La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs (nos 101, 107).
Nous allons aborder l'examen des articles.
Auparavant, je suis saisi de plusieurs demandes de rappel au règlement.
Monsieur le président, il me semble nécessaire de vous demander, au nom de mon groupe, une suspension de séance d'une demi-heure. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En effet, chers collègues de la majorité, vous n'êtes pas sans savoir que les sept fédérations syndicales de cheminots sont aux portes de l'Assemblée nationale. Elles souhaitent toutes être entendues par les groupes parlementaires, du moins ceux qui acceptent de les recevoir et de dialoguer, ce qui n'a pas été le cas pour certains d'entre eux depuis des mois, voire des années.
Cette suspension de séance permettrait au groupe de la Gauche démocrate et républicaine et à d'autres groupes – mes collègues socialistes le souhaitent probablement eux aussi – de rencontrer les organisations syndicales et de faire avec elles un premier point sur nos débats. La discussion générale et la présentation des motions de procédure ont déjà permis de montrer, en effet, que la majorité tient un double discours et nous cache soigneusement son intention d'étendre encore le dispositif anti-grève…
…destiné aux cheminots et aux salariés de la RATP ou d'autres compagnies de transport.
Compte tenu des arguments que je viens d'exposer et de la manifestation qui se déroule devant nos murs, il est tout à fait justifié, monsieur le président, que vous nous accordiez cette suspension de séance.
Monsieur le président, au nom du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, je sollicite également une suspension de séance d'une demi-heure pour que nous puissions rencontrer une délégation des organisations syndicales. Elles manifestent devant l'Assemblée et souhaiteraient être reçues par tous les groupes. Libre à ceux qui ne voudraient pas engager ce dialogue de ne pas le faire, mais il nous semble naturel de répondre à cette invitation. Ce qui se passe n'est ni neutre ni dérisoire : aujourd'hui, c'est l'ensemble des organisations syndicales de salariés, ce qui est rare, qui se sont rassemblées non seulement ici même, mais devant quatre-vingts préfectures, pour manifester leur inquiétude et protester contre le texte dont nous débattons. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous devons rencontrer ces organisations. Encore une fois, libre à vous de ne pas le faire, chers collègues, je ne porte pas d'appréciation ; mais, dans les traditions de notre assemblée, il est naturel que les élus du peuple interrompent leurs travaux pour une durée raisonnable afin de recevoir, dans les locaux de l'Assemblée nationale, les représentants des citoyens qui manifestent à nos portes.
À peine 200 types dans la rue, et il faudrait interrompre nos travaux ?...
Puisqu'on parle beaucoup ici de démocratie sociale, peut-être faudrait-il passer aux actes. Dois-je vous rappeler que, selon le préambule de notre Constitution, les syndicats concourent, en tant que représentants des salariés, au fonctionnement de la démocratie ?
Ce sont donc nos partenaires et c'est pourquoi nous voulons les rencontrer. Cela me paraît absolument indispensable. Je demande donc, au nom de mon groupe, une suspension de séance d'une demi-heure. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, nos collègues doivent avoir des petites difficultés d'organisation puisque la rencontre avec les manifestants pouvait avoir lieu avant la séance. (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous voulons parler du dialogue social, et non pas entendre M. Mariton !
Je ne comprends pas que vous ne les ayez pas encore rencontrés alors que je viens de le faire à l'instant avec quelques collègues de l'UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mes chers collègues, je pense en effet que vous n'avez pas manqué de temps pour rencontrer les représentants syndicaux avant cette séance. Néanmoins, pour rester libéral, je vous accorde une suspension de séance de dix minutes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Rappels au règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinq, est reprise à quinze heures vingt.)
Qui est fondé, monsieur le président, sur le premier alinéa de l'article 58, ayant trait à la bonne organisation de nos travaux.
Hier, nous nous sommes étonnés de l'absence de M. le secrétaire d'État chargé des transports, alors que les questions évoquées tout au long de la journée, au cours de cet important débat, le concernaient très directement. Nous nous félicitons de sa présence aujourd'hui. Mais, pour la bonne organisation de nos travaux, notre groupe souhaiterait que M. Bussereau s'exprime dès maintenant, avant la discussion des articles, et qu'il réponde à toutes les interrogations – nombreuses, importantes et précises – qui ont été formulées pendant la discussion générale. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire).
En effet, au cours de ces échanges, il est apparu que la continuité du service public des transports tout au long de l'année suppose la résolution de problèmes essentiels qui ne sont pas abordés dans le texte : défaillances de matériels ; manque de moyens humains et financiers ; insuffisance des infrastructures… Il est donc indispensable que nous puissions entendre, dès maintenant, les réponses de M. le secrétaire d'État.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Hors sujet !
Je suis saisi d'un amendement n° 153 , portant article additionnel avant l'article 1er.
La parole est à Mme Annick Lepetit, pour soutenir cet amendement.
Comme vient de le dire très justement l'orateur précédent (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), nous avons, lors de la discussion générale, sur tous les bancs de l'opposition (Mêmes mouvements), …
…démontré que la grande majorité – je dirais même l'écrasante majorité – des perturbations de trafic dans les transports publics terrestres, résultent de dysfonctionnements.
Cet article additionnel s'inscrit dans le droit fil des nombreuses interventions de l'opposition. Puisque nos collègues de l'UMP n'ont pas l'air de nous croire…
…quand nous parlons de dysfonctionnements, je vais juste citer quelques chiffres émanant d'entreprises de transport nationales. En 2006, selon les données de la SNCF, le nombre de jours de grève par agent s'élevait à 0,79.
Il était de 1,44 en 2005 et de 0,55 en 2004. Je vous épargnerai l'énumération concernant les dix dernières années. Pour la RATP, autre grande entreprise de transport public, nous observons une tendance similaire.
Par conséquent, la principale cause de perturbation des trafics est imputable aux défaillances techniques, à la vétusté du matériel roulant et des infrastructures, à la saturation des réseaux. Puisque le secrétaire d'État chargé des transports nous honore de sa présence, aujourd'hui – il nous a manqué hier ! – je vais en profiter pour citer l'une de ses déclarations récentes à l'AFP. Vous définissant comme un « partisan du développement des transports publics », vous plaidiez « pour un transport public confortable et de qualité, apportant le même confort que la voiture individuelle, et fonctionnant 365 jours par an ».
Or, monsieur le secrétaire d'État, nous en sommes loin, très loin ! Je n'ai pas le sentiment que les transports publics prennent le chemin de la voiture individuelle, en matière de confort. Ce serait même plutôt le contraire : certaines entreprises enlèvent des sièges pour pouvoir entasser plus de voyageurs dans les wagons ! Aucun investissement sérieux n'a été effectué au cours de ces dernières années, messieurs les ministres.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et le TGV Est ?
La France est à la traîne, je le souligne car vous aimez les comparaisons avec les pays européens voisins. Le budget 2 007 s'inscrit en baisse de 4 % par rapport à celui de l'année précédente. Et la hausse du budget de 2006 n'était due qu'à la privatisation des autoroutes. Donc, il serait vraiment temps – nous pourrions même parler d'urgence – d'investir massivement dans des transports publics de qualité et soucieux de l'environnement. Pourquoi avoir comme numéro deux du Gouvernement un ministre d'État en charge de l'écologie et du développement durable, si rien de concret n'est décidé ensuite ?
Par le biais de cet amendement n° 153 , nous demandons donc au Gouvernement de présenter au Parlement, avant le 1er janvier 2009, un rapport sur la qualité des transports publics, afin que nos concitoyens soient informés. À la lumière des débats suscités par l'actuel projet de loi, cela nous semble essentiel. Nous espérons même que ce futur rapport permettra d'aboutir à l'élaboration d'une loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. le rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le présent projet de loi.
Estimant que le texte ne peut débuter par l'annonce d'un rapport sur la mise en oeuvre du dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres – ce qui est précisément l'objet du texte en cours d'examen – la commission a repoussé cet amendement.
De surcroît, l'article 10 du projet de loi prévoit qu'un rapport d'évaluation sera adressé par le Gouvernement au Parlement, avant le 1er octobre 2008. Cette disposition répond, en partie au moins, au souhait exprimé par cet amendement.
S'agissant de la qualité du service des transports publics et de la nécessité d'un effort d'investissement, la commission a adopté à mon initiative, sur l'article 7 bis de ce projet, un amendement relatif aux investissements à réaliser,.
Nous sommes bien conscients qu'il existe des problèmes matériels, comme nous l'ont confirmé différents intervenants lors des auditions. Étant moi-même très sensible à ce sujet, je n'ai pas l'intention de l'éluder.
La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.
Même avis que la commission. Vous demandez, madame Lepetit, qu'un rapport soit remis avant le 1er janvier 2009 ; nous proposons la date du 1er octobre 2008 : il me semble que c'est mieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mon cher collègue, le vote est déjà engagé. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je mets aux voix l'amendement n° 153 .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Nous abordons l'examen de l'article 1er. (Protestations sur les mêmes bancs.)
Ce sujet est sérieux, il est grave. Certains manifestent dans la rue, exerçant un droit reconnu par la Constitution. Quant à nous, nous devons avoir celui de nous exprimer ici, puisque c'est le lieu du débat démocratique. Vous le savez parfaitement, monsieur le président, le règlement permet de répondre à la commission et au Gouvernement. Or, malgré nos demandes, vous avez ignoré M. Bono, qui souhaitait répondre, car nous sommes dans un vrai débat.
Nous n'entendons pas poursuivre la discussion dans ces conditions.
Nous ne voulons pas faire de l'obstruction mais discuter du fond, à condition que nous puissions nous exprimer.
Ayant la délégation de mon groupe, je sollicite une suspension de séance pour le réunir, afin que nous puissions réfléchir à ce que nous allons faire. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Tout le monde pourra s'exprimer, monsieur Vidalies, puisque treize orateurs sont inscrits sur l'article 1er. Je vous accorde néanmoins une suspension de séance de cinq minutes.
Rappel au règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures trente, est reprise à quinze heures trente-cinq.)
Rappel au règlement
Pour avoir participé aux travaux de notre assemblée depuis un certain nombre d'années, je puis témoigner qu'il est d'usage, sous toutes les majorités, que la présidence donne la parole à deux intervenants pour répondre à la commission et au Gouvernement – selon la formule consacrée – après que ceux-ci ont donné leur avis : on en trouvera de très nombreux exemples dans les comptes rendus. Cette possibilité, laissée à la discrétion de la présidence, ne s'applique d'ailleurs pas aux seuls orateurs de l'opposition.
Nous souhaitons que cette pratique, qui n'est certes pas inscrite dans la lettre du règlement mais correspond à l'esprit des débats de notre assemblée, soit maintenue au cours de la présente législature. Le problème se pose aujourd'hui et je présume, monsieur le président, qu'il ne vient pas de vous. Si toutefois vous persévérez dans cette voie, le président de notre groupe demandera une réunion d'urgence de la conférence des présidents. Nous ne voulons pas qu'à l'occasion de l'examen de ce texte, vous abandonniez subrepticement une pratique qui est une garantie pour l'expression démocratique de l'opposition comme de la majorité – laquelle peut redevenir un jour l'opposition.
Nous souhaitons que la séance se déroule de façon que nous puissions débattre du fond, et le président de notre groupe interviendra, je le répète, si vous ne répondez pas à cette attente.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 1er.
La parole est à M. Daniel Paul.
Je pense moi aussi que la façon dont commence ce débat important pose problème. Nous aurons sans doute l'occasion de nous exprimer de nouveau sur ce point.
L'article 1er est sorti modifié de la lecture au Sénat, où a été voté un amendement qui rappelle quelques principes de valeur constitutionnelle : la liberté d'aller et venir ; la liberté d'accéder aux services publics, notamment sanitaires, sociaux et d'enseignement ; la liberté du travail ; la liberté du commerce et de l'industrie. L'ambition de la majorité est claire : tenter de faire croire par cette insertion, dès l'article 1er, de principes fondamentaux, que le droit de grève les mettrait en péril. Or, vous le savez, la réalité est tout autre !
Le nombre de jours de grève dans les transports est aujourd'hui en baisse constante. La SNCF connaît une baisse du nombre de préavis de grève, lesquels sont passés en dix ans d'environ 1 200 à 700.
Je le répète : il ne s'agit que du nombre de préavis !
En 2006, le nombre de journées perdues par agent a été inférieur à 0,8.
Ces chiffres sont par ailleurs très dépendants des grèves nationales motivées par des sujets extérieurs à l'entreprise, tels que – excusez du peu ! – la réforme des retraites en 2003 ou l'instauration du contrat première embauche en 2005, dont on sait ce qu'il est devenu.
Précisons que ces données n'émanent pas de dangereux syndicalistes mais de Mme Idrac elle-même, PDG de la SNCF, qui a d'ailleurs précisé que la baisse s'est encore accélérée en 2007, avec 0,13 jour par agent.
Quant à la RATP, la conflictualité y a baissé également, la moyenne annuelle de jours de grève par agent – 0,4 – étant largement inférieure à la moyenne nationale de la profession. Le volume des préavis de grève déposés en 2006 – 173 – est le plus bas depuis 1990, comme nous l'a fait savoir M. Mongin, PDG de la RATP.
Enfin, dans le secteur privé, l'état des relations sociales ne permet guère aux salariés d'« abuser » de leur droit de grève. Pensez-vous sérieusement qu'une journée de grève annuelle dans les entreprises de transport mette en péril la liberté d'aller et venir ? Pouvez-vous réellement le soutenir ? Si les libertés que vous mentionnez peuvent bel et bien être entravées, ce n'est pas à cause des grévistes, comme vous cherchez à le faire croire, mais en raison d'un sous-investissement chronique. Et ces entraves sont parfois quotidiennes !
Puisque vous n'étiez pas présent en séance hier, monsieur le secrétaire d'État chargé des transports – et même si vous regardez ostensiblement ailleurs (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire – M. le Secrétaire d'État chausse ostensiblement ses lunettes) –, je rappelle ce que j'ai dit au sujet de la situation dans ma région. « Les mutins du [train de] 7 heures 23 », a récemment titré un quotidien normand : excédés des retards incessants sur les lignes de la région rouennaise, les passagers d'un train qui n'arrivait pas faute de rame, de matériel en bon état et de mécaniciens, sont descendus sur la voie pour en arrêter un autre à Val-de-Reuil. Telle est la situation actuelle !
La direction régionale de la SNCF a d'ailleurs reconnu que le cas n'était pas unique.
Autre exemple que je connais bien : en Haute-Normandie, le taux de régularité a oscillé de 84 à 86 % au cours des premiers mois de 2007, contre 74,8 % en décembre 2006 – voilà des chiffres précis ! C'est déjà mieux, mais cela reste en deçà de l'objectif de 87,5 % fixé par la SNCF.
Néanmoins, cette amélioration cache une partie de la réalité vécue par les usagers au quotidien. D'ailleurs, le déficit récurrent de qualité et les suppressions de trains ont fait l'objet de nombreuses démarches de voyageurs auprès de la SNCF et des élus des collectivités. Un blog, intitulé Train-train quotidien, leur permet de s'exprimer. Je vous invite à consulter ce blog qui, mis à jour quotidiennement, renseigne sur l'état des lignes, les retards, les dysfonctionnements, et affiche des annonces de type « la locomotive est en panne », « tel feu rouge ne fonctionne plus », « il faut ralentir pour cause de travaux »… Les problèmes de transport, ce sont des rendez-vous manqués, des embauches qui ne se font pas parce qu'aucun patron n'accepte qu'un salarié arrive en retard !
En Basse-Normandie, la situation est analogue : récemment, dix-sept TER ont été supprimés en un seul week-end !
A cela s'ajoutent les problèmes liés à l'occupation excessive des trains Corail Intercités.
La modernisation des rames affectées aux liaisons entre Paris, Caen et Cherbourg a entraîné une réduction du nombre de places assises en raison de l'aménagement d'espaces pour les personnes à mobilité réduite, donc une diminution significative de la capacité des trains, la SNCF ne disposant pas de voitures supplémentaires.
Quant aux liaisons entre Paris et Granville, elles subissent d'éternelles pannes d'automoteurs. Pourtant, la région de Basse-Normandie a investi 90 millions d'euros pour l'achat de rames (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)...
..et 100 millions ont été consacrés, avec le soutien des villes concernées, à l'entretien de la ligne – ce que le président du conseil régional n'a pas manqué de rappeler. Au vu du résultat, c'est affligeant !
Cinq nouveaux parlementaires des circonscriptions de Seine-Maritime ont d'ailleurs personnellement constaté les « insuffisances du service » en revenant pour la première fois de l'Assemblée nationale : ils ont dû voyager dans le local de service du train, faute de place ! Leur témoignage dans la presse régionale ne manquait pas d'ironie, car le même jour ils recevaient un courrier de Mme Idrac les félicitant pour leur élection.
Je termine, monsieur le président.
Est-ce que les grévistes, monsieur le ministre, sont en cause ? Ces déficiences sont-elles dues aux défaillances des salariés ? Non, elles sont les conséquences des choix stratégiques de l'entreprise publique, que vous avez entraînée dans une course à la rentabilité. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Pourtant, à l'heure où le travail est de plus en plus éloigné du domicile, où les déplacements professionnels et personnels augmentent, où les échanges économiques se multiplient aux niveaux national et international, la politique des transports devrait être en mesure de relever le défi de la continuité du service public. Mais vous avez fait un autre choix !
Dois-je vous rappeler, monsieur le ministre, que, dans le budget 2007, les crédits de la mission « Transports » ont diminué de 5,3 % ?
Le niveau des dépenses n'a été maintenu que grâce aux fonds de concours des collectivités locales sur des projets contractualisés. Et l'effort de l'État a décrû.
Dans ce contexte de désengagement financier de l'État, sans soutien aux entreprises nationales, comment respecter les libertés constitutionnelles qui vous sont si chères ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Quand allons-nous légiférer sur les besoins en investissements dans le service public ferroviaire ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
L'article 1er assène de nouveau des principes « à valeur constitutionnelle » tels que la liberté d'aller et venir et la liberté d'accès aux services publics, que vous n'avez eu de cesse, depuis le début des débats, de clamer haut et fort, faisant ainsi mine de défendre les droits des usagers – artifice dont vous ne vous êtes pas privés au cours des cinq années de la précédente législature !
Ainsi opposez-vous au droit de grève huit « principes constitutionnels », mais un seul d'entre eux est pertinent : il s'agit de « la liberté d'accès aux services publics, notamment sanitaires, sociaux et d'enseignement ». (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Vous ne mentionnez pas la continuité du service public, pourtant constitutionnalisée par le Conseil constitutionnel. En revanche, vous introduisez la liberté d'aller et venir, la liberté du travail et la liberté du commerce, qui, elles, n'ont jamais été érigées en principes constitutionnels par la jurisprudence du Conseil sur le droit de grève.
Ce faisant, première anomalie, vous inversez le mode de raisonnement du Conseil constitutionnel, qui opère une conciliation entre le droit de grève et un autre principe de portée constitutionnelle, la continuité du service public – ou, plus exactement, qui renvoie au législateur, seul compétent, le soin d'opérer cette conciliation à l'intérieur des limites que la Haute juridiction a elle-même fixées. Ainsi, ce ne sont plus les principes de la continuité et de l'accès aux services publics qui ne doivent pas porter une atteinte disproportionnée à l'exercice du droit de grève, mais le droit de grève, droit subordonné aux termes du projet de loi, qui ne doit pas porter une atteinte disproportionnée à plusieurs de ces droits érigés en principes, droits pourtant totalement contestables, sans lien avec un service minimum, et qui constituent par ailleurs des incriminations pénales héritées du siècle passé et lourdement sanctionnées.
Autre anomalie : vous mettez en rivalité le droit de grève et certains principes à valeur constitutionnelle, mais vous ne vous rappelez l'importance de la liberté d'aller et de venir ou de la liberté du commerce et de l'industrie que lorsque cela vous arrange ! La continuité du service public n'a jamais été la priorité de votre politique, contrairement aux déclarations de M. Kossowski lors de l'audition de M. le ministre – vous voyez que j'ai lu le rapport avec soin. En voici quelques preuves. Quand vous diminuez sans la moindre concertation le nombre de fonctionnaires de l'éducation nationale, vous souciez-vous de la continuité du service public ? Quand les étudiants des facultés sont assis dans les couloirs faute de places suffisantes dans les amphithéâtres, vous souciez-vous de la continuité du service public ? Quand les patients doivent attendre plusieurs heures, souffrants et anxieux, dans les services d'urgence des hôpitaux, vous souciez-vous de la continuité des soins ?
Quand vous réduisez les effectifs des commissariats de 30 %, vous souciez-vous de la continuité du service public ?
Vous ne cherchez en réalité qu'à remettre en cause le droit constitutionnel de grève en le plaçant au même niveau qu'un ensemble de droits que vous vous hâtez d'ériger au rang de principes constitutionnels, et auxquels il n'est même pas justifié de faire référence dans le cas présent. En quoi la liberté d'aller et venir, par exemple, serait-elle menacée par la grève, dans un pays où les déplacements sont assurés à 80 % par la route, où la part modale des transports publics ne représente, hélas, que 15 %, et où les grèves ne sont responsables que de 2 % des difficultés de circulation ?
Peu vous importe que les plus hautes juridictions de notre pays aient consacré la portée constitutionnelle du droit de grève : par ce texte, vous l'attaquez sans vergogne !
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les amendements que j'ai déposés avec le soutien de mes cosignataires, Mme Ceccaldi-Raynaud, députée des Hauts-de-Seine, et M. Bouchet, député du Vaucluse, sont vitaux – le mot n'est pas trop fort – non seulement pour la Corse, mais également pour la bonne intelligence des rapports entre la Corse et le continent.
Si la Corse est une île, comme vous le savez tous (Rires sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), elle n'en fait pas moins partie intégrante de la France métropolitaine ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) On parle de l'égalité des citoyens sur tout le territoire, mais cette égalité suppose que les citoyens aient les mêmes garanties, en matière de continuité du service public, pour se rendre de Bastia à Marseille ou de Marseille à Lyon.
Il est indispensable de voter ce projet de loi sur le service minimum et la continuité du service public car, quelle que soit la légitimité d'une grève, on ne peut pas systématiquement prendre en otage la population. (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mais il est tout aussi indispensable que cette loi soit étendue aux transports maritimes réguliers de marchandises et de passagers, car les citoyens corses attendent de la part du Gouvernement la même attention et les mêmes droits que l'ensemble des citoyens français. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
En parlant de la Corse, que je défends, je n'oublie pas non plus les habitants des îles du littoral métropolitain – ce ne sont pas mes collègues élus de ces régions qui vont me contredire !
Ainsi, on aurait le droit d'habiter Lyon et de travailler à Paris, mais pas celui d'habiter Bastia et de travailler à Marseille ?
Qui aura le courage de me dire que le seul transport terrestre concernerait des déplacements quotidiens et réguliers, et non le transport maritime ? Tous les jours, des bateaux n'accostent-ils pas sur l'île pour approvisionner nos entreprises, nos artisans, nos commerçants, et leur permettre de poursuivre leur activité dans de bonnes conditions ? Cette activité n'est-elle pas quotidienne ? Et que penseront les nombreux attachés commerciaux amenés à organiser leur démarchage hors de l'île ? Osera-t-on leur dire que ce n'est pas un transport quotidien ? Osera-t-on les considérer comme des touristes ? C'est parce que nous n'avons pas d'autre choix que de traverser la mer que l'extension de ce projet de loi au transport maritime est vitale pour la Corse !
Avez-vous une idée des conséquences dramatiques qu'ont eues certaines grèves sur l'économie insulaire ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Une île paralysée, des entreprises au bord du dépôt de bilan, des familles exaspérées et, en définitive, un sentiment d'injustice et d'abandon au sein de la société corse.
Est-il juste que la Corse soit coupée du monde chaque fois que les dockers de Marseille ont une nouvelle revendication, si fondée soit-elle ?
Est-il juste qu'une famille endeuillée attende plusieurs jours, voire plusieurs semaines, le cercueil contenant le corps d'un parent, stocké dans des hangars de Marseille comme de vulgaires caisses de conserves ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Est-il juste, parce que l'on est bloqué à Bastia ou à Ajaccio, de devoir annuler un rendez-vous médical avec un spécialiste que l'on avait mis des semaines à obtenir ? Non, ce n'est pas juste !
Je termine, monsieur le président.
Je rappelle que le transport maritime entre la Corse et le continent concerne chaque année près de quatre millions de passagers,…
…que Bastia est le deuxième port de France en termes de trafic, que 80 % du fret, c'est-à-dire 80 % de notre approvisionnement en marchandises, passent par Marseille.
Je rappelle enfin, que la loi de 1974 sur la continuité territoriale fait de la mission de transport maritime entre la Corse et le continent une mission de service public. Une loi sur la continuité du service public dans les transports ne peut donc, sauf à être injuste et discriminatoire, et sauf à enfreindre le principe constitutionnel d'indivisibilité de la République, oublier le transport maritime. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ma première observation portera sur la constitutionnalité de certains principes ajoutés au texte par le Sénat, question déjà évoquée par M. Muzeau. Ainsi, la liberté d'aller et venir, la liberté d'accès aux services publics, notamment sanitaires, sociaux et d'enseignement, la liberté du travail et celle du commerce et de l'industrie se voient-elles élevées au rang de principes constitutionnels. Sans doute cela a-t-il été facilité par la connotation idéologique de certains de ces principes, …
…comme le confirme votre réaction. En réalité, il s'agit d'une invention pure et simple ! (« Absolument ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
En effet, à l'exception de l'accès aux établissements sanitaires et sociaux, aucun de ces principes n'a été consacré par le Conseil constitutionnel.
Il se passe une chose incroyable : ces principes, qui ne figuraient pas dans le projet de loi du Gouvernement, texte soumis au Conseil d'État, mais ont été introduits par le Sénat, nous sont présentés comme constitutionnels sans que cela suscite la moindre réaction de votre part ! Quelle confusion !
La liberté du travail – droit individuel – n'est en rien constitutionnelle, non plus que la liberté du commerce et de l'industrie.
Nous partageons en revanche votre constat initial : l'exercice du droit de grève et la continuité du service public sont deux principes constitutionnels. Et c'est la conciliation des deux qui est difficile. Le Conseil constitutionnel a rendu nombre de décisions à ce sujet, et vous savez comme nous que la difficulté consiste à trouver le point d'équilibre. C'est ce que le Conseil appréciera, outre les dispositions attentatoires au droit de grève, qui font l'objet d'un autre débat.
Vous voulez donc inventer de nouveaux principes constitutionnels. Je vous mets en garde car, jusqu'à présent, ce n'était pas le rôle du Gouvernement. Mais avec la rupture, tout change… C'est au Conseil constitutionnel qu'il appartient de se prononcer, et si le Gouvernement persiste à défendre sans justification une position aussi originale et aussi étrange, la discussion se déroulera sur des bases erronées. À ce stade du débat, monsieur le ministre, il est indispensable que vous nous donniez une réponse, non avec le talent qui vous permet de défendre n'importe quelle thèse avec beaucoup de conviction, mais avec des arguments juridiques qui justifient qu'une valeur constitutionnelle ait été donnée à ces principes. C'est une question simple qui mérite une réponse précise. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, je m'étonne que vous me donniez la parole quand je ne la demande pas et que vous me la refusiez quand je la demande !
Il me semble normal de vous la donner, puisque vous êtes inscrit sur l'article…
Je reprendrai donc l'argumentation que vient de développer Alain Vidalies sur l'article 1er.
Vous élevez au rang de principes constitutionnels, alors que nous ne sommes pas fondés à le faire, des principes qui, jusqu'à présent, ne pouvaient prétendre à une telle consécration. Nous en sommes d'autant plus surpris qu'en y renonçant et en revenant au texte initial, vous garantiriez une plus grande sécurité juridique à cet article. Vouloir faire de la liberté du commerce et de l'industrie un principe constitutionnel aussi important que celui du droit de grève apparaît pour le moins surprenant !
Il m'aurait semblé bien plus judicieux de souscrire à la proposition qui a été faite tout à l'heure d'évaluer la qualité des services publics de transport et de leur donner les moyens indispensables à cette liberté d'aller et venir que vous voulez ériger en principe constitutionnel.
C'est pourtant l'objet de notre débat !
Dois-je rappeler qu'un audit de l'École polytechnique de Lausanne a montré que 500 millions d'euros supplémentaires par an seraient nécessaires ? Le Gouvernement n'a annoncé que 160 millions pour 2006 et 260 pour 2007, sur lesquels il n'a effectivement payé respectivement que 70 et 90 millions ! Il est inutile de vouloir créer de nouveaux principes constitutionnels si les services publics n'ont pas les moyens indispensables pour fonctionner ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je reviens également à cette question fondamentale : le Sénat a introduit à l'article 1er, en tentant de les ériger en principes constitutionnels, un certain nombre de droits et libertés figurant à l'article 4 du texte initial et n'ayant aucun caractère constitutionnel.
J'attends sur ce point une réponse précise, monsieur le rapporteur, car je suis très surpris de constater que le rapport, se contentant d'entériner cet état de fait, ne dise pas un mot sur le sujet. Or la rédaction de l'article 1er, ainsi que celle de l'article 4, posent certaines questions qui seront sans doute au coeur de l'examen du Conseil constitutionnel. Je vous rappelle, monsieur le rapporteur et monsieur le ministre, que depuis sa décision du 15 juillet 1979, le Conseil constitutionnel est seul juge pour vérifier si la loi ne porte pas une atteinte excessive à l'exercice du droit de grève, en imposant des restrictions de service minimum pour assurer la continuité du service dans des domaines où son interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays – ceux que la convention 516 de l'OIT, signée par la France, définit comme les besoins qui, s'ils n'étaient pas satisfaits, pourraient mettre en danger la vie ou la santé des personnes, et qui sont donc bien loin de la liste que vous avez dressée à l'article 1er ou à l'article 4.
Si le législateur dispose d'une compétence exclusive pour assurer la conciliation entre le droit de grève et un principe de portée constitutionnelle – ce qui n'est pas le cas de ceux que vous avez mentionnés à l'article 1er –, il doit agir dans certaines limites. Or, comme l'a clairement exposé Roland Muzeaud, à l'article 4 comme à l'article 1er, vous ne proposez rien de moins que d'inverser le raisonnement du Conseil constitutionnel : ce ne sont plus les principes de la continuité et de l'accès au service public qui ne doivent pas porter une atteinte disproportionnée à l'exercice du droit de grève, c'est le droit de grève qui ne doit pas porter une atteinte disproportionnée à plusieurs de ces droits érigés en principes, lesquels, je le répète, n'ont rien à voir avec le service minimum.
Sur une question aussi importante, et qui détermine la philosophie même du texte, nous devons entendre la réponse du ministre pour savoir comment ces droits peuvent être érigés en principes constitutionnels, ainsi que la réponse du rapporteur pour pallier le manque d'informations dont souffre le rapport. Peut-être faudra-t-il également que le président Mariton réunisse la commission spéciale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion générale a permis d'évoquer l'environnement de ce texte et sa portée réelle, au-delà de l'affichage politique qui en a été fait avant, pendant et après la campagne présidentielle. C'est pourquoi, alors que s'engage l'examen de l'article 1er, je souhaite intervenir sur trois points.
J'évoquerai d'abord les principes constitutionnels, dont les services de transports terrestres réguliers de voyageurs devraient permettre la mise en oeuvre. Les auditions menées par notre commission spéciale, ainsi que nos échanges dans cet hémicycle, ont clairement montré que les difficultés rencontrées pour assurer la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs tiennent pour l'essentiel à la vétusté des infrastructures et, parfois, des matériels, à la saturation des réseaux, à l'insuffisance des moyens humains mis en oeuvre.
Pour garantir les principes énoncés à l'article 1er, une première exigence s'impose donc : améliorer à la fois les conditions de transport des usagers et les conditions de travail des salariés du transport. Cela passe par une politique volontariste de l'État, menée en partenariat avec les autorités organisatrices de transport ; une politique dotée de moyens financiers importants, seuls à même de permettre l'entretien et le développement des infrastructures, le maintien à niveau et la modernisation des matériels, la garantie et, lorsque cela est nécessaire, la création d'emplois qualifiés et pérennes.
Mais telle n'est manifestement pas votre intention, puisque vous n'avez eu de cesse, tout au long de ces dernières années, de remettre en cause les moyens affectés par l'État à cette action publique essentielle : quand il faudrait 500 millions d'euros par an pour l'entretien du réseau ferré, on en annonce 100 ; quand il faudrait investir plusieurs milliards pour le développement des transports en commun en site propre dans les grandes agglomérations, l'État se retire purement et simplement ; et je ne parle pas de la cagnotte d'environ 40 milliards – évoquée par notre collègue François Brottes lorsqu'il a défendu la motion de renvoi en commission – cagnotte à laquelle vous avez renoncé en privatisant les autoroutes, pour encaisser trois fois moins, mais en une seule fois, alors que ces fonds auraient pu servir au développement du service public de transport terrestre régulier de personnes. Là encore, il n'y aura donc pas de rupture !
C'est grand dommage, parce que cela aurait pu donner une certaine crédibilité à votre projet sur le dialogue social, autre obligation générale qui s'impose si nous voulons vraiment mener le changement en profondeur et dans la durée dont notre pays a besoin. Mais là encore, pas de rupture ! Quand bien même le droit pour tout homme à défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale, en adhérant au syndicat de son choix, figure dans le préambule de la Constitution de 1946, repris dans le préambule de celle de 1958, rien dans votre texte n'incite à la reconnaissance du fait syndical.
C'est une autre carence importante de votre projet, tant il est vrai que les démocraties les plus avancées en Europe, celles qui connaissent le moins de conflits sociaux, ont su développer un dialogue social permanent et efficace avec un syndicalisme fort, capable de s'impliquer pleinement dans la réforme de la société du travail et hors du travail, un syndicalisme professionnel et interprofessionnel capable de transcender les corporatismes pour faire prévaloir le bien commun.
Prôner, comme vous le faites, monsieur le ministre, le renforcement du dialogue social sans affirmer la moindre ambition politique de dépasser les difficultés rencontrées dans les transports, où se côtoient les réalités économiques et sociales les plus diverses, pour y favoriser l'exercice d'une pratique syndicale, traduit à tout le moins une méconnaissance de ce secteur d'activité, et laisse à penser que le souci que vous affichez là n'est qu'un argument de vente de votre projet.
Enfin, la spécificité du service public, notamment en matière de transport quotidien de voyageurs, doit nous amener à rechercher, à partir d'un diagnostic partagé, la meilleure adéquation entre les besoins exprimés par les citoyens usagers dans leur diversité, les conditions de vie et de travail des salariés du secteur et les contraintes économiques et de gestion des entreprises comme des autorités organisatrices.
Il y a là tout un champ d'action, qui n'est qu'esquissé dans votre texte, et qui ne va pas assez loin pour espérer aboutir à de nouvelles formes d'organisation et à une amélioration durable du service public.
Au final, votre loi ne servira pas le service public, à défaut d'être accompagnée par un effort financier substantiel de l'État. Elle ne servira pas davantage le dialogue social, si l'on en juge par les tensions qu'elle crée dans des secteurs qui connaissaient l'apaisement depuis plusieurs années. J'en veux pour preuve l'appel à la mobilisation lancé ce jour même, un 31 juillet, par sept fédérations de cheminots et quatre fédérations des transports !
Votre projet est donc mal venu, si ce n'est pour servir l'image présidentielle, au risque d'abuser une fois de plus nos concitoyens, qui ne seront pas dupes très longtemps. À moins qu'il ne s'agisse d'affaiblir la capacité de résistance des salariés en désarmant les syndicats, avant d'annoncer de nouvelles mesures antisociales à la rentrée. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
C'est précisément ce qui nous invite à poursuivre ce débat aussi longtemps qu'il le faudra, pour que les Françaises et les Français soient éclairés sur les véritables intentions du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Est-ce parce que je suis novice dans cette assemblée ? Toujours est-il que l'article 1er me plonge dans la perplexité. Le premier alinéa est déjà source d'étonnement, puisqu'il ne fait que recopier le titre du projet de loi. Il est donc inutile. Sur les alinéas suivants, beaucoup a été dit. J'observerai pour ma part que, s'il s'agit de proclamer des principes constitutionnels, c'est-à-dire des principes qui s'imposent à tous, auxquels on ne peut déroger, ils n'ont rien à faire dans la loi ! Il suffit de les respecter, ce à quoi veillera le Conseil constitutionnel.
Quitte à inscrire des principes à valeur constitutionnelle, vous auriez pu recopier tout le préambule de la constitution de 1946 ! Cela vous aurait permis d'affirmer à nouveau votre prétendu attachement au droit de grève, ou de rappeler que tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale – mais nous avons vu tout à l'heure quel cas vous faites d'un tel principe.
Mais allons plus loin, grâce à une très saine lecture, celle du rapport public pour 2006 du Conseil d'État, qui constate que « la complexité croissante des normes menace l'État de droit ». Il cite Montesquieu : « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires » – une phrase à méditer, surtout devant votre texte ! La complexité croissante de notre droit constitue une préoccupation constante des citoyens, des élus locaux, nombreux dans cet hémicycle, des entreprises, notamment des petites et moyennes entreprises – il serait d'ailleurs intéressant de revenir sur la position de l'UPA à l'égard de votre projet –, et des juristes. Se penchant sur les causes de ce phénomène, le Conseil retient la multiplication des sources externes et internes du droit, en même temps que l'apparition de nouveaux domaines. Mais il met également en évidence une cause sur laquelle je souhaite insister : l'impératif de communication médiatique. Nous y sommes ! Là est la véritable raison d'être de ce projet de loi. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) « La relation de l'homme politique à l'électorat s'opère principalement à travers les médias. La pression s'exerçant sur le Gouvernement en faveur de nouveaux textes se voit ainsi amplifiée, appelant à un rythme largement dicté par l'événement des réponses de plus en plus rapides. » Et on voit comment, pressé de donner corps aux promesses inconsidérées du candidat Sarkozy (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), le Gouvernement nous soumet un projet inutile, dangereux et complexe. Pas d'existence politique sans communication médiatique !
Je terminerai en citant le président du Conseil constitutionnel, qui a longtemps siégé dans cet hémicycle. Le 3 janvier 2006, lors des voeux au Président de la République, il déclarait : « La griserie de l'annonce l'emporte bien souvent sur les contraintes de l'arbitrage et de la prévision. » Voilà comment on aboutit à un texte complexe, mal préparé et mal rédigé (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), dont l'application sera extrêmement difficile, voire impossible. Il est aussi inopportun qu'inutile, et vous feriez mieux de le retirer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Au départ, mes chers collègues, je me suis réjoui de voir que nous tenions, avec ce texte, un engagement important, d'autant que les Français attendaient depuis plus de vingt ans une procédure de règlement des conflits.
J'ai cependant été surpris à la lecture de l'intitulé du projet de loi. Certes, qui peut s'opposer au dialogue social et à la continuité du service public ? Sûrement pas moi, tant ils ont leur importance en Corse. Ce qui me contrarie, c'est l'expression « transports terrestres ».
Le projet de loi devrait pourtant s'appliquer également à notre île, la plus importante de métropole. Faute de pouvoir marcher sur l'eau, ce à quoi personne n'est parvenu depuis 2000 ans (Sourires), les Corses ont obtenu de la nation une enveloppe de continuité territoriale. C'est elle qui, en garantissant une liaison régulière avec le continent, préserve l'unité de la collectivité nationale et nous rend tous égaux. En 1975, il a d'ailleurs été décidé que l'autoroute du Soleil, comme on l'appelait alors, se prolongerait jusqu'à la Corse par voie maritime, de la même façon que toutes les régions de France sont reliées par le train. Il a d'ailleurs été question, à l'époque, de calculer le prix kilométrique à la manière de la SNCF. Ce que vous considérez comme transport maritime était donc déjà défini, en 1975, comme le prolongement d'une route terrestre !
La Corse connaît depuis vingt-cinq ans une situation qui porte préjudice, non aux salariés d'une entreprise, mais à l'ensemble des usagers, à une économie. Je comprends que l'on défende le droit de grève, et je l'ai fait moi-même. Je comprends que l'on veuille défendre ses droits au sein d'une entreprise – j'ai même défendu les droits de ceux qui, souvent, remettent en cause la continuité territoriale. Mais nous devons aujourd'hui, comme ce texte le demande, privilégier le dialogue social et garantir la continuité du service public de transport, qui est, cela a été dit, son essence même. Pour cela, un cadre juridique est nécessaire, notre collègue Christian Blanc l'a souligné. Je demande donc au Gouvernement et à la représentation nationale qu'une solution permettant de garantir la continuité territoriale avec la Corse soit mise au point. Quel que soit le mode de transport, maritime ou bien terrestre, la culture du dialogue social doit enfin se substituer à celle du conflit. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Une station de radio, qui n'est pas réputée comme un repaire de révolutionnaires gauchistes, qualifiait ce matin votre texte d'usine à gaz : un cartésien tel que moi peut s'en rendre compte dès l'article 1er. Quant à nos discussions sur les principes constitutionnels devant être invoqués ou sur le périmètre de la loi, elles ne font que renforcer cette impression. J'observe que l'on emploie les mots « transports réguliers » dans l'article 1er, tandis que l'article 4 parle de « transports quotidiens ». Que vont devenir les pauvres banquiers, chers à Mme Lagarde, qui gagnent tous les jours Londres à bord de l'Eurostar ? Utilisent-ils des transports réguliers ou des transports quotidiens ? Le texte s'applique-t-il aux TGV ou uniquement aux TER ? On ne sait pas.
Le projet parle également de voyageurs « à vocation non touristique », une précision que certains collègues de la majorité souhaiteraient supprimer. De même, la question légitime de l'inclusion des transports maritimes vient d'être posée. On pourrait également s'interroger sur le transport aérien : est-il quotidien ? Régulier ? Et puis, au détour d'un amendement, on lit que certains, au motif qu'il faut garantir la liberté du commerce et de l'industrie, proposent d'élargir le champ du projet au transport – régulier ou quotidien ? – de marchandises.
On le voit bien, ce projet est un ballon d'essai. En vous intéressant aux transports quotidiens des travailleurs salariés les plus modestes, vous choisissez la porte d'entrée la plus facile, car la plus sensible. C'est populaire ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais les projets d'extension sont déjà dans les tuyaux, comme le prouvent les déclarations contradictoires de certains membres du Gouvernement : un jour, on s'intéresse à l'éducation nationale, le lendemain à l'ensemble des services publics. Bref, si ce texte n'est qu'un coup médiatique visant à obtenir une popularité facile, vous êtes déjà bien empêtrés. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous reviendrons plus tard à la question du remboursement ou à celle des relations entre AOT et entreprises mais, dès l'article 1er, on comprend que ce texte inapplicable ne sert qu'à diviser les Français. Malgré son examen au coeur de l'été, vous pouvez d'ailleurs en mesurer l'impopularité par la mobilisation de la rue ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Il est paradoxal de parler de liberté d'aller et venir et de liberté du commerce dans le contexte actuel, celui d'une crise exacerbée des transports ferroviaires. Or celle-ci, et Dominique Bussereau le sait bien, n'est nullement due à la grève, mais à la vétusté des voies, aux problèmes de maintenance et au manque de personnel.
Les régions ont réagi dès qu'elles en ont eu la compétence, il y a six ou sept ans. On peut le constater dans les budgets : nous inscrivons, sur cette ligne, deux à trois fois ce que l'État nous a transféré pour le renouvellement du matériel. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) De même, les contrats de projets font état de sommes colossales – les plus importantes après celles consacrées aux universités – au titre de la modernisation des réseaux. Il n'empêche que, dans une région que je connais bien, plus de trains ont été supprimés dans les quinze premiers jours de janvier que pendant les six mois précédents.
Or on ne réglera pas cette crise avec votre vision de la continuité des services publics de transport. Ce texte est un coup d'épée dans l'eau. Dommage ! Il est injuste et maladroit de viser les personnels des sociétés de transport. Il aurait mieux valu appeler à un effort commun, sur le modèle des contrats de projets, en faveur de la modernisation des transports ferroviaires dans le cadre du développement durable. Les villes, les départements et les régions le font déjà.
Comment, d'autre part, ignorer les inquiétudes, dont je vous ai fait part, monsieur le ministre ? Pour les autorités organisatrices de transport, ce texte est un nid à contentieux. (« Absolument ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Les régions, de gauche comme de droite, ont passé certaines conventions, et de bonnes pratiques ont été instaurées. (« Bien trop rarement ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais les précisions imposées par ce texte au sujet des matériels ou des lignes devant être maintenues vont entraîner des conflits juridiques considérables entre usagers, autorités organisatrices et entreprises.
La précision même de ce texte mettra en cause la simplicité des conventions que, je le sais, vous appelez de vos voeux. Vous avez précisé hier, lors de votre intervention, que cela donnait une base légale aux conventions passées. Mais ne sont-elles pas dès aujourd'hui légales ?
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Bien sûr que si !
Ces conventions fixent déjà, heureusement, des pénalités, notamment pour la SNCF. Si, demain, cette loi est appliquée, la SNCF pourra dire : « Je n'ai plus à verser de pénalités. »
C'est une façon de se tirer une balle dans le pied. L'objectif, que nous partageons tous, d'améliorer la continuité des services rendus à l'usager ne sera malheureusement pas servi par ce texte. La continuité des services publics suppose aujourd'hui – et il en est de même de la modernisation des universités – un effort financier partagé, mais considérable.
Nous aurions pu soutenir le volet du texte relatif au dialogue social, tel qu'il figure dans l'article 2. Hors la date du 1er janvier 2008, ces dispositions sont acceptables. Mais qu'en est-il du reste ? Vous mettez en place une usine à gaz, qui inquiète toutes les autorités organisatrices et qui, demain, ne réglera aucun problème quant à l'amélioration de la continuité des transports. Je voulais en témoigner aujourd'hui pour prendre date. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Alors que nous abordons l'article 1er de ce projet de loi, je ressens ce moment comme important, car attendu depuis de nombreuses années.
Il y a tant d'années que notre majorité réclame la réglementation du droit de grève dans les services de transport en commun (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)...
..que nous ne pouvons que nous féliciter qu'on nous la propose enfin ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Le Gouvernement a agi avec sagesse en présentant un texte mesuré et raisonnable. C'est donc aujourd'hui une date importante pour nous !
Si ce texte n'avait pas été inscrit à l'ordre du jour, nous aurions eu le sentiment que les promesses faites à nos concitoyens lors de la campagne présidentielle (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) pour la réorganisation de la société française n'étaient pas tenues. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je m'en tiendrai à deux observations pratiques sur la rédaction de l'article 1er.
Premièrement, si nous ne réglons pas la question - excellemment présentée par M. de Rocca Serra – relative aux transports maritimes de voyageurs, nous n'aurons pas accompli ce que nous avons à faire. Nous avons assisté avec désolation, pendant de nombreuses années, à la multiplication des conflits dans les transports maritimes entre la Corse et le continent. L'opposition nous a expliqué qu'il y avait tellement peu de jours de grève qu'il n'était pas nécessaire de légiférer. Or, s'il est un secteur où les jours de grève ont toujours été nombreux chaque année, c'est bien celui-là. Il est donc grand temps d'agir ! Par conséquent, je souhaite ardemment qu'une majorité se dégage pour adopter l'amendement qui sera présenté tout à l'heure.
Personnellement – et ce sera ma seconde observation –, je ne trouve pas opportunes les modifications introduites par le Sénat en vue de rappeler les principes de droit constitutionnel qui inspirent le texte.
Les raisons sont simples. De telles dispositions relèvent davantage de l'exposé des motifs que de la loi elle-même.
De plus, c'est au juge constitutionnel chargé d'apprécier la loi qu'il appartiendra de dresser la liste des principes constitutionnels qui méritent d'être défendus.
Pour toutes ces excellentes raisons, j'hésite beaucoup à me rallier à cette rédaction.
Mais pour le reste, mes chers collègues, nous allons prendre une décision historique, dont je me félicite très sincèrement. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
J'ajouterai une observation sur les notions de continuité des transports et de liberté du commerce.
En Bretagne, région dont je suis élue, les salariés qui travaillent à Paris demandent avec force le rétablissement de la circulation des trains de nuit pour leur permettre de rentrer le vendredi soir et de rejoindre Paris le dimanche soir. De même, les entreprises les plus éloignées des grands marchés réclament depuis longtemps que les trains de marchandises de nuit circulent de nouveau.
Lorsque nous avons discuté des contrats, nous en avons fait part à la SNCF. Elle nous a répondu que, compte tenu de la faiblesse des crédits accordés par l'État pour le renouvellement des matériels, la mise aux normes, et concernant la Bretagne, les lignes à grande vitesse, elle s'était malheureusement trouvée dans l'obligation d'alléger ses frais de fonctionnement : il lui était donc impossible de faire travailler son personnel à partir de vingt et une heures. De ce fait, les trains de nuit ne circulent plus. Il en va de même du transport des marchandises de nuit, ce qui nécessite le recours à deux chauffeurs de camion pour atteindre, par exemple, les marchés de Francfort.
Si l'on veut parler de liberté d'entreprise, de commerce, d'égalité des chances et de concurrence, ce n'est pas de ce texte qu'il faut débattre : il faut évoquer la continuité du service public et l'engagement de l'État en faveur du développement durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
L'article 1er est évidemment essentiel parce qu'il est la charpente même de notre débat. S'il est un principe constitutionnel indiscutable, c'est bien celui du respect de la libre administration des collectivités territoriales. Nous sommes ici au coeur de la problématique. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle Dominique Perben, précédent ministre des transports, avait organisé un débat de fond avec les autorités organisatrices de transport réunies dans le GART. Pendant plus de deux ans, elles ont travaillé à l'élaboration d'un guide de bonnes pratiques et d'une charte de la prévisibilité comportant des clauses de dialogue social et de prévisibilité dans l'organisation même des politiques de transport au niveau territorial. Cela a été efficace. La conflictualité a diminué, ce dont nous nous réjouissons aujourd'hui.
La parole de l'État n'est pas rien. Les formations de droite, de gauche ou du centre s'étaient honnêtement engagées dans un dialogue privilégiant la voie conventionnelle par rapport à la voie légale. Aujourd'hui, vous nous proposez un texte – durci par le Sénat comme vient de le rappeler M. de Charette – qui rompt avec cette démarche républicaine et démocratique. Nous sommes en pleine contradiction. L'État est à la fois autorité organisatrice – pour les TGV, l'aérien, le fluvial, le maritime – et il a la tutelle de la SNCF et de la RATP. Or il prétend organiser les conditions du dialogue social et décider, de fait, des politiques territoriales en matière de transport, alors que chacun sait que les politiques de déplacement sont, pour l'essentiel, depuis de nombreuses années, dévolues aux collectivités territoriales : régions, départements, groupements de commune et communes.
C'est pourquoi vous auriez dû, au minimum, accepter la proposition d'Annick Lepetit, qui demandait qu'un rapport du Gouvernement soit présenté au Parlement sur la mise en oeuvre du dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs ainsi que sur la qualité de service des transports publics. Comment peut-on, quand on est juge et partie, imposer de nouvelles règles en contradiction avec la charpente constitutionnelle ?
Il est toujours temps de réparer ses erreurs. Si vous persistez dans votre volonté de durcir le texte, de rendre le dialogue social invraisemblable dans notre pays, vous récolterez sur le terrain ce que vous semez aujourd'hui : le boomerang vous reviendra beaucoup plus vite que vous ne le croyez. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous ne pouvons accepter que l'État décide des conditions du dialogue, du calendrier et même d'une intervention du préfet, souvent en amont des plans mis en place ! Tout cela est intolérable et c'est la raison pour laquelle nous sommes hostiles à l'article 1er. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Nous en venons aux amendements. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et la réponse du ministre aux orateurs ?
Je répondrai lorsque nous discuterons des amendements. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Les orateurs inscrits sur l'article 1er, qu'ils soient de la majorité ou de l'opposition, ont posé des questions très importantes. J'ai compris que M. le ministre envisageait de répondre de manière successive…
…lors de la discussion des amendements.
Les différentes interventions, de l'opposition comme de la majorité, ont été de qualité. Des approches nouvelles de l'interprétation du texte ont d'ailleurs émané de la majorité. À cet égard, je tiens à remercier M. de Charette pour sa franchise et pour sa lecture juridique de la référence à des principes de valeur constitutionnelle. Je sais de plus, puisqu'il a eu l'amabilité de m'en informer, que M. le secrétaire d'État chargé des transports sera bientôt dans l'obligation de nous quitter. Nous souhaitons, dès lors, que M. le ministre et M. le secrétaire d'État s'expriment.
Cela nous éviterait, comme semble le privilégier le ministre, d'avoir un débat de fond plutôt que de précision sur les amendements. Et ce serait plus constructif pour la suite de notre débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Disons-nous les choses très franchement. De nombreux orateurs, qui n'étaient pas inscrits dans la discussion générale, sont intervenus sur cet article. Il s'agissait d'ailleurs davantage de réponses à mon intervention d'hier que de véritables questions. Ainsi, vous avez tous évoqué le caractère plus ou moins constitutionnel de certains principes.
Nous allons maintenant discuter des amendements. J'ai toujours répondu de manière très détaillée à leurs auteurs. Vous jugerez à la fin si j'ai éludé les questions. Comme vous venez de le préciser, monsieur Vidalies, Dominique Bussereau devra nous quitter tout à l'heure. Je pense donc qu'il est préférable que les deux ministres s'expriment sur les amendements, plutôt que de revenir à nouveau sur des éléments que j'ai développés hier dans la discussion générale. Si vous avez le sentiment que je ne vous ai pas répondu au fond, je n'hésiterai pas à m'expliquer de nouveau. Vous savez dans quel état d'esprit j'ai toujours abordé les débats. J'ai passé ici 167 heures comme rapporteur de la réforme des retraites. J'ai donc toujours eu pour habitude d'aller au fond des choses dans le respect de l'ensemble des parlementaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je suis saisi de trois amendements, n°s 80 , 78 rectifié et 7 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour défendre l'amendement n° 80 .
Cet amendement tend à étendre le champ d'application de la loi au transport maritime, au nom de la continuité territoriale. J'aurais pu aller plus loin et parler de transport maritime ou aérien.
La recherche du dialogue social, qui est une absolue nécessité et qui permettra d'encadrer la mise en oeuvre du service aux usagers, doit être précédée d'une concertation. Ce que je vous demande, monsieur le ministre, c'est qu'elle ait lieu dans des délais les plus rapides, afin qu'il n'y ait pas de rupture d'égalité entre les citoyens, qu'ils vivent sur une île ou sur le continent, que l'économie d'une île puisse fonctionner autant que celle des autres régions continentales, et que la continuité d'un service public financé par la communauté nationale soit assurée entre la Corse et le continent comme ailleurs.
Je vous demande de vous engager clairement à employer tous les moyens pour y parvenir, et notamment à mener la concertation nécessaire entre l'autorité organisatrice, les pouvoirs publics, les entreprises de transport et les salariés, pour que les usagers, qu'ils soient personnes physiques ou personnes morales, qui ont besoin de transiter par la voie maritime, puissent le faire puisque, pour paraphraser un illustre prédécesseur de la IIIe République, « la Corse est une île, mais entourée d'eau de toutes parts. » (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Robert Lecou, pour défendre l'amendement n° 78 rectifié .
Le droit de grève est gravé dans le marbre du préambule de la Constitution de 1946. Personne n'a envie de revenir sur ce droit,...
…qui remonte à 1864, à l'époque du Second empire. C'est une conquête sociale et un important symbole de progrès démocratique ; nous y sommes tous attachés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La continuité du service public est un principe général du droit de la République française, reconnu par le Conseil constitutionnel. L'article 5 de la Constitution de 1958 précise en effet que le Président de la République « assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'État ». Nous devons y être très attachés. Concilier droit de grève et service public, et permettre ainsi d'ailleurs la promotion du service public, tel est, monsieur le ministre, l'enjeu de cette loi et de notre débat.
Le service garanti doit être considéré non pas comme un remède miracle mais comme un moyen ultime d'assurer la continuité du service public. C'est la raison pour laquelle il doit être garanti au plus haut niveau possible et compatible avec l'exercice du droit de grève. Seule une telle démarche permettra de promouvoir un service public de qualité.
En complément de celui de Camille de Rocca Serra, mon amendement tend à garantir la continuité du service public de transport terrestre de personnes, sans exclure les transports à vocation touristique.
Je pense à celles et à ceux qui, usant de leur juste droit aux vacances, choisissent de se rendre sur leur lieu de villégiature en utilisant les transports en commun. Ne les décourageons pas, encourageons-les à circuler librement et à désengorger des routes inadaptables à des afflux touristiques saisonniers qui, avec leurs pics, provoquent des blocages mais présentent aussi des risques pour la sécurité et pour l'environnement – il faut penser au développement durable. Je pense aussi aux objectifs commerciaux de la SNCF, que l'on doit accompagner et encourager pour lui permettre de parvenir à l'équilibre financier. Elle a besoin d'assurer ces transports importants, parfois exceptionnels et non pas réguliers, dans le cadre des migrations touristiques. Je pense enfin à l'activité touristique, élément incontournable d'un secteur générateur d'emplois et d'activités économiques.
Pour ces raisons, je vous propose, mes chers collègues, de faire entrer dans le champ d'application de la loi l'ensemble des services publics de transport terrestre de personnes. (« On y est ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Sauveur Gandolfi-Scheit, pour défendre l'amendement n° 7 rectifié .
Nous avons suffisamment expliqué tout à l'heure, Camille de Rocca Serra et moi-même, à quel point l'extension du champ d'application de cette loi au transport maritime était vitale pour la Corse. Personne ne peut me contredire sur ce point. Même vous, monsieur le ministre, êtes convenu de la nécessité de garantir une vraie continuité territoriale.
Pour me convaincre de renoncer à ce combat, on m'oppose la nécessité du dialogue social. Je n'ai jamais nié l'importance des négociations avec les partenaires sociaux. Les modalités d'application de la loi, le nombre minimum de rotations par exemple, seront évidemment déterminées après une large concertation avec les syndicats et les compagnies de transport concernées, et cette concertation devra évidemment être pilotée par la collectivité territoriale de Corse et les représentants de l'État. Mais, pour que les Corses aient une garantie de la voir aboutir, le principe même de la continuité du service public dans les transports maritimes doit être dès aujourd'hui inscrit dans la loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
…qui ont pour objet d'étendre le dispositif du service garanti au-delà du seul secteur des transports terrestres réguliers de voyageurs à vocation non touristique, afin de prendre notamment en compte la situation des habitants de nos îles, où les transports maritimes peuvent avoir un caractère quotidien et constituer de véritables missions de service public.
La commission n'a pas retenu cette formule et a entendu exclure du dispositif d'autres types de transports publics de voyageurs dans la mesure où aucune véritable concertation n'a été conduite à ce sujet. Notre politique, en effet, c'est concertation, puis réflexion et proposition. Le projet se fonde sur les bonnes pratiques existantes dans le secteur des transports, à la RATP, à la SNCF, et en Alsace pour le TER.
Le président de la commission présentera un amendement prévoyant la présentation au Parlement par le Gouvernement, au 1er juin 2008, d'un rapport dressant un état des lieux du dialogue social dans les transports publics autres que terrestres.
Refuser ces trois amendements, ce n'est aucunement méconnaître l'attachement profond que nous avons tous pour les insulaires, notamment les Corses, et la commission a souhaité une accélération des concertations menées sur ce point. Sachez que la commission et le rapporteur ont bien mesuré les problèmes auxquels sont confrontés nos amis îliens.
, président de la commission spéciale. La question posée par nos collègues est tout à fait légitime. Nous allons légiférer pour améliorer les conditions de la continuité du service public pour les transports terrestres réguliers de voyageurs, et il est parfaitement normal que les usagers et les élus s'interrogent sur la continuité du service public pour d'autres transports de voyageurs, en particulier les transports maritimes et la desserte des îles, et posent la question de la continuité territoriale. C'est totalement justifié sur le fond.
Le rapporteur vient de l'évoquer : sur ce sujet comme pour les autres secteurs de transport sur lesquels nous avons travaillé en commission, l'objectif, c'est de ne pas brûler les étapes du dialogue social. L'amélioration de la continuité du service public pour les transports terrestres n'est possible aujourd'hui que parce qu'il y a eu progrès dans le dialogue social.
Nous demandons, par un amendement que la commission a adopté après l'article 11, que des progrès soient faits dans les autres secteurs du transport, et que le Gouvernement en rende compte dans un rapport. J'ai compris qu'un certain nombre de collègues allaient présenter un sous-amendement pour s'assurer que ce rapport prendra bien en compte la problématique de la spécificité insulaire, des dessertes côtières et de la continuité territoriale. J'aimerais connaître l'état d'esprit du Gouvernement sur ce point.
Monsieur Lecou, je comprends bien votre souci d'étendre le champ d'application de la loi aux déplacements touristiques mais, si l'on adoptait votre amendement, c'est tout l'équilibre du texte qu'il faudrait revoir. Je ne prendrai qu'un seul exemple : la référence aux déplacements quotidiens que l'on y trouve à plusieurs reprises. Ce n'est donc pas en modifiant uniquement l'article 1er qu'on obtiendrait un édifice juridique suffisamment stable, et cette observation vaut également pour les deux autres amendements.
Par ailleurs, la France de 2007 n'est pas une société bloquée mais il y a un préalable indispensable au changements : la concertation. Je n'ai pas mené cette concertation avec les professionnels du secteur touristique, et j'estime que ce n'est pas au détour d'un amendement que l'on peut prendre des décisions à propos de sujets sur lesquels on va justement discuter dans les mois à venir. Je crois foncièrement à ce principe de concertation. Voilà pourquoi le Gouvernement est défavorable à votre amendement.
Je pourrais aussi invoquer la nécessité de la concertation pour répondre à la fois à Camille de Rocca Serra et à Sauveur Gandolfi-Scheit.
Cela fait longtemps que l'on parle du service minimum dans notre pays, et un texte arrive enfin. Je sais que, comme un grand nombre d'élus de Corse et surtout la population corse, vous avez pensé que ce texte allait enfin apporter une solution aux problèmes que vous rencontrez depuis des années, et je comprends parfaitement votre réaction, mais il a été prévu, j'y insiste, pour les seuls transports terrestres réguliers de voyageurs.
Nous n'avons pas voulu pour autant oublier le problème de la Corse. La question m'a été posée de la même façon par des sénateurs vendéens et bretons lors des débats devant la Haute assemblée. Ce n'est pas le même principe de continuité territoriale qui s'applique chez eux, mais il s'agit de dessertes côtières, avec des déplacements quotidiens, et je leur ai fait la même réponse que celle que je vous fais aujourd'hui.
Sur ce sujet bien particulier, vos questions sont d'autant moins illégitimes qu'au-delà de vos personnes elles concernent toute une population. C'est pourquoi, à la suite du débat qui a eu lieu au Sénat, j'ai saisi de cette question Dominique Bussereau, en sa qualité de secrétaire d'État chargé des transports, pour que nous puissions entamer la concertation dans les meilleurs délais.
On ne peut pas régler les problèmes de continuité territoriale dans le cadre du texte qui vous est proposé aujourd'hui. En effet, la continuité territoriale n'est pas assurée seulement par le transport maritime et une réponse globale en la matière devra forcément intégrer aussi la desserte aérienne, même si les problèmes ne sont pas de même nature.
Je ne mentionnerai pas l'existence d'autres compagnies maritimes, car je sais bien que la SNCM détient, par délégation de service public, le monopole de la desserte maritime de la Corse, et sur ce point je comprends l'argumentation juridique de certains, même si je vois bien que ce point n'est pas au coeur de la vôtre.
En outre, si nous pouvons avancer aujourd'hui sur ce sujet du service minimum dans les transports terrestres de voyageurs, c'est parce que – et je l'assume – nous ne sommes pas partis d'une page blanche, grâce à tout le travail accompli par RobertLecou, Jacques Kossowski et Hervé Mariton, mais aussi Patrick Ollier et la commission des affaires économiques. Dans ce domaine existaient déjà des bonnes pratiques et un dialogue social. C'est tout cela qui rend les choses plus faciles aujourd'hui, et vos propos de tout à l'heure l'ont confirmé, monsieur Rousset.
De même, en ce qui concerne la Corse et les autres dessertes, nous ne pourrons absolument pas avancer sans nouer rapidement la concertation et les fils du dialogue social. En effet, le préalable de ce texte, l'origine, la première pierre sur laquelle l'édifice repose, c'est le dialogue social ; c'est l'alarme sociale qui appelle chacun autour de la table avant le conflit, avant que le préavis ne soit déposé. À ce propos, je reprends totalement à mon compte les mots de Camille de Rocca Serra : il faut que la culture du dialogue s'impose au détriment de la logique qui a par le passé tué la confiance, en Corse comme ailleurs.
Je voudrais vous indiquer encore une fois très clairement que si nous procédions aux extensions que vous souhaitez, il ne suffirait pas de modifier l'article 1er pour résoudre le problème. À mes yeux – mais vous ne serez peut-être pas d'accord avec moi – le coeur du texte, ce sont les déplacements quotidiens : prendre le bus pour aller au collège ou au lycée ; prendre le train pour aller travailler le matin et revenir le soir.
Il est vrai qu'il y a des usagers de la SNCM qui rallient quotidiennement le continent ; je sais aussi qu'elle assure la desserte des établissements sanitaires, encore que les fonctions qui étaient les miennes dans le passé m'ont appris qu'il y a des possibilités d'évacuation beaucoup plus rapides en cas d'urgence. Mais vous voyez bien, par exemple, que la question des plans de travaux programmés, qui font l'objet d'un amendement, ne se pose pas de la même façon pour la desserte maritime. Celle de l'indemnisation ne se posera pas non plus dans les mêmes termes : on ne peut pas plaquer artificiellement le même régime à la desserte maritime de la Corse ; on ne peut pas imaginer que l'indemnisation qui sanctionnera l'inexécution de l'obligation d'informer par la SNCF, la RATP ou les sociétés de transports locales, puisse s'imposer à la SNCM, au cas où des bateaux dont le départ était programmé n'auraient pas pu être affrétés, car les enjeux financiers ne sont pas de même nature.
Voilà pourquoi, même si la question est tout sauf illégitime, ce texte n'apporte pas la réponse qui convient car, en ce domaine, je le dis très sincèrement et nous le savons tous, nous sommes quasiment au millimètre sur le plan juridique.
Tout ce que nous avons à avouer sur ce sujet, c'est que nous avons trouvé le bon mariage, à la différence de certains. Il est vrai qu'on ne peut pas leur faire le reproche de ne pas avoir réussi puisqu'ils n'ont même pas osé essayer. À chacun ses responsabilités : nous, ce n'est pas comme ça que nous fonctionnons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Du reste, sur ces questions de desserte maritime et de continuité territoriale, vous avez bien conscience, les uns et les autres, que la concertation ne doit pas engager seulement la Corse, mais également le port de Marseille, lui aussi concerné par cette fameuse délégation de service public. Vous comprenez bien que la discussion devra porter sur tous ces aspects : aucun sujet n'est tabou, car nous avons besoin d'une vraie concertation, et je laisserai sur ce point la parole à Dominique Bussereau. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
On ne le croira jamais de vous, monsieur Néri : je n'ai même pas besoin de me retourner pour savoir qui vient de parler ! (Sourires.)
C'est seulement si nous avançons dans la concertation et si nous sommes capables de mettre en place un dialogue social qui est le préalable de tout : de l'organisation du service en cas de grève et du droit à l'information, que les choses deviendront possibles.
Je sais que certains se sont interrogés sur l'avenir de l'amendement que le président Hervé Mariton proposera après l'article 11, et je ne vais pas entretenir artificiellement le suspens : le Gouvernement lui réservera un accueil favorable, parce que, conformément à vos voeux, il va dans le sens du dialogue social. Le Gouvernement exprimera aussi un avis favorable au sous-amendement que M. Verchère proposera à cet amendement, qui, même si son champ est plus large, concerne évidemment la Corse. En effet ce sous-amendement vise à ce que le rapport proposé par l'amendement fasse « le bilan de la prise en compte, dans la mise en oeuvre du dialogue social, de la spécificité insulaire, des dessertes côtières et de la continuité territoriale » : c'est bien ce qui nous intéresse et ce dont vous avez besoin en Corse. Cette disposition donnera aux élus une base pour engager, en tant qu'autorités organisatrices, la discussion avec les entreprises concernées.
Voilà le préalable dont nous avons besoin. Je vous assure que le Gouvernement ne vous laissera pas seuls : nous sommes disposés à aider celles et ceux qui veulent donner un contenu précis à la continuité territoriale. C'est dans cet esprit que nous travaillons : ce n'est absolument pas une fin de non-recevoir opposée à un sujet ô combien important. (« Mais si ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Non content d'exprimer un avis favorable à ce sous-amendement, le Gouvernement va engager, à l'initiative de Dominique Bussereau, des concertations sur ce thème, pour lesquelles le Gouvernement n'acceptera aucun tabou, considérant que quand on peut renforcer le service public, on se doit de le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des transports. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais d'abord m'excuser auprès de vous de ne pas pouvoir rester en séance, mais je dois être à Crépy-le-Valois, dans le département de l'Oise, à dix-huit heures trente, pour représenter le Gouvernement à la cérémonie d'hommage pour le vingt-cinquième anniversaire de la tragédie de Beaune, où quarante-quatre enfants ont péri dans un accident d'autocar sur l'autoroute A6. Vous le comprendrez d'autant plus aisément que l'Isère vient de connaître un événement similaire, même s'il était d'une autre nature.
Je confirme naturellement les propos de Xavier Bertrand : nous mènerons la concertation que vous souhaitez, en ce qui concerne la continuité de la desserte maritime, qu'il s'agisse de la desserte de la collectivité corse ou de celle de la façade ouest et des îles de l'Atlantique, qui m'est chère. Nous devons également songer à nos compatriotes ultramarins, de Polynésie, de Nouvelle-Calédonie, de Mayotte etc. Il y aura sur ce point, comme l'indiquait Xavier Bertrand à l'instant, dialogue social.
Je ne pourrai dire que deux mots en réponse aux remarques faites par plusieurs d'entre vous sur le défaut de qualité des transports, problème qui doit naturellement être résolu en dehors même des questions de mouvements sociaux ou de continuité des services publics de toute nature, comme vous l'avez l'a très justement souligné, monsieur Rousset. La réflexion que nous menons, avec Jean-Louis Borloo et l'ensemble du Gouvernement, dans la perspective du Grenelle de l'environnement et qui doit déboucher sur des propositions nouvelles, devra aborder la question du financement des transports publics dans les moyennes et grandes agglomérations. Cette réflexion concernera également le secteur périurbain où de nouveaux besoins apparaissent. Comme je l'ai dit à M. Destot, sous l'autorité duquel j'ai eu l'honneur d'être un des vice-présidents du GART, il y a quelques années, nous devons nous efforcer de trouver de nouvelles ressources pour financer les réseaux de bus et de tramways, les réseaux en site propre et les autres.
Nous devons trouver des solutions nouvelles pour améliorer les transports urbains, comme nous devons appuyer – M. Rousset, président de l'Association des régions de France, ne me démentira pas sur ce point – les efforts méritoires des régions pour améliorer le transport régional, notamment les TER.
Nous devons bien sûr également améliorer les infrastructures, car il ne sert à rien que les régions achètent du matériel neuf si les infrastructures ne sont pas à la hauteur.
Les efforts doivent être ceux de l'État et de l'ensemble des partenaires.
Je me réjouis par exemple de la décision de la région Midi-Pyrénées de consentir un effort significatif en faveur de ses infrastructures, en liaison avec l'État et avec Réseaux ferrés de France.
Quant au réseau francilien, madame Lepetit, il bénéficie déjà des efforts de la région Ile-de-France, du STIF et de l'État, dans le cadre des contrats de projets État-région, et nous devrons profiter de la dynamique du Grenelle de l'environnement pour voir ensemble, régions, État, départements, autorités organisatrices, quels nouveaux efforts nous devons consentir pour développer les transports de proximité.
J'ajoute, monsieur Paul, que je suis parfaitement conscient, tout comme l'est la direction de la SNCF, que le réseau des grandes lignes souffre de certaines faiblesses, en particulier en Basse et Haute-Normandie. Vous avez cité l'axe Paris-Rouen-le Havre qui vous est cher, ou l'axe Paris-Granville. On pourrait également citer l'axe Paris-Caen-Cherbourg, madame Ameline, pour lequel nous devons également faire des efforts particuliers.
Je reconnais, madame Lebranchu – mais cela vaut pour beaucoup de vos collègues – qu'il y a des efforts à accomplir en matière de dessertes Corail Intercités.
Ce qui vous est proposé aujourd'hui dans le texte du Gouvernement en matière de service essentiel et de service garanti ne dispense donc naturellement ni les entreprises publiques, ni la collectivité nationale, ni les collectivités territoriales de tout effort en matière d'infrastructures ou de matériels, bien au contraire. Le Grenelle de l'environnement sera l'occasion de mettre au point, devant la collectivité nationale, une nouvelle politique des transports au service du développement durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous me permettrez, monsieur le président, de vous faire part de mon étonnement quant à la manière dont sont conduits nos débats, au moment où nous examinons trois amendements en discussion commune, qui sont tous des amendements « ultra ». Ce terme, qui n'est pas un gros mot, veut simplement décrire la volonté de la droite la plus radicale d'imposer la limitation, voire la suppression du droit de grève bien au-delà des transports terrestres. Ces trois amendements n'ont que cette vocation. (« Caricature ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Étant donné la manière dont ont été réglés les derniers conflits sociaux – tout récemment encore à la SNCM – je crois très sincèrement que l'État devrait rougir du rôle qu'il a joué, ou plutôt qu'il n'a pas joué dans ces conflits, qui sont toujours douloureux pour les travailleurs en premier lieu.
J'ai aussi une question pour vous, monsieur le président et monsieur le rapporteur de la commission spéciale. J'ai sous les yeux vos deux propositions de loi relatives à un service minimum dans les transports, que j'ai étudiées attentivement : aucun de ces deux textes, qui avaient au moins le mérite d'être brefs, ne prône l'extension de cette limitation, voire restriction du droit de grève aux transports maritimes ou aériens. Or elles ont été signées, il y a au moins trois ans, par beaucoup de parlementaires dont j'ai la liste, et dont certains font partie des « ultras » d'aujourd'hui. Il y avait probablement une raison à cela. À moins que vous n'ayez pas été aussi sûrs à l'époque d'une opinion publique désormais formatée par des médias à la botte du Président de la République et de la majorité présidentielle (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) – je vois que cela vous touche ! – qui publient des sondages aux résultats conformes aux orientations de votre politique. Ainsi, quand on veut rendre l'opinion publique favorable à la limitation du droit de grève, on sort un sondage cousu main.
Vous étiez un peu meilleur sur l'Europe, monsieur Myard ! Contentez-vous de nous parler de l'Europe !
Je suis surpris que ni M. Mariton ni M. Kossowski ne protestent contre cette extension annoncée. Car, monsieur le ministre, votre intervention sur l'article 1er annonce que vous vous couchez après l'article 11. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Disons que le ministre cède, même si « se coucher » n'est pas un gros mot. Vous cédez dès l'article 1er en annonçant que vous allez donner satisfaction aux ultras de la majorité après l'article 11. C'est ce que devront retenir nos concitoyens, en particulier les travailleurs et les militants qui manifestaient il y a deux heures encore devant l'Assemblée.
Je souhaitais dialoguer avec M. Bussereau, mais ce sera difficile puisqu'il a été obligé de partir. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je comprends les raisons de son départ, qu'il nous a exposées, et je ne suis pas en train de lui en faire le reproche.
Puisqu'il s'agit d'une question qui intéresse le secteur des transports, il aurait été normal que le secrétaire d'État chargé de ce secteur soit présent du début à la fin de l'examen de ce texte. Comme tel n'est pas le cas, il vous faut avouer dès maintenant que ce texte a essentiellement pour objet de limiter le droit de grève, et non d'assurer la continuité du service public des transports ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Face au flot de critiques et d'interpellations dont fait l'objet la qualité de notre transport public, et en particulier celle du transport ferroviaire, M. Bussereau a été obligé de répondre par une sorte de déclaration de principe. Cependant, alors que le Gouvernement se réunit pour préparer la loi de finances pour 2008, on se demande ce qui restera au secrétaire d'État aux transports pour financer ou soutenir le financement des infrastructures et le renouvellement du matériel roulant, tant pour les transports ferroviaires régionaux des grandes lignes que pour le développement de transports urbains, et cela au moment même où l'on parle de développement durable – même si, dans ce débat, on n'en parle que très peu et à la marge. Vous avez déjà fait partir en fumée les milliards d'euros qui seraient nécessaires pour ces investissements.
Sur ces 15 milliards, imaginez ce qu'on aurait pu dépenser pour remettre en état le réseau des transports ferroviaires ! (Approbation sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Maintenant qu'il n'y a plus d'argent, il faut s'attendre au pire pour cette loi de finances.
On annonce déjà que, pour le secrétariat d'État aux transports, l'augmentation de crédits sera réduite à zéro.
Assez de discours et de déclarations de principe. Nous sommes confrontés à une carence considérable. Alors que le réseau de transports publics, au niveau tant régional que départemental ou urbain, est en difficulté, vous nous parlez encore d'un Grenelle de l'environnement ? Finissons-en avec l'hypocrisie ! Chaque jour qui passe montre quelle est la réalité de votre politique. Vous pensiez que ce débat sur la limitation du droit de grève serait facile et que vous pourriez vous contenter de parler de continuité du service public et de service minimum, mais chaque heure qui passe rend plus sensible un certain énervement sur les bancs de la majorité, parce que la vérité est en train d'apparaître. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, il serait préférable d'entendre tout d'abord leurs auteurs.
C'est impossible, car nous avons commencé la mise aux voix – à moins, bien sûr, qu'il ne s'agisse de retirer ces amendements.
La parole est à M. Camille de Rocca Serra.
Au bénéfice des explications qui ont été données… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Laissez-moi finir, chers collègues ! Soyez patients, vous ne serez pas déçus.
Je tiens à la cohérence : je ne peux pas appeler une ou plusieurs entreprises de transport maritime, dans le cadre d'une délégation de service public, à mettre en oeuvre le dialogue social et l'alerte sociale, donc à privilégier le dialogue par rapport au conflit, sans accepter moi-même la concertation préalable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Chers collègues de l'opposition, qui n'avez rien fait pendant des années, permettez que nous essayions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – « Et vous ? » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Vous avez laissé une entreprise nationale se dégrader et cesser d'assurer un service public. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Nous n'avons pas polémiqué jusqu'à présent. Permettez-moi donc d'achever mon propos.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Vous n'avez rien fait pendant cinq ans !
Depuis vingt-cinq ans que cela dure, vous portez une lourde responsabilité.
Monsieur le ministre, il y a urgence. Au nom du principe d'égalité des citoyens devant la loi, il faut des dates précises.
Il faut aussi, de la part de l'ensemble de la représentation nationale – principalement, bien sûr, de notre majorité, à en juger par les réactions de l'opposition – et du Gouvernement, un engagement précis d'étendre au transport maritime de voyageurs les dispositions applicables au transport terrestre régulier.
Il faut également, pour ce qui concerne la Corse, pour laquelle la continuité territoriale est garantie depuis 1975, aborder, je le répète, le problème de l'alignement sur le prix kilométrique de la tonne SNCF. Si difficile que cela soit, il nous faut intégrer à ce texte le problème du fret.
Je demande donc, monsieur le ministre, que le Gouvernement s'engage à assurer sans plus tarder l'ensemble des moyens nécessaires, car il y a trop longtemps que la Corse attend.
Pour l'heure, au bénéfice de vos réponses, je suis prêt à retirer l'amendement n° 80 . (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – « Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Depuis plus de vingt ans, on parle de la continuité du service public, tant attendue par les Françaises et les Français. Si les grèves perturbent la continuité du service public, il faut néanmoins reconnaître que, depuis quelques années, et notamment depuis 2002-2003, les débats qui ont eu lieu dans cette assemblée et en d'autres lieux ont incontestablement permis une prise de conscience et un moindre recours à la grève.
Nous sommes certainement sur une voie proche de celle de l'Allemagne, où la grève est considérée comme un échec et où l'on met tout en oeuvre pour l'éviter. Voilà bien, en effet, ce vers quoi il nous faudrait tendre et la démarche que vous avez exposée, monsieur le ministre, en réponse à ma présentation de l'amendement n° 78 rectifié , démarche consistant à privilégier le dialogue social et la concertation, me paraît être la bonne.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Allez ! Retirez l'amendement !
Nous croyons à la conciliation du droit de grève et de la continuité du service public.
À cette fin, le dialogue social est la bonne démarche. Monsieur le ministre, je souhaite sincèrement que la concertation que vous souhaitez s'applique pour les transports à vocation non touristique, car il ne faut pas concentrer sur certaines périodes les mouvements sociaux et les grèves. Je vous donne cependant crédit de votre volonté de dialogue social et de concertation et retire donc l'amendement n° 78 rectifié . (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
L'amendement n° 78 rectifié est retiré.
La parole est à M. Sauveur Gandolfi-Scheit.
Je retire l'amendement n° 7 rectifié en ajoutant, comme M. de Rocca Serra, une petite condition… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Laissez-moi m'exprimer, s'il vous plaît. De toute façon, vous n'êtes jamais d'accord avec rien et vous êtes toujours en train de crier !
Si les conditions requises ne sont pas respectées dans le délai imparti (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche),…
…nous demanderons le dépôt d'un projet de loi visant à garantir un service minimum pour le transport maritime. J'espère pouvoir compter en cela sur le soutien du groupe UMP. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
L'amendement n° 7 rectifié est retiré.
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
Ce débat montre bien qu'alors que nous réalisons un progrès pour ce qui concerne les transports terrestres, la question des transports maritimes reste à traiter.
Mais que font nos collègues de l'opposition ? Lorsqu'ils ont le sentiment que la majorité cherche à durcir le texte, ils la critiquent et, lorsqu'ils ont le sentiment qu'elle cherche une voie d'équilibre, soulignant notamment qu'il est nécessaire de développer le dialogue, ils la critiquent aussi. C'est tout de même assez curieux. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
On dirait vraiment que, quelle que soit la voie choisie, y compris lorsqu'il s'agit, comme en ce moment, de rechercher un équilibre, vous ne vous attachez qu'à critiquer.
Il me semble que nous sommes en train de trouver la bonne voie,…
…celle qui consiste à rappeler que les transports maritimes sont un vrai sujet et qu'il est nécessaire d'approfondir le dialogue social.
Je tiens aussi à souligner, notamment à l'intention des auteurs des amendements, que les rapports que nous prévoyons sont nécessaires, malgré les railleries de l'opposition, pour faire un point d'étape et voir comment le dialogue social peut s'améliorer. Le dialogue social ne se proclame pas : il se travaille.
Il importe aussi de demander, comme le propose un amendement de la commission que nous examinerons après l'article 11, que ce travail d'approche se fasse à bon rythme. Il me semble de bonne pratique, comme l'indique d'ailleurs la volonté que vous exprimez, que le bilan de l'amélioration du dialogue social, y compris dans la direction que vous souhaitez, soit réalisé pour le 1er mars 2008, plutôt que pour la date initialement prévue du 1er juin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.
Nous avons consacré du temps à ce sujet, qui n'est pas mineur. Je tiens encore à dire aux auteurs de ces trois amendements que je comprends bien dans quel esprit ils les retirent. Je tiens également à rappeler, après M. Mariton, que le rapport sur le dialogue social – et ces mots de « dialogue social » n'ont pour moi rien de banal – sera remis pour le 1er mars 2008, et non plus pour le 1er juin. Le Gouvernement émettra, en effet, un avis favorable au sous-amendement n° 186 .
Dès le mois de septembre, M. Bussereau – qui a dû nous quitter, comme M. Ayrault a bien voulu nous l'expliquer – entamera ces concertations, en liaison avec les élus concernés. Il est clair cependant que la continuité territoriale ne concerne pas seulement le transport maritime. Ce travail associera une démarche ministérielle et un support juridique, qui permettra également aux élus de disposer, sur le terrain, d'une base juridique permettant d'engager les discussions. Je tenais à le préciser, car je ne veux pas plus que vous évacuer cette question d'un revers de main en me contentant de vous dire que ce texte est une réponse au problème du transport terrestre de voyageurs.
Une chose m'a choqué dans vos propos, monsieur Muzeau – et cela n'était pas lié au contenu des amendements que nous examinions. Vous avez une bien curieuse conception du dialogue social : s'il s'agit de céder… En tout cas, cette conception n'est pas la nôtre.
Vous vous étonniez, monsieur Ayrault, de la présence du ministre du travail et supposiez qu'elle tenait peut-être au fait qu'il était question du droit de grève. Je tiens toutefois à vous rappeler que le droit du travail concerne également la négociation collective, les institutions représentatives du personnel et les conditions de rémunération des salariés. Ce dialogue social, nous le pratiquons et j'ai même la conviction que c'est une idée profondément moderne.
J'aurais même souhaité que nous partagions la même conception du dialogue social.
Pour nous, c'est une idée moderne. C'est peut-être pour n'avoir pas toujours pratiqué le dialogue social que l'opposition est restée l'opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Nous avons certes l'habitude du dialogue et de la confrontation mais, tout de même, monsieur le ministre, pas vous, pas ça ! S'il est des parlementaires qui sont attachés depuis fort longtemps au dialogue social, vous savez pertinemment que j'en fais partie. Il faut donc croire que vos propos relèvent du jeu de joute oratoire qui a cours, semble-t-il, dans cet hémicycle…
Cela étant, vous auriez pu prolonger votre propos en qualifiant l'attitude scandaleuse de l'UTP qui, pendant deux années, de 2005 à aujourd'hui, a tout fait pour faire capoter les discussions avec les organisations syndicales. Les auditions auxquelles nous avons procédé et qui figurent dans le rapport de la commission spéciale ont montré, comme se le rappellent tous les parlementaires qui ont participé à ces auditions, que l'UTP attendait cette loi et la réclamait pour imposer une issue conforme à ses desiderata à un dialogue social qu'elle a toujours refusé. Si en effet ce qui a réussi à la RATP et à la SNCF était issu d'un dialogue social, pourquoi n'en a-t-il pas été ainsi avec l'UTP et les entreprises sur lesquelles elle a la mainmise ? C'est bien parce que cela recouvrait une volonté politique. Souvenez-vous que le MEDEF et l'UTP ont formulé l'exigence de venir ensemble devant la commission spéciale. N'est-ce pas curieux ? L'un aurait besoin du soutien de l'autre, et réciproquement ? Monsieur le ministre, vous devriez stigmatiser l'UTP pour l'échec de négociations que les sept fédérations syndicales souhaitaient voir aboutir.
Nous sommes là dans le vif du sujet, à savoir la concertation et le dialogue social.
Alors que nous jugions l'échéance du 1er juin prévue dans le projet de loi pour la remise du rapport déjà trop rapprochée, vous venez d'annoncer à l'instant, monsieur Mariton, que la remise du rapport devrait être avancée au 1er mars. Alors qu'il nous semble impossible de réaliser une mise en place avec l'autorité organisatrice de transport au 1er janvier 2008, vous ajoutez une autre dimension, à savoir une conclusion au 1er mars sur l'effectivité et l'expérience en retour de ce qui aura été conclu et mis en oeuvre. Non seulement les discussions ne seront pas finies avec l'autorité organisatrice de transports au 1er janvier 2008, tout le monde le sait…
…mais en plus, vous prétendez pouvoir produire au 1er mars un rapport sur les expériences mises en oeuvre. On rêve ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je suis saisi d'un amendement n° 113 .
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.
La discussion extrêmement intéressante que nous venons d'avoir devrait, je pense, faire considérablement évoluer la nature de notre débat. En effet, quelle a été la position de la majorité et du Gouvernement sur la question posée de l'extension du projet de loi aux transports maritimes, notamment vers la Corse ? Un refus, au simple motif que le dialogue social n'aurait pas été suffisant et qu'il serait nécessaire que ce dialogue se déroule pour donner toutes ses chances à ce texte.
On peut raisonner en sens inverse. Tous les citoyens français, y compris les Corses donc, ont le droit d'être traités comme les autres. Et ce que vous venez de faire pour la Corse, vous pouvez le faire pour l'ensemble des citoyens français, ce qui revient à repousser l'ensemble du texte jusqu'à ce que le dialogue social ait abouti. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Cela me paraît une nécessité absolue.
À ce stade, quel est l'état du dialogue social ? Ceux qui sont intéressés par notre débat, c'est-à-dire les organisations syndicales, les sept organisations syndicales, puisque ce texte a réussi à les fédérer toutes contre lui…
…les collectivités organisatrices, le président de l'association des régions de France, l'association des départements de France ont exprimé leur opposition au projet, le GART se déclarant pour sa part pour le moins extrêmement réservé. Quand à l'UPA, qui représente tout de même plusieurs centaines de milliers d'entreprises, elle considère qu'on ne pourra pas appliquer ce texte.
Qui le défend aujourd'hui à part le Gouvernement ? On ne peut même plus parler de l'UMP compte tenu de la position qui vient d'être prise sur la Corse.
Dans ces conditions, il me paraîtrait sage, compte tenu de cet impératif retenu pour une partie de la population et si nous voulons respecter le principe constitutionnel de l'égalité des citoyens français – ce qui est vrai pour les habitants de la Corse est vrai pour les autres – que ce dialogue ait lieu avant. C'était d'ailleurs votre position jusqu'au mois de mai 2006, du moins la position exprimée ici par M. Perben et soutenue par tous ceux d'entre vous qui étiez là.
Il vaudrait mieux revenir à cette position de sagesse et se dire qu'en effet, puisqu'il n'y a pas d'accord, pour les bonnes raisons que vous avez expliquées vous-même et auxquelles nous sommes prêts à nous rallier, ce texte ne peut pas être applicable immédiatement.
L'amendement n° 113 a pour objet d'exclure du champ d'application du texte les réseaux couvrant des périmètres de transport urbain inclus dans les agglomérations de moins de 100 000 habitants. Évidemment, si dans l'élan de lucidité auquel je vous appelle vous l'adoptiez, nous pourrions ensuite voter d'autres amendements qui proposent de passer de 100 000 à 200 000, puis à 300 000, de telle manière qu'il ne reste à la fin plus rien du texte, ce qui est bien votre volonté et la nôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Un rapport a été demandé en ce qui concerne la Corse et les îles, rien d'autre. Nous n'avons pas changé, et cette disposition préserve une certaine égalité.
C'est bien de le dire, au moins cela fait plaisir à nos collègues.
Par ailleurs, votre amendement concerne les agglomérations de moins de 100 000 habitants. Mais si nous voulons assurer une certaine égalité, comme vous semblez le souhaitez, je ne vois pas pourquoi nous devrions les différencier. C'est pourquoi la commission a repoussé cet amendement, comme d'ailleurs plusieurs amendements que vous avez présentés à l'article 1er, qui posent des problèmes dont nous sommes conscients, mais qui s'insèrent mal dans ce projet de loi.
Certes, les transports terrestres de voyageurs ne sont pas confrontés aux mêmes difficultés dans les petites agglomérations que dans les grandes, mais l'esprit de ce projet de loi est d'assurer un service garanti sur l'ensemble du territoire national.
À moins que vous ne vouliez introduire une rupture d'égalité entre les citoyens.
La commission a repoussé cet amendement pour respecter la Constitution, considérant que les agglomérations de moins de 100 000 habitants devaient avoir les mêmes droits que les autres.
J'ai trouvé vos propos, monsieur Vidalies, pour une part cohérents mais pour une autre part incohérents, ce qui m'a beaucoup surpris.
Votre position est cohérente dans la mesure où vous voulez vider le texte de sa substance parce que vous ne voulez pas mettre en place le service minimum qu'attendent des millions de Français.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Vous non plus, vous ne le voulez pas !
C'est un choix que vous faites, vous devez l'assumez, alors que l'opportunité existait de transcender les clivages politiques sur un sujet qui recueille l'adhésion de 80 % des Français. Je vous laisse face à vos responsabilités. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
En revanche, vous êtes incohérent quand vous vous déclarez très attaché à la constitutionnalité du texte…
…mais vous avez si peu confiance en votre pouvoir de persuasion à nous faire adopter vos amendements que vous annoncez d'ores et déjà le défèrement du texte au Conseil constitutionnel.
Non seulement j'écoute, mais j'entends, vous le verrez – peut-être même aurez-vous des surprises, de bonnes surprises, au sujet de certains amendements.
Et vous imaginez dans le même temps de rompre le principe constitutionnel d'égalité de traitement entre les habitants selon qu'ils vivent dans une agglomération de moins de 100 000 habitants ou de plus de 100 000 ?
Cet amendement se voulait un appât, monsieur le ministre. Après, je proposerai 200 000, puis 300 000…
D'ailleurs, alors que le service minimum s'appliquera en Corse, sur le ferroviaire et sur les bus, l'adoption de votre amendement ferait qu'il ne s'appliquerait plus là-bas parce que les autorités organisatrices, à Ajaccio et à Bastia notamment, couvrent des réseaux de moins de 100 000 habitants.
Juridiquement, l'argument que vous avez développé ne tient pas, je le dis comme je le pense.
En ce qui concerne l'UPA, je précise, puisque la question a été posée dans la discussion sur l'article, que dans la mesure où les accords de branche existent, ils permettent de couvrir l'ensemble des entreprises et notamment celles de moins de 50 salariés. Nous nous en sommes entretenus avec le secrétaire général de l'UPA : les petites entreprises ne feront l'objet d'aucune discrimination de la part des autorités organisatrices de transports et ne seront pas exclues des appels d'offres, contrairement à ce que semblaient craindre certains.
Le Gouvernement, émet un avis défavorable sur l'amendement n° 113 .
Monsieur le ministre, je tiens tout d'abord à vous remercier pour les explications que vous avez données pour la Corse et pour les agglomérations de 100 000 habitants ; vous avez anticipé sur ce que je voulais dire.
Je voudrais également indiquer que le groupe UMP se félicite des précisions apportées par l'amendement n° 92 rectifié et par le sous-amendement n° 186 déposé après l'article 11, notamment quant à la date. Il nous semble très important en effet que le principe d'évaluation figure dans le texte de loi, car une politique qui n'est pas évaluée se réduit à une déclaration d'intention.
Mais si, malgré tous les efforts du Gouvernement, le rapport d'évaluation ne pouvait pas être disponible pour le 1er mars, le groupe UMP serait prêt, à l'unanimité, à soutenir la proposition de loi que déposeraient M. de Rocca-Serra et M. Gandolfi-Scheit.
Quelques députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
Nous venons d'entendre un parlementaire prendre position en faveur de la menace.
Monsieur le ministre, vous qui êtes le ministre du travail, vous allez porter atteinte au droit du travail, chacun l'a bien compris. Et vos compétences en matière de transports publics ou d'aménagement du territoire sont pour le moins contestables.
Vous évoquez la notion de rupture d'égalité, mais, avec cet amendement, il y a égalité de traitement pour la totalité des agglomérations de moins de 100 000 habitants. De surcroît, il ne vous a sans doute pas échappé que, dans les agglomérations de moins de 100 000 habitants, les droits notamment en matière de prélèvements sur le versement transport ne sont pas les mêmes que dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants.
Les ressources ne sont donc pas les mêmes et les charges qui incombent aux agglomérations de moins de 100 000 habitants, si elles sont égales aux charges qui incombent aux agglomérations de plus de 100 000 habitants, ne peuvent peut-être pas être traitées de la même façon. La LOTI n'assure d'ores et déjà pas l'égalité de traitement entre les agglomérations de plus de 100 000 habitants et celles de moins de 100 000 habitants, mais M. Bussereau n'étant pas là, il n'a pas pu vous souffler la réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Bref, la pertinence de l'argument défendu à l'instant par Alain Vidalies va bien au-delà de ce que vous avez évoqué. Avec cet amendement, nous sommes totalement dans la notion de traitement d'égalité, notamment par rapport au droit existant, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je suis saisi d'un amendement n° 103 .
La parole est à M. Alain Vidalies.
L'amendement n° 103 propose de supprimer les alinéas 2 à 6 de l'article 1er. Pourquoi, dans un projet de loi, faire référence à des principes de nature constitutionnelle pour justifier des mesures d'une telle gravité si ce n'est à des fins d'habillage ? Comme l'a souligné M. de Charette, il est juridiquement curieux que le législateur se rappelle à lui-même le devoir de respecter la Constitution.
Il s'agit pour le moins d'une marque d'originalité de ce texte et cela montre bien une certaine détresse intellectuelle dans la démarche.
Que le législateur se dise à lui-même qu'il doit respecter un certain nombre de principes constitutionnels – je renvoie à ce qu'a dit M. de Charette…
…me paraît une démarche singulière.
La situation est encore plus pittoresque du point de vue juridique lorsque le législateur, pour arriver à ses fins, invente purement et simplement des principes constitutionnels ou les travestit. Demain, tous les juristes s'arracheront les cheveux : nous érigeons nous-mêmes des principes en principes constitutionnels.
Bref, à moins de supposer que nous ayons eu collectivement une lecture désastreuse de l'état du droit constitutionnel, il est très difficile de s'y retrouver.
Cette affaire est grave, mais il faut se demander pourquoi on en arrive à une telle situation. De ce point de vue, je partage les interrogations de M. de Charette, même si je ne partage pas ses conclusions.
On voit bien ce qui s'est passé : vous êtes partis du résultat et vous avez fait un montage juridique autour. Mais lorsqu'on veut justifier l'injustifiable, on aboutit à des dispositions qui relèvent de l'imagination pure, en tout cas qui n'échapperont pas à la censure du Conseil constitutionnel si vous les maintenez. A ce stade, vous n'avez plus que deux solutions : soit les retirer, mais il restera beaucoup de dispositions inconstitutionnelles dans le texte, soit les maintenir, mais elles ne cacheront plus que votre texte vise bel et bien à s'attaquer à un principe dont la constitutionnalité est affirmée, à savoir le droit de grève. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La commission a repoussé cet amendement, car la référence introduite par le Sénat aux libertés qui doivent être conciliées avec le droit de grève lui a paru utile et, en toute hypothèse, conforme au droit. Certaines de ces libertés sont mentionnées dans le préambule de la Constitution de 1946, qui reprend la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et toutes figurent dans le bloc de constitutionnalité fondé par notre tradition juridique et qui reprend l'ensemble des libertés publiques fondamentales visées à l'article 34 de la Constitution. Le Conseil constitutionnel a ainsi pu admettre la liberté d'entreprendre comme liberté constitutionnelle dans une décision de 1982, ou instaurer la liberté d'aller et venir dans une décision de 1981.
Monsieur Vidalies, le projet de loi n'érige ni ne hiérarchise aucun principe constitutionnel. Il ne fait qu'en rappeler certains pour assurer la conciliation entre eux. L'amendement du Sénat est l'oeuvre de Hugues Portelli, professeur de droit constitutionnel. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Ne comptez pas sur moi pour entrer dans les querelles entre l'Assemblée nationale et le Sénat !
Puisque vous m'y invitez, je rappelle seulement que les principes à valeur constitutionnelle sont soit issus des textes constitutionnels – la Constitution, le préambule de 1946 et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen – soit dégagés de façon prétorienne par le Conseil constitutionnel lui-même. Ainsi, celui-ci a consacré la liberté d'aller et venir dans une décision du 19 janvier 2006 sur la loi de lutte contre le terrorisme – cette liberté trouvant sa source dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 –, la liberté du travail dans une décision de 2002 sur la loi de modernisation sociale et la liberté d'entreprendre (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)…
Je comprends que cela soit un souvenir douloureux, puisqu'il s'agit de la décision de 1982 sur les nationalisations ! Nous ne hiérarchisons donc rien. Nous rappelons ces principes qui ont été dégagés par le Conseil constitutionnel. Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable à cet amendement.
Par solidarité avec mon groupe, je vais voter ce texte, donc contre cet amendement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Néanmoins, quelle que soit la qualité présumée de l'auteur de cette partie de l'article 1er – M. Portelli est un excellent professeur de droit –, je tiens à dire qu'il est de mauvaise pratique parlementaire de confondre l'exposé des motifs avec le texte de la loi.
Nos dispositions législatives ne sont pas toujours parfaites et celle-ci non seulement n'ajoute rien, mais elle nous expose à quelques risques juridiques. Cela dit, on ne va pas en faire une histoire ! (« Si ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Le Gouvernement souhaite cette disposition, on va la lui donner !
Ce sénateur, semble-t-il talentueux en matière de droit constitutionnel, a évoqué la liberté de l'industrie, mais je voudrais, monsieur le ministre, que vous m'expliquiez ce que c'est ! Pourquoi pas la liberté de l'agriculture ou de la restauration, pendant qu'on y est ? Cela n'a pas de sens ! La liberté du commerce, on comprend : c'est la possibilité pour les uns et les autres de faire des affaires. Mais qu'est-ce que la liberté de l'industrie ? C'est une question précise à laquelle vous devez répondre, monsieur le ministre, pour éclairer nos débats.
Je suis saisi d'un amendement n° 155 .
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.
Évidemment, M. le ministre l'a bien compris, nos débats intéresseront beaucoup le Conseil constitutionnel le moment venu. La question de M. Brottes avait un seul objectif : vous éviter les difficultés que M. de Charette a évoquées avec beaucoup de diplomatie ! Si vous pensez que la liberté de l'industrie mérite, en tant que telle, de devenir un principe constitutionnel, cela promet un bel avenir à l'agriculture, voire au maraîchage ou à d'autres activités. Tout cela montre bien que votre texte présente de très grosses lacunes.
L'amendement n° 155 vise à exclure les entreprises de moins de cinquante salariés du champ d'application de ce texte. Comme à votre habitude, monsieur le ministre, vous nous avez rappelé votre attachement au dialogue social et vos résultats impressionnants en la matière. Je vais donc parler moi aussi de l'un de vos exploits historiques. Personne n'a en effet jamais pu expliquer que vous ayez refusé la mise en oeuvre de cet extraordinaire message d'espoir que représentait, pour tous ceux qui croient au dialogue social, l'accord de 2001 entre l'Union professionnelle artisanale et l'ensemble des syndicats salariés, relatif à une présence syndicale dans les petites entreprises, financée par elles.
Si les patrons veulent offrir des conditions semblables à celles des grandes entreprises à leurs salariés, ils doivent leur assurer le dialogue social et des syndicats pour les défendre – un principe reconnu par la Constitution ! Mais cet accord commun à 800 000 entreprises artisanales et à des millions de salariés n'est jamais entré en application, depuis six ans, parce qu'il ne plaît pas au MEDEF et que vous avez donc décidé de ne pas le généraliser. Voilà ce qui s'est passé ! Alors, je vous en prie, ne nous parlez plus de vos exploits en matière de dialogue social ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Lors de son audition, M. Pierre Martin, président de l'Union professionnelle artisanale, a fait une déclaration qui figure à la page 145 du rapport et dans laquelle il « indique ne pas avoir d'objection majeure à formuler sur la philosophie du texte, si ce n'est que les entreprises de moins de cinquante salariés ne doivent pas être concernées par un dispositif qui, pour être souhaitable, n'en est pas moins contraignant pour elles. Ce ne sont pas en effet les petites entreprises artisanales, souvent en milieu rural, qui posent des problèmes et il est regrettable que cela n'ait pas été pris en considération. »
Pour expliquer ce qui se passe aujourd'hui dans les entreprises artisanales, M. Martin a ensuite « rappelé que, si l'accord du 12 décembre 2001 sur le dialogue social dans l'artisanat permet de résoudre un certain nombre de problèmes, il est hautement dommageable qu'il ne soit pas appliqué à la totalité de ce secteur. » Il n'est pas appliqué à cause de vous ! Nous vous proposons donc une mesure qui permettra de relancer le dialogue social et d'écouter, pour une fois, les entreprises artisanales. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Cet amendement a été repoussé par la commission. Le souci de moduler le dispositif est compréhensible. Nous sommes nous aussi soucieux des réalités du terrain, puisque le projet de loi fait largement confiance aux partenaires sociaux et aux acteurs locaux. Les auditions auxquelles nous avons assisté ont permis de montrer la situation spécifique des petites entreprises du secteur, mais il nous semble qu'adopter cet amendement risquerait de rompre l'égalité entre les citoyens.
Même avis que la commission.
Monsieur Vidalies, cela ne fait pas six ans que je suis ministre du travail et je ne mettrai pas six ans pour faire connaître ma position sur ce sujet. Par ailleurs, vous savez parfaitement que les partenaires sociaux, y compris l'UPA, sont en ce moment sur le chantier de la représentativité et de la démocratie sociale. Chacun est libre d'employer le ton qu'il veut, mais je ne suis pas persuadé qu'il soit nécessaire d'être désagréable, je le dis comme je le pense !
On peut porter la contradiction de façon agréable, surtout lorsque l'on va au fond et que l'on a des arguments.
Quant à la liberté du commerce et de l'industrie, monsieur Brottes, je vous laisse vous référer aux écrits d'un commissaire du gouvernement du Conseil d'État : Léon Blum.
Sans vouloir vous être désagréable, monsieur le ministre, je répète que la liberté de l'industrie ne semble pas avoir beaucoup d'applications concrètes et que je ne vois donc pas bien en quoi elle peut être un principe fondamental et constitutionnel.
Vous vous dites soucieux du dialogue social, mais voilà justement un amendement qui prend en compte la demande à la fois des salariés des petites entreprises et de leurs employeurs. M. Vidalies vous l'a exposé de façon posée, mais M. Pierre Martin, lors de son audition, était autrement virulent contre les gens qui ne voulaient jamais écouter personne, ni les salariés, ni les employeurs. Vous avez là l'occasion de répondre à une exigence d'organisation pragmatique des transports au titre de l'aménagement du territoire, puisque les entreprises concernées sont souvent en milieu rural ou en zone de montagne, dans un secteur où les intérêts des usagers, des employés et des employeurs ne font qu'un et où tout se passe bien. Vous allez semer la zizanie dans un dispositif qui marche bien ! Là est la limite de votre capacité d'écoute : lorsque tout le monde est contre, vous êtes tout de même pour ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je ne peux pas laisser passer de telles contrevérités. Dans la démarche initiale du Gouvernement, les accords de branche n'étaient pas prévus. Les organisations syndicales les ont demandés, cela a été repris par les parlementaires, et le Gouvernement a donné un avis favorable. Nous avons donc su évoluer et le projet a été enrichi grâce à l'écoute et au dialogue. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je suis saisi d'un amendement n° 154 .
La parole est à M. Alain Néri, pour le soutenir.
Cet amendement porte sur la définition de ce qu'on entend par « entreprise de transport ». Le projet de loi définit comme telle « toute entreprise ou toute régie, chargée d'une mission de service public de transport terrestre régulier de personnes à vocation non touristique », et nous vous proposons, dans un souci de clarté et pour prendre en compte la réalité des faits dans nos départements, d'ajouter : « à l'exclusion des entreprises de transport scolaire ».
L'amendement vise à souligner la spécificité de celles-ci et à adapter en conséquence le champ d'application de la loi. Chacun sait que ce sont les conseils généraux qui ont la responsabilité de l'organisation des transports scolaires, dont la continuité n'a jamais, à ma connaissance, été remise en cause. Dès lors, pourquoi prévoir, à leur sujet, un service minimum ? L'exclusion du transport scolaire du champ d'application de la loi s'impose.
Je rappelle que 80 % des services de transport dans les départements concernent le transport scolaire. Heureusement qu'il existe, d'ailleurs, surtout dans les zones rurales, car c'est lui qui permet aux petites entreprises de transport de survivre. En outre, il contribue à l'aménagement du territoire en offrant un service public à tous les usagers. Ne créons pas de difficulté là où il n'y en a pas, puisque, comme le disait M. Brottes, nous partageons tous la volonté de maintenir, en zone rurale, un transport scolaire qui offre aux entreprises de transport une poire pour la soif.
Le vote de cet amendement s'impose d'autant plus qu'il n'existe aucune alternative permettant d'assurer le transport scolaire en cas de grève. En l'occurrence, s'il s'avérait impossible de transporter tous les élèves, selon quels critères serait-on amené à choisir ceux qui monteront dans le car ? Préférera-t-on les petits élèves de sixième, parce qu'ils sont nouveaux au collège et doivent pouvoir se rendre en cours, alors que ceux de cinquième et de quatrième seraient laissés de côté ? Quant à ceux de troisième, les avantagera-t-on au motif qu'ils doivent préparer le brevet ? Ce ne serait ni sérieux ni raisonnable. La question ne s'étant jamais posée, il est inutile de la soulever : dès lors que l'ensemble du circuit scolaire constitue une priorité en elle-même, il est impossible aux conseils généraux d'identifier des dessertes prioritaires à assurer les jours de grève.
Enfin, dans les territoires ruraux, les réseaux de transport sont généralement épargnés par les conflits que connaissent les entreprises. Si l'UPA est défavorable à ce texte, c'est sans doute qu'il créera plus de difficultés qu'il n'en supprimera. Le bon sens devrait par conséquent s'imposer à la représentation nationale et l'inciter, après ces explications, à exclure le transport scolaire de l'application du projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La commission a repoussé cet amendement, comme tous ceux qui ont pour objet d'exclure du champ d'application de la loi les entreprises de transport qui rencontrent des problèmes spécifiques.
L'amendement lui a paru incompatible avec l'esprit du projet de loi, qui a vocation à s'appliquer, dans l'intérêt de tous les usagers, à l'ensemble des transporteurs. D'ailleurs, on voit mal pour quelle raison les transports scolaires en seraient exclus.
Je tiens à soutenir les propos de M. Néri. Si j'ai bien compris le texte, les employés souhaitant faire grève devront en informer l'entreprise dans un délai de quarante-huit heures. Le temps nécessaire à la collecte de ces données et à leur transmission ne permettra pas à l'entreprise ou à l'autorité organisatrice, par exemple le département, d'informer les usagers. Le dispositif envisagé n'est donc pas viable. La difficulté matérielle de transmettre l'information et d'organiser une solution de rechange justifie à elle seule que l'on exclue le transport scolaire de la définition proposée.
Je suis saisi d'un amendement n° 17 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel, qui vise à insérer, après le mot « collectivités », le mot : « publiques ».
Je suis saisi d'un amendement n° 156 .
La parole est à M. François Brottes, pour le soutenir.
Les dispositions du projet de loi risquent de perturber considérablement les appels d'offres pour l'attribution des délégations de service public. Dans le but d'obtenir un marché, les entreprises ne feront-elles pas des promesses inconsidérées, qu'il leur sera impossible de tenir puisque, comme le rapporteur en est convenu lui-même en commission, le texte ne leur permettra pas d'instaurer un service minimum garanti ?
Pour éviter que les entreprises ne multiplient les vaines promesses, nous vous proposons, par cet amendement, de sécuriser les appels d'offres. Par ce biais, non seulement on neutraliserait le risque d'engagements inconsidérés, mais on laisserait également toutes leurs chances à des entreprises qui, en raison de leur petite taille, ne disposent pas d'une organisation sociale suffisamment performante. L'adoption de l'amendement éviterait en effet que les dispositions du projet de loi relatives au service minimum – qui constituent, pour une grande part, un rideau de fumée – ne pèsent lors de l'examen des appels d'offres par les autorités organisatrices de transport.
La commission a repoussé l'amendement. Quand on émet un appel d'offres, on peut toujours poser des questions aux entreprises et, en cas de difficulté, le dénoncer. Mais il ne serait pas normal d'exclure du dispositif certaines entreprises au motif qu'elles ne pourraient pas répondre à un appel d'offres.
Le texte prévoit, pour toutes les entreprises, une procédure de prévention des conflits à partir du 1er janvier 2008. Il n'y aura donc aucune distorsion de concurrence. C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à l'amendement.
En l'espèce, monsieur le ministre, les entreprises ne se contenteront certainement pas de dire qu'elles mettront en place un dispositif de prévention des conflits. Cette précision serait totalement redondante par rapport au projet de loi. Or le moins qu'on puisse attendre d'une entreprise n'est-ce pas qu'elle respecte la loi ?
Ce qui nous intéresse est la manière dont seront organisés la prévention de ces conflits et le service minimum garanti qui l'accompagnera. Certaines entreprises risquent en effet de prendre des engagements intenables, destinés à bercer d'illusions les commanditaires des délégations de service public. Notre rôle est au contraire de les protéger de ces promesses nécessairement vaines, étant donné la nature même du texte et le fait que le service minimum dépend en fait du nombre de grévistes dans l'entreprise. C'est faire oeuvre de salut public que d'éviter aux autorités organisatrices de transport – qui représentent les contribuables et les usagers – de tomber dans de tels pièges. Cette approche nous paraît donc saine.
La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.
La situation s'éclaircit. Ce débat montre l'opposition franche qui nous sépare. À mon sens, il est intéressant de considérer le droit des usagers, quand on doit passer un marché. Ce sera de plus une manière d'évaluer l'aptitude des entreprises à tenir compte des nouveaux droits que nous voulons reconnaître. À chacun de s'adapter à la nouvelle donne.
Nous ne sommes pas du tout d'accord, monsieur Brottes, mais, à présent, la situation a du moins le mérite d'être claire.
Je m'élève à mon tour contre la position de M. Brottes et je remercie M. le ministre d'avoir parlé de manière aussi nette. L'amendement est loin d'être neutre, malgré la présentation benoîte et habile qui en a été faite.
Je sais gré au ministre d'avoir éclairci le débat. Certains veulent à tout prix défendre le droit des organisations syndicales à perturber le service public (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) ; d'autres veulent s'en tenir à une règle stricte et mettre le service des usagers en compétition. Les positions sont claires, désormais, et je m'en félicite.
Je mets aux voix l'article 1er, modifié par l'amendement n° 17 .
(L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 1 .
La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.
L'amendement concerne un des objectifs affichés du texte : la continuité du service public. En effet, les organisations syndicales ne cessent de nous alerter sur les conséquences des suppressions de postes, dans les régions, à l'intérieur de la SNCF. L'entreprise n'en poursuit pas moins sa politique de réduction des coûts, ce qui entraîne une dégradation de la qualité du service public ferroviaire, en dépit des efforts d'investissement réalisés par les conseils régionaux.
Vous constaterez que je ne parle pas uniquement de la Normandie : on pourrait citer, les unes après les autres, toutes les régions de France, puisque toutes sont concernées. En Midi-Pyrénées, 1000 emplois de cheminots ont été supprimés en cinq ans. En Languedoc-Roussillon, pour la seule année 2006, la région a perdu 156 emplois, et l'hémorragie se poursuit. Depuis deux ans, à Sète, les cheminots se battent contre la suppression d'un poste d'aiguilleur de nuit. À Montpellier, les régulateurs du poste de commandement bataillent, eux aussi, contre les réductions d'effectifs.
Cette baisse des moyens humains s'inscrit dans une politique globale, puisque, depuis 2002, la SNCF a supprimé 16 000 emplois soit de guichetiers, ce qui entraîne des attentes supplémentaires, soit de techniciens, ce qui affecte le niveau de sécurité des trains. Déjà, sous la législature précédente, j'avais demandé la constitution d'une commission d'enquête sur les conséquences de l'ouverture à la concurrence des services publics dans notre pays, notamment dans le secteur des transports ferroviaires. J'avais souligné que la préparation de l'ouverture à la concurrence du service ferroviaire et les difficultés qu'entraîne la politique de baisse permanente des coûts étaient concomitantes.
Si la majorité a fermement refusé ma proposition, c'est qu'elle est pleinement partie prenante dans cette politique. Les députés européens issus de ses bancs ont approuvé, au gré des « paquets ferroviaires », les vagues successives de libéralisation entérinées au niveau communautaire. Aujourd'hui, ce sont les usagers et les autorités régionales qui en paient les conséquences, car la SNCF, qui poursuit la baisse des coûts pour faire face aux pressions concurrentielles, ne cesse d'effectuer des coupes dans son budget, sans que les régions disposent de moyens suffisants – est-ce leur rôle, d'ailleurs ? – pour pallier les carences de l'entreprise publique.
C'est pourquoi nous proposons, avec cet amendement, une procédure de concertation entre la direction de la SNCF, les organisations syndicales et les autorités organisatrices de transport au niveau régional. Elle permettrait que la décision de supprimer des postes – aussi bien au sein de toute direction régionale de la SNCF que sur les lignes régionales – soit soumise à l'avis conforme des élus des organisations syndicales siégeant au conseil d'établissement régional, et à celui des représentants de l'AOT concernée. En effet, il faut bien confronter les choix en matière de réductions d'effectif aux exigences du contrat passé entre l'AOT et l'entreprise de transport. Si la SNCF n'est plus capable, par manque de moyens matériels et humains, de respecter le contrat qui est signé avec l'AOT, c'est bien qu'il y a un problème !
Les instances qui font la promotion de la qualité du service public sur leur territoire pourraient donc, en s'opposant aux suppressions de postes injustifiées, mettre fin à la casse permanente du service public du transport ferroviaire. La SNCF et l'État seraient placés face à leur responsabilité en la matière, ce qui permettrait sans doute, d'assurer cette continuité du service public du transport terrestre de voyageurs dont vous nous parlez tant à défaut de l'appliquer.
Avis défavorable. Cette question est une véritable préoccupation. Mme Idrac, entendue par la commission spéciale, a donné des éléments sur ce sujet. Elle s'est félicitée que les organisations syndicales aient rendu hommage à la qualité du dialogue social au sein de la SNCF, et c'est effectivement là que la concertation se déroule. Faisons confiance à Mme Idrac. Depuis plusieurs années, la machine semble fonctionner – on reparlera des investissements –, je ne vois donc pas pourquoi on reviendrait là-dessus aujourd'hui.
Dans ce cas, allez jusqu'au bout du raisonnement : il n'y a pas besoin d'un projet de loi !
La diminution du nombre de grèves que vous confirmiez illustre bien la qualité du dialogue social qu'évoquait Mme Idrac devant nous. En cette matière il faut donc plutôt se retourner de son côté. La commission, je le répète, a donné un avis défavorable à cet amendement.
D'une part, cette question relève de la gestion interne de l'entreprise, d'autre part, il est clair qu'elle n'est pas directement liée à l'objet du texte. En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
La lecture de cet amendement suffit à en montrer le caractère corporatiste. La décision de supprimer des postes devrait être soumise à l'avis conforme des organisations syndicales ? (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Tout de même ! Nulle part on n'oserait présenter une pareille disposition ! Je n'ai rien à ajouter. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Même Gayssot n'a pas osé !
Cet amendement propose la mise en place d'une structure permettant de confronter les exigences liées au contrat passé entre une AOT et l'entreprise de transport. On constate en effet aujourd'hui que la SNCF réduit ses effectifs, année après année, ce qui, partout, met les régions en difficulté. Plusieurs d'entre elles ont dû batailler pour sauvegarder les moyens de faire rouler les TER compte tenu de la priorité donnée par la SNCF à un certain nombre de grandes lignes. Lorsque les régions sont ainsi amenées à mettre le holà aux choix de la SNCF et à exiger que les TER soient sauvegardés, une sorte de concurrence se crée.
Pour notre part, nous proposons que régulièrement – par exemple tous les ans, puisque c'est tous les ans que la SNCF supprime des postes et qu'un budget insuffisant est affecté par l'État aux réparations, à l'entretien et à la modernisation du réseau –, soit vérifié que les exigences du contrat passé entre l'AOT et la SNCF sont compatibles avec les évolutions sur le terrain, en termes humains et financiers. Cette réunion de concertation mettra donc autour de la table les syndicats, mais pas uniquement eux puisqu'il y aura aussi la SNCF et les représentants de l'AOT – les élus régionaux en réalité. Ils vérifieront que le contrat passé sera bien appliqué.
La réalité que nous décrivons depuis le début de l'examen de ce texte, cette réalité qui semble tant vous gêner, c'est que, année après année, il est de plus en plus difficile d'assurer à nos concitoyens qu'ils prendront peut-être le train mais surtout, qu'ils arriveront à l'heure prévue à bon port. Or ce ne sont pas les grèves qui posent problème – en tout cas, elles créent de moins en moins de gêne –, mais plutôt la vétusté du réseau et l'incapacité de remplir les obligations de son contrat dans laquelle est placée l'entreprise publique.
Monsieur le président, je m'exprime sur cet amendement mais souhaite aussi compléter mon propos sur l'amendement précédent.
Cette affaire du respect du contrat est fondamentale, M. le ministre a essayé de nous faire croire qu'il était dans le camp de ceux qui ne bafouent pas les droits des usagers tandis que la gauche serait dans le camp de ceux les bafoue. C'est ce que j'ai cru comprendre tout à l'heure, monsieur le ministre, et M. de Charrette vous a aidé dans cette argumentation en reprenant ce que j'avais – benoîtement, disait-il – tenté d'exprimer.
Mais bafouer le droit des usagers, c'est par exemple faire croire, que lorsqu'on passe un marché, on aura un service garanti en toutes circonstances. Cela voudrait dire qu'on est en mesure de supprimer toute grève. Il faudrait qu'une une entreprise de transport réponde à un appel d'offres en assurant à son client, quoi qu'il arrive, le maintien à 100 % du service acheté. Or nous voulons qu'une telle clause ne puisse pas figurer dans un contrat : elle serait en effet exorbitante du droit commun et de ce droit de grève que vous nous dites vouloir maintenir. Des clauses de cette nature bafouent précisément le droit des usagers. Ceux-ci doivent être respectés dans l'exécution du contrat qui leur permet de bénéficier d'un service public de transport.
Les exigences en matières d'emploi vont dans le même sens : si le contrat lui-même est exempt de dispositions en termes de moyens, les promesses sur le maintien du service ne valent rien.
Je suis saisi d'un amendement n° 3 .
La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.
Je l'ai déjà dit et je le répéterai encore, le manque d'investissements et les suppressions de postes de ces dernières années sont les deux maux principaux dont souffre le service public. J'ai déjà évoqué plusieurs données régionales révélatrices de ce manque de moyens dont pâtit en particulier le service public ferroviaire. Ce problème est loin d'être une analyse personnelle, je vous renvoie ainsi au rapport de l'école polytechnique de Lausanne qui a dressé un constat inquiétant du piètre état de certaines lignes dites secondaires et décrit le besoin de rénovation et d'entretien de nombreux ouvrages d'art de la SNCF.
Depuis 2002, vous avez, sans faillir, favorisé le transport routier…
Je vais vous rafraîchir la mémoire monsieur Mariton. Par exemple en 2005, vous avez décidé le doublement du dégrèvement de la taxe professionnelle sur les véhicules de plus de 7,5 tonnes, ce qui constitue, soit dit en passant, un apport d'un milliard d'euros par an aux employeurs. Parallèlement, l'effort que vous consentez à destination du service public ferroviaire est de plus en plus limité. Alors que le déficit ferroviaire était en 2005 présenté comme stable, la contribution aux charges d'infrastructures a reculé de 85 millions d'euros, soit une diminution de 6,4 %…
… à laquelle il faut ajouter la fin de la dotation destinée à la gestion de la dette de RFF, sans oublier la suppression de crédits pour le service annexe d'amortissement !
Élu d'une région portuaire, je vous rappellerai aussi votre décision d'autoriser la circulation des camions de 44 tonnes qui transportent 29 tonnes de charge utile, soit, pour chaque véhicule, un wagon en moins pour la SNCF. Voilà l'effet de votre dernier budget.
Cette politique pèse lourdement sur les capacités d'investissement de la SNCF et de RFF, pour lesquelles le poids de la dette et des intérêts constitue une dépense annuelle très forte, qui réduit d'autant les investissements stratégiques pour les rails, les ouvrages d'art et les machines.
Je rappelle ce que j'ai déjà dit au cours de la question préalable : la SNCF est endettée à hauteur de 40 milliards d'euros, avec des frais financiers de l'ordre de 300 millions d'euros par an. Pour RFF, ces frais financiers s'élèvent à 1 300 millions d'euros par an.
Un soutien financier de l'État – grâce à l'annulation de la dette – est donc indispensable pour libérer les capacités d'investissement des entreprises ferroviaires. Sans cela, avec de tels frais financiers, ces deux entreprises ne s'en sortiront pas, il ne faut pas se leurrer. Peut-être vous cacherez-vous derrière les consignes communautaires qui réglementent très fortement les aides d'État. Mais la Commission européenne n'avait-elle pas autorisé le sauvetage d'Alstom par l'État français ? À tout le moins conviendrait-il d'ouvrir les négociations avec la Commission au sujet de la dette ferroviaire. C'est particulièrement vrai alors qu'il est question d'un Grenelle de l'environnement et qu'on veut favoriser le transport ferroviaire, qui émet moins de gaz à effet de serre.
Lorsque l'on prétend promouvoir la continuité du service minimum dans les transports, c'est l'objectif d'une continuité quotidienne qu'il faudrait avoir en vue. Or, en refusant de vous attaquer au problème de la dette, qui est central, vous niez le principal facteur à la source des discontinuités dont souffre le service de transport ferroviaire.
Cet amendement a été rejeté ; à mon avis, il aurait plutôt sa place dans la discussion du budget des transports.
C'est pour ça que le secrétaire d'État chargé des transports n'est plus là !
Le Gouvernement partage l'analyse et l'avis de la commission.
Je souhaite intervenir parce qu'il ne faudrait pas que l'effet de répétition dont usent nos collègues finisse par donner une allure de vérité à leurs propos.
D'autres parlementaires que ceux de vos groupes sont aussi attachés à la qualité des infrastructures, à celle des matériels et du service public de transport.
Quand bien même il faudrait le dire vingt fois, nous avons parfaitement compris que l'amélioration de la continuité du service public ne passe pas uniquement par une meilleure gestion des faits de grève. C'est une dimension du problème, ce n'est pas la seule, mais c'est celle qui est prise en compte ici.
Quand ce que vous dites est faux, cela mérite d'être corrigé. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) J'ai simplement le tort d'avoir les éléments précis sous la main. Vous dites qu'il y a eu une baisse de la contribution aux charges d'infrastructures allouées à RFF. C'est exact, mais dans la stricte mesure de l'augmentation des péages perçus par RFF. En conséquence, les moyens de RFF n'ont absolument pas été réduits.
Par ailleurs, je répète ce que j'ai dit hier : nous avons voté, dans le budget 2006, une augmentation de la régénération des voies et adopté un amendement parlementaire abondant cette ligne de 70 millions d'euros auxquels s'ajoutent 20 millions d'euros supplémentaires dans le budget 2007.
Vous dites que les infrastructures ferroviaires sont désavantagées : c'est faux. En 2007, dans le budget de l'agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF, légèrement supérieur à deux milliards d'euros, la part consacrée aux infrastructures nouvelles atteint 800 millions d'euros dont 77 % sont consacrés au ferroviaire et au fluvial. Dernière série de chiffres : le financement des investissements ferroviaires des contrats de plan et des projets d'infrastructures nouvelles pris en charges par l'AFITF est passé de 800 millions d'euros à 900 millions d'euros en 2007.
Vous pourrez nous répéter vingt fois que le financement des infrastructures, notamment ferroviaires, a été sacrifié : c'est faux, c'est faux, c'est faux ! (« Non ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Vous avez réussi à faire passer dans l'opinion publique l'idée selon laquelle il ne suffit pas d'améliorer la continuité du service public lorsqu'il y a grève – et vous n'avez pas tout à fait tort. Mais nous améliorons la situation en cas de grève – c'est l'objet de ce texte – comme nous avons amélioré, grâce aux budgets que nous avons votés, le financement des infrastructures ferroviaires. (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Vous pouvez prétendre le contraire, les chiffres démentent vos affirmations ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président de la commission spéciale, je vous renvoie à ce qu'a dit Mme Idrac lors de son audition par la commission spéciale : dans notre pays, 1 500 kilomètres de voies – ceux-là mêmes qui avaient été signalés par l'École polytechnique de Lausanne – sont dans un état si déplorable qu'ils permettent à peine de rouler à 50 kmh, quand ce n'est pas 30, voire 10 kmh. Elle ajoutait – et ses propos figurent certainement dans le compte rendu de son audition – que, malgré les efforts consentis pour rattraper les insuffisances de crédits, il était impossible de réduire ce kilométrage car, au fur et à mesure que des voies sont réparées, c'est l'état d'autres voies qui devient critique. Vous pouvez expliquer ce que vous voulez, monsieur Mariton, c'est la réalité vécue dans les régions – et nous allons toutes les passer en revue. Le niveau de dégradation atteint par le réseau ferré régional est préoccupant.
C'est aujourd'hui que sont rendus publics les arbitrages budgétaires pour 2008. Il paraît qu'il n'y a plus de lettres de cadrage…
En effet, car c'est bien la première fois que le ministre des transports – qui nous a fait un brillant exposé – ne cite aucun chiffre ni aucun engagement financier pour l'année à venir. Heureusement qu'il y a le Grenelle de l'environnement, monsieur le ministre, car, sans cela, il n'y aurait rien eu, et les retards auxquels les régions sont confrontées continueraient de s'accumuler.
Je cite Les Échos d'aujourd'hui : « Le nombre de priorités budgétaires, au premier rang desquelles l'enseignement supérieur et la recherche, sera limité. D'autant que les gains attendus de la révision générale des politiques publiques ne pourront intervenir en majorité qu'après 2008, tandis que, côté recettes, le projet de loi “Travail, emploi et pouvoir d'achat”, budgété à quelque 11 milliards d'euros l'an prochain, a, lui aussi, asséché les marges de manoeuvre. Il faut donc désormais que le reste des dépenses de fonctionnement, d'intervention et d'investissement adopte une évolution proche de zéro en valeur, c'est-à-dire qu'il soit presque stable en euros courants. » Voilà la réalité. Ce n'est ni la CGT ni les communistes, mais ce sont Les Échos qui le disent – dont je salue d'ailleurs les salariés, en lutte pour la préservation de leur journal. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je suis saisi d'un amendement n° 4 .
La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le soutenir.
Cet amendement est une mesure de protection de l'exercice du droit syndical et du droit de grève, puisqu'il tend à insérer, après l'article 1er, l'article suivant : « Le Parlement réalise, avant le 1er janvier 2008, un rapport sur le respect du droit syndical et les conditions d'exercice du droit de grève en France dans le secteur des transports terrestres de voyageurs, notamment au regard des dispositions prévues à l'article L. 521-1 du code du travail. »
Le droit de grève est une liberté fondamentale – il est bon de le rappeler à cette occasion – pour laquelle de nombreux salariés ont lutté. À ce titre, il est reconnu par la Constitution et protégé par une série de conventions de l'Organisation internationale du travail. Or, sous couvert de défendre le droit des usagers, vous avez en ligne de mire les salariés grévistes, les syndicalistes et le droit de grève, au prétexte fallacieux que l'exercice de ce droit – dont les salariés abuseraient – mettrait en péril le service public.
La réalité est foncièrement différente. Dans les transports, la conflictualité est en baisse : elle atteint une moyenne annuelle par salarié dérisoire. Les salariés n'abusent donc pas de ce droit. En revanche, force est de constater que le droit de grève est déjà menacé par diverses stratégies d'intimidation et de répression syndicale qui sévissent dans de nombreuses entreprises, publiques – hélas ! – et privées. La presse n'a pas manqué de rapporter plusieurs « incidents – et le mot est faible lorsqu'il s'agit de suicides –, des cas de harcèlement, de blocage de carrière, de licenciement, de mises à l'écart, qui frappent les salariés ayant la mauvaise idée de se syndiquer.
L'exercice du droit de grève et du droit syndical est un élément essentiel à la survivance de la démocratie sociale. Sans droit de grève, l'expression des salariés est menacée. Les grévistes se battent pour l'amélioration de leurs conditions de travail et pour la défense du service public, trop souvent victime de politiques libérales qui limitent les moyens nécessaires pour assurer sa qualité.
Pour que la France puisse satisfaire aux engagements auxquels elle a souscrit en signant les conventions 581, 583 et 587 de l'OIT, il nous semble donc nécessaire que le Parlement réalise un rapport sur le respect du droit syndical et les conditions d'exercice du droit de grève en France dans le secteur des transports terrestres de voyageurs, notamment au regard des dispositions prévues à l'article L. 521-1 du code du travail, relatives à l'interdiction de rupture du contrat de travail, de discriminations en matière de rémunération, notamment du salarié gréviste.
Puisque la majorité s'est déclarée, au cours de la discussion générale, « très attachée au droit de grève », je ne doute pas qu'elle votera cet amendement.
Défavorable. Des bilans portant sur la négociation collective et la grève dans le secteur marchand ou dans les collectivités, par exemple, figurent déjà dans des rapports établis par la DARES, le CNRS ou le centre d'études de l'emploi. Toutes les informations existent : il suffit de savoir où elles se trouvent. Il est inutile de prévoir de nouveaux rapports, qui sont autant de nouvelles charges.
Même avis, d'autant que l'objet du texte est d'éviter les conflits. Puisque c'est M. Desallangre qui a pris la parole, je n'aurai pas la cruauté de rappeler ce qui a été dit tout à l'heure au sujet des rapports.
Tout à l'heure, vous avez eu tort de ne pas aller avec nous à la rencontre des organisations syndicales qui manifestaient à quelques encablures de l'Assemblée. Elles nous ont remis un document qui donne un aperçu des conséquences du projet de loi que nous examinons sur les atteintes au droit de grève. Sur la ligne de tramway T3, des militants de la CGT ont distribué aux voyageurs un tract contestant les affirmations de la direction selon lesquelles la vitesse des rames circulant sur la ligne était de 18 kmh. En région parisienne, en effet, cette vitesse est, au mieux, de 16 kmh. Quelle atteinte à la dignité de l'entreprise ! C'est pourtant ce motif que la direction de la RATP a invoqué pour adresser une convocation disciplinaire aux militants syndicaux et pour les sanctionner. Avant même le vote de ce projet de loi, le droit d'opinion est réprimé, et je tenais à en informer notre assemblée.
Je suis saisi d'un amendement n° 157 .
La parole est à M. Jean-Claude Viollet.
Dans mon intervention sur l'article 1er, j'ai évoqué la spécificité du service public du transport de voyageurs, qui nous oblige à rechercher la meilleure adéquation entre les besoins des usagers, les contraintes économiques et de gestion des entreprises et des autorités organisatrices et les conditions de vie et de travail des salariés de ce secteur. Or les contrats conclus entre les autorités organisatrices et les entreprises fixent les niveaux de rémunération des entreprises pour le service demandé, niveaux de rémunération dont dépendent les conditions d'organisation de la production et d'utilisation des salariés. Ces contrats ont ainsi des conséquences directes sur les conditions de vie et de travail de ces derniers, ainsi que sur la qualité du service lorsque c'est le moins-disant qui a prévalu.
Actuellement, la négociation a lieu après la fixation des niveaux de rémunération de l'entreprise, y compris la négociation annuelle qui porte sur les salaires, le temps de travail et les conditions de travail. Si l'on veut nourrir le dialogue social et prévenir le conflit social, il pourrait être utile d'organiser une concertation entre les autorités organisatrices, les entreprises et les organisations syndicales représentatives des salariés avant toute conclusion ou révision d'un contrat de transport, afin que soient bien pris en compte les conditions de travail, le niveau d'emploi et les conditions sociales des salariés. Tel est l'objet de cet amendement.
Le rapport de la commission spéciale révèle combien la présence syndicale dans les entreprises et le rôle joué par les délégués syndicaux est un facteur d'apaisement. En effet, si, parmi les entreprises soumises à la négociation annuelle, 60 % satisfont à cette obligation et 56 % seulement concluent un accord, elles sont 75 % à participer à la négociation annuelle et 80 % à conclure un accord lorsqu'elles ont un délégué syndical. Cet amendement, qui va dans le sens souhaité par le ministre, ne peut qu'être adopté par notre assemblée.
La commission a repoussé cet amendement. Le respect des conditions de travail, du niveau d'emploi et des conditions sociales des salariés est en effet une question essentielle, en particulier dans le secteur des transports.
Comme tout contrat, le contrat de transport est soumis au droit des obligations, notamment aux dispositions d'ordre public qui prévalent en matière de relations du travail.
S'il est important qu'une concertation ait lieu avec les autorités organisatrices, il me semble en revanche que la procédure tripartite que vous proposez complique inutilement les choses au détriment du contrat de transport et de ses usagers. La consultation des syndicats doit se faire selon d'autres modalités.
Ce qui me gêne fondamentalement dans cet amendement – outre qu'il est hors sujet –, c'est que les priorités de desserte n'ont pas à être établies par l'autorité organisatrice après consultation de l'entreprise de transport, qui est son fournisseur, mais à l'issue d'une concertation avec les usagers.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
L'article 2 pose le principe d'une négociation obligatoire dans les entreprises de transport, qui doit aboutir à la signature d'un accord-cadre avant le 1er janvier 2008. Cet accord-cadre prévoit une procédure de prévention des conflits consistant en une négociation préalable organisée avant le dépôt d'un préavis de grève et censée limiter les risques de grève.
Plusieurs remarques s'imposent au sujet de ces dispositions. En ce qui concerne les délais, la procédure de prévention des conflits par la négociation prévoit deux périodes de préavis successives ayant en réalité le même objet. La première période concerne les motifs pour lesquels une organisation syndicale envisage de déposer un préavis. La seconde concerne le délai de préavis de cinq jours avant le déclenchement de la grève – un délai déjà prévu par l'article L.521-3 du code du travail.
Vous avez reconnu, lors des auditions de la commission spéciale, que l'obligation de négociation pendant la période de préavis n'était pas respectée. Dès lors, en quoi la procédure bureaucratique que vous introduisez améliorera-t-elle la qualité du dialogue social ? Avec cette procédure, les salariés devront attendre treize jours avant de se mettre en grève : huit au titre du « préavis d'intention de grève » et cinq au titre du préavis de grève, conformément à l'article L.521-3. Cette procédure constitue un obstacle caractérisé au droit de grève ! Loin de favoriser le dialogue social, l'allongement des délais risque de créer une ambiance délétère pendant de longues périodes, sans pour autant diminuer le nombre de conflits. L'objectif poursuivi est en fait de profiter du délai précédant la survenue du conflit pour dissuader les salariés de faire grève.
Il est évident que l'allongement de la durée du préavis ne favorisera pas l'engagement de négociations, puisque 55 % des entreprises s'affranchissent d'ores et déjà de la négociation annuelle obligatoire prévue par l'article L.132-27 du code du travail – preuve que les questions de salaires, de contrats de travail et de conditions de travail ne sont pas au coeur de leurs préoccupations, alors que ces questions sont souvent à l'origine de la mobilisation des salariés ! Pour mémoire, c'est l'employeur qui est tenu d'engager tous les ans cette négociation portant notamment sur les salaires effectifs, la durée effective du travail et l'organisation du temps de travail, ainsi que sur les objectifs en matière d'égalité professionnelle. Cette négociation annuelle est également l'occasion d'un examen de l'évolution de l'emploi dans l'entreprise, notamment du nombre de CDD, de missions de travail temporaire, de journées de travail effectuées par les intéressés, ainsi que des prévisions annuelles ou pluriannuelles d'emploi pour l'entreprise. Enfin, cette négociation peut également porter sur la formation ou la réduction du temps de travail.
Ces négociations qui devraient être la norme dans toutes les entreprises seraient particulièrement utiles au sein des entreprises de transport, quand on sait les conditions de travail qui y règnent. L'intérim y a progressé de 15 % en 2006 – après 9 % les deux années précédentes – et le temps partiel y atteint 33,6 %. Quant à la sous-traitance, elle enregistre en 2006 une croissance de 56 % dans les transports urbains et routiers de voyageurs et de 8,5 % à la SNCF.
Par ailleurs, l'obligation de conclure des accords de prévention des conflits avant le 1er janvier 2008 nous paraît franchement irréaliste compte tenu de la brièveté des délais. Les organisations syndicales auditionnées se sont même demandé si le Gouvernement et sa majorité avaient une quelconque idée de la réalité des négociations dans les branches et dans les entreprises !
Au vu de tous ces éléments, comment ne pas nourrir de sérieux doutes sur les prétendus effets bénéfiques de cette loi sur le dialogue social et sur la sincérité de l'objectif affiché ? Comment ne pas voir que les enjeux sont ailleurs et consistent avant tout dans la mise à mal du droit de grève ?
Cet article soulève plusieurs difficultés, dont l'une des plus importantes a trait à la constitutionnalité du dispositif proposé. Comme nous l'avons dit depuis le départ, la démarche du législateur en la matière a consisté jusqu'à présent à tenter de concilier deux principes constitutionnels : le droit de grève d'une part, la continuité des services publics d'autre part. La législation actuelle constitue donc un compromis, dont témoignent les dispositions spécifiques de la loi de 1963 relatives au préavis de grève dans les entreprises de transport : les organisations syndicales qui déposent un préavis doivent respecter un délai de cinq jours avant le début de la grève, ce délai devant être mis à profit pour la négociation
Au prétexte d'un renforcement du dialogue social, vous voulez aujourd'hui imposer une phase de négociation préalable au dépôt du préavis de grève, ce qui va avoir pour conséquence de faire passer le délai actuel de cinq jours à seize ou dix-sept jours. Or les entreprises concernées ne sont pas de celles qui ignorent le dialogue social : la négociation, formalisée par une série de rendez-vous annuels, y est au contraire la règle. Si l'entreprise et les organisations syndicales ne sont pas parvenues à trouver un accord, il est logique que la crispation très forte accompagnant le constat de cet échec aboutisse à un mouvement de grève, qui constitue un droit constitutionnel. Le Conseil constitutionnel sera amené à se demander si l'équilibre qu'il a lui-même institué dans notre droit positif n'est pas rompu par cet allongement inconsidéré des délais et si celui-ci ne porte pas atteinte à l'exercice du droit de grève, garanti par la Constitution. Nous considérons pour notre part qu'il y a là un profond déséquilibre et que deux principes constitutionnels d'égale valeur ne sont plus respectés de la même façon.
C'est là votre choix, un choix qui ne s'exprime d'ailleurs pas toujours avec la prudence dont sait faire preuve M. le ministre, mais parfois d'une manière un peu débridée, comme lorsque le porte-parole du Gouvernement a déclaré, hier, qu'il faudrait infliger des pénalités financières aux salariés grévistes, ce qui l'a contraint à un rectificatif dans l'après-midi ! Comme l'a fort bien dit un journaliste dans une tribune libre de Libération, ce texte n'a rien à voir avec la défense du service minimum, mais vise avant tout à dissuader les salariés d'exercer le droit de grève,…
…ce qui est tout à fait évident au regard de l'allongement inconsidéré du délai précédant l'exercice légitime du droit de grève. (« Tout à fait » ! sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Nous avons, tout à l'heure, rencontré longuement les organisations syndicales unies dans leur lutte contre cette grave atteinte au droit syndical et au droit de grève. À cette occasion, nous avons eu l'occasion de vérifier que le président Mariton, contrairement à ce qu'il a affirmé, ne les avait pas rencontrées. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Tous les délégués nous ont dit regretter de ne pas vous avoir rencontré, monsieur Mariton, car ils avaient des messages à vous transmettre et comptaient beaucoup sur l'influence – sans doute supérieure à la nôtre – que vous êtes supposé avoir sur la majorité.
Tous déplorent que ce texte porte atteinte non seulement au droit de grève mais aussi au droit syndical. Vous faites fausse route car, dès lors que le dialogue social n'aura plus de raison d'être, la loi ou le décret se substituant à la négociation entre partenaires sociaux, dès lors que le délai est considérablement allongé avant qu'une grève puisse être déclenchée, il n'y a plus aucune raison que les représentants syndicaux organisent la mobilisation et la négociation. Or il est important pour la direction d'une entreprise d'avoir des interlocuteurs organisés et responsables. Dès l'instant où vous ôtez à ces derniers toute capacité à exister, vous prenez le risque de mouvements spontanés et de grèves sauvages. Compte tenu du fait que l'on n'aura pas le droit de changer d'avis dans les quarante-huit heures précédant le dépôt du préavis, vous prenez le risque de créer des situations inextricables et une ambiance délétère entre collègues au sein des entreprises.
En fait, vous agissez comme des pompiers pyromanes – ce que vous finirez évidemment par regretter. Au prétexte de vouloir préserver les droits des usagers, vous allez créer, en niant la représentation syndicale, un climat insupportable dans toutes les entreprises de transport. Au-delà du préjudice causé au droit de grève, ce texte va peser lourdement sur la qualité des rapports sociaux. L'article 2 est l'un des plus liberticides de votre projet dans la mesure où il va priver les usagers de la liberté de bénéficier d'un service public des transports de qualité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
L'article 2 montre bien quelle est la volonté de la majorité : non pas mettre en oeuvre les conditions du dialogue social, mais bien au contraire rendre plus difficile l'exercice du droit de grève. La logique serait de tenter d'éviter le conflit en encourageant le dialogue social – ce qui ne saurait être le cas en laissant aux partenaires sociaux des délais si courts pour trouver un accord.
En fait, la date du 1er janvier 2008 est une mise en demeure. Et cette date butoir bloquera la négociation au lieu de la favoriser. En outre, l'allongement du délai préalable au préavis ou les dispositions prévoyant que les salariés doivent se déterminer quarante-huit heures à l'avance visent finalement à rendre plus difficile l'exercice du droit de grève, et non pas à encourager le dialogue social et à éviter les conflits. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Sous couvert de favoriser le dialogue social, cet article tend en fait à faire obstacle à l'exercice du droit de grève. En effet, la procédure dite de prévention des conflits par la négociation instaure deux périodes de préavis successifs ayant en réalité le même objet : la première concerne les motifs pour lesquels une organisation syndicale envisage de déposer un préavis, la seconde, c'est le délai de cinq jours avant le déclenchement de la grève, prévu à l'article L. 521-3 du code du travail.
À notre sens, au lieu d'ajouter un préavis au préavis, il serait plus opportun de veiller à l'application de la législation existante, et notamment à la loi du 19 octobre 1982 aux termes de laquelle les parties sont tenues de négocier pendant la durée du préavis.
Monsieur le ministre, pourrez-vous nous confirmer que cette procédure restrictive au dépôt d'un préavis s'applique seulement si les motifs sont liés au fonctionnement de l'entreprise, et évidemment pas en cas de grève interprofessionnelle ? Vous en conviendrez, cela n'aurait d'ailleurs pas beaucoup de sens.
L'idée sous-jacente de cet article est que les salariés abusent du droit de grève et qu'il faut donc augmenter les délais pour discuter. Mais cela ne correspond pas à la réalité. Je l'ai rappelé : dans plus de la moitié des cas, l'obligation instaurée par la loi d'octobre 1982 n'est pas respectée et, dans la quasi-totalité des cas, c'est parce que l'employeur décide d'aller à l'épreuve de force.
Enfin, et je le redis avec une certaine solennité, le délai du 1er janvier 2008 est impossible à tenir. Le maintenir, contre vents et marées, c'est donc exprimer sa volonté de procéder par décret.
Un mot tout d'abord sur l'amendement n° 157 portant article additionnel avant l'article 2. J'ai été surpris, en effet, par les réponses apportées par le rapporteur et le ministre puisque notre objectif est de prévenir le conflit social, à travers le dialogue social.
S'agissant de l'article 2 et de l'accord-cadre organisant la prévention des conflits et tendant à développer le dialogue social, votre projet a vocation, en l'état, à s'appliquer indistinctement dans toutes les entreprises, quelle que soit leur taille : de 165 000 salariés comme à la SNCF, ou 45 000 pour la RATP, à quelques dizaines, voire quelques unités, pour les entreprises artisanales, qui interviennent en particulier pour le transport scolaire dans chacun de nos territoires ruraux.
De ce fait, votre texte, qui affiche l'ambition de développer le dialogue social, ne manquera pas, en l'absence d'une présence syndicale dans bon nombre de ces entreprises, de déboucher sur des situations de fortes inégalités, préjudiciables aux salariés concernés mais également à la qualité globale des accords conclus, au détriment des usagers et des autorités organisatrices.
Sans parler, mais nous y reviendrons lors de l'examen de l'article 5, des petites entreprises qui, faute d'être en mesure de mettre en place l'accord-cadre en question ou l'accord collectif de prévisibilité du service applicable en cas de perturbation prévisible du trafic ou de grève, pourraient, comme l'a justement souligné l'Union professionnelle artisanale, se voir pénalisées dans leur accès aux marchés publics, et ainsi menacées dans leur existence même, au profit des plus grands opérateurs.
Pour remédier à cette difficulté, et comme cela a déjà été fait à au moins deux reprises et sous des majorités différentes, en 1998 puis en 2005, il conviendrait de permettre que l'accord puisse, en l'absence de délégué syndical ou de délégué du personnel désigné comme délégué syndical, être conclu par un salarié expressément mandaté par une organisation syndicale représentative sur le plan national, ou départemental pour ce qui concerne les départements d'outre-mer.
De même, et comme cela a été fait dans l'accord conclu à la RATP en 1996, puis consolidé et complété en 2001 et en 2006, la loi devrait inciter à la fois à la conclusion d'un accord sur l'exercice du droit syndical dans l'entreprise, et à l'amélioration du dialogue social, parce que l'un et l'autre sont inséparables et participent, ensemble, à la prévention des conflits.
En effet, c'est la présence syndicale et l'organisation dans le temps de cette présence, comme représentant naturel des salariés et interlocuteur permanent de l'employeur, qui est seule de nature à assurer un dialogue social efficace, parce que construit dans le temps.
Enfin, il me semble important de s'assurer par la loi que l'accord d'entreprise qui sera conclu soit en cohérence avec l'accord de branche, ainsi qu'avec les accords interprofessionnels applicables et – c'est une évidence mais je sais qu'elle n'est pas partagée par tous ici – avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur, dans le respect de la hiérarchie des normes et du principe de faveur qui structurait notre droit du travail, jusqu'à ce que vous portiez les premiers coups en 2004, avec la loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social – déjà !
Parce que c'est ainsi, et ainsi seulement, que nous pourrons assurer au plus grand nombre de salariés du transport et d'usagers un progrès partagé, et qu'il appartient, là encore, au politique de donner les signaux forts attendus dans ce sens.
Parce que notre pays n'a que trop souffert de cette difficulté historique à faire reconnaître le fait syndical, hors de l'entreprise d'abord, en 1884, puis dans l'entreprise, en 1968, par la grève, et enfin en 1982, avec l'obligation de négocier, un droit qui reste encore à faire vivre si l'on en juge par les chiffres contenus dans le rapport de la commission spéciale.
Parce que notre pays n'a que trop peiné à lever ses blocages sociaux, affaibli depuis des années maintenant par l'absence de corps intermédiaires, indispensables à la conduite du changement pour le développement humain.
Voilà pourquoi, à défaut d'y rétablir les équilibres nécessaires pour permettre l'avènement d'une véritable démocratie sociale dans l'entreprise, vous devriez renoncer à votre projet. Il est inacceptable dans sa forme, parce que volontairement provocateur par plusieurs de ses aspects, et inopérant en l'état par rapport à l'objectif affiché. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, armons-nous de patience, nous entrons dans l'usine à gaz. Et comme l'ont montré les orateurs précédents, les tuyaux sont longs et enchevêtrés. L'article 2 constitue la première étape avec le fameux accord-cadre. À cet égard, on peut constater qu'il n'apporte rien au droit existant puisqu'il reprend, sous une forme légèrement différente, l'article L. 521-3 déjà en application – préavis et négociation préalable. Cette disposition est donc inutile. Monsieur le ministre, il ne faut pas simplement entrer dans l'usine à gaz, il va aussi falloir rabouter cette dernière sur le droit existant, ce qui ne sera pas facile.
S'agissant de la date butoir du 1er janvier 2008, tous ceux qui ont été auditionnés par la commission spéciale ont fait observer que ce délai serait intenable. Il n'y a donc plus de doute sur les véritables intentions du Gouvernement : puisque ce délai est intenable, il ne sera pas tenu et on pourra ainsi avoir recours au décret.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Absolument !
Et, monsieur le ministre, vous ne ferez croire à personne ici que vous n'avez pas commencé à rédiger ce décret, que vous êtes sûr de devoir prendre. En commission spéciale, nous vous avons demandé à plusieurs reprises de nous communiquer ce projet de rédaction.
Etes-vous sûr que c'est à moi que vous l'avez demandé ?
Oui. Or nous n'avons toujours pas eu connaissance de ce document. Ce n'est pas convenable. Nous souhaiterions avoir une idée des dispositions prévues par ce décret.
Ce serait la première fois qu'on n'aurait pas la première mouture d'un décret censé s'appliquer dans quelques semaines !
Monsieur le ministre, le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. Et Alain Vidalies l'a brillamment démontré hier, cette réglementation par la loi ne se délègue pas au pouvoir réglementaire, au pouvoir exécutif. La jurisprudence du Conseil constitutionnel est toujours allée dans ce sens. Nous sommes donc au coeur de l'inconstitutionnalité du dispositif. Vous savez que vous allez déléguer à un décret l'organisation et la limitation du droit de grève, et vous vous gardez de nous expliquer comment vous allez procéder. Vous faites en sorte que ce soit l'exécutif qui dégrade l'exercice du droit de grève. Le Conseil constitutionnel tranchera. Nous avons pris date. Pour l'heure, nous attendons des éclaircissements pour poursuivre nos travaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le ministre, vous affirmez la main sur le coeur que vous êtes pour le dialogue social et que vous avez la volonté de le développer.
Eh bien, nous sommes au moins d'accord sur ce point car nous sommes nous aussi favorables au développement du dialogue social. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais dans des conditions qui respectent la dignité et le droit des salariés.
Tant mieux, mais je crains que cela ne dure pas ! Si les salariés ne sont pas sages et ne parviennent pas à un accord avant le 1er janvier 2008, le père fouettard Bertrand va sévir, en effet, et il y aura un décret.
Or, monsieur le ministre, vous n'êtes pas en mesure de nous fournir la première mouture de ce texte. Le chantage au décret n'est pas une façon de conduire le dialogue social. Si vos conditions ne sont pas acceptées, vous les imposez. C'est tout le contraire d'un véritable dialogue social.
Aujourd'hui, il pourrait y avoir un véritable dialogue social. La loi prévoit en effet expressément que le préavis de cinq jours doit être mis à profit pour engager des négociations entre les salariés, leurs organisations syndicales et le patronat. Mais ce délai n'est pratiquement jamais utilisé pour engager la véritable négociation.
Dans ces conditions, vous parlez de mettre en place une période pendant laquelle les organisations syndicales et les salariés devront expliquer pourquoi ils envisagent de faire grève. Mais le dialogue existe déjà dans les entreprises, et n'importe quel patron un peu vigilant détecte un début de malaise social qui nécessite une discussion – même informelle –, à supposer qu'il le désire.
Je suis conscient que les grèves gênent les usagers, mais soyez bien persuadés que les salariés ne se mettent jamais en grève de gaieté de coeur. Car ce sont eux les premiers touchés. Contrairement à ce que vous affirmez, les journées de grève ne sont pas payées, et ne pas toucher la paye représente, pour des familles dont les ressources sont souvent faibles, une vraie difficulté, voire un péril pour leur équilibre.
Voilà qui devrait vous interpeller, messieurs qui avez toujours à la bouche la charité et la compassion ! Sachez qu'on ne se bat jamais ni pour la charité ni pour la compassion, mais pour la justice. Quand les ouvriers et les salariés se mettent en grève, c'est parce qu'ils réclament plus de justice dans leurs conditions de travail ou leur salaire.
Nous vous demandons donc, monsieur le ministre, de retirer ce délai supplémentaire qui portera le préavis, non plus à cinq jours, mais à seize – soit huit plus cinq plus trois. C'est beaucoup trop long car, quand la volonté de négocier est véritablement là, cinq jours suffisent pour résoudre un conflit.
J'ai vécu plusieurs grèves à Clermont-Ferrand, dans le quartier de Montferrand, en particulier, où se trouvent les usines Michelin, Je me souviens notamment des grandes grèves de 1949, qui durèrent des mois, car le patron ne voulait pas entendre raison. J'étais en primaire à l'époque, et l'on devait apporter un sou à l'école pour que la soupe populaire puisse être servie sur la place voisine.
Lorsqu'on a vécu cela, mes chers collègues, on ne peut pas insulter les salariés en disant qu'ils font grève juste parce qu'ils en ont envie. Non : ils font grève parce que c'est l'ultime arme dont ils disposent pour faire valoir leurs revendications ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
J'ai reçu avec d'autres collègues les membres de la délégation syndicale, et je tiens à vous faire part ici de leur inquiétude. Elle est réelle est bien concrète, car ils ne croient pas à cette loi.
Ils ne comprennent pas, tout d'abord, pourquoi, alors qu'il y a des dysfonctionnements dans les transports et que – ce qu'ils reconnaissent eux-mêmes – le contrat avec les usagers n'est pas rempli du fait de ces dysfonctionnements, le Gouvernement et sa majorité n'ont pas proposé une loi sur l'essentiel, à savoir les conditions de transport des usagers.
Ils savent pertinemment par ailleurs que cette loi qui concerne les transports terrestres est une première loi, qu'il y en aura d'autres et que, petit à petit, elles grignoteront le droit de grève, même si, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous nous assurez que cette loi ne mettra en aucun cas le droit de grève en danger.
Les syndicats mettent l'accent sur le dialogue social. Or s'il est bien un domaine dans lequel le dialogue social a connu de vraies avancée ces dix dernières années, c'est bien celui des transports, et des transports terrestres en particulier. À écouter les représentants syndicaux et à lire le projet de loi, on a pourtant l'impression que nous sommes en retard, et que cette loi, voulue aujourd'hui par le Gouvernement et sa majorité, sans doute aussi par le Président de la République, arrive dix ou quinze ans trop tard et passe à côté des véritables problèmes.
Je tiens à rapporter également l'inquiétude de la délégation de voir surgir des grèves sauvages et spontanées, alors que le rôle des organisations syndicales est précisément de rassembler et de mobiliser les salariés dans le but d'améliorer le transport des usagers et de remplir le contrat qu'ils ont avec les voyageurs.
Mesdames, messieurs les députés, croyez-le, les syndicats ne sont pas dupes, ils savent très bien ce que cette loi annonce. Vous devez entendre leurs inquiétudes si vous voulez faire face aux responsabilités qui seront les vôtres dans les prochains mois et les prochaines années. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Sur l'article 2, je suis saisi de deux amendements de suppression identiques, nos 55 et 104.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour soutenir l'amendement n° 55 .
Après l'intervention de mon collègue Daniel Paul et en raison des doutes qui persistent sur les réelles motivations du Gouvernement concernant le dialogue social et la prévention des conflits – sujets qui servent d'alibi pour encadrer davantage le droit de grève, en assimilant son exercice à une forme de terrorisme –, vous ne serez pas surpris que nous proposions la suppression de l'article 2.
Tout autant que vous et même plus, nous sommes attachés au dialogue social, à un dialogue permanent, effectif, constructif, bref à un dialogue de qualité, qui s'instaure à tous les stades : à froid, bien évidemment, parce que c'est le plus sûr moyen de garantir la paix sociale ; mais à chaud également, afin de sortir au plus vite et dans les meilleures conditions possibles de situations conflictuelles.
Là où nous divergeons, c'est sur les voies et les moyens de mettre en oeuvre ce dialogue. Et le moins que l'on puisse vous reprocher, c'est de ne pas avoir cherché à créer les conditions d'un dialogue apaisé entre les salariés, leurs organisations syndicales et les employeurs du secteur des transports en particulier. De l'avis de nombreuses personnalités auditionnées, ce projet de loi est d'abord perçu comme facteur de conflit supplémentaire et comme une incitation à négocier de mauvaise foi.
Vous imposez autoritairement une négociation préalable entre certains partenaires sociaux, avant le dépôt de tout préavis de grève. Certes, vous renvoyez aux accords-cadres – d'entreprise de préférence, et accessoirement de branche – le soin de définir les modalités de cette nouvelle phase. Mais la date butoir fixée pour satisfaire à cette obligation de résultat est tellement irréaliste que vous vous réservez le droit d'intervenir par décret pour fixer l'ensemble des règles de déroulement de la négociation préalable.
Sans tenir compte de la spécificité de certaines entreprises – je pense en particulier au transport scolaire –, vous généralisez à toutes, quelles que soient leur taille et leur culture, certaines pratiques d'alarme sociale et la mise en oeuvre d'un service minimum.
Au-delà des problèmes techniques qui ne manqueront pas de résulter de ces choix, permettez-moi d'insister sur deux points rendant « le préavis préalable au préavis » particulièrement discutable.
Les délais ajoutés au délai existant n'offrent aucune garantie supplémentaire aux salariés – ni à l'employeur d'ailleurs –, quant à la loyauté et à l'efficacité de cette négociation. Tout simplement parce que vous n'avez pas eu à coeur d'être exigeants sur le contenu et la qualité de cette obligation de négocier. Sinon, vous vous seriez intéressés de plus près aux dispositions en vigueur dans le code, principalement à celles prévoyant que « les parties sont tenues de négocier » durant le préavis de droit commun qui est de 5 jours.
Rien n'est prévu, par exemple, pour éviter l'enlisement des conflits, attribuable bien souvent à la partie patronale, qui attend de jauger les forces en présence avant de se décider à proposer des discussions. Lorsque, après deux jours de négociations, les désaccords sont manifestement tels qu'il n'est pas utile d'aller jusqu'à l'échéance de la période de négociation, pourquoi attendre pour permettre le dépôt d'un préavis, si ce n'est avec l'objectif de gagner du temps, et de dissuader de faire grève un maximum de salariés ?
Enfin, comment ne pas voir qu'en imposant une phase dite de négociation préalable on soumet la légalité du droit de grève à une condition supplémentaire, ce qui revient à restreindre ses conditions d'exercice et à changer l'objet du préavis, lequel sera désormais consacré à mettre en place des mesures de nature à neutraliser les effets de la menace de grève, si elle se concrétise, plutôt qu'à négocier réellement pour l'éviter ?
Nous souhaitons la suppression de l'article 2 et du dispositif qu'il prévoit. Pour justifier ce dispositif, la plupart des orateurs de l'UMP et le Gouvernement ont essayé de mettre en avant la spécificité de la situation française par rapport aux acquis de la législation des autres pays européens. Nous avons eu droit à de nombreux discours nous expliquant le contenu de cette législation et vantant la paix sociale qui régnait dans ces pays, au point de nous donner l'impression que le dialogue social s'était arrêté à nos frontières et que nous étions, en France, dans une zone où sévissait en permanence une horde contestataire. Voilà ce qu'est la politique racontée aux enfants, assez conforme d'ailleurs au climat actuel et à l'époque où nous vivons.
Laissez-moi pourtant vous lire trois dépêches récentes de l'AFP. L'histoire commence le 5 juillet 2007 : « Depuis le lundi 2 juillet, la Deutsche Bahn, la société allemande de chemins de fer, est touchée par un important mouvement social offrant en pleine période estivale des images d'usagers en colère, de quais de gare bondés et d'embouteillages sur les routes. » L'histoire se poursuit le 11 juillet : « Le trafic ferroviaire est quasiment paralysé en Allemagne à la suite du mot d'ordre de grève solitaire de son syndicat, celui des conducteurs de trains, qui a un désaccord avec l'entreprise et réclame une hausse de salaire de 31 %. » Le 25 juillet, alors que nous nous apprêtons à entamer nos débats et que la presse relaie à l'intention de l'opinion publique l'idée que nous sommes dans un pays terrible mais qu'ailleurs tout va bien grâce à des systèmes remarquables, l'AFP livre une dernière dépêche : « Les vacanciers allemands risquent de rester sur le quai au moment des grandes migrations estivales. Le syndicat menace d'une grève début août, après un nouvel échec des négociations. » Voilà la réalité !
Au moment donc où vous voulez nous démontrer qu'ailleurs c'est forcément mieux et qu'il n'y a ici que d'affreux syndicats, les Allemands sont en grève, ce qui est tout à fait normal en cas de conflit sans solution. Vous pouvez, en effet, inventer tous les systèmes que vous voudrez, rien n'y changera. Le système allemand, dont vous nous avez rebattu les oreilles en nous disant qu'il était la solution, aboutit à un très gros conflit : les trains ne partent pas et les voyageurs restent à quai. Est-il besoin d'une autre preuve que ce n'est pas la peine d'aller copier ailleurs des choses qui ne fonctionnent pas ?
La condition d'un dialogue social réussi, ce n'est pas un encadrement politique, c'est la confiance accordée aux partenaires sociaux.
J'aurais compris que le législateur agisse dans une période marquée par l'évolution exponentielle de la conflictualité et l'absence de dialogue social.
Mais c'est exactement l'inverse. La conflictualité est en baisse et les partenaires sociaux sont parvenus à des accords. Malgré cela, nous allons mettre du désordre dans ce qui fonctionnait bien. Vous en paierez forcément le prix un jour ou l'autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La commission les a repoussés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) On ne peut, en effet, qu'être en désaccord avec ces amendements de suppression.
L'article 2 a pour objet – sans doute ne l'avons-nous pas lu de la même manière – d'établir des procédures de négociation en vue d'organiser la prévention des conflits. Ces négociations doivent être engagées à la fois au niveau de l'entreprise et de la branche.
En s'efforçant de renforcer le dialogue social, le projet de loi tend notamment à généraliser les expériences positives qui ont été mises en oeuvre soit à la Régie autonome des transports parisiens, soit à la Société nationale des chemins de fer français.
La loi se fait le moteur de la négociation collective, comme elle l'a déjà fait dans un certain nombre de cas. En l'espèce, l'intervention de la loi est d'autant plus nécessaire qu'il s'agit d'organiser la phase préalable à la grève et au préavis de grève tel qu'il est défini à l'article L.521-3 du code du travail.
Il n'est donc pas juste de prétendre que l'article 2 est contraire aux règles de la libre négociation. Au contraire, il encourage la négociation et se fonde sur elle. À cet égard, je rappelle que le décret en Conseil d'État n'empêchera pas la conclusion, même postérieure, d'accords collectifs ; il sera précisé, à la demande du groupe socialiste qui m'a interrogé, que le décret n'intervient que « le cas échéant » : c'est l'objet de mon amendement n° 21 .
Depuis tout à l'heure, je vous écoute sagement – comme à mon habitude quand l'opposition s'exprime (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) – et vos propos laissent à penser que vous seuls savez ce qu'est la grève, que vous seuls connaissez les difficultés. Mais, messieurs de la gauche, je tiens à vous dire que, de notre côté, nous ne sommes pas tous des nantis dans cette enceinte ! Nous avons aussi des parents qui ont eu des problèmes, un père, une mère qui ont été au chômage ; nous nous sommes nous aussi heurtés à des obstacles pour trouver du travail, nous connaissons le problème ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Vous affirmez que nous sommes contre les syndicats, mais qui vous l'a dit ? Au contraire, et vous le savez, nous sommes prêts à travailler avec eux : nous l'avons fait, et c'est ce qu'on appelle la concertation. Alors arrêtez de nous donner des leçons, messieurs, nous savons ce que signifie avoir des difficultés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Il est difficile de répondre car tout a été dit par le rapporteur. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
En revanche, j'ai bien peur de ne pas avoir très bien compris l'argumentation d'Alain Vidalies qui a cité l'Allemagne en exemple. (« C'est vous ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Mais si j'ai mal compris, je veux bien l'admettre.
En Allemagne, le personnel ayant le statut de fonctionnaire ne dispose pas du droit de grève. Est-ce ce que vous prônez ? Nous, non. C'est vrai qu'existe la juxtaposition d'un statut de contractuel et d'un statut de fonctionnaire et qu'il n'y a qu'au moment des conventions collectives que le droit de grève existe. Je ne sais pas si c'est votre façon de prôner le dialogue social, en tout cas, ce n'est pas la nôtre, monsieur le député ! En tout état de cause, si l'on veut encourager le dialogue social, c'est l'article 2 qu'il faut adopter et voilà pourquoi le Gouvernement repousse ces deux amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je suis évidemment contre ces amendements de suppression.
Je suis surpris que nos collègues de l'opposition parlent d'usine à gaz ou de dispositifs antisyndicaux alors que la simple lecture l'article 2 laisse apparaître un dispositif très simple : d'abord, des accords-cadres, ensuite, une obligation de négociation préalable en cas de menace de grève et, enfin, en cas de blocage dans la négociation de ces accords, la fixation par décret des règles d'organisation et de déroulement de la négociation. Je ne vois pas où est l'usine à gaz. Au demeurant, qu'avez-vous contre les usines à gaz ? Elles sont fort sympathiques ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Le plus extraordinaire est que ces deux amendements nous demandent de supprimer l'article 2, alors que l'amendement suivant prévoit un dispositif quasi identique au texte, reprenant les mêmes termes d'accord préalable et d'obligation de négociation – même si, cela ne m'a pas échappé, il y a des nuances… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Vous qualifiez le dispositif gouvernemental d'usine à gaz, mais vous le considérez excellent puisqu'il est finalement récupéré dans votre amendement suivant.
C'est la preuve que le débat sur l'article 2, qui dure depuis maintenant trois quarts d'heure, est factice, l'opposition n'ayant rien d'autre à faire que de s'opposer à un système raisonnable, réaliste et qui fera avancer la vie collective. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le ministre, vous faites semblant de ne pas comprendre, mais le compte rendu de nos débats en fera foi : je n'ai pas cité le système allemand comme étant le système de référence.
Au coeur de l'Europe, il y a un pays où, au cours des derniers jours de juillet, les gens sont allés en vacances grâce à des trains qui sont partis à l'heure – dont des trains supplémentaires –, des agents du service public, mais aussi des entreprises privées qui ont été au rendez-vous et grâce auxquels tout s'est passé d'une manière remarquable. Ce pays,…
…c'est la France – et sans la législation que vous voulez faire passer avec ce projet de loi.
Vous nous avez raconté que cela se passait mieux ailleurs. Pour ma part, j'ai voulu rappeler que, selon certaines dépêches, un autre pays avec un autre système en est arrivé à un blocage total, avec des trains qui ne circulent pas. C'est tout ce que j'ai voulu dire, et il me paraissait utile de le préciser dans notre débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le rapporteur, vous avez oublié de donner quelques éléments de réponse importants.
Si les phrases sur le dialogue social peuvent être chatoyantes, encore faut-il les lire jusqu'au bout et peser les mots ! Vous êtes exactement dans la même logique – notamment dans l'alinéa 2 de l'article – que celle introduite par la loi Fillon de 2004, car vous avez bouleversé la hiérarchie des normes. À partir de là, ce que vous appelez un accord-cadre, qui est un accord d'entreprise, peut être dérogatoire aux accords de branche, même s'il est moins favorable. Vous et moi utilisons probablement les mêmes mots, mais pas dans le même ordre ; nous ne pensons donc pas la même chose et le résultat n'est pas le même.
Tant que nous ne changerons pas ce qu'a mis en place la loi Fillon de 2004 sur cette hiérarchie des normes, tant que nous ne reviendrons pas aux dispositions antérieures qui formaient un socle dans le code du travail – à savoir que les accords plus favorables s'appliquaient à la place des accords moins favorables –, cet article ne sera que du bavardage : le mot « négociation » aura beau être utilisé plusieurs fois dans la même phrase, de négociation il n'y en aura pas ! Car même si un accord de branche adopté par les partenaires sociaux est plus favorable que des accords-cadres, ce sont les accords-cadres qui s'appliqueront, et cela vous avez omis de le dire.
Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :
Suite de la discussion du projet de loi, n° 101, adopté par le Sénat, après déclaration d'urgence, sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs :
Rapport, n° 107, de M. Jacques Kossowski, au nom de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton