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Intervention de Jean Leonetti

Réunion du 25 mai 2011 à 15h00
Bioéthique — Article 19 a, amendement 84

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Leonetti :

Est-on bien sûr que la donneuse ainsi amenée par la personne qui a besoin d'un ovocyte fait un don totalement altruiste ? Quand on constate, comme parfois, que les relations affectives sont extrêmement lâches, on peut imaginer qu'il y a eu une compensation rémunératrice. En fait, on accepte qu'il y ait dans notre pays des rémunérations occultes de dons d'ovocytes de gré à gré, validées par les CECOS.

Face à cette réalité, que peut-on faire ? Bien sûr, comme le propose Mme Fraysse, on peut essayer de faire des campagnes, de sensibiliser via le corps médical, mais on voit bien que ce sont les personnes qui ont eu besoin des CECOS qui sont les plus à même de motiver les gens autour d'eux en parlant.

Dans ce contexte, se pose un deuxième problème, bien expliqué par Valérie Boyer et repris à l'instant : la femme procrée entre dix-huit et trente-cinq ans. Pardon de dire des choses qui peuvent paraître futiles, mais si une femme de quarante-cinq ans ressemble aujourd'hui à une femme de trente-cinq ans d'il y a quelques années, son horloge biologique n'a pas pour autant suivi la même évolution. Elle a légitimement un désir d'enfant à un âge où elle n'a pas la possibilité d'en avoir un.

Si on limite le don d'ovocytes aux seules femmes qui ont eu un enfant et si les femmes françaises font leur premier enfant à trente ans alors qu'elles le faisaient à vingt-trois ans il y a trente ans, la capacité de don se situe dans une période raccourcie : entre trente et trente-cinq ans. C'est le résultat que nous obtenons puisque nous avons décidé que seule une mère pouvait donner ses gamètes. Dans ces conditions, il faudrait trouver le moyen d'élargir cette population de donneuses.

Permettez-moi, une petite réflexion : un gamète est une cellule très particulière puisqu'elle porte un patrimoine génétique mais ce n'est pas la moitié d'un enfant. De plus, ce n'est pas parce qu'on a un enfant que l'on peut alors donner la moitié d'un enfant. J'appelle vraiment tout le monde à réfléchir à cette confusion. Si un gamète est une moitié d'enfant, il ne faut pas faire de dons anonymes et gratuits.

Pardon de revenir sur un clivage que nous constatons parfois entre nous : dans la constitution de notre humanité, la génétique et la biologie jouent un rôle inférieur à celui de l'éducation et de l'affection. Le fait de donner ses gamètes n'est pas en soi un acte de paternité ou de maternité partiel.

À partir de ce raisonnement, une question se pose : pourquoi un jeune de vingt ans peut-il donner son rein de manière altruiste – nous avons voté ensemble l'élargissement du cercle des donneurs au-delà de la famille – alors qu'il ne peut pas donner un ovocyte ? N'y a-t-il pas là une contradiction ? N'y a-t-il pas plus de risque à donner son rein qu'à donner un ovocyte ?

Si on va au bout du raisonnement, on voit bien qu'il n'y a pas de raison pour qu'une femme adulte, jeune et libre ne fasse pas un don d'ovocyte : parce qu'elle a été sensibilisée par une campagne, parce que son gynécologue lui en a parlé ou parce qu'elle connaît, dans le cercle amical ou familial, des personnes qui en ont eu besoin, elle peut vouloir le faire de manière altruiste.

Si nous avons dit qu'il fallait avoir un enfant pour pouvoir faire un don de gamètes, ce n'est pas, comme l'a expliqué mon ami Xavier Breton, parce qu'il faut avoir l'expérience de la maternité ou de la paternité, c'est parce que nous avons imaginé l'éventualité où un donneur, après avoir donné des gamètes pour permettre à quelqu'un d'autre d'avoir un enfant à partir d'eux, ne pourrait plus avoir d'enfant. Il serait alors saisi de remords et vivrait dans le regret de savoir que, loin de lui, un enfant porteur de ses gênes est possible, alors que lui-même ne peut pas en avoir un.

C'est donc le regret éventuel de renoncer à une maternité par un accident de la vie qui motivait cette condition au don d'ovocytes, et non la nécessité d'avoir une expérience de la maternité.

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