Les dispositions que tend à introduire cet amendement font partie de l'éventail des solutions de nature à augmenter le nombre d'ovocytes disponibles. Il s'agit de permettre aux centres privés, à but lucratif ou non, de participer aux dons d'ovocytes.
En France, des centres privés, soumis exactement aux mêmes règles et aux mêmes contraintes que le secteur public, réalisent actuellement près de 60 % de l'assistance médicale à la procréation. Les règles, les régimes d'autorisation, les contraintes sont les mêmes : il ne s'agit donc pas d'opposer public et privé.
Dans certaines régions de France, des CHU ayant reçu l'autorisation n'ont réalisé aucun prélèvement d'ovocytes depuis 2004, alors que la demande est en constante augmentation ; dans certains départements, il n'y a que deux dons d'ovocytes par an. On voit bien à quelle pénurie sont confrontées les femmes et les familles qui voudraient bénéficier d'un don. Selon un rapport de l'Agence de la biomédecine, « la demande de don d'ovocytes en France n'est pas satisfaite. Une enquête nationale menée par l'ABM en 2005 a dénombré plus de 1 300 couples en attente d'ovocytes. » Nous voyons donc bien à quelles difficultés se heurtent tous ces couples.
Un rapport de l'IGAS datant du mois de février 2011, fait état de 300 donneuses d'ovocytes se présentant chaque année en France, pour un besoin évalué par la mission à 1 500 à 6 000 nouvelles demandes de prise en charge remplissant les critères exigés par la loi.
Le même rapport propose l'ouverture du don d'ovocytes au secteur privé « de façon encadrée, dans les régions où l'absence du secteur public conduirait à ce que l'AMP avec don d'ovocytes ne soit pas accessible sur le territoire régional ». En somme, en cas de carence du secteur public, le privé pourrait s'occuper du don d'ovocytes.
Des couples peuvent attendre de deux à cinq ans, j'y insiste, un don d'ovocytes, alors même que les chances de succès s'amenuisent à mesure que l'âge de la demandeuse augmente. Ce sont des situations particulièrement douloureuses : après un parcours extrêmement difficile, lorsque l'on est enfin « bon pour le service », pour reprendre l'expression de Mme Lemorton, il faut encore attendre cinq ans ! Une telle attente est particulièrement difficile – certains couples n'y arrivent pas – et réduit les chances de pouvoir avoir un enfant pour les femmes dont l'âge avance. Il en résulte une angoisse permanente.
Selon l'IGAS, cette grande pénurie d'ovocytes explique que 80 à 85 % des couples se rendent à l'étranger – on l'a dit plusieurs fois – pour bénéficier d'un don d'ovocytes. Aucune garantie n'est donnée aux patientes françaises sur la qualité des ovocytes qui leur sont vendus, et très cher, contrairement à ce qui se passerait si cet acte était plus aisé en France. Bien évidemment, ces dons faits à l'étranger ne sont pas soumis aux mêmes autorisations ni aux mêmes contraintes que chez nous, et il n'y a pas de comité d'éthique ; ils ne sont parfois pas anonymes et, en tout cas, jamais gratuits. On pénalise ainsi les familles les moins aisées, à qui le don devient totalement inaccessible, et l'on est confronté, encore une fois, à une situation totalement inégalitaire.
Afin de favoriser le don d'ovocyte, la mission d'information sur la loi bioéthique a identifié plusieurs freins qui peuvent en expliquer la pénurie. Il n'est pas normal que les femmes françaises, à cause de la pénurie dans notre pays, aillent à l'étranger, même si ce n'est pas loin.
Nous n'allons pas faire ce que l'on fait ailleurs et l'objet de cette loi de bioéthique n'est pas d'appliquer les mauvaises pratiques de l'étranger. On entend souvent, sur ces bancs, parler de la marchandisation des corps et des ovocytes : c'est un argument qui me révolte, car ce n'est pas la conception que j'ai de la médecine française. Mes chers collègues, ce n'est pas parce que les dons d'ovocytes seront faits dans des centres privés qu'ils donneront lieu à marchandisation. Comment peut-on dire une chose pareille à des médecins français ?