Or, monsieur le ministre, vous n'êtes pas en mesure de nous fournir la première mouture de ce texte. Le chantage au décret n'est pas une façon de conduire le dialogue social. Si vos conditions ne sont pas acceptées, vous les imposez. C'est tout le contraire d'un véritable dialogue social.
Aujourd'hui, il pourrait y avoir un véritable dialogue social. La loi prévoit en effet expressément que le préavis de cinq jours doit être mis à profit pour engager des négociations entre les salariés, leurs organisations syndicales et le patronat. Mais ce délai n'est pratiquement jamais utilisé pour engager la véritable négociation.
Dans ces conditions, vous parlez de mettre en place une période pendant laquelle les organisations syndicales et les salariés devront expliquer pourquoi ils envisagent de faire grève. Mais le dialogue existe déjà dans les entreprises, et n'importe quel patron un peu vigilant détecte un début de malaise social qui nécessite une discussion – même informelle –, à supposer qu'il le désire.
Je suis conscient que les grèves gênent les usagers, mais soyez bien persuadés que les salariés ne se mettent jamais en grève de gaieté de coeur. Car ce sont eux les premiers touchés. Contrairement à ce que vous affirmez, les journées de grève ne sont pas payées, et ne pas toucher la paye représente, pour des familles dont les ressources sont souvent faibles, une vraie difficulté, voire un péril pour leur équilibre.
Voilà qui devrait vous interpeller, messieurs qui avez toujours à la bouche la charité et la compassion ! Sachez qu'on ne se bat jamais ni pour la charité ni pour la compassion, mais pour la justice. Quand les ouvriers et les salariés se mettent en grève, c'est parce qu'ils réclament plus de justice dans leurs conditions de travail ou leur salaire.
Nous vous demandons donc, monsieur le ministre, de retirer ce délai supplémentaire qui portera le préavis, non plus à cinq jours, mais à seize – soit huit plus cinq plus trois. C'est beaucoup trop long car, quand la volonté de négocier est véritablement là, cinq jours suffisent pour résoudre un conflit.
J'ai vécu plusieurs grèves à Clermont-Ferrand, dans le quartier de Montferrand, en particulier, où se trouvent les usines Michelin, Je me souviens notamment des grandes grèves de 1949, qui durèrent des mois, car le patron ne voulait pas entendre raison. J'étais en primaire à l'époque, et l'on devait apporter un sou à l'école pour que la soupe populaire puisse être servie sur la place voisine.
Lorsqu'on a vécu cela, mes chers collègues, on ne peut pas insulter les salariés en disant qu'ils font grève juste parce qu'ils en ont envie. Non : ils font grève parce que c'est l'ultime arme dont ils disposent pour faire valoir leurs revendications ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)