Ce type de sujet crée des clivages dans chaque groupe, et aucun ne parle d'une seule voix. Pour ma part, je soutiens ce que viennent de dire mes deux collègues. Il est illusoire de penser que l'ouverture du don à des jeunes hommes ou à des jeunes femmes qui n'auraient pas encore été parents augmenterait le pool des gamètes disponibles. Les meilleurs vecteurs pour convaincre de donner sont les couples qui ont reçu des ovocytes ou des spermatozoïdes. Je sais de quoi je parle, et je peux affirmer que ce sont eux les meilleurs vecteurs pour trouver des donneurs ou des donneuses, y compris au sein de leur propre couple, c'est-à-dire celui qui n'a pas de problème.
Les CECOS demandent une vraie journée d'information, comme on en fait sur d'autres sujets, afin de « banaliser », dans une certaine mesure, le don de gamètes en le comparant au don du sang ou au don d'organes, quand bien même ce don implique beaucoup de choses : la conception d'enfants, l'origine de la vie, l'origine de soi, la transmission de son patrimoine.
La mesure proposée à l'alinéa 4 est illusoire. Je ne parle qu'en mon nom, mais peut-être d'autres au sein de mon groupe me suivront-ils. Dans quinze ans ou vingt ans, nos successeurs risquent d'avoir à auditionner des hommes ou des femmes qui auront fait, à vingt ans, ce qui semblait un don de gamètes assez anodin mais qui sera devenu pour eux, à cause d'accidents de la vie, d'une maladie qui les aura rendus stériles, de la perte de leur propre enfant, un don d'enfant. Ils les auditionneront parce que ces donneurs seront dans le désarroi, à la recherche d'enfants quelque part pour moitié à eux. Que leur répondra le législateur, alors ?
Enfin, offrir aux donneurs qui n'ont pas procréé la possibilité de garder pour eux un pool pose un problème technique. Les ovocytes sont fragiles, contrairement aux spermatozoïdes qui peuvent subir plusieurs manipulations, être congelés, recongelés ; ils sont beaucoup plus solides, ce qui vous plaît sans doute, messieurs. (Sourires.) Dire à une femme qu'on lui met de côté quatre ovocytes vitrifiés au cas où un accident de la vie l'empêcherait d'avoir un enfant, c'est lui faire croire à une possibilité qui ne se réalisera pas. Parce que quatre ovocytes seulement, c'est quasiment zéro chance au bout.
Je rejoins donc, en les complétant, les arguments que j'ai entendus. Et je le redis, je m'exprime en mon nom propre.