de l'article 3 bis, mais il ne faut pas pour autant oublier ce qui s'est produit avant et depuis la décision de ce retrait. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Le mal est fait. Le message qui a été diffusé, depuis le discours de Grenoble, sur les Français indubitables et les Français dubitables a infligé des blessures profondes, toujours aux mêmes personnes. Cela revient à déchirer le pacte républicain et ce qui fait la société dans notre pays.
Nous nous réjouissons que le Gouvernement ait décidé de reculer sur cet aspect des choses, mais nous avons bien compris qu'il s'agissait d'un recul purement tactique et que cet aspect des choses serait abordé sans tarder dans le cadre de la mission parlementaire sur le droit de la nationalité.
Plusieurs députés du groupe UMP. Tant mieux !
Les parlementaires qui ont remporté cette victoire doivent être bien conscients que la bataille n'est pas gagnée.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si ce texte s'était borné à transposer dans notre droit national trois directives européennes, il eût pu être relativement consensuel. Las, un certain nombre de dispositions ont été ajoutées à cette transposition, dont certaines sont contestables et d'autres inacceptables.
L'article 3 bis fait partie, pour nous, centristes, des éléments totalement inacceptables. En première lecture, comme Thierry Benoit, j'avais voté contre cette disposition. Comme cela a été dit par les uns et par les autres, elle était certainement inefficace, dangereuse et constitutionnellement contestable ; en tout état de cause, elle posait problème par rapport au pacte républicain. En effet, elle impliquait qu'il y eût deux sortes de Français, ceux qui sont Français de fraîche date, qui auraient pu se voir infliger une peine supplémentaire, et les autres.
Nous sommes tous d'accord : tout crime contre tout agent des forces de l'ordre, tout crime contre toute personne dépositaire de l'autorité publique doit être condamné avec la plus grande des fermetés. Cela fait l'unanimité, sur tous les bancs.
La disposition que tendait à instaurer l'article 3 bis n'en était pas moins mal comprise par nombre de nos concitoyens. Un certain nombre de Français d'origine étrangère n'ont ainsi pas compris que nous puissions voter cela.
La suppression de cet article, qui se profile, est particulièrement pertinente. Elle aura une double portée : une portée législative mais aussi, et surtout, une portée symbolique relativement forte. En effet, lorsque la passion prend, en pareille matière, le pas sur la raison, nous n'allons pas dans la bonne direction.
La suppression de cet article va, elle, plutôt dans le sens de la raison que dans celui de la passion. Je crois donc que c'est une très bonne chose.
En tout état de cause, ce qui est vrai aujourd'hui, qui apparaît à l'occasion de l'examen de cet article, le restera demain, lorsque d'autres textes nous seront soumis. J'espère donc que cette majorité composée de toutes les sensibilités centristes, de la gauche et de quelques membres de l'UMP se reformera alors (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), pour que cette disposition choquante ne soit pas adoptée.
Que nous expliquez-vous ? Que vous allez former une majorité avec la gauche ?
Comme les deux précédents orateurs, je suis très heureux que l'article 3 bis soit supprimé, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, en matière d'atteinte à la cohésion nationale, vous y étiez vraiment allés très fort ! Vous avez heurté nombre de nos concitoyens sur une question forte, celle des valeurs, les valeurs qui nous attachent à notre pays et à son histoire, celles que, les uns et les autres, nous appelons de temps en temps les valeurs républicaines.
Nous sommes heureux que les très vives protestations suscitées par la disposition en cause aient parfois transcendé les clivages politiques. D'une certaine manière, cela nous rassure : les clivages ne sont pas toujours irréductibles. Si des parlementaires de l'UMP – peu nombreux, certes, mais tout de même -, si le Nouveau Centre, dans une plus large mesure, si la gauche, elle tout à fait unanime, ont ainsi relayé une protestation populaire pour qu'elle soit entendue, c'est une bonne chose pour tout le monde, c'est une bonne chose pour notre pays, et c'est un premier signe positif à l'adresse de nos concitoyens après tous les signes catastrophiques des semaines qui ont précédé ce débat.
Non seulement ce que vous avez voulu faire était extrêmement grave mais en outre c'était totalement contraire à nos lois, à notre Constitution, aux engagements que nous avons pris auprès des institutions internationales et européennes.
Le retrait, décidé dans la douleur mardi matin par le groupe UMP – la presse en a fait état –, vous offre peut-être la possibilité salutaire de vous ressaisir et d'arrêter d'aller flirter sur les terres du Front national, mais je doute que vous la saisissiez, du moins je doute qu'un certain nombre d'entre vous la saisissent.
Toujours des leçons de morale ! Ce ne sont plus des députés, ce sont des curés !
Ainsi l'opinion publique française est-elle ballottée, soumise à des thématiques nauséabondes qui menacent chaque jour un peu plus la cohésion nationale.
Vous pouvez dire tout ce que vous voulez, monsieur Luca. Vous faites partie de ces extrémistes impénitents…
On l'a vu depuis l'examen de l'article 2 : vous n'avez eu de cesse de renforcer le caractère dur, répressif, de ce texte, et vous continuerez jusqu'à la fin de nos débats. Fort heureusement, il y a quelquefois des éclaircies, comme la suppression de l'article 3 bis, dont je me félicite.
Nous ne sommes pas ici, nous, pour dispenser des leçons de morale. Chacun exprime sa position, c'est tout à fait normal, mais nous ne jugeons pas systématiquement les autres…
…et décider de ce qu'il faudrait qu'ils fissent ou ne fissent pas. C'est vraiment pénible, mais, cette démarche systématique, c'est plus fort que vous.
Je voulais simplement dire, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que nous sommes parfaitement conscients des problèmes évoqués dans l'exposé sommaire de l'amendement déposé par M. le rapporteur. Nous regrettons cependant la suppression de cet article, tout simplement parce qu'il procédait de la volonté exprimée très fortement par le Président de la République. Nous avions soutenu l'adoption de cette mesure en première lecture. Vous dites qu'elle nous ferait courir des risques, tout en promettant de ne pas l'abandonner et d'y revenir ensuite ; nous en prenons acte. Vous comprendrez toutefois qu'il n'est pas question, pour le collectif de la droite populaire, de voter la suppression de cet article.
Le collectif de la droite extrême, oui ! Le trait d'union avec le Front national !
Il est bon que nous renoncions à cette disposition, qui ouvrait un débat de fond sur la nationalité. Il n'y a pas deux types différents de nationalité française, une nationalité française de court terme, qui serait celle que l'on acquiert au moment de la naturalisation, et une nationalité de long terme, que l'on acquerrait à l'ancienneté, grâce à une forme de prime. La suppression de cet article est donc vraiment pertinente, et je fais partie des signataires de l'un des amendements soumis à notre discussion.
J'ajoute cependant quelque chose. Je n'ai guère apprécié, madame Mazetier, que l'on saisisse cette occasion pour tenter de semer la division. Qu'un débat se tienne sur la définition de la nationalité et les conditions de son acquisition est tout à fait normal. Je ne vois rien à redire au fait que d'autres collègues aient une opinion différente de la mienne. J'affirme la mienne avec force et j'essaie avec mes collègues qui la partagent de la faire valoir, mais je ne le fais pas pour diviser l'Assemblée, je le fais plutôt pour essayer de trouver quelle conception moderne de la nationalité retenir. Mener un tel débat de fond avec nos collègues qui siègent sur tous les bancs est plus intéressant que de chercher un quelconque accrochage avec ceux de nos collègues de l'UMP qui ne partagent pas notre opinion.
Je crois que l'on peut travailler sérieusement sur des questions sérieuses et, ainsi, faire progresser la démocratie.
Je pense que le choix fait par M. le rapporteur doit être compris comme procédant d'un souci pédagogique. En ce qui me concerne, je considère que le rétablissement d'une partie du dispositif qui était en vigueur avant 1998, c'est-à-dire la déchéance de la nationalité, n'a absolument rien de choquant. J'avoue d'ailleurs mal comprendre que l'on ait pu se gendarmer contre cela mais, manifestement, certains considèrent qu'il y a un problème. Donnons-nous donc le temps de la pédagogie pour convaincre ceux qui ne sont pas persuadés de l'utilité de cette mesure.
Je ferai simplement trois remarques.
Tout d'abord, on invoque l'humanisme. « Une telle mesure est nauséabonde », affirme-t-on. La République n'était pourtant pas censée être nauséabonde jusqu'en 1998, et le dispositif en vigueur était parfaitement admis.
Ensuite, pour ma part, je trouve nauséabond que l'on puisse tuer un policier. Je ne crois pas que ce soit un comportement très humaniste de s'attaquer à un détenteur de l'autorité publique. Cela, c'est vraiment de l'anti-humanisme, et je n'éprouve aucune espèce de respect pour ceux qui se livrent à ce genre de crime !
On me dira que le problème est que je distingue deux catégories de Français. Je regrette, mais ces deux catégories existent ! Ce sont tout simplement les Français qui n'ont que leur nationalité et les Français qui ont une autre nationalité en plus de la nationalité française, les Français qui ont une double nationalité. Ne l'oubliez pas : la traduction de ce débat symbolique, donc politique, est extrêmement faible si on l'envisage d'un point de vue quantitatif. La question ne concerne effectivement que quelques personnes qui, ayant de toute façon une autre nationalité, ne deviendraient pas apatrides si elles étaient déchues de la nationalité française.
Cette déchéance de la nationalité française devient alors extrêmement logique et acceptable. Quelqu'un qui a acquis la nationalité française et qui a une autre nationalité commet un crime d'une portée symbolique considérable, puisqu'il est commis sur la personne d'un détenteur de l'autorité publique, rompant ainsi le contrat qu'il vient de signer. On lui dit donc : « Monsieur, vous avez voulu être Français, c'est très bien, il est encore mieux d'être Français en l'ayant voulu, mais, quand on veut quelque chose, il faut également vouloir les conséquences de ce que l'on choisit. Si vous voulez être Français, vous devez vouloir respecter la France et les lois de la France. Or non seulement vous ne les respectez pas mais vous portez atteinte à ce qui symbolise le pays ! Par là même, vous êtes privé de la nationalité française et redevenez de telle ou telle nationalité autre que la nationalité française. »
Tout cela paraît tellement simple que je m'étonne qu'il y ait eu une telle mobilisation, complètement disproportionnée, sur ce sujet, simplement parce que l'on revenait au droit en vigueur avant 1998. Il ne s'agissait d'ailleurs que d'un retour partiel. Christian Estrosi avait pour sa part déposé un amendement qui allait plus loin et tendait à rétablir complètement ce droit antérieur. Cela non plus ne me paraissait pas extravagant.
Tout en votant contre l'amendement déposé par M. le rapporteur, je souhaite donc pour ma part que vienne le temps de la réflexion et que chacun se dise que la disposition qui va être supprimée était tout à fait juste et équitable, que chacun comprenne qu'il est choquant, pour la plupart des Français, que l'on puisse dire à quelqu'un qui a acquis la nationalité française et qui a démontré qu'il n'en était pas digne qu'il peut la conserver après avoir assassiné un policier.
Je suis bien sûr très satisfait, personnellement, de la suppression de cette proposition de déchéance de la nationalité, que j'avais déjà combattue avec un certain nombre d'entre nous en première lecture. Déchoir quelqu'un de sa nationalité française est une mesure d'une exceptionnelle gravité. C'est à mes yeux une forme de rétablissement de la double peine. En 2003, lorsque l'actuel Président de la République était ministre de l'intérieur, nous avions combattu le principe de la double peine. M. Sarkozy avait été convaincu – cela, je le reconnais, n'avait pas été facile – du bien-fondé de cette suppression, et nous avions voté à l'unanimité – je me permets de le rappeler – les dispositions de la loi de 2003.
L'article 25 du code civil tel qu'il est aujourd'hui rédigé ne doit pas à mes yeux être modifié. Il limite déjà les hypothèses de déchéance aux infractions les plus graves. Instaurer une liste de crimes n'a pas de sens.
Enfin, comme l'a dit très justement le rapporteur, pourquoi risquer une éventuelle inconstitutionnalité ?
Je remercie le Gouvernement d'être revenu sur cette disposition qui est à mes yeux néfaste.
Je prends acte de ce qui est en train de se passer, et notamment du départ de certains collègues qui viennent de quitter l'hémicycle. Je voudrais que tout ceci serve de leçon.
D'abord, nous pouvons tous avoir de l'empathie pour les victimes. Il n'y a pas, d'un côté de l'hémicycle, ceux qui ont le plus – ou le moins – d'empathie pour les victimes. Il n'y a pas ceux qui, spontanément, sont du côté des victimes et ceux qui, spontanément, sont du côté des criminels parce qu'ils essaient de trouver des responsabilités sociologiques. Je le dis calmement : ce découpage de l'hémicycle est inacceptable. Un crime, c'est un crime, et nous sommes tous solidaires des victimes.
Nous cherchons simplement à ce que cela ne se reproduise pas et que la sanction préconisée par la République soit ferme à l'égard du délinquant et pédagogique par rapport au pays. Voilà la question qui est posée. Il ne s'agit pas de trouver quelque justification que ce soit à des actes criminels.
La première question abordée était choquante. Dès lors qu'il s'agissait d'un représentant de la République, le crime était si grave qu'il entraînait la déchéance. Pour le reste, l'affaire était pour le moins discutable. Mais si l'on a de l'empathie pour les victimes, n'est-il pas difficile de dire à une mère dont l'enfant a été violé que l'auteur du crime va être sanctionné, mais pas déchu de sa nationalité, alors que la veuve d'un policier assassiné verra l'auteur du crime déchu de sa nationalité ?
La leçon à tirer peut être valable au-delà même de cet hémicycle : on peut avoir de l'empathie pour les victimes, et je la crois sincère, surtout lorsqu'on est face à elles. Je connais l'argumentation, car elle a été soutenue devant moi : « Vous êtes sympathique, mais lorsque vous êtes face à la mère, à la femme ou aux enfants de la victime, ce n'est pas la même chose que lorsque vous êtes dans l'hémicycle ! » Je suis d'accord. Mais quand on est Président de la République, on a une responsabilité supplémentaire et on ne peut pas faire voter des lois sous le coup de l'émotion. Faute de quoi, ce sont de mauvaises lois et il est ensuite très difficile de se désembourber de ce genre de situation.
Sans revenir sur une question que j'ai déjà abordée lors de la première présentation du texte, je voudrais dire qu'il faudra prolonger cette discussion dans le cadre de la mission d'information sur la nationalité. C'est l'intérêt d'une mission d'information que de pouvoir développer des arguments dont je tiens à dire qu'ils ne sont pas, d'un côté, négatifs et, de l'autre, positifs.
D'ailleurs, si la déchéance de nationalité n'avait pas été un droit reconnu, les gouvernements précédents, de droite comme de gauche, l'auraient supprimée, ce qui n'a pas été le cas puisque la déchéance de nationalité existe dans notre droit. Certes, le Conseil constitutionnel l'a limitée jusqu'à en faire une mesure presque symbolique dans son application depuis les conventions sur l'apatridie. Mais le droit de la nationalité est lui-même chargé d'une dose de symbolique qu'il ne faudra pas négliger. Il n'y a donc pas de raison d'avoir, d'un côté comme de l'autre, des avis aussi nettement tranchés.
Il s'agit d'un problème complexe qui existe depuis deux siècles. C'est en effet la Révolution française qui a inventé la déchéance de la nationalité et qui l'a appliquée avec beaucoup de vigueur puisqu'elle lui a adjoint la mort civile. L'individu déchu de sa nationalité perdait en outre tous ses biens. Cela montre qu'il ne faut pas avoir une vision univoque de l'histoire. Les régimes, quelle que soit leur tendance politique, ont souvent eu des applications très dures de ce texte.
Le mieux, me semble-t-il, est de ne pas surcharger un débat qui, pour intéressant qu'il soit, aurait donné le sentiment à l'opinion publique, confrontée à des problèmes beaucoup plus urgents, que nous discutions de théories subtiles relevant davantage d'une mission d'information – vous le reconnaîtrez – que d'un débat dans l'hémicycle, quitte à avoir ce débat plus tard.
Si nous avons décidé d'agir ainsi, c'est que nous avons constaté la présence d'arguments forts auxquels les gens tenaient profondément. Il est donc de notre intérêt de discuter entre nous pour parvenir, sur des sujets de ce genre, à des rapprochements. De plus, il y a urgence à compléter notre système juridique. Car, s'agissant des lois sur l'immigration et l'intégration, le problème est tel qu'il faut très rapidement montrer à l'opinion publique que, contrairement aux affirmations des extrémistes, loin de nous contenter de débats théoriques, nous envisageons des solutions.
Chacun doit donc prendre sa part dans ce retrait, mais il n'est dirigé contre personne, ni d'un côté ni de l'autre. C'est une décision raisonnée, car c'est notre image qui est en cause. Je ne voulais pas que l'on donne l'image d'un crêpage de chignons sur un sujet aussi important qui mérite davantage réflexion. C'est pourquoi il nous semble plus sage de supprimer cet article 3 bis qui avait été adopté en première lecture sur la base, je dois le dire, de bons arguments.
Nous reprendrons cette réflexion dans le cadre de la mission d'information sur la nationalité. J'espère que nous pourrons trouver une disposition conforme à notre tradition républicaine, que chacun puisse accepter sans déroger à ses propres conceptions.
Notre amendement n° 2 est identique à celui qui vient d'être présenté.
Le texte qui nous est soumis est indispensable parce qu'il nous donne des outils européens de maîtrise de l'immigration, outils qui doivent beaucoup à la présidence française de l'Union européenne. Il doit entrer en application le plus vite possible, mais il doit surtout exprimer aux Français la volonté politique de cette maîtrise à un moment où nous en avons besoin. Tout en entendant les préoccupations très fortes de certains collègues qui, depuis, ont quitté l'hémicycle dans un souci d'apaisement, d'autres collègues considèrent que ce grand débat sur la nationalité peut avoir une autre entrée que pénale et qu'il est nécessaire de garder à ce texte sa fonction originelle. Voilà pourquoi certains d'entre nous, qui n'ont pas envie de donner des leçons aux autres et ne se sentent pas du côté du bien, les autres étant du côté du mal, ont déposé cet amendement.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je remercie le rapporteur et le Gouvernement d'avoir trouvé la bonne solution sur un sujet où personne n'a de leçon à donner à quiconque. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Dans l'exposé sommaire de l'amendement du rapporteur, il est indiqué qu'il apparaît préférable de retirer une telle mesure du présent projet de loi, d'autant qu'elle n'y figurait pas initialement. Je rappelle que cette disposition a été introduite par un amendement du Gouvernement. Il ne s'agit aucunement d'un amendement parlementaire.
Par ailleurs, quand nous avons combattu cette disposition, nous l'avons fait au nom de ce qu'a rappelé Julien Dray, mais aussi au nom de ce qui est exprimé dans l'article 1er de la Constitution, qui rappelle que la République ne reconnaît que des citoyens sans distinction d'origine.
Il faut que nous chérissions l'article 1er de notre Constitution, car le démon des origines peut tous nous saisir, et que c'est l'une des plaies de l'époque actuelle d'en être saisi. C'est vrai pour les individus, pour la société, pour les questions qu'elle se pose.
Je vois que M. Vanneste ne partage pas ce point de vue.
Je vous assure que nous devrions être attentifs à ne pas revenir sur ce qui fonde la République et l'article 1er de notre Constitution. Certains mettent en question le modèle de société multiculturaliste. L'article 1er de notre Constitution rappelle que le modèle français n'a jamais été un modèle multiculturel qui s'intéresse aux origines des membres de la société française. Il considère tous les membres de la nation française indistinctement, en oubliant leurs origines, et il ne souhaite pas qu'il y soit fait référence dans l'organisation de la société.
Méditons cet article 1er sur la République indivisible et laïque, chérissons et préservons ce modèle qui peut évoluer, mais qui, fondamentalement, mes chers collègues, fonctionne depuis que la République existe.
Monsieur Muzeau, puis-je considérer que l'amendement n° 88 est défendu ?
Moi qui suis un néophyte dans cette assemblée, je voudrais saluer le climat de gravité qui accompagne l'examen de cet article. Ce climat illustre le fait que nous sommes au coeur d'un débat difficile.
Je rappelle la motivation du texte présenté par le Gouvernement : elle est symbolique. Et c'est un symbole très fort parce qu'il est apparu au Gouvernement qu'il y avait une contradiction fondamentale entre le fait d'entrer dans la nationalité française et de commettre un crime particulier contre quelqu'un qui incarne notre société, qui la protège, qui la défend, qui en est un symbole.
Cela étant, au cours des débats, d'autres arguments ont été apportés, les uns d'ordre juridique et notamment constitutionnel, les autres de principe. Il est apparu au Gouvernement, comme au rapporteur et à la commission, qu'il était utile de prendre du temps pour examiner tous ces arguments, d'autant qu'un cadre allait être donné pour cette réflexion supplémentaire : je pense aux travaux de la mission d'information sur la nationalité qui doit rendre ses conclusions au mois d'avril prochain.
Le Gouvernement a été attentif ; certains diront qu'il a reculé ou qu'il a renoncé. Non, le Gouvernement se prête simplement au débat parlementaire et il est attentif à toutes les opinions qui s'expriment. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.) Et ce d'autant que l'essentiel de ce texte, cela a été rappelé par Jean-Louis Borloo, est de doter notre politique de lutte contre l'immigration irrégulière d'outils efficaces qui nous permettront de mettre en oeuvre les lois que vous avez précédemment votées. Il ne faut pas oublier cela non plus.
Par conséquent, le Gouvernement est favorable à ces amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
(Les amendements identiques nos 289 , 2 , 21 , 77 et 88 sont adoptés.)
En conséquence, l'amendement n° 81 tombe et l'article 3 bis est supprimé.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la deuxième lecture du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma