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Intervention de Nora Berra

Réunion du 25 mai 2011 à 15h00
Bioéthique — Article 12 ter, amendements 17 35

Nora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé :

Le Gouvernement émet un avis favorable, qu'il souhaite assortir de quelques arguments.

D'abord, l'appréciation de la viabilité d'un enfant relève avant tout de la compétence du médecin, qui détermine au cas par cas, en fonction d'éléments cliniques et physiologiques, la capacité d'un nouveau-né de s'adapter à l'environnement extra-utérin et d'y vivre. Cette capacité est établie par un certificat médical, et le critère de viabilité est apprécié pour chaque enfant, afin d'établir la personnalité juridique, source de droit éventuel.

L'article 12 ter, qui substitue à cette appréciation individualisée les deux critères de l'âge gestationnel de vingt-deux semaines et d'un poids foetal d'au moins 500 grammes, pose quelques difficultés.

Je précise que cette demande de suppression ne signifie pas que le Gouvernement est indifférent à la douleur des parents confrontés à la mort foetale ou au décès d'un grand prématuré, bien au contraire. Je rappelle que le Médiateur de la République avait proposé d'adapter notre législation pour prendre en compte la souffrance résultant de la perte d'un enfant sans vie. Dès 1993, l'institution de l'acte d'enfance sans vie apportait une réponse à ce type de situation.

En 2008, à la suite d'arrêts de la Cour de cassation qui nous ont obligés à reconsidérer les principes applicables aux cas d'enfants sans vie, des dispositions réglementaires ont été prises afin de consacrer l'existence de cet enfant par la mention de son prénom sur le livret de famille, ou encore de permettre l'organisation de ses funérailles. En outre, une circulaire a permis aux femmes concernées de bénéficier des prestations sociales qui sont allouées à toute femme ayant vécu une grossesse.

Des réponses ont donc été apportées à la question des droits des femmes ayant perdu un enfant à la naissance.

Le texte présente, ensuite, d'autres inconvénients. Reconnaître automatiquement la personnalité juridique à un enfant né sans vie sur la base de critères anatomiques et, symétriquement, la refuser s'ils ne sont pas remplis, n'est en rien judicieux. C'est la capacité effective du nouveau-né à s'adapter à l'environnement extra-utérin qu'il convient d'apprécier. Pour cela, les seuils qui sont proposés ici ne suffisent pas.

Le cas, observé en Allemagne, d'un enfant qui, né après vingt et une semaines de gestation, s'est avéré viable montre que les progrès médicaux font bouger les lignes et permettent parfois de reculer les limites de la viabilité. Celles-ci n'ont donc pas à être figées dans la loi.

Enfin, l'introduction d'un seuil pour caractériser automatiquement l'existence de la personnalité juridique peut également engendrer de nombreuses difficultés au regard d'autres règles importantes de la législation. Je pense notamment à l'articulation de ces seuils de viabilité avec les interruptions médicales de grossesse, qui peuvent intervenir jusqu'à un stade avancé. Les interruptions médicales de grossesse ne seront pas remises en cause sur le plan du droit, mais ne verrait-on pas se développer la tendance à les anticiper afin de ne pas franchir le seuil instauré ? N'y aurait-il pas un effet de culpabilisation des parents devant y recourir ? De surcroît, les personnels de santé ne se verraient-ils pas chargés d'une responsabilité médicale accrue une fois les seuils atteints ?

L'ensemble de ces raisons justifie la position du Gouvernement, qui demande, lui aussi, la suppression de l'article 12 ter.

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