L'article 2 pose le principe d'une négociation obligatoire dans les entreprises de transport, qui doit aboutir à la signature d'un accord-cadre avant le 1er janvier 2008. Cet accord-cadre prévoit une procédure de prévention des conflits consistant en une négociation préalable organisée avant le dépôt d'un préavis de grève et censée limiter les risques de grève.
Plusieurs remarques s'imposent au sujet de ces dispositions. En ce qui concerne les délais, la procédure de prévention des conflits par la négociation prévoit deux périodes de préavis successives ayant en réalité le même objet. La première période concerne les motifs pour lesquels une organisation syndicale envisage de déposer un préavis. La seconde concerne le délai de préavis de cinq jours avant le déclenchement de la grève – un délai déjà prévu par l'article L.521-3 du code du travail.
Vous avez reconnu, lors des auditions de la commission spéciale, que l'obligation de négociation pendant la période de préavis n'était pas respectée. Dès lors, en quoi la procédure bureaucratique que vous introduisez améliorera-t-elle la qualité du dialogue social ? Avec cette procédure, les salariés devront attendre treize jours avant de se mettre en grève : huit au titre du « préavis d'intention de grève » et cinq au titre du préavis de grève, conformément à l'article L.521-3. Cette procédure constitue un obstacle caractérisé au droit de grève ! Loin de favoriser le dialogue social, l'allongement des délais risque de créer une ambiance délétère pendant de longues périodes, sans pour autant diminuer le nombre de conflits. L'objectif poursuivi est en fait de profiter du délai précédant la survenue du conflit pour dissuader les salariés de faire grève.
Il est évident que l'allongement de la durée du préavis ne favorisera pas l'engagement de négociations, puisque 55 % des entreprises s'affranchissent d'ores et déjà de la négociation annuelle obligatoire prévue par l'article L.132-27 du code du travail – preuve que les questions de salaires, de contrats de travail et de conditions de travail ne sont pas au coeur de leurs préoccupations, alors que ces questions sont souvent à l'origine de la mobilisation des salariés ! Pour mémoire, c'est l'employeur qui est tenu d'engager tous les ans cette négociation portant notamment sur les salaires effectifs, la durée effective du travail et l'organisation du temps de travail, ainsi que sur les objectifs en matière d'égalité professionnelle. Cette négociation annuelle est également l'occasion d'un examen de l'évolution de l'emploi dans l'entreprise, notamment du nombre de CDD, de missions de travail temporaire, de journées de travail effectuées par les intéressés, ainsi que des prévisions annuelles ou pluriannuelles d'emploi pour l'entreprise. Enfin, cette négociation peut également porter sur la formation ou la réduction du temps de travail.
Ces négociations qui devraient être la norme dans toutes les entreprises seraient particulièrement utiles au sein des entreprises de transport, quand on sait les conditions de travail qui y règnent. L'intérim y a progressé de 15 % en 2006 – après 9 % les deux années précédentes – et le temps partiel y atteint 33,6 %. Quant à la sous-traitance, elle enregistre en 2006 une croissance de 56 % dans les transports urbains et routiers de voyageurs et de 8,5 % à la SNCF.
Par ailleurs, l'obligation de conclure des accords de prévention des conflits avant le 1er janvier 2008 nous paraît franchement irréaliste compte tenu de la brièveté des délais. Les organisations syndicales auditionnées se sont même demandé si le Gouvernement et sa majorité avaient une quelconque idée de la réalité des négociations dans les branches et dans les entreprises !
Au vu de tous ces éléments, comment ne pas nourrir de sérieux doutes sur les prétendus effets bénéfiques de cette loi sur le dialogue social et sur la sincérité de l'objectif affiché ? Comment ne pas voir que les enjeux sont ailleurs et consistent avant tout dans la mise à mal du droit de grève ?