Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion générale a permis d'évoquer l'environnement de ce texte et sa portée réelle, au-delà de l'affichage politique qui en a été fait avant, pendant et après la campagne présidentielle. C'est pourquoi, alors que s'engage l'examen de l'article 1er, je souhaite intervenir sur trois points.
J'évoquerai d'abord les principes constitutionnels, dont les services de transports terrestres réguliers de voyageurs devraient permettre la mise en oeuvre. Les auditions menées par notre commission spéciale, ainsi que nos échanges dans cet hémicycle, ont clairement montré que les difficultés rencontrées pour assurer la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs tiennent pour l'essentiel à la vétusté des infrastructures et, parfois, des matériels, à la saturation des réseaux, à l'insuffisance des moyens humains mis en oeuvre.
Pour garantir les principes énoncés à l'article 1er, une première exigence s'impose donc : améliorer à la fois les conditions de transport des usagers et les conditions de travail des salariés du transport. Cela passe par une politique volontariste de l'État, menée en partenariat avec les autorités organisatrices de transport ; une politique dotée de moyens financiers importants, seuls à même de permettre l'entretien et le développement des infrastructures, le maintien à niveau et la modernisation des matériels, la garantie et, lorsque cela est nécessaire, la création d'emplois qualifiés et pérennes.
Mais telle n'est manifestement pas votre intention, puisque vous n'avez eu de cesse, tout au long de ces dernières années, de remettre en cause les moyens affectés par l'État à cette action publique essentielle : quand il faudrait 500 millions d'euros par an pour l'entretien du réseau ferré, on en annonce 100 ; quand il faudrait investir plusieurs milliards pour le développement des transports en commun en site propre dans les grandes agglomérations, l'État se retire purement et simplement ; et je ne parle pas de la cagnotte d'environ 40 milliards – évoquée par notre collègue François Brottes lorsqu'il a défendu la motion de renvoi en commission – cagnotte à laquelle vous avez renoncé en privatisant les autoroutes, pour encaisser trois fois moins, mais en une seule fois, alors que ces fonds auraient pu servir au développement du service public de transport terrestre régulier de personnes. Là encore, il n'y aura donc pas de rupture !
C'est grand dommage, parce que cela aurait pu donner une certaine crédibilité à votre projet sur le dialogue social, autre obligation générale qui s'impose si nous voulons vraiment mener le changement en profondeur et dans la durée dont notre pays a besoin. Mais là encore, pas de rupture ! Quand bien même le droit pour tout homme à défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale, en adhérant au syndicat de son choix, figure dans le préambule de la Constitution de 1946, repris dans le préambule de celle de 1958, rien dans votre texte n'incite à la reconnaissance du fait syndical.
C'est une autre carence importante de votre projet, tant il est vrai que les démocraties les plus avancées en Europe, celles qui connaissent le moins de conflits sociaux, ont su développer un dialogue social permanent et efficace avec un syndicalisme fort, capable de s'impliquer pleinement dans la réforme de la société du travail et hors du travail, un syndicalisme professionnel et interprofessionnel capable de transcender les corporatismes pour faire prévaloir le bien commun.
Prôner, comme vous le faites, monsieur le ministre, le renforcement du dialogue social sans affirmer la moindre ambition politique de dépasser les difficultés rencontrées dans les transports, où se côtoient les réalités économiques et sociales les plus diverses, pour y favoriser l'exercice d'une pratique syndicale, traduit à tout le moins une méconnaissance de ce secteur d'activité, et laisse à penser que le souci que vous affichez là n'est qu'un argument de vente de votre projet.
Enfin, la spécificité du service public, notamment en matière de transport quotidien de voyageurs, doit nous amener à rechercher, à partir d'un diagnostic partagé, la meilleure adéquation entre les besoins exprimés par les citoyens usagers dans leur diversité, les conditions de vie et de travail des salariés du secteur et les contraintes économiques et de gestion des entreprises comme des autorités organisatrices.
Il y a là tout un champ d'action, qui n'est qu'esquissé dans votre texte, et qui ne va pas assez loin pour espérer aboutir à de nouvelles formes d'organisation et à une amélioration durable du service public.