La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, ma question s'adressait à Mme Lagarde mais elle est certainement déjà en chemin pour le FMI. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Après avoir étranglé le pouvoir d'achat des Français et augmenté le chômage, elle va maintenant passer à l'essoreuse les peuples grecs, portugais, espagnols, italiens. À quand notre tour ? Seule une catégorie lui voue une reconnaissance infinie : les actionnaires.
Mme Lagarde a déclaré hier que le pouvoir d'achat des Français avait augmenté. Monsieur le Premier ministre, vous faites certainement vos courses, parfois. Vous savez donc qu'en dix ans, alors que les salaires ont augmenté, en valeur nominale, de 20 %, le prix de la baguette a progressé, quant à lui, de 85 %, celui du steak haché de 102 %, et celui du paquet de spaghettis de 182 %. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Chers collègues de droite, votre idole, Nicolas Sarkozy, a essayé de trouver un contre-feu en inventant la prime de 1 000 euros, dont quasiment personne ne bénéficiera. Ce n'est pas de prime ici qu'il s'agit mais de droit pour les Françaises et les Français, le droit de faire vivre leurs familles dignement, avec des salaires qui correspondent à l'effort réalisé au travail.
Ma question est simple, monsieur le Premier ministre : qu'allez-vous faire pour que les Français puissent satisfaire les besoins de leur famille ? Allez-vous augmenter le pouvoir d'achat en prenant sur les dividendes que vous laissez distribuer généreusement aux privilégiés ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Monsieur le député, que faisons-nous pour le pouvoir d'achat ? (« Rien ! » sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
D'abord, nous ramenons vers l'emploi ceux qui en étaient éloignés. Et, vous le savez, avoir une fiche de paie, c'est toujours mieux qu'un bulletin d'allocations.
Nous permettons ensuite aux 7 millions de Français qui effectuent des heures supplémentaires – et ceux-ci seront certainement davantage d'accord avec nous qu'avec vous – et qui ne prennent le travail de personne, de gagner cent euros de plus par mois en travaillant deux heures de plus par semaine.
Faites le calcul, à la fin de l'année, cela représente une somme importante.
Nous avons également développé l'intéressement et la participation, permettant ainsi de débloquer 1,8 milliard d'euros supplémentaires et d'améliorer le pouvoir d'achat des Français.
Nous avons par ailleurs augmenté de 25 % le minimum vieillesse pendant la durée de ce quinquennat. Et c'est encore nous qui avons fait progresser les pensions de réversion pour les plus modestes et l'allocation adulte handicapé.
Vous le voyez, les réponses en termes de pouvoir d'achat ne sont pas dans des déclarations intempestives : elles sont dans la réalité de l'action du Gouvernement.
Dans l'inventaire à la Jean-Pierre Brard que vous venez de faire, pourquoi n'avez-vous pas rappelé, monsieur le député, que, dans la région Île-de-France, les impôts locaux ont augmenté de 46 % au cours de la précédente mandature ? Voilà la réalité d'une gestion socialiste et communiste ! Je rappellerai encore que, lorsque vous étiez maire, la taxe d'habitation dans votre ville a progressé de 20 % et la taxe professionnelle de 30 %. Si vous vouliez être cohérent, il ne fallait pas augmenter les impôts. Vous auriez ainsi préservé le pouvoir d'achat de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le secrétaire d'État aux transports, je reviens sur une question qui a été abordée hier mais qui demeure d'une grande actualité, à savoir le nuage de cendres provenant d'un volcan islandais.
En effet, ce nuage s'est déplacé hier vers le nord de la Grande-Bretagne, provoquant l'annulation d'un certain nombre de vols. Aujourd'hui, c'est l'Allemagne qui est touchée avec pour conséquence la fermeture de plusieurs aéroports dont celui de Hambourg. On annonce que ce nuage pourrait arriver au nord de la France à partir de demain.
Dans le même temps, on apprend que l'activité du volcan serait en baisse de régime, information de nature à nous rassurer.
Face à l'importance de ce phénomène qui pourrait avoir des conséquences dramatiques si le scénario de 2010 se répétait, et face à ces informations contradictoires, pourriez-vous faire le point devant la représentation nationale sur les données réelles de cette affaire à l'heure où nous parlons et sur l'impact que pourrait avoir ce phénomène sur le trafic aérien en France ?
Par ailleurs, déjà lors de l'épisode volcanique de 2010, le groupe Nouveau Centre avait demandé une plus grande concertation et une plus grande coordination européenne.
Monsieur le secrétaire d'État, ce dialogue est-il prévu cette année dans le cadre de la gestion des conséquences de la présente éruption volcanique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Thierry Mariani, secrétaire d'État chargé des transports.
Monsieur le député, le volcan islandais que vous évoquez est entré en éruption samedi dernier. Son activité semble se réduire et, depuis cette nuit, il n'a pas connu d'activité, son panache de fumée commençant d'ailleurs à disparaître.
Jusqu'à présent, les cendres projetées dans l'atmosphère se sont déplacées suivant des vents qui ont très largement contourné la France. Comme Nathalie Kosciusko-Morizet l'a souligné hier, les prévisions pour les jours à venir dans l'espace aérien français sont très optimistes.
Vous pouvez l'être en effet et ceux de nos concitoyens qui ont prévu des voyages n'ont aucune raison particulière de les annuler.
Les cendres volcaniques devraient toucher notre territoire de manière très marginale et dans des concentrations très faibles. En l'état actuel des informations, aucune mesure de fermeture de l'espace aérien français n'est envisagée. Les services de l'État – notamment ceux de l'aviation civile et de la météorologie – sont pleinement mobilisés et suivent heure par heure l'évolution de la situation.
Enfin, monsieur le député, vous souhaitez savoir si, depuis la dernière crise, la coopération européenne a progressé. La réponse est catégorique : oui. Sachez qu'en avril dernier, il y a donc quelques semaines, un exercice au niveau européen a été organisé pour parer à une nouvelle crise. Les bénéfices de cet exercice se font sentir aujourd'hui : meilleure coordination entre les autorités aériennes et, vous pouvez le constater, meilleure information non seulement des compagnies aériennes mais aussi des passagers.
La parole est à Mme Annick Girardin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Madame la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, le 3 novembre 2009, je soulignais dans cet hémicycle le manque d'ambition de la politique maritime de la France et réclamais la mise en place d'une véritable stratégie dans ce domaine. Depuis, et malgré le Grenelle de la mer et le Livre bleu, les acteurs économiques de ce secteur sont toujours en attente d'une « dynamique mer », d'autant que, grâce à ses collectivités d'outre-mer, notre pays dispose du deuxième domaine maritime mondial.
Je le réaffirme aujourd'hui : la mer fournira à notre pays l'opportunité de se forger un grand destin économique, énergétique et scientifique. Aussi la France doit-elle impérativement se donner les moyens de relever ce grand défi du XXIe siècle.
Or, au-delà des discours, nous n'avons pas constaté sur le terrain la traduction concrète d'une volonté de développer, d'exploiter et de valoriser l'ensemble des ressources liées à la mer. On ne sent pas le vrai défi que d'autres pays beaucoup plus actifs ont déjà commencé à relever. La France, en ce domaine, prend un retard considérable et les porteurs de projets se tournent déjà vers d'autres pays plus entreprenants.
Il est donc urgent d'agir, d'autant que certains territoires ultramarins sont en grande difficulté, à l'image de Saint-Pierre-et-Miquelon qui traverse une crise économique profonde et qui, pour retrouver une perspective économique viable, a besoin, avant tout, d'un bilan de ses atouts et d'un véritable inventaire de ses richesses maritimes.
Je ne vous parle pas uniquement de pêche traditionnelle, mais aussi de bactéries marines, de plancton, d'algues ou encore d'aquaculture et d'énergie marine. Tous ces domaines de recherche sont complémentaires et contribueraient à une solution globale, intégrée dans un processus de redémarrage économique pour l'archipel.
Saint-Pierre-et-Miquelon et l'ensemble des collectivités d'outre-mer doivent constituer des pôles de recherche, d'expérimentation et de développement des technologies qui participeront à la construction de l'avenir énergétique et économique de notre pays.
Madame la ministre, un pas important sépare le statut de détenteur du deuxième domaine maritime du monde et celui de deuxième puissance maritime mondiale. Votre gouvernement a-t-il l'ambition nécessaire pour franchir ce pas ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Madame la députée, la politique maritime constitue l'un des grands défis du XXIe siècle. La France est une grande nation maritime qui s'ignore, avec le deuxième espace marin du monde, notamment grâce à ses collectivités d'outre-mer, et avec certains des plus beaux fleurons de l'industrie maritime mondiale en matière de nautisme, de construction navale, de transports mais aussi d'énergies marines renouvelables.
Le Grenelle de la mer, vous l'avez rappelé, a permis une prise de conscience, une mobilisation de tous les acteurs. Le discours du Président de la République au Havre, le 16 juillet 2009 a tracé les grands axes stratégiques de cette politique maritime. Il s'agit d'une politique intégrée qui recouvre à la fois la surveillance de la qualité des eaux rejetées dans la mer, le développement industriel de la protection du littoral et, bien sûr, l'exploration des fonds marins.
La mer doit d'abord créer des emplois. Ainsi, un appel d'offres sur l'éolien offshore sera lancé par le Premier ministre dans les semaines à venir. On doit aussi compter les autoroutes de la mer, les efforts pour la construction navale. Nous investissons également dans la formation et la recherche avec la création de l'École nationale supérieure maritime où l'on réfléchit au navire du futur, aux énergies renouvelables marines. Ajoutons enfin la protection et la valorisation du patrimoine avec la création de six parcs marins dont deux en outre-mer d'ici à la fin 2012.
Cette politique s'applique partout, notamment outre mer. J'ai lancé une campagne d'exploration des fonds marins des eaux de Wallis-et-Futuna. Je vous annonce qu'une telle campagne sera également menée dans les eaux de Saint-Pierre-et-Miquelon. Nous commencerons dès l'année prochaine en établissant un inventaire, en définissant une délimitation et en dessinant une cartographie du plateau continental.
La mer crée d'ores et déjà des emplois et nous nous organisons pour qu'elle en crée toujours davantage. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Nicole Ameline, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.
Dans le monde d'aujourd'hui, difficile et dangereux, la réactivité du Président de la République n'est plus à démontrer, et le sommet du G8 qui va s'ouvrir demain à Deauville en sera une illustration supplémentaire.
Nouveau monde, nouvelles réponses. C'est sous ce vocable que s'ouvre en effet ce sommet, qui, selon la volonté de la France, se focalisera sur les questions essentielles qui appellent des réponses précises, concrètes et nettes de la part de la communauté internationale.
Nous avons plus que jamais besoin de cet ordre mondial. À cet égard, je dois dire que l'annonce de la candidature de Christine Lagarde à la direction générale du FMI, soutenue par une grande partie des plus grands contributeurs du Fonds, et particulièrement en Europe, est une excellente nouvelle. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
L'agenda de Deauville sera donc un agenda très lourd, à l'image du monde que nous connaissons, qui est en pleine mutation. Qu'il s'agisse de la lutte contre le terrorisme, du renforcement de la sécurité nucléaire, de la consolidation des économies occidentales, ou encore des grands rendez-vous économiques, avec le cycle de Doha, ou climatiques, avec la conférence de Durban, toutes ces questions appellent aujourd'hui des réponses collectives.
Mais plus encore, monsieur le ministre, je voudrais vous interroger sur deux points particuliers. Le premier concerne l'accompagnement, si l'on peut dire, du printemps arabe, et l'élargissement de ce sommet à nos partenaires africains. Le second est la séquence très innovante, voulue par le Président de la République, sur internet, avec ce qui s'est passé à Paris depuis deux jours dans le cadre du e-G8.
Quelles perspectives, monsieur le ministre, voulez-vous ouvrir avec nos partenaires du Sud ? Quelles ambitions vous fixez-vous, et comment comptez-vous articuler ce G8 avec le prochain G20 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.
Madame la députée, comme vous l'avez dit, l'agenda du G8 qui se réunira demain et après-demain à Deauville sera particulièrement chargé. En deux minutes, ma réponse ne sera donc pas exhaustive.
Le Président de la République a d'abord voulu en faire le sommet des libertés et de la démocratie. C'est la raison pour laquelle nous y inviterons des représentants du printemps arabe, tout particulièrement l'Égypte et la Tunisie, avec un objectif précis : convaincre nos partenaires de lancer des plans d'action ambitieux, de façon à accompagner sur le plan économique la transition politique qui est en train de se mettre en place dans ces pays.
L'Afrique, deuxième point, sera également très présente. Seront invités trois chefs d'État de trois pays dans lesquels les élections se sont déroulées de manière exemplaire. Je veux parler de la Côte d'Ivoire, du Niger et de la Guinée.
Troisième sujet, notre solidarité vis-à-vis du Japon, et le lancement d'un travail sur le plus haut degré possible de sécurité nucléaire. Cela sera complété par d'autres réunions, tenues à l'initiative de l'Agence internationale de l'énergie atomique, notamment.
Quatrième sujet, l'ensemble des grandes crises internationales – la Syrie, la Libye, le Proche-Orient – et des grands enjeux, comme le changement climatique et la croissance verte.
Et je voudrais tout particulièrement insister, comme vous m'y avez invité, sur cette innovation qu'a été l'inscription à l'ordre du jour du G8 d'internet et de ses potentialités. La réunion dite e-G8, hier, a été un très grand succès. Elle a attirée à Paris tous les responsables mondiaux du secteur. Et le message que nous voulons envoyer est un message d'équilibre. Internet, c'est une chance extraordinaire de liberté pour l'ensemble des peuples de la planète. Et comme tout espace de liberté, il mérite d'être régulé.
Enfin, je voudrais terminer par un petit témoignage. J'assistais, à midi, au déjeuner offert par le Président de la République au Premier ministre japonais. Quand on a parlé du G8 – sans trahir aucun secret diplomatique –, le Premier ministre japonais a dit au Président : « Au moins, on sait qu'avec vous, au G8, sous votre présidence, il se passera des choses. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le ministre de la culture et de la communication, et j'y associe Jacqueline Maquet, députée d'Arras.
Le 13 mai 1791, au terme d'un débat qui dure depuis deux jours et qui se construit autour de la question de l'égalité civile des hommes libres de couleur dans les colonies françaises, un député prend la parole : « Périssent les colonies ! Oui, périssent les colonies s'il doit vous en coûter votre honneur, votre gloire, votre liberté ! Je déclare, au nom de l'Assemblée, au nom de ceux des membres de cette Assemblée qui ne veulent pas renverser la Constitution, je déclare, au nom de la Nation entière qui veut être libre, que nous ne sacrifierons pas aux députés des colonies, que nous ne leur sacrifierons ni la Nation, ni les colonies, ni l'humanité tout entière. »
Cet homme, député de la première assemblée constituante de l'histoire de France, membre de la Société des Amis des Noirs, mène un combat abolitionniste qui sera enfin couronné de succès le 4 février 1794, lorsque la Convention décrète la fin de l'esclavage.
Cet homme s'appelle Maximilien Robespierre. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il serait dommage qu'en cette année de célébration de la France d'outre-mer, notre pays laisse vendre au meilleur offrant les discours de celui qui désira faire de tous les hommes des citoyens libres. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)
Laisser partir les manuscrits de l'Incorruptible, qui fut un fervent défenseur de la cause des esclaves opprimés, constituerait une grave faute politique, une erreur historique. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Il y a 220 ans, à la tribune de l'Assemblée, ce député défendait l'égalité des hommes libres de couleur au risque de perdre les colonies.
Monsieur le ministre, la mobilisation autour de ce sujet est importante. Énumérer tous les acteurs serait trop long. Vous savez que la préemption n'est qu'une première étape. Si cette mobilisation n'aboutissait pas totalement, vous engagez-vous à apporter la somme manquante pour conserver ces manuscrits dans notre patrimoine national ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.
Madame la députée, quel que soit le jugement que l'on peut porter su r la personnalité et l'action de Robespierre, il appartient fondamentalement à notre histoire et à l'histoire de la Révolution dont nous sommes les héritiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Quel que soit le jugement que l'on peut porter sur lui, il est donc évident qu'il convient de garder en France les manuscrits qu'il a rédigés de sa propre main, qui sont parfaitement lisibles, et qui, s'ils n'ont pas tous un intérêt scientifique évident, ont cependant un caractère très intéressant, dans la mesure où ils éclairent la personnalité complexe du personnage.
Dès que ces manuscrits ont été mis en vente, nous avons procédé à un premier achat-préemption, qui a été confirmé, et nous avons préempté la deuxième série d'achats. Je relève cependant que l'émotion considérable, quelquefois un peu trop accentuée, a eu pour résultat de faire monter considérablement le prix des enchères, alors que l'on sait que, tant que je serai ministre de la culture et de la communication, j'achèterai, à chaque fois que ce sera possible, ce genre de documents, essentiels à la connaissance de notre patrimoine. Le résultat, c'est que cela nous aura coûté au moins 300 000 euros de plus.
Cependant, nous sommes en train de constituer le tour de table qui va nous permettre de confirmer cette préemption auprès des organismes des enchères.
Une souscription nationale a été lancée. J'espère bien, aussi, que les assemblées, dont celle-ci, participeront à l'opération, et que la ville d'Arras se souviendra de l'Incorruptible. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean-Jacques Guillet, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, la première des préoccupations du Président de la République, du Gouvernement et de la majorité qui le soutient, c'est l'emploi. Nous avons appris une bonne nouvelle ce matin : le chômage a reculé en avril pour le quatrième mois consécutif.
Cela ne se voit pas ! Venez en Seine-Saint-Denis quand vous le voulez pour le vérifier.
Ce recul se conjugue avec une amélioration de l'emploi des jeunes, des cadres, et un accroissement des heures supplémentaires.
Cela confirme la statistique de 1 % de croissance en France au premier trimestre de 2011, fait remarquable qui n'était pas survenu depuis près de cinq ans.
Monsieur le ministre, cette bonne nouvelle confirme-t-elle un tournant, le signe d'une reprise que nous espérons tous ? Pouvez-vous nous confirmer cette tendance ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le chômage a reculé au mois d'avril pour le quatrième mois consécutif. Nous n'avions pas connu une telle situation depuis la période s'étendant de décembre 2007 à mars 2008 ; c'est une bonne nouvelle pour les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous nous apercevons également que le chômage des jeunes continue de reculer. Pas assez vite à mon goût, mais nous allons proposer au vote de l'Assemblée une proposition de loi de Gérard Cherpion, que nous soutiendrons avec Nadine Morano, afin d'aller plus loin en matière d'apprentissage, et de permettre aux jeunes de trouver leur place dans l'entreprise par ce moyen.
Les mesures décidées par le Président de la République et le Premier ministre, à hauteur de 500 millions d'euros, vont permettre des entrées en formation et la mise en place de contrats aidés, parce qu'il est toujours préférable d'avoir un contrat de travail plutôt qu'une allocation. Néanmoins ces mesures ne s'appliquent pas encore complètement.
Nous voulons aussi mettre en place une nouvelle politique de l'emploi, au plus près du terrain. Demain, j'aurai l'occasion de travailler avec l'ensemble des sous-préfets de France pour étudier, bassin d'emploi par bassin d'emploi, la logique des métiers, afin de permettre plus rapidement l'occupation de centaines de milliers d'emplois que les entreprises auront de graves difficultés à pourvoir si l'on ne fait rien.
Toutes ces mesures vont s'appliquer, ce qui nous permettra d'accentuer le recul du chômage. Nos priorités sont l'emploi des jeunes et le retour vers l'emploi de ceux qui en sont éloignés depuis longtemps. Les chiffres de la croissance que nous connaissons, bien supérieurs aux prévisions, nous permettent de penser qu'une sortie de crise se dessine, perceptible dans chacun de nos départements. C'est une excellente nouvelle pour l'économie française et pour les Français. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s'adressait initialement au ministre de l'agriculture, mais je vais la poser à la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Depuis plusieurs semaines, le ministre de l'agriculture a répondu à de nombreuses questions sur les difficultés supplémentaires que la sécheresse cause à nos éleveurs. Si cette situation rappelle combien la production agricole est soumise aux éléments naturels, elle est aussi révélatrice de l'exigence de faire évoluer notre agriculture. Votre gouvernement s'est engagé sur quelques actions de soutien pour assurer le service minimum. Qu'en sera-t-il vraiment ?
D'autres productions touchées par les aléas climatiques sont aujourd'hui oubliées. Ainsi, de violents orages de grêle ont provoqué d'importants dégâts dans les cultures fruitières dans le Sud-Ouest, et dans les vignes de l'Aude et du Bordelais. Il n'en est pas question, puisque ces catastrophes ont été exclues depuis le 1er janvier 2011 des indemnisations du fonds national de gestion des risques en agriculture. À l'assurance récolte de prendre le relais.
Le ministre de l'agriculture ne manque pas une occasion de vanter les mérites de cette assurance récolte. Pourtant, en livrant nos agriculteurs et viticulteurs à l'appétit des assureurs privés, ce système conduit à une terrible injustice puisque la grande majorité des exploitants n'a pas de revenus suffisants pour souscrire de tels contrats. Il se révèle ainsi totalement inefficace pour répondre aux conséquences des risques climatiques.
Au même titre que les éleveurs du Massif Central avec lesquels j'échange régulièrement, les viticulteurs, comme ceux de l'Aude que j'ai rencontrés récemment, demandent des mesures d'urgence. Que leur proposez-vous aujourd'hui ? Ferez-vous vraiment appel, comme cela a été affirmé, à la solidarité des banquiers et des assureurs, dont nous connaissons tous ici la grande générosité ?
Comptez-vous revoir en profondeur la gestion du risque en agriculture dans le sens de la justice sociale et de l'avenir de notre agriculture et de notre viticulture ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Mesdames et messieurs les députés, je vous prie d'abord d'excuser Bruno Le Maire, qui est actuellement en Chine pour la préparation du G20 agricole.
Monsieur Chassaigne, la sécheresse est une calamité économique et environnementale ; c'est aussi un drame humain. Lorsque j'ai réuni le comité sécheresse il y a dix jours, nous comptions vingt-huit départements frappés de restrictions. En ce moment, nous en sommes à quarante-six, et nous ne prévoyons malheureusement pas d'amélioration de la situation à court terme.
Dans le domaine agricole, de nombreuses mesures sont engagées telles que l'utilisation des jachères pour nourrir les bêtes, l'organisation de la solidarité entre les filières pour fournir de la paille et du fourrage, ou le versement anticipé de 80 % de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, soit 440 millions d'euros qui doivent permettre à notre agriculture de respirer un peu.
Les risques climatiques que vous avez évoqués sont couverts par deux dispositifs : le fonds national des calamités agricoles, qui porte maintenant un autre nom ; et l'assurance agricole. Il est inexact, monsieur André Chassaigne, de dire que l'assurance agricole est un dispositif entièrement privé. L'assurance agricole est subventionnée à plus de 65 % par l'État pour un montant de 133 millions d'euros par an.
La solidarité nationale s'exprime donc à la fois par le fonds national des calamités agricoles et par l'assurance agricole, mais pas pour les mêmes productions. Certaines ont opté plus tôt pour l'assurance agricole, par exemple les grandes cultures ou la viticulture. Ce choix s'est fait en étroite concertation avec les organisations professionnelles agricoles. Bruno Le Maire a écrit aux banques et aux organismes assurantiels pour les rappeler à leur devoir de solidarité. Pour les autres cultures, telles que les vergers, le fonds national de calamité agricole fonctionne et va être mobilisé pour évaluer et indemniser les pertes.
L'urgence est aussi de préparer l'avenir. Je présenterai donc au mois de juin le plan national d'adaptation au changement climatique. Notre agriculture doit s'y préparer, et différents dispositifs sont prévus en ce sens. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Christian Estrosi, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Monsieur le ministre, nous sommes confrontés, chaque jour, à un afflux important de clandestins tunisiens qui traversent l'Italie et franchissent la frontière à Menton- Vintimille, et ce depuis de nombreuses semaines. Je veux saluer votre détermination à tenter d'endiguer ce flot par tous les moyens de droit dont nous disposons. En même temps, vous soulevez systématiquement les problèmes auxquels nous sommes confrontés du fait des visas accordés par les autorités italiennes. Vous n'hésitez pas non plus, comme vous l'avez fait hier encore, à dénoncer un certain nombre de défaillances du dispositif Schengen.
Hier soir, 46 migrants ont été interpellés à Nice dans un foyer de travailleurs immigrés Adoma. Les travailleurs honnêtes qui ne supportent plus la pression qu'ils subissent sont les premières victimes. Ce matin, au coeur de la ville, 21 personnes supplémentaires ont été interpellées. Je veux rendre hommage à la coordination de l'action de la police nationale et municipale sous l'autorité du préfet.
Monsieur le ministre, nous ne sommes plus confrontés à une immigration clandestine de transit : il s'agit désormais d'une immigration clandestine qui s'installe. Nous constatons qu'une partie de ces clandestins – et c'est plus grave – font partie des 10 000 délinquants condamnés et évadés des prisons tunisiennes. Ils sont déjà rompus à la violence, comme en atteste l'augmentation inquiétante d'agressions et de viols commis, ces derniers jours, par ces hommes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Face à cette situation, je m'interroge sur la circulaire du garde des sceaux du 12 mai 2011. Par ailleurs, les éloignements ne se font qu'en direction de l'Italie, et non de la Tunisie. Pouvez-vous vous nous indiquer, monsieur le ministre, les mesures que vous comptez prendre ?
La parole est à M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Monsieur Estrosi, le Gouvernement est, comme vous, décidé à lutter fermement contre toutes les formes de l'immigration irrégulière, y compris contre celle venant de Tunisie. Il n'y a aucune raison d'accepter sur notre sol des personnes qui quittent la Tunisie, non pour des motifs politiques – ce serait d'ailleurs paradoxal à un moment où la Tunisie s'ouvre à une nouvelle ère de liberté et de démocratie –, mais pour des raisons strictement économiques.
Même s'ils ne sont pas très nombreux, il y a parmi ces migrants, c'est vrai, un certain nombre de ressortissants tunisiens qui se sont échappés des prisons tunisiennes lors de la Révolution, et également un certain nombre de membres de la sinistre police de Ben Ali (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC),qui ont préféré fuir la Tunisie plutôt que d'encourir des poursuites judiciaires dans leur pays.
Notre action se développe autour de trois axes.
Premier axe : reconduire tous ceux que nous interpellons et qui sont en situation irrégulière sur notre sol. Plus de 3 200 ressortissants tunisiens ont été reconduits, depuis le mois de février, soit en Tunisie, soit en Italie. Plus de 2 500 sont sous le coup d'un arrêté de reconduite à la frontière. Dans les Alpes-Maritimes, plus de 3 800 personnes ont été interpellées.
Deuxième axe : obtenir de la Tunisie que soit menée une action plus résolue pour conserver les candidats à l'immigration sur son sol. Les choses s'améliorent.
Troisième axe : obtenir de la Tunisie un concours plus actif pour réadmettre ses ressortissants. J'en ai parlé avec mon collègue tunisien, lors de ma visite dans ce pays il y a quelques jours : nous avons trouvé les moyens de gérer les difficultés rencontrées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Guy Delcourt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, samedi prochain, se tiendra dans cet hémicycle le Parlement des enfants.
Monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez déclaré dimanche sur Europe 1 : « Contrairement à ce qu'on dit, l'intégration des immigrés ne va pas si bien que cela : le quart des étrangers qui ne sont pas d'origine européenne sont au chômage, les deux tiers des échecs scolaires, c'est l'échec d'enfants d'immigrés. »
Vous avez franchi le pas du délit de faciès ! (Huées sur les bancs du groupe SRC.)
Après vos propos répétés, insistants, étudiés, vous avez osé toucher à l'intouchable : l'enfant. C'est pourquoi, en tant que président du groupe d'études sur les droits de l'enfant, j'ose, sans retenue, vous appeler « Monsieur. le ministre du Front National ». (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.) Marine Le Pen ne s'est pas trompée en vous délivrant la carte d'adhérent de prestige du FN ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Pour justifier vos propos, vous vous appuyez sur le rapport de 2010 du Haut conseil à l'intégration relatif aux défis de l'intégration à l'école. Or rien dans ce rapport ne valide vos statistiques.
Monsieur le ministre vous livrez des enfants à la haine de certains Français nationalistes et racistes. (Vives protestations sur les bancs des groupes UMP et NC.) À quand des propositions de rafles d'immigrés comme votre prédécesseur l'a fait avec les Roms ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Guéant, c'est au citoyen français que je m'adresse : ou vous apportez la preuve indiscutable de vos propos dans leur intégralité, ou vous devez être poursuivi par les associations représentatives devant la justice de la République Française ou la Cour européenne des droits de l'homme pour propos mensongers de nature à créer la discrimination et inciter à la haine raciale ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP. –Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'en profite pour dire que vous n'honorez pas le Pas-de-Calais. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Monsieur Delcourt, il y a plusieurs façons de faire de la politique. Il en est une, la vôtre, qui est de fermer les yeux pour ne pas traiter les problèmes. Il en est une autre, la nôtre, qui consiste à les ouvrir pour les reconnaître afin de pouvoir les traiter.
C'est vrai, l'intégration connaît des succès, mais elle n'a pas que des succès. Il est exact que non un quart – j'ai arrondi – mais 24 % des étrangers d'origine extracommunautaire qui se trouvent sur notre sol sont au chômage. Ce n'est pas un succès de l'intégration.
C'est vrai, et je cite les chiffres de l'INSEE, que deux tiers des enfants d'immigrés sortent de l'appareil scolaire sans diplôme. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe SRC. Facho !
Vous pouvez vous référer aux publications récentes de l'OCDE, au rapport du Haut conseil de l'intégration, vous y trouverez les mêmes chiffres.
Disant cela, je cherche non pas à stigmatiser des personnes, mais à régler les problèmes. Les enfants d'immigrés ont en effet le droit de réussir comme tous les autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Il faut qu'on en leur donne les moyens. Pourquoi dis-je qu'il faut qu'ils réussissent et qu'ils s'intègrent ? Pour les mêmes raisons qui m'amènent à dire que nous devons maîtriser les flux migratoires. Parce que nous voulons, contrairement à vous, une France qui ne soit pas celle des différences et des communautarismes. Nous voulons une France du bien-vivre ensemble. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Une France dans laquelle on se respecte. Une France fidèle aux valeurs républicaines.
Pour y parvenir, nous devons maîtriser les flux migratoires. Nous, nous ne demandons pas la régularisation de tous les clandestins, comme le parti socialiste dans son programme récent, dont il est si fier. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Nous ne demandons pas ce que je vois dans des écrits qui inspirent le parti socialiste. Les motivations avancées sont de nature à attrister. (De nombreux députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent. – Vives protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Françoise Briand, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le garde des sceaux, ce week-end dans ma circonscription de l'Essonne, plus précisément dans la ville de Viry-Châtillon, une fillette de dix ans a été enlevée, séquestrée et sauvagement violée par un sinistre individu particulièrement connu des services de police.
Plusieurs députés du groupe SRC. Guéant ! Guéant !
Cette petite a dû être opérée et se trouve toujours à l'hôpital en état de choc.
Plusieurs députés du groupe SRC. Guéant ! Guéant !
Vous pourriez m'écouter, s'il vous plaît ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Imaginez le drame que vivent ses parents et dans quel état physique et psychologique cet enfant va débuter sa vie d'adolescente puis d'adulte.
Après une cavale de quelques jours et grâce au travail exemplaire des services de police, cet homme a été fait prisonnier hier.
Cet individu, désocialisé, et qui a été interpellé près de soixante fois, a un parcours de délinquant impressionnant avec, à son actif, de nombreux vols, des violences aux personnes et une affaire d'agression sexuelle en 2009 pour laquelle il a été condamné à deux ans de prison, assortie d'une peine avec sursis et mise à l'épreuve. Il a été libéré en mars dernier.
Est-il normal que l'on puisse remettre en liberté un tel personnage sans aucun suivi d'aucune sorte ?
Cet homme avait été reconnu coupable d'agression sexuelle et de plusieurs faits avec violence. Pourquoi n'était-il pas inscrit au fichier des auteurs d'infractions sexuelles ? N'y a t-il pas eu un dysfonctionnement dans le suivi de ce prédateur ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le ministre de la justice, des mesures doivent impérativement être prises quand des crimes de la sorte interviennent. Un viol est un crime (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et, dès le premier viol, la sanction doit être lourde. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Il ne faut plus attendre que de telles horreurs se produisent pour enfermer et soigner les coupables.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir nous dire quelle est l'action du Gouvernement pour lutter contre la récidive et protéger les citoyens contre ces dangereux criminels. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur divers bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Madame la députée, en mon nom personnel et au nom du Gouvernement, je tiens à faire part à cette jeune fille, à ses parents et à ses proches des sentiments de compassion qui sont les nôtres. Nous comprenons la situation dans laquelle elle se trouve et nous souhaitons qu'elle puisse se reconstruire psychologiquement, physiquement et sortir le plus vite possible de l'hôpital.
Il est tout à fait exact que l'auteur présumé des faits a déjà été condamné. Il s'est constitué prisonnier hier et se trouve actuellement en garde à vue. Comme vous l'avez souligné, il a été condamné en 2010 pour des faits d'agression sexuelle sur une victime majeure. En revanche, il n'a jamais été condamné pour viol.
C'est la raison pour laquelle, madame la députée, il ne figure pas dans le fichier FIJAIS, le fichier judiciaire national des auteurs d'infractions sexuelles, mais nous réfléchissons sur ce point pour rendre obligatoire l'inscription de tous les auteurs d'agressions sexuelles. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Grâce à cette majorité, notre pays est doté d'un arsenal juridique de qualité pour répondre à toutes les questions que vous avez posées. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Dans quelques jours, j'aurai à ma disposition un référentiel national pour la prise en charge des prisonniers en milieu ouvert pour éviter les sorties sèches. Le texte relatif à la participation des citoyens à la justice pénale, qui vous sera prochainement soumis, comportera des mesures concrètes pour répondre à vos interrogations : d'abord, une meilleure évaluation des criminels, ceux qui auront commis les faits les plus graves devront faire l'objet d'une évaluation quant à leur dangerosité avant leur sortie. Ensuite, une saisine obligatoire des services pénitentiaires d'insertion et de probation, les SPIP, enfin, une réforme de la cour d'assises pour éviter la correctionnalisation des viols.
La parole est à M. Armand Jung, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, 1 256 personnes ont trouvé la mort sur les routes de notre pays depuis janvier 2011. Cela correspond à une hausse d'environ 12,5 % par rapport à l'an dernier, à la même époque.
Nous étions pourtant quelques-uns, ici même, sur tous les bancs, à mettre en garde le Gouvernement contre l'assouplissement du permis à points. (Vives exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Cette décision était une erreur, qui se paie cash sur les routes aujourd'hui.
Vous nous proposez maintenant des mesures incohérentes et incompréhensibles pour la plupart de nos concitoyens, s'agissant du démontage ou non des panneaux annonçant les radars ou de l'installation de radars pédagogiques.
Qui faut-il croire, entre votre ministre de l'intérieur et vous-même ? Dans un domaine aussi sensible que la sécurité routière, aucun lobby, aucune démagogie électorale ne doivent guider notre action. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. –Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Vos hésitations, vos atermoiements contribuent à affaiblir, et même à déstabiliser, la politique de sécurité routière de notre pays, qui faisait pourtant consensus entre nous. Si nous avons besoin d'une prévention accrue et d'une répression renforcée, il nous faut également réfléchir à la conception de la voiture du futur que préparent nos industriels. Nulle part, vous n'abordez cette question.
Monsieur le Premier ministre, il n'y a pas de fatalité à l'échec. Si vous ne prenez pas rapidement les mesures adéquates et cohérentes, l'objectif de moins de 3 000 morts sur les routes en 2012 ne pourra pas être atteint. Votre responsabilité politique et personnelle est immense. Je vous demande de clarifier votre démarche en matière de sécurité routière…
…pour ne pas assister à un tragique retour en arrière. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. (Huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Mes chers collègues, veuillez écouter la réponse du ministre. C'est une question grave ; nos compatriotes doivent pouvoir l'entendre dans le calme.
Monsieur le ministre, vous avez la parole.
Monsieur le député, je vais vous décevoir : contrairement à ce que vous pensez, il y a une complète identité de vue au sein du Gouvernement (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC), une complète identité de vue entre le Gouvernement et sa majorité sur les questions de sécurité routière.
Prévaut d'abord une conviction et une réaffirmation de notre détermination farouche à lutter contre l'insécurité routière. Il y a dix ans, nous déplorions 8 500 morts sur nos routes chaque année. L'année dernière, il y en a eu moins de 4 000. Nous pouvons être fiers de cette évolution.
Cependant, depuis le début de l'année, nous avons, c'est vrai, constaté une dégradation. Si nous ne réagissons pas, nous nous acheminons vers 500 à 600 morts de plus. C'est une perspective que le Gouvernement n'accepte pas. Tel est le sens des mesures qui ont été prises en CISR le 11 mai dernier.
Parmi celles-ci la décision de retirer les panneaux signalant la présence des radars fixes de contrôle de vitesse a fait débat.
Je confirme que ces panneaux seront retirés. Pourquoi ? Parce qu'ils n'ont plus d'effets préventifs. Trop de conducteurs ralentissent lorsqu'ils voient le panneau et réaccélèrent ensuite. Or les limites de vitesse doivent être respectées partout. Ils seront retirés après l'avis d'une commission locale des acteurs de la sécurité routière qui proposera des moyens d'information supplémentaires sur les vitesses à l'intention des usagers.
Ces panneaux seront retirés en même temps que seront déployés des radars pédagogiques (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) qui rappellent à l'usager la vitesse à laquelle il roule sans le sanctionner. Ces radars pédagogiques seront implantés de façon aléatoire et non systématiquement à quatre cents mètres d'un radar fixe comme aujourd'hui. Ils seront installés dans des lieux adéquats avant les radars fixes ; il y en aura aussi à d'autres endroits dangereux sans radars.
Tout cela va aller très vite, des commissions locales se réunissent dès cette semaine et les panneaux commenceront à être enlevés dès la semaine prochaine.
C'est le résultat d'un travail fructueux entre le Gouvernement et sa majorité. (Applaudissements sur divers bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Philippe Vitel, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle, entre mars 2010 et mars 2011, le nombre des jeunes demandeurs d'emploi âgés de seize à vingt-cinq ans a diminué de 6,6 %, ce qui représente 30 200 jeunes demandeurs d'emploi en moins. Toutefois, malgré ces chiffres encourageants, nombreux sont ceux qui connaissent toujours d'importantes difficultés pour s'insérer sur le marché du travail et accéder à l'autonomie.
En effet, alors que la croissance économique repart dans notre pays, les chefs d'entreprise hésitent encore à recruter. Dans ce contexte de reprise de l'activité, il est donc plus que jamais nécessaire de former davantage de jeunes qui soient directement employables à l'issue de leur formation.
Pour les chefs d'entreprise, avoir l'assurance de recruter un jeune ayant des compétences opérationnelles et une connaissance du monde de l'entreprise constitue un élément déterminant qui les incite à franchir le pas et à embaucher. C'est pourquoi le développement des formations en alternance doit être l'un des leviers majeurs pour soutenir l'emploi et, en premier lieu, l'emploi des jeunes.
Bien sûr, nous savons tous que former des jeunes en alternance demande des moyens importants, à la fois humains et financiers. Lundi dernier, M. le Premier ministre a annoncé quels étaient les premiers projets retenus dans le cadre du volet alternance du Grand emprunt. C'est un signal très positif à destination des chefs d'entreprise et des personnes qui, comme moi, croient fortement dans la formation en alternance.
Madame la ministre, pouvez-vous préciser à la représentation nationale dans quelle mesure ces premiers projets permettront d'atteindre l'objectif fixé par le Président de la République de 800 000 personnes formées en alternance, dont 600 000 apprentis, d'ici à 2015 ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Nadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle.
Monsieur le député, vous avez raison de rappeler combien le recul du nombre de demandeurs d'emploi chez les jeunes – 6,6 % de moins en un an – est encourageant. Mais il faut faire mieux et cela demande, entre autres, d'actionner le puissant levier que constitue la formation en alternance. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a décidé de consacrer 500 millions d'euros, issus du Grand emprunt, à la modernisation de son outil de formation.
Cinquante projets sont attendus après le lancement, il y a quelques mois, des appels à projets par Xavier Bertrand et moi-même. Nous voulons aussi créer 15 000 places d'hébergement supplémentaires.
Le Premier ministre a annoncé lundi les quatre premiers projets retenus. Ils bénéficieront d'une enveloppe de 19 millions d'euros destinée à moderniser près de 700 places, à en créer 800 autres et à créer 300 places d'hébergement. Il s'agit du BTEC-Biovalley d'Illkirch dans le Bas-Rhin, du Pôle méditerranéen de formation et d'hébergement d'Ajaccio, de l'AEROCAMPUS de Latresne près de Bordeaux et de la résidence pour jeunes travailleurs de Bordes, dans les Pyrénées-Atlantiques.
Comme vous le voyez, le Gouvernement n'a pas perdu de temps : il investit massivement dans son outil de formation.
Par ailleurs, nous devons signer avec les régions des contrats d'objectifs et de moyens. Là encore, l'État respectera son puissant engagement d'investir dans la formation par alternance puisque 1,7 milliard d'euros sera consacré, sur quatre ans, à la modernisation de l'apprentissage dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Pascal Deguilhem, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, voici une énième question qui vous est adressée, non pas tant que nous attendons une réponse différente de votre part, mais parce que notre ambition pour notre système éducatif – partagée, je le crois, au-delà des bancs de la gauche – ne peut se satisfaire du traitement que vous infligez à l'éducation nationale. Cette ambition n'a rien à voir avec une posture : nous voulons une école de la réussite pour tous et votre premier devoir est de redonner confiance aux élèves, aux familles, aux équipes pédagogiques et, je dirai même plus, à votre administration.
Vos calculs, adossés à une déclinaison rigoureuse de la RGPP, placent aujourd'hui notre école face à des difficultés majeures que vous ne pouvez plus continuer à ignorer.
Monsieur le ministre, nous savons tout autant que vous dans quel monde nous vivons. Nous réaffirmons que ce sont de mauvais calculs de votre part : l'échec d'une politique éducative se paie très cher a posteriori.
Il ne faut pas sacrifier un investissement d'avenir. On ne peut plus continuer comme cela. Nous vous l'avons dit hier, l'Association des maires de France vous l'a rappelé fermement pour ce qui concerne les suppressions massives de postes.
Je souhaiterais vous interroger sur la formation et le recrutement des enseignants. À moins de considérer, comme vous l'avez fait ces derniers jours, que c'est par Pôle emploi que doit s'opérer le recrutement d'enseignants forcément précaires et non formés, ce qui constituerait un aveu d'échec de votre politique, allez-vous revenir sur le recrutement et la formation des enseignants ?
La mission parlementaire consacrée à ce sujet, à laquelle je participe, a auditionné l'ensemble des acteurs concernés : l'échec de votre réforme est reconnu par tous. Ne revenez pas sur la mastérisation, qui ne constitue pas le coeur du problème. Ce qui est en cause, ce sont les conditions déplorables de travail réservées aux enseignants stagiaires, dont la situation ne devrait pas être meilleure à la rentrée. Mieux former les enseignants, en nombre suffisant, voilà notre ambition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.
Monsieur le député, devant votre assemblée, je voudrais mettre le parti socialiste devant ses contradictions. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J'ai ici un document qui apporte la preuve de votre hypocrisie et de votre double langage.
Monsieur le président, les tracts ne sont-ils pas interdits dans l'hémicycle ?
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt les propositions du parti socialiste en matière éducative.
Vous proposez une personnalisation accrue des enseignements. Mais, dans le même temps, vous vous opposez à la réforme du primaire qui prévoit justement deux heures d'aide personnalisée pour le soutien à la lecture. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Un peu de cohérence, monsieur Deguilhem !
Vous proposez un nouveau pacte éducatif entre les professeurs et la nation. Il y a deux ans, nous avons institué un nouveau pacte de carrière…
qui nous a permis, à la rentrée dernière, de revaloriser de 10 % nos enseignants en début de carrière. C'est nous qui en sommes à l'origine !
Vous proposez encore un accès renforcé à la culture. Vous oubliez que c'est l'un des piliers de la réforme du lycée en vigueur depuis le mois de septembre dernier. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous proposez une meilleure pratique sportive dans les établissements scolaires. Mais vous oubliez l'expérimentation consistant à alterner cours le matin et sport l'après-midi, mise en place à la rentrée dernière.
Monsieur Deguilhem, je vais vous dire une chose : je vous crois sincère. Vous êtes professeur d'éducation physique et sportive, vous aimez l'école de la République. Mais de grâce, indignez-vous plutôt contre les contradictions de votre parti parce que l'école de la République vaut mieux que ces postures et ce jeu politicien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, puisque certains d'entre vous m'ont interpellé à ce sujet, je rappelle que l'utilisation de tracts, de pancartes, de graphiques et documents divers n'est pas autorisée dans l'hémicycle et que cette interdiction vaut pour les députés comme pour les membres du Gouvernement.
Je vous demanderai donc, monsieur le ministre, de ne pas recommencer. La même règle s'applique à tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Jean-Pierre Dupont, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Je souhaite y associer mon collègue Daniel Fasquelle, député du Pas-de-Calais actuellement en mission et président du groupe d'études sur l'autisme.
Madame la secrétaire d'État, 120 000 enfants ou adultes autistes vivent aujourd'hui en France. Les particularités de ce handicap sont telles que le diagnostic, la prise en charge et l'accompagnement qui en découle sont souvent difficiles à établir et à appliquer, ce qui condamne de nombreux autistes à une vie de reclus, en marge de la société.
Fort de ce constat, et afin de répondre aux souffrances que l'autisme fait subir à ces milliers de Français et à leurs familles, le Gouvernement a lancé en 2008 un plan autisme pour la période 2008-2011. Ce plan ambitieux a permis un effort financier inédit s'agissant de ce type de troubles du développement. Mieux connaître, mieux accompagner, mieux former : tels étaient les trois axes majeurs de ce plan. Trois ans après son lancement, les résultats sont là.
À l'approche du troisième anniversaire du plan autisme, pouvez-vous, madame la secrétaire d'État, dresser devant la représentation nationale un bilan des actions engagées afin d'accompagner nos compatriotes souffrant de ce handicap et leur entourage, de former des professionnels et de créer des structures dédiées ? Ce plan sera-t-il reconduit ? De nouveaux projets seront-ils soutenus ?
En ce qui concerne plus particulièrement les autistes dits Asperger, qui demandent un suivi très spécifique, est-il envisagé de mener de nouvelles expérimentations sous forme d'accompagnement à la vie sociale, au quotidien et au travail ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.
Monsieur le député, ma réponse à votre question s'adresse aussi, naturellement, à Daniel Fasquelle, président du groupe d'études sur l'autisme, qui, comme vous, connaît si bien ces sujets.
Une mission a été confiée à Valérie Létard le 31 mars dernier afin de faire le point sur le plan autisme pour la période 2008-2011. Je veux rappeler combien vous êtes investi dans ce domaine : le 1er juillet, j'aurai le plaisir de me rendre dans votre département, la Corrèze, pour y inaugurer la Maison d'Hestia, structure particulièrement innovante destinée aux jeunes autistes.
Le plan autisme comporte trois orientations principales : mieux connaître ce handicap si spécifique, ainsi que les pratiques des professionnels, et favoriser la formation ; permettre un diagnostic rapide, car – vous avez raison de le dire, monsieur le député – le retard pris en la matière pénalise par la suite le parcours de la personne concernée et de sa famille ; enfin, de soutenir une offre médico-sociale et sanitaire à l'intention de ces personnes.
Voilà pourquoi le plan autisme 2008-2001 prévoit la création de 4 100 places d'accueil supplémentaires, déjà financées, et dont 50 % sont créées pour les enfants, 30 % pour les adultes. Vingt-trois expérimentations ont également été décidées, qui permettront de soutenir les méthodes comportementalistes, auxquelles les familles sont très attachées et sur lesquelles elles fondent un immense espoir. Le Gouvernement souhaite bien entendu les accompagner dans cette voie.
En outre, 600 millions d'euros ont été consacrés à l'aide au diagnostic afin de permettre aux familles d'aller vers un plan personnalisé d'accompagnement.
Enfin, je tiens aujourd'hui à insister, mesdames et messieurs les députés, sur le fait que la recherche avance. Grâce aux remarquables équipes de recherche françaises, nous avons modifié la représentation que nos concitoyens se font de l'autisme. C'est essentiel, car cela contribue à lutter contre la stigmatisation d'un trouble qui reste trop mal connu. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Gilles Cocquempot, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre d'État, ministre des affaires étrangères, vous l'avez rappelé hier, la Côte d'Ivoire a besoin de paix et de sécurité. Le problème est que vos propos sont en totale contradiction avec l'attitude du Président de la République.
En marge de la cérémonie d'investiture d'Alassane Ouattara, Nicolas Sarkozy s'est en effet entretenu, de manière extrêmement chaleureuse, avec le premier ministre ivoirien, Guillaume Soro, et avec le président tchadien, Idriss Déby. Or Amnesty International, dans un rapport publié ce matin, met directement le premier en cause dans les massacres perpétrés contre des civils ivoiriens.
Ainsi, dans la ville de Douéké, ce sont ses hommes qui, le 29 mars dernier, ont massacré 817 civils, hommes, femmes et enfants selon des critères ethniques et religieux.
Quant au second, M. Déby, récemment réélu à la présidence du Tchad avec 82 % des suffrages, dans des conditions très contestables, un rapport d'enquête international l'a formellement déclaré responsable de la disparition de son principal opposant et du bombardement de sa propre population à N'Djamena, dans lequel près d'un millier de civils ont perdu la vie.
Pouvez-vous nous expliquer en quoi le soutien de la France à des criminels de guerre est utile à la paix, à la démocratie, à l'Afrique et aux Africains ?
Je tiens par ailleurs à vous alerter sur la situation de notre compatriote, Mme Tina Ngal, qui, après avoir été victime d'une grave agression à Kinshasa, continue à être spoliée par la RDC sans être aucunement soutenue par notre ambassade. Pourquoi la France ne soutient-elle pas notre compatriote dans son combat pour obtenir justice et réparation ?
Monsieur le ministre d'État, combien de mois de souffrances et d'injustice notre diplomatie compte-t-elle encore imposer à Mme Tina Ngal en lui refusant un courrier d'intervention officiel ? Notre diplomatie se doit de faire respecter l'image de la France et de défendre ses ressortissants en difficulté avec d'autres États. Estimez-vous opportun de mener une politique plus ferme de défense de nos compatriotes dont les droits sont bafoués en RDC et partout dans le monde ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.
Monsieur le député, la position de la France est tout à fait claire : nous souhaitons que toute la vérité soit faite sur toutes les exactions commises, d'où qu'elles viennent.
Voilà pourquoi nous nous sommes réjouis que le Conseil des droits de l'homme ait décidé – sur notre suggestion – d'envoyer une commission d'enquête internationale en Côte d'Ivoire afin d'établir la matérialité des faits évoqués par Amnesty International.
Par ailleurs, nous avons demandé au président Ouattara, qui l'a fait à de nombreuses reprises, notamment samedi dernier à Yamoussoukro, dans son discours d'investiture, de s'engager à n'assurer l'impunité à personne (Murmures sur les bancs du groupe SRC) et à engager les poursuites qui se révèleraient nécessaires contre les auteurs des crimes, quels qu'ils soient. Notre position est donc parfaitement cohérente.
Au demeurant, le chef de l'État ivoirien a réitéré cet engagement dans la lettre qu'il a adressée au procureur de la Cour pénale internationale.
Quant à la situation de Mme Tina Ngal, monsieur le député, vous avez bien voulu me faire parvenir à quinze heures quarante le texte de votre question. Vous admettrez qu'après trois mois passés au Quai d'Orsay, je n'aie pas une connaissance parfaitement exhaustive de la situation de tous ceux de nos ressortissants qui ont des difficultés judiciaires avec leur pays d'origine.
Je ne manquerai pas de vous adresser une réponse circonstanciée à ce sujet. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Politique de la France en Afrique Noire
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à la bioéthique (nos 3324, 3403).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de deux heures et quarante-deux minutes pour le groupe UMP, dont trente-huit amendements restent en discussion ; trois heures et trente-huit minutes pour le groupe SRC, dont six amendements restent en discussion ; deux heures et quatorze minutes pour le groupe GDR, dont neuf amendements restent en discussion ; une heure et quarante-neuf minutes pour le groupe NC, dont un amendement reste en discussion ; seize minutes pour les députés non inscrits.
Hier soir, l'Assemblée a commencé l'examen des articles, s'arrêtant à l'article 12 ter.
Je vois que Xavier Breton m'invite par signes à défendre en même temps son amendement identique n° 17 . Je m'y emploierai donc.
Ces amendements tendent à supprimer l'article 12 ter, qui a pour objet de compléter le code civil en y inscrivant des critères de viabilité retenus par l'OMS. Selon ces critères, un enfant est viable à partir de la vingt-deuxième semaine et au-dessus de 500 grammes.
Cette notion purement quantitative risque de créer, dans la pratique, plus de problèmes qu'elle n'en résoudrait. Ces seuils quantitatifs ne nous paraissent pas un système acceptable. C'est la raison pour laquelle je vous propose, de même que M. Breton et un certain nombre de ses collègues, de supprimer cet article.
L'amendement n° 17 est défendu.
La parole est à Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé, pour donner l'avis du Gouvernement.
Le Gouvernement émet un avis favorable, qu'il souhaite assortir de quelques arguments.
D'abord, l'appréciation de la viabilité d'un enfant relève avant tout de la compétence du médecin, qui détermine au cas par cas, en fonction d'éléments cliniques et physiologiques, la capacité d'un nouveau-né de s'adapter à l'environnement extra-utérin et d'y vivre. Cette capacité est établie par un certificat médical, et le critère de viabilité est apprécié pour chaque enfant, afin d'établir la personnalité juridique, source de droit éventuel.
L'article 12 ter, qui substitue à cette appréciation individualisée les deux critères de l'âge gestationnel de vingt-deux semaines et d'un poids foetal d'au moins 500 grammes, pose quelques difficultés.
Je précise que cette demande de suppression ne signifie pas que le Gouvernement est indifférent à la douleur des parents confrontés à la mort foetale ou au décès d'un grand prématuré, bien au contraire. Je rappelle que le Médiateur de la République avait proposé d'adapter notre législation pour prendre en compte la souffrance résultant de la perte d'un enfant sans vie. Dès 1993, l'institution de l'acte d'enfance sans vie apportait une réponse à ce type de situation.
En 2008, à la suite d'arrêts de la Cour de cassation qui nous ont obligés à reconsidérer les principes applicables aux cas d'enfants sans vie, des dispositions réglementaires ont été prises afin de consacrer l'existence de cet enfant par la mention de son prénom sur le livret de famille, ou encore de permettre l'organisation de ses funérailles. En outre, une circulaire a permis aux femmes concernées de bénéficier des prestations sociales qui sont allouées à toute femme ayant vécu une grossesse.
Des réponses ont donc été apportées à la question des droits des femmes ayant perdu un enfant à la naissance.
Le texte présente, ensuite, d'autres inconvénients. Reconnaître automatiquement la personnalité juridique à un enfant né sans vie sur la base de critères anatomiques et, symétriquement, la refuser s'ils ne sont pas remplis, n'est en rien judicieux. C'est la capacité effective du nouveau-né à s'adapter à l'environnement extra-utérin qu'il convient d'apprécier. Pour cela, les seuils qui sont proposés ici ne suffisent pas.
Le cas, observé en Allemagne, d'un enfant qui, né après vingt et une semaines de gestation, s'est avéré viable montre que les progrès médicaux font bouger les lignes et permettent parfois de reculer les limites de la viabilité. Celles-ci n'ont donc pas à être figées dans la loi.
Enfin, l'introduction d'un seuil pour caractériser automatiquement l'existence de la personnalité juridique peut également engendrer de nombreuses difficultés au regard d'autres règles importantes de la législation. Je pense notamment à l'articulation de ces seuils de viabilité avec les interruptions médicales de grossesse, qui peuvent intervenir jusqu'à un stade avancé. Les interruptions médicales de grossesse ne seront pas remises en cause sur le plan du droit, mais ne verrait-on pas se développer la tendance à les anticiper afin de ne pas franchir le seuil instauré ? N'y aurait-il pas un effet de culpabilisation des parents devant y recourir ? De surcroît, les personnels de santé ne se verraient-ils pas chargés d'une responsabilité médicale accrue une fois les seuils atteints ?
L'ensemble de ces raisons justifie la position du Gouvernement, qui demande, lui aussi, la suppression de l'article 12 ter.
C'est un sujet qui m'intéresse depuis de longues années. En 2008, j'y avais travaillé au titre de rapporteur d'une proposition de loi relative à la législation funéraire. J'avais alors reçu des parents et des associations de parents qui avaient bien des difficultés à faire le deuil de leur enfant, selon, notamment, qu'ils avaient eu la possibilité ou non de l'inhumer. Dans certains cas, en effet, les enfants ainsi nés étaient considérés comme des déchets anatomiques et il n'était pas possible de récupérer leurs corps.
Nous avions également travaillé avec le Médiateur de la République sur le sujet.
À l'époque, je n'avais pas voulu allumer de feux qui pouvaient être dangereux, et nous n'avions donc pas bougé, sans doute sagement. Entre-temps, trois arrêts de la Cour de cassation sont intervenus et deux décrets ont été pris, le 20 août 2008. Je m'interroge donc sur la nature des difficultés qui s'opposeraient aujourd'hui à la mise en place d'un cadre législatif, sachant qu'il s'agit d'une reprise des critères de l'OMS, adoptés par la plupart des pays européens. J'avoue ne pas être convaincu par les arguments de Mme la secrétaire d'État.
Il ne s'agit pas de conférer une personnalité juridique, même si l'article fixe un statut et permet aux familles de faire leur deuil. Le Médiateur, comme d'autres services, a été saisi de difficultés dans l'application des décrets du 20 août 2008. Nous avons l'occasion de clarifier les choses dans la loi. Ne comprenant pas bien les difficultés soulevées, je suis en attente d'explications complémentaires.
Nous sommes sur la même position que notre collègue. Certes, cet article n'est pas pleinement satisfaisant, notamment son alinéa 3, et risque, dès lors que sont fixés des seuils, de susciter des incompréhensions, mais les problèmes sont réels, et le Médiateur les avait soulevés. Mieux vaut conserver un article qui permet, dans certains cas, de répondre à l'attente des familles plutôt que le supprimer purement et simplement.
La vraie difficulté, c'est que la réanimation néonatale en France ne tient pas compte du poids et du nombre de semaines d'aménorrhée. Il n'existe pas de critères permettant au praticien de considérer que l'enfant est viable et peut être réanimé. L'Allemagne a la même position que nous sur ce type de réanimation, position, d'ailleurs, qui pose le problème de l'arrêt des traitements lorsque la viabilité après réanimation n'est pas avérée. Dans ce pays, je le rappelle, un enfant de près de vingt-deux semaines et pesant 460 grammes, donc bien en dessous des seuils, a vécu sans séquelles.
Inscrire dans la loi un critère de viabilité mettrait les professionnels de santé dans des situations inextricables et les obligerait à se caler sur le système anglo-saxon.
Aujourd'hui, dans le cas d'une prématurité, on donne la chance à la vie. Ensuite, en fonction des IRM, on poursuit la réanimation ou non, ce qui n'est pas sans poser des problèmes éthiques. Si, demain, un seuil est fixé, on réanimera au delà et on ne réanimera pas en deçà : on ne donnera pas sa chance à la vie pour des enfants qui pourraient être viables et normaux, alors que l'on réanimera systématiquement des enfants ayant des problèmes cérébraux graves, par exemple, sous prétexte qu'ils ont passé les seuils de poids et de durée d'aménorrhée.
Je connais le travail qu'a accompli Philippe Gosselin sur ces problèmes de deuil difficile.
Autrefois, une femme accouchait d'un enfant mort ; il était mort. Aujourd'hui, l'enfant a très tôt un prénom, une image, il représente un projet. Alors qu'il a toutes les caractéristiques d'un enfant, le fait qu'il soit considéré comme un produit en cas de décès rend très difficile d'en faire le deuil.
La définition de critères de poids et de durée d'aménorrhée gênerait considérablement les professionnels de santé. Cela me semble poser davantage de problèmes que cela n'en résout.
Je souhaite revenir sur un aspect non négligeable de l'argumentation. Le sujet central, c'est de préserver les femmes de toute insécurité liée à l'attribution des prestations sociales. Le Médiateur de la République avait soulevé cette question et présenté des propositions en ce sens. C'est pourquoi la circulaire a permis des avancées en termes de protection sociale, qui restaurent le droit de ces femmes, quand bien même elles ont perdu un enfant à la naissance.
En conséquence, l'article 12 ter est supprimé et l'amendement n° 60 rectifié tombe.
Je suis saisi d'un amendement n° 74 , tendant à supprimer l'article 13 bis.
La parole est à M. Alain Claeys, président de la commission chargée d'examiner le projet de loi bioéthique.
Il est défendu.
(L'amendement n° 74 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 82 rectifié .
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
Considérant qu'un délai d'une semaine est largement suffisant, nous proposions, dans l'amendement n° 81 , de retirer les mots « au moins » dans la formulation « au moins une semaine ». L'amendement n° 82 rectifié apporte un complément en offrant la possibilité aux femmes qui le souhaitent de renoncer au délai d'une semaine. Pourquoi infliger obligatoirement, dans tous les cas, un délai de réflexion incompressible si la femme enceinte a pris sa décision, une décision qui n'appartient qu'à elle seule ? Il ne nous paraît pas utile de prolonger une situation douloureuse si la femme ne le souhaite pas.
Cet amendement est satisfait. Lorsqu'une décision d'interruption de grossesse est prise, le médecin propose, sauf urgence, un délai de réflexion d'une semaine que la patiente peut refuser. Ce délai de réflexion n'est pas imposé mais proposé. J'invite donc Mme Fraysse à retirer son amendement.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, première inscrite sur l'article 19 A.
L'article 19 A ouvre aux personnes majeures n'ayant pas d'enfant la possibilité de donner leurs gamètes et de bénéficier, en contrepartie, de la conservation d'une partie de ces gamètes en vue d'une éventuelle utilisation pour elles-mêmes, ultérieurement, dans le cadre d'une PMA.
Je vous ai déjà fait part de nos réserves sur ce point, dont nous comprenons l'objectif mais qui, à nos yeux, pose plus de problèmes qu'il n'en résout. Ces réticences relèvent de trois considérations.
Premièrement, est-il raisonnable de faire courir un risque – car aucun geste médical n'est anodin et, en l'occurrence, il y a anesthésie générale, stimulation hormonale et prélèvement – à des jeunes femmes n'ayant pas encore eu d'enfant ? Je parle uniquement des femmes, car la situation est différente pour les hommes.
C'est d'ailleurs cette considération qui a conduit à proposer à ces femmes de conserver une partie de leurs gamètes pour elles-mêmes, en cas de problèmes ultérieurs, et d'ouvrir, par symétrie, la même possibilité aux hommes. C'est le deuxièmement, qui constitue une brèche très importante dans notre système de don solidaire, anonyme et gratuit. Sans parler de la porte ouverte à la multiplication éventuelle de banques autologues conservant les gamètes au bénéfice futur de la donneuse et du donneur, et peut-être, à terme, à une commercialisation remettant en cause le principe de solidarité qui fonde notre démarche.
Troisièmement, ce n'est pas une bonne réponse au vrai problème de la pénurie de gamètes. Cette disposition nouvelle vise à élargir le cercle des donneurs, et notamment des donneuses d'ovocytes, et à améliorer la qualité de ceux-ci en les prélevant sur des personnes jeunes.
Il est vrai que cette pénurie d'ovocytes a conduit les CECOS à imaginer différentes stratégies pour multiplier le nombre de dons. Un rapport de l'IGAS de 2011 nous apprend, par exemple, que le don relationnel a été fortement multiplié et représente parfois une part plus importante que le don spontané. Il consiste, pour un couple demandeur, à « recruter » une donneuse. En vertu du principe de l'anonymat, les ovocytes ainsi recueillis ne seront pas attribués au couple receveur mais viendront accroître la ressource ovocytaire du centre et alléger ainsi les délais d'attente. En contrepartie, le couple concerné bénéficie d'un délai d'attente réduit. Dans ces conditions, en Île-de-France, par exemple, les délais d'attente ont été sensiblement diminués dans plusieurs centres, mais c'est également le cas à Montpellier ou à Lille.
L'ensemble des personnels considère cependant que cette manière de procéder n'est pas tout à fait satisfaisante, car elle implique une sorte de don conditionnel, non spontané, dans des conditions telles qu'on ne peut exclure d'éventuelles pressions psychologiques, ce qui ne doit pas être négligé et pourrait même être aggravé par le contenu de l'article 19 A.
Par ailleurs, l'argument concernant la qualité des gamètes et le taux de réussite des fécondations tend à s'amenuiser avec les progrès considérables réalisés en matière de conservation, notamment avec la vitrification.
Après avoir soupesé tous ces éléments et relu les avis donnés dans les différents rapports, notamment le rapport d'information de 2010 et le rapport de l'IGAS de 2011 commandé par le ministère de la santé, les députés de notre groupe restent partagés sur cette question. Certains d'entre nous ont déposé un amendement visant à maintenir la situation actuelle, n'autorisant donc le don de gamètes que pour les femmes ayant déjà des enfants et supprimant la possibilité d'une auto-conservation. Celle-ci, je le répète est un des points qui nous préoccupe. D'autres députés de notre groupe ne partagent pas ce point de vue, et il faut que nous nous attachions à respecter les avis des uns et des autres, même s'il n'est pas facile de parler d'une seule voix pour en rendre compte.
Il y a toutefois un point qui rassemble la totalité du groupe et qui a fait l'objet d'un autre amendement, par le biais duquel nous vous inviterons à décider d'une grande campagne d'information, régulièrement renouvelée, conformément d'ailleurs à la synthèse du rapport de contrôle et d'inspection relatif aux activités d'AMP dans lequel l'Agence de la biomédecine s'était exprimée « en faveur d'une communication conçue et vécue comme une information et non une promotion visant directement à augmenter le nombre de donneuses », précisant que « le faible développement de l'activité de don est lié […] à une faible sensibilisation et information de la population susceptible de faire un don ». Nous devrions donner à l'information une place beaucoup plus prégnante.
Je souligne que le don de gamètes est le début d'une scission entre sexualité et procréation. Faut-il qu'il soit anonyme ou pas ? Il y a eu un débat : faut-il révéler l'identité du donneur, transmettre des données non identifiantes ou préserver l'anonymat ? Je pense que les enfants issus de ces dons n'ont rien à faire de données non identifiantes : peu leur importe de savoir que leur père était grand ou petit, brun ou blond. Permettre l'accès à l'identité du donneur me paraît dommageable au don même, puisque 70 % des donneurs que nous avons interrogés ont répondu qu'il ne l'aurait pas fait si leur identité avait été révélée. De plus, j'envisage difficilement un couple qui deviendrait un couple à trois, ce qui nierait la paternité éducative. Je reste très attaché au don de gamètes anonyme et gratuit, comme les autres dons, même s'il faut bien reconnaître qu'il s'agit d'un acte tout à fait particulier puisqu'il donne la vie.
Je veux aussi, d'un mot, faire part de mon opposition à des grossesses chez des femmes de soixante-dix ans.
Enfin, je refuse le tourisme procréatif, même s'il est effectué dans des pays proches du nôtre.
Au-delà de l'amendement n° 84 de notre collègueJacqueline Fraysse portant sur l'information relative au don, la question est bien celle du don de gamètes par les hommes ou les femmes n'ayant pas eu d'enfant. Notre amendement n° 18 tend à supprimer une telle possibilité. Si l'obligation d'être déjà parent a été posée au départ, c'est pour des considérations éthiques : le donneur devait déjà avoir été confronté à sa propre paternité pour un homme et à sa propre maternité pour une femme afin que son consentement soit complètement libre et éclairé au regard de la portée de son don. Ce point a été rappelé par le Sénat quand il a supprimé, en première lecture, la possibilité du don de la part d'une personne qui n'a pas procréé.
Le second point de l'alinéa 4, qui introduit la notion de contrepartie, pose question au regard du principe de la gratuité du don. Il est vrai que cette contrepartie est très encadrée puisqu'elle s'appliquerait au cas où l'évolution de l'état de santé du donneur ou de la donneuse justifierait une assistance médicale à la procréation. Mais on entre tout de même dans une logique de contrepartie.
D'autant que ce serait ouvrir la porte à la conservation des gamètes par convenance. Aujourd'hui, cette conservation serait encadrée, mais on voit bien que, dès lors, on pourra difficilement résister à la demande de les utiliser à n'importe quel moment et sans justification médicale.
C'est pourquoi les signataires de cet amendement souhaitent revenir à la disposition de sagesse qui prévoit que le don de gamètes n'est ouvert qu'aux hommes et aux femmes ayant déjà procréé.
Ce type de sujet crée des clivages dans chaque groupe, et aucun ne parle d'une seule voix. Pour ma part, je soutiens ce que viennent de dire mes deux collègues. Il est illusoire de penser que l'ouverture du don à des jeunes hommes ou à des jeunes femmes qui n'auraient pas encore été parents augmenterait le pool des gamètes disponibles. Les meilleurs vecteurs pour convaincre de donner sont les couples qui ont reçu des ovocytes ou des spermatozoïdes. Je sais de quoi je parle, et je peux affirmer que ce sont eux les meilleurs vecteurs pour trouver des donneurs ou des donneuses, y compris au sein de leur propre couple, c'est-à-dire celui qui n'a pas de problème.
Les CECOS demandent une vraie journée d'information, comme on en fait sur d'autres sujets, afin de « banaliser », dans une certaine mesure, le don de gamètes en le comparant au don du sang ou au don d'organes, quand bien même ce don implique beaucoup de choses : la conception d'enfants, l'origine de la vie, l'origine de soi, la transmission de son patrimoine.
La mesure proposée à l'alinéa 4 est illusoire. Je ne parle qu'en mon nom, mais peut-être d'autres au sein de mon groupe me suivront-ils. Dans quinze ans ou vingt ans, nos successeurs risquent d'avoir à auditionner des hommes ou des femmes qui auront fait, à vingt ans, ce qui semblait un don de gamètes assez anodin mais qui sera devenu pour eux, à cause d'accidents de la vie, d'une maladie qui les aura rendus stériles, de la perte de leur propre enfant, un don d'enfant. Ils les auditionneront parce que ces donneurs seront dans le désarroi, à la recherche d'enfants quelque part pour moitié à eux. Que leur répondra le législateur, alors ?
Enfin, offrir aux donneurs qui n'ont pas procréé la possibilité de garder pour eux un pool pose un problème technique. Les ovocytes sont fragiles, contrairement aux spermatozoïdes qui peuvent subir plusieurs manipulations, être congelés, recongelés ; ils sont beaucoup plus solides, ce qui vous plaît sans doute, messieurs. (Sourires.) Dire à une femme qu'on lui met de côté quatre ovocytes vitrifiés au cas où un accident de la vie l'empêcherait d'avoir un enfant, c'est lui faire croire à une possibilité qui ne se réalisera pas. Parce que quatre ovocytes seulement, c'est quasiment zéro chance au bout.
Je rejoins donc, en les complétant, les arguments que j'ai entendus. Et je le redis, je m'exprime en mon nom propre.
Jacqueline Fraysse a exprimé un des points de vue de mon groupe ; je vais exprimer l'autre. Je m'interroge encore, mais je serais enclin à accepter l'autorisation de don d'ovocytes de la part de femmes qui n'ont pas procréé. Le problème des hommes et des spermatozoïdes me paraît d'une nature différente, bien que je comprenne les nécessités de symétrie entre les hommes et les femmes.
Pourquoi un tel débat chez nous comme, je le constate, chez nos collègues du groupe socialiste ? Nous avons tous observé que les femmes en recherche d'ovocytes vont parfois les chercher à l'étranger, en Espagne, par exemple.
Cela coûte cher de se rendre à l'étranger, d'y être hospitalisé, mais cela coûte cher aussi en achat d'ovocytes. Nous sommes donc devant une contradiction avec nos propres positionnements éthiques. Je me demande si permettre le don d'ovocytes de jeunes femmes n'ayant pas procréé ne constitue pas une réponse à une vraie pénurie d'ovocytes. En tout cas, cette mesure pourrait y contribuer. J'illustre ainsi la diversité des réflexions à l'intérieur de mon groupe.
Évidemment, si la jeune femme qui n'a pas procréé donne ses ovocytes, il faut qu'elle ait la possibilité, en cas d'accident, d'en récupérer une partie parce que ce serait trop injuste que sa générosité la pénalise. Il ne s'agit pas d'un usage autologue motivé par une intention malsaine, mais tout simplement de tenir compte d'un risque d'infertilité future due au prélèvement d'ovocytes lui-même ou à un accident de la vie.
Tel est mon positionnement et le débat interne au groupe, qui n'est sans doute pas achevé – mais c'est bien normal s'agissant de problèmes aussi complexes.
Tout d'abord, je me félicite de la sérénité des débats de cet après-midi et du fait que nous partageons tous les mêmes interrogations. Je me réjouis que l'on s'écoute et que l'on puisse échanger sur un sujet aussi difficile.
L'amendement n° 84 de Mme Fraysse propose que les gynécologues et les médecins traitants diffusent une information sur les dons de gamètes et d'ovocytes. Cela me semble une très bonne idée, mais est-il possible de l'inscrire dans la loi ? Comment faire pour en vérifier l'application ? Cette bonne idée ne relève peut-être pas du domaine de ce texte, mais il serait particulièrement intéressant que les gynécologues et les médecins traitants informent les patients concernés sur les possibilités de dons.
S'agissant des amendements identiques, je partage ce qui a été dit par Xavier Breton, Mme Lemorton et M. Vaxès, en ajoutant qu'à partir du moment où la personne est majeure, elle est maîtresse de ses actes. Nous sommes dans une situation de pénurie d'ovocytes : il faut entre trois ans et cinq ans pour en obtenir en France. Cette situation encourage le tourisme procréatif. De plus, comme on a l'impression que c'est un discours anti-féministe et que grâce à la PMA, il est possible d'avoir des enfants pratiquement toute sa vie, on ne dit pas assez aux femmes que les chances d'avoir un enfant se situent plutôt entre vingt ans et trente ans qu'après quarante ans – même si cela peut arriver pour certaines personnes. De la même manière, il vaut mieux avoir des ovocytes de personnes jeunes. Malheureusement, cette réalité n'est pas assez rappelée.
Pour ma part, je me rangerai à l'avis de mes collègues, même si je suis un peu partagée, sachant que le don est anonyme et gratuit, comme l'a rappelé Olivier Jardé. Nous avons d'ailleurs eu exactement le même débat sur le don de sperme, même si la fragilité du spermatozoïde n'est pas la même que celle de l'ovocyte.
Nous aurions pu avancer un peu sur ce sujet qui va concerner des personnes jeunes mais sensibilisées par des membres de leur entourage ne parvenant pas à avoir d'enfant et en attente d'ovocytes. J'aurais aimé que nous allions plus loin. L'amendement n° 92 nous permettra de discuter des moyens d'améliorer le don d'ovocytes pour que les femmes puissent y avoir plus facilement accès en France.
À raison, Catherine Lemorton a fait remarquer que ce sujet transcende les appartenances politiques. Pour ma part, je suis plus proche de la conception de mes collègues Michel Vaxès et Valérie Boyer, que de la sienne.
Cet article 19 soulève deux questions. À partir du moment où l'on autorise une personne majeure qui n'a pas procréé à donner, il faut être conséquent.
La commission, qui a bien envisagé ce risque d'accident de la vie, précise dans son rapport : « La commission a pris soin de préciser que cette utilisation éventuelle ne pouvait en aucun cas être conçue comme un dispositif de confort : seules les femmes répondant aux conditions subordonnant le bénéfice d'une assistance médicale à la procréation pourraient utiliser ces ovocytes, c'est-à-dire les femmes en âge de procréer, engagées dans un couple dont la stérilité a été médicalement constatée. »
Il serait assez paradoxal qu'une donneuse non mariée ne puisse pas bénéficier de son don en cas d'accident de la vie alors qu'elle se retrouve soit mariée soit pacsée. Si nous acceptons qu'une personne majeure n'ayant pas procréé puisse faire un don, il faut être conséquent et aller jusqu'au bout. Sinon, il faut répondre non aux deux questions et le problème ne se pose plus. Soit c'est oui dans les deux cas ; soit c'est non dans les deux cas.
Pour l'instant, j'en suis à une sorte de synthèse des positions des uns et des autres (Sourires sur les bancs du groupe SRC) et j'écoute encore les débats.
On ne peut pas être insensibles aux arguments des défenseurs de cette disposition qui tend à remédier à un manque crucial d'ovocytes et à reconnaître comme légitime le désir d'enfant de couples stériles.
Madame Boyer, vous avez raison, il faut prévenir les femmes qu'il leur sera plus facile de procréer entre vingt-cinq et trente-cinq ans qu'après, ce qui soulève un autre sujet, tout aussi important : il faut créer les conditions de l'épanouissement personnel et professionnel des femmes de cette tranche d'âge, car les femmes cadres et cadres supérieures ont des enfants largement après la trentaine, avec tous les problèmes liés à la hausse de la stérilité que cela pose.
Le nombre de naissances est moindre en Espagne et en Grèce, deux pays où la promotion des femmes est plus importante, car les femmes y ont fait le choix de ne pas avoir d'enfants ou de les avoir très tard. C'est un phénomène à prendre en compte.
Dans le dispositif, une mesure me semble obligatoire tout en étant une entorse au principe de don gratuit et anonyme : l'octroi d'une compensation qui me semble tout à fait légitime. Tout en exprimant cette réserve, je soutiendrai le dispositif.
Sur cet amendement chacun a ses propres convictions, mais je voudrais revenir sur les arguments avancés pour supprimer toute possibilité de dons de gamètes.
L'emploi du mot « gamète », sans distinction entre spermatozoïdes et ovocytes, ne doit sans doute rien au hasard. La situation n'est pas exactement la même : le manque crucial concerne les ovocytes. Notre position sur l'anonymat va jouer sur le nombre de dons. Une levée de l'anonymat fera baisser le nombre de donneurs de gamètes.
En droit, il n'y a pas de raison d'établir une différence entre des majeurs selon qu'ils ont ou non procréé, et je ne sais d'ailleurs pas si c'est constitutionnel. La seule notion qui vaille est celle de la majorité, et un majeur a le droit de donner des gamètes.
Une vraie question a été posée par des collègues des deux côtés de l'hémicycle : les gamètes donnés à un moment donné de la vie peuvent-ils constituer une sorte d'assurance parce qu'ils seront conservés ? Cela peut sembler logique parce que certains, comme M. Breton, se situent déjà dans cette démarche, au regard d'arguments qu'ils développent : on ne mesure pas la portée de son geste quand on n'a pas procréé. Je ne suis pas sûr qu'un homme ait mesuré la portée de son geste lors de la naissance de son premier enfant (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Néanmoins, c'est l'argument que vous donnez.
Les fantasmes issus du don, que vous évoquez ensuite, se manifestent dans tous les cas de dons. Que l'on soit ou non marié, que l'on ait eu des enfants ou pas, on doit toujours se demander si les ovocytes ou les spermatozoïdes donnés ont été utilisés. À mon avis, il n'y a pas de fantasme spécifique dans ce cas-là.
Mme Lemorton avance un autre argument. On peut laisser croire qu'avoir donné des ovocytes dans sa jeunesse constituerait une sorte de filet de sécurité face à tout accident de la vie. Or certains ovocytes, après vitrification rapide, sont stériles et ne peuvent plus servir à la conception. Ce n'est pas le fait de garder des ovocytes congelés durant un certain nombre d'années qui compte, mais le processus d'ultracongélation et de vitrification qui créé un danger. Le donneur se retrouve alors exactement dans la même situation que les autres couples.
Un fois passés en revue tous ces arguments, je pense qu'il faut en rester à la rédaction de la commission spéciale. Certes, elle comporte des inconvénients mais moins que la position inverse consistant à empêcher une personne majeure qui veut donner notamment des ovocytes de le faire.
Je suis saisi d'un amendement n° 84 .
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
Je considère que cet amendement portant sur la campagne d'information est défendu.
Avec votre autorisation, monsieur le président, madame la secrétaire d'État, je voudrais que l'on reprenne la discussion qui s'est un peu élargie au-delà de l'amendement n° 84 .
Sur ce sujet qui suscite des avis différents au sein de chaque groupe, essayons de distinguer le pourquoi du comment. Premier constat : comment faire en sorte qu'il y ait plus de dons d'ovocytes en France ? Pourquoi y en a-t-il moins que de dons de spermatozoïdes ?
Ce n'est pas très difficile à comprendre : le don de sperme n'est pas dangereux, pas douloureux ; le don d'ovocyte est douloureux et il comporte un danger, minime mais réel. À partir du moment où il y a une petite souffrance, un petit danger et des consultations réitérées qui engendrent une perte de temps, il y a forcément des obstacles à l'existence de ce don altruiste.
En France, deux situations ne nous conviennent pas – je pense pouvoir m'exprimer au nom de vous tous, sur quelque banc que vous siégiez.
Dans le premier cas, la personne va acheter des ovocytes à 1 000 euros en Espagne. On ne peut pas dire que ce soit une bonne idée. Lors des débats sur l'éthique nous en avons convenu : le fait que cela existe ailleurs ne justifie pas qu'on le fasse chez nous, dans une sorte de souci d'harmonisation. On ne va pas vers le moins disant éthique.
Comment éviter cette situation ? Les CECOS ont trouvé un arrangement qui me semble totalement insatisfaisant. En caricaturant un peu, on arrive à la proposition suivante : si vous voulez un ovocyte, madame, amenez-moi une personne qui va en donner un de manière tout à fait altruiste, et vous serez ainsi placée en meilleure position sur la liste d'attente.
Est-on bien sûr que la donneuse ainsi amenée par la personne qui a besoin d'un ovocyte fait un don totalement altruiste ? Quand on constate, comme parfois, que les relations affectives sont extrêmement lâches, on peut imaginer qu'il y a eu une compensation rémunératrice. En fait, on accepte qu'il y ait dans notre pays des rémunérations occultes de dons d'ovocytes de gré à gré, validées par les CECOS.
Face à cette réalité, que peut-on faire ? Bien sûr, comme le propose Mme Fraysse, on peut essayer de faire des campagnes, de sensibiliser via le corps médical, mais on voit bien que ce sont les personnes qui ont eu besoin des CECOS qui sont les plus à même de motiver les gens autour d'eux en parlant.
Dans ce contexte, se pose un deuxième problème, bien expliqué par Valérie Boyer et repris à l'instant : la femme procrée entre dix-huit et trente-cinq ans. Pardon de dire des choses qui peuvent paraître futiles, mais si une femme de quarante-cinq ans ressemble aujourd'hui à une femme de trente-cinq ans d'il y a quelques années, son horloge biologique n'a pas pour autant suivi la même évolution. Elle a légitimement un désir d'enfant à un âge où elle n'a pas la possibilité d'en avoir un.
Si on limite le don d'ovocytes aux seules femmes qui ont eu un enfant et si les femmes françaises font leur premier enfant à trente ans alors qu'elles le faisaient à vingt-trois ans il y a trente ans, la capacité de don se situe dans une période raccourcie : entre trente et trente-cinq ans. C'est le résultat que nous obtenons puisque nous avons décidé que seule une mère pouvait donner ses gamètes. Dans ces conditions, il faudrait trouver le moyen d'élargir cette population de donneuses.
Permettez-moi, une petite réflexion : un gamète est une cellule très particulière puisqu'elle porte un patrimoine génétique mais ce n'est pas la moitié d'un enfant. De plus, ce n'est pas parce qu'on a un enfant que l'on peut alors donner la moitié d'un enfant. J'appelle vraiment tout le monde à réfléchir à cette confusion. Si un gamète est une moitié d'enfant, il ne faut pas faire de dons anonymes et gratuits.
Pardon de revenir sur un clivage que nous constatons parfois entre nous : dans la constitution de notre humanité, la génétique et la biologie jouent un rôle inférieur à celui de l'éducation et de l'affection. Le fait de donner ses gamètes n'est pas en soi un acte de paternité ou de maternité partiel.
À partir de ce raisonnement, une question se pose : pourquoi un jeune de vingt ans peut-il donner son rein de manière altruiste – nous avons voté ensemble l'élargissement du cercle des donneurs au-delà de la famille – alors qu'il ne peut pas donner un ovocyte ? N'y a-t-il pas là une contradiction ? N'y a-t-il pas plus de risque à donner son rein qu'à donner un ovocyte ?
Si on va au bout du raisonnement, on voit bien qu'il n'y a pas de raison pour qu'une femme adulte, jeune et libre ne fasse pas un don d'ovocyte : parce qu'elle a été sensibilisée par une campagne, parce que son gynécologue lui en a parlé ou parce qu'elle connaît, dans le cercle amical ou familial, des personnes qui en ont eu besoin, elle peut vouloir le faire de manière altruiste.
Si nous avons dit qu'il fallait avoir un enfant pour pouvoir faire un don de gamètes, ce n'est pas, comme l'a expliqué mon ami Xavier Breton, parce qu'il faut avoir l'expérience de la maternité ou de la paternité, c'est parce que nous avons imaginé l'éventualité où un donneur, après avoir donné des gamètes pour permettre à quelqu'un d'autre d'avoir un enfant à partir d'eux, ne pourrait plus avoir d'enfant. Il serait alors saisi de remords et vivrait dans le regret de savoir que, loin de lui, un enfant porteur de ses gênes est possible, alors que lui-même ne peut pas en avoir un.
C'est donc le regret éventuel de renoncer à une maternité par un accident de la vie qui motivait cette condition au don d'ovocytes, et non la nécessité d'avoir une expérience de la maternité.
Qu'entend-on par accident de la vie ? Être stérile parce qu'on n'a plus d'ovocytes.
Le discours vis-à-vis des femmes est le suivant : « Madame, je ne vous offre pas une contrepartie, mais je vous garantis que vous n'aurez pas ce regret. Je ne vous propose pas du « donnant-donnant » – vous donnez vos ovocytes et je vous en garde quelques-uns au frigidaire pour vous les donner quand vous en aurez envie –, je prends l'engagement que, si un accident de la vie vous rend stérile, je viendrai médicalement apporter la compensation dans le cadre de l'aide médicale à la procréation. »
Lorsqu'il est question de bioéthique, on part toujours de problèmes concrets mais on est vite amené à se poser des questions fondamentales. Personnellement, je crois profondément – mais ce point de vue n'est pas partagé – que l'affectif et l'éducatif priment largement sur le génétique et le biologique, et que nous sommes faits de l'amour et du savoir que les autres nous transmettent, non pas de la génétique qui est en nous, qui ne sert qu'à faire du genre humain. C'est l'éducatif et l'affectif qui font la personne humaine que nous sommes. Dès lors, je considère qu'un adulte responsable peut donner ses gamètes au même titre qu'un rein, à cela près que la société lui doit une chose : l'empêcher d'avoir le regret ou le remords, en cas de stérilité, de ne pouvoir avoir recours à ses propres gamètes.
C'est la raison pour laquelle je vous ai fait cette proposition. Elle a suscité des interrogations au sein de tous les groupes, y compris du mien, mais j'espère vous avoir apporté des arguments qui vous convaincront qu'il y a là une possibilité d'avancer dans l'efficacité sans renoncer à nos fondamentaux éthiques. (Applaudissements sur divers bancs.)
Vous avez évoqué le sujet de fond, monsieur le rapporteur, mais vous n'avez pas donné l'avis de la commission sur l'amendement n° 84 .
L'amendement n° 84 n'a pas la même portée. Si Mme Fraysse le présente comme une alternative à la proposition que j'ai faite, je serai évidemment gêné de donner un avis favorable. Cependant, quel que soit le sort que vous réserverez à ma proposition de permettre aux nullipares de donner leurs gamètes, je n'ai pas d'opposition à formuler sur une mesure incitative pour l'ensemble des médecins à diffuser une information régulière sur le don de gamètes.
L'idée d'informer est, bien entendu, tout à fait opportune. Ce qui l'est moins, c'est de l'inscrire dans la loi.
Il est dommage d'en faire une obligation. Quand la situation se présente, les médecins diffusent cette information. Personnellement, je fais confiance aux professionnels. Dans les bonnes pratiques, ils savent répondre aux préoccupations des femmes qui s'engagent dans une démarche de procréation médicalement assistée.
Je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée.
J'appelle l'attention de mes collègues sur le fait que nous disons tous, la main sur le coeur, qu'il faut faire des campagnes d'information et que nous ne les faisons pas.
Mme la secrétaire d'État fait valoir que les médecins le font quand le cas se présente. Si je puis me permettre, je lui répondrai que ce qu'il faut, c'est qu'ils le fassent pour que les cas se présentent. Si nous voulons que ces questions soient connues et débattues par les citoyens, afin d'être assimilées, il faut leur en parler dans toutes les occasions possibles.
C'est l'objet de mon amendement. Je m'en remettrai, moi aussi, bien évidemment, à la sagesse de l'Assemblée, sachant que je n'ai ni l'intention d'alourdir inutilement le texte, ni l'illusion de régler l'immense problème qui vient d'être évoqué.
Le groupe SRC votera cet amendement. Nous estimons qu'il est bon de rappeler dans un texte de loi que les médecins doivent informer régulièrement leurs patients sur le don de gamètes.
(L'amendement n° 84 est adopté.)
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour défendre l'amendement n° 83 .
Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements nos 83 et 85 .
L'amendement n° 83 vise à supprimer les alinéas 3 et 4 de l'article 19 A, c'est-à-dire la disposition permettant aux femmes n'ayant pas eu d'enfant de donner leurs ovocytes et la possibilité qui leur est offerte en contrepartie de garder une partie de leurs propres gamètes.
L'amendement n° 85 tend à ne supprimer que la possibilité de conserver des gamètes pour soi-même.
Je précise que, si l'Assemblée maintient son souhait que les personnes n'ayant pas eu d'enfant puissent donner des gamètes, je souhaite, personnellement, qu'elles puissent en conserver. Bien que je ne le voterai pas, je soumettrai cependant l'amendement n° 85 au vote parce que mon groupe l'a demandé.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.
J'apporterai cependant les informations suivantes concernant les campagnes de sensibilisation.
Des campagnes régulières ont été organisées par l'Agence de la biomédecine. Deux ont concerné les dons de spermatozoïdes et ont été fructueuses : elles ont conduit à une augmentation assez substantielle des donneurs.
Jusqu'à présent, une seule information a été réalisée sur les dons d'ovocytes, en 2008. Ils n'ont pas fait l'objet d'une campagne de promotion.
C'est exactement ce que j'allais dire, madame Boyer.
En novembre prochain – c'est généralement le mois où s'opèrent les campagnes de sensibilisation et de promotion sur les dons de gamètes –, il est prévu une campagne visant à recruter des donneuses. Le débat parlementaire aura permis à l'ensemble de la population de s'approprier ces notions.
Une fois les donneuses motivées à donner leurs ovocytes, il faut ensuite améliorer l'accès à ceux-ci.
Le Gouvernement a commandé un rapport à l'IGAS, qui a fait quelques préconisations : d'abord, améliorer l'organisation des équipes hospitalières ; ensuite, améliorer la prise en charge des donneuses, en particulier sur le plan financier ; enfin, faire en sorte que les centres d'AMP soient proches des lieux de vie des personnes pour pratiquer le don.
Sans reprendre l'argumentaire que j'ai développé, vous comprendrez que j'émette un avis défavorable sur les amendements en discussion, puisqu'ils détruisent le dispositif que je vous ai exposé.
Je voudrais répondre à M. Leonetti sur l'espèce de chantage qu'il a évoqué, c'est-à-dire sur le fait qu'il soit demandé aux femmes engagées dans une démarche d'AMP de chercher une donneuse autour d'elles « pour accélérer leur dossier ».
Pour bien connaître le sujet, je peux dire que ce n'est pas ainsi que cela se passe.
Vous avez caricaturé, en effet.
Il faut savoir que les CECOS, dans leur ensemble, travaillent bien. Les couples qui passent entre leurs mains se voient proposer tout un cheminement en passant par des psychiatres. Ces psychiatres voient aussi, d'ailleurs, les donneurs et les donneuses pour savoir quelle est la motivation de leur don. Les donneurs n'arrivent pas un beau matin pour donner leurs gamètes, parce que l'envie les en a pris au réveil. Ce n'est pas ainsi que cela se passe.
Le couple est accompagné. On lui explique la démarche et on attend qu'il soit prêt. C'est au moment où il est déclaré « bon pour le service », si je puis dire, qu'il pose la question du temps que cela va prendre.
Il lui est alors répondu qu'il faut faire appel à une banque de sperme ou à une banque d'ovocytes et que, comme il n'y a pas assez de dons de gamètes, il lui faudra attendre deux ans.
C'est la raison pour laquelle je considère que ce qui est écrit actuellement dans la loi est une fausse réponse à un vrai problème. Les meilleurs vecteurs pour motiver les proches, monsieur Leonetti, sont les couples qui ont subi ce parcours. Ce n'est pas un lien de subordination qui joue, mais un lien d'amitié ou un sentiment qui existe entre les gens.
Pas uniquement, mais il est vrai qu'en général, on fréquente plutôt des gens qui ont à peu près le même âge.
Une fois que le couple a été informé qu'il devra attendre deux ou trois ans, il y a deux avantages à lui proposer de trouver dans son entourage des personnes capables de donner des spermatozoïdes ou des ovocytes. Le premier est qu'il faut que ces personnes soient papas ou mamans, et le second, monsieur Leonetti, c'est que vous savez que le couple l'a, au moins, dit à quelqu'un.
Quel est le problème des enfants qui cherchent leur donneur ou leur donneuse ? Lorsque vous vous penchez sur leur histoire, vous vous apercevez qu'il s'agit d'enfants à qui, croyant bien faire, on n'a pas dit qu'ils étaient issus d'un don ou à qui on l'a dit trop tard. Telle est la réalité vécue, nous disposons d'un recul de vingt ou trente ans pour en juger. Lorsque les enfants savent, il n'y a pas de problème lié à l'anonymat du don, car, d'une certaine manière, le donneur n'existe pas dans leur vie, pour toutes les raisons de construction affective que vous avez données, monsieur le rapporteur. N'oublions donc pas cela : les meilleurs vecteurs sont les équipes et les personnes qui ont déjà suivi ce parcours.
S'agissant de la condition d'avoir soi-même déjà eu des enfants, je n'abonderai pas dans le sens de M. Breton, et je suis d'accord avec vous, monsieur le rapporteur. Il s'agit d'éviter des problèmes à venir. Le rôle du législateur est effectivement de protéger les personnes.
Il faut vraiment que les dons relèvent, autant que possible, du secteur public. Cela réduira d'autant le risque de les voir un jour rémunérés. À titre personnel et par souci de cohésion en tant que députée de l'opposition, j'approuve l'amendement de Mme Fraysse, même si c'est le même que celui de M. Breton.
Je ne dirai que quelques mots dans ce débat que l'on n'attendait pas nécessairement sur un tel sujet.
Nous sommes tous d'accord pour constater un manque de dons, nous l'avons dit hier soir à propos des organes ou du sang. La problématique du don en France rend manifeste la nécessité d'informer, de sensibiliser, de communiquer encore et encore, et de ne pas se contenter d'évoquer la question dans cet hémicycle. Il faut s'assurer, à longueur d'année, que l'information est diffusée grâce à de grandes campagnes ou bien des campagnes plus ciblées en fonction des publics que l'on vise. Je le réaffirme encore et à nouveau.
S'agissant de la condition d'être soi-même parent, j'abonde dans le sens des propos qui viennent d'être tenus. Les deux arguments peuvent d'ailleurs s'additionner. C'est aussi d'une certaine façon préserver l'avenir.
Dernier point, s'agissant de la contrepartie, je rappelle le principe d'indisponibilité du corps humain énoncé à l'article 16 du code civil. Il implique, nous l'avons dit et redit, gratuité et anonymat du don. Il serait prudent de s'en tenir à ces notions gravées dans le marbre, qui ne souffrent aujourd'hui aucune exception. Si nous commencions à entrouvrir la porte, c'est le modèle français qui en subirait les conséquences. Or je crois que ce modèle a vraiment de l'avenir. Halte à la marchandisation ! Le corps n'est pas à vendre, le corps n'est pas une marchandise ; ce débat nous donne l'occasion de le rappeler. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Je remercie le rapporteur de son intervention de tout à l'heure. Nous sommes une majorité à souscrire à son propos.
Je le dis pour que les choses soient claires : si nous votons les amendements nos 83 et 85 , nous mettons à bas le dispositif adopté en première lecture, pourtant tout à fait cohérent. La grande majorité de mon groupe propose donc de les rejeter.
La parole est à Mme Martine Billard. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, dans le cadre du temps programmé, si un député demande la parole, je dois la lui donner. En outre, cette procédure se prête parfaitement à un débat sur la bioéthique qui, me semble-t-il, exige du temps.
J'ai également écouté avec beaucoup d'attention les propos qu'a tenus tout à l'heure M. le rapporteur, et je m'y suis retrouvée. Personnellement, je ne voterai donc pas les amendements de mon groupe ; comme on l'a déjà dit, les points de vue sur cette question transcendent les groupes. Nous avons d'ailleurs déjà eu à discuter de lois portant sur des questions – bioéthique, droit de mourir dans la dignité – qui relèvent de la conviction personnelle plutôt que de positions partisanes.
Pour ma part, je me retrouve dans les propos qui viennent d'être tenus par M. Gosselin. Le don doit rester désintéressé, anonyme et totalement gratuit. Pour que ces principes demeurent respectés, il n'est pas possible que le don soit géré par le secteur privé, car ce serait, on le sait, accepter la possibilité, à terme, de sa marchandisation ou de sa financiarisation ; l'ensemble de mon groupe partage cette position.
En outre, je suis personnellement favorable à ce que l'on ouvre la possibilité du don à des femmes qui n'ont pas encore eu d'enfant. Pourquoi faudrait-il être déjà parent pour faire un don ? Franchement, je ne vois pas le rapport, d'autant qu'il n'est pas nécessaire de remplir une condition analogue pour d'autres dons ; le rapporteur le disait, et j'approuve pleinement son point de vue. Je tiens plus à la relation d'amour entre adultes et enfants qu'à une relation génétique.
Combien d'enfants ont été aimés par leurs parents non biologiques et combien, au contraire, ont été finalement peu aimés par leurs parents biologiques ? Il est plus que temps, de nos jours, de tourner cette page : certes, il y a des enfants biologiques qui sont aimés, mais il y a aussi d'autres formes de parentalité qu'il faut savoir reconnaître ; dans l'intérêt de l'enfant, c'est fondamental.
Par ailleurs, je suis favorable à ce que les femmes ayant fait un don d'ovocytes sans avoir d'enfant aient la possibilité de bénéficier elles-mêmes de leur don en cas d'infertilité qui surviendrait postérieurement au don ou de recomposition de famille à un âge où il est plus difficile d'avoir des enfants. Cela ne signifie évidemment pas qu'il faille repousser la limite au-delà de certains âges, mais l'on sait que les choses peuvent être plus difficiles au-delà de trente ou trente-cinq ans. Laissons donc cette porte ouverte aux femmes qui ont précédemment fait un don désintéressé.
Je voterai donc contre les amendements nos 83 et 85 , bien qu'ils émanent de mon groupe.
Je rappelle simplement que, s'il y a contrepartie, il n'y a plus de don.
Je suis saisi d'un amendement n° 85 .
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
Je veux juste apporter des précisions sur cet amendement de repli que j'ai déjà présenté et qui tend à empêcher que la personne qui fait un don puisse conserver des gamètes pour elle-même.
À mes yeux, il est légitime, si l'Assemblée autorise le don de gamètes aux personnes qui n'ont pas eu d'enfant, que ces personnes aient la possibilité de conserver des gamètes. Je ne vais donc pas voter cet amendement.
Je le maintiens toutefois, car certains d'entre nous pensent que la disposition qu'il a pour objet de supprimer ouvrirait une brèche trop large dans l'éthique actuelle, considérant que les femmes concernées, si elles ont besoin d'une procréation médicalement assistée, pourront en bénéficier comme toutes les autres.
Défavorable, pour toutes les raisons évoquées antérieurement et en raison de la décision que vient de prendre notre Assemblée.
Sagesse.
(L'amendement n° 85 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 45 .
La parole est à M. Bernard Gérard.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.
Lorsque les patients se rendent dans un service, ils se voient en général délivrer un certificat ; cela fait partie des bonnes pratiques.
(L'amendement n° 45 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 92 .
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Les dispositions que tend à introduire cet amendement font partie de l'éventail des solutions de nature à augmenter le nombre d'ovocytes disponibles. Il s'agit de permettre aux centres privés, à but lucratif ou non, de participer aux dons d'ovocytes.
En France, des centres privés, soumis exactement aux mêmes règles et aux mêmes contraintes que le secteur public, réalisent actuellement près de 60 % de l'assistance médicale à la procréation. Les règles, les régimes d'autorisation, les contraintes sont les mêmes : il ne s'agit donc pas d'opposer public et privé.
Dans certaines régions de France, des CHU ayant reçu l'autorisation n'ont réalisé aucun prélèvement d'ovocytes depuis 2004, alors que la demande est en constante augmentation ; dans certains départements, il n'y a que deux dons d'ovocytes par an. On voit bien à quelle pénurie sont confrontées les femmes et les familles qui voudraient bénéficier d'un don. Selon un rapport de l'Agence de la biomédecine, « la demande de don d'ovocytes en France n'est pas satisfaite. Une enquête nationale menée par l'ABM en 2005 a dénombré plus de 1 300 couples en attente d'ovocytes. » Nous voyons donc bien à quelles difficultés se heurtent tous ces couples.
Un rapport de l'IGAS datant du mois de février 2011, fait état de 300 donneuses d'ovocytes se présentant chaque année en France, pour un besoin évalué par la mission à 1 500 à 6 000 nouvelles demandes de prise en charge remplissant les critères exigés par la loi.
Le même rapport propose l'ouverture du don d'ovocytes au secteur privé « de façon encadrée, dans les régions où l'absence du secteur public conduirait à ce que l'AMP avec don d'ovocytes ne soit pas accessible sur le territoire régional ». En somme, en cas de carence du secteur public, le privé pourrait s'occuper du don d'ovocytes.
Des couples peuvent attendre de deux à cinq ans, j'y insiste, un don d'ovocytes, alors même que les chances de succès s'amenuisent à mesure que l'âge de la demandeuse augmente. Ce sont des situations particulièrement douloureuses : après un parcours extrêmement difficile, lorsque l'on est enfin « bon pour le service », pour reprendre l'expression de Mme Lemorton, il faut encore attendre cinq ans ! Une telle attente est particulièrement difficile – certains couples n'y arrivent pas – et réduit les chances de pouvoir avoir un enfant pour les femmes dont l'âge avance. Il en résulte une angoisse permanente.
Selon l'IGAS, cette grande pénurie d'ovocytes explique que 80 à 85 % des couples se rendent à l'étranger – on l'a dit plusieurs fois – pour bénéficier d'un don d'ovocytes. Aucune garantie n'est donnée aux patientes françaises sur la qualité des ovocytes qui leur sont vendus, et très cher, contrairement à ce qui se passerait si cet acte était plus aisé en France. Bien évidemment, ces dons faits à l'étranger ne sont pas soumis aux mêmes autorisations ni aux mêmes contraintes que chez nous, et il n'y a pas de comité d'éthique ; ils ne sont parfois pas anonymes et, en tout cas, jamais gratuits. On pénalise ainsi les familles les moins aisées, à qui le don devient totalement inaccessible, et l'on est confronté, encore une fois, à une situation totalement inégalitaire.
Afin de favoriser le don d'ovocyte, la mission d'information sur la loi bioéthique a identifié plusieurs freins qui peuvent en expliquer la pénurie. Il n'est pas normal que les femmes françaises, à cause de la pénurie dans notre pays, aillent à l'étranger, même si ce n'est pas loin.
Nous n'allons pas faire ce que l'on fait ailleurs et l'objet de cette loi de bioéthique n'est pas d'appliquer les mauvaises pratiques de l'étranger. On entend souvent, sur ces bancs, parler de la marchandisation des corps et des ovocytes : c'est un argument qui me révolte, car ce n'est pas la conception que j'ai de la médecine française. Mes chers collègues, ce n'est pas parce que les dons d'ovocytes seront faits dans des centres privés qu'ils donneront lieu à marchandisation. Comment peut-on dire une chose pareille à des médecins français ?
Qu'ils exercent dans le public ou dans le privé, ils sont soumis aux mêmes contraintes : il y a un comité d'éthique et un Conseil de l'Ordre. Cela voudrait dire que l'on jette l'opprobre sur toute une partie du secteur privé français. Ce n'est pas la conception que nous en avons.
Nous avons voté, la semaine dernière, toute une série d'améliorations dans le cadre de la loi Hôpital-Patients- Santé-Territoires, dont l'esprit est de rapprocher l'ensemble du système. Je rappelle que ce système repose sur de l'argent public ; aussi, peu importe le statut de l'établissement qui fera l'acte, ce qui compte, c'est le service rendu aux malades. Et si ce service est autorisé, c'est qu'il est considéré comme bon et rendu dans de bonnes conditions. Un établissement privé et un établissement public répondent aux mêmes règles. Dire que des médecins qui exercent dans des établissements privés participeraient à la marchandisation de leurs actes ou des corps n'est pas un argument recevable. Les syndicats de médecins, comme le syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France, et les médecins, qu'ils soient gynécologues obstétriciens ou biologistes, ne peuvent pas accepter ce genre d'argument.
Aussi, mes chers collègues, je vous propose d'adopter notre amendement qui vise à autoriser les établissements publics comme privés à pratiquer le don d'ovocytes. Si la vitrification des ovocytes était permise, nous augmenterions la possibilité pour les femmes françaises d'accéder à des ovocytes en France. J'insiste sur le fait que, dans le public comme dans le privé, cette pratique est très encadrée. Malheureusement, nous avons organisé une pénurie en France et tout le monde n'y a pas accès.
S'agissant des spermatozoïdes, tout se passe correctement dans les CECOS. Bien qu'il n'y ait pas beaucoup de donneurs, il n'y a pas de pénurie. On a beaucoup travaillé sur la fertilité masculine et la demande est moins difficile à satisfaire, pour toutes les raisons brillamment évoquées par Jean Leonetti. Pour les ovocytes, la pénurie et la demande sont telles que nous avons besoin de tout le monde. Nous ne pouvons pas rejeter une partie de notre système de santé.
J'ai entendu l'argumentaire de Valérie Boyer, mais je préfère de loin celui qu'elle développe dans l'amendement suivant.
À titre personnel, et du fait des fonctions que j'exerce par ailleurs, je suis opposé à la commercialisation et à la marchandisation d'une partie de la médecine. Il y a des missions de service public et celles-ci doivent être parfaitement définies. Si vous vous en souvenez, nous avons voté, dans la loi HPST, qu'en cas de carence avérée du service public, on pouvait faire un appel d'offres afin de combler cette carence par le biais d'un service privé, dans le cadre strict d'une mission de service public.
À plusieurs reprises, nous avons interrogé le Gouvernement, qui a répondu très clairement qu'il ne s'agissait pas, comme je l'avais dit abusivement, d'une vente à la découpe du service public au privé, mais seulement de chercher à combler une carence avérée lorsque le service public ne pouvait pas assumer sa mission. On remplace ainsi, sur le plan territorial, une mission de service public par une mission de service au public. Si, à certains endroits, la chirurgie n'est pratiquée que par une clinique, une organisation peut être mise en place afin que cette mission de service public puisse être, dans des conditions strictes, assumée par le privé.
Dans l'intelligent amendement de repli présenté, entre autres cosignataires, par Jean-Sébastien Vialatte et Valérie Boyer,…
Si vous me permettez d'insister, monsieur le rapporteur, je préfère l'amendement n° 92 !
…qui diffère un peu, figure précisément cette restriction.
Une deuxième restriction que je souhaite voir inscrire dans le texte est portée par l'amendement suivant : ce n'est pas le recueil des ovocytes qui est commercialisable ou qui peut entraîner une dérive, c'est l'organisation et la distribution.
En cas de carence du service public, une organisation privée pourrait prendre le relais au niveau territorial, mais seulement pour le recueil des ovocytes. Ce système assurerait une double garantie : d'abord en offrant une territorialité satisfaisante avec un accès aux soins ou à l'aide médicale à la procréation sur l'ensemble du territoire pour tous nos concitoyens ; ensuite, en empêchant toute dérive commerciale…
Ce n'est pas parce qu'il s'agit du secteur privé qu'il y a forcément dérive commerciale !
…sans court-circuitage du service public par une concurrence privée qui le mettrait en difficulté.
Je suis donc défavorable à votre amendement n° 92 , madame Boyer ; je serai, en revanche, extrêmement favorable au suivant, car, loin d'être un amendement de repli, à mes yeux, il constitue une avancée : il apporte une double garantie et il est en cohérence avec ce que nous avons voté dans la loi HPST. Il s'intègre exactement dans les limites que nous avons fixées pour que l'accès aux soins par l'ensemble de la population puisse être assuré grâce aux coopérations interhospitalières et aux coopérations public-privé.
Que dit le rapport de l'IGAS ?
J'ai évoqué tout à l'heure ses trois préconisations : améliorer l'organisation des équipes hospitalières, améliorer la prise en charge des donneuses et assurer la proximité des centres d'AMP qui pratiquent le don.
Cela nous conduit, si nous voulons assurer cette proximité, à autoriser les établissements privés à but lucratif, comme le préconise le rapport de l'IGAS, à pratiquer les activités de prélèvement et de préparation des hôpitaux en cas de carence de l'offre de soins depuis au moins deux ans dans la région, après constatation par arrêté du directeur général de l'agence régionale de santé.
Étant donné que l'amendement n° 92 ne propose pas le cadre préconisé par l'IGAS, je demande à Mme Boyer de bien vouloir le retirer au profit de l'amendement n° 5 rectifié qui propose une rédaction et un cadre plus conforme au rapport de l'IGAS.
Le sujet vous passionnant tous, plusieurs orateurs ont demandé la parole.
La parole est à Mme Catherine Lemorton.
Vous ne pouvez pas dire que le public et le privé emploient les mêmes méthodes. Je vais comparer deux centres – il y en a un à qui mes propos ne plairont pas, mais tant pis !
Je ferai la comparaison, à Toulouse, entre un centre privé et un centre public, le CECOS.
Lorsqu'un couple a réussi à avoir un enfant grâce à l'intervention du CECOS, on l'informe de l'existence d'une association de chercheurs et de médecins, et de la possibilité – ce n'est en aucun cas une obligation – de faire un don financier pour leur permettre d'assister à des colloques, puisque de moins en moins de moyens sont consacrés à l'hôpital public.
S'agissant du centre privé, plusieurs couples ont témoigné des mêmes faits. Outre les dépassements d'honoraires qu'ils ont soulignés, ils se sont étonnés d'avoir eu à payer quelque chose, sans être remboursés par la suite. Bien entendu, je parle d'une même démarche, celle d'un couple ayant la même demande, et des différences de traitement entre le centre public et le centre privé.
Une autre méthode me déplaît particulièrement dans les centres privés. Lorsqu'un couple vient procéder à une fécondation in vitro, le futur papa est informé que le centre gardera un peu du sperme qu'il a donné. Si les fécondations in vitro aboutissent à l'arrivée d'un enfant, couronnant ainsi le projet parental, le centre contactera le père pour libérer les paillettes de sperme, faisant de lui un donneur forcé. Lorsqu'un couple est dans la demande, dans l'attente d'un enfant, qu'il souhaite à tout prix avoir cet enfant, on peut lui faire accepter presque tout !
Vous pouvez m'objecter qu'il y a en cela une certaine éthique : s'ils ne sont pas parents, les paillettes de sperme ne seront pas libérées. Quoi qu'il en soit, ce ne sont pas des conditions d'acceptation pour des dons de sperme.
C'est votre façon de raconter l'histoire ! Moi, j'y ai vu autre chose !
Non, madame Boyer, ce n'est pas ma façon de raconter ! Je vous explique ce qui s'est passé sur le terrain et ce que nous avons vécu. Et cela n'est pas normal.
Même s'il n'y avait qu'un seul cas de ce genre en France, j'affirme que ces pratiques doivent rester la prérogative d'un secteur à but non lucratif.
Monsieur le président, j'évoquerai l'amendement n° 5 rectifié , qui diffère un peu de l'amendement de Mme Boyer et qui a été excellemment défendu par le rapporteur.
Le constat est double : d'un côté, une pénurie d'ovocytes, de l'autre côté, une carence du service public dans certaines régions où, depuis plusieurs années, aucun ovocyte n'a été prélevé.
Partant de là, nous proposons que le secteur privé puisse, dans les régions où la carence du service public est avérée, faire ces prélèvements. Je précise qu'il s'agit uniquement des prélèvements. C'est la différence avec l'amendement précédent : les activités de conservation, d'appariement et de distribution restent l'apanage du secteur public. En outre, il faut que la carence soit constatée par l'agence régionale de santé, et libre au directeur de l'ARS d'inciter les établissements publics à faire leur travail.
Il y a, si j'ose dire, un double parapluie : d'une part, les activités commerciales sont totalement exclues du service privé puisqu'il ne peut faire que les prélèvements ; d'autre part, il y a une véritable incitation du secteur public à rendre le service qu'il ne rend pas aujourd'hui. C'est en quelque sorte une délégation de service public.
Je tiens à le réaffirmer, je suis contre la marchandisation de la médecine. Néanmoins, il y a parfois des carences du secteur public et, dans ce cas, je suis tout à fait favorable à une coopération entre la médecine publique et la médecine privée.
Dans la suite du rapport de l'IGAS, je pense, comme mon collègue Vialatte, avec qui j'ai cosigné l'amendement, que les prélèvements peuvent être faits dans des secteurs privés non lucratifs. Dans ce cas, madame Lemorton, il n'y a pas de paiement à l'acte, donc pas de dépassement d'honoraires.
L'autre intérêt est celui de la proximité. Je tiens aussi à dire que, dans cet amendement, comme l'a indiqué Jean-Sébastien Vialatte, on se limite au recueil, non à l'ensemble de l'AMP.
Je suis, moi aussi, assez favorable à l'amendement de repli.
Toutefois, je me permettrai d'interroger le rapporteur au titre des autres fonctions qu'il exerce : j'aimerais comprendre pourquoi certains CHU ne pratiquent pas cette activité, même s'ils en ont l'autorisation. Est-ce un problème de tarification ou de rémunération ? Il faudrait que notre assemblée puisse être éclairée, car, parallèlement à cet amendement, il y aurait peut-être d'autres points à envisager.
Alain Claeys vient d'énoncer la vraie question qui se pose. Je comprends les arguments de Mme Boyer, mais je serai, comme le rapporteur, favorable à l'amendement de repli, car il me semble qu'en cas de problème, et seulement dans ce cas, il faut apporter une solution.
Le rapport de l'IGAS précise, dans sa recommandation n° 15 : « Le développement de banques d'ovocytes issus du don doit rester dans le champ des centres publics et s'appuyer sur l'expertise du réseau des CECOS en la matière. » Il ajoute : « Dans les schémas d'organisation qu'elle retient, la mission n'estime pas nécessaire une ouverture large du don au secteur privé lucratif, mais elle ne l'exclut, pas… » – c'est l'objectif de l'amendement de repli – « …de façon encadrée dans les régions où l'absence du secteur public conduirait à ce que l'AMP avec don d'ovocytes ne soit pas accessible sur le territoire régional. »
Pourquoi – et c'est la vraie question –165 enfants seulement sont-ils nés de dons d'ovocytes l'année dernière, alors qu'entre 1 600 et 6 000 couples demandent un don d'ovocyte ? Parce que – et les ARS devaient se pencher sur cette question – les moyens du secteur public sont insuffisants. Les gens qui en ont les moyens se rendent, de ce fait, à l'étranger.
Je partage donc toute votre démonstration, madame Boyer, mais je ne parviens pas exactement à la même conclusion. Quand on sait le nombre de personnes ne pouvant avoir d'enfant pour des raisons médicales, on doit régler le problème des dons et développer le secteur public à proximité des CECOS. Mme Génisson et M. Nauche l'ont d'ailleurs souligné en commission. Il ne doit pas, bien sûr, y avoir d'acte rémunéré, ce qui évitera au secteur privé de se développer. Tenons-nous en donc à la gratuité du don, ce qui est le cas, et renforçons cette mission de service public dans notre pays.
Je suis en effet cosignataire de l'amendement n° 5 rectifié parce que je pense que nous devons absolument faire en sorte que le don d'ovocytes s'améliore. Je rappelle qu'il est précisé, au dernier alinéa de l'amendement n° 92 , qu'aucune rémunération à l'acte ne peut être perçue par les praticiens au titre de ces activités. Les établissements français, quel que soit leur statut, s'ils ont une autorisation ou s'ils répondent à un appel d'offres, doivent être considérés de la même façon. À vous entendre, il y aurait, en France, les gentils dans le public qui font les choses comme il faut, et, dans le privé, des méchants qui font tout payer sans respect pour la déontologie.
C'est ce que j'entends et c'est en tout cas ainsi que le comprendront les médecins du secteur privé. On ne peut admettre ce genre de propos ! Aujourd'hui, il y a une carence. Dieu sait si je partage souvent l'avis de Jean Leonetti, mais je n'ai pas la même analyse que lui, s'agissant de la loi HPST, laquelle permet justement la fluidité entre les deux systèmes. Le système public et le système privé, c'est de l'argent public...
…ce sont les mêmes autorisations, c'est le même code de déontologie, c'est le même Comité national d'éthique, ce sont les mêmes contrôles par l'Agence de biologie médicale. Quand un médecin français a terminé ses études, il prête serment et est soumis aux mêmes règles et aux mêmes contrôles.
Entendre parler de marchandisation pour le secteur privé, alors que cette activité est autorisée et qu'il est précisé dans l'amendement qu'il n'y aura aucune rémunération à l'acte, est, pour moi, comme sans doute pour tous les médecins français, très difficile.
Je comprends l'attachement de Jean Leonetti au secteur public, puisqu'il y occupe de très hautes fonctions. Nous y sommes nous aussi très attachés. En l'occurrence, il ne s'agit pas d'opposer un système à un autre, mais de répondre à une difficulté. Je rappelle qu'en France, 60 % des actes d'AMP sont réalisés par des établissements privés et ne donnent lieu à aucune marchandisation. Si nous nous interrogeons aujourd'hui, c'est qu'une carence a été constatée. En effet, dans certains départements et non des moindres, on compte deux dons d'ovocytes par an. Il est impossible de continuer ainsi. Notre objectif – partagé, je le crois, sur l'ensemble de ces bancs – est de permettre aux femmes françaises de bénéficier de dons d'ovocytes dans de bonnes conditions. C'est ce que propose cet amendement.
Opposer les uns aux autres n'est vraiment pas correct et ne correspond pas à l'esprit des textes que nous avons votés dans cette assemblée. Les gynécologues obstétriciens, les biologistes, les médecins du privé vivent très mal cette sorte d'opprobre dont ils sont victimes. Je ne comprends pas que l'on puisse, aujourd'hui, opposer système public et système privé. Nous sommes dans un esprit de coopération.
Alors, il fallait réserver – et heureusement que tel n'est pas le cas – l'AMP au secteur public ! Dans l'esprit de la loi, il n'y a pas de secteur réservé : il importe simplement de répondre à la demande des malades ou des personnes qui ont besoin de recourir à une procréation médicalement assistée. Je maintiens donc mon amendement.
Aucun orateur n'oppose les secteurs public et privé. Mais il est normal que le législateur s'interroge : pourquoi un certain nombre d'établissements publics détenteurs de l'autorisation depuis deux ne pratiquent-ils pas cette activité ?
L'ARS doit s'en préoccuper. Nous avons besoin d'obtenir des éclaircissements : est-ce un problème d'organisation , est-ce un problème de rémunération ? Au moment où l'on va accepter l'amendement de repli, l'amendement n° 5 rectifié , il est normal que notre assemblée s'interroge.
Nous touchons là un point qui dépasse très largement les problèmes de la procréation médicalement assistée : il porte sur l'organisation de l'hospitalisation depuis la mise en application de la loi HPST.
Certes. Mais depuis le vote de la loi HPST, si les ARS souhaitent que tous les CHU de France et de Navarre pratiquent la procréation médicalement assistée, elles peuvent l'imposer, comme elles peuvent le faire pour d'autres activités, au travers du dialogue de gestion entre les établissements et les agences. Le secteur public est très différent du secteur privé. J'évoquerai le problème du dépassement d'honoraires, dont nous avons parlé, le problème de l'accès aux soins, le fait que dans les hôpitaux publics, aujourd'hui, les missions d'intérêt général ne sont pas reconnues à la bonne hauteur.
Cela explique peut-être en partie pourquoi un certain nombre d'établissements ne pratiquent pas certaines activités liées à la procréation médicalement assistée. Derrière la vision très altruiste de Mme Boyer, qui souligne la non-rémunération à l'acte, il y a tout de même une rémunération de l'établissement.
La disposition proposée permettra en outre de transférer au secteur privé d'autres activités, beaucoup plus rémunératrices et totalement concurrentielles avec celles du secteur public. Céder sur ce point, c'est donc accepter sciemment de fragiliser davantage encore le secteur public qui n'en a guère besoin en ce moment !
Revenons à des choses simples. Tout d'abord, sil y a des dérives financières aujourd'hui, elles existent dans le secteur public ou privé non lucratif. En effet, le privé n'a pas actuellement d'autorisation. On ne peut donc pas caricaturer ce secteur en affirmant que ce qui s'y passe est horrible. Ensuite, la tarification à l'activité concerne uniquement le recueil et la ponction ; l'agencement et la redistribution relèvent des missions d'intérêt général. Aujourd'hui, le secteur public bénéficie bien évidemment de cette rémunération, non à l'acte, mais à l'activité au travers de la T2A, sur le recueil, et d'une mission d'intérêt général sur la redistribution et l'agencement. C'est la raison pour laquelle on ne peut pas affirmer non plus qu'il existe des rémunérations à l'acte, puisque notre code l'interdit.
Permettez-moi de rééquilibrer le débat. L'amendement de Jean-Sébastien Vialatte ne comporte aucun danger puisqu'il prévoit, sur les recommandations de l'IGAS, que les prélèvements pourront, sous le contrôle de l'ARS, être ouverts au secteur privé en cas de carence du secteur public. En outre, il n'y a pas de rémunération à l'acte, mais une tarification à l'activité équivalente dans les deux secteurs, l'agencement – mission d'intérêt général essentielle – demeurant dans le giron du service public.
Cet amendement, qui me semble répondre au souhait de Valérie Boyer…
…à savoir assurer l'égal accès, sur l'ensemble du territoire, au recueil d'ovocytes, permettra en plus d'éviter toute dérive commerciale.
Mon observation portera sur la forme. Nous avons tous été directement informés en effet de l'amendement n° 92 par des cliniques privées géographiquement situées. Je suis donc impatient que notre charte de déontologie nous protège contre ce genre de débat !
Je ferai plusieurs remarques.
Je suis quelque peu étonnée tout d'abord qu'on cherche à régler le problème, non pas en améliorant le service public, mais en opérant un transfert de ces activités au secteur privé. Je prendrai l'exemple du don du sang. Nous savons que l'on manque parfois de sang. Or personne n'a jamais proposé que le don du sang, qui relève aujourd'hui du service public, soit transféré au service privé. Mais sans doute n'est-ce pas assez rémunérateur ! Pour faire face à la pénurie de sang, des campagnes publiques appellent régulièrement nos concitoyens à donner leur sang. Donc, pour pallier la carence du service public en matière de dons d'ovocytes, pourquoi ne pas lancer une grande campagne de sensibilisation ? Pourquoi ne pas amener les ARS à s'interroger sur l'existence de cette carence dans leurs régions respectives et à proposer des solutions qui ne consistent pas simplement à faire basculer l'activité vers le secteur privé ?
Lorsque nous disons que ce transfert vers le secteur privé nous pose problème, nous ne mettons pas en cause des médecins en tant qu'individus, mais l'établissement privé qui va tirer un certain bénéfice de ces activités. Je rappelle tout de même que, collectivement, les médecins sont déontologiquement censés appliquer des dépassements d'honoraires avec tact et mesure. Or nous savons aujourd'hui ce qu'il en est ! Toute personne amenée à subir une intervention dans un hôpital, en secteur privé, sait parfaitement à quoi s'attendre.
Je réponds là à votre objection quant à une éventuelle mise en cause des médecins français.
Enfin, monsieur le rapporteur, ces actions relevant du secteur public, toute la chaîne est publique. Mais que se passera-t-il, lorsque le prélèvement et la préparation de l'ovocyte se feront dans un établissement privé ? Ce que nous craignons, vous le comprenez bien, c'est que les patientes allant dans cet établissement ne soient favorisées par rapport à celles qui iraient dans un établissement public et qu'il n'y ait plus de mise en commun des ovocytes. Il est important d'avoir des précisions.
Il y a peut-être des dérives dans le service public mais, si cette activité allait vers le secteur privé, il risquerait d'y en avoir davantage. Ce n'est donc pas un argument.
Nous avons des principes intangibles, la gratuité, la non-patrimonialité, la non-marchandisation des produits du corps humain. Ces grands principes relèvent de la responsabilité publique de l'État et ne peuvent être garantis que par lui. Ouvrir une brèche dans le dispositif en vigueur conduira à céder demain sur les principes fondamentaux.
J'entends les arguments évoqués, comme l'absence de proximité d'un certain nombre de services, mais cela pose la question de l'implantation des services publics. Le service public de l'énergie, aussi longtemps qu'il a été vraiment un service public de l'énergie, a permis d'amener l'énergie au même coût sur tout le territoire. Ce principe est menacé par la privatisation, et nous voyons bien ce que cela donne pour l'eau, vous n'avez qu'à regarder les tarifs.
Le service public doit garantir qu'il y a une réponse à un besoin public sur l'ensemble du territoire. S'il y a une carence, il faut se demander quelle en est la raison et y remédier. Des carences, nous en avons créé en ne donnant pas aux services publics les moyens d'assumer leurs missions de service public et, si l'on continue, c'est tout le paquet qui passera au secteur privé, avec la remise en cause des principes que nous avons défendus ici. C'est la raison pour laquelle nous voterons contre ces amendements.
Je voterai l'amendement de repli, mais avec les exigences qu'a très clairement émises notre président Alain Claeys. Il y a une situation de carence dans les hôpitaux publics, à laquelle il faut remédier, et je souhaite que le Gouvernement nous fasse part de ses propositions en la matière.
(L'amendement n° 92 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 5 rectifié .
Cet amendement a été présenté, la commission y est favorable.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Favorable, à condition que soient supprimés les mots « agréés par l'agence de la biomédecine ». En effet, l'agence de la biomédecine émet un avis mais les autorisations sont délivrées par l'agence régionale de santé.
Du fait de la territorialisation de l'organisation des soins, sous la gouvernance des agences régionales de santé, c'est bien le DGARS qui va organiser l'offre de soins, l'offre de façon générale, qui comprend bien sûr la PMA.
Il ne vous a pas échappé que notre objectif était de décloisonner. Nous décloisonnons le secteur privé et le secteur public pour que les offres de soins soient non pas en compétition mais complémentaires. S'il y a une carence, le DGARS a la possibilité de contractualiser avec un établissement privé. Dans ce cadre, il ne peut y avoir de dérive puisque seules les activités qui sont sous la tarification à l'acte pourront bénéficier de dotations budgétaires et que, parallèlement, il y aura, comme dans le secteur public, les fameuses MIG. Elles seront adaptées aux activités de PMA ne pouvant être assurées dans un hôpital public.
C'est donc bien une offre complémentaire pour faire face à une carence et répondre aux attentes des femmes et des couples.
Tels sont les éléments que je voulais apporter pour que tout soit clair. Aucune dérive n'est possible dans le cadre proposé par l'article.
Monsieur Vialatte, êtes-vous d'accord pour rectifier l'amendement comme le souhaite le Gouvernement, en supprimant les mots « ,agréés par l'agence de la biomédecine, » ?
Soyons très clairs, je ne suis pas d'accord avec tout ce qu'a indiqué Mme la secrétaire d'État. Il y a aujourd'hui, on le constate, une carence de l'offre publique. Or certains établissements ont eu des autorisations de l'ARS après avis de l'agence de la biomédecine mais n'exercent pas cette activité. Je souhaiterais donc que la fédération hospitalière saisisse le Gouvernement pour en connaître les raisons et qu'un débat puisse s'engager. Dans ces conditions, je suis favorable à l'amendement de repli.
Mme la secrétaire d'État a précisé que les centres étaient agréés par l'agence régionale de santé. Soit. Mais l'absence de l'agence de la biomédecine me préoccupe…
L'agence de la biomédecine émet bien entendu un avis, mais c'est le DGARS qui délivre l'autorisation.
Il est effectivement opportun, monsieur Claeys, de bien connaître les raisons pour lesquelles les établissements publics sont freinés dans la mise en place de cette activité, mais il y a déjà un premier levier sur lequel on peut agir. Dans le cadre de la contractualisation entre l'ARS et l'hôpital public, on peut réaffirmer avec les services concernés les objectifs attendus.
C'est vrai que nous pouvons nous demander pourquoi il n'y a pas d'activité dans des centres publics qui ont eu une autorisation. Pour moi, il y a deux explications. Il y a d'abord un problème de compétence. On ne peut pas comparer avec les dons de sang, madame Billard, car la PMA nécessite des gestes autrement plus techniques qu'une prise de sang, comme une coelioscopie. Par ailleurs, certains établissements publics peuvent avoir des objectifs différents et utiliser les MIG pour d'autres types d'activités. Je suis donc totalement favorable à une complémentarité entre le public et le privé. Vu le déficit du monde médical, elle sera d'ailleurs obligatoire.
(L'amendement n° 5 deuxième rectification est adopté.)
(L'article 19 A, amendé, est adopté.)
L'article 19 B ne fait l'objet d'aucun amendement.
(L'article 19 B est adopté.)
L'article 19 C a été supprimé par la commission.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 6 rectifié et 89 , tendant à le rétablir.
La parole est à M. Jean-Sébastien Vialatte, pour défendre l'amendement n° 6 rectifié .
Il s'agit d'autoriser explicitement la technique de congélation ultra-rapide des ovocytes, qui est interdite chez nous.
Cette technique, qui est largement utilisée à l'étranger et pour laquelle nous avons des retours d'expérience intéressants, a l'avantage de préserver la fertilité des jeunes femmes qui vont subir un traitement médical stérilisant alors qu'il faut aujourd'hui congeler un lambeau d'ovaire plutôt que des ovules, elle permettrait de faciliter le don d'ovocytes, de diminuer par voie de conséquence le tourisme procréatif et, enfin, d'offrir une solution alternative et complémentaire à la congélation d'embryons, qui, on le sait, pose des problèmes éthiques difficiles à régler. Il ne s'agit pas, c'est très clair, d'opposer congélation d'ovocytes et congélation d'embryons, c'est une solution alternative.
Pour toutes ces raisons, il faut autoriser la congélation ultra-rapide des ovocytes, et cette autorisation pourrait être retirée dans les conditions fixées par le décret en Conseil d'État prévu à l'article L.2141-1 du code de la santé publique.
Je partage évidemment tous les arguments qui ont été développés par M. Vialatte. Je ne reviens pas sur tous les débats que nous avons eus en commission s'agissant de l'intérêt de cette technique. Nous avions organisé à l'Assemblée nationale une conférence pour la promouvoir, et il est vraiment indispensable qu'elle soit autorisée. Tout le monde est d'accord, je pense, puisque nous avons déjà voté en ce sens.
Mon intervention porte sur la forme car nous avons eu quelques petits soucis. La commission a supprimé l'article 19 C par erreur, si je puis dire, dans des circonstances particulières qu'il serait beaucoup trop long d'expliquer et je ne veux pas alourdir les débats.
Si cet amendement est adopté, l'article 19 C sera rétabli dans la rédaction votée par le Sénat, ce qui présente l'avantage de ne plus avoir à revenir sur le sujet. Cela permet de sanctuariser un point, et c'est essentiel pour les raisons excellemment rappelées par M. Vialatte.
Vous le savez, je souhaite que la technique de la congélation ultra rapide des ovocytes soit autorisée.
Dans un instant va être présenté, à l'article 19, un amendement n° 1 rectifié de M. Leonetti, très bien rédigé. Si cet amendement est adopté, le Sénat rouvrira le débat. Personnellement, et même si la rédaction de l'amendement n° 1 est meilleure que celle des amendements identiques nos 6 rectifié et 89 , je souhaite, dans un souci de sécurité, que nous adoptions ces derniers. En effet, compte tenu de la longueur des débats et des aventures qu'a connues l'article 19 C, peut-être n'avons-nous pas intérêt à modifier encore la rédaction du texte.
Nous sommes tous d'accord, je crois, pour autoriser la congélation ultra rapide des ovocytes, même si cela comporte des inconvénients. Si l'on trouve paradoxalement par ce biais une égalité entre les hommes et les femmes, le dispositif offre surtout la possibilité de féconder les deux gamètes lorsqu'on le souhaite. L'aide médicale à la procréation devrait ainsi être plus efficace.
Tout à fait, madame Génisson.
Quelles que soient nos convictions profondes, le stock d'embryons surnuméraires est insupportable. Il faut donc aboutir à sa diminution. Un des éléments majeurs qui conduit à la création de l'embryon surnuméraire c'est que l'ovocyte est frais et le spermatozoïde congelé. Comme on ne choisit pas le temps et qu'il faut procéder à une stimulation ovarienne puis à la ponction des ovocytes, du coup on produit bien plus d'embryons que nécessaire. C'est ainsi que l'on se retrouve confronté au problème éthique complexe de l'embryon surnuméraire.
La technique étant validée d'un point de vue médical, elle ne pose pas de problème. Mais si demain cette technique devait être retirée pour une raison quelconque – par exemple si on en trouvait une autre – alors il faudrait à nouveau légiférer.
L'article 19 C a été supprimé par la commission pour faire réapparaître l'article 19. Par le jeu des votes en commission spéciale et peut-être aussi parce que certains ne voulaient pas toutes les mesures prévues dans l'article 19, on a supprimé l'article et donc l'aide médicale à la procréation. Aussi, avec l'amendement n° 1 rectifié , je vous propose une réécriture complète de l'article 19. Maintenir la suppression de l'article 19 reviendrait à dire en effet que la France renonce à l'aide médicale à la procréation, objectif qui ne semble pas être partagé sur tous les bancs de cette assemblée.
C'est la raison pour laquelle je propose à Mme Boyer, dont j'ai bien compris qu'elle en avait fait un combat…
…qu'elle mène avec passion, comme à chaque fois d'ailleurs, ainsi qu'à M. Vialatte de retirer leurs amendements car la vitrification des ovocytes figure dans l'amendement n° 1 rectifié qui est beaucoup plus complet.
Même avis que le rapporteur.
La vitrification des ovocytes mérite d'être réintroduite. Toutefois, à l'article 19 C, elle est déconnectée de l'AMP. Aussi, je suis favorable à l'amendement n° 1 rectifié et je propose à Mme Boyer et à M. Vialatte de se rallier à l'avis du rapporteur.
Je suis d'accord dans la mesure où l'on ne rouvre pas le débat au Sénat !
Je crois que tout le monde est d'accord sur le fond.
Il n'est pas exact de dire, comme l'indique l'exposé sommaire de l'amendement n° 89 : « Il y a encore un an, la technique de congélation ultra rapide des ovocytes était méconnue ou semblait irréalisable, voire dangereuse ». La France était très en retard en la matière. Un certain nombre de médecins français la préconisaient depuis déjà plus de deux ans.
Quant à l'amendement n° 1 rectifié qui réécrit l'article 19, il est probablement plus raisonnable que les amendements identiques nos 6 rectifié et 89 . Il faut vraiment sortir du problème des embryons surnuméraires car on a créé là une catégorie juridique dont on ne sait même pas nous-mêmes ce qu'elle est. On n'avait vraiment pas bien légiféré précédemment.
Comme nous l'avons indiqué en commission, notre groupe, dans sa grande majorité, est favorable à la rédaction de l'article 19 telle qu'elle est proposée par le rapporteur.
L'amendement de M. Vialatte pose un problème qui a d'ailleurs été souligné dans le rapport, à savoir qu'il autoriserait un texte réglementaire à revenir sur une autorisation accordée par la loi.
J'ajoute, monsieur le rapporteur, que ce n'est pas seulement le combat de Mme Boyer. En effet, nous sommes plusieurs à être intervenus en ce sens, après avoir écouté le professeur Frydman sur ce point.
Je rappelle que l'article 19 du projet de loi initial ne prévoyait pas la légalisation de la vitrification des ovocytes. J'en rappelle les termes : « La liste des procédés biologiques utilisés en assistance médicale à la procréation est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé après avis de l'Agence de la biomédecine. Un décret en Conseil d'État précise les modalités et les critères d'inscription des procédés sur cette liste. Les critères portent notamment sur le respect des principes fondamentaux de la bioéthique prévus par les articles 16 à 16-8 du code civil, l'efficacité du procédé et la sécurité de son utilisation pour la femme et l'enfant à naître ».
Je le répète, vouloir inscrire dans la loi ce procédé avant même que l'on vérifie qu'il respecte bien les critères du code civil, et vouloir un vote conforme me semble suspects. Les promoteurs de cette technique nous ont indiqué en commission que cela n'aurait aucun effet sur le nombre d'embryons surnuméraires. Ils ont fait observer que ce procédé aurait à terme des conséquences sur la manière dont les femmes envisagent la procréation, et des impacts sociétaux que l'on ne peut pas encore aujourd'hui discerner. Nous avions donc proposé qu'une étude d'impact soit réalisée.
L'article 19 reprend la légalisation de la congélation ultra rapide des ovocytes. Dont acte.
Je suis cependant heureux que nous soyons tous d'accord avec le paragraphe suivant : « La mise en oeuvre de l'assistance médicale à la procréation privilégie les pratiques et procédés qui permettent de limiter le nombre des embryons conservés. L'Agence de la biomédecine rend compte, dans son rapport annuel, des méthodes utilisées et des résultats obtenus. » Il sera important en effet de pouvoir vérifier, au moins a posteriori, que cette technique permet bien de limiter le nombre des embryons surnuméraires. À cet égard, je regrette que l'amendement de MM. Vialatte et Jardé qui avait été adopté en commission et qui limitait à trois le nombre d'embryons surnuméraires n'ait pas été retenu. En tout cas, nous insistons bien sur la volonté de limiter le nombre d'embryons conservés. Il est important que ce point fasse ici l'objet d'une unanimité.
Je souhaite revenir sur l'observation juridique faite par M. Vuilque. Elle me paraît fondée. Les amendements nos 6 rectifié et 89 prévoient en effet que l'autorisation de la congélation ultra rapide des ovocytes est délivrée par la loi mais que le retrait de cette autorisation s'effectue par voie réglementaire. J'estime qu'on ne peut pas être à la fois dans les domaines législatif et réglementaire. Si nous sommes dans le domaine de la loi, il conviendrait que le retrait de l'autorisation intervienne également par voie législative. Il y a un problème de symétrie des formes.
Je ne reviendrai pas sur tous les arguments qui ont été développés par rapport à cette technique, un long débat ayant déjà eu lieu en commission.
Si nous proposons que cette technique figure dans la loi, c'est bien parce que nous sommes dans une impasse juridique. J'aurais préféré que l'on n'aborde pas ce sujet et que les femmes françaises aient pu avoir accès bien avant à cette technique, comme peuvent le faire les femmes espagnoles, belges, etc. Cette technique a fait la preuve de son innocuité : plus de mille bébés sont nés par ce procédé et aucun problème ne s'est posé. À cet égard, je rappellerai les auditions du professeur Frydman, des docteurs Boyer et Tourame de Marseille, du docteur Franquebalme et de bien d'autres.
Si nous avons cette discussion aujourd'hui, c'est parce que les demandes d'évaluation technique qui ont été déposées par les docteurs Tourame et Boyer à Marseille, Frydman à Clamart ont été refusées par l'AFSSAPS et l'ABM en raison d'une interprétation particulièrement discutable des lois de bioéthique – à mes yeux mais aussi aux yeux d'un certain nombre de scientifiques – , par le Conseil d'État dans une étude de 2009 qui assimilait la technique de congélation ultra rapide des ovocytes à la recherche sur l'embryon. Voilà pourquoi nous sommes aujourd'hui dans une impasse. Il faut absolument en sortir, être pragmatique et efficace.
Pour ma part, j'avais une interrogation quant à la tactique à adopter par rapport aux amendements. Je me rallierai à la position de mes collègues. Ce qui m'importe, c'est que l'on avance sur le sujet, que l'on soit certain que l'article 19 ne puisse en aucun cas être supprimé et qu'il prévoie cette technique.
L'article 19 a été supprimé par la commission.
Je suis saisi de quatre amendements, nos 1 rectifié , 90 , 91 et 104 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune et tendant à rétablir cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 1 rectifié .
Les arguments à l'appui de cet amendement ont déjà été présentés. Il se substitue, d'une certaine manière, aux amendements que Mme Boyer et M. Vialatte viennent de retirer.
Puisque vous vous êtes ralliée à l'amendement n° 1 rectifié , retirez-vous vos amendements nos 90 et 91 , madame Boyer ?
Je souhaite revenir sur les arguments exposés par Mme Boyer. Si nous avons tenu à ce qu'une technique soit inscrite dans le texte, c'est précisément parce qu'elle apporte des résultats nettement supérieurs en matière de fertilité – 40 à 45 % contre 3 % pour les techniques de congélation lente –…
…et parce que le Conseil d'État avait interdit depuis 2009 l'utilisation de cette technique sous le prétexte qu'il s'agissait de recherche.
On ne peut donc se satisfaire d'une décision du Conseil d'État précisant que les techniques d'ultracongélation et de congélation rapide – malgré, pour certains cas, les autorisations dérogatoires à l'interdiction – ne peuvent être appliquées puisque relevant de la recherche. Nous avons ainsi perdu plusieurs années et c'est la raison pour laquelle – mieux vaut tenir que courir – nous pensons, comme Mme Boyer, qu'il fallait inscrire cette technique dans le texte puisqu'elle permet d'obtenir des résultats nettement meilleurs que les techniques classiques de congélation lente.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 20.
La parole est à Mme Martine Billard.
L'article 20 porte sur l'assistance médicale à la procréation et sur les personnes susceptibles d'en bénéficier. Les lectures successives du texte ont apporté des modifications. Je regrette que, comme au cours de la première lecture à l'Assemblée, les amendements relatifs à l'accès à l'AMP des femmes seules ou des couples de femmes aient été systématiquement écartés au nom de l'article 40 de la Constitution. Cela signifie-t-il que nous sommes de moins en moins à même de mener des discussions de fond puisque, à la moindre proposition, on nous oppose son coût – prétexte pour ne pas entamer le débat ?
La disposition selon laquelle le caractère pathologique de l'infertilité doit être médicalement diagnostiqué a été réintroduite dans le texte. Il s'agit en fait d'empêcher les femmes lesbiennes d'accéder à l'AMP, ainsi que le souhaitent nombre de nos collègues de droite. Je ne suis pas convaincue qu'il soit possible d'établir un diagnostic précis du caractère pathologique de l'infertilité pour tous les couples hétérosexuels. Ce n'est en effet pas forcément pour des raisons médicales que certains couples ne parviennent pas à avoir d'enfants. Aussi devrait-on les autoriser à recourir à l'AMP au bout d'un certain nombre d'années.
Il me paraît par conséquent quelque peu hypocrite de réintroduire cette disposition. Elle ne vise en fait, j'y insiste, qu'à verrouiller l'AMP. Je suppose que vous allez, une fois encore, faire adopter cet article tel quel puisque notre amendement visant à l'élargissement de l'accès à l'AMP a été rejeté en vertu de l'article 40 de la Constitution. Je regrette par conséquent profondément que nous ne puissions voter notre proposition.
La droite française a toujours autant de mal à accepter que la famille d'aujourd'hui est variée, multiple. Il est possible pour une femme seule d'adopter et donc d'être mère.
Elle n'a toutefois pas accès à l'AMP. M. Gosselin qualifie de « bizarrerie » la possibilité pour une femme seule d'adopter. C'est la loi, mon cher collègue. Certains conseils généraux se sont opposés à des demandes d'adoption par des femmes seules sous prétexte, justement, qu'elles étaient seules, et cela en dépit de la loi. Du reste, à chaque fois que leur décision a été contestée, les dits conseils généraux ont perdu. Je regrette que nous ne parvenions pas à avancer sur cette question.
C'est l'amour apporté à l'enfant qui me paraît fondamental et une femme seule, deux femmes, deux hommes sont parfaitement capables de donner cet amour.
Permettre à l'enfant de se construire et de devenir un adulte responsable est lié à l'amour qu'on lui porte et non au fait de savoir s'il a été élevé par des personnes de même sexe ou non.
L'article 20 a été substantiellement remanié par le Sénat qui a réaffirmé la finalité médicale de l'assistance médicale à la procréation et qui a même élargi à une réponse sociétale l'utilisation de cette possibilité. La Haute assemblée a par ailleurs modifié les conditions sociales d'accès à cette technique. La stabilité du couple, l'énumération des modes d'union – mariage, PACS, concubinage – et les conditions de durée de vie commune, différentes selon le mode d'union – deux ans pour les concubins –, n'apparaissent plus dans le texte, ce que nous considérons comme positif.
La mission d'information s'est montrée plus timide puisqu'elle proposait, certes, de ne plus différencier les couples pacsés des couples mariés ; mais elle maintenait pour les concubins la condition de stabilité de deux ans alors même que les médecins pratiquant l'AMP soulignaient que les conditions de concubinage stable et avéré de deux années n'étaient pas vérifiables et que cette condition était de fait remplie en raison de la longueur du parcours médical imposé par le recours à l'AMP.
Nombreux sont ceux qui regrettaient que prévale encore une différence entre les couples mariés dont la stabilité est présumée et qui pourraient, dès le lendemain de leur union, accéder à l'AMP, et les autres, uniquement parce qu'ils n'ont pas choisi l'institution du mariage. Le groupe GDR est unanime à souhaiter que le texte adopté en commission ne change pas. Nous resterons par conséquent très attentifs au sort réservé à l'amendement n° 53 de notre collègue Souchet, qui réintroduit l'exigence de durée de vie commune de deux ans pour tous les couples.
Pour ce qui est de l'autre condition sociale pour accéder à l'AMP, relative à la composition du couple et à son éventuelle ouverture aux couples homosexuels femmes, le groupe GDR est partagé. Certains considèrent que seule l'infertilité constatée médicalement doit pouvoir donner accès à l'AMP.
D'autres, qui méritent le respect, considèrent, comme l'a d'ailleurs fait le Sénat, que l'on peut légiférer sur l'autorisation pour les couples homosexuels de femmes. Ils ont présenté un amendement en ce sens, déclaré irrecevable, ce que nous regrettons – Martine Billard l'a évoqué – dans la mesure où il aurait au moins permis un débat intéressant et offert à chacun de nous, sans aucun doute, la possibilité de progresser.
Enfin, une forte majorité du groupe GDR a présenté un amendement visant à permettre l'accès à l'AMP pour les femmes seules ou célibataires. Je ne reviendrai pas sur le sentiment de forte injustice exprimé par Martine Billard : dans la mesure où les femmes en question sont infertiles, je ne vois pas pourquoi on ne les autorise pas à accéder à l'AMP puisqu'on les autorise dans le même temps à adopter des enfants,…
…leur reconnaissant de ce fait la qualité de parent, à savoir l'aptitude à élever ces enfants dans de bonnes conditions. Il s'agit d'une incohérence dans notre droit et d'une injustice à l'égard de ces femmes.
L'article 40 de la Constitution, notre collègue Jacqueline Fraysse l'a évoqué, a encore sévi dans cet hémicycle. Cela pose pour ce projet de loi un problème plus important que pour d'autres textes puisque, lorsqu'il s'agit de réfléchir sur la bioéthique, il n'est pas question d'aménagements à la marge de problématiques qui peuvent diviser les courants politiques en leur sein même, mais de faire en sorte que l'intelligence de chacun soit mise au profit de l'intérêt commun et d'une idée de la modernité dont nous devrions tous être porteurs. Il me semble par conséquent des plus dommageables que l'article 40 serve d'arme fatale visant à interdire le débat sur ce type de question.
Jacqueline Fraysse vient de le préciser, nos collègues sénateurs ont eu au moins le courage opiniâtre de traiter de ces sujets dont il nous est interdit de discuter. Les imiter nous aurait permis de trouver des réponses positives, modernes, contrairement à ce que prétend notre collègue de Courson qui rejoint les éternels conservateurs de la majorité, ce qui, bien évidemment, le regarde.
D'habitude nous ne sommes pas qualifiés de conservateurs mais de réactionnaires, il y a donc du progrès !
Le premier amendement dont la discussion en séance publique a été empêchée portait sur une question qui nous semble vraiment importante et qui n'aurait pas dû donner lieu à des divergences, nous semble-t-il. Il consistait à donner la possibilité aux femmes seules –lesquelles ont le droit d'adopter, comme cela a été utilement rappelé il y a quelques instants – d'avoir recours à la procréation médicalement assistée lorsqu'elles sont infertiles.
Quels sont les arguments qui peuvent sérieusement être avancés pour s'opposer à une telle proposition ? Très franchement, je n'en vois pas. Si l'on peut être en désaccord sur d'autres sujets cela ne me semble pas possible sur celui-ci, sauf si l'on adopte des positions de principe qui nous éloigneraient - et je le regretterais - d'un débat où l'intelligence prévaut.
En revanche, je comprends qu'il puisse y avoir un débat plus difficile sur le second amendement car il s'agit d'un sujet sur lequel les positions sont parfois fortement arrêtées et qu'il est extrêmement compliqué de les faire bouger. En l'occurrence, pourtant, nos collègues du Sénat, et sur différents bancs, on accomplit du bon travail. Or, ici, on essaie d'empêcher la réflexion puisque nous n'avons pas le droit d'aborder cette question ! Elle est pourtant importante, incontournable même, et elle ne mérite pas d'être traitée à coup d'anathèmes, voire d'oukases adressés par certains aux parlementaires, leur interdisant de poursuivre l'oeuvre de nos collègues sénateurs.
Cet amendement, frappé d'irrecevabilité au titre de l'article 40, avait pour but de lever l'interdiction faite aux couples de femmes de recourir à l'assistance médicale à la procréation.
Le caractère médical de cette dernière est indéniable. Elle ne peut toutefois être réduite à cette seule dimension. Il s'agit d'une procédure longue et exigeante, que seuls des couples stables peuvent, dans les faits, entreprendre ; chacun d'entre vous le sait.
En outre, la mise en oeuvre de l'assistance à la procréation, quels que soient le sexe, le genre et l'orientation sexuelle des personnes souhaitant y recourir, a toujours pour objet de leur permettre de fonder ou d'étendre une famille et d'affirmer ainsi un projet parental. Nul ne peut sérieusement le contester.
Le fait d'interdire à des personnes d'y recourir au motif de leur sexe, de leur genre ou de leur orientation sexuelle, directement ou par le biais de leur statut matrimonial, constitue selon moi une discrimination qui, parce que contraire à notre tradition républicaine, doit être impérativement levée, comme le proposait notre amendement.
Il s'agit, plus largement, d'une véritable question de société : celle de la reconnaissance des familles homoparentales. Celles-ci doivent avoir, me semble-t-il, les mêmes droits, les mêmes devoirs et les mêmes possibilités que toutes les autres familles, et ce dans l'intérêt premier des enfants. Il faut, en conséquence, éliminer aussi les discriminations dans l'accès à l'adoption, aux congés parentaux ainsi qu'en matière de partage de l'autorité parentale et de représentativité des associations.
Pour rendre réelle l'égalité des possibilités et des droits, il aurait également été nécessaire de prendre toutes les mesures qui s'imposent pour que disparaissent dans la société toutes les discriminations et violences – dont l'actualité nous donne chaque jour des exemples dramatiques – fondées sur le sexe, le genre ou l'orientation sexuelle, ainsi que leurs schémas de reproduction.
Ces deux amendements ne pourront pas être examinés. Nous allons assister à un retour en arrière par rapport au travail effectué par nos collègues sénateurs. Ce n'est pas seulement un regret. C'est aussi le motif d'une colère que je ne souhaitais pas garder pour moi.
Sans vouloir allonger le débat, je veux m'arrêter quelques instants sur ce sujet qui est important.
Cher Roland Muzeau, nous ne nous interdisons rien. Devant la commission spéciale, chacun a pu s'exprimer librement sur ce sujet. Il se trouve simplement qu'il existe des désaccords ; il n'y a pas, d'un côté, les modernes et, de l'autre, ceux qui seraient conservateurs. À mon sens, c'est un tout petit peu plus compliqué que cela.
Certes, on peut trouver, dans nos rangs, des parlementaires, peut-être minoritaires, qui souhaitent –cela est vrai pour la question de la recherche sur les cellules souches embryonnaires – réduire l'impact de la procréation médicalement assistée. Cependant cette position n'est pas majoritaire, aujourd'hui, au sein de l'Assemblée.
Pour le moment, l'AMP est réservée aux cas où elle est motivée par des raisons médicales. Il y a cinq ans, c'était ma position. Je pensais qu'il fallait en rester à cette situation où seules des raisons médicales peuvent justifier l'AMP. Le présent texte tend à faire évoluer les choses sur deux points puisque nous avons supprimé deux contraintes, l'une concernant les types d'union, l'autre relative à la durée. Il s'agit d'un acquis positif, qui correspond à l'évolution de notre société.
L'autre question à laquelle nous devions répondre portait sur le point de savoir s'il convenait d'autoriser l'AMP, non plus pour des raisons strictement médicales, mais aussi pour des raisons sociétales.
Sur ce point, plusieurs positions se sont exprimés. Certains collègues, qui sont majoritaires – pour le moment – refusent d'autoriser l'AMP pour des raisons sociétales. Nous avons abordé celles-ci à travers deux cas : celui d'un couple de femmes et celui de la gestation pour autrui.
Mon groupe parlementaire a déposé des amendements concernant les couples de femmes et les femmes seules. Pourquoi l'article 40 leur a-t-il été opposé ?
Il leur a été opposé parce que le problème du financement se pose. C'est une question de société : peut-on mettre en oeuvre le même financement pour résoudre des problèmes sociétaux que pour des raisons médicales ? Je n'apporte pas la réponse, mais il s'agit d'une question importante.
La deuxième question que je veux poser très clairement est la suivante : si l'on dit – c'est la position de mon groupe – qu'il convient d'accepter l'AMP pour les couples de femmes, n'y a-t-il pas discrimination si, dans le même temps, on refuse la gestation pour autrui ? (« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe GDR.)
C'est une question ouverte, que je me pose à moi-même, dans la mesure où je ne suis pas favorable à la gestation pour autrui et je ne considère pas, mon cher collègue, que cette position soit conservatrice. J'estime même, peut-être à tort, qu'elle est progressiste. Je n'y suis pas favorable parce que je pense qu'il y a un risque mettant en jeu une valeur que nous partageons : celui d'une marchandisation du corps humain. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Je tente de voir tous les sujets qui nous restent à régler.
Que ce soit au sein de la mission d'information ou dans la commission spéciale, une large majorité a refusé la gestation pour autrui. On ne peut pas dire que la discussion n'a pas eu lieu ! Nous avons eu un débat important, qui a d'ailleurs traversé mon propre groupe.
Tous les groupes, en effet.
Reste en suspens, c'est vrai, la possibilité donnée par le Sénat aux couples de femmes d'avoir recours à la procréation médicalement assistée à propos de laquelle nous n'avons pas pu examiner votre amendement, monsieur Muzeau, en raison de l'article 40.
Le débat à cet égard est-il définitivement clos ? À l'évidence, non, mais ce sont des sujets extrêmement compliqués.
Il me semble que nous avons aujourd'hui atteint un équilibre. Peut-on franchir une autre étape ? Sur le fondement de ce que j'ai entendu venant de tous les groupes, il n'y a pas aujourd'hui une majorité à l'Assemblée nationale pour le faire.
Je tenais à tenir ce langage de vérité vis-à-vis de vous, pour faire un point exact de la situation. Peut-être ne sommes-nous pas allés suffisamment de l'avant, mais c'est la réalité, et je crois que l'on doit, au moins, partager cette réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP.)
Je partage une partie des propos que vient de tenir le président de la commission spéciale et je lui indique très amicalement qu'il ne doit pas s'offusquer si, de temps en temps, les groupes UMP et Nouveau Centre l'applaudissent. Il peut arriver, que nous soyons d'accord avec lui ! (Sourires.)
Certes, et je me garderai bien de parler au nom de mon groupe. J'ai constaté qu'Alain Claeys le faisait d'ailleurs avec beaucoup de précaution. Mme Fraysse l'a fait aussi, en évoquant certaines contradictions. Nous sommes dans un débat qui n'est pas comme les autres. Il y a des convictions différentes de la part de chacun, y compris au sein des groupes.
Lorsque l'on voit l'ensemble des propositions, la première idée que l'on a, en bioéthique, c'est de se dire que tout ce qui est possible n'est pas souhaitable. Si l'on estimait que tout ce qui est possible est souhaitable, ce ne serait pas la peine de faire des lois de bioéthique. En ce cas, en effet, tout ce qui existe serait à la disposition de tout le monde, et nous serions dans une société qui ne réfléchirait pas collectivement à ses valeurs, mais qui raisonnerait du point de vue de l'individu. Il ne s'agirait alors que de répondre à ses aspirations, à ses besoins, à ses handicaps.
Il me semble que deux ou trois idées forces ressortent du débat bioéthique.
La première, c'est que si la construction humaine se fait à partir de biologie et de génétique, elle se fait aussi au travers du savoir transmis et de l'amour donné. Personne ne peut le contester. La seule caractéristique propre à l'homme, c'est qu'il a un cerveau qui lui permet d'avoir de la mémoire et de transmettre aux autres générations ce qu'il a acquis. C'est ce qui fait que la culture et la civilisation avancent, alors que l'abeille est toujours au même stade de développement social et sociétal, si je puis oser une telle comparaison, qu'au temps de Virgile, et probablement qu'au temps de la naissance des abeilles.
Deuxième idée force : c'est quoi, la médecine ? Répond-elle à la performance ou à la vulnérabilité ? Sommes-nous dans une éthique de l'individu et de l'autonomie, ou dans une éthique de la fragilité et de la vulnérabilité ? Si tel est le choix qui s'offre à nous, je choisirai toujours la vulnérabilité plutôt que l'autonomie, et je choisirai la solidarité plutôt que l'individu parce que c'est cela qui tisse notre humanité, nos valeurs communes ; parce que c'est cela qui fait que nous sommes humains ; parce que l'humain qui est en nous nous relie aux autres humains.
Par conséquent, chaque fois que je constate que l'avancée médicale fait de la performance et qu'elle va à l'inverse – pardonnez-moi ce terme, qui est galvaudé – de la nature, j'éprouve une réticence. En revanche chaque fois qu'elle va vers la souffrance, la vulnérabilité, le handicap, la maladie, alors là, je dis oui.
Notre société est très particulière. Contrairement à un certain nombre d'autres pays européens, dont on ne peut pas nier l'évolution démocratique, nous, nous remboursons. À partir du moment où nous avons décidé que cette vulnérabilité devait être aidée par la société, donc par la médecine et par les progrès de la science, la solidarité financière s'exprime. Il ne s'agit pas uniquement de finances, car cela signifie que nous sommes tous solidaires autour de la personne qui est en difficulté. Le médical est là pour répondre aux souffrances, aux handicaps, aux maladies. Il n'est pas là pour compenser les insatisfactions de l'individu, qui sont innombrables.
Ne parlons pas de l'homoparentalité ; parlons, par exemple, de l'âge. Une femme a cinquante ans, et a encore un utérus capable de porter un enfant. Doit-on répondre à sa demande ? Je me suis même posé une autre question, mais j'ai constaté qu'elle faisait polémique, raison pour laquelle j'ai préféré écarter ce débat, qui n'est pourtant pas inutile : il s'agit de l'intérêt de l'enfant à naître. Aux États-Unis, un couple de sourds-muets a demandé à ce que l'on sélectionne un enfant sourd-muet, et ce pour avoir un enfant qui soit comme eux. Fort heureusement, même aux États-Unis, cela a été refusé. Chez nous aussi, on le refuserait parce qu'on voit bien qu'il s'agit d'une demande personnelle qui ne correspond pas à l'intérêt de l'enfant à naître.
C'est la raison pour laquelle, sans prétendre que le débat sociétal sur l'homoparentalité soit tranché, il me semble logique d'affirmer que l'orientation sexuelle ne doit être l'objet d'aucune discrimination de quelque ordre que ce soit. Cependant l'aide médicale doit porter sur des anomalies, des handicaps ou des pathologies. Considérer que l'orientation sexuelle d'une personne est une pathologie serait une insulte. Nous avons dépassé le stade où l'on considérait que l'homosexualité était anormale.
Non, il n'a pas été condamné, et je vous prie de ne pas évoquer des faits ayant fait l'objet d'une décision de justice, qui n'a pas condamné les personnes.
Pour la stabilité de notre texte, il me semble que l'aide médicale à la procréation ne doit être offerte qu'à des couples médicalement stériles. On dispose alors d'une vision simple : c'est en cas de stérilité que l'on peut avoir recours à la médecine pour aider les couples.
Je ne suis pas opposé à ce que, ultérieurement, dans un contexte différent, nous débattions de l'homoparentalité sur le plan sociétal, et que nous nous interrogions pour savoir si un couple homosexuel peut adopter un enfant, bien que pour ma part, je sois très réticent à cette idée, pour des problèmes liés à l'intérêt de l'enfant.
Pour autant, ce n'est pas dans ce texte que le problème doit être évoqué, mais dans un texte traitant de la famille, des familles monoparentales, de l'organisation de la société, et ainsi de suite. Il ne faut pas demander à la médecine de régler des problèmes de société.
Je vous demande donc de rester dans un cadre clair, à défaut d'être confortable. Il y a une anomalie, une stérilité. Cette stérilité est celle d'un couple.
Pour moi, dans la société, le mariage est un engagement plus fort que le pacs, et le pacs un engagement plus fort que le concubinage.
Pour autant, puisque nous sommes dans une démarche médicale, cette distinction sociétale n'a pas lieu d'être : il n'existe qu'un couple, stérile. Celui-ci a donc un handicap, une vulnérabilité, et c'est pourquoi je ne veux pas introduire une hiérarchie entre le mariage, le concubinage, et le pacs, dans l'accès à l'aide médicale à la procréation. Ce couple stérile est en souffrance, du fait de la stérilité, et nous allons l'aider.
Vous voyez bien qu'il existe une cohérence dans le fait de dire que l'on n'ouvre pas l'aide médicale à la procréation aux couples homosexuels parce que l'on considère les facteurs médicaux et non les facteurs sociétaux ; et dans le fait de ne pas établir de hiérarchie entre le pacs, le concubinage et le mariage, parce que l'on n'est pas dans un débat de société, mais dans un débat médical.
C'est la raison pour laquelle je donnerai des avis favorables chaque fois qu'il y aura une discrimination sociale à l'accès médical à la procréation médicalement assistée, mais je serai défavorable à tout éloignement de l'aide médicale à la procréation de la stérilité d'un couple.
Pardonnez-moi d'avoir été un peu long, mais je voulais m'expliquer sur l'organisation des propositions que nous allons faire. Le médical et le sociétal se rencontrent, mais ne se confondent pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, on ne peut pas s'inscrire deux fois sur le même article ; je vous donnerai la parole à l'occasion des amendements. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)
Précisément, vous aurez la parole sur les amendements.
La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.
Je vais tenter de répondre au rapporteur, sans développer à nouveau ce qu'Alain Claeys a exprimé de manière excellente.
Nous travaillons actuellement un texte qui nous arrive du Sénat. Il prévoit dans un premier point de l'article 20 : « L'assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l'infertilité d'un couple ou d'éviter la transmission à l'enfant ou à un membre du couple d'une maladie d'une particulière gravité. Le caractère pathologique de l'infertilité doit être médicalement diagnostiqué. » Nous sommes d'accord.
La deuxième partie de l'article 20, dans le texte voté par le Sénat, indique : « Les personnes formant le couple doivent être vivantes, en âge de procréer et consentir ». Cela ne répond pas à tous les amendements que le groupe socialiste a déposé ; comme l'a souligné Alain Claeys, nous avons débattu de l'infertilité médicale et de l'infertilité sociale.
Le texte issu du Sénat a été modifié par l'amendement nouveau proposé par le rapporteur. Or cela a introduit une discrimination forte entre des couples dont la femme est infertile, et qui ont le droit à la PMA, et d'autres couples de femmes homosexuelles qui sont infertiles, et qui n'auraient pas le droit à la PMA. En utilisant le terme : « les personnes », il est possible de remédier à une infertilité dans les deux cas.
M. Bertrand a indiqué au Sénat que l'AMP devait être une réponse médicale à un problème médical. Or, en revenant à la définition d'un couple hétérosexuel, marié et en âge de procréer, vous supprimez la possibilité pour des femmes qui peuvent être homosexuelles et infertiles, d'avoir accès à la procréation médicalement assistée.
La totalité de la démonstration de M. Leonetti est donc battue en brèche. Si l'on retenait la rédaction du Sénat, notamment les troisième et quatrième alinéas de l'article 20, nous serions bien dans un cas d'assistance médicale à la procréation sans discrimination entre les couples.
Les membres du groupe SRC ont déposé des amendements proposant les uns que l'on traite de la procréation des femmes célibataires infertiles en âge de procréer, et d'autres traitant de la procréation des femmes célibataires en âge de procréer, qu'elles soient fertiles ou non.
Ces amendements n'ont pas été jugés recevables. On peut d'ailleurs se demander pourquoi l'amendement sur « les personnes en âge de procréer » a été déclaré recevable au Sénat, alors qu'à l'Assemblée nationale cela n'a pas été le cas. Certes, cette ouverture impliquerait un coût, mais la discussion devait avoir lieu.
À ce stade de l'examen du texte, je veux dire au rapporteur qu'il faut en rester au texte du Sénat. Il ne va pas au-delà des cas d'infertilité médicalement constatée. S'il estime que c'est le cas, qu'il nous le démontre. Gardons donc la rédaction issue du Sénat qui visait « les personnes formant un couple. » Cela englobe la totalité des états, que l'on soit marié, pacsé ou en concubinage, et ouvre la possibilité à des femmes infertiles pacsées d'avoir accès à la procréation médicalement assistée.
Notre rapporteur a bien situé la question : nous sommes dans un débat d'éthique et non de question de société au sens plus classique du terme. Ce matin, en commission des lois, nous avons eu le même type de discussion. Les échanges n'ont pas été identiques, mais le sujet était le mariage de personnes de même sexe. Effectivement, c'est une vue possible, bien que partielle, parce qu'elle ne tient pas compte du patrimoine, de la filiation. En revanche, cet après-midi, nous discutions de questions d'éthique, et non pas de société.
Je ne souhaite pas agiter de chiffon rouge, en avançant que certains cherchent à donner des gages à une future majorité éventuelle et à prétendre que le mouvement est dans leur camp (Murmures sur les bancs du groupe SRC), mais tout de même, il y a un petit peu de cela même si l'on habille, comme toujours, les choses d'un peu de juridisme : lutte contre les discriminations, égalité…
Cela étant, le Conseil constitutionnel lui-même a affirmé à plusieurs reprises qu'il n'y avait pas de difficulté à traiter de façon différente des gens qui sont dans des situations différentes. Or les sexes sont bien des situations biologiques différentes.
Dans PMA, la lettre « M » signifie médical. Cela me paraît de bon sens, mais sans doute n'est-il pas suffisant d'indiquer qu'il s'agit de répondre à des demandes d'infertilité biologique, et non pas à des infertilités sociales. D'ailleurs, on pourrait discourir longuement sur le terme d'infertilité sociale, que l'on essaie de banaliser pour lui donner un sens particulier, alors qu'il n'y a pas, selon moi, d'infertilité au sens social du terme.
Il est vrai que notre droit positif permet l'adoption par une personne seule, mais il me semble qu'il existe une grande différence entre donner un père ou une mère à un enfant, et donner un enfant à un homme ou à une femme. C'est inverser le processus : dans un cas, nous sommes dans le respect des droits de l'enfant, dans l'autre, nous sommes dans le droit à l'enfant. C'est un autre débat, un débat de société qui n'est pas inintéressant ni illégitime, mais la question est davantage celle de l'intérêt de l'enfant et elle n'a pas sa place dans le débat éthique qui nous rassemble aujourd'hui.
Je propose donc que l'on en reste à la PMA uniquement pour des raisons d'infertilité biologique.
(Mme Catherine Vautrin remplace M. Marc Le Fur au fauteuil de la présidence.)
Comme vous tous, j'ai écouté avec beaucoup d'attention les propos du président de la commission spéciale, du rapporteur et de ceux qui se sont exprimés ensuite sur le sujet. À chaque fois, j'ai trouvé qu'il existait dans leur présentation une force et une logique. Pourtant, comme parfois les propos pouvaient être contradictoires, cela signifie que ces logiques devaient contenir un biais.
Il me semble que le biais est au coeur même du débat que l'on essaie d'installer aujourd'hui, consistant à dire qu'il y a une différence fondamentale entre le médical et le sociétal. Je crois sincèrement que c'est le biais logique dans lequel nous nous trouvons aujourd'hui. En effet j'estime qu'il n'existe pas de différence, dans la réflexion que nous devons mener, entre le médical et le sociétal. D'ailleurs, le refus de cette différence a été affirmé à plusieurs reprises lorsque nous nous sommes efforcés de définir ce qu'était la parenté, en rappelant qu'elle devait toujours être fondée sur des critères affectif, et non pas sur des critères génétiques. Il est donc paradoxal de réintroduire le critère génétique ou le critère biologique au moment même où nous devons nous poser la question de savoir comment nous construisons et comment nous autorisons la parenté.
Nous avons admis, au-delà de la contradiction que je viens de noter, l'idée que la naissance de l'enfant répondait bien à une demande sociale. Il n'y a pas de droit à l'enfant et de droit de l'enfant. En introduisant le tiers donneur, nous avons admis que la société pouvait aider, par des moyens médicaux, un couple stérile à avoir un enfant sans que ni le père ni la mère qui exerceront l'autorité parentale n'y contribuent. Cela me semble un progrès que toute cette assemblée accepte, mais, puisque nous avons introduit un tiers, il est normal de se poser la question à l'égard de toute autre forme de couple constitué qui ne peut pas avoir d'enfant.
Si nous avions récusé le principe du tiers donneur, nous pourrions effectivement dire qu'il existe un dispositif médical et une situation naturelle qui s'y oppose. Mais nous avons introduit cette idée, parce que nous avons considéré, contrairement à ce qui nous a été dit par le rapporteur, qu'il s'agissait de répondre non pas à une pathologie, mais bien à un désir d'enfant que la société voulait aider à satisfaire. Nous considérions que ce désir d'enfant, cette pulsion de vie, méritait d'être respectée.
Cela doit donc nous conduire à accepter l'idée qu'un couple ou une personne seule puisse avoir un désir d'enfant (Murmures sur les bancs du groupe UMP).
J'essaie d'être cohérent ! Je veux bien que l'on puisse opposer une logique à une autre, mais vous ne pouvez pas passer d'une logique à l'autre dans le même raisonnement. Si vous admettez l'idée que l'on puisse apporter par l'aide de la société une réponse à une demande d'enfant pour un couple dont le père et la mère sont dans l'impossibilité biologique de concevoir cet enfant, vous devez alors admettre que, lorsque le couple constitué est homosexuel, la question se pose très exactement, au moins pour les femmes, dans les mêmes termes.
Si vous ne l'acceptez pas, c'est que vous établissez une différence de principe entre le couple homosexuel et le couple composé d'un homme et d'une femme. Or cela constitue bien une discrimination. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous ne pouvez pas aborder autrement les choses. Sinon, vous n'êtes pas dans la logique.
Je conçois que cela vous embarrasse, parce que vous avez accepté un certain nombre d'avancées et que vous ne pouvez pas concevoir celle sur le seuil duquel vous êtes.
À cela s'ajoute – c'est là que je me distinguerai du président de la commission – la question de savoir, si l'on veut supprimer la discrimination, ce qu'il advient de la discrimination à l'encontre d'un couple constitué de deux hommes. Si nous autorisons la possibilité pour un couple homosexuel composé de femmes d'avoir un enfant, comment faire pour un couple composé de deux hommes ? Nous voyons bien la relativité des principes. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
Je suis désolé de susciter des réactions de cette nature ; j'essaie simplement de poursuivre comme vous l'avez fait, un raisonnement. Je pense qu'il a autant de valeur et qu'il doit avoir les mêmes possibilités d'être exprimé que ceux que j'ai entendus jusqu'ici.
La question qui se pose, c'est que nous sommes dans un débat où nous relativisons nécessairement les valeurs, où nous opposons des valeurs à d'autres et où nous essayons de faire un choix dans la balance que nous établissons entre ces valeurs, car aucun ne s'impose de lui-même.
Comment répondre à la question qui se pose pour deux hommes sans créer de discrimination par rapport à un couple féminin ? Nous avons là une question fondamentale par rapport à celle de la discrimination : celle de l'intérêt de l'enfant. C'est à la société d'y répondre. C'est à elle de dire si elle peut y répondre de manière favorable ou non dans cette perspective même pour laquelle elle n'a pas de réponse qui aille de soi, puisqu'elle doit aller vers la GPA. Je mets là l'intérêt de l'enfant de côté, puisque la GPA soulève un autre problème, celui de l'indisponibilité du corps humain.
Face à ces préoccupations – désir d'enfant, intérêt de l'enfant, indisponibilité du corps humain –, nous sommes amenés à établir une hiérarchie, principe même d'un débat éthique, qui ne consiste pas à opposer des blocs de valeurs et des blocs de principes sur lesquels nous ne pourrions pas nous entendre, sinon il n'y aurait plus de démocratie. En tout cas nous ne pourrions pas fonctionner en République. Nous devons donc établir une hiérarchie, l'argumenter et, dans ce cas-là, l'indisponibilité s'impose à nous et nous ne pouvons pas répondre à un couple homosexuel composé de deux hommes de cette manière. Telle est en tout cas ma conviction, mais on peut en avoir d'autres.
J'essaie de reconstituer un raisonnement qui est d'abord juridique. Il est évident qu'à partir du moment où nous avons accepté, où vous acceptez, où le rapporteur accepte de dire qu'il n'existe pas de différence de valeurs entre un couple composé de personnes du même genre et un couple composé de personnes de genre différent, …
…le fait que nous ne reconnaissions pas jusqu'au bout cette logique amènera forcément, à un moment donné, à une condamnation au titre de la discrimination, soit par les juridictions françaises, soit par les juridictions européennes, soit par les juridictions internationales, parce qu'elles nous rappelleront que nous sommes le pays de la raison et qu'il est parfois dangereux de s'en éloigner. (Applaudissements sur divers bancs du groupe SRC et sur les bancs du groupe GDR.)
Je pense que nous ne pouvions pas – je rejoins les propos tenus lors de sa dernière intervention par le président de la commission spéciale – répondre à l'ensemble des problèmes dans le cadre de la réforme des lois bioéthique, car nous avons abordé la réflexion sur ces sujets du point de vue de la réponse médicale à apporter à des problèmes médicaux et cela depuis les lois de 1994, de 2004. Tel est encore le cas avec celle dont nous débattons aujourd'hui.
M. le président de la commission a souligné que l'Assemblée n'était pas prête à apporter une réponse aux nombreuses questions qui se sont posées. Je ne trancherai pas maintenant le débat – comme l'a fait le rapporteur, même si l'on aboutit à l'idée que l'on ne bougera pas sur cette question aujourd'hui – entre le fait d'apporter une réponse médicale à des problèmes médicaux ou une réponse médicale à des problèmes sociétaux.
J'ai écouté les différents intervenants, notamment Gaëtan Gorce, et je pense que de nombreuses interrogations se posent à partir de nos réflexions. Le débat doit être ouvert, mais tout cela mérite autre chose qu'un amendement dans une loi bioéthique. Cela mérite au moins autant que ce que nous avons fait précédemment pour aboutir à ces évolutions.
J'avais déjà proposé cela à mon groupe, pour qu'il y soit donné suite. Je souhaite en effet qu'une mission d'information soit créée sur ce sujet. Elle évoquera ces problèmes et permettra d'entendre tous les points de vue. Des questions arrivent à maturité, au sens où elles sont posées à la société. Il faut que nous les traitions, mais nous ne pouvons pas faire cela au détour d'un amendement sur un texte.
Un certain nombre de contradictions ont été involontairement exprimées ; elles ont été reprises par l'intervenant précédent. Nous sommes par exemple un certain nombre à considérer que la filiation est principalement – je vais plus loin, mais nous y reviendrons à propos de la recherche – affective et éducative. C'est ce qui fait l'humanité.
Cette question-là vient un peu contredire le refus d'ouvrir le débat à la question de l'homosexualité, parce que les couples homosexuels peuvent très bien présenter à la fois des garanties d'éducation et de relations affectives pour faire grandir un enfant comme il se doit dans la société actuelle.
Je ne réponds pas à la question, mais je pense que toutes ces interrogations méritent un débat plus approfondi. Je maintiens donc la suggestion de la création d'une mission d'information sur ces questions, afin d'aller au bout des interrogations et d'essayer de saisir toutes les implications des décisions que nous allons prendre, car il ne faut pas penser que les questions autour du GPA sont étrangères à cela. Peut-être arriverons-nous à trouver des solutions, mais elles sont incluses dans les problématiques ouvertes à la réflexion de notre assemblée.
En France, une tranche d'âge représente 800 000 enfants dont 20 000 sont nés à la suite d'une AMP. Il existe maintenant une scission entre sexualité et reproduction.
L'AMP traite pour moi une stérilité médicale, remboursée, comme l'a indiqué Jean Leonetti, par la sécurité sociale, au titre de la solidarité nationale. Elle n'est donc pas sociétale, même si elle est acceptée par plusieurs pays qui nous entourent. Ce n'est pas parce que cinq pays qui entourent la France l'acceptent qu'il faut oublier que 185 la refusent.
L'infertilité permettant de bénéficier de l'AMP ne saurait être que médicale et je suis très attaché à l'interdiction de cette technique pour les couples homosexuels.
Je suis également contre des fécondations à des âges qui ne sont pas « physiologiques ». Je suis en effet toujours un peu choqué de voir des femmes enceintes à soixante ou soixante-dix ans. Dans le même ordre d'idée, je suis contre la gestation pour autrui, car, pour moi, l'utérus n'est pas un instrument de reproduction.
L'intérêt de l'enfant ne réside pas dans un geste mercantile, dans la recherche d'un enfant parfait. Je changerai peut-être d'avis le jour où une femme riche portera l'enfant d'une femme pauvre, ce qui n'est pas le cas actuellement.
Je tiens à affirmer, en réponse à l'interpellation du rapporteur, que tous les députés GDR présents sont contre la GPA. Le Parti communiste et le Parti de gauche sont contre la GPA.
En tant que femme et féministe, je me suis battue pour le droit à disposer de mon corps, mais non du corps d'autrui. On se retrouve effectivement sur l'interdiction de la GPA, comme sur le fait qu'il y a des limites d'âge à la procréation.
En ce qui concerne l'extension de la PMA aux femmes seules victimes de stérilité, car elles sont pour l'instant évacuées du débat, ou aux femmes homosexuelles, j'ai trouvé l'intervention de notre collègue Gaëtan Gorce très brillante. En effet, dans le débat entre désir d'enfant ou intérêt de l'enfant, on pourrait dire que si un couple hétérosexuel qui ne peut pas avoir d'enfant, demande une PMA, c'est parce qu'il a un désir d'enfant. Sinon on pourrait lui rétorquer, au nom de l'intérêt de l'enfant, qu'il existe de nombreux enfants à adopter. Or bien des couples ne désirent pas adopter, mais veulent avoir un enfant à partir d'une PMA.
On voit bien que la limite entre intérêt de l'enfant et désir d'enfant est tout de même très fluctuante. Si l'on accepte qu'un couple hétérosexuel qui ne peut pas avoir d'enfant a le droit de satisfaire au désir d'enfant en utilisant la PMA, je ne vois pas pourquoi ensuite – comme l'a souligné Gaëtan Gorce – on opposerait ce désir d'enfant à une femme seule ou à deux femmes en couple.
Vous avez tous connu, j'imagine, autour de vous des exemples de couples hétérosexuels ne parvenant pas à avoir d'enfants, entrant dans une démarche de PMA ou d'adoption, dont la femme se retrouve enceinte. Certains blocages empêchant parfois des femmes de devenir enceinte disparaissent à ce moment-là. On voit bien que la pathologie n'est pas aussi simple que cela.
Vous nous dites que l'on ne peut pas accepter la PMA pour une question de société. C'est un jugement de valeur que vous portez alors que, pour une femme lesbienne, c'est un problème physique : elle ne veut pas avoir de rapports avec un homme. Vous ne pouvez pas lui dire que si elle veut avoir un enfant, elle doit avoir un rapport avec un homme malgré sa sexualité.
Il y en a qui ne le supportent pas.
Vous pouvez considérer que c'est une question sociétale. D'autres estiment qu'il s'agit d'une question physique et que cela justifie l'autorisation d'une PMA pour un couple de femmes lesbiennes.
J'ai écouté attentivement les interventions du rapporteur et du président de la commission. Il ne faut pas prêter des paroles à un parlementaire s'il ne les a pas prononcées. Ainsi je n'ai pas indiqué que j'étais pour la GPA. J'y suis au contraire totalement hostile. Cette idée m'est étrangère ; je combats le concept même. De la même manière les exemples anglais, américains n'en sont pas pour moi ; ce sont au contraire des contre-exemples.
Je ne souhaite pas ce type d'évolution pour notre société, surtout pas comme aux États-Unis où l'on va jusqu'à tuer des médecins pratiquant des IVG sur un fond de discours ultra-religieux. Je suis totalement étranger à tout cela.
J'ai été stupéfait d'entendre M. Leonetti prétendre que l'on ne peut pas construire un débat sur la bioéthique en y incluant des réponses, qu'il estime sociétales, parce qu'il faudrait traiter d'un côté le sociétal et de l'autre la bioéthique.
En revanche, j'ai été époustouflé par la remarquable démonstration de Gaëtan Gorce, que je n'aurais pas pu faire, car je n'en aurais pas eu les compétences. Il a exprimé mieux que je n'aurais su le faire le fonds de ma démarche intellectuelle et de ma pensée.
Quand on m'oppose l'argument selon lequel ce ne serait pas possible car cela mettrait en difficulté l'égalité entre les hommes et les femmes, j'en reste baba. Un tel argument ne vaut pas une queue de cerise !
J'ai déjà entendu cet argument de l'égalité entre les hommes et les femmes dans cet hémicycle. Même si cela nous éloigne un peu du sujet, je vais donner un exemple car cela montre à quoi servent les arguments qui ne tiennent pas la route.
Il s'agissait du travail de nuit des femmes, dont elles étaient protégées. Au nom de l'égalité on nous a dit qu'il fallait changer cela, afin que les femmes puissent travailler la nuit pour qu'elles soient à égalité avec les hommes et le code du travail a été bouleversé en ce sens.
J'en ai soupé de la thématique égalité homme-femme et je pourrais vous servir d'autres exemples.
On peut être en désaccord avec les opinions des uns et des autres ou les partager en partie. Pour autant, cela n'autorise pas à faire dire à certains ce qu'ils n'ont pas dit.
Je m'associe aux félicitations adressées à Gaëtan Gorce, qui a eu le mérite de montrer qu'il y avait un problème de cohérence.
Force est de constater que deux conceptions de la filiation s'opposent et nous devons affronter ce clivage jusqu'au bout. Il est d'abord une conception purement culturelle, affective, éducative de la filiation : deux adultes décident de fonder une famille et d'avoir ensuite des enfants en utilisant tous les moyens, y compris techniques, pour y parvenir. La seconde conception repose sur un ancrage corporel : il va évidemment de soi qu'avoir des enfants suppose de les aimer et de les élever ; il existe une différence sexuelle et la filiation est bâtie sur cette différence.
Elle est assumée. À partir de là, il ne s'agit pas de savoir si l'assistance à la procréation est médicale ou sociétale.
Il s'agit de savoir ce qu'est la procréation. À cet égard, deux conceptions divergentes s'affrontent. Il ne faut pas rester dans l'hypocrisie et refuser de répondre.
Nous en discutons aujourd'hui et, dans une semaine, aura lieu un débat sur le mariage de personnes de même sexe puis, dans deux semaines, un autre débat sur la possibilité de permettre l'adoption par ces personnes ! À chaque fois, nous cherchons des alibis pour ne pas répondre.
Pour ma part, j'estime que la filiation et la parenté sont fondées sur une différence sexuelle, sur un ancrage corporel, qui est second par rapport à l'affection et à l'éducation. Pour moi, les gamètes ne sont pas qu'un matériau biologique ; ils sont porteurs d'une part d'identité. Je ne les sacralise pas, mais ce n'est tout de même pas rien. Nous en avons d'ailleurs parlé en première lecture. Si j'ai alors voté contre le texte, c'est en raison de cette divergence essentielle entre nous sur la notion de filiation. Mais il est utile que nous ayons ce débat aujourd'hui. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Je vais répondre à Gaëtan Gorce et à Xavier Breton puisqu'ils sont d'accord.
Ils ne nient pas que l'éducatif et l'affectif priment le biologique et le génétique. Si tel n'était pas le cas, l'adoption pleine serait impossible...
…et la filiation dans notre droit serait mise à mal.
Acceptons l'idée qu'il y a une hiérarchie dans l'humain entre le biologique et le génétique d'une part, l'éducatif et l'affectif, d'autre part. Un enfant d'homme livré à lui-même dans la jungle deviendra, vingt ans plus tard, s'il survit, un enfant-loup, pas Mowgli. Si un enfant n'a pas autour de lui les éléments qui lui permettent l'apprentissage du langage, donc de la pensée, il ne peut pas se développer en tant qu'homme. Il faut des hommes autour d'hommes pour faire des hommes. Nous pouvons peut-être être d'accord sur ce point.
Concernant l'homoparentalité, mon questionnement n'est pas de savoir d'où vient le spermatozoïde. Dès l'instant où intervient un don de gamètes, il n'y a rien à ajouter. La seule question pour laquelle je n'ai pas de réponse, est celle de la définition de l'homoparentalité dans notre société. À cet égard, je suis assez d'accord avec Michel Vaxès : il faudra qu'un jour nous nous penchions sur ce problème de manière tranquille et apaisée pour savoir quels sont les éléments qui font filiation.
Nous pouvons dresser deux constats.
D'abord il existe des couples homosexuels qui élèvent des enfants, leurs enfants. Le droit français ne vient pas leur retirer les enfants parce qu'ils seraient en danger. Ces enfants sont-ils plus ou moins épanouis que les autres ? Je n'en sais rien. Pour en avoir connu quelques-uns, j'ai tendance à penser qu'ils ne sont pas beaucoup plus perturbés que les autres, même en cas de séparation entre l'homme et la femme, quand la femme se met en couple avec une autre femme. Or on sait que, dans 90 % des cas, la femme conserve la garde de l'enfant. Je le rappelle parce que c'est une réalité. Dans le même temps, notre droit ne dit pas que l'enfant est en danger. Il a une mère.
Eu égard à l'affectif et à l'éducatif, monsieur Gorce, ce n'est pas le gène qui me dérange dans le fait que l'enfant soit donné à un couple homosexuel. Je m'interroge sur la nécessité – relisons Lévy-Soussan et Ruffo – d'avoir un référent homme et un référent femme.
Le grand frère ou l'oncle peuvent faire office de référent du père lorsque les malheurs de la vie font que le père est mort ou parti. Dans un couple homosexuel de femmes, il y a souvent un homme qui est soit le père séparé, mais identifié, soit un père que les psychiatres appellent le père de substitution, le frère du conjoint par exemple.
Je reconnais tranquillement que je n'ai pas la réponse à mon interrogation.
En revanche, ce que je sais, monsieur Gorce, c'est que la médecine répond à des cas pathologiques. Le raisonnement est un peu basique : à force d'accumuler les syllogismes, le résultat final est en contradiction avec le début. Dans cette optique, je me pose la question de savoir s'il faut aider un couple qui n'est pas stérile à avoir un enfant. Pour moi, la réponse est non, en tout cas pas dans le cadre de ce débat sur la bioéthique, pas dans la médecine. Sinon, nous serons, pour répondre à tous les désirs individuels et à toutes les insatisfactions, obligés d'élargir le champ de la médecine. Très vite se posera la question du remboursement et apparaîtra un système à deux vitesses : si c'est par confort ou commodité, il n'y aura pas de remboursement, alors qu'il y en aura dans le cas d'une pathologie.
Cela signifie que le désir individuel se règle de manière individuelle, mais pas par la loi ou par la société qui viendrait en aide à celui qui se trouve laid et qui demande à ce que l'on répare son visage aux frais de la solidarité nationale. C'est un bon exemple.
Comme nombre d'entre nous, je ne suis pas fermé à l'idée de réfléchir à ces problèmes de société, comme celui des familles monoparentales, véritable phénomène de société.
Toutefois une telle réflexion n'a pas sa place dans le cadre d'un débat sur la bioéthique, un débat de médecine, un débat qui confronte les données actuelles de la science avec l'éthique et le souhaitable par rapport au possible. Nous avons l'habitude de discuter de sujets complexes avec Gaëtan Gorce et nous continuerons.
On n'est pas dans ce débat médical. Nous ne sommes pas à la faculté de médecine. C'est un débat sur la société.
Oui, nous sommes à l'Assemblée nationale mais il s'agit d'un débat sur la bioéthique.
La question est de savoir comment, avec les nouvelles données de la science, apporter la réponse utile à des situations pathologiques ou à des anormalités. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Il est certain que l'orientation sexuelle n'est pas un choix sociétal ; elle s'impose à l'individu.
En revanche, l'homoparentalité est un choix sociétal. Nos difficultés proviennent – et nos débats passionnés et passionnants en témoignent – du fait qu'il faut d'abord poser le statut de la famille homoparentale. De nombreux enfants sont élevés par des couples homosexuels, qui sont de très bons parents ou de moins bons parents, comme tous les parents.
Nous devons commencer par définir le statut des enfants. Quel est l'accès de ces enfants à la protection de l'enfance en cas de séparation du couple, d'héritage, de problème de santé ? Face à ces problèmes, ces enfants sont pour le moment ignorés. Il faut, en préambule à tout futur débat sur la bioéthique, commencer par le débat sur la famille, dont la famille homoparentale qui est aujourd'hui une réalité.
À cet égard, je rejoins Jean Leonetti.
Je souhaite brièvement revenir sur la remarque de M. le rapporteur selon laquelle nous ne pouvions qu'être d'accord sur l'importance de l'affectif et de l'éducatif, et sur son image de l'enfant-loup : non, monsieur le rapporteur, ce ne sont pas les hommes qui font l'homme. L'homme est en chaque homme. Il y a une dignité de l'homme qui n'est pas donnée par les autres hommes.
J'ai à cet égard une conception divergente : je crois qu'il y a quelque chose qui est propre à l'homme et qui ne lui est pas donné par les autres.
Nous en venons aux amendements à l'article 20.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 86 . Le sujet a largement été évoqué au cours du débat.
Je souhaite néanmoins le défendre. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Nous proposons de supprimer la dernière phrase de l'alinéa 3 de l'article 20 : « Le caractère pathologique de l'infertilité doit être médicalement diagnostiqué. » Parce que cette phrase qui a été rajoutée nous paraît superfétatoire.
Comme le débat l'a montré, nous sommes pour le moment dans le traitement des cas d'infertilité, médicalement constatés. Cet ajout est tout à fait inutile. On pourrait même penser qu'il a été ajouté dans un but vengeur par rapport au Sénat.
La suppression de cet alinéa allégerait beaucoup le texte.
(L'amendement n° 86 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. Dominique Souchet, pour présenter l'amendement n°53 .
Cet amendement vise à conserver l'équilibre actuel du texte du code de la santé publique à l'article L. 2141-2 avec l'ensemble des éléments que l'Assemblée avait supprimé, à notre avis à tort, en première lecture, ceux qui fixaient une condition de stabilité minimale du couple.
Cet amendement prévoit que l'homme et la femme formant le couple désireux de bénéficier d'une AMP doivent être vivants, en âge de procréer, mariés ou en mesure d'apporter la preuve d'une vie commune d'au moins deux ans et consentant.
Nous savons que tout projet parental nécessite de la stabilité dans l'intérêt même de l'enfant. La condition relative à une vie commune d'au moins deux ans telle qu'elle figure aujourd'hui dans notre code de santé publique nous paraît répondre à cette exigence de stabilité minimale du couple demandeur d'une AMP et devoir être maintenue.
Sagesse. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Il est pour le moins étonnant, madame la secrétaire d'État, de vous en remettre à la sagesse de l'assemblée sur un tel sujet.
Nous sommes totalement opposés à cet amendement d'autant que, dans l'article L.2141-2 du code de la santé publique, les couples pacsés sont oubliés.
Quant à la durée, pourquoi deux ans et pas quatre ou cinq ? La rédaction adoptée en première lecture était la bonne.
Ce délai de deux ans n'a aucune valeur et il est inutile de le rajouter. De surcroît, les statistiques montrent que plus de 50 % des couples mariés en bonne et due forme – en tout cas dans ma région – se séparent.
J'ajoute que la loi autorise les couples mariés à solliciter une PMA dès le lendemain de leur mariage, alors même qu'ils peuvent se séparer un an après.
Une telle précision n'a donc aucun intérêt.
Elle est discriminatoire, en effet.
On peut se demander quelle logique vous pousse à déposer ce type d'amendement puisque la loi autorise les couples, quel que soit le statut juridique de leur union, à accéder à la PMA.
Essayez d'être cohérents, essayez d'être un peu ouverts, chers collègues, vous nous ferez plaisir et vous gagnerez en intelligence. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Précisons qu'entre le moment où un couple décide de recourir à une PMA et sa réalisation, il s'écoule un grand laps de temps, souvent deux ans. Prévoir un tel délai dans le texte serait donc superfétatoire dans la mesure où, techniquement, le processus de la PMA nécessite deux ans.
(L'amendement n° 53 n'est pas adopté.)
(L'article 20 est adopté.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi relatif à la bioéthique.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma