Cet article soulève plusieurs difficultés, dont l'une des plus importantes a trait à la constitutionnalité du dispositif proposé. Comme nous l'avons dit depuis le départ, la démarche du législateur en la matière a consisté jusqu'à présent à tenter de concilier deux principes constitutionnels : le droit de grève d'une part, la continuité des services publics d'autre part. La législation actuelle constitue donc un compromis, dont témoignent les dispositions spécifiques de la loi de 1963 relatives au préavis de grève dans les entreprises de transport : les organisations syndicales qui déposent un préavis doivent respecter un délai de cinq jours avant le début de la grève, ce délai devant être mis à profit pour la négociation
Au prétexte d'un renforcement du dialogue social, vous voulez aujourd'hui imposer une phase de négociation préalable au dépôt du préavis de grève, ce qui va avoir pour conséquence de faire passer le délai actuel de cinq jours à seize ou dix-sept jours. Or les entreprises concernées ne sont pas de celles qui ignorent le dialogue social : la négociation, formalisée par une série de rendez-vous annuels, y est au contraire la règle. Si l'entreprise et les organisations syndicales ne sont pas parvenues à trouver un accord, il est logique que la crispation très forte accompagnant le constat de cet échec aboutisse à un mouvement de grève, qui constitue un droit constitutionnel. Le Conseil constitutionnel sera amené à se demander si l'équilibre qu'il a lui-même institué dans notre droit positif n'est pas rompu par cet allongement inconsidéré des délais et si celui-ci ne porte pas atteinte à l'exercice du droit de grève, garanti par la Constitution. Nous considérons pour notre part qu'il y a là un profond déséquilibre et que deux principes constitutionnels d'égale valeur ne sont plus respectés de la même façon.
C'est là votre choix, un choix qui ne s'exprime d'ailleurs pas toujours avec la prudence dont sait faire preuve M. le ministre, mais parfois d'une manière un peu débridée, comme lorsque le porte-parole du Gouvernement a déclaré, hier, qu'il faudrait infliger des pénalités financières aux salariés grévistes, ce qui l'a contraint à un rectificatif dans l'après-midi ! Comme l'a fort bien dit un journaliste dans une tribune libre de Libération, ce texte n'a rien à voir avec la défense du service minimum, mais vise avant tout à dissuader les salariés d'exercer le droit de grève,…